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AZB 8015 Zurich Greenpeace Member 2/2010 Nucléaire: la Suisse ferme les yeux devant la possible catastrophe page 4 Atome: écobilan enjolivé page 8 International: le nouveau chef page 10 Climat: fonte du permafrost page 14 Stratégie: plainte climatique et droit inter- national page 18 Engagement: écologie au bord de la Méditerranée page 20

Greenpeace Magazine 2010/01

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Greenpeace Member2/2010

Nucléaire: la Suisse ferme les yeux devant la possible catastrophe page 4

Atome: écobilan enjolivé page 8 International: le nouveau chef page 10

Climat: fonte du permafrost page 14 Stratégie: plainte climatique et droit inter­

national page 18 Engagement: écologie au bord de la Méditerranée page 20

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Succès pour les forêts anciennes de Finlande

Après neuf ans de conflit impliquant divers acteurs et une campagne Greenpeace de longue haleine, les huit dernières grandes forêts anciennes du nord de la Finlande sont enfin protégées. La surface désormais préservée comprend 96 000 hectares de forêt et 9 300 hectares de terrain destiné à être exploité de la manière la plus écologique possible. La Finlande est un impor-tant fournisseur de papier pour la Suisse. Conseil: utilisez du papier recyclé chaque fois que c’est possible – et sinon du papier certifié FSC.

Centrale au charbon de Dörpen: projet abandonné

Le projet de centrale au charbon de Dörpen (Allemagne) est définitivement abandonné. En janvier 2009, l’entreprise bernoise BKW FMB Energie avait obtenu le prix Public Eye Award pour sa participation au projet – un prix de la honte décerné à la pire entreprise de l’année par Greenpeace et la Déclara-tion de Berne. Greenpeace appelle BKW FMB et tous les autres fournisseurs suisses de courant à renoncer à des participations dans des centrales au char-bon et à miser sur les énergies renouvelables, en Suisse et dans le monde.

Unilever casse ses contrats avec Sinar Mas

Fin 2009, Unilever, le plus important transformateur d’huile de palme, annonçait la résiliation de ses contrats avec Sinar Mas, le plus grand destructeur de forêts d’Indonésie. Greenpeace estime qu’avec sa production d’huile de palme et ses plan-tations pour la fabrication de papier, le groupe Sinar Mas rejette trois fois plus de dioxyde de carbone que la Suisse dans la seule province de Riau. Il s’agit main-tenant d’appeler les autres grands groupes à mettre fin à leurs contrats avec Sinar Mas, tant que l’entreprise ne changera pas de comportement. Les consom-mateurs peuvent exercer une pression en demandant aux commerçants et fabricants de renoncer à l’huile de palme provenant de la destruction des forêts anciennes.

Une étude confirme les risques sanitaires du maïs transgénique

Réalisée par des scientifiques français, l’étude indique clairement l’existence de risques pour la santé en lien avec trois variétés de maïs transgénique lan-cées par la firme états-unienne Monsanto: MON810, MON863 et NK603. Greenpeace demande l’interdiction de toute dissémination d’organismes gé-nétiquement modifiés. Conseil: achetez des produits locaux et écologiques.

Le ProjetSolaireJeunesse à Muttenz

Depuis peu, le toit du bâtiment scolaire de Margelacker, à Muttenz (BL), est doté d’une installation solaire photovoltaïque. Le système présente une puis-sance de crête de 20 kilowatts et une surface d’environ 200 mètres carrés. L’initiateur du projet est Jonas Rosenmund, un gymnasien de 19 ans qui a consacré plus de 100 heures de travail à ce projet. Il a convaincu la commune et les investisseurs et a ainsi réuni 150 000 francs. Ont également contribué au succès du projet la coopérative Solarspar, l’entreprise Megasol, le WWF Bâle, des particuliers, la commune de Muttenz et le ProjetSolaireJeunesse de Greenpeace. www.jugendsolarprojekt.ch

Caravane camerounaise pour le climat mondial

A Yaoundé, la fête de départ de la caravane du climat a réuni Greenpeace, l’organisation non gouvernementale Centre pour l’écologie et le développe-ment CED, la population et les représentants du gouvernement. La caravane se dirige vers les régions rurales pour y présenter les techniques solaires. Le projet prévoit aussi la création de pépinières et des mesures de reboisement. Dans les forêts anciennes du sud du pays, il s’agira de thématiser la protec-tion de la forêt et une exploitation forestière durable.

Infos sur la vie de Greenpeace

En bref

Photo de couverture:Des militants Greenpeace pénètrent dans la centrale nucléaire de Borssele et peignent une fissure géante sur le dôme du réacteur. © Greenpeace / Joël van Houdt

Greenpeace/Snellman

Greenpeace/Franco

Votre avis nous intéresse!

Vous avez la possibilité de réagir ou de commenter les sujets traités dans le magazine: www.greenpeace.ch/magazinePour les lettres de lecteur, le délai est le 15 juin 2010, à [email protected] ou à l’adresse postale de la rédaction (voir en page 3).

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Greenpeace/Fojtu

Editorial de Kaspar Schuler

Sommaire Magazine greenpeace 2010, no 2

Offre exclusive: votre carte de zone*! Car votre sécurité nous tient à cœur.

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AtomeFaire comme si la catastrophe n’était pas possibleLes projets de nouvelles centrales nucléaires suisses ignorent l’im-pact d’un accident majeur comme celui de Tchernobyl.

AtomeLe comprimé d’iode, un calmant distribué par les autoritésLe dispositif d’urgence en cas de catastrophe nucléaire est insuffisant.

AtomeEcobilan enjolivé pour Beznau L’entreprise Axpo affirme que sa centrale nucléaire de Beznau est respectueuse du climat. Au passage, elle omet des éléments décisifs.

ForêtsMauvaises nouvelles pour les forêts anciennesLe sommet climatique de décembre dernier s’est terminé sans ré-sultats. La protection des forêts tropicales est bloquée.

International«Renforcer la mobilisation citoyenne»Interview du nouveau directeur de Greenpeace, Kumi Naidoo.

ClimatUne terre qui s’enfonce dans les flots Conséquence oubliée du changement climatique: la fonte du per-mafrost menace la toundra et ses habitants.

ClimatIntégrer la protection du climat au droit internationalUne nouvelle stratégie de protection de l’environnement.

EngagementLa conscience écologique progresse au BosphoreLe travail du bureau Greenpeace pour la Méditerranée à Istanbul.

PersonnelForce féminineMichelle Ndiaye Ntab, nouvelle cheffe de Greenpeace Afrique

Actif

Mots fléchés écolos, recette

Votre opinion / Adhérents, informations internes

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Impressum Greenpeace Member 2/2010

Editeur/adresse de la rédaction Greenpeace SuisseHeinrichstrasse 147, case postale, 8031 Zurichtéléphone 044 447 41 41, téléfax 044 447 41 99

www.greenpeace.ch, CCP 80­6222­8

Responsable équipe de rédaction_Tanja KellerRédaction photo_Hina StrüverRédaction/production du texte_Heini Lüthy, ZurichTraduction en français_Nicole Viaud et Karin VogtMaquette_Sofie’s Kommunikationsdesign, Zurich

Impression_Zollikofer AG, Saint­GallPapier_Cyclus Offset 100% recycléTirage _121 000 ex. en allemand _22 500 ex. en françaisParution_Paraît quatre fois par an

Le magazine greenpeace est adressé à tous les adhérents Greenpeace (cotisation annuelle à partir de CHF 72.–). Il peut refléter des opinions qui divergent des positions officielles de Greenpeace.

Voici comment nous pourrions présenter la carte jointe à ce magazine, si l’humour était de mise dans la situation actuelle. La Suisse exploite cinq centrales nucléaires. Le manteau qui entoure le cœur du réacteur de Müh-leberg, la troisième en âge, présente des fissures. Ces fissures s’allongent et s’approfondissent. Malgré les interrogations concernant les aspects tech-niques et les recours judiciaires en suspens, la centrale nucléaire a reçu une autorisation d’exploitation illimitée en 2009.

La centrale de Beznau compte 41 ans d’exploitation, c’est le plus vieux réacteur à eau pressurisée du monde. Or, des travaux de réparation urgents ont été reportés à 2011, voire même à plus tard.

Ces décisions sont le fait de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire IFSN. C’est une institution qui ressemble beaucoup à la FINMA, l’autorité de surveillance des marchés financiers. Toutes deux sont utiles en situation nor-male, mais échouent en situation de crise. Car le personnel de ces autorités de contrôle est composé de professionnels de la branche, qui ont le même horizon intellectuel que les responsables des entités qu’ils sont censés surveiller. Entre connaissances, on se comprend, et on se fie aux mêmes modèles de calcul ma-thématique des risques. Dans cette logique, le quotidien est une machine bien huilée, tant dans la finance que dans le nucléaire. Mais qu’en est-il le jour où survient un accident que l’analyse de risque estime hautement improbable?

La crise financière a vu fondre des avoirs financiers gigantesques. Elle frappe durement les économies et les entreprises, avec d’importantes des-tructions de postes de travail à travers le monde.

Dans le cas des centrales nucléaires, la catastrophe survient de manière bien plus directe et brutale: le cœur de la centrale fond, et l’«accident maxi-mal prévisible» irradie la Suisse et sa population.

Pour faire face à une telle situation, les autorités ont prévu un dispositif en cas de catastrophe. Ce dispositif divise la Suisse en plusieurs zones, qu’il est utile de connaître. Car comme les crises financières, les catastrophes atomi-ques interviennent quand le temps est au beau fixe. Par exemple au printemps, comme le 26 avril 1986 qui a vu les terrifiants événements de Tchernobyl.

Kaspar Schuler est codirecteur de Greenpeace Suisse.

*La pochette de la carte de zone, sur la couverture du magazine, sert à la protéger. Nous vous prions donc de ne pas la jeter. Elle est en polypropy-lène, une matière synthétique écologique et recyclable. Si vous ne souhai-tez pas conserver cette pochette, vous pouvez la retourner à la rédaction. Nous l’éliminerons dans les règles de l’art ou la réutiliserons.

Nous avons changé le rythme de publication de notre magazine. La prochaine édition paraîtra en août.

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Texte Martin Arnold et Urs Fitze

Le nucléaire semble d’actualité en Suisse, si l’on considère les projets de nouvelles cen­trales nucléaires et la prolongation des auto­risations d’exploitation. Le lobby atomique tire profit de la discussion sur le climat pour présenter l’énergie nucléaire comme une al­ternative respectueuse de l’environnement. Les promoteurs du nucléaire taisent tout simplement les risques de catastrophe.

«Ceux qui restent, ce sont ceux qui ne peuvent pas partir», explique tristement Ivan Krimov. Il est gouverneur du district d’Ivankik, qui comptait 16 000 habitants en 1986. Aujourd’hui, il en reste

500 qui ne cultivent plus que 20% des terrains agricoles. Situé à 20 km de Tchernobyl, Ivankik ne fait pas partie de la zone interdite. Mais la po-pulation n’a aucun avenir, même près de 25 ans après la catastrophe.

Les habitants de Mayak, au pied de l’Oural, sont dans la même situation. C’est le site du pre-mier accident nucléaire majeur de l’histoire. Le 29 septembre 1957 voit l’explosion d’une cuve de déchets radioactifs provenant de la produc-tion de bombes atomiques. Le nombre des per-sonnes tuées ou décédées plus tard des séquelles de l’irradiation est inconnu. La terre des jardins analysés par Greenpeace Russie présente encore aujourd’hui, 54 ans plus tard, une teneur en pluto-nium dix fois supérieure à la valeur normale.

Au lieu de parler de sécurité,parlons enfin des risques

La petite rivière de Techa est également ir-radiée. Il y a encore vingt ans, les habitants na-geaient et pêchaient dans l’eau de la rivière, sans que les autorités signalent quelque danger que ce soit. Gosman Kaïrova est l’un de ces habitants. «Je vis, un point c’est tout», dit-il. Son corps est expo-sé à une forte radioactivité depuis son enfance. Le fait qu’il survive est un mystère pour la médecine. Parmi ses connaissances et amis, beaucoup sont morts depuis longtemps.

