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1 Georgine Roch Master en Architecture 2006 Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne Prof. M. Steinmann, directeur pédagogique Dr. K. Noschis, professeur D. Challand Arch., maître EPFL J. Pernegger Arch., expert extérieur Habiter en ville. Entre intimité et socialité Habiter en ville. Entre intimité et socialité

Habiter en ville. Entre intimité et socialité - …archivesma.epfl.ch/2006/040/2006_040_rapport/énoncé_vol.1.pdf · 3 AVANT-PROPOS Ce travail part d’un intérêt général pour

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Georgine Roch

Master en Architecture 2006

Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne

Prof. M. Steinmann, directeur pédagogique

Dr. K. Noschis, professeur

D. Challand Arch., maître EPFL

J. Pernegger Arch., expert extérieur

Habiter en ville.Entre intimité et socialitéHabiter en ville.

Entre intimité et socialité

2

TABLE DES MATIERES

Avant-propos 3

Problématique 4

L’Intimité domestique 6

Evolution des modes de vies et des formes d’habitat 7

Gestion de l’intimité et de la socialité 25

1. Morphologie 26

2. Typologie 32

3. Dispositifs construits 46

Cadre d’intervention 53

Synthèse 73

Bibliographie 75

Table des illustrations 78

3

AVANT-PROPOS

Ce travail part d’un intérêt général pour l’architecture, en tant que

moyen de contribuer au bien-être des usagers et des habitants des

espaces qu’elle met en place. Le bien être que peut procurer ou non le

vécu d’un espace est lié à la perception que l’on en a. Cette perception

qualifi e la relation affective existant entre une personne et un lieu.

La relation entre un espace et les émotions qu’il provoque en nous peut

être défi nie par le terme de Stimmung issu de l’allemand, et qui désigne

à la fois le caractère d’un espace et l’état d’âme d’une personne. La

satisfaction du bien-être de chacun est liée à l’adéquation entre son

activité et la Stimmung la plus propice à cette activité. En d’autres

termes : « L’architecture éveille des émotions; la tâche de l’architecte

est alors d’éveiller des émotions justes. » (1)

La relation affective que l’on entretient avec un lieu implique une

certaine appropriation de l’espace. Selon le degré d’appropriation,

l’espace revêt un caractère plus ou moins public, collectif ou privé,

individuel. Les espaces les plus privés appartiennent au domaine du

logement, lieu privilégié de l’intimité, alors que l’intensité du caractère

public d’un espace est la plus forte dans la ville, lieu de socialité par

défi nition. C’est donc la relation entre ces deux domaines que nous

aimerions approfondir dans cette étude.

1. « Architektur erweckt Stimmungen im Menschen. Die Aufgabe des Architekten ist es daher, diese Stimmungen zu präzisieren.» (Adolf Loos, Architektur, 1910, traduction Martin Steinmann.)

Avant-propos

4

PROBLÉMATIQUE

La ville, issue de la réunion dans un même lieu d’un groupe important

de personnes, génère des valeurs pour les habitants mais aussi des

nuisances. D’une part, le rassemblement des personnes permet de

développer des structures offrant une variété d’opportunités sur le

plan économique, social, culturel, etc. D’autre part, l’importante

concentration d’individus accompagnée des moyens techniques

développés au fi l des années (en particulier les moyens de transports)

constitue des éléments nuisants à la fois à l’intimité de l’habitat et à

la socialité entre les habitants. L’urbanisme moderne, en favorisant les

facteurs fonctionnels au profi t du rôle social que joue l’architecture

a contribué à accentuer l’isolement de l’habitation par rapport au

domaine public.

La défi nition du rapport entre l’espace urbain et l’espace domestique

peut permettre de garantir aux habitants une certaine intimité et la

possibilité d’interagir avec leur environnement. Spatialement, ce

rapport se manifeste comme une limite ou au contraire comme une

mise en relation. Il s’agit alors de qualifi er la relation entre l’habitant

et l’environnement extérieur, de proposer des dispositifs architecturaux

adéquats pour chaque situation extérieure et chaque espace intérieur

considérés.

De manière plus générale, la question qui se pose est celle du rapport

qu’entretient l’individu ou le groupe domestique avec les autres. Alors

que la socialité est une caractéristique propre à l’être humain, l’intimité

quant à elle est une valeur culturelle, que l’on considère aujourd’hui

comme étant nécessaire au bien-être de chacun. D’un point de vue

spatial, la relation entre l’individu et les autres se situe non seulement

entre le logement et son environnement mais aussi à l’intérieur de

l’habitation.

La vue, l’ouie, l’odorat et le toucher permettent d’appréhender l’espace

dans lequel on se trouve. C’est donc aussi en fonction de ces quatre sens

que se défi nit la limite entre deux espaces. Cette dernière sera ressentie

différemment selon les éléments qu’elle laisse passer ou au contraire

retient, entre les deux milieux. Il peut s’agir du passage de l’air et de

la lumière mais aussi du contact, entre les personnes se trouvant dans

chacun des milieux : les bruits et les odeurs générés par les uns et

les autres et la position de visibilité dans laquelle chacun se trouve :

voir sans être vu, voir et être vu ou encore être vu sans voir celui qui

nous regarde. Le passage d’un milieu à l’autre est également ressenti

différemment selon le type d’articulation proposé.

