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0 Ministère de l’Equipement, de l’Aménagement du Territoire et du Développement Durable Pour une nouvelle stratégie de l’habitat Habitat informel (Rapport intermédiaire provisoire) Diagnostics et recommandations Consultant : Hatem KAHLOUN Octobre 2014 République Tunisienne

Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

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Ministère de l’Equipement, de l’Aménagement du Ter ritoire et du Développement Durable

Pour une nouvelle stratégie de l’habitat Habitat informel

(Rapport intermédiaire provisoire)

Diagnostics et recommandations

Consultant : Hatem KAHLOUN Octobre 2014

République Tunisienne

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Table des matières Page

1. L’habitat spontané et informel en Tunisie : enseignements et tendances passées 1

2. L’habitat informel en Tunisie : constat et nouvelles tendances à partir de l’analyse de la littérature récente

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2.1 Le traitement des quartiers informels par la généralisation de la réhabilitation

1990-2009

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2.2 L’action publique favorise l’émergence de l’habitat informel 9

3. Estimation du poids du logement informel dans le parc des logements en Tunisie 14

4. Des quartiers informels à faible densité 16

5. Etude du logement informel à partir de l’enquête sur terrain 17

6.1 Méthodologie et plan d’observation de l’enquête 17

5.2 Profil socio-démographique des quartiers informels 18

5.3 Caractéristiques socio-économiques des quartiers informels 20

5.4 Caractérisation morphologique et technique des logements informels 22

5.4.1 Prépondérance des formes traditionnelles et groupées et faible densité 22

5.4.2 Caractérisation technique des logements informels 23

5.5 L’informel comme opportunité d’accès au logement et à la propriété 24

5.6 Les mutations dans les statuts d’occupation expliquent la permanence des

mobilités dans les quartiers informels

25

5.7 Modes d’acquisition du logement et économie de la construction 28

6. Recommandations pour un plan d’action transversal 31

6.1 Recommandations stratégiques 31

6.2 Recommandations opérationnelles

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1. L’habitat spontané et informel en Tunisie : enseignements et tendances passées

La notion d’habitat informel décrit les fromes d’habitat illégal édifié en dur sur des parcelles achetées par les ménages. Cette notion n’écarte pas celle relative à l’habitat spontané qui décrit la totalité du phénomène en Tunisie. La notion d’habitat spontané forgée en 1961 par le géographe français Pierre George, se référait à des quartiers insalubres de squatters construits avec des matériaux de récupération. Cette forme d’habitat précaire est apparue à partir de 1940 à Tunis, dans des zones à faible valeur urbaine et souvent insalubres. Dénommés « gourbivilles » par le sociologue Paul Sébag, ils représentaient des îlots de misère et de marginalité, que l’Etat indépendant, porteur de valeurs de modernités et de progrès, ne pouvait tolérer. C’est pourquoi des opérations de dégourbification furent entreprises au cours des années 1960 et les migrants furent refoulés vers leurs régions d’origine. Au cours de la décennie 70, la dégourbification était jugée inefficiente, fit place à une sorte de tolérance de l’illégalité. De multiples facteurs, telle que la sélectivité de la politique de l’habitat, menée entre 1975 et 1985, fut à l’origine du développement de l’habitat spontané et informel.

Le développement de ce type d’habitat s’est produit dans les grandes et moyennes villes et même dans les petites villes situées à la périphérie des régions urbaines. Mais contrairement à la décennie 60, l’Etat a, au cours des années 1970, toléré ce type d’habitat, puis a entrepris, dès 1978, la réhabilitation en légalisant les habitants dans des cas peu fréquents d’occupation foncière illégale et en équipant les quartiers en infrastructure et en équipements sociaux, ce qui s’est traduit à partir des années 1990 par les programmes de réhabilitation et d’intégration des quartiers populaires entrepris par l’ARRU.

Il existe en Tunisie deux types d’habitat spontané et informel : les gourbivilles, édifiés dès 1940 au sein des grandes villes et les quartiers informels périurbains édifiés à partir de 1970 à la périphérie des villes. Cette dernière forme continue à occuper les quartiers périphériques des villes en prenant des configurations et des connotations différentes.

Si les gourbivilles ont été par excellence le produit de l’exode rural, l’habitat spontané et informel n’est que partiellement le résultat de ce phénomène. En effet, ce 2ème type d’habitat s’est développé à Tunis principalement à la faveur de mécanismes de migrations résidentielles des zones centrales (médina) et péri-centrales vers la périphérie.

La politique de dégourbification, le refoulement des populations et l’absence de production de logements sociaux ont maintenu la population dans ces deux systèmes d’habitat qui n’ont cessé, sous l’effet de l’exode rural, de connaitre une sur-densification et une dégradation des conditions d’habitat. Avec la fin de la politique dirigiste des années 1960, la politique d’inspiration libérale, menée à partir de 1970, se traduira, aux plans urbanistique et foncier, par la création de nombreux instruments de la politique d’habitat, parmi lesquels la création de trois agences foncières (1972), d’un système d’épargne logement (la CNEL transformée en Banque de l’Habitat en 1989) pour le financement de l’habitat et l’institution de la profession de promoteur privé (1974). Toutefois, la redéfinition de la politique de l’habitat, articulée autour de ces nouveaux instruments et mécanises, sera opérée dans un premier temps principalement en faveur des classes moyennes. Les populations économiquement modestes, qui entre-temps avaient vu leurs conditions sociales améliorées grâce à de substantielles

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augmentations de salaire, et bien que disposant d’une épargne minimale, ne parvenaient pas à trouver des logements adaptés à leurs ressources. C’est de la rencontre d’une épargne qui n’a pas trouvé à s’investir et de l’émergence d’un nouveau type de marché foncier, que s’est développé l’habitat spontané, qui à Tunis comme dans les grandes villes, a généré des migrations résidentielles des zones centrales d’habitat populaire vers la périphérie.

La filière clandestine qui fut responsable de la production d’habitat spontané, était parmi les principales composantes du mécanisme de régulation/dérégulation du marché du logement. Le produit défectueux, rapidement consommé par les acquéreurs est destiné aux couches populaires et parfois aisées. (Cas de Aychooucha Raoued dont les lotisseurs clandestins ont accaparés les zones marécageuses, les terres propriété de l’Etat ou encore des propriétés privées sans ayant-droits potentiels pour les vendre sur acte notarié). Elle s’articule autour d’un lotisseur dont le sol provient de l’accaparement frauduleux des terrains de l’Etat et des domaines publics (hydrauliques, maritimes et routiers). Prélevant une importante rente de monopole, la filière clandestine produit un sol défectueux qui n’implique aucun investissement en termes de d’acquisition du sol et de viabilisation.

Le lotisseur clandestin a comme point de départ l’accaparement de terrains publics non immatriculés. Cette opacité foncière est mise à profit par le lotisseur clandestin, qui recourt aux dispositions du Code des Droits Réels et notamment à son article 38, réglementant la possession de terres vacantes. Dans tous les cas de figure, les terrains non immatriculés sont présentés grâce à de faux témoins, comme terres vacantes, faisant l’objet de procédure de possession. Le lotisseur clandestin se prévaut ainsi de sa pseudo-qualité d’ayant-droit légal pour établir un acte notarié, qu’il dépose au Tribunal Immobilier afin d’obtenir une réquisition d’immatriculation. L’acte notarié ainsi que la réquisition d’immatriculation sont présentés au moment de la commercialisation des terrains, comme pièces juridiques attestant de la propriété du lotisseur clandestin, donnant ainsi à cet accaparement frauduleux une apparence de légalité.

Entre 1960 et 1970 l’Etat tunisien refusait d’admettre l’existence de gourbivilles, lança une politique de démolition des quartiers illégaux et l’expulsion de leurs populations vers leurs régions d’origine. Ce qui était présenté comme solution n’eut que peu d’effet, car les populations s’empressaient de revenir à Tunis pour s’installer de nouveau dans la médina ou dans les grands gourbivilles. Au cours des années 1970, un nouveau modèle de développement économique basé sur l’industrialisation et la promotion des exportations fut mis en place. Toutefois, les conditions d’habitat médiocre de la population, l’absence d’un mode de transport assurant la mobilité de la population ne permettaient pas d’attirer des investisseurs étrangers. C’est pourquoi plusieurs mesures furent engagés parmi lesquelles, les politiques de logement et la généralisation de l’enseignement visant à favoriser le développement de la classe moyenne comme base de l’Etat-parti qui avait dirigé le pays depuis 1956. Pour mettre en œuvre cette politique, une agence foncière d’habitat fut créée en 1974 avec des prérogatives de puissance publique et s’attela à aménager plusieurs opérations d’habitat dans la périphérie nord de Tunis qui accueillirent les premières zones d’habitat destinées aux classes moyennes. Obnubilé par la nécessité de disposer d’une base sociale composée de classes moyenne, l’Etat ne prit pas en compte dans cette nouvelle politique

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d’habitat les couches populaires. Cette situation donna lieu à de nouvelles formes d’habitat illégal qui se développèrent dans l’espace agricole et périurbain du grand Tunis.

En 1964 après la nationalisation des terrains des colons, l’Etat disposait de près de 65% des terres de la région, mais n’avait pas enregistré ces terres, ce qui avait favorisé des fromes d’accaparement de ces terrains et par voie de conséquence la constitution d’un marché foncier adapté aux populations pauvres. Entre 1970 et 1980 l’Etat toute ne tolérant ce type d’habitat, se refusait d’intervenir pour assurer la réhabilitation de ces quartiers. Cette périurbanisation informelle traduisait l’absence de politique d’habitat permettant d’intégrer ces populations dont les faibles revenus ne permettaient pas d’accéder au foncier public qui fut exclusivement destiné aux classes moyennes.

