Godin, B. (1983) En collaboration. L'économie fiction : contre les nouveaux économistes

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    Compte rendu

    par Benot GodinPolitique, n 3, 1983, p. 149-152.

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    URI: http://id.erudit.org/iderudit/040423ar

    DOI: 10.7202/040423ar

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    Document tlcharg le 8 mars 2013 05:37

    Ouvrage recens :

    En collaboration, Lconomie fiction : contre les nouveaux conomistes, F. Maspero,

    collection Textes lappui, 1982, 235 p.

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    RECENSIONS 149

    En collaboration, Vconomie fiction: contre les nouveaux co-nomistes, F. Maspero, collection Textes l 'app ui, 1982, 235 p .

    On remet plus facilement en question des ides admiseslorsque, confrontes la ralit en crise, elles ne parviennentplus rendre compte de l 'empirie. C'est aussi cette croissanced'anomalies, entre autres, qui amne les scientifiques opterpour une nouvelle vision des choses. Voil le schma kuhnienque suit parfaitement bien le courant nolibraliste : en l 'absence d'alternatives valables aux dboires des thories keynsiennes,le courant nolibraliste est parvenu dominer la littratureconomique des dix dernires annes.L,conomie fiction est une analyse critique des thsesnolibralistes vhicules par le montarisme, la rgulationmarchande et l'conomie de l'offre. Le remde des nolibralistes tant le dsengagement de l 'tat, les auteurs tenterontici d'en dmontrer la saveur idologique. Les nouveauxconomistes, ou nolibralistes, tentent d'expliquer les phnomnes politiques et sociaux par les mcanismes du march:les dcisions sont la somme des choix rationnels des individus,c'est--dire des choix orients vers la maximisation d'utilitspersonnelles. Cette vis ion du comportement conomique,dfinie comme le seul comportement rationnel, comporte plusieurs implications.

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    1 5 0 P O L I T I Q U E , 3La premire, de nous rappeler R. Feydman, est une dva

    lorisation du politique, compltement conditionn par l 'conomique: l 'tat est constitu par l 'union des individus en vue deprotger leur proprit. C'est oublier ici que le libralisme estlui aussi un tatisme en ce sens qu'il dtermine les formes socialesdu pouvoir.La deuxime implication thorique, avance par W. An-dreff, est de rendre caduque la notion de firme puisque cequi intresse les nouveaux conomistes ce sont les individus quila contrlent, leurs buts et leurs moyens personnels, bref lesintrts de ses membres. Avec cette notion d'intrts, ou d'utilits, propres chaque individu mais aussi universels, les nouveaux conomistes cherchent justifier un modle qui n'existenulle part ailleurs que dans le discours. C'est ce qu'on appellegnralement une utopie. Le modle conomique classiquetait un modle idal, celui des nolibralistes un modlefictif.L. Gillard va encore plus loin dans l'analyse du courantnolibraliste en montrant que logiquement ce n'est pas l 'individualisme qui est le point de dpart mais bien plutt le prin-cipe d'conomicit lui-mme, c'est--dire la capacit de choisiren fonction des disponibilits. C'est ce principe qui conduitaux concepts d'individus et de rationalit, et non le contraire.Le nolibralisme n'est pas un discours sur la ralit, mais ilcre lui-mme la socit, et c'est pour cette raison qu'il ne peutexpliquer pourquoi tel choix plus qu'un autre a t fait :

    parmi l 'ensemble des possibles, c'est une seule solution qui survientfinalement chaq ue inst ant. Et on pe ut supposer que c'est la m eilleure, faute de quoi l 'homme aurai t disparu depuis longtemps de laplante. En dmontrant que la capacit de choisir produit l 'homme,on rend possible une analyse qui fonde l'essence mme de la socit(162)L'conomie fiction est un des rares ouvrages de critique philosophique et idologique du courant nolibraliste.

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    RECENSIONS 151Extrmement bien document, tant au niveau de la quantit desrfrences bibliographiques que de leur qualit (priode couverte, auteurs cits), cet ouvrage collectif runit les textes dequatre universitaires franais et deux chercheurs du CNRS(Paris). Adoptant une perspective pistmologique, les auteursdterrent les limites de la thorie (R. Tartarin: Thorie conomique de l 'histoire), comparent cette dernire l 'empirie(F. Michon : phnomne de chmage) et font ressortir les limitesde la mthode (L. Gillard: thorie du consommateur).Les deux critiques gnrales qu'ils adressent au modleconcernent la rationalit prte tout individu, et l 'absenced'une tude des phnomnes de dcision dans leurs aspectssociaux. Effectivement, la thorie conomique gnralise lanotion de rationalit: tout individu est suppos maximiser sesintrts personnels. Pourtant, on sait bien que cette rationalitest toute relative, interne un systme et en rapport aux conditions structurelles qui la constituent (R. Frydman).Quant l'absence d'une sociologie dans la thorie, il estvrai que les nolibralistes refusent de voir dans la politique lelieu d'exercice du pouvoir d'individus aux forces dissymtriques. Cependant, ces critiques contrastent en un sens avec lapertinence du livre puisqu'on peut leur assigner les mmeslimites: elles se veulent universelles, et elles sont teintes d'unparti-pris idologique.La cri t ique du principe d 'conomicit, ou rat ionali tconomique, rejette tout comportement goste des individus,sans mme relever certains types de dcisions o il s'appliquerait ou certaines composantes d'une dcision o il aurait plus depoids. Contrairement ce que laissent entendre les auteurs,le courant positiviste en science politique est assez clairant:bien que dficientes certains gards, les thories de A. Downset M. Oison ont appor t un lment de plus l 'analysedes phnomnes politiques et sociaux, celui de la prise en

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    152 POLITIQUE, 3considration des intrts individuels un moment ou l 'autredans les processus de dcision. Les limites de ce courant montrent bien qu'il existe d'autres facteurs, mais aussi que les intrts individuels ne sont pas non plus ngliger.Ensuite, parler de sociologie n'implique pas ncessairement une analyse marxiste. Acceptant personnellement la grillemarxiste, la rigueur scientifique m'empche tout de mme dednigrer et de passer sous silence les dveloppements rcentssur le modle rationnel. Provenant principalement de la sciencepolitique plutt que de l 'conomique, ces tudes tentent maintenant d'incorporer une perspective plus dynamique et socialedans le modle, notamment l 'aide de la thorie des jeux, etde se rapprocher des observations empiriques grce la vrification du modle.Si, pour les auteurs, l'analyse marxiste se prte si biencomme remde l 'analyse conomique, c'est peut-tre que lathorie marxiste n'est pas si loigne des thses individualistesen ce qu'elle dfinit la socit par les intrts (gostes) declasse.

    Benot GodinUniversit Laval