Le type de relation ainsi mis en place va contribuer à caractériser la

Stimmung de chacun des espaces.

Problématique

5

La régulation entre isolement et contact, intimité et socialité, s’effectue

selon différents niveaux que l’on distingue généralement dans la théorie

et la pratique de l’architecture.

Il s’agit premièrement de la morphologie du bâti. Par sa position et sa

volumétrie, le bâti lui-même agit comme une limite entre deux espaces

extérieurs qui vont eux-mêmes contribuer à qualifi er les espaces du

logement. Le deuxième degré que l’on distingue correspond à la

typologie. Celle-ci permet de considérer la relation entre les espaces

du point de vue de leur organisation, par rapport à l’environnement

extérieur, aux autres espaces du logement et aux autres logements

du même ensemble. Le troisième niveau concerne les dispositifs

construits, l’expression matérielle de la limite plus ou moins perméable

entre deux espaces.

Afi n de constituer une base de travail pour le projet, nous allons d’abord

préciser la notion d’intimité, son implication dans le statut de l’habitat à

travers l’histoire et dans le contexte actuel.

L’étude et la classifi cation des moyens architecturaux mis en œuvre

pour gérer le degré d’intimité et de socialité va ensuite permettre

d’appréhender les différentes manières de faire se rencontrer le domaine

public et le domaine privé.

Problématique

6

L’INTIMITÉ DOMESTIQUE

« Nous nous confi erons donc à la puissance d’attraction de toutes les

régions de l’intimité. Il n’y a pas d’intimité vraie qui repousse. Tous les

espaces d’intimité se désignent par une attraction. Répétons une fois de

plus que leur être est bien-être. Dans ces conditions, la topo-analyse a la

marque d’une topo-phylie. C’est dans le sens de cette valorisation que

nous devons étudier les abris et les chambres. » (1)

Le terme d’intimité désigne à la fois un sentiment, un état d’âme mais

il peut également servir à défi nir le caractère d’un espace. La spatialité

d’un lieu, sa Stimmung, lui confère un caractère plus ou moins intime,

et par là se prête ou non à notre disposition mentale.

Selon le Petit Robert, L’intimité se défi nit comme suit : « caractère

intime, intérieur et profond ; ce qui est intérieur et secret. Agrément,

confort d’un endroit où l’on se sent tout à fait chez soi. » (2) Quatre

aspects ressortent de cette défi nition : L’intimité est associée à une

certaine intériorité (qu’elle soit psychique ou spatiale), au caractère

d’une chose individuelle, personnelle voire appartenent à un nombre

restreint de personnes, à une certaine forme de confort, et au chez soi.

Ce dernier, le chez- soi, réunit toutes les caractéristiques mentionnées

plus haut. L’association de l’intimité avec l’habitat est liée au rôle

protecteur de ce dernier. En effet, L’enveloppe de l’habitat permet

d’assurer un certain confort et une sécurité d’ordre physique : elle

protège des intempéries et des éventuelles intrusions, contient la chaleur

que l’on y produit, laisse pénétrer la lumière et permet un contact de

l’occupant avec l’extérieur. Mais il importe aussi de considérer le

rôle de cette limite ainsi que l’espace qu’elle contient d’un point de

vue émotionnel. Alors que l’environnement extérieur, parce qu’il ne

peut pas être contrôlé par l’individu, constitue un lieu d’insécurité

potentielle, l’espace domestique apparaît quant à lui comme un point de

repère stable et sûr. Selon Gilles Barbey, « La principale tâche affective

du logis est de constituer un véritable univers pour ses habitants ;

un point de départ et d’aboutissement des multiples pérégrinations

quotidiennes ; un lieu de consommation des heures soustraites au

travail ou à la contrainte. […] A la fois un et multiple, le logis offre une

image rassurante à ses habitants. » (3) Le sentiment de protection est

d’autant plus fort que l’environnement extérieur est menaçant, et que

l’on a la possibilité d’en être pleinement conscient alors que l’on jouit

de la protection du logis. La nature de la limite séparant deux espaces

peut ainsi permettre de valoriser ou non le contraste existant entre les

deux. L’importance accordée à ce contraste peut être illustrée par cet

extrait des Paradis Artifi ciels de Charles Baudelaire : « Il demande

annuellement au ciel autant de neige, de grêle et de gelée qu’il en peut

contenir. Il lui faut un hiver canadien, un hiver russe. Son nid en sera

L’intimité domestique

7

plus chaud, plus doux, plus aimé (…) » (4)

D’autre part, la dimension, la forme de l’espace et la matérialité des

surfaces peuvent contribuer ou non au sentiment d’intimité. En effet,

un espace à la mesure de son occupant offre un sentiment de sécurité.