L’habitat informel et spontané correspond aux quartiers périphériques entiers édifiés sans autorisation et souvent dans des zones périphériques des grandes villes où les opportunités foncières permettent aux ménages d’acquérir des parcelles de terrain dans des zones non équipées ou sous-équipés. Les statistiques des années 1980 et 1990 estiment que sur 50.000 logements construits chaque année en Tunisie, près de 25% représentent des logements informels (Rapport de la commission ad-Hoc pour une stratégie de l’habitat, MEH, juin 1988). L’impact de cette forme d’habitat hors-normes était considérable sur l’organisation et la structure des villes. L’un des principales implications était l’étalement urbain et la sous-densification des villes avec comme corollaire des surcoûts d’urbanisation pour les collectivités locales et l’Etat. L’habitat informel exclusivement constitué de logements individuels d’une part, et l’engouement des classes moyennes pour la villa d’autre part, font que les logements construits se sont traduits par un gaspillage du sol urbain et corrélativement par une sous-densification des tissus. Tunis dont la densité à l’hectare était de 120 habitants en 1975, a connu une baisse de sa densité moyenne qui s’établissait en 1990 à 95 habitants à l’hectare. Il en est de même pour l’agglomération de Sousse où la densité moyenne était de l’ordre de 65 habitants à l’hectare.

Les tendances passées révèlent que l’habitat informel constitue un trait caractéristique de la majorité des villes Tunisiennes. Ce phénomène prend de l’ampleur dans les grandes villes où la demande en logement est plus forte. Pour le cas de Tunis, l’habitat spontané péri-urbain s’est concentré à l’Ouest de l’agglomération, zone au sein de laquelle deux fronts d’urbanisation spontanée commandent la dynamique spatiale. D’une part les quartiers Ettadhamen- Douar Hicher dont la population est estimée en 2004 à plus de 155.000 habitants sans compte le quartier Mnihla qui compte 54.000 habitants, et d’autre part la zone de Hrairia dont la population est estimée à près de 100.000 habitants. L’étude de l’habitat anarchique en Tunisie réalisée en 1993 par le ministère de l’Equipement et de l’Habitat (MEH-Urbaconsult, 1993), établissait un constat de recul de l’habitat informel par rapport à la période précédente. Ce ralentissement était expliqué par le fait du contrôle exercé par l’Etat sur son patrimoine foncier, ainsi que de la meilleure prise en compte par les programmes publics des besoins en habitat social. Ces résultats tels qu’ils étaient contextualisés et qui méritent d’être nuancés vu la faible représentativité de l’échantillon de l’enquête (50 logements par quartier d’un chef-lieu de gouvernorat), ont révélés quelques traits caractéristiques de l’habitat informel en Tunisie à savoir :

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- La totale disparition de l’habitat rudimentaire du type gourbi (2,6% en 1993 contre 5% en 1980) ;

- L’absence de formes d’occupation illégales du sol de la part des habitants ; - Un contenu socio-économique caractérisé par la coexistence d’une strate

économiquement modeste et de strates moyennes ; - La prédominance du logement avec cour (houch) et la présence de petites villas ; - La pérdominance des propriétaires du sol et des murs (82%) ; - Une taille moyenne des logements de l’ordre de 2,6 pièces ; - Un niveau d’équipement en infrastructure assez satisfaisant (électricité : 95%, eau

courante : 68%, WC : 95%) ; - Un coût moyen d’investissement par logement de l’ordre de 10.000 dinars ; - Le lotissement clandestin est relayé par le lotissement illégal ; - L’inadéquation des moyens de gestion urbaine, face à l’ampleur du phénomène.

2. L’habitat informel en Tunisie : constat et nouvelles tendances à partir de l’analyse de la littérature récente

De nombreuses études du District de Tunis (DT, 1986, l’habitat spontané dans le district de Tunis, Etude de dix quartiers, 1986) ; (DT, 1981, Etude restructuration Ettadhamen, APS) ont établi que 75% des populations s’installant dans ce type de quartiers, provenaient de différents quartiers centraux de Tunis et que 25% des ménages étaient issus de l’exode rural. Dans plusieurs petites et moyennes villes, la population résidant dans les centres traditionnels, a migré vers les périphéries. Les exemples variés des grandes villes et des villes moyennes telles que Tunis, Sfax et Sousse avaient montré que l’urbanisation s’implantait en discontinuité par rapport au tissu urbain de la ville. Les logements construits sont généralement de bonne facture et l’état des infrastructures et souvent déficient et insuffisant. L’espace investi est généralement agricole avec des statuts fonciers parfois complexes et mal définis. Dans un contexte bien différencié de celui de Tunis, Sfax offrait un au autre type d’habitat informel qui s’explique la redistribution de la population du centre vers la périphérie. A l’inverse du modèle de périurbanisation à Tunis, l’habitat informel impulsée jusqu’en 1990 était le fait de couches moyennes qui n’ont pas eu recours au marché foncier mais ont utilisé des propriétés foncières familiales et patrimoniales. Ainsi les Jneins, vergers situés à la périphérie de la ville, ont fait l’objet d’urbanisation pavillonnaire faiblement dense et coûteuse en infrastructure.

2.1 Le traitement des quartiers informels par la généralisation de la réhabilitation 1990-2009

Le traitement des quartiers illégaux a été engagé avec des crédits de a banque mondiale à partir de la fin des années 1970. Cette nouvelle orientation est intervenue à la suite de la grève générale du 26 janvier 1978 qui a entraîné d’importantes manifestations réprimées par la police qui a ouvert le feu sur les manifestants faisant plusieurs dizaines de morts et blessés. Parmi les manifestants se trouvaient les habitants des gourbivilles qui vivaient dans les quartiers insalubres au moment où les quartiers aisés des classes moyennes connaissaient d’importants développements. C’est à la suite de ces événements que le gouvernement décidera de se préoccuper des quartiers pauvres et engagera des projets de réhabilitation. Pour cela fu créée en 1981 l’Agence de Réhabilitation et de Rénovation urbaine (ARRU) chargée

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d’équiper et de réhabiliter les quartiers illégaux. Jusqu’en 1988 l’ARRU réalisera la réhabilitation de près de 35 quartiers répartis dans les grandes et moyennes villes tunisiennes. Après l’abandon par la banque mondiale des projets urbains, le gouvernement tunisien définira un nouveau programme « le programme national de réhabilitation des quartiers populaires » (PNRQP) dont le premier sera financé par le budget tunisien, les 2ème, 3ème ainsi que le 4ème PNRQP ont été financés à hauteur de 70% par l’Agence française de développement.

Ce programme a concerné plus de 900 quartiers répartis sur l’ensemble du pays. La particularité de ces projets de réhabilitation est que les populations bénéficiaires de ces projets ne contribuent pas au financement qui est assuré en grande partie par l’Etat et dans de très faible proportion par les communes.

De ce fait, ce mode d’intervention curatif favorise et encourage la multiplication des quartiers illégaux devenant ainsi un argument de vente savamment exploité par les lotisseurs illégaux. En effet, la dissémination de noyaux d’habitat dans la périphérie des grandes villes obéit à deux logiques. La première est liée à la recherche de prix fonciers relativement bas et explique la concentration des noyaux d’habitat spontané. La deuxième logique est en rapport directe avec la multiplication des projets de régularisation et de réhabilitation des quartiers illégaux. En effet, la démultiplication des projets de réhabilitation des quartiers illégaux un peu partout en Tunisie constitue pour les populations une sorte de garantie pour bénéficier des infrastructures et de la réhabilitation de leurs quartiers informels. Cette perception devient pour les populations une évidence dans la mesure où les politiques publiques de démultiplication des projets de réhabilitation constituent la preuve que quels que soient les délais, ils bénéficieront à terme des projets de réhabilitation. Cette conviction est également affirmée par de nombreux autres facteurs, tels que la création de corridors de transport avec des lignes de bus suburbaines, le développement de nouveaux marchés fonciers, le déclin de l’activité agricole et plus globalement le processus d’artificialisation d’une zone qui était il y a quelques années agricole.

L’accroissement de l’habitat informel résulte de plusieurs facteurs parmi lesquels le facteur foncier est stratégique dans la mesure où les lotisseurs clandestins d’une part et les propriétaires fonciers d’autre part sont à l’origine du développement d’un marché foncier spécifique car destiné aux populations économiquement modestes et dont les revenus sont irréguliers. En effet, la vente de petits lots sans infrastructures est un produit foncier à la portée de ces populations et qui ne peut être commercialisé que d’une manière illégale dans des friches urbaines.

En termes de politique d’habitat, l’Etat étant dans l’incapacité de produire une offre foncière adaptée à cette population, tolère le développement en périphérie de ce type d’habitat. Le coût de cette forme d’urbanisation est prohibitif dans la mesure où il comporte le coût de la perte des surfaces agricoles, des infrastructures réalisées a posteriori, des coûts de transport, etc.

Les faits à l’œuvre traduisent la permanence du phénomène de l’habitat informel en Tunisie. Cette forme d’urbanisation qui prend de la vitesse, souvent caractérisée de moins accélérée durant les deux décennies 1990 et 2000, évoluent en fonction des conjonctures économiques

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liées au marché de l’immobilier et du logement. Cette forme d’urbanisation informelle n’a cessé de se développer en grignotant les marges périurbaines et détruisant les réserves foncières et agricoles. Ceci à des échelles urbaines différentes et dans les villes de petites, moyennes ou de grandes tailles. Les études réalisées par le District de Tunis (1988) ainsi que par le MEH (1993) ont montré que l’habitat spontané occupait jusqu’au début des années 1990 32% de surfaces à vocation d’habitat dans le Grand Tunis. Caractérisant l’habitat non réglementaire dans le Grand Tunis, l’étude réalisée en 2006 par l’AUGT1 s’est intéressée à l’habitat non réglementaire en dehors des PAU (HHPAU). Dans sa logique, il s’agit d’étudier les implantations, anciennes ou nouvelles situées en milieu communal ou non communal, réalisées en dehors des zones réservées à l’urbanisation par des PAU approuvés. Selon cette étude « la part de l’habitat spontané, en tant que résultat de l’activité des lotisseurs clandestins dans la production de l’HHPAU est devenue marginale ». (DGH-AUGT, 2006, p.13). Les actes de morcellement de la propriété agricole impulsés par la désaffection des agriculteurs à la valeur d’usage de leurs exploitations, se sont substitués aux pratiques frauduleuses des lotisseurs clandestins.