Les constructeurs et les exploitants de centra-les nucléaires (CN) doivent en principe s’attendre à la catastrophe. La Suisse possède un dispositif de protection de la population dont le cadre juri-dique est actuellement en révision. Or l’ampleur maximale possible de la catastrophe est contro-

Greenpeace/De Mildt

Atome

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versée. En effet, les mesures de protection prévues dépendent largement du scénario retenu.

Pourquoi la révision totale ne tient-elle pas compte des expériences de la catastrophe du réacteur de Tchernobyl? «C’était un compromis typiquement suisse, basé sur les analyses de ris-ques de plusieurs experts de la Confédération, des cantons et de la communauté scientifique», admet Marc Kenzelmann, chef du Bureau de protection ABC nationale. Le scénario de compromis se situe à mi-chemin entre les événements de Tchernobyl et un sinistre que l’on pourrait plutôt qualifier d’incident.

L’accident qui sert encore aujourd’hui de réfé-rence est la fonte partielle du cœur d’un réacteur survenue le 28 mars 1979 sur le site de Three Mile Island, près de Harrisburg (Pennsylvanie, USA). Les analyses ultérieures de la commission améri-caine de protection ont conclu qu’il fallait prévoir des mesures de protection dans un périmètre de dix miles autour d’un réacteur. La Suisse a repris ces calculs. La zone 1 comprend donc un périmè-tre de 3 à 5 km, la zone 2 un périmètre de 20 km autour d’une CN.

Marc Kenzelmann affirme que la pollution radioactive liée à un accident n’est pas particu-lièrement grave hors des périmètres définis et qu’il n’y a donc pas lieu de prévoir des mesures d’urgence pour ces régions. Pour les zones 1 et 2, les autorités distribuent des comprimés d’iode. Ingérés immédiatement après un accident nu-cléaire, ces comprimés bloquent l’absorption de l’iode radioactif disséminé suite au sinistre. Par contre, aucune protection sous forme de médi-cament n’existe contre les gaz radioactifs nobles que sont le xénon, le néon et l’argon, ou contre les autres produits de fission comme le césium et le strontium. Pour se protéger, il ne reste que l’abri ou l’évacuation.

La Suisse ne compte que des réacteurs à eau bouillante et à eau pressurisée. Les réacteurs au graphite comme celui de Tchernobyl n’existent pas dans notre pays. Mais l’accident de Three

Les vieux réacteurs comme celui de Mühleberg, en activité depuis 1972, peuvent présenter des fissures du manteau du cœur. Une action de militants Greenpeace de 2006 illustre ce danger par une fissure symbolique peinte sur la coupole de la CN de Tihange (Belgique), presque aussi vieille que celle de Mühleberg.

Limina/Ex­Press/Greenpeace

finalement aux pouvoirs publics d’assumer les coûts d’une orientation désastreuse en termes de politique énergétique.

Les réactions face à la perspective d’un grand sinistre font penser au cas d’un blessé grave qu’un chirurgien rafistolerait sans trop se soucier de la future qualité de vie du patient. La protection en cas d’urgence, n’est-ce pas ce chirurgien désin volte qui décide des mesures à prendre dans les heures et les jours qui suivent l’accident, sans considérer l’avenir?

La véritable portée de la catastrophe maxi-male concevable est illustrée par un scénario en cas d’accident élaboré en 2006 par la commission fédérale pour la protection ABC. Il prévoit l’ex-plosion d’une bombe nucléaire dans le sud de l’Al-lemagne, provoquant une irradiation grave de la Suisse sur plusieurs milliers de mètres carrés. Il y aurait un effondrement de l’économie et de l’agri-culture des régions touchées, et d’innombrables personnes mourraient de cancer à moyen terme. Or, dans ce cas, les coûts sont estimés à plusieurs centaines de milliards de francs.

Un autre scénario possible serait une attaque terroriste contre une CN, par exemple au moyen de l’écrasement provoqué d’un avion de transport. Marc Kenzelmann estime qu’une telle opération serait très difficile, même pour un pilote expé-rimenté. Pourtant, il faut rappeler que les CN renferment davantage de matériaux radioactifs qu’une bombe atomique. En 2005, dans une éva-luation des risques intitulée «Katarisk», l’Office fédéral de la protection de la population esquis-sait un scénario similaire lié à un grave accident.

Mile Island concernait bien un réacteur à eau pressurisée. Et il y a des parallèles entre ce dernier accident et Tchernobyl, à savoir des défauts tech-niques conjugués à des défaillances humaines gra-ves. Or les CN suisses sont elles aussi entretenues par un personnel humain. Pourtant, les experts continuent d’exclure la possibilité d’une catastro-phe comme Tchernobyl en Suisse, arguant de la différence du type de réacteur.

C’est ainsi que la révision de l’ordonnance sur la protection en cas d’urgence s’en tient au mo-deste périmètre de protection défini à Three Mile Island. Elle se borne à préciser les compétences

respectives des cantons et des communes d’im-plantation des sites nucléaires. Le but est surtout de régler les questions liées à des fusions de com-munes, dont les nouvelles limites les font parfois figurer dans deux zones différentes à la fois. Un autre problème à redéfinir concerne la responsa-bilité civile de la CN en cas d’accident. La somme de couverture maximale est fixée à 1,8 milliard de francs. «Cet argent doit être disponible immédia-tement après l’événement. Si les coûts dépassent cette limite, l’exploitant de la CN endosse une res-ponsabilité illimitée», explique Christian Plaschy, spécialiste en droit à l’Office fédéral de l’énergie. Mais que se passe-t-il en cas d’insolvabilité du res-ponsable de la catastrophe? Dans ce cas, ce serait

La révision totale du dispositif suisse pour les accidents nucléaires

ne tient aucun compte de l’expérience de Tchernobyl.

La sécurité absolue n’existe pas: en 2003, des militants Greenpeace parviennent facilement à

entrer sur le site de la CN de Leibstadt.

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«Après le passage du nuage radioactif, il resterait dans la région (dans un rayon de 100 km envi-ron) une contamination des sols qui empêcherait une utilisation de ces terrains pendant plusieurs décennies pour l’agriculture, la pisciculture et la sylviculture. Certaines régions seraient tellement contaminées que la population devrait en être éva-cuée à long terme. Les nappes phréatiques, les lacs et les rivières des régions contaminées seraient aussi radioactifs. De gros problèmes d’approvi-sionnement pourraient en être la conséquence.» Le périmètre indiqué comprend des villes comme Zurich, Bâle ou Berne, qui pourraient être diver-sement touchées selon la direction du vent.

Au vu des impacts dramatiques d’une catas-trophe nucléaire, il faut conclure que le disposi-tif de protection en cas d’urgence est insuffisant. Mais même ce niveau déjà extrêmement modeste est remis en question. L’entretien des abris publics est souvent négligé par manque de finances, alors que les abris antiatomiques peuvent sauver des vies en cas de sinistre de grande envergure.

Même la génération la plus récente de CN n’offre pas de garanties de sécurité lors de la construction et de l’exploitation. Il subsiste tou-jours un risque. Que ce risque soit réduit, le prix à payer en cas de catastrophe reste inimaginable. Et il ne pèserait pas que sur les exploitants, mais sur nous tous.

Martin Arnold et Urs Fitze sont journalistes indépendants auprès du Pressebüro Seeland, Saint-Gall.

WWW

Davantage d’infos sur: www.greenpeace.ch/fr/campagnes/atome

Texte Franziska Rosenmund Enquête Claudio De Boni Photos zvg

L’ordonnance de la Confédération sur la pro­tection en cas d’urgence nucléaire est to­talement insuffisante. Greenpeace a voulu connaître la réaction des jeunes à ce sujet.

Les mesures prévues par la Confédération en cas d’urgence suite à un accident nucléaire découpent les régions au voisinage des centrales en deux zo-nes: la zone 1 recouvre les ménages distants de 3 à 5 km, la zone 2 concerne une aire de 20 km autour de la centrale. Selon la gravité du sinistre, les personnes vivant dans ces deux zones seront soit évacuées, soit elles recevront des comprimés d’iode. Le reste de la Suisse constitue la zone 3, pour laquelle aucune mesure n’est prévue.

En cas d’accident maximal prévisible – un événement se développant de manière extrême-ment rapide et rejetant de grandes quantités de radioactivité dans l’atmosphère – les régions si-tuées dans un rayon de plus de 20 km seraient également irradiées, y compris les pays voisins. De grandes étendues devraient être évacuées. Même si la probabilité d’une telle catastrophe est faible, la population suisse bénéficiera d’une protection largement insuffisante face à un tel si-nistre et ses impacts dévastateurs (voir également page ci- contre).

Greenpeace a procédé à une petite enquête dans la rue en interrogeant les gens à ce propos.

«C’est absurde. Pour la grippe H1N1, on fait des campagnes massi-ves. En cas d’incident nucléaire de gravité moyenne, la popula-tion est informée au compte-gouttes. Et si la catastrophe survient, on ne fait rien pour

protéger les gens. Les défaillances humaines, cela peut arriver partout. L’ordonnance est irrespon-sable et cynique.»Stefanie Kuhn, 29 ans, institutrice, Undervelier JU

«Je me demande si c’est utile de découper ce pe-tit pays en plusieurs zo-nes, sans même prévoir des mesures de protec-tion. Très rapidement, le vent diffuserait les gaz radioactifs sur des larges étendues. Les autorités ferment ap-

paremment les yeux et espèrent qu’il n’arrivera jamais rien. Ce n’est pas ce que j’entends par pro-tection de la population.»Martin Neukomm, 23 ans, ingénieur, Winterthour

«Quelle ironie! Je suis Bernoise et je reçois des cachets d’iode pour me protéger, à cause de la proximité de la CN de Mühleberg. En se-maine, je vis à Winter-thour, qui ne connaît aucune mesure d’ur-gence. Je conserve mes

comprimés d’iode à Winterthour, bien qu’ils ne soient pas d’un grand secours en cas de sinistre.»Natalina Töndury, 23 ans, étudiante, Berne et Winterthour

«Depuis qu’on ne parle plus que de CO2 en matière d’énergie, les risques liés aux centra-les nucléaires semblent oubliés. Il n’y a qu’à voir l’insuffisance des mesures d’urgence, ou encore les sommes ri-dicules imposées aux

exploitants des CN au titre de la responsabilité civile en cas d’accident grave.»Fabio Baer, 30 ans, informaticien de gestion, Gossau ZH

«En cas de pollution nucléaire, vivre dans telle ou telle zone, quelle importance?»

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«Si ça pète, vivre dans telle ou telle zone, quelle importance? Je doute qu’un comprimé d’iode pris sur ordonnance des autorités me tirerait d’affaire. Par contre, je suis preneur pour un bon concept de sortie du nucléaire.»

Markus Gross, 27 ans, journaliste, Winterthour

Tant que des centrales resteront en activité, per-sonne ne peut exclure un accident nucléaire de grande envergure. Il est impératif de prévoir des mesures pour le pire scénario possible, le «worst case», c’est-à-dire la catastrophe maximale envi-sageable. A l’automne 2009, Greenpeace a donc participé à la consultation sur la révision de l’or-donnance sur la protection en cas d’urgence, en demandant un meilleur concept de protection. Concrètement:

• un concept de protection en cas d’urgence qui protège effectivement la population de Suisse et des pays voisins face aux conséquences d’une catastrophe nucléaire, notamment en définis-sant des zones de protection bien plus grandes;

• l’obligation pour les exploitants des CN de financer l’ensemble des dépenses liées à la protection en cas d’urgence.