Tout y est à portée de vue ou même à portée de main. L’espace peut

entièrement être contrôlé par l’occupant. Quant à la forme de l’espace,

elle peut contribuer ou non à amplifi er le sentiment de confi nement.

Les formes courbes en particulier, parce qu’elles renvoient à l’univers

du ventre de la mère ou simplement parce qu’elles permettent de

raccourcir la distance entre l’occupant et l’enveloppe qui l’entoure

confèrent un sentiment d’intimité. La matérialité ainsi que les couleurs,

fi nalement, contribuent à donner à l’espace un caractère chaleureux et

familier ou au contraire froid et impersonnel.

Evolution des modes de vies et des formes

d’habitat

L’habitation, telle que nous la concevons aujourd’hui constitue le

lieu privilégié de l’intimité, intimité du groupe, traditionnellement la

famille, et de l’individu. La possibilité de s’isoler nous apparaît comme

étant nécessaire à notre équilibre, à notre bien-être, au même titre que la

socialité. L’évolution des mentalités et des modes de vies nous montre

que le statut de l’habitation s’est transformé pour devenir un lieu

privé, clairement distinct de la vie publique. Dans ce sens, la limite de

l’habitation est celle que nous ressentons le plus fortement.

La frontière entre ces deux réalités, vie privée et vie publique, et

l’existence même d’une distinction qui les rend appréhendables est un

fait culturel. En effet, selon Antoine Prost, « la vie privée n’est pas une

réalité naturelle, donnée depuis l’origine des temps ; c’est une réalité

historique construite de façon différente par des sociétés déterminées. Il

n’y a pas une vie privée, aux limites défi nies une fois pour toutes, mais

un découpage lui-même changeant de l’activité humaine entre la sphère

privée et la sphère publique. La vie privée n’a de sens que par rapport à

la vie publique et son histoire est d’abord celle de sa défi nition.» (5)

La question qui se pose est de savoir comment se défi nit l’habitation en

fonction de la distinction entre vie privée et vie publique. Le statut de

l’habitation et son organisation dépendent du groupe domestique qui

la compose et des relations que les habitants entretiennent entre eux,

du rapport que le logis a avec le monde extérieur, et des activités qu’il

abrite.

Depuis le Moyen Age, période durant laquelle la conscience de

l’individualité commence à s’affi rmer, le statut de l’habitat, et sa

spatialité, s’est progressivement modifi é, jusqu’à incarner l’espace

privé que l’on y associe aujourd’hui, s’articulant traditionnellement

L’intimité domestique

8

autour de la famille et de l’individu en son sein. Auparavant,

l’habitation ne constituait pas spécifi quement un lieu d’intimité par

rapport aux espaces extérieurs et n’offrait elle-même aucune possibilité

d’intimité individuelle. A partir du XIXe siècle, l’image que l’on se fait

du chez soi correspond plus ou moins à celle qui est encore d’actualité

aujourd’hui, c’est-à-dire, un lieu permettant de choisir le degré de

relation que l’on souhaite entretenir avec les autres.

Moyen-Age : La vie privée et la vie publique sont confondues. Le logis est composé d’une pièce unique que partage un large groupe domestique. Le logis est à la fois lieu d’habitation et de travail.

A l’époque féodale, aucune place n’est prévue pour la solitude

individuelle, aussi bien à l’intérieur du logis qu’à l’extérieur. Celui

qui tentait de s’isoler était aussitôt l’objet soit de soupçons, soit

d’admiration. En s’isolant, on se rend en effet plus vulnérable aux

attaques d’ennemis potentiels. La cohésion très forte du groupe

domestique constitue une protection contre ces dangers.

Spatialement, le logis se compose d’une pièce unique, la « salle », dans

laquelle se déroulent les diverses activités de la vie quotidienne. Cet

espace constitue le lieu d’habitation d’une communauté comprenant le

propriétaire et sa famille, des parents, employés, apprentis, domestiques

et de fréquentes visites. Dans les basses couches sociales il sert aussi

de lieu de travail ; unité de production, local de stockage ou magasin.

Les différentes fonctions qu’assure la demeure s’accompagnent du

réaménagement quotidien de l’ameublement. Toutes les activités s’y

déroulent sous le regard de tous, dans la plus grande promiscuité.

Les documents de l’époque témoignent cependant d’une conquête

grandissante d’autonomie personnelle. La littérature présentant comme

des héros les fi gures solitaires s’extrayant de la convivialité obligée en

est un signe. D’autre part, les coffres et les bourses découverts dans les

fouilles archéologiques sont de plus en plus nombreux à partir du XIIe

siècle, période d’essor économique qui donne à l’argent un rôle capital.

L’individu commence à amasser des biens personnels afi n de gagner de

l’indépendance par rapport à ses familiers.

L’intimité domestique

Charité de saint Nicolas de

Bari, Pietro Lorenzetti, v. 1330-

1340. (ill. 02)

Meditationes Vitae Jesu Christi,

v. 1330-1340. (ill. 01)

9

Renaissance : La multiplication des pièces de l’habitat dans les milieux aisés donne accès à une intimité individuelle et hiérarchise les espaces selon leur degré de publicité / privacité (6)

A l’aube de la Renaissance, se multiplient les signes d’un goût de

plus en plus marqué pour l’intimité personnelle au sein du logis.