Rappelons à ce propos que l’urbanisation réalisée en dehors des zones couvertes par des PAU est gérée depuis 1996 par un règlement général d’urbanisme. En effet « à l’exception des zones couvertes par les PAU approuvés ou des zones soumises à des règlements particuliers, toutes les opérations de construction sont soumises à des règlements généraux d’urbanisme approuvés par décret sur proposition du ministre chargé de l’Urbanisme » (art. 27-28, CATU). En outre, selon l’arrêté conjoint du ministre de l’Agriculture et du ministre de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire du 31 octobre 1985 fixant les superficies minimales des exploitations et les superficies maximales des constructions qui peuvent y exister, la superficie minimale de l’exploitation agricole sur laquelle sera édifié une construction à usage d’habitat doit être supérieure ou égale à un hectares. Pour les périmètres publics irrigués, la surface minimale d’une exploitation est portée à quatre hectares. Et dans tous états de figures, la superficie couverte réservée à la construction des bâtiments à usage d’habitat dans une exploitation agricole ne peut dépasser le un dixième de la superficie totale de l’exploitation avec un plafond de 1500 m². Confronté à la réalité, cette règlementation avait stimulé les spéculateurs ; promoteurs immobilier, particuliers et ménages aisés, à s’investir dans le foncier classé par les SDA en tant que zones d’interdiction. Le cas de la périphérie Nord et Nord-Est de Tunis (les zone de Chaouatt, Borj Touil ainsi que le long de la sortie Nord au niveau de la RN 8 et de l’autoroute n° 4 de Bizerte ; Sabalet Ben Ammar, Bou Hnach …) est assez significatif car il reflète d’une part l’engouement parfait de cette catégorie au gèle des réserves foncières dans des zones à vocation agricole, et d’autre part le recours des propriétaires terriens au morcellement de leurs propriétés par des actes de cession.

1 Etude qui venait compléter deux autres études consacrées à la caractérisation de l’habitat non réglementaire

dans le grand Tunis. Ces études qui rentrent dans l’activité de l’Observatoire de l’Immobilier et du Foncier

(OIF), ont été réalisées en deux parties: une première partie qui s’intéresse à l’habitat non réglementaire

construit à l’intérieur des zones à vocation autres que l’habitat (DGH-AUGT, 2003) et une autre qui étudie

l’habitat non réglementaire à l’intérieur des zones d’habitat (DGU-AUGT, 2005). Force est de constaté que les

résultats des ces études ont été tirés à partir des mesures et observations menées sur un échantillon par

quotas et stratifié tiré au 1/20ème

de la superficie totale des classes des taches de l’HHPAU (soit 729,14 ha

répartis d’une manière hétérogène sur 63 secteurs).

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Figure n° : Localisation des principaux quartiers informels dans le grand Tunis jusqu’en 2014

L’étude de l’AUGT de sur l’HHPAU a montré que pour le grand Tunis, la surface occupé par l’informel en dehors des périmètres planifiés par de APU représente 4,5% dont la part la plus importante, soit 44,9%, se situe dans le gouvernorat de la Manouba et plus précisément à Jedaida et à Mornaguia. A l’intérieur des périmètres planifiés par des PAU approuvés et dans

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des zones à vocation autre que l’habitat, la surface consommée par de l’habitat informel en 2002 est de l’ordre de 4% (DGH-AUGT, 2002). Les grandes taches se situaient à Soukra (Sidi Salah, Dar Fadhal, Sidi Fraj) et Raoued (cité des juges, cité Chaker, Jaafar), du côté de l’Ariana, et de Boumhal (El Bassatine) du côté de Ben Arous. Ces quartiers se sont implantés sur des zones dont les vocations initiale sont soit de type inondable soit agricole.

L’informel dans le grand Tunis a été identifié suivant trois fromes différents. Les formes agglomérées denses, qui sont les plus fréquentes à Mornaguia, Jédaida, Fouchena, Mornag et Oued Ellil, et qui occupent 86,7% des surfaces, auxquelles les logements se regroupent dans des quartiers entiers et se distingue par leur emprise qui dépassent rarement 40 ha. La deuxième forme concentrée relève des constructions dispersées se concentrant le long des voies structurantes, et la troisième frome correspond aux constructions dispersées sur les terres agricoles et qui caractérisent les plaines de Raoued, Bouhnach et Mornag.

L’infrastructure routière et autoroutière constitue un facteur urbanogène de l’habitat informel. En effet, selon les calculs réalisés par l’AUGT dans le cadre de l’étude précitée, 49% de l’habitat informel est implanté sur une bande de 200 m de profondeur à partir du domaine public routier (DPR) des voies classées Nord-Ouest, Sud-Ouest à savoir la RN7, la RR32, la RN5, la RR39, la RL565).

2.2 L’action publique favorise l’émergence de l’habitat informel

Depuis l’expérience du coopérativisme agricole des années 1960, l’Etat s’est engagé dans un processus de redistribution des domaines publics en faveur des agriculteurs désirant s’investir dans ce secteur. Le vieillissement des anciens bénéficiaires des parcelles et le refus de leurs descendants de s’investir dans le domaine de l’agriculture a impulsé l’abandon de l’agriculture et l’émiettement de la propriété en faveur de l’implantation de construction anarchique. D’ailleurs, bon nombre des quartiers d’habitat informel de la périphérie du Grand Tunis (Sidi Thabet, Borj El Amri, Khélidia, Medejz El Bab…) s’inscrive dans ce processus d’abandon de l’agriculture au profit du mitage de la propriété. (Kahloun, 2013)

Les programmes d’habitat menés depuis la fin des années 1960 ont été marqués par des actions de relogements menées dans le cadre des opérations de meljas, de dégourbification et d’éradication des logements rudimentaires. Les programmes et projets financés essentiellement par le Fonds National de Solidarité (appelé 26/26) constituent, pour ce cas précis, un exemple frappant de l’intervention publique causant la production de l’habitat informel. Ces projets de relogement sont souvent construits dans des zones inondables ou en dehors des périmètres planifiés ou encore empiétant sur des emprises publiques et des domaines routiers ou hydrauliques.

En outre, l’Etat usant de son pouvoir déconcentré exercé à l’échelle des régions par les gouverneurs, procède à la réalisation des opérations de relogement sans recours aux commissions techniques des permis de bâtir. Les entretiens avec les techniciens de la SNIT et de l’ARRU ont permis d’instaurer l’idée selon laquelle les opérations publiques aménagées par l’AFH et réalisées par la SPROLS ou la SNIT, du fait qu’elles ne s’inscrivent pas dans une logique de projet urbain intégré, constitue un facteur d’attraction de l’habitat informel. Il

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en découle qu’en l’absence d’une vision inclusive des projets de logements sociaux, la présence d’une opération d’habitat réalisée par l’Etat ouvre la voie à toute forme de dérogation et fait appel à diverses formes de spéculation foncière formelle et informelle. Toutes les observations menées dans les grandes agglomérations urbaines de Tunis, de Sfax et de Sousse affirment ce constat : Les quartiers d’habitat informel sont assez rapidement soudés aux opérations publiques menées dans le cadre des différents programmes de logement ou de relogement urbains et ruraux. El Kram-Ouest, Fouchena et Oued Ellil dans le grand Tunis, Hached et Ain Maryem à Bizerte, El Matar à Sousse, Sidi Salah et Sidi Mansour à Sfax, El Mahrajène à Tozeur, Essouror à Gafsa, etc. constituent tous des exemples qui illustrent le caractère incitatif du formel en faveur de l’informel.

A ceci s’ajoutent les interventions sectorisées des concessionnaires publics notamment la STEG pour le réseau d’électricité et la SONEDE pour le réseau d’eau. Sans coordination avec les services techniques des communes, ces acteurs publics donnent aux ménages accédant à la propriété d’un terrain, le droit de s’implanter et de construire des logements sans respect des règlements d’urbanisme. Les opérations de réhabilitation menées essentiellement par l’ARRU, en tant qu’agence publique, en dépit du volume des réalisations physiques et financières, s’inscrivent également dans la logique de la légitimation de l’informel. Dans ces quartiers, les interventions d’a posteriori de l’ARRU sont vivement attendues par les habitants des quartiers informels non seulement parce qu’elles contribuent à l’amélioration de leurs conditions de vie, mais aussi parce qu’elles leur offrent une forme de reconnaissance et conforte l’appropriation de leurs logements.

La désarticulation entre planification urbaine (Schémas directeur, PAU, PAD) et planification économique sectorielle (programmes de développement sectoriels) est l’un des principaux facteurs de l’émergence de l’habitat informel. En effet, en l’absence de réserves foncières pour la réalisation des équipements programmés ou non programmé par les PAU de bon nombre communes tunisiennes, certains propriétaires terriens offrent une partie de leurs terres à l’Etat en vue de construire un équipement collectif (école, lycée, mosquée, hôpital…). Ce don qui contribue assurément à la valorisation foncière de toute la zone, favorise de toute évidence la spéculation autour de cette zone vouée graduellement à la convoitise de l’habitat informel. Loin des périmètres planifiés, l’Etat à travers ses départements ministériels en est certes le principal responsable de cette forme d’urbanisation spontanée.

L’exemple de la contribution de l’habitat informel dans l’évolution de la périurbanisation au grand Sfax est frappant. La proximité des localités rurales, l’exode rural depuis le Centre-Ouest motivé par la recherche des emplois, ainsi que le morcellement des anciennes exploitations agricoles (les jnènes) constituent les principaux facteurs de l’émergence des premiers noyaux d’habitat spontané à Sfax. Ce constat ne peut être expliqué en dehors d’une lecture approfondie de la logique des communes périphériques de Sakiet Ezzit, Sakiet Eddayer, Gremda et Thyna dont les élus locaux, craignant les surcoûts d’investissement que devrait engendrer l’habitat informel, étaient hostiles à intégrer les quartiers spontanée aux périmètres communes. Il s’agit du cas de Ouerghemma et Arafet pour la commune de Gremda, de Sidi Abid, El Aguerba, Erryadh pour la commune de Thyna et du cas de Sidi Mansour pour la commune de Sfax (Baklouti A., 2006)

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Figure n° : Typologie des quartiers périurbains du Grand Sfax

C’est à partir su milieu des années 1980 que l’habitat illicite frappa de plein fouet l’espace périurbain de Sfax. Loin d’être maîtrisé par les pouvoirs publics, ce processus continue à marquer les marges de l’agglomération par la création de nouvelles cités illégales dans les

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secteurs ruraux de Sidi Abid (Hay Ben Saïda), El Hajeb (Hay2 El Wafa, Hay EL Matar, Hay El Oulouj).