Les prises de position sont actuellement en cours d’évaluation. Le Conseil fédéral statuera probable-ment cet automne sur la révision de l’ordonnance sur la protection en cas d’urgence.Mais la meilleure prévention des accidents nucléai-res majeurs consiste à renoncer à toute nouvelle centrale nucléaire. En effet, l’énergie atomique re-présente un risque que nous ne devons plus endos-ser aujourd’hui. Car l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables permettent un avenir éner-gétiquement sûr et écologiquement responsable.

Franziska Rosenmund est chargée de la commu-nication auprès de Greenpeace Suisse.

Claudio De Boni est journaliste indépendant et travaille régulièrement pour Greenpeace.

Deux sites Internet présentent des infos de fond sur le nucléaire:

Uranstory.ch:Les dossiers embarrassants de l’industrie nucléaire.

L’énergie atomique est tout sauf propre. Cha-que étape de transformation du combustible qu’est l’uranium produit des déchets toxiques qui menacent les êtres humains et la nature. Sur le site www.uranstory.ch, Greenpeace pré-sente des éléments factuels qui ne se lisent pas dans les brochures sur papier glacé et les publi-reportages du lobby nucléaire. Condensés in-formatifs, animations, vidéos et galeries pho-tos expliquent la chaîne de transformation de l’uranium, de l’extraction au retraitement. Le problème irrésolu du stockage définitif est abordé, tout comme le risque de prolifération d’uranium à usage militaire.

Electricitesure.ch:Un avenir sans courant nucléaire est possible.

Faut-il craindre la pénurie d’électricité, si l’on s’oppose à la construction de nouvelles centra-les nucléaires? Non, telle est la conviction de Greenpeace. L’avenir énergétique suisse sans nouvelles CN est explicité sur www.electrici-tesure.ch. Le site répond à une série de ques-tions: les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique sont-elles suffisantes pour couvrir nos besoins? Quel gain en termes de sécurité, si la Suisse alloue les milliards prévus pour le nu-cléaire à une alimentation énergétique écologi-que? Et comment financer le tournant énergéti-que? Le site www.electricitesure.ch documente la voie de la Suisse vers un avenir renouvelable.

Les accidents nucléaires, une réalité en Suisse égalementLe dernier grand accident nucléaire suisse, celui de Lucens en 1969, date de plusieurs décennies. Mais ces dix dernières années, les cinq CN suisses ont annoncé 130 incidents – c’est en moyenne un sinistre par mois. Le plus grave s’est produit en 2009 à Beznau. Deux collaborateurs ont été irradiés lors de travaux de révision. Leur dose annuelle de radioactivité ayant été dépassée, l’inspection de la sécurité nucléaire IFSN a fini par porter plainte. Du point de vue de la gestion d’entreprise, le problème du générateur de Leibstadt, en 2005, constitue l’événement le plus lourd. L’exploitation a dû s’arrêter pour une durée de six mois.

WWW

Davantage d’infos sur: www.greenpeace.ch/fr/campagnes/atome

Vous trouverez sur ce site une liste des événements des 50 dernières années, classés par niveau de gra-vité, de 3 (incident grave) à 7 (catastrophe), sur l’échelle internationale de classement des événements nucléaires INES.

Greenpeace/Reynaers

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ment. Ainsi, la perte s’avère être de 12% au total. Cela pèse naturellement sur l’écobilan – et c’est une erreur qui n’aurait pas dû se produire. Autre exemple: la déclaration environnementale tient très mal compte des émissions toxiques liées par exemple aux métaux lourds ou aux substances radioactives. Or dans le cas d’une CN, l’étude de ces émissions est beaucoup plus pertinente que la question du CO2.

Mais combien de CO2 se dégage-t-il réellement d’un kilowattheure de courant de Beznau, si l’on calcule correctement?

Les rejets de CO2 s’élèvent probablement au double de ce qui est déclaré. Mais là n’est pas le problème. La grande question est le «burden shif-ting», le déplacement du fardeau de pollution.

Pouvez-vous expliquer ce terme?On choisit un angle d’approche très étroit,

comme l’a fait Axpo, en ne retenant qu’un seul aspect environnemental, c’est-à-dire l’argument du climat. Cela permet une conclusion hâtive: le nucléaire, c’est super. Or si l’on examine l’ensem-ble de l’écobilan, on voit bien que cela ne peut pas être vrai.

Gabor Doka (45 ans) a fait des études de chimie à l’université de Zurich. Depuis 1992, il est spécia-liste en écobilans et mène son propre bureau de re-cherche à Zurich. Son domaine d’activité concerne surtout l’élimination des déchets et les décharges. Il y a deux ans, il a analysé la pollution issue de l’extraction d’uranium, pour le compte du Paul Scherrer Institut (PSI). Du fait de ses calculs, l’éco-bilan du courant atomique inscrit à «ecoinvent», qui est probablement la plus importante banque internationale de données écologiques du monde, s’est instantanément divisé par le facteur 2,7.

Susan Boos est rédactrice auprès de l’hebdoma-daire suisse alémanique «WOZ Die Wochen-zeitung».

WWW

Davantage d’infos sur ce thème: www.greenpeace.ch/fr/campagnes/atome

Greenpeace

Greenpeace/Schaublin

Interview Susan Boos

Sur mandat de Greenpeace, Gabor Doka a rédigé une expertise concernant la déclara­tion environnementale de la CN de Beznau. Conclusion: Axpo élude des éléments déci­sifs.

Le géant de l’énergie Axpo a publié un écobilan, c’est-à-dire une déclaration environnementale, pour sa centrale nucléaire de Beznau. Un kilo-wattheure de courant produit à Beznau ne pro-duirait que 3 grammes de CO2. Tout va bien pour l’environnement à Beznau?

Gabor Doka: C’est vrai que le courant ato-mique génère relativement peu d’effluents gazeux nuisibles au climat. Ce constat n’est pas nouveau, et il faut dire que le CO2 ne représente qu’une par-tie des pollutions.

Bien, mais 3 grammes de dioxyde de carbone, cela semble quand même une valeur record. D’autres calculs aboutissent à des résultats nettement moins bons. Beznau est donc vraiment une CN meilleure que les autres?

C’est une question compliquée, qui fait inter-venir le système EPD…

Qu’est-ce que c’est?Axpo a rédigé sa déclaration environnemen-

tale selon un système internationalement certifié qui s’appelle EPD, afin de permettre une compa-raison de ses résultats. Mais ceux-ci dépendent d’une foule d’aspects, par exemple de la prove-nance de l’uranium.

Début février, Axpo réagissait à une étude de Greenpeace: l’entreprise admet que l’uranium ne provient pas d’anciennes armes nucléaires, comme

elle l’avait prétendu, mais de réacteurs de propul-sion navale russes et de réacteurs de recherche. Quel est l’impact de cet aveu sur l’écobilan de Beznau?

Cela dégrade évidemment l’écobilan, car cet uranium doit d’abord être retraité, sinon il ne peut pas être utilisé. La procédure de recyclage demande beaucoup d’énergie et pollue fortement l’environnement, deux éléments qu’il faut ajouter au bilan du courant nucléaire. De plus, si le recy-clage se fait dans des installations problématiques comme celle de Mayak, dans l’Oural, l’écobilan se détériore encore davantage, car les sites de pro-ductions vétustes sont susceptibles de nuire grave-ment à l’environnement.

Ces prochains mois, Axpo entend mener des investigations en Russie pour identifier plus précisément les installations et les conditions de production du combustible utilisé à Beznau. Pourquoi les donneurs d’ordre connaissent-ils si mal la chaîne de production?

Les exploitants des CN ne disposent manifes-tement pas de données précises. On peut penser qu’ils devraient exiger une information transpa-rente de la part de leurs fournisseurs russes, étant donné l’importance de la question. Ce qu’ils n’ont manifestement pas fait jusqu’à présent.

La déclaration environnementale présente-t-elle encore d’autres problèmes?

Oui, notamment au niveau du calcul des per-tes de courant. La déclaration estime que 3% du courant se perd avant d’arriver au client. Il faut savoir qu’ici, le client n’est pas le consommateur final, mais le négociant d’électricité. Si l’on vou-lait être correct, il faudrait prendre en compte la perte jusqu’à la prise d’électricité de l’apparte-

Un beau calcul tout faux

Atome

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Greenpeace/ArmestreGreenpeace/Sharomov

Texte Milena Conzetti

Le résultat de la Conférence de Copenha­gue sur le climat est décevant. Fait révéla­teur, aucune convention contraignante pour la protection des forêts primaires tropicales n’a été conclue.

La Conférence de Copenhague sur le climat en décembre dernier s’est terminée sur le triste résul-tat que l’on sait: aucune décision contraignante, on en reste à une déclaration sans force juridique. L’accord de protection des forêts tropicales, qui était en bonne voie, n’a donc pas pu être signé. Il est vrai que les Etats reconnaissent, par la déclara-tion de Copenhague, l’importance de la réduction des gaz à effet de serre issus du déboisement et de la dégradation des forêts.

De plus, les participants à la conférence ont décidé, pour la période 2010-2012, que les pays industrialisés devaient consacrer dix milliards de dollars par an à des mesures de protection du climat et des forêts. Mais le financement à plus long terme n’est pas assuré du tout. Et d’autres questions brûlantes restent ouvertes: par exemple, comment veiller à ce que le déboisement ne se dé-place pas d’une région à l’autre, dans un seul et même pays?

Et surtout, l’objectif le plus important qui soit pour Greenpeace n’est pas fixé de manière

contraignante: l’arrêt total du déboisement des forêts pluviales tropicales encore intactes jusqu’à l’an 2020. Par ailleurs, aucune décision n’a été prise sur l’intégration éventuelle du mécanisme REDD des certificats forestiers (voir encadré) dans le commerce des droits d’émission de CO2. Du coup, les entreprises des pays industrialisés pourraient se défausser à bas prix de leurs enga-gements de réduction des émissions polluantes. C’est ce qui se passe aujourd’hui dans le domaine des projets REDD privés.

L’avenir verra-t-il un accord performant de protection des forêts tropicales, sans échappa-toires et sans incitations perverses? La prochaine conférence sur le climat, prévue pour décembre 2010 au Mexique, pourrait répondre à cette in-terrogation. Aspect positif, la mouture actuelle de REDD inclut la préservation de la biodiversité et des droits des populations autochtones ainsi que la participation des acteurs locaux.

Tristes perspectives pour les forêts anciennes

Milena Conzetti est responsable d’un bureau de communication et de formation à l’environne-ment. www.textbildungwald.ch

WWW

Plus d’infos sur ce thème sur: www.greenpeace.ch/fr/campagnes/forets

Fôrets«Halte à la destruction de la forêt»: des mili-tants Greenpeace ont accroché une bannière aux mâts d’un cargo acheminant du bois d’Afrique en Europe.

REDD en bref

Environ un cinquième des émissions mondiales de gaz à effet de serre provient de la destruction des forêts humides tropicales. Une piste pour l’atténuation du réchauffement climatique serait donc la préservation de ces forêts. Le mécanisme prévu est le suivant: on attribue une valeur économique au CO2 stocké dans la forêt. La protection de la forêt devrait ainsi devenir plus rentable que le déboisement pour la vente de bois ou pour la culture de produits agricoles. Le mécanisme s’ap-pelle REDD: Reducing Emissions from Deforestation and Degradation (Réduire les émissions is-sues de la déforestation et de la dégradation des forêts).

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Texte Matthias Wyssmann

Kumi Naidoo, le nouveau directeur de Green­peace International, s’exprime sur sa fonc­tion dirigeante, sur le changement et sur Greenpeace en l’an 1 de l’ère post­Copenha­gue.

Quatre semaines après son entrée en fonction, Kumi Naidoo assiste déjà à un événement histo-rique: le sommet climatique de Copenhague de décembre dernier. «L’issue de la conférence est un vrai désastre», dit-il. Mais le nouveau chef de Greenpeace discerne également quelques aspects positifs. «Pour la première fois, personne n’a mis en doute les conclusions scientifiques. Et le piè tre résultat n’a pas été présenté comme un succès éco-logique.»