Les ménages pouvant y accéder, disposent d’une seconde pièce,

une chambre, directement reliée à la salle par une porte. Cet espace

constitue le lieu de la vie affective et intime du couple. Dans les milieux

plus aisés, on trouve d’autres chambres, attenantes à la précédente. Ces

espaces, généralement destinés au maître de maison remplissent des

fonctions auparavant assumées par des éléments de mobilier tels que

l’étude, meuble dans lequel on s’assoit pour lire sur un pupitre ou le

cabinet, petit meuble à tiroirs. D’autres chambres offre un cadre à la

vie personnelle de chaque membre du groupe domestique. De manière

générale, « les pièces du logement augmentent en nombre, et c’est avant

tout […] au bénéfi ce des chambres. Plus important encore, ces chambres

ferment à clé, ou même au verrou, obstacle encore plus inviolable. Les

maisons s’organisent ainsi comme un emboîtement d’espaces privés

La rancune coupe le chapeau

de Ragotin, Jacques Dumont,

gravé par Louis Surugue, 1727.

(ill. 03)

Le cabinet du duc de Choi-

seul, Louis-Nicolas Blarenber-

ghe, 1757. (ill. 04)

10

toujours plus personnels. » (7) A cette époque la séparation entre lieux

de séjour et lieux de passage n’existe pas encore. Les pièces se situant

en bout de parcours sont autonomes alors que les autres pièces, qui

y conduisent ne peuvent être contrôlées sans nuire aux déplacements

des autres habitants. Charles de La Roncière décrit plus loin la maison

fournissant le cadre à une scène de Boccage, illustrant ainsi les degrés

de privacité qui structurent le logis : « On entre [dans la maison] par

la première porte sur la rue : première barrière. Cette ouverture ne

donne cependant accès qu’au rez-de-chaussée, espace ici périphérique

consacré aux provisions, resserres, etc., et par moment aux hôtes : une

chambre s’y trouve en effet, mais elle est inoccupée […]. La demeure

proprement dite, l’ensemble des pièces habitées en permanence se situe

au premier étage ; une porte palière, à serrure la sépare de l’espace des

choses et des hôtes : deuxième barrière. La demeure enfi n est elle-même

compartimentée, et la pièce propre au couple, sa chambre, le vrai cœur

de la maison, peut être clos à son tour : troisième barrière. Trois portes,

trois espaces isolables, trois niveaux d’intimité : le passage et les hôtes,

la famille, le couple. » (7) Cette hiérarchie dans les degrés d’intimité

illustre aussi la relative porosité du logis face au monde extérieur. Il

n’est pas rare que les mendiants, marchants, galants ou donneurs de

sérénades franchissent le seuil de la maison. La maisonnée reçoit aussi

régulièrement le médecin, la sage-femme, le barbier, le notaire ou

des religieux à domicile. La plus part de ces hôtes ne s’avancent pas

très loin dans l’intimité domestique. D’autres, que la fonction oblige

- médecins, sages-femmes -, sont introduits jusqu’aux chambres. Il est

aussi d’usage de recevoir des étrangers pour la nuit, auxquels on offre

parfois une place dans une couche déjà occupée.

A l’inverse, la limite du logis constitue une barrière bien défi nie vers

l’extérieur pour les femmes, pour qui il est diffi cile ou même interdit

d’affronter le monde extérieur. Les fenêtres et parfois le seuil des portes

sont alors les seuls lieux ou l’on peut se montrer, établir des contacts

visuels ou entreprendre une première conversation.

XVIIe et XVIIIe siècles : La dissociation entre lieux de passage et lieux de séjour permet aux maîtres de maison de contrôler leurs relations sociales. Les espaces publics, de représentation, sont clairement distincts des espaces privés des maîtres de maison qui sont eux-mêmes dissociés des espaces réservés aux domestiques.

« Les premières évolutions de l’habitation qui l’ont réellement

transformée - couloir, doublement des circulations, spécifi cation de la

chambre et de ses dépendances - sont toutes liées à la fois à la nécessité

de dissocier des pratiques et de choisir d’être seul ou en compagnie. Les

nouveaux dispositifs visent en effet à rendre possible la maîtrise par les

maîtres de maison de leurs rapports avec les autres par des spécifi cations

de pièces, par des sas, par des cheminements doublés... » (8)

L’intimité domestique

11

Durant la première moitié du XVIIe siècle, apparaît le partage de

l’habitation entre zones privées et zones de représentations. Pouvoir

être seul constitue pour les aristocrates un moyen de se tenir à l’écart

de l’organisation du quotidien. Les locaux de service sont regroupés

à distance des appartements des maîtres et disposent d’une entrée

indépendante. De cette manière, les maîtres de maison ont l’assurance

de ne pas être confronté à se qui se passe dans les coulisses.

A une époque où la division entre les classes est particulièrement rigide,

l’organisation de la maison exprime à la fois le rang du maître de

maison et la hiérarchie sociale entre les habitants d’une même demeure.