A Tozeur, les premiers quartiers d’habitat spontané émargeant au nord de la ville à proximité du cimetière de Sidi Abd al Rahîm, étaient dénommés de « ceux du cimetière ». En 1955, l’ensemble de cet espace, appelé Ras Edhraâ et occupé par les premiers venus Ghrib, se situe hors du périmètre communal et apparaît vide d’habitation. Le quartier « Rekarka » qui abritait à peine quelques maisons et tentes, fut la première entité qui s’est considérablement étendu du fait de la sédentarisation, mais aussi en raison de l’arrivée de jéridis en provenance du centre avec lesquels les bédouins partagent désormais le même habitat. (Puig N., 2003). Le houch, en tant que mode d’habitation rural constitue le modèle qui se développe à partir de la fin des années 1970. Les tentes et huttes qui représentaient 4% des habitations en 1984 ont aujourd’hui quasiment disparu. Le recours aux photographies aériennes et aux cartes dressées à des étapes différentes de l’évolution récente de la ville permet de mesurer l’historique de l’urbanisation de la zone. La progression du bâti dans ce qui était auparavant une zone désertique s’est effectuée de l’oust vers l’est et du sud au nord. La photo aérienne de 1975 montre qu’un premier noyau d’urbanisation se développe à partir de cette zone constituée de quelques houch qui bordaient le cimetière. L’urbanisation interviendrait d’une manière plus significative à la fin des années 1970 et au début des années 1980 sous l’effet de l’exode et l’habitat spontané. Le quartier Helba commença alors à se développer et l’urbanisation de toute la zone se poursuit actuellement, à un rythme plus accéléré. L’augmentation de la circonférence du périmètre communal a favorisé l’intégration de cette zone dans la ville. Toutefois le quartier s’étend et se densifie davantage et des lotissements encadrent les quartiers spontanés au Nord comme au Sud, mais sans pouvoir limiter leurs extensions vers l’est et au-delà de la route de Gafsa (Puig N., 2003).

A l’heure actuelle l’animosité entre bédouin et citadin s’apaisait. Le quartier derière le cimetière est complètement mixte. L’avenue qui borde le quartier au nord constitue une frontière entre le quartier spontané et la zone des lotissements peuplés en majorité de Jéridis et dans laquelle on ne trouve aucun Rkârka. En ce qui concerne l zone dite « wra’ aj-jabbâna » (dernière le cimetière), la première constation est qu’elle est occupée en proportion égale par ceux de la ville (jamaât al-bled) et par les Rkârka (jmaât ar-Rhârka). L’identification entre le quartier et sa population bédouine (rurale), ceux de derrière le cimetière, ne renvoie plus à la réalité d’un peuplement aujourd’hui diversifié. Cependant, cette assignation territoriale inscrite sur l’espace urbain non réglementaire reflète la ségrégation socio-spatiale de l’habiter entre citadins (Awlad Abid) et bédouins qui constituaient une source de malaise.

2 Hay veut dire quartier ou cité résidentielle. Cette expression renvoie souvent au caractère populaire de

l’espace habité et de la population qui y réside.

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Figure n° : Evolution du quartier informel de Ras Edraâ à Tozeur entre 1975 et 2012

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3. Estimation du poids du logement informel dans le parc des logements en Tunisie

En Tunisie, le parc des logements est composé en 2014 de 3.289.903 logements (pour 2.712.976 ménages, soit un rapport de 1,2 log/ménage) dont près de 25% se situe dans le grand Tunis et 24% dans le Centre-Est, régions dont les réseaux urbains sont composés de villes de plus de 500 mille habitants. C’est dans ces aires métropolisées et/ou littorales produisant les richesses, la pauvreté ainsi que la précarité (plus particulièrement à Ariana, Ben Arous, Manouba, Nabeul, Zaghouan, Sousse, Monastir et Médenine), que les forts taux d’accoisement dépassant 3% sont enregistrés. Toutefois, et pour l’ensemble du pays, le taux d’accroissement annuel moyen du parc des logements entre 2004 et 2014 est de 2,78% contre 2,96% pour la décennie 1994 et 2004. Cette baisse qui s’explique par le recul de l’accroissement de la population estimé en 2014 à 1,03% contre 1,21% en 2004, ne traduit pas l’évolution réelle du parc. Durant les dix dernières années, l’accroissement du logement dépasse le double de l’accroissement de la population. Cette évolution qui explique, d’une part le maintien de la tendance vers la hausse du nombre des logements durant les vingt voire les trente dernières années, traduit d’autre part la forte demande en logement qui a comme corollaire l’évolution de l’autopromotion des logements par les ménages dans les deux secteurs formel et informel.

Il importe de rappeler qu’au cours de la période du 5ème Plan national de développement (1982-1986) et jusqu’au début des années 2000, près de 30% des logements réalisés dans le Grand-Tunis ont été construits en dehors du marché règlementaire. De même, et pour la même période (année 1980), 54% des terrains urbanisés ont été fournis par les lotissements clandestins.

Selon les premiers résultats de l’INS de 2014, le volume de la production annuelle en logement atteint 79.000 logements. Compte tenu du poids des logements vacants estimé en 2004 à 14% du parc existant, et si l’on se situe par rapport à une hypothèse tendancielle, les besoins annuels sont estimés à près de 67.800 logements. Toutefois, le logement informel peut se situer entre 12 et 46% du parc des logements et ceci selon les périodes, les régions et les milieux communaux et non communaux.

Les estimations présentées se sont basées sur le recoupement de plusieurs données issues des études d’identification des quartiers à réhabiliter dans le cadre de préparation des programmes d’intervention dans les communes et les régions. Il importe de mentionner que les inventaires sont réalisés sur la base des besoins en quartiers à réhabiliter exprimés par les communes et dont les coûts sont estimés et évalués par l’ARRU. La deuxième source utilisée est constituée des autorisations de bâtir et leur évolution avant et après la révolution de 2011.

L’enquête d’identification menée en 2001 par l’ARRU et la Direction générale des Collectivité Publiques Locales (DGCPL) sur les besoins en matière de réhabilitation dans les quartiers populaires, a montré que ces besoins restaient importants. En effet, 743 quartiers avaient été proposés regroupant près de 272.000 logements. En 2011, les inventaires des besoins élaborés par l’ARRU ont identifié 1440 quartiers répartis sur 212 communes et 24 gouvernorats. Le nombre de logements était estimé à 706.254 et la densité à 14 log./ha. Si l’on rapporte le nombre de logements informels identifiés en 2011 à celui recensé par l’INS (près de 3.000.000 logements), la part moyenne du logement informel dans le parc des logements en Tunisie est d’environ 23%.

Ces chiffres retenus pour la période d’avant la révolution, peuvent être affinés davantage si l’on réfère l’estimation de la part de l’habitat informel dans le parc des logements aux autorisations de bâtir délivrées par les collectivités locales entre 2004 et 2013. Selon les données de la Direction Générale de l’Habitat, le nombre des autorisations est variable d’une

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année à l’autre avec une nette tendance à la hausse du logement formel, et par conséquent le recul de la part du logement informel jusqu’en 2010. D’ailleurs, pour la période 2004-2010 et si l’on considère le faible écart entre les autorisations délivrées et les logements effectivement construits, le logement informel frôlait 28% du pars des logements en Tunisie. Cependant, à partir de 2011 et suite au dysfonctionnement des mécanismes de contrôle de l’urbanisation et la défaillance des services techniques (police municipale) auprès des collectivités locales, la part de l’habitat informel et des construction réalisées dans toutes les fromes de dérogation à la réglementation et aux règlements d’urbanisme en vigueur atteint 46% entre 2011 et 2013.

Tableau n° : Estimation de l’évolution du poids des logements informels dans le parc des logements en Tunisie entre 2004 et 2013 Année 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Autorisation de bâtir*

41957 47323 49684 43842 47008 50485 63601 38088 41003 42587

Logements** 63231 64647 66095 67576 69089 70637 72219 73837 75491 77182

Part des logements Formels (%)

66 73 75 65 68 71 88 52 54 55

Part des logements informels (%)

34 27 25 35 32 29 12 48 46 45 Avant 2011 2011 et après

28 % 46% * Source : DGH, 2014 ** Estimation personnelle à partir des données de l’INS de 2004 et sur la base du taux d’accroissement annuel moyen de la période 2004-2014 qui est de 2,24% (INS-RGPH, 2014)

Figure n° : Evolution du poids (%) du logement informel dans le parc général des logements entre 2004 et 2013

34%35%

12%

48%

0

10

20

30

40

50

60

2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

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4. Des quartiers informels à faible densité

A l’instar des zones d’habitat réglementaire, les quartiers informels sont caractérisés par une faible densité. Ce constat est tiré de l’inventaire réalisé en 2014 par l’ARRU en vue d’identifier les besoins de réhabilitation. En effet, sur la base de 628 quartiers et près de 465.000 logements, les densités moyennes dans les quartiers informels sont de l’ordre de 21 logements à l’hectare. Les quartiers les plus denses sont situés dans les régions du Nord-Est et du Grand Tunis. Les principaux pics sont enregistrés dans les gouvernorats de Nabeul (Barnousa à Dar Chaabèbne Fehri, Ettaamir à Menzel Temime, Ennajah et Essalama à Haouaria), Ben Arous (El Bassatine à Boumhal) et La Manouba (Edkhili, Chouigui à Tebourba). Dans la région du Centre-Est, la densité atteint à la Mahdia 76 log/ha et 48 log/ha à Tozeur. Les plus faibles densités sont celles des quartiers informels situés à Gabès, Monastir et Sfax.