Copenhague est aussi un moment phare pour Kumi Naidoo: jamais le mouvement écologiste, avec sa masse de militants et de sympathisants, n’a été aussi visible. Lorsque les espoirs ont été déçus, Kumi Naidoo est resté ferme comme un roc, déga-geant une force de persuasion charismatique. Le mouvement écologiste salue son nouveau leader.

Kumi Naidoo a 45 ans, il vient d’Afrique du Sud. C’est un homme de taille haute, au physique sportif. Son front est apte à la confrontation avec les adversaires les plus coriaces. Comme son re-gard, sa voix semble à la fois douce et déterminée. Justement, il n’aime pas que l’on parle de dirigeant

charismatique. Il cite un proverbe africain: «Je suis parce que vous êtes.» Dans le débat, il détourne volontiers l’attention de sa personne pour l’amener sur la dimension collective.

Il se dit disponible pour le travail en première ligne, sous les feux des projecteurs. Mais son ob-jectif est de construire une direction Greenpeace globale, composée de nombreux visages suscitant l’enthousiasme. Il veut faire apparaître la diversité du monde – un concept clé pour lui. Ou puise-t-il les sources de l’engagement poursuivi tout au long de sa vie? «Nous devrions tous nous le demander. Beaucoup de gens sont conscients des problèmes. Mais à partir de quel moment la conscience de-vient-elle action? Si l’on parvenait à saisir et à réu-nir toutes les réponses à cette question, toutes les trajectoires de vie, nous pourrions enfin raconter comment se produit le changement.»

Le changement, qu’est-ce que c’est pour toi?Le changement, même positif, est doulou-

reux. Quelle que soit la situation des gens, la peur que les choses empirent encore davantage reste très forte. J’ai eu le privilège de participer à l’un des bouleversements les plus significatifs du XXe siècle: la fin de l’apartheid en Afrique du Sud. Ce changement a produit en moi une sorte d’extase, mais m’a aussi déstabilisé. Le changement n’est pas un long fleuve tranquille. Et il ne s’arrête pas. Il développe sa propre dynamique. Nous vi-vons dans un monde où tant de choses doivent

«Je suis parce que vous êtes»

changer. Il faut développer notre intelligence et comprendre comment fonctionne le changement. Comment, en réalité? C’est la grande question de notre époque.

Et quels changements connaîtra Greenpeace, après Copenhague?

Malgré la défaite, Copenhague a montré qu’il est possible de changer la politique, avec la pression exercée par un grand nombre de person-nes. Cette pression sur l’industrie et les gouverne-ments doit continuer. C’est pourquoi je crois que Greenpeace doit encore davantage accroître sa capacité d’intégration. Nous devons élargir nos effectifs, notre base, à travers le monde, notam-

Greenpeace/Wuertenberg Greenpeace/Balzani

Buus/Greenpeace

Hilton/Greenpeace

Climat

Une valeur clé de Geenpeace: «The Power of Acting Together» (la puissance de l’action commune). Mobiliser les êtres humains pour la protection de la nature, c’est un objectif

central aux yeux du nouveau directeur de Greenpeace, Kumi Naidoo. Copenhague s’est terminé sans résultats officiels, mais a démon-tré la puissance d’un mouvement écologiste

capable de lutter pour l’environnement par des actions originales et intelligentes.

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«Il faut davantage mobiliser les citoyens, sinon nous n’obtiendrons pas ce que nous voulons.» Kumi Naidoo, directeur de Greenpeace Interna-tional depuis décembre 2009.

Åslund/GreenpeaceGreenpeace/Villafranca

ment dans les pays en développement. Greenpea-ce a déjà travaillé dans le cadre de coalitions. Il s’agit de renforcer la diversité et de s’allier à d’autres mouvements citoyens. A ceux qui luttent contre la pauvreté ou pour les droits humains, aux syndicats.

Agir avec ou pour les personnes, quel est le choix de Greenpeace? Est-ce un mouvement ou une agence?

Greenpeace réunit les deux orientations. Mais l’organisation est devenue très complexe. Les différentes parties de Greenpeace effectuent un bon travail. Mais nous devons davantage mo-biliser les citoyens, sinon nous n’obtiendrons pas ce que nous voulons. Ce n’est d’ailleurs pas un constat personnel, c’est un but que Greenpeace vise depuis un certain temps.

C’est donc une revalorisation de la valeur clé de Greenpeace, «The Power of Acting Together»?

Absolument. Le grand nombre n’est pas une sécurité en soi, mais il dessine la solidarité et la force incarnée par la mobilisation de tant de per-sonnes, comme nous l’avons vu autour du sommet de Copenhague.

S’agit-il pour Greenpeace de recourir à des mé-thodes plus percutantes, par exemple à la grève de la faim?

Je sais que dans certaines cultures, le jeûne politique paraît incroyablement radical. Mais en Inde, il y a à tout instant une grève de la faim en cours quelque part. Je n’exclurais aucune forme

d’action, du moment qu’elle est non-violente. Et nous devons renforcer l’usage des méthodes pa-cifiques de désobéissance civile. Il faut bien voir qu’il s’agit d’une lutte pour la survie de la Terre.

As-tu été tenté, à un moment ou à un autre, de faire appel à la violence?

Quand j’étais adolescent, nous enterrions des amis et des compagnons de lutte chaque week-end. La brutalité du régime était inconcevable. Les massacres de vingt, trente personnes à la fois étaient fréquents. Je faisais partie d’un mouvement qui comptait également un bras armé. Mais je n’ai pas cédé à la tentation, et je peux dire aujourd’hui que la manière de lutter pose les bases de la civi-lisation future.

Gandhi a fait ses premières expériences politi-ques en Afrique du Sud.

Oui, j’ai été fortement influencé par lui, alors que je ressentais un conflit intérieur. Sa philo-sophie de la résistance passive s’appelait «satya-graha»: la puissance de l’âme, de la vérité et de la force.

Matthias Wyssmann dirige le service de commu-nication organisationnelle de Greenpeace Suisse.

WWW

Voir la version intégrale de l’interview-portrait de Kumi Naidoo sur: www.greenpeace.ch/kumi

Agir pour protéger le climat!

Les politiques n’ont pas réussi à faire avancer la protection du climat à Copen­hague. La contribution personnelle de chacun et de chaque petite communau­té prend d’autant plus d’importance.

Chaque Suissesse et chaque Suisse consom-me en moyenne 6 à 7 tonnes de CO2 par année – et 5 tonnes supplémentaires d’émis-sions générées à l’étranger. L’objectif de la société à 2000 watts correspond à ce que l’humanité peut raisonnablement se permet-tre par personne sur le long terme. Et cette limite signifie pour chacun qu’il doit réduire sa consommation à 1 tonne de CO2. Pour calculer votre consommation personnelle, visitez www.footprint.ch.

Conseil 1: abonnez-vous au courant écolo-gique «naturemade» chez votre fournisseur. Cette simple mesure est très efficace en ter-mes de climat et d’environnement. C’est la demande qui détermine le marché. Plus la de-mande en énergies renouvelables sera forte, plus les investissements consentis dans ce domaine seront importants (www.nature-made.ch).

Conseil 2: réduisez votre consommation de viande. Si vous consommez peu de viande ou mangez végétarien, vous économisez 0,4 tonne de CO2 pour le climat mondial par année.

Conseil 3: ménagez les forêts primaires. Achetez du bois suisse certifié FSC, utilisez du papier recyclé et évitez les produits conte-nant de l’huile de palme. Car les plantations d’huile de palme occasionnent l’élimination d’immenses aires de forêt. Le déboisement des forêts anciennes est à la source d’environ 20% des émissions mondiales de CO2.

Conseil 4: renoncez aux déplacements inuti-les en avion. Un seul aller-retour Zurich–New York représente 13 000 km de vol et provoque 2,6 tonnes de rejets de CO2 par passager.

Conseil 5: déplacez-vous à vélo, en bus, en train ou à pied. Si vous parcourez 20 km par jour avec une voiture de milieu de gamme (consommation de 8 litres par 100 km), vous dégagez 2 tonnes de CO2 par année. Si vous avez besoin d’un véhicule de manière occa-sionnelle, utilisez les systèmes de covoiturage comme Mobility.

WWW

Davantage de conseils en faveur du climat sur: www.greenpeace.ch/fr/que-puis-je-faire

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Greenpeace/Gleizes Greenpeace/Perawongmetha

Energie solaire

Kogelo, Kenya

27/11/2009. Les élèves de l’école Barack Obama, à Kogelo, écrivent leur premier message électronique à l’aide du courant solaire produit par l’école. C’est un courriel adressé au président Obama. Les enfants lui demandent de s’engager en faveur de l’énergie solaire.

Déchets électroniques

Amsterdam, Pay­Bas

14/01/2010. Des militants Greenpeace installent la représentation tridimen-sionnelle d’une décharge de déchets électroniques toxiques devant une filiale du fabricant d’ordinateurs Dell. Cette entreprise s’était engagée à renoncer aux substances toxiques pour la production de ses ordinateurs à partir de la fin 2009. Mais cette promesse n’a pas été tenue (voir page 23, guide de l’électronique verte).

Greenpeace/BeentjesGreenpeace/Jjuuko

Transport nucléaire

Fehmarn Belt, Mer Baltique

16/11/2009. Des militants Greenpeace escaladent le cargo «Happy Ranger» depuis leur canot pneumatique. Le navire transporte des composants destinés à la centrale nucléaire en construction Olkiluoto 3, en Finlande. Greenpeace exige que le gouvernement finlandais arrête la construction de cette centrale.

Riz transgénique

Ratchabouri, Thaïlande

01/11/2009. Un paysan porte une gerbe de riz récoltée dans un champ d’«art rizier». Sur ce champ, Greenpeace a «dessiné» un paysan à la récolte, à l’aide de plantes noires et vertes. Un signal lancé au gouvernement thaïlandais pour qu’il interdise le riz transgénique.

Actif Atome + énergie Génie génétique + Chimie

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Guang/Greenpeace

Åslund/Greenpeace

Injustice climatique

Copenhague, Danemark

19/12/2009. Des collaborateurs et des sympathisants de Greenpeace sont rassemblés pour une nuit de veille devant la prison où sont détenus des mili-tants de l’organisation. Ces derniers avaient fait sensation grâce à une action de protestation lors d’un dîner organisé à l’occasion du Sommet climatique de Copenhague.

Sommet de Copenhague

Pékin, Chine

12/12/2009. Des tambours chinois réunis à Pékin ont envoyé le message suivant à Copenhague: «Le temps presse.» Cette manifestation faisait partie d’une journée d’action globale. Plus de dix millions de personnes dans le monde ont déjà signé une pétition en faveur de la protection du climat.

Greenpeace/Fojtu

Greenpeace/Sutton­Hibbert

Chasse à la baleine

Innoshima, Japon

06/11/2009. Des militants de Greenpeace portant, l’un un masque du Premier ministre japonais Yukio Hatoyama, et l’autre celui du président américain Barack Obama, déploient une banderole devant le baleinier «Nisshin Maru». Ils exigent l’arrêt immédiat du programme de pêche baleinière au Japon.Informations actuelles et pétition en ligne sur: www.greenpeace.ch/fr/campagnes/oceans

Destruction des forêts tropicales

Lucerne, Suisse

03/11/2009. Deux personnes déguisées en orangs-outans font des exercices autour de la façade du Centre de la culture et des Congrès de Lucerne. Ils veulent ainsi attirer l’attention sur la destruction des forêts tropicales humi-des et, partant, de l’espace vital de certains animaux comme l’orang-outan.

Climat Forêts + Océans

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Texte Jeanne Cala

Les habitants des plus petits atolls du Pa­cifique sont les premiers à perdre leur terre à cause du changement climatique. Les Né­nètses de la toundra russe seront peut­être les prochains: si le pergélisol se dégèle en profondeur, leur pays pourrait en effet dis­paraître sous les eaux, comme les îles du Pacifique.