La multiplication des sas que constituent les antichambres marque

différents degrés de privacité dans le but de se protéger des autres et de

marquer son rang. Les visiteurs, sont en effet acceptés dans des pièces

plus ou moins luxueuses et rapprochées de la chambre du maître de

maison selon leur position sociale. Comme l’écrivent Monique Eleb et

Anne Debarre, « Choisir son degré de relation avec les autres était donc

encore un privilège lié à l’organisation de l’habitation. Les aristocrates

étaient tenus de montrer qu’ils pouvaient accéder à ce mode de vie

et en même temps commençaient à revendiquer des pratiques moins

publiques, à codifi er plus strictement les visites, à dissocier les lieux

de réception selon le degré d’intimité avec les visiteurs, en un mot, à se

protéger des autres. » (9) La multiplication des pièces et en particulier

la dissociation entre lieux de passage et lieux de séjour offre donc aux

plus aisés le choix de leurs relations sociales.

Le XVIIIe siècle est caractérisé par une plus grande tolérance à la

promotion personnelle. Le mérite et le savoir donnent accès à la

fréquentation de certains groupes sociaux. Une sociabilité choisie

s’ajoute alors à la vie en représentation. Les espaces servant de support

L’intimité domestique

Interieur mit eine Dame am

Virginal, Emanuel de Witte, v.

1665-1670. (ill. 05)

12

à ces relations sont caractérisés par une recherche de confort plutôt

qu’un idéal fastueux. De nouvelles pièces telles que le cabinet et le

boudoir accueillent cette société intime, permettant d’échapper au poids

de la société obligée ou l’on marque sa position sociale.

XIXe siècle : Les espaces de représentation perdent de l’importance au profi t des espaces privés. La famille nucléaire devient le nouveau modèle d’unité domestique. La limite de l’habitation se renforce au profi t de la nouvelle intimité familiale.

A la fi n du XVIIIe siècle, la famille commence à être reconnue comme

une entité forte et la volonté d’un espace de la convivialité familiale se

répand parmi les couches sociales qui peuvent y accéder. Alors qu’il

n’existait auparavant pas d’intermédiaire entre les relations mondaines

et l’intimité du couple, la famille représente dès lors une nouvelle

valeur, liée à l’intimité domestique. « L’intime est bien, croyons nous,

un régime relationnel dans la sociabilité classique qui ne connaissait

d’autre alternative dans le jeu des relations que le bouillonnement

mondain et bruyant des visites, représentations et prestations publiques,

et, à l’opposé, le secret du commerce intime. » (10) C’est également à

cette période que la noblesse est remplacée par la bourgeoisie en tant

que modèle à suivre quant à la manière de penser, de s’habiller, de se

distraire, etc.

Les espaces de la maison commencent à se spécifi er en fonction de

cette nouvelle cohésion familiale : La chambre conjugale est parfois le

lieu de la convivialité familiale, étant débarrassée des symboles sexuels

que l’on y attachait auparavant. Les chambres d’enfants sont défi nies

et le salon accueille les amis non intimes. La salle à manger constitue

également un espace nouvellement défi ni à partir du XVIIIe siècle. Les

repas, qui étaient auparavant pris sur une petite table que l’on déplaçait

pour l’occasion deviennent en effet un moment de réunion familiale.

La salle à manger occupe une place centrale dans la vie familiale

puisqu’elle devient le lieu de l’éducation des enfants. C’est en effet à

l’occasion du repas que leurs sont transmises les règles de bienséance

et les bonnes manières.

« Il semble donc que cet espace (l’espace domestique familial)

métaphorise le jeu entre repli et ostentation qui semble caractériser

les rapports de la famille à elle-même et au groupe social auquel elle

appartient. L’intimité de la zone familiale privée (chambres, cuisine,

pièce ou la famille se réunit) symbolise spatialement le repli sur soi,

à l’opposé le salon que l’on n’ouvre qu’aux grandes occasions et son

espace ordonnancé, l’ostentation. Chaque groupe social ne l’actualise

pas de la même façon au même moment, mais c’est une représentation

forte qui joue comme référent et qui continue à jouer ce rôle aujourd’hui

encore dans certains groupes sociaux. » (11)

Au XIXe siècle, la limite entre l’habitation, lieu privilégié de la vie

L’intimité domestique

13

privée et l’extérieur, où est désormais relégué l’essentiel de la vie

publique, s’affi rme en tant que protection de l’intimité familiale. Selon

Walter Benjamin, la maison du XIXe siècle est non seulement séparée

du monde public, mais elle constitue une retraite de ce dernier. (12)