Tableau n° : Les densités de l’habitat informel dans les gouvernorats et les régions en 2014

Gouvernorat/Région Densité : log/ha Tunis 37 Ben Arous 65 Ariana 46 Manouba 55 Grand-Tunis 51 Nabeul 95 Zaghouane 20 Bizerte 49 Nord-Est 55 Beja 27 Jendouba 30 El Kef 35 Siliana 24 Nord-Ouest 29 Sousse 22 Mahdia 76 Monastir 17 Sfax 17 Centre-Est 33 Kasserine 22 Kairouan 21 Sidi Bouzid 36 Centre-Ouest 26 Gabès 16 Mednine 29 Tataouine 21 Sud-Est 22 Gafsa 31

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Tozeur 48 Kebili 5 Sud-Ouest 28 Total 21 Source : Estimation à partir de l’identification des besoins des quartiers à réhabiliter dans les collectivités locales, ARRU, 2014,

5. Etude du logement informel à partir de l’enquête sur terrain

5.1 Méthodologie et plan d’observation de l’enquête

L’enquête par questionnaire

L’enquête par questionnaire a été menée dans neuf quartiers choisis d’une manière concertée entre l’expert, les ingénieurs-managers des programmes de l’ARRU et les membres du comité de pilotage de la DGH et de la Banque Mondiale. Dans ce choix, la majorité des quartiers sont anciens et en cours de densification. Cependant, ils ont bénéficié différemment des interventions de l’ARRU dans le cadre de programme de réhabilitation, de requalification ou d’intégration. (Plusieurs interventions, intervention partielle, sans intervention et/ou programmés). Qu’ils soient anciens ou nouveaux, ces quartiers continuent à se transformer, par étalement ou par densification, à des rythmes fortement distingués.

Un échantillon aléatoire a été tiré au 10% à partir de 16450 logements répartis sur les neuf quartiers sélectionnés. La méthode de passation est de type administrée et par distanciation et le tirage des unités/logements a été effectué sur support cartographique et sur terrain selon la méthode aléatoire par grappe. Afin d’apporter les ajustements nécessaires à cette méthode (les grappes) le taux d’impondérables (non réponses et erreurs d’enregistrement) était de l’ordre de 5%. Ainsi, la taille d’échantillon s’élève à 1700 logements répartis comme suit :

Quartier

Rattachement administratif (délégation)

Nb logements*

Tirage 10%

Echantillon final **

(+ imp. 5%)

Aychoucha Raoued-Ariana 1800 180 189 Birine Sidi Hcine-Tunis 1050 105 110 El Bassatine Ettadhamen/Mnihla-Ariana 2500 250 262 Sidi H’md Chrichi Le Kef 1850 185 194 El Karma Kasserine 3000 300 315 Oued Kacem/Bir Ali Hlel Ksar Helel - Monastir 1150 115 121 El Khadraa-Riadh Thina-Sfax 2200 220 231 Essourour Gafsa 2252 225 236 Ras Edhraa Tozeur 400 40 42

Total 16452 1620 - Impondérables 5% 80

Echantillon total 1700 * Estimation tirée des études APD, ARRU, 2013. ** Niveau de confiance 95%, marge d’erreur 2,29

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L’objectif de l’enquête par questionnaire est de produire une information récente et fiable sur les caractéristiques de ces quartiers et sur l’évolution des statuts d’occupation, des modes d’acquisition, ainsi que sur les fromes d’occupation et des modes de financement de la construction et de transformation des logements informels.

Cet état des lieux a été complété par un inventaire des activités économiques mené auprès de 321 locaux situés dans les secteurs enquêtés. L’objectif étant de mesurer la dynamique économique que pourrait impulser l’informel ainsi que l’impact des interventions de l’Etat (ARRU) sur l’évolution de l’occupation dans ces quartiers

5.2 Profil socio-démographique des quartiers informels

L’enquête par questionnaire menée auprès de 1700 ménages-logements a concerné 52,2% des enquêtés de sexe masculin et 47,8% de sexe féminin. L’âge moyen des enquêtés est de 44,8 ans. Il s’agit d’une population relativement jeune et en âge d’activité. En effet, les enquêtés âgés de 30 à 59 ans représente 65% de la population enquêtés. Cependant, les enquêtés dont l’âge est supérieur à 60 ans représentent 17,7%.

Tableau n° : Répartition de la population enquêtée par strate d’âge

Strate Effectif % % valide Moins de 15 ans 7 0,4 0,4 15-19 46 2,7 2,7 20-24 101 5,9 6,0 25-29 131 7,7 7,7 30-34 187 11,0 11,0 35-39 174 10,2 10,3 40-44 204 12,0 12,0 45-49 183 10,8 10,8 50-54 209 12,3 12,3 55-59 152 8,9 9,0 60 et plus 300 17,6 17,7 Total 1694 99,6 100,0 Non réponse 6 0,4 Total 1700 100,0

Les résultats de l’enquête ont révélé le faible niveau d’instruction des principaux occupants

des logements informels. En effet, plus de 75% des chefs de ménages n’ont pas poursuivi des

études supérieures et 17,6% sont analphabètes. En ce qui concerne les conjoints, 63,5% n’ont

pas fréquenté les universités et 30,8% sont analphabètes dont plus que la moitié (17,8%) sont

des hommes pour les strates d’âge supérieures à 50 ans.

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Tableau n° : Niveau d’étude des chefs de ménages et de leurs conjoints

Niveau

Chefs de ménages Conjoints

Effectifs % %

Valide Effectifs % %

Valide Primaire (ancien régime) 697 41,0 42,5 653 38,4 41,0

Secondaire (ancien régime) 355 20,9 21,7 255 15,0 16,0

De base 49 2,9 3,0 40 2,4 2,5

Secondaire (nouveau régime) 48 2,8 2,9 43 2,5 2,7

Professionnel 87 5,1 5,3 21 1,2 1,3

Supérieur 115 6,8 7,0 91 5,4 5,7

Analphabète 288 16,9 17,6 491 28,9 30,8

Total 1639 96,4 100,0 1594 93,8 100,0

Non réponse 61 3,6

106 6,2

Total 1700 100,0

1700 100,0

La taille moyenne des ménages est de 4,8 personnes ce qui est légèrement supérieur à la taille moyenne nationale estimée par l’INS en 2014 à 4,05. La valeur modale qui représente 25,6% des ménages enquêtés se situe à la taille 6. Toutefois, l’on peut noter que 13% des ménages sont composés de 3 personnes au plus et 66% sont composés de 4 à 6 personnes.

Les différences sont notables entre les quartiers du Centre-Est et du Sud-Est, et le reste des quartiers. Dans ces quartiers, la taille des ménages se situe entre 5,23 (El Karma) et 6,17 (Ras Edhraâ). Dans le grand Tunis et pour le reste des quartiers, les tailles sont proches à la moyenne, ceci à l’exception du quartier Chrichi au Kef dont les ménages sont moins nombreux. Il est à noter que pour l’ensemble des quartiers, le nombre moyen des personnes par logement qui est de 4,7, ne se distingue pas de la taille des ménages.

Tableau n° : Taille moyenne des ménages dans les quartiers informels

Quartier Taille

Minim. Max. Moyenne Aychoucha 2 9 4,75 Birine 2 10 4,90 Bassatine 2 11 4,83 Chrichi 1 10 4,30 EL Khadra/Riadh 1 12 4,51 Karma 1 12 5,23 Oued Kacem-Bir Ali Hlel 1 8 4,61 Ras Edhraâ 3 11 6,17 Sourour 1 9 4,76 Taille moyenne 1 12 4,8

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5.3 Caractéristiques socio-économiques des quartiers informels

L’analyse des formes d’occupation professionnelle des chefs de ménages montre qu’il s’agit d’une population majoritairement employée dans les secteurs précaires de la construction, des petits métiers, des métiers artisanaux, et du commerce informel. En effet, 39% des enquêtés sont des ouvriers ou des journaliers de la construction, 5,6% dans l’agriculture, 8,4% sont des artisans et 5,9% sont occupés dans les activités informelles. Si l’on ajoute à ces formes d’occupation les femmes de ménage et les agents de gardiennage, le taux d’occupation dans les secteurs précaires atteint 60%. D’ores et déjà ces fromes d’occupation professionnelle reflètent la faible capacité financière des ménages à fournir d’une manière régulière des sources de financement permettant leur solvabilité et leur accessibilité aux systèmes formels de financement des logements.

Les quartiers informels sont également le lieu de résidence d’autres catégories à faible solvabilité. Il s’agit de certaines fonctions intermédiaires des secteurs publics et privés. Parmi ces fonctions les ouvriers et employés du commerce et du tourisme (6,2%), les cadres moyens de la fonction publique (Police, garde nationale, militaire, santé…) ainsi que les indépendants de commerce et de services.

Les réponses tirées de la question sur le « nombre de personnes effectivement actives dans le ménage » montrent que 75% des ménages vivent d’un seul emploi, 19% de deux emplois et près de 5% vivent de plus de 3 emplois. Cependant 8,4% se sont déclarés sans emploi. En comparant ce résultat à celui tiré de la question sur la profession (tableau suivant), l’on peut estimer que le taux d’inoccupation des chefs de ménages dans les quartiers informels se situe entre 7 et 9%, ce qui est légèrement inférieur au taux de chômage des non diplômés de l’enseignement supérieur à l’échelle national (10,3%), selon l’enquête sur l’emploi de 2009.