Aucune route, aucune piste ne permet d’accéder au campement où vivent Tonia, 30 ans, et son époux, Slava, 34 ans. D’ailleurs, dans quelques heures, il aura disparu. Tonia et les siens ne re stent jamais plus de dix jours au même endroit. La première ville, Yar Sale, est à près d’une heure d’hélicop-tère. C’est ici, dans les forêts de bouleaux entre Yar Sale et Salekhard, la capitale de la région ya-malo-nénètse, que la famille passe l’hiver. Le bois

coupé sera vendu en ville avant que les Nénè tses ne retraversent le fleuve encore gelé, l’Ob, pour re-monter la péninsule vers le nord, vers la toundra, dès l’arrivée du printemps. Terre nourricière des Nénètses, la toundra est aussi le fief du géant Gaz-prom, qui exploite le gaz, dont 90% des réserves russes se trouvent ici, sous le permafrost.

Par permafrost, on désigne les sols perpétuel-lement gelés de ces zones arctiques. Mélangée à la glace, cette terre retient des matières organiques qui, en fondant, émettent des gaz au puissant ef-fet de serre, comme le méthane très toxique. En Russie, le permafrost recouvre 60% du territoire, et des villes entières, comme Iakoutsk, au centre de la Sibérie, ont été bâties sur ces 300 mètres de sols et de roches congelés qui menacent de s’affais-ser. Si ce phénomène ne semble pas préoccuper le pays, il n’en va pas de même pour les 7 millions d’habitants des îles du Pacifique qui en mesurent

déjà les effets. Comme les Nénètses, les habitants des îles Tuvalu risquent, eux aussi, de faire partie des prochains «réfugiés climatiques», victimes de l’élévation du niveau des mers.

Selon l’ONU, les catastrophes liées au climat auraient provoqué la migration de 20 millions de personnes en 2008. D’ici à 2050, elle estime que près de 200 millions de migrants pourraient être jetés sur les routes par les dérèglements de l’envi-ronnement. Tonia et Slava ne savent rien du pro-tocole de Kyoto, du sommet de Copenhague, ni du «réchauffement climatique». Même s’ils risquent d’en être les premières victimes. «En Russie, on ne parle pas de réchauffement climatique», explique Vladimir Tchouprov, à la tête de la branche éner-gétique de Greenpeace Russie. «Et les politiques russes disent souvent que s’il faisait quelques de-grés de plus dans la toundra, ça ne ferait de mal à personne.»

Quand la toundra se réchauffera

Climat

Greenpeace/Morgan

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n’ont pas constaté de changement brutal, Tonia et Slava reconnaissent que le temps est plus instable, comme si les cycles naturels s’accéléraient.

«Dans certaines régions de l’Arctique, les températures moyennes ont augmenté de presque quatre degrés», décrit Fiodr Romanenko, géo-morphologiste, qui effectue des recherches pour Greenpeace et l’université de Moscou. S’il consi-dère qu’il ne faut pas en tirer de conclusions hâtives,

ce scientifique admet que, «récemment, le proces-sus de réchauffement s’est accéléré. L’été, quand la terre dégèle, la glace contenue dans le permafrost fond et les gaz qu’elle contient remontent dans l’air. Cela dégage notamment du méthane, 23 fois plus toxique que le carbone. C’est un processus naturel, dû aux réactions chimiques produites par les matiè-res organiques présentes dans la terre gelée. Mais si ces cycles s’accélèrent, notamment sous l’effet de l’activité humaine, la surface des sols va baisser».

«C’est une bombe à retardement», avertit Vladimir Tchouprov. «Dans nos sociétés mo-dernes, nous consommons frénétiquement à la recherche d’une excitation toujours plus grande qui nous détruit», détaille-t-il. «On exige plus d’huile, de gaz, de métal de cette planète. Si les générations futures accélèrent ce processus, il nous faudra cinq planètes comme celle-ci pour répondre à nos besoins. Observer les Nénètses, c’est apprendre à s’imposer des limites: eux ne s’interrogent pas sur le pourquoi des choses en permanence, mais ils savent ce qui est bon et fixent leurs limites en fonction.» Ne plus vivre dans la toundra, «nous ne pouvons l’imaginer», dit Slava, qui avoue ressentir à la fois «de la peur et de la colère». «Si nous ne pouvons pas faire autrement, nous changerons notre mode de vie, déclarent-ils. Mais nous nous battrons jusqu’au bout pour le préserver.»

Jeanne Cala est une journaliste française.

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Vous trouverez de plus amples informations sur: www.greenpeace.ch/fr/campagnes/climat

Une vie de nomades: une femme nénètse en train de charger sa luge devant sa tente. Les Nénetses se déplacent tous les deux jours avec leurs trou-peaux, ce qui évite une surexploitation des pâ-turages, et ils ne pratiquent pas la surpêche dans leurs eaux.

Les Nénètses ont bien constaté des change-ments, ces dernières années. Tonia explique que les tempêtes de neige sont plus fréquentes, et que le manteau blanc dans lequel se drape la toundra durant de longs mois met plus de temps à dispa-raître, même si globalement les hivers sont plus doux. Depuis quelque temps, de brusques vagues de froid viennent perturber la douceur du prin-temps sibérien: le gel tue la mousse et le lichen à peine sortis de terre et dont se nourrissent les

rennes. Cumulé à la multiplication des champs de forage, ce phénomène modifie le rythme de leurs transhumances, et oblige les Nénètses à trouver de nouvelles terres, à se rassembler sur des espaces de plus en plus petits, et donc à vivre sous la menace du surpâturage. Avec la fonte du permafrost, l’eau s’infiltre dans la terre, provoque des éboulements, des inondations: les lacs qui percent la toundra de part en part, fertiles en poisson, disparaissent tandis que d’autres, stériles, apparaissent. S’ils

Tonia et Slava ne connaissent pas le terme de «changement climatique».

Mais en réalité, ils ont depuis longtemps pris conscience de ses effets.

Changement climatique: un Nénètse de la région où le pergélisol est en train de se dégeler. Jadis s’étendait ici un vaste lac poissonneux, toutefois, depuis que le sol s’est affaissé, le lac a disparu.

Tout le monde met la main à la pâte: un enfant né-nètse devant le troupeau de rennes de sa famille.

Greenpeace/Rose Greenpeace/Morgan

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Source: www.raonline.ch / Graphique: sofie

La fonte du pergélisol dans les Alpes aura des répercussions, des régions les plus élevées

jusqu’en plaine.

Texte Wangpo Tethong

Une hausse du niveau des mers, des dévas­tations dues aux intempéries et des glaciers qui fondent – tels sont les changements liés au climat dont nous sommes conscients. Pour ce qui est du pergélisol, les choses se présentent différemment: les problèmes cli­matiques gigantesques que la fonte du per­gélisol arctique provoque ne sont jusqu’à présent connus que des spécialistes.

On parle de pergélisol lorsque la température du sous-sol – cela peut être de la terre, du rocher, des éboulis, mais aussi de l’eau – reste en dessous de zéro degré pendant au moins deux ans. Les gla-ciers ou la banquise ne sont pas considérés comme des pergélisols.

On trouve du pergélisol dans les régions froi-des, dans les régions au nord et au sud de la planète, mais aussi dans les régions montagneuses de haute altitude, telles que le haut-plateau tibétain, le mas-sif des Andes en Amérique du Sud, ou encore les Alpes, mais également au fond de la mer. Dans les Alpes, il peut avoir quelques mètres d’épaisseur, et même atteindre plusieurs centaines de mètres dans des formations rocheuses. En Alaska, au Ca-nada ou en Sibérie, la couche de pergélisol peut largement dépasser les mille mètres.

La fonte des pergélisols en Amérique du Nord et en Sibérie, où la température s’est accrue par en-droits de cinq degrés au cours du XXe siècle, pour-

rait avoir des conséquences désastreuses pour le climat. La raison en est que, selon des estimations, ils ont emmagasiné jusqu’à 1600 milliards de ton-nes de carbone. Si le sol se réchauffe, le carbone sera libéré dans l’atmosphère. Ce faisant, s’il n’y a pas assez d’oxygène, des processus de putréfac-tion se produiront, au cours desquels des microbes transformeront le carbone en méthane.

D’énormes quantités de gaz méthane – dont l’effet de serre est 21 fois plus élevé que celui du CO2 – pourraient ainsi être libérées dans l’atmo-

Le danger guette sous nos pieds

sphère. Le pergélisol sous-marin est encore plus fortement touché par cette transformation, car, à la différence du pergélisol terrestre, il est déjà réchauffé en raison de la température de l’eau.

Avant l’ouverture du Sommet climatique de Copenhague, des scientifiques inquiets ont émis des doutes à l’égard des politiciens: sont-ils suffisam-ment conscients que des changements comme ceux qui se produisent avec le pergélisol arctique peuvent déclencher une succession de processus irréversi-bles, qui conduiront à un nouveau réchauffement

3000 m au-dessus de la mer

2000

1000

Alpe

Routeligne de chemin de ferautoroute

Route principale

Village

Station thermalede montagne

Les fondations des bâtiments et des ascenseurs deviennent instables.

Les chutes de pierre menacent les sentiers de randonnée et les pâturages alpins.

Des coulées de boue menacent les infrastructures alpines et touristiques.

Des chutes de pierre et des coulées de boue menacent les infrastructures de transport.

Des inondations et des coulées de boue menacent la plaine.

Restaurant de montagneZone de pergélisol

Erosion

Funiculaire

Keller Greenpeace/Sjolander

Climat

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L’exemple de la cabane du Stieregg, au-dessus de Grindelwald, montre quelles conséquences

le dégel du pergélisol peut avoir. Tout en haut de cette cabane, le pergélisol a fondu, déstabilisant la roche qui a été charriée jusque dans la vallée lors d’orages violents. Le torrent en crue avait

alors emporté une telle portion de la pente que la cabane avait dû fermer.

La silhouette du Cervin (photo de gauche) pour-rait se transformer de manière notable à cause du réchauffement climatique. Le massif est en effet maintenu par le pergélisol – si ce dernier dégèle, d’importantes masses de rochers devraient se dé-tacher. Photo de droite: des pergélisols dégelés.

de la planète – un phénomène que les scientifiques appellent un «scénario climatique» (voir encadré).

La fonte du pergélisol dans les zones arcti-ques et dans d’autres régions du monde a aussi une influence directe sur les conditions de vie de leurs habitants. Le ramollissement des sols a entraîné des affaissements de terrain, déséquilibrant des maisons, des ponts, des pipe-lines et des routes et rendant de vastes contrées inhabitables en Sibérie, en Alaska, au Canada ou au Tibet (voir page 14).

Cervin – l’emblème de la Suisse s’effriteAu cours de l’été 2003, la Suisse a pu se faire

une première idée des dégâts que la fonte du pergé-lisol pourrait causer: des parois rocheuses mainte-nues par de la glace vieille de plusieurs millénaires se fragilisent peu à peu et le nombre des éboule-ments augmente. On estime que quatre à six pour cent de la surface de la Suisse repose sur du pergé-lisol. Les pentes et les parois rocheuses contenant du pergélisol constituent le plus grave risque de dangers naturels liés au climat. Bien que la fonte du pergélisol en Suisse implique des coûts énormes et des problèmes pour la population concernée, elle n’a aucune influence décisive sur le climat global.

Le 15 juillet 2003, en pleine canicule, un pan de rocher s’est détaché du Cervin à la hauteur du Hörnligrat. Environ 70 alpinistes ont eu la chance inouïe de ne pas être emportés par l’éboulement.

La presse du monde entier a largement parlé de l’événement en se demandant si le symbole de la Suisse – le Cervin – allait bientôt disparaître. On peut en effet s’imaginer que des parois rocheuses se détachent, car ce massif montagneux est forte-ment traversé de pergélisol.