Les classes dominantes, dans leur souci toujours grandissant de se

protéger du peuple, se retranchent de plus en plus derrière les murs

de leurs maisons. « La vie privée doit être murée. Il n’est pas permis

de chercher et de faire connaître ce qui se passe dans la maison d’un

particulier. » (13) Cette nécessité d’isolement s’exprime à l’extérieur

du logis (les cercles réservés à l’aristocratie et à la bourgeoisie ainsi

que les loges de théâtre prolongeant le salon en témoignent) de même

qu’à l’intérieur. La surabondance de tentures, de soieries et de tapis

dans l’appartement bourgeois de cette époque est l’expression d’une

recherche de confort, d’intimité domestique s’opposant à l’univers

incertain régnant à l’extérieur du logis. « De cette singulière attitude

[la surabondance de mobilier et de tissus dans la décoration intérieure],

A. Daumard a donné l’explication suivante : « Tout au long du XIXe

siècle, les bourgeois surtout parisiens, mais ce sont eux qui donnent

le « ton », sont terrifi és par les émeutes populaires. Ils recherchent

dans leur logement le sweet home qui les rassure : L’espace se répartit

symboliquement en intérieur – famille – sécurité / extérieur – étranger

– danger. » » (14)

La défi nition des pièces dans l’habitat bourgeois se précise encore

d’avantage : L’antichambre dans laquelle l’on pénètre en entrant dans

la maison sert à la fois d’espace de distribution et de sas, au-delà duquel

on ne peut s’avancer sans y être invité. Le logement se divise ensuite

en espace privé destiné à la famille, espace public de représentation et

espaces de rejets (la cuisine et les sanitaires). Le tabou sexuel régnant

à partir du début du XIXe siècle, rend la chambre conjugale quasiment

impénétrable. La salle à manger perd aussi son caractère d’intimité. En

dehors des heures des repas elle est remplacée par le petit salon, plus

douillet. Le « grand » salon reste le lieu de la sociabilité mondaine.

L’intimité domestique

Projet de décoration pour une

chambre, Léger, 1844. (ill. 06)

14

XIXe et première partie du XXe siècle : Sur le modèle bourgeois, la classe ouvrière accède à l’intimité familiale puis à l’intimité individuelle.

Durant tout le XIXe siècle et souvent même jusqu’au milieu du

XXe siècle, la classe ouvrière vit dans des conditions de promiscuité

semblables à celles qui caractérisaient l’habitat aristocratique du

moyen-âge. Le manque d’espace ne permet pas l’isolement personnel

au sein du groupe domestique. Les logements comportent souvent

une pièce unique. Dans les logements de plusieurs pièces, elles sont

disposées en enfi lade, les espaces de distribution représentant des coûts

supplémentaires.

La limite entre la vie privée du foyer et la vie publique n’est pas

clairement défi nie comme c’est le cas dans l’habitat bourgeois à la

même époque. D’une part, l’utilisation de l’espace domestique comme

lieu de travail le rend relativement ouvert aux étrangers. D’autre

part, l’exiguïté du logis implique le report d’une part des activités

quotidiennes à des espaces publics tel que la rue et les cafés. Ces

espaces intermédiaires constituent les lieux privilégiés de la sociabilité,

permettant entraide et acculturation. Le texte de Jean-Paul Sartre cité

par Antoine Prost dans son article « Frontières et espaces du privé »

L’intimité domestique

Rue de Naples. (ill. 07)

15

illustre la relation existant entre les logement et une rue populaire de

Naples : « Au rez-de-chaussée de chaque maison, on a percé une foule

de petites pièces qui donnent directement sur la rue, et chacune de ces

petites pièces contient une famille. […] Ce sont des pièces à tout faire,

ils y dorment, mangent, et travaillent de leur métier. Seulement […] la

rue attire les gens. Ils sortent, par économie, pour n’avoir pas à allumer

les lampes, pour être au frais, et aussi, je pense, par humanisme, pour

se sentir grouiller avec les autres. Ils tirent des chaises et des tables

dans la rue, ou à cheval sur le seuil de leur chambre, à moitié dedans, à

moitié dehors, et c’est dans ce monde intermédiaire qu’ils font les actes

principaux de leur vie. Si bien qu’il n’y a plus ni dedans ni dehors et

que la rue est le prolongement de leur chambre, ils l’emplissent de leurs

odeurs intimes et de leurs meubles. De leur histoire aussi. […] Et le

dehors est relié au-dedans d’une façon organique. » (15)

Le XIXe siècle se caractérise par la prise en main des conditions de

logements des classes ouvrières par les classes dominantes. Il s’agit

d’une part de remédier aux maladies, conséquences de la surpopulation

et de l’insalubrité des logements et d’autre part de trouver une solution

L’intimité domestique

Maison nocturne, Le Magasine

pittoresque, 1847. (ill. 08)

16

aux tensions sociales liées à la proximité d’habitat des membres de

différent niveau social. Alors que les habitants des villes étaient,

en France, répartis verticalement dans des immeubles mixtes selon

leur appartenance sociale, le développement du logement de masse

destiné aux ouvriers va les regrouper en périphérie au profi t d’une

occupation des centres-villes par les plus aisés. Cette nouvelle forme

d’habitat n’améliore pas les conditions de promiscuité mais permet une

organisation mieux défi nie ainsi qu’un meilleur contrôle des ouvriers

par les classes supérieures. L’occupation du logis se limite désormais

à la famille restreinte, dont les activités domestiques doivent être

strictement confi nées à l’intérieur du logis. « L’indépendance concédée

aux ménages à l’intérieur de leurs murs est assimilable à une nouvelle

obligation sociale, qui débouche sur la consécration du logis privé aux

limites désormais quasi sacralisées. […] Dans cette transformation,

l’enveloppe des murs est rendue plus étanche aux irruptions de

l’extérieur. […] Les modes d’habitation se recentrent autour du foyer

domestique en un mouvement d’intériorisation.» (16)

La distribution des logements contribue aussi au contrôle de la

population afi n d’éviter d’éventuels déferlements révolutionnaires.