Tableau n° : Les formes d’occupation professionnelles des chefs de ménages

Métier Effectifs % %

Valide Ouvrier de l'industrie 86 5,1 7,0

Ouvrier de l'agriculture/pêche 32 1,9 2,6

Ouvrier de la construction 227 13,4 18,5

Journalier de l'agriculture 37 2,2 3,0

Journalier de la construction 254 14,9 20,7

Ouvrier ou employé de bureau ou des services ou du Tourisme 66 3,9 5,4

Employé du commerce ou de l'artisanat 10 0,6 0,8

Cadre moyen (Police, Garde nationale, militaire, administration publique...) 78 4,6 6,4

Cadre supérieur 34 2,0 2,8

Enseignant/Formateur 39 2,3 3,2

Indépendant du commerce ou du service 79 4,6 6,4

Artisan (ateliers et petits métiers artisanaux) 103 6,1 8,4

Chauffeur de taxi/louage... 94 5,5 7,7

Petit commerçant/commerçant ambulant/collecteur de plastic 72 4,2 5,9

Gardien/Agent de sécurité 11 0,6 0,9

Page 22: Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

21

Femme de ménage 3 0,2 0,2

Travailleur à l'étranger 2 0,1 0,2

Total 1227 72,2 100,0

Non réponse 39 2,3

En chômage 130 7,6

Retraité(e) 236 13,9

Autres (pas de métier fixe, étudiants...) 19 1,1

Femme au foyer 49 2,9

Total 473 27,8

Total 1700 100,0

Les quartiers informels sont occupés par des classes populaires et des catégories socio-professionnelles à faible niveau de revenu. Le revenu global mensuel moyen des ménages atteint 486 DT, ce qui correspond à environ une fois et demie le SMIG. La répartition des enquêtés par classe de revenu montre que 34% d’entre ceux qui ont répondu à la question sont rémunérés à 300 DT au plus et 72% à 600 DT au plus. Les catégories ayant des revenus supérieurs à trois fois le SMIG représentent moins de 7%.

Tableau n° : Répartition des enquêtés par classe de revenu

Revenu Effectif % % Valide Moins de 300 DT 479 28,2 33,9

300-600 DT 545 32,1 38,5

601-900 DT 236 13,9 16,7

901-1200 51 3,0 3,6

Plus de 1200 DT 39 2,3 2,8

Revenu Variable 56 3,3 4,0

Autres 9 ,5 ,6

Total 1415 83,2 100,0

Non réponse 285 16,8

Total 1700 100,0

La cartographie des revenus moyens traduit les disparités entre les capacités financières des

ménages d’une région à l’autre. Les revenus les plus faibles sont enregistrés dans les quartiers

de Chrichi et El Karma situés respectivement dans les régions du Nord Ouest et du Centre-

Ouest. Les revenus sont nettement plus importants dans les quartiers situés à proximités des

grandes agglomérations urbaines où les proximités aux bassins d’emploi tertiaire (Grand

Tunis) favorisent la création des emplois dans les secteurs formels et informels. Dans d’autres

quartiers notamment à Sourour (Gafsa) et Raas Edhraa (Tozeur) les emplois dans des

entreprises miniers ou dans des activités indépendantes, expliquent l’amélioration des niveaux

de revenus des ménages des quartiers informels.

Page 23: Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

22

Figure n° : Les revenus moyens dans les quartiers informels (en DT)

5.4 Caractérisation morphologique et technique des logements informels

5.4.1 Prépondérance des formes traditionnelles et groupées et faible densité

Le logement informel en Tunisie change de configuration. Les typologies héritées de logement rudimentaire composé de gourbis et de taudis ont disparu en faveur du logement traditionnel et moderne plus adapté aux besoins des catégories qui y résident. La répartition des logements par type montre que le logement traditionnel composé de houch et dar arbi (maison arabe) représente 41%. Le logement individuel groupé caractéristique des quartiers informels, occupe 34,5% du parc. Cependant, les villas en tant que forme d’habitation moderne, représentent 16% contre seulement 3% pour les extensions horizontales composées de studios.

Contrairement à ces formes d’habitation informelle horizontales, les types de logement qui peuvent refléter une tendance vers la densification des tissus résidentiels informels ne représentent que 5,7% du parc enquêté. Cette proportion composée d’étages de villas et d’appartements de logement individuels groupés, confirme le constat du faible niveau de densité des quartiers informel. D’ailleurs sur l’ensemble des logements observés, seulement 20% ont construit à l’étage (R+1) et moins de 2% sont composés de deux ou trois étages. Ce résultat montre qu’environ 22% des ménages ont procédé à la construction à l’étage et à la densification du logement principal.

Tableau n° : Typologie des logements informels Type Effectif % Valide Houch 250 14,7 Dar Arbi 446 26,2 Logement individuel groupé 586 34,5 Villa 271 15,9 Etage de villa 42 2,5 Appartement d'un logement individuel 54 3,2 Studio 51 3,0 Total 1700 100,0

535 536

483

369 383

496

587

685709

0

100

200

300

400

500

600

700

800

Page 24: Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

23

5.4.2 Caractérisation technique des logements informels

Les données de l’enquête montrent que les logements composés de trois pièces viennent en première position avec un taux de 45,2% et constitue (3 pièces/log) le nombre moyen de pièces par logement pour l’ensemble des quartiers. Les logements composés de deux pièces représentent 24% et occupent la deuxième position contre 20,4% pour les logements de 4 pièces. Si on s’inscrit dans les tendances récentes et passées de l’évolution du parc des logements en Tunisie3, on constate que le logement informel offre une taille de logement adéquate voire plus importante que le logement dit social.

Tableau n° : Répartition des logements informels par nombre de pièces Nombre de pièces Effectif % % Valide Une pièce 69 4,1 4,1 Deux pièces 404 23,8 24,0 Trois pièces 759 44,6 45,2 Quatre pièces 342 20,1 20,4 Cinq pièces et plus 106 4,3 4,3 Total 1680 98,8 100,0 Non déclarés 20 1,2 Total 1700 100,0

Il est à noter que le phénomène de cohabitation et omniprésent sans être prépondérant dans les logements informels. Le nombre moyen de ménages par logement est de 1,2 et près de 88% des ménages occupent d’une manière autonome leurs logements. Toutefois, l’on peut souligner que 12,5% des enquêtés se partagent le logement avec plus de deux ménages, ce qui confirme la permanence de cette forme de cohabitation forgée autour de liens parentaux et/ou matrimoniaux.

Dans les logements informels, l’accès aux réseaux d’eau potable et d’électricité est souvent assuré. En effet le taux de branchement à l’eau potable est de 96,4%. Ce taux est de 97,3% pour l’électricité. Cependant, le branchement au réseau d’assainissement reste faible puisque seulement 69,2% des logements bénéficient de ce service.

Tableau n° : branchement des logements informels aux réseaux publics Réseau Taux de branchement Eau potable 96,4 Electricité 97,3 Assainissement 62,2

Les parcelles occupées par les logements informels ne sont pas exigües. La surface moyenne des parcelles est égale à 174,7 m².

3 Jusqu’en 2004, les logements composés de trois pièces représentent selon le RGPH de l’INS, 36,8%, les

logements de deux pièces 26,6% et les logements d’une pièce 6,9%

Page 25: Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

24

Sur l’ensemble des logements enquêtés, 39% des parcelles occupent une surface de 100 à 149 m². Toutefois les parcelles de moins de 50 m² ne représentent que 1,2% et celle de 50 à 99 m² sont de l’ordre de 14,7. La part des parcelles de 150 à 250 m² est importante puisqu’elle représente 30%. Pour les tailles supérieures à 250 m², le proportion n’est pas négligeable et dépasse 15%.

Tableau n° : Répartition des logements informels par taille de parcelle Taille des parcelles Effectif % % Valide Moins de 50 m² 17 1,0 1,2 50-99 m² 218 12,8 14,7 100-149 m² 576 33,9 39,0 150-199 m² 262 15,4 17,7 200-249 m² 180 10,6 12,2 250-299 m² 75 4,4 5,1 300-349 m² 45 2,6 3,0 350-399 m² 14 ,8 ,9 400-449 m² 32 1,9 2,2 450-499 m² 14 ,8 ,9 500 m² et plus 45 2,6 3,0 Total 1478 86,9 100,0 Non déclaré 222 13,1 Total 1700 100,0

5.5 L’informel comme opportunité d’accès au logement et à la propriété

Dans les quartiers informels, le taux de propriétaires des logements est important. En effet, près de 68% des ménages affirment leur propriété aux logements soit en tant que propriétaires individuels (66%) soit en tant que propriétaires indivis (1,7%). Le taux de propriété serait plus important et frôlait le taux national (78% en 2004) si on considère les héritiers qui représentent 6,7% comme propriétaires potentiels. Les forts taux de propriété se situent dans la région du Sahel et de Sfax, dans le grand Tunis ainsi qu’au Sud, ceci en référant se constat aux quartiers enquêtés par rapport à leurs régions. Les plus faibles taux de propriété sont enregistrés à Gafsa (Essourour) et au Kef (Chrichi).