Wangpo Tethong est collaborateur du forum inter-net des campagnes de Greenpeace.

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Vous trouverez de plus amples informations sur: www.greenpeace.ch/fr/campagnes/climat

Points de basculement: tous les processus climatiques ne sont pas linéaires

Schneider/Greenpeace

La nature ne va pas nous faire de cadeaux. Le changement climatique ne va pas transformer notre environnement par petites étapes. La faute en incombe au «phénomène de bascule-ment» qui caractérise tout scénario climatique: un processus peut en effet se transformer ra-dicalement à un moment donné – basculer –, s’accélérer fortement par exemple, et déclencher à long terme des changements suprarégionaux qui seront peut-être irréversibles.

Courants marins dans l’Atlantique: le Gulf Stream apporte de la chaleur à l’Europe. L’ar-rivée toujours plus grande d’eau douce dans l’Atlan tique Nord, en raison de la fonte des gla-ces, troublera la circulation des courants ma-rins froids et chauds, essentielle pour l’Europe du Nord. Or, si le Gulf Stream n’atteint plus le littoral européen, on pourrait assister à un re-froidissement climatique dans certaines zones.

Fonte de la banquise: au cours des 130 dernières années, un tiers de la glace a fondu dans l’océan Arctique. Les rayons du soleil n’étant plus ré-fléchis dans l’atmosphère par la banquise, les océans qui la bordent se réchauffent encore plus. Le niveau de la mer pourrait, par consé-quent, augmenter de deux à sept mètres.

Sibérie: si le pergélisol fond, les arbres perdront de leur stabilité. D’immenses zones forestières sont concernées. Les arbres seront sensibles aux maladies, tandis que de nouvelles espèces, mieux adaptées, pourraient ne pas s’adapter

suffisamment vite aux conditions locales, ce qui aurait pour conséquence d’alourdir le bilan CO2 de la planète.

Amazonie: la forêt vierge amazonienne absorbe d’énormes quantités de CO2. On parle de l’Ama-zonie comme du «poumon de la planète». En rai-son de la déforestation, la forêt amazonienne dé-gage du CO2 et devient elle-même productrice de carbone – avec, comme conséquences, la perte de la diversité des espèces et l’absence de pluie.

Moussons tropicales en Afrique de l’Ouest et en Inde: pour que les moussons qui procurent à de nombreuses régions tropicales les quantités de pluie nécessaires à leur survie se forment, il faut une différence marquante entre la tempéra-ture de l’eau et celle du sol. Des changements de températures de l’eau de mer ou des couches de smog dues à la pollution atmosphérique, com-me en Inde, perturbent ces cycles climatiques. Autrement dit, il ne tombe pas assez de pluie et la sécheresse s’installe. En Asie et en Afrique, l’approvisionnement en denrées alimentaires d’un tiers de toute la population mondiale dé-pend de ces chutes de pluie. Toutefois, pour le Sahara, il existe un scénario positif, qui prévoit des précipitations plus importantes dont les ha-bitants pourraient profiter.

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Texte Cyrill Studer

L’an dernier, le Tribunal fédéral a refusé – pour des raisons formelles – d’entrer en ma­tière à propos d’une plainte déposée par des citoyens revendiquant le droit à un air sain. Pourtant, porter de telles affaires devant les tribunaux ouvre de nouvelles perspectives à la lutte pour la protection de l’environne­ment. Une plainte des îles de la Micronésie contre un projet de centrale au charbon en République tchèque montre comment les choses pourraient se passer.

«Nous sommes allés jusqu’au bout au nom des nombreux enfants et adultes qui, dans ce pays, souffrent de l’air pollué, comme notre fils Thierry.» C’est ce que déclarait Valentine Vogel il y a trois ans et demi. Avec d’autres citoyens soucieux de ces problèmes et avec le soutien de Greenpeace, elle a réclamé le droit à un air sain auprès de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).

Le groupe demandait des mesures concrètes, notamment une obligation du filtre à particules pour les véhicules diesels, l’introduction d’une taxe sur le CO2 et une diminution de moitié de la consommation de carburant pour les nou-veaux véhicules d’ici 2010. Trouvant la réponse de l’OFEV insuffisante, les plaignants sont allés

jusqu’au Tribunal fédéral. Ce dernier a décidé, en mars dernier, de ne pas entrer en matière, en arguant que l’OFEV n’était pas responsable pour ce type de problème.

Malgré un bilan juridique modeste, cette plainte a toutefois eu des résultats positifs: d’une part, de nombreux fonctionnaires ont considéré

Droit à un air sain: une nouvelle dimension dans le droit international public

les plaignants comme des interlocuteurs sérieux, car ils ont rendu public le débat concernant le pro-blème des émissions de gaz polluants et suscité des discussions au sein des commissions juridi-ques. Certains cantons ont même déjà réfléchi à des mesures permettant d’améliorer la gestion de la qualité de l’air.

Par ailleurs, Greenpeace et les mouvements écologistes dans leur ensemble ont pu récolter de précieuses expériences – qu’ils pourront intégrer dans leurs futures plaintes relatives aux délits cli-matiques.

Il en va de la «justice climatique». C’est du reste sous ce slogan que s’est déroulée la mani-

Greenpeace/Ibrahimovic Keystone/Caro/Oberhaeuser

Climat

«Pour de nombreuses personnes touchées par le changement

climatique, la voie juridique devrait être la prochaine étape logique.»

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greenpeace 2/10 19

festation pacifique organisée lors du Sommet de Copenhague. Elle a rassemblé 100 000 par-ticipants – des représentants de mouvements en faveur de la protection du climat faisant preuve d’assurance et disposant de réseaux efficaces, al-lant bien au-delà de ce que l’on connaît dans les milieux écologistes traditionnels.

Mais, à la conclusion de ce Sommet, une chose était claire: les responsables politiques n’ont pas l’intention d’agir. Pour de nombreuses personnes touchées par le changement climatique, la voie ju-ridique devrait, par conséquent, être la prochaine étape logique (voir l’interview ci-contre).

Un premier pas a déjà été fait. Le grand groupe énergétique tchèque CEZ a prévu de pro-longer la durée de vie de sa centrale au charbon de Prunerov en procédant à des rénovations. Or, pour des projets d’une telle envergure, le droit tchèque accorde aux éventuelles personnes qui se sentent lésées le droit de prendre position – un droit qui n’était jusqu’à présent envisagé que dans un cadre régional.

Greenpeace a, en l’occurrence, attiré l’atten-tion des responsables des petites îles de Microné-sie, situées à 12 000 kilomètres de là, sur les effets nocifs d’une telle décision sur l’environnement. Ces derniers se sont effectivement adressés aux autorités environnementales de la République tchèque. Le gouvernement doit maintenant juger du danger que présente la centrale de Prunerov pour les îles du Pacifique, directement menacées en raison de l’augmentation du niveau de la mer.

Ce premier pas en vue d’une plus grande justice climatique a d’ores et déjà eu un vaste re-tentissement: les médias du monde entier en ont parlé, des débats concernant la justice climatique ont suivi et, même en République tchèque, pays fortement dépendant du charbon, l’intervention a rencontré une grande sympathie.

Cyrill Studer est responsable de la campagne Climat et Energie chez Greenpeace Suisse.

WWW

Vous trouverez de plus amples informations sur: www.greenpeace.ch/air-sain

Des conséquences dans le monde entier: à l’ins-tigation de Greenpeace, les îles du Pacifique ont porté plainte auprès des autorités tchèques contre la centrale de Prunerov (photo de gauche). Greenpeace essaie de plus en plus d’imposer la protection de l’environnement par décision des tri-bunaux (à droite: la Justice armée de son glaive).

«Les plaintes pour délits climatiques peuvent révéler des injustices et exercer une pression politique»Interview Cyrill Studer

Alain Griffel, professeur de droit, voit dans les plaintes pour délits climatiques une chance de développer le droit international public afin que la justice écologique soit aussi prise en compte.

Alain Griffel, qu’avez-vous pensé, lorsque vous avez entendu parler pour la première fois d’une plainte revendiquant «le droit à un air sain»?

Je comprends tout à fait ce genre d’interven-tion, car voilà une vingtaine d’années que plu-sieurs valeurs limites de substances dangereuses pour la santé ne sont plus respectées. Néanmoins, elle n’avait guère de chances d’aboutir en Suisse. C’est la raison pour laquelle il aurait été judi-cieux – comme Greenpeace l’avait annoncé dès le départ – d’aller jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg.

Après la décision négative du Tribunal fédéral, cette idée a toutefois été abandonnée.

A ma grande surprise, le Tribunal fédéral n’a pas voulu se prononcer à propos de cette plainte. Il a manifestement actionné le frein d’urgence et a choisi une sortie de secours quelque peu alambi-quée, en invoquant une violation du principe d’al-légation, ce qui dans des cas d’un tel intérêt public n’arrive jamais. Avec cette nouvelle situation, la plainte n’aurait eu aucune chance à Strasbourg. On a ainsi laissé passer une opportunité qui aurait permis à la CEDH de développer la protection de la sphère privée, conformément à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, dans le sens voulu par la partie plaignante. Un tel jugement aurait dû être pris en compte en Suisse également.

A votre avis, cette plainte a-t-elle quand même apporté quelque chose?

Certainement. Le droit n’est pas quelque chose de statique. Il se développe constamment: de bas en haut dans le cadre du processus poli-tique, d’une part, et grâce au traitement de cas concrets, d’autre part. La préoccupation des ci-toyens concernés a été entendue par les politiciens, les autorités et le public – il n’y a quasiment eu per-sonne pour leur contester le droit à un air sain.

La qualité de l’air s’améliore à nouveau lente-ment. Entre-temps, une nouvelle injustice se des-sine avec le changement climatique, et les politi-ciens ne semblent pas disposés à faire quoi que ce soit pour le combattre. La justice va-t-elle devoir combler cette lacune à l’avenir?

On peut aussi lutter contre des injustices ma-nifestes sur la base des lois existantes. Les poli-ticiens se garderont bien de créer des lois grâce auxquelles des réfugiés climatiques, par exemple, pourraient exiger des réparations pour tort moral. Néanmoins, des plaintes pour délits climatiques peuvent mettre en évidence des injustices de ma-nière exemplaire et faire ainsi pression sur le plan politique en faveur des personnes concernées, mais aussi faire avancer le droit international public. Le cas de la République tchèque et de la Microné-sie (voir article précédent) pourrait notamment aboutir à une redéfinition de la loi sur le voisinage, et ouvrir la voie à de nouvelles plaintes.

Quel rôle la Suisse pourrait-elle jouer dans le ca-dre de la justice climatique?

Au XXe siècle, la Suisse s’était déjà engagée en faveur d’un droit international humanitaire, lequel a débouché sur les Conventions de Genève. Dans ce domaine traditionnel des «bons services», la Suisse pourrait suggérer une extension du droit interna-tional public à certains aspects écologiques.

Alain Griffel (à gauche) est professeur de droit public et administratif, spécialisé dans les do-maines de l’aménagement du territoire, de la construction et de l’environnement, à l’Univer-sité de Zurich.

WWW

Vous en apprendrez plus à ce sujet sur: www.greenpeace.ch/fr/campagnes/climat

Griffel

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Engagement

Texte Claudio De Boni

C’est d’une métropole comptant plusieurs mil­lions d’habitants – Istanbul – que Greenpeace coordonne ses campagnes dans les pays du bassin méditerranéen. Un dur labeur... Pour­tant, la prise de conscience des questions en­vironnementales s’accroît dans cette région et l’on enregistre déjà les premiers succès.