Deux schémas de distribution s’opposent : d’un côté le phalanstère,

qui encourage l’utilisation commune des espaces hors logis (favorisant

le rapprochement et le partage entre les familles) et permet d’un seul

point de vue de surveiller l’accès à tous les logements, et de l’autre la

réunion d’un nombre limité de logements autour d’une cage d’escaliers.

La réduction au minimum possible des espaces de circulation ne permet

en effet pas aux habitants de s’y attarder, renforçant ainsi la ségrégation

spatiale entre les ménages. Coïncidant avec les intérêts des propriétaires

immobiliers, c’est ce dernier type qui va se généraliser. Dans les deux

cas de fi gure, la limite du logis, seul lieu échappant au contrôle social,

se trouve renforcée, contribuant à la dissociation totale de l’espace

public et de l’espace privé de la famille.

L’intimité domestique

Fête du travail dans la cour

centrale du Familistère de

Guise, 1867. (ill. 09)

17

Les conditions de logement des classes défavorisées ne subissent de

changement important jusqu’au milieu du XXe siècle. En France,

très peu de nouveaux immeubles de logement sont construits avant

le début des années cinquante. La cause en est la réglementation des

loyers qui les maintient à un niveau si bas, que la construction de

nouveaux immeubles n’est pas rentable pour les propriétaires. Au début

des années cinquante, les loyers sont libéralisés et la construction est

relancée avec le soutien des pouvoirs publics. Des normes imposant

des minima quant aux dimensions et nombres de pièces notamment

accompagnent ce mouvement. Les grands ensembles se multiplient

dans les périphéries de villes européennes, permettant à une grande

majorité de la population d’accéder à un certain niveau de confort. A

ce sujet, Antoine Prost parle de démocratisation du logement : « Avec

les nouveaux logements, l’essentiel de la population accède, à des

différences de standing, de localisation et d’équipement près, aux

conditions de logement qui étaient autrefois celles de la bourgeoisie.

C’est une gigantesque démocratisation. » (17)

L’intimité, domestique et individuelle, est désormais une valeur partagée

par la population dans son ensemble. Le logement constitue l’univers

exclusif du groupe domestique. La limite entre espace privé et public

est clairement défi nie et coïncide avec la limite du logis. A l’intérieur

de l’habitat, la multiplication des pièces permet leur privatisation et la

mise en place d’espaces propres à la circulation, garantit à la fois une

plus grande indépendance des habitants entre eux et fournit un élément

de transition avec l’extérieur du logement.

De manière générale, la transformation de l’habitation est le refl et

d’une revendication grandissante d’individualité.

Deuxième partie du XXe siècle : L’individu domine le groupe. Appauvrissement des échanges sociaux. La limite du logis forme une limite abrupte entre vie privée et vie publique.

L’intimité, jusque là considérée comme une valeur acquise ou un idéal

de bien-être se concrétise dans le repli sur un habitat qui donne lui-

même la possibilité d’un isolement individuel.

Durant la deuxième moitié du XXe siècle, le développement des

L’intimité domestique

Ménage d’ouvriers, 1955.

(ill. 10)

Couturière à domicile. (ill. 11)

18

moyens de communication transforment la notion de distance sur

laquelle se basait jusque là les relations entre les personnes.

L’accélération des moyens de transports d’abord, offre une plus

grande liberté de mouvement. La distance entre lieu de travail et

habitat augmente considérablement. L’accès par une large frange de la

population à l’automobile permet aussi de multiplier les déplacements

dans le cadre des loisirs. L’environnement immédiat de l’habitation, le

quartier a tendance à perdre son rôle de transition entre espace public et

espace privé. En effet, auparavant, la proximité des habitant d’un même

quartier sous-entendait une relative connaissance réciproque. Sortir de

chez soi impliquait que l’on s’expose aux autres. Il importait alors de

donner une image présentable de soi. Les signes que l’on transmettait

(habillement, produits achetés, etc.) étaient autant d’informations sur

sa propre vie privée. Il en découle une surveillance réciproque que les

règles de convenance permettent de réguler. Mais le quartier constituait

également une zone protectrice du foyer permettant le partage des

préoccupations liées à la vie domestique. Le quartier était en effet

caractérisé par des lieux propre aux échanges entre femmes, l’épicerie

par exemple, et d’autres ou se rencontraient traditionnellement les

hommes : les cafés. Le caractère public du quartier était maintenu

grâce à la convenance, tout en permettant à la vie privée d’y trouver un

prolongement.