Tableau n° : Les statuts d’occupation des logements par quartier informel

Quartier Propriétaire individuel

Propriétaire Indivis Locataire

Co-locataire Héritier

Occupant de fait

Logé gratuitement Autres

Aychoucha 76,1% 2,1% 15,4% 2,7% 0,5% 3,2% Birine 74,3% 0,9% 20,2% 2,8% 1,8% El Bassatine 72,5% 0,4% 24,4% 0,4% 1,9% 0,4% Chrichi 51,3% 2,1% 11,6% 22,2% 0,5% 12,2% El Karma 66,3% 4,1% 14,3% 7,6% 7,6% Oued Kacem/Bir Ali H. 78,5% 18,2% 0,8% 0,8% 1,7% Erriadh/El Khadra 75,1% 0,9% 17,5% 3,1% 3,1% 0,4% Essourour 42,2% 1,3% 27,4% 0,4% 10,4% 4,3% 13,5% 0,4% Ras Edhraa 70,7% 22,0% 4,9% 2,4% Total 66,1% 1,7% 18,8% 0,1% 6,7% 0,7% 5,7% 0,2%

Page 26: Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

25

Les quartiers informels développement une fonction locative intrinsèque. Selon les données

de l’enquête, le taux de ménages locataires ou colocataires est de 19% ce qui est supérieur au

taux national (16%). Dans les quartiers enquêtés, le parc locatif tend à se constituer d’une

manière de plus en plus affirmée. Dans six sur neuf quartiers informels, le taux de ménages

locataires est supérieur au taux national. Par ailleurs, l’informel constitue le réceptacle de

formes d’occupation de non droit représentées dans le tableau ci-dessus par les logés

gratuitement et les occupants de faits qui constituent des formes de squattage assez présent

dans les quartiers Chrichi et Essourour

Figure n° : les statuts d’occupation dans les quartiers informel

5.6 Les mutations dans les statuts d’occupation expliquent la permanence des mobilités dans les quartiers informels

Il n’est pas surprenant de souligner que le logement informel est tellement dynamique qu’il

facilite l’accès au logement et à la propriété. En effet, la comparaison entre anciens et

nouveaux statuts d’occupation montre que 43% des ménages étaient locataires avant de

s’installer dans le quartier et seulement 25%% étaient propriétaires. Le croisement entre ces

deux variables permet de dégager les principales mutations enregistrées dans les statuts

d’occupation et ceci de la manière suivante :

- 20,4% des ménages ont maintenu leurs statuts initiaux de propriétaires des logements ;

- 14% des manages ont maintenu leurs statuts initiaux de locataires des logements ;

- 26,7% sont passés du statut locataire au statut propriétaire ;

- 1,5% des propriétaires sont devenus locataires ;

- 10,7% des logés gratuitement et des occupants de fait ont accédé à la propriété des

logements

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Aychoucha Birine El

Bassatine

Chrichi El Karma Oued

Kacem/Bir

Ali Hlel

Erriadh/El

Khadra

(Sfax)

Essourour Ras Edhraa

Autres

Logé gratuitement

Occupant de fait

Héretier

Co-locataire

Locataire

Propriétaire Indivisi

Propriétaire individulel

Page 27: Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

26

Tableau n° : Mutations dans les statuts d’occupation des logements informels

Statut Nouveau statut d’occupation dans le quartier Ancien statut d’occupation

Propriétaire individuel

Propriétaire Indivis Locataire

Co-locataire Héritier

Occupant de fait

Logé gratuitement Autres Total

Propriétaire individuel

20,4% 0,5% 1,4% 1,4% 0,1% 1,1% 24,7%

Propriétaire Indivis

0,3% 0,2% 0,1% 0,6%

Locataire 26,6% 0,4% 14,2% 0,1% 0,9% 0,6% 0,1% 42,9% Colocataire 0,1% 0,2% 0,1% 0,3% Héritier 1,5% 0,1% 0,1% 2,0% 0,1% 0,1% 3,8% Occupant de fait 0,1% 0,1% 0,4% 0,6% Logé gratuitement 10,6% 0,5% 2,0% 0,1% 1,9% 0,1% 3,8% 0,1% 19,0% Autres 6,7% 0,1% 0,8% 0,1% 0,2% 0,1% 8,0% Total 66,3% 1,7% 18,8% 0,1% 6,4% 0,7% 5,8% 0,3% 100,0%

Dès que nous affinions les analyses, l’on s’aperçoit que 38% des mutations se produisent dans le même quartier et 24% entre quartiers de la même ville. La question sur "le dernier lieu de résidence avant de s’installer dans ce quartier", montre que le taux de mobilité résidentielle intérieure représente 62% alors que la mobilité extérieure pour les migrants provenant d’autres gouvernorats est égale à 38,2%.

L’installation dans l’informel date pour l’essentiel des ménages de la fin des années 1980. Les rythmes d’installation dans les quartiers sont croissants et ont évolué de 2% en 1970 à près de 30% au début des années 2010. Les dates d’occupation sont d’ores et déjà récentes et dénotent de la permanence des mobilités qui se produisent dans et entre ces quartiers. Le recoupement des données sur les dates d’installation, renseigne sur l’ancienneté de l’occupation et donc sur l’ancienneté des quartiers. L’on s’aperçoit dès à présent que les plus anciens quartiers (Birine, El Bassatine, Chrichi, El Karma, Ras Edhraâ) ont accueilli les premiers venus à partir des années 1970. Dans ces quartiers, les taux d’occupation se sont progressivement accentués durant les décennies subséquentes pour atteindre plus de 30% à El Karma et Essourour en 2010. Dans les quartiers les plus récents notamment Aychoucha (Tunis) et Erriadha (Sfax), les premières dates d’installation remontent au milieu des années 1980. A Aychoucha, plus que la moitié des ménages ont occupé leurs logements entre 2010 et 2014.

Tableau n° : Evolution de l’occupation des quartiers informels

Date d'installation dans le présent logement Total

Quartier Avant 1970 1970-1979 1980-1989 1990-1999 2000-2009 2010-2014 Aychoucha - - 1,6% 3,2% 41,3% 54,0% 100,0%

Birine 1,9% 4,8% 28,8% 18,3% 26,9% 19,2% 100,0% El Bassatine 4,9% 7,7% 16,6% 25,1% 21,1% 24,7% 100,0% Chrichi 8,4% 23,7% 19,1% 14,5% 19,8% 14,5% 100,0% El Karma 1,0% 6,8% 22,5% 18,0% 30,5% 21,2% 100,0% Oued Kacem/Bir Ali Hlel 0,8% 1,7% 14,9% 29,8% 37,2% 15,7% 100,0%

Erriadh/El Khadra (Sfax) - - 12,1% 24,6% 35,2% 28,1% 100,0%

Essourour - 5,3% 22,0% 31,1% 31,1% 10,6% 100,0% Ras Edhraa 2,4% 14,6% 31,7% 14,6% 14,6% 22,0% 100,0% Total 2,0% 6,2% 17,2% 19,9% 29,9% 24,8% 100,0%

Page 28: Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

27

Force est de constater que les rythme d’occupation des quartiers informel ont pris de la vitesse avant la révolution de 2011. Le graphique suivant montre que les taux d’occupation des logements informels par les ménages ont connu différents pics mais le rythme s’est accentué à partir de 2005 pour atteindre des taux plus importants entre 2009 et 2012. Figure n° : Evolution de l’installation des ménages dans les logements

L’installation dans les quartiers informels est essentiellement motivée par l’accessibilité des ménages au foncier et au loyer. Eu égard aux résultats de l’enquête, l’installation dans le logement est motivée pour 43,8% des enquêtés par l’achat du terrain et pour 12,5% pour l’adéquation du prix du loyer aux capacités financières des ménages. Notons toutefois que le prix moyen mensuel du loyer dans l’ensemble de quartiers informels est de 130 DT avec des valeurs ventilées autour de 25 DT à El Karma et Chrichi et autour de 290 DT essentiellement à Aychoucha et Birine.

La propension à l’achat du logement constitue le motif essentiel des ménages. Elle vient en deuxième position après l’accompagnement du conjoint. Toutefois, la proximité du lieu de travail, la recherche d’un emploi et l’héritage constituent tous des facteurs secondaires mais explicatifs de la raison d’installation des ménages dans ces quartiers.

Tableau n° : Motifs d’installation dans les quartiers informels Motifs % Occasion s'est présentée pour acheter le terrain 43,8 Loyer modéré 12,5 A cause du mariage/suivre le lieu de résidence du conjoint 11,1 Occasion d'acheter le logement 10,3 Proximité du lieu de travail 6,9 Chercher un travail 5,5 Héritier le logement 5,2 Accompagner un parent/grands-parents 3,2 Habiter chez un parent/cousin 1,1 Opportunité d'acheter et louer ou vendre le logement 0,5 Total 100,0

0

1

2

3

4

5

6

7

%

Page 29: Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

28

5.7 Modes d’acquisition du logement et économie de la construction

L’acquisition foncière et l’autoconstruction constitue le mode prépondérant et concerne près de 65% des ménages. La propension à l’achat dans les quartiers informels est de l’ordre de 12,3%. Cependant l’accès au logement par succession représente 12,5%.

Les dates d’acquisition foncière ou d’achat des logements coïncident avec les dates d’installation. Ceci peut être justifié par le fait que ce rythme a pris de la vitesse à partir des années 1980 et s’est accéléré durant la période 2000 2009.

Tableau n° : Modes d’acquisition des logements Mode Effectif % % Valide Acquisition foncière et auto-construction 875 51,5 64,2 Acquisition à travers un promoteur immobilier 22 1,3 1,6 Achat à partir d'un privé 167 9,8 12,3 Héritage 170 10,0 12,5 Autres (logé gratuitement, occupant de fait...) 128 7,5 9,4 Total 1362 80,1 100,0 Locataires, colocataires et non déclarés 338 19,9 Total 1700 100,0

Les prix moyens du mètre carré ont évolué de 5 DT avant 1970 à 68 DT après 2010 pour atteindre 153 DT à partir de 2014.

Figure n° : Evolution des prix moyens du foncier (m²) informel

Les sources de financement de l’achat du terrain sont diverses mais elles sont constituées pour 81,6% des ménages par l’autofinancement qui peut être associé aux emprunts fournis par les parents et amis (12,7%) et par la vente d’autres biens (11,6%). Cependant, l’accès aux crédits

58

6

1839

68

153

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

Avant 1970 1970-1979 1980-1989 1990-1999 2000-2009 2010-2011 2012-2014

DT

Page 30: Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

29

bancaires ne concerne que 10,4% des ménages au moment où les microcrédits ne contribuent qu’à 3,3% au financement de l’acquisition foncière.

Dans les différentes étapes d’acquisition, de construction, d’achat et de transformation, l’autofinancement constitue la source la plus adaptée aux ménages. Le recours aux formes traditionnelles de financement par l’emprunt dans le cadre de la famille et des amis est également récurant. Pour les ménages de l’informel, les crédits bancaires demeurent une source secondaire qui accompagne l’autofinancement plus particulièrement dans l’achat des logements.