Lentement et avec un vacarme assourdissant, la balayeuse se fraye un passage au travers des grandes avenues marchandes du quartier d’Istiklal Caddesi, s’apprêtant à affronter la foule de piétons qui trans-forme chaque soir ce quartier tranquille en une véri-table fête pour les yeux. Il fait 40 degrés. Ici, au cœur de la ville moderne d’Istanbul, Orient et Occident se côtoient. Une jeune fille d’une vingtaine d’années, maquillée et arborant un tee-shirt orné d’un motif de bandes dessinées ainsi que son amie enveloppée dans une longue burka sirotent tranquillement leur bière. C’est là, juste à l’angle du Starbucks, que se trouve le quartier général de Greenpeace Mediter-ranean – le lieu où sont planifiées toutes les activités de Greenpeace à l’est de la Méditerranée, en Israël, au Liban, à Malte, et, naturellement, en Turquie.

Des bénévoles, des collecteurs de fonds et des passants intéressés animent le vaste bureau pay-sager donnant sur la rue. La plupart d’entre eux

sont en pleine discussion. Le directeur du siège, Uygar Özesmi, se prépare à donner une interview qu’une chaîne télévisée diffusera dans une heure. Elle est consacrée aux exploitations piscicoles et à leurs risques et conséquences écologiques. La biodiversité aquatique est au cœur des campagnes réalisées dans le bassin méditerranéen. Outre la prolifération des exploitations piscicoles, la sur-pêche et la pollution due aux activités industrielles et touristiques ainsi que les effets du changement climatique induit par l’homme menacent la diver-sité des espèces aquatiques.

Uygar Özesmi explique: «Il faut créer à l’échelle

planétaire un réseau de zones où les poissons pour-ront se reproduire – à l’exemple des parcs naturels sur la terre ferme. Sinon, il n’y aura bientôt plus de vie en Méditerranée.» On est encore très loin des 20 à 50% de réserves marines que les scientifiques exigent. Jusqu’à présent, les Etats riverains ne se sont même pas engagés à en créer 1%.

Actuellement, Greenpeace Mediterranean concentre surtout ses efforts sur la pêche indus-trielle du thon (voir encadré). «Mais il faudra du

temps pour enregistrer des progrès, car la seule solution, c’est la diminution de la consommation et du commerce de poisson», ajoute le responsa-ble de Greenpeace Mediterranean. Toujours est-il que, sur pression de l’organisation, une première réserve marine a été mise en place au Liban.

Les écologistes peuvent également se targuer de succès dans d’autres domaines, à savoir le cli-mat et l’énergie. C’est ainsi que Greenpeace a re-cueilli 10 000 signatures contre la construction d’une centrale au charbon, réussissant à bloquer ce projet. Signalons également l’introduction d’une loi sur la promotion des énergies renouvelables

en Israël. Une telle initiative s’imposait. De fait, l’ensoleillement est particulièrement élevé dans la région et la Turquie est l’un des plus grands pro-ducteurs mondiaux de capteurs solaires pour la production d’eau chaude.

Les objectifs d’Özesmi sont très ambitieux: «Nous essayons de combattre toutes les décisions qui sont dommageables à l’environnement», dé-clare ce docteur en sciences de l’environnement qui a travaillé pour l’ONU et participé, dans le cadre

Environnement: prise de conscience accrue sur le Bosphore

«Il faut créer des réseaux de zones où les poissons pourront se

reproduire – à l’exemple des parcs naturels sur la terre ferme.»

Greenpeace/GraceGreenpeace/Akad

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Comment la mode du sushi a exterminé le thon

Le thon rouge de l’Atlantique est le plus grand de l’espèce: il peut atteindre quatre mètres de long et peser plus de 600 kg. Etant le poisson le plus apprécié pour les préparations de sushi, il pourrait être menacé d’extinction dès 2012. Les relevés des stocks en Méditerranée le laissent craindre. Lors de la plus grande action organi-sée par Greenpeace à Tokyo, où 80% de la pro-duction mondiale de thon est commercialisée, la plupart des poissons ne mesuraient que deux à trois mètres. Aujourd’hui, seuls des poissons faisant au maximum un mètre et demi de long sont vendus. Pour le groupe Mitsubishi, qui contrôle 40% du marché mondial du thon, ce commerce est plus lucratif que celui de l’auto-mobile – y renoncer est hors de question.

De même, les pays pêcheurs ne sont guère enclins à faire passer la protection à long terme de ce poisson méditerranéen avant les intérêts à

court terme de l’industrie de la pêche: les quotas de pêche fixés par la Commission internatio-nale pour la conservation des thonidés de l’At-lantique (ICCAT) en novembre dernier, sont trois fois plus élevés que ne le recommandaient ses propres scientifiques.

Pour nous autres, consommateurs, il ne reste qu’une solution: renoncer au thon et aux sushis confectionnés à partir d’espèces menacées.

Bruno Heinzer est coordinateur de la campa-gne Océans chez Greenpeace Suisse.

WWW

Vous trouverez notre nouveau guide sur les pois-sons ainsi que d’autres guides de consommation sur: www.greenpeace.ch/consommation

d’un autre mouvement écologiste, à l’opposition au projet du barrage d’Illisu en Turquie.

Aujourd’hui, il est à la tête de 40 employés en Israël, au Liban et en Turquie. A cela viennent s’ajouter des centaines de bénévoles en Turquie et une trentaine de militants dans chacun de ces pays – il faut un certain courage pour cela, car la désobéissance civile n’y est pas tolérée comme en Suisse. Les peines infligées sont plus lourdes et la police n’y va pas de main morte. Pourtant, à l’en croire, au cours des dernières années, le rapport entre les ONG et les gouvernements s’est quelque peu normalisé. Greenpeace y a largement contri-bué: l’organisation compte 40 000 sympathisants sur place, dont la moitié en Turquie, le reste au Liban et en Israël.

Asu Sanem Kaya est l’une de ces bénévoles. A 34 ans, elle a mis sur pied un nouveau programme

pour les jeunes. «Si l’on veut sauver la planète, dé-clare-t-elle d’un ton résolu, il faut commencer par l’information aux jeunes.» Elle a reçu le bagage nécessaire en Suisse, auprès de Kuno Roth, qui a lancé des programmes comme le ProjetSolaire-Jeunesse ou des visites dans les écoles il y a une bonne vingtaine d’années. «Une expérience très précieuse pour nous», explique Asu. Il n’y a en effet rien de comparable dans cette contrée.

«Nous sommes encore dans la phase de dé-veloppement», constate Uygar Özesmi. Actuel-lement, 10% du budget provient de Greenpeace International, dont une partie de la Suisse. «Mais la prise de conscience des problèmes écologiques augmente chez nous et, bientôt, nous devrions être financièrement indépendants.»

Claudio De Boni écrit régulièrement pour le ma-gazine greenpeace.

Greenpeace/Care

Uygar Özesmi de Greenpeace Mediterranean:«Bientôt nous serons financièrement indépen-dants.»

Une banderole proclamant «Des réserves marines tout de suite» est accrochée entre les mâts du «Rainbow Warrior» de Greenpeace en Médi-terranée. A l’arrière-plan, on peut voir les cages destinées à l’élevage du thon (photo de gauche). Dans le cadre de cette campagne, des plongeurs ont déployé sous l’eau des banderoles portant le même texte en anglais, en turc, en hébreu et en arabe (photo de droite).

Le thon rouge de l’Atlantique peut atteindre qua-tre mètres de long. Très apprécié des amateurs de sushi, il est menacé d’extinction. Greenpeace ré-clame la création de vastes réserves marines pour le préserver.

Greenpeace/Gleizes

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Mots fléchés écolos Vous trouverez la solution début juin sur: www.greenpeace.ch/magazine

Recette

de David Keel

Peuple autochtonede laTundra sibérienne

Expressiondes échecs

Affectiondentaire

Vidéotex

Près de

Diode élec-trolumi-nescente(sigle)

Septièmelettre del’alpha-bet grec

Bagdaden est lacapitale

Port enAfriquedu Sud

Paniersuspenduà unballon

Sélec-tionner

Crier pourle lion

Fleuved'Afriquedu NordArgent

Grandepuissance(abrév.)

Le WorldEconomicForum setient à...

Partiede lacorolled’une fleur

Auteurede «Art»

Mettrela table

Uranium

Lieu oùl'on est

Moto àquatreroues

Au tennis

Texte royal

Frère deThyeste

Préfixeayant lavaleur d’unmilliard

Communede Belgique

Règle dedessinateur

Organe internationalchargé de ladéfinition des quotasde thon rouge

Rupturedesglaces

Port deGrèceAmasd'objets

Ut

Comptepostal

Elimé,râpé

Orient

Démons-tratifpluriel

Peuplesomali del’Afriqueorientale

Figuresur lesdiplômes

Sans retour

Sigle in-formatique

Symbolede Pascal

Typede solgelétoutel’année

Corpsdeblason

Rivièrede laRép. dém.du Congo

Cours pré-paratoire

Titremusulman

Débitdeboisson

Systèmeanti-blocage

Etendued’eaudouce

Ruminant

Fiel debœuf oude poisson

Amertumeaccom-pagnée deméchanceté

Foc pourla marcheau ventarrière

Mesure

Vase

Donationfaitepartestament

21e lettregrecque

Hurlement

Ex-paysde la CE

Fleuve d’Al-lemagne

Ville surl’îlede Ré

Phénomènedénoncé dans le cadrede l'expédition«Sauvons nos Océans»

Egouttoir àbouteilles

Poteau

Appréciépour sachair etsa fourrure

Qui a desdisposi-tions pourun emploi

Petiteprairie

Métal trèspesant

Exerciceà la corde

Non pollué

23e lettregrecque

Inesthé-tique

Réservoirpour lestockagedes récoltes

Aimé

Architecte,pyramidedu Louvre

Trainfrançaistrèsrapide

Barreservantà fermerune porte

Thymusduveau

Immatri-culation dela SuèdeNapperon

Sigle in-formatique

Mannequin(abréviation)

Talent

Rechercheopéra-tionnelle

Coureurautomobile

Article

Toilequi sertà polir

Blancd’œufcru

Cinquièmelettre del’alphabet

L’ONU a déclarél’année 2010comme l’annéeinternationale de la...

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Adieu l’Emile…Un sage dont j’ai oublié le nom a écrit que dans chaque adieu, il y a un soupir de regret, mais aussi de soulagement. Je suis assis dans ma cuisine et je pense à Gabrielle tout en contemplant ce que j’ai rapporté de ma promenade: de l’ail des ours et du pissenlit. C’est le printemps... Mais, est-ce que cela va ensemble, le printemps et une séparation? Est-ce qu’on ne ferait pas mieux de quitter celle qu’on aime en automne, avec un petit remerciement? Jacques Brel est d’accord avec moi, lui qui chante à la radio: «Adieu l’Emile, je vais mourir. C’est dur de mourir au printemps, tu sais...»

Bon, mais je ne vais quand même pas aller jus-que là, et je me réjouis du refrain: «Je veux qu’on rie, je veux qu’on danse. Je veux qu’on s’amuse comme des fous. Je veux qu’on rie, Je veux qu’on danse, quand c’est qu’on me mettra dans le trou.» Le spea-ker de la radio explique que Seasons in the sun, la version anglaise de Terry Jacks, a sans doute eu plus de succès, mais qu’elle est beaucoup plus triste, et que même la version allemande de Klaus Hoffmann rend encore plus triste. J’en reste donc à Brel tout en me demandant ce que je pourrais bien cuisiner pour accompagner cet enterrement en chansons.

Tous les plats qui nous ont été servis à de telles occasions me reviennent en mémoire: assiette de charcuterie, jambon en croûte, ou encore saucisses bouillies – souvent accompagnés de salade de pom-mes de terre.

A moins que je prépare une potée comme en mangent les Indiens d’Amérique dans les cimetiè-res? Une tranche de pain grillée beurrée, salée et poivrée, que l’on nappe de lait chaud? L’écrivain et gourmet Aldo Buzzi raffolait de cette soupe.

Le repas d’enterrement – quelle coutume inté-ressante! Un repas qui montre qu’après l’inhuma-tion, la vie continue. Malgré le deuil, une certaine allégresse y est souvent perceptible, lorsque le dé-funt revit, le temps d’une anecdote amusante.