Tableau n° : Sources de financement de la production du logement

Source Achat du terrain %

Construction %

Achat du logement %

Transformation %

Autofinancement 81,6 85,1 61,4 82,9

Emprunt des amis et parents 12,7 15,2 12,9 9,7

Vente d'autres biens 11,6 6 14,8 6,5

Crédit bancaire 10,4 12,5 22,9 7,8

Vente de terrain 7,4 - - -

Micro-crédit 3,3 4,8 - 5,5

Vente d’une partie de la parcelle - 2,6 - - Aide de l’Etat (délégation, conseil régional…)

- - - 9,7

La mesure des coûts de production du logement informel permet de dégager les valeurs moyennes suivantes :

• Le coût moyen de l’acquisition et la construction pour une durée moyenne de 4,7 ans est égal à 32 mille dinars ;

• Pour l’achat des logements, le prix moyen d’achat est estimé à 21 mille dinars ; • Le coût moyen des transformations est de 12 mille dinars. Ceci dit, le coût moyen

d’achat et de transfromation est presque égal au coût de l’acquisition foncière et l’autoconstruction.

• Il en découle que pour une moyenne de 125 m² de surface total bâti par logement informel, le coût du m², outre le prix de revient de la réhabilitation, peut être estimé à 264 DT.

Les transfromation constituent un élément essentiel dans la production et l’amélioration du logement informel. En effet, 57,2% des ménages ont entrepris des transformations dans leurs logements alors que 70% considèrent leurs logements inachevés.

Les types de travaux entrepris concernent pour l’essentiel l’ouverture de fenêtre, de porte ou de séchoirs et l’entretien du logement. Pour 29% des ménages les transformations ont concerné l’ajout d’une ou de plusieurs pièces et pour d’autres (21%) la construction d’un étage.

Page 31: Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

30

Type de travaux % Ouverture de fenêtres, portes, séchoirs 45,7

Travaux d'entretien (Carrelage, Peinture, plafond, installations...) 36,2

Ajout d'une ou de plusieurs pièces 29,2 Transformation/amélioration de la façade 27,2

Amélioration/renouvellement de la structure (poutres, appuis, planchers...) 26,7

Ajout d'une salle d'eau/WC/Salle de bain/Cuisine 25,9 Construction d'un étage 21,0

Démolition et reconstruction du logement 12,9 Ajout d'une nouvelle unité de logement 11,9 Type de travaux: Ouverture/aménagement d'un garage pour la voiture 9,1 Fusion de pièces 8,6 Ouverture d'un local pour activité économique 5,8

La durée moyenne des transformations atteint 2,9 ans. Toutefois, les motifs de transfromation sont liés pour 43% des ménages au caractère étroit du logement qui, dans l’organisation actuelle de ces espaces ne favorise pas l’intimité, l’autonomie et le bien être des individus et leur sécurité. Pour 24% des ménages, le logement informel ne répond pas aux usages et au mode de vie souvent caractérisé par l’accueil de membres externes de la famille élargie. Les formes d’adaptation de la taille du ménage à l’espace habité, suppose la mise en transformation des logements par partage de l’espace interne avec un cousin ou un parent ou pour monter un projet de commerce ou un petit métier ou encore pour bénéficier de la rente locatif d’une partie du logement.

% Car le logement est étroit par rapport à la taille du ménage 43,0 Accueillir la famille (occasionnellement) 24,2 Pour se protéger contre les risques de cambriolage 22,0 Pour que l'un des enfants (fille/fils) ait sa chambre indépendante 15,7 Pour aérer le logement 12,1 Mettre la cuisine/Salle d'eau/WC à l'extérieur du logement 10,3 Se marier dans le même logement (se partager le logement) 10,3 Pour monter un petit projet (commerce, service, petit métier...) 4,5

Partager la maison avec un frère/une sœur/ un parent 4,0

Pour louer l'extension (étage ou studio ou pièce) 3,1 Pour accéder à une partie du logement (toit, garage) 2,2

Page 32: Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

31

6. Recommandations pour un plan d’action transversal

6.1 Recommandations stratégiques

La question de l’habitat informel ne peut être résolue par des solutions émanant de l’étude de l’informel. Toutes les recommandations issues des études thématiques sur l’autoconstruction formelle, le financement du logement, le foncier, le parc ancien…devraient être mises en faveur de la résorption de l’habitat informel. Il n’est pas surprenant d’affirmer que ce phénomène intarissable continuera à marquer, durant les prochaines décennies, les villes tunisiennes. Ceci à l’image des pays dont les métropoles ne cessent de produire des inégalités socio-spatiales et qui s’expriment par la prégnance de la précarité, la pauvreté et par l’évolution de nouvelle formes d’informalité. La prégnance de l’habitat informel est une traduction spatiale du dysfonctionnement du modèle de développement.

La stratégie de l’habitat devrait être innovantes et sortir de la vision sectorielle de la question du logement pour s’inscrire dans une approche inclusive (qui prend en considération le droit d’accès au logement adéquat pour les femmes et les hommes ainsi qu’aux services et équipements urbains), multiscalaires (à plusieurs échelles territoriales et dimensions : historique, économique, sociale, culturelle…). Elle devrait se traduire par un plan d’action transversal qui traduirait cette vision dans laquelle chaque programme, projet et action devrait être concertés et validés par les acteurs intervenants ainsi que par les diverses composantes de la société civile.

Afin de réduire l’intensité de l’habitat informel, l’Etat tunisien devrait s’investir d’une manière innovante dans ces quartiers en incitant les habitants à s’engager dans l’amélioration de leurs quartiers et en impliquant les composantes de la société civiles à jouer le rôle de médiateur entre les habitants des quartiers informels et les pouvoirs locaux et centraux.

6.2 Recommandations opérationnelles

• Définir des critères financiers techniques, culturels et sociaux claires et inclusifs pour

l’habitat social et économique tout en se référant aux critères du logement adéquat ;

• Planifier et programmer à moyen et à long terme des terrains viabilisés

• Mettre à disposition à court, moyen et long terme des lots de terrains viabilisés et

équipés ;

• Adopter des modes de financement qui soient en rapport avec les capacités financières

des populations défavorisées et à faibles revenus ;

• Adopter des fromes d’autopromotion assistée par des unités de projets composées de

compétences pluridisciplinaires en vue d’assurer l’intégration des unités d’habitation

dans les programmes et les tissus urbains.

• Développer et encourager les systèmes de financement basés sur l’octroi des

microcrédits destinés au logement et à l’amélioration des conditions de vie dans les

quartiers informels.

• Enrichir le panel des outils d’intervention de l’Etat par des projets de renouvellement

et de reconstruction des quartiers informels. Ce panel se limite actuellement à des

Page 33: Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

32

actions de réhabilitation et d’équipement des quartiers informels et non de

régularisation.

• Prévoir des programmes de renouvellement urbain des quartiers les plus défavorisés

par le relogement des habitants et la conception de plan d’aménagement de détail pour

la reconstruction des quartiers.

• Diversifier l’offre publique en logement évolutif et en lots aménagés et adaptés aux

populations économiquement modeste en termes de superficie (100 à 150 voire à 200

m²) et de système de financement.

• Diversifier l’offre en logement selon les CSP et les régions et adapter les typologies

des logements aux usages des ménages (épannelage, gestion des espaces vides,

possibilité d’extension, zonages et densifications spécifiques, matériau de construction

innovant abordable et durable…)

• Prévoir des programmes et des projets concertés avec la population et les acteurs

locaux des quartiers informels et défavorisés.

• S’investir dans l’effort fourni par les populations des quartiers informels et les

assister/accompagner dans la conception de leurs logements (typologie, utilisation et

gestion des espaces intérieurs, voisinage…) (création au sein des communes et des

conseils régionaux de cellules d’accompagnement et d’assistance rôle qui peut être

joué par la police municipale chargée actuellement de relever les infractions)

• Assurer une meilleur gouvernance de la planification urbaine : il s’agit de faire

participer les composantes de la société civile, les jeunes, femmes et acteurs privés

dans la conception des PAU et des documents de planification stratégique, à travers

l’organisation d’ateliers urbains et de concertation, ce qui suppose l’amendement des

méthodologie d’élaboration des PAU, de leur modes de gestion par l’administration,

ainsi que la révision de la formule de « moins-disant » dans les marchés publics ;

• Faciliter les procédures de changement de vocation et d’usage pour les zones

d’équipement et les espaces verts programmés et non réalisés dans certaines

communes, et réaffecter ces zones à l’habitat et essentiellement à l’intégration

rationnelle des catégories défavorisées au sein des tissus existants.

• Encourager les ménages à la densification par la facilitation des procédures et par la

mise en place d’un système financier et fiscale incitatif pour les catégories

défavorisées ;

• Renforcer les compétences des collectivités locales en matière de planification de

gestion et de suivi de l’habitat et outiller les communes de moyens humains,

techniques et financers afin de mieux suivre et contrôler la progression de l’habitat

informel

• Former le personnel des banques en charge de l’élaboration des constats de crédits aux

normes techniques et aux règlements d’urbanisme afin qu’ils prennent en

considération le caractère informel des zones non couvertes par les PAU, et d’établir

convenablement les constats descriptifs et estimatifs qui déterminent le droit d’accès

aux crédits bancaires.

Page 34: Habitat Informel _Rapport Intermédiaire-Provisoire_ H. Kahloun- Oct

33

• Nouer des partenariats entre le Ministère de l’Habitat et le ministère de

l’Enseignement supérieur et la Recherche scientifique afin d’intégrer dans les

structures de recherche universitaires, des thématiques en rapport avec l’habitat au sein

des unités et laboratoires de recherche spécialisées dans le domaine de l’urbanisme et

l’aménagement. Ces fromes de partenariat aideront à renforcer les activités au sein des

observatoires et mieux définir les critères du logement social et adéquat ;

• Associer les habitants, les acteurs formels et informels (lotisseurs particulier,

agriculteurs, lotisseurs occasionnels) dans les projets de réhabilitation et les faire

participer différemment à l’aménagement de leurs quartiers ;

• Mettre en place un observatoire de l’habitat et de l’habitant qui sera chargé de

l’élaboration des enquêtes et inventaires, de l’actualisation des tableaux de bord et de

la capitalisation des expériences sur l’habitat formel et informel.