Je me décide pour une salade de pommes de terre. Faire cuire à la vapeur quelques pommes de terre à chair ferme, les éplucher et les couper en mor-ceaux. Laisser reposer pendant vingt minutes dans du bouillon de légumes chaud. Pendant ce temps-là, je hache un oignon, l’ail des ours et les pissenlits que j’ai ramassés. Je retire les pommes de terre du bouillon et y ajoute l’oignon et les herbes, puis une sauce à l’huile et au vinaigre assaisonnée de moutarde, du sel et du poivre ainsi que quelques câpres. C’est alors que retentit la sonnerie du téléphone: Gabrielle! Elle est justement dans le quartier et voudrait venir déjeuner. Elle apporte le vin blanc. Elle a un ton printanier...

Ceci est ma dernière recette dans ce magazine. Mais je poursuivrai cette rubrique sur mon blogue: www.einfachkomplex.chDavid Keel travaille comme free-lance au sein du collectif de Greenpeace.

Greenpeace tire au sort trois exem­plaires du livre de photographies de Markus Mauthe (textes de Thomas Henningsen), «Planet der Wälder: Die grünen Paradiese der Erde.»Envoyez la bonne réponse d’ici

le 15 juin 2010 à [email protected] ou à l’adresse postale de la rédaction

(voir impressum, p. 3).

Vous trouverez de plus amples informations sur les conditions du concours sur: www.greenpeace.ch/magazine

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greenpeace 2/10 23

Avant Noël, le shopping club en ligne Fashion-Friends (www.fashionfriends.ch) a réalisé un Charity Day au profit de Greenpeace. Des per-sonnalités comme les rappeurs Stress ou Greis, le snowboarder Reto Kestenholz, la patineuse Denise Biellmann, l’ex-Miss Suisse Amanda Ammann, les chanteurs Peter Fox (photo) et Jan Delay, le groupe Grand Mother’s Funk et le musicien Pepe Lien-hard se sont fait photographier gratuitement et ont apposé leur signature sur des articles qui ont été ensuite vendus sur le site du shopping club. Le pro-duit de cette vente, d’un montant de 6000 francs, a été totalement reversé à Greenpeace. A cette oc-casion, Peter Fox a déclaré: «En cette époque de changement climatique, cela ne peut pas nuire de faire un don à Greenpeace!» Et comme le groupe Grand Mother’s Funk l’a résumé lors de ce Charity Day: «Restons verts – mais soyons adultes!»

Dans le cadre du salon Consumer Electronics qui a eu lieu début janvier à Las Vegas, Greenpeace a présenté la 14e édition de son Guide pour une élec-tronique plus verte. Alors que presque tous les pro-duits d’Apple, de Nokia et de Sony Ericsson sont fabriqués sans substances chimiques dangereuses, d’autres fabricants déçoivent à cet égard. Apple, Nokia et Sony avaient promis de renoncer à utili-ser du chlorure de polyvinyle (CPV) ou des agents ignifugeants bromés d’ici la fin 2009, et ils ont tenu parole. Ce qui n’est pas le cas de nombreuses autres sociétés, comme Dell, Lenovo, LGE ou Samsung.

C’est pourquoi elles sont nettement moins bien co-tées dans cette nouvelle édition. Greenpeace invite les entreprises à mettre en œu-vre leurs promesses et à renoncer à toute substance toxique. Les fabricants vraiment conscients de l’en-vironnement ne se contentent pas de proposer des appareils électroniques exempts de CPV et d’ignifu-geants bromés ou chlorés. Ils soutiennent également leur interdiction légale.Vous trouverez la nouvelle édition du Guide pour une électronique plus verte sur: www.greenpeace.ch/fr/campagnes/chimie

Adhérents / Informations internes

Votre opinion Sommet climatique de Copenhague Il est toujours incompréhensible de voir comment les rapports coupables–victimes sont faussés. A Copenhague, il s’agissait de conditions clima-tiques présentant un danger mortel, de pays me-nacés de déclin et de leurs habitants – des parents et des enfants dont les vies sont en danger. Des militants de Greenpeace évoquent cette menace et demandent aux responsables des grandes nations mondiales d’agir, tout simplement: «Politicians talk – Leaders act.» Et on les enferme à cause de cela pendant des semaines, en les menaçant de lourdes peines.

Les véritables coupables – qui appartiennent à l’élite mondiale – rivalisent pour des gains bour-siers maximaux, empochent des boni, exploitent souvent sans vergogne les travailleurs et l’environ-nement, et se rencontrent tranquillement pour un dîner au caviar.

Est-ce qu’au lieu des militants Greenpeace qui remettent en question d’un œil critique tout ce théâtre au moyen d’une farce de polissons, ce ne sont pas d’autres qui devraient être en prison? Les victimes du monde entier vont-elles devoir hausser le ton?Eckhard Wolff, par courriel, Aarau

Informations sur WWWDans le magazine greenpeace, je lis à la fin de pratiquement chaque article: «Vous trouverez de plus amples informations sur www...» Y compris à la suite de l’article sur la pétition climatique du ProjetSolaireJeunesse.

Mais que faire quand on n’a pas d’ordinateur? Un outil qui, du reste, n’est pas vraiment écolo-gique...M. Feller, Nidau

Bölitz

Greenpeace/Bonnardin

Des stars s’engagent pour la protection du climat

«Electronique verte»: guide Greenpeace pour les acheteurs responsables

Nécrologie. Greenpeace pleure un ami:Ernst Beyeler (1921–2010)

Ernst Beyeler discutant avec Paulo Adario, res-ponsable de la campagne Amazonie, en 2003

Intervenir activement dans la forêt? Vous trouverez le nouveau programme 2010 d’interventions bénévoles en forêt de montagne sur: www.bergwaldprojekt.org/fr/index.phpVous pouvez aussi le commander sur: [email protected]

Rapport annuel 2009 en ligneCourant juin, vous trouverez notre rapport annuel en ligne sur: www.greenpeace.ch/rapport-annuel

WWW

L’avenir de la forêt vierge et sa préservation était une grande préoccupation pour le galeriste et fondateur de musée bâlois Ernst Beyeler. Pendant presque deux décennies, ce gentleman affable a soutenu la cause de Greenpeace en organisant di-verses actions artistiques et des manifestations au profit de l’organisation. Il s’est aussi engagé pour la protection des dernières forêts vierges en créant la fondation «L’art pour la forêt tropicale» (www.artfortropicalforests.org). Son musée qui se dresse au milieu d’un vaste parc, montre quelle place la nature tenait dans sa pensée et dans son œuvre.

Ernst Beyeler s’est paisiblement éteint le 25 février, à l’âge de 88 ans. Nous le remercions de tout cœur et regrettons d’avoir perdu un ami véritable et gé-néreux.

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Texte Natalie Favre Photo Hina Strüver

Une femme a été nommée à la tête du siège africain de Greenpeace: la Sénégalaise Mi­chelle Ndiaye Ntab dirige les campagnes et les collaborateurs avec fermeté, sensibilité et une bonne dose d’humour. Elle a su s’affirmer dans une société dominée par les hommes.

Afin de mieux coordonner ses campagnes sur le continent africain, Greenpeace International a ou-vert des antennes régionales en Afrique du Sud et en République démocratique du Congo en 2008. Il y a tout juste un an, Michelle Ndiaye Ntab a repris la direction de l’organisation Greenpeace Afrique, créée six mois plus tôt.

«Etre nouvelle, c’est un luxe», raconte la jeune femme. «Je n’ai pas vécu personnellement le dé-veloppement de l’organisation et je ne suis pas encore trop fortement impliquée dans les affaires politiques. Cela me permet de mettre en œuvre de nouvelles stratégies, sans complexes et sans être soumise à des pressions.»

Michelle, qui a grandi dans une grande ville, a reçu une éducation libérale et a étudié à l’étran-ger. Pour cette Sénégalaise pleine d’assurance, il allait de soi qu’elle ne se laisserait pas imposer un rôle de femme traditionnel. Son succès profession-nel et sa fonction actuelle au sein de Greenpeace Afrique en constituent la preuve. Sa décontrac-tion et les éclats de rire qui essaiment son discours montrent clairement que nous ne sommes pas en face d’une «Dame de Fer» qui se bat becs et ongles pour arriver à ses fins, mais d’une femme compé-tente, parfaitement maîtresse d’elle-même, dont les arguments savent convaincre son auditoire en même temps que son charme le séduit.

L’Afrique n’est pas un lieu facile pour une femme qui veut faire carrière. Toutefois, grâce à sa force de caractère et avec le soutien de son mari, qui a mis en veilleuse sa carrière pour la suivre en Afrique

du Sud, elle a réussi. «Le monde des ONG est très fortement dominé par des hommes. Comme femme, il faut se battre pour arriver, sinon on disparaît, tout simplement», explique-t-elle. Cette femme énergi-que a constaté trois types de réactions à son égard: «Le premier type de réaction est qu’ils essaient de te démonter, le deuxième, de te mettre sous tutelle. La troisième variante, qui est également la plus rare, est qu’ils se rapprochent de toi.» Michelle n’a pas de pro-blèmes pour gérer les réactions négatives: «Tu dois prouver que tu possèdes les compétences pour ac-complir ta tâche de manière professionnelle. Tu dois apporter des idées et prendre position – c’est ce que je fais. C’est le seul moyen de se faire respecter.»

La nouvelle directrice de Greenpeace Afrique peut se targuer d’une vaste expérience. Après des études à l’étranger, cette femme d’Afrique occi-dentale a commencé sa carrière au sein du Pro-gramme des Nations Unies pour le développement (PNUD), dans sa ville natale de Dakar. Plus tard, elle s’est installée en Afrique du Sud, où elle vit de-puis dix ans et où elle a travaillé pour différentes ONG et pour l’Union africaine.

Avant de prendre les commandes de Green-peace Afrique, elle était CEO du siège africain de l’Association mondiale des radiodiffuseurs com-munautaires (AMARC) ainsi que de l’African Institute of Corporate Citizenship. «Le dévelop-pement n’a de sens que s’il est durable», souligne Michelle. « J’ai accumulé une vaste expérience en matière de durabilité grâce à ma longue activité dans ce domaine. L’African Institute of Corpo-rate Citizenship que j’ai dirigé, se préoccupait

aussi énormément de la question de la responsa-bilité sociale des entreprises, qui va de pair avec la protection de l’environnement.» Elle est donc parfaitement armée pour relever le défi d’éta-blir Greenpeace, organisation occidentale, sur le continent africain, tout en tenant compte des dif-férences culturelles et du contexte social.

Michelle a bien l’intention de placer son équipe au service d’une protection de l’environnement à l’échelle mondiale. Elle explique sa motivation: «Greenpeace exige une attitude globale: je ne per-çois pas le bureau africain et le bureau suisse com-me des entités différentes; je vois uniquement une organisation qui est active sur divers fronts.»

C’est ainsi que le bureau de Kinshasa s’est fixé comme priorité la campagne en faveur des forêts, car la forêt tropicale du bassin du Congo est le «poumon vert» de l’Afrique et l’une des dernières forêts vierges encore relativement intacte. Le siège central de Johannesburg se concentre principale-ment sur le changement climatique, car l’Afrique du Sud est l’un des pays qui émet le plus de CO2

dans le monde et doit donc absolument abandon-ner ses centrales au charbon. Un second bureau est prévu en Afrique occidentale, où la campagne pour les océans est prioritaire. En effet, les fonds marins sont saccagés à cause des méthodes de pêche agres-sives et contaminés par des produits toxiques.

Un défi qui semble avoir été spécialement créé pour Michelle Ndiaye Ntab.

Natalie Favre est journaliste indépendante et colla-boratrice de Greenpeace Suisse.

Une femme énergique aux commandes de Greenpeace Afrique

«Tu dois apporter des idées et prendre position – c’est ce que je fais.

C’est le seul moyen de se faire respecter.»

Personnel