Les espaces mis en place par l’urbanisation moderne contribuent

à la transition nette entre espace privé et espace public. La pénurie

de logements dans la seconde moitié du XXe siècle conduit à la

création de grands ensembles implantés sur des terrains vierges à la

périphérie des villes. Des quartiers entiers sont construits d’un bloc et

des habitants d’horizons les plus variés y sont logés. Ils n’ont aucune

tradition liée au quartier et il leur est diffi cile d’en créer, en partie à

cause des formes architecturales et urbaines qui n’offrent souvent pas,

ou peu, de lieux de convivialité. Les espaces intermédiaires entre le

logement et les lieux de travail ou de loisirs sont considérés dans leur

dimension exclusivement fonctionnelle, sans tenir compte de leur rôle

social. Les espaces de circulations notamment, sont conçus dans le but

d’une effi cacité maximale alors que les zones entourant les immeubles

d’habitations résultent de l’espacement et de l’orientation nécessaire à

leur ensoleillement optimal.

L’intimité domestique

Parme en 1830 et Brasilia en

1960 . (ill. 12)

19

Dès les années 1980, le logis s’ouvre à nouveau sur le monde extérieur. Perméabilité du logis sur le plan physique (enveloppe) et virtuel (télécommunications).

Physiquement, la transition entre l’espace public et privé est brutale.

Les échanges sociaux basés sur les distances usuelles s’appauvrissent.

Par contre, le développement des télécommunications donne lieu à

de nouveaux types d’interrelations entre les personnes. L’évolution

des médias constitue d’abord une intrusion de la sphère publique

dans l’espace domestique : la presse écrite dont l’usage se généralise

dès le début du XXe siècle, la radio à partir des années vingt, puis

la télévision dont l’usage se généralise à la fi n des années cinquante.

Avec l’apparition d’internet dans un nombre important des foyers

à partir des années nonante, l’habitant peut, depuis son domicile,

communiquer activement avec d’autres usagers. Selon Jean-Claude

Kaufmann, « l’homme moderne est en interconnexion permanente (en

interdépendance structurelle et non en simple jeu d’interaction) avec un

nombre de ses semblables beaucoup plus grand que par le passé. » et il

affi rme plus loin : « L’individuation n’est qu’une forme particulière du

lien social ; elle ne marque pas un affaiblissement de ce dernier mais un

changement de sa nature. » (18)

Une autre caractéristique des médias qui nous intéresse ici est leur

faculté à exposer la vie privée. Depuis l’apparition de la presse féminine,

les médias ne sont plus uniquement tournés vers la vie publique, mais

s’adressent aux lectrices au sujet de leur vie privée, sous forme de

conseils de beauté, d’aménagement intérieur, et de suggestions liées

aux relations familiales. La publicité a rapidement rejoint ce type de

presse comme support pour véhiculer des messages liés à des nouveaux

modes de vie. La télévision elle aussi est devenue un moyen privilégié

pour mettre en scène la vie privée, et de manière particulièrement

directe ces dernières années avec les émissions de téléréalité.

Une autre modifi cation des modes de communication apportée par

l’évolution des médias concerne le caractère mobile, portable des

appareils de transmission et de réception d’informations. Ces appareils

permettent de former des bulles d’espaces privés dans un environnement

public. Nous l’avons vu, les médias font pénétrer la vie publique

L’intimité domestique

Playtime, Jacques Tati, 1964.

(ill. 13)

Affi che publicitaire, v. 1920

(ill. 14)

20L’intimité domestique

dans la sphère privée, mais c’est aussi le cas inverse. En effet, après

l’invention du transistor qui a rendu la radio transportable, le téléphone

et l’ordinateur le sont devenus aussi. Cette mobilité permet d’accomplir

des activités individuelles dans des lieux publics, sans qu’il n’y ait de

relation particulière entre le lieu et l’activité exercée.

L’avènement des médias constitue donc un nouveau mode de

communication entre la sphère privée et le monde public. Alors que

physiquement, l’espace domestique se trouve isolé du reste du monde,

il communique à distance avec l’extérieur. Le monde public pénètre la

sphère privée sous forme de texte, son et image, supports qui permettent

eux-mêmes de sortir la vie privée de l’espace domestique. D’autre part,

les moyens de communications « portables » élargissent la sphère

privée. Cette confi guration des types de communications est souvent

ressentie comme une menace pour l’intimité : «Votre droit à l’intimité

vous a été arraché. Vous ne pouvez pas entrer dans votre banque,

postuler pour un emploi ou accéder à votre poste informatique sans être

soumis à l’examen de personnes étrangères…Big Brother vous regarde

plus que jamais…N’est-il pas temps d’inverser cette tendance vers une

mise à nu nationale, avant qu’elle ne remplace l’intimité en tant que

valeur américaine ? » (19)

Pour d’autres il s’agit d’une richesse dont il faut tirer parti. Cette

nouvelle forme d’ouverture de la sphère privée sur le public est en

effet interprétée par certains architectes dans une nouvelle conception

de l’habitation. Cette tendance s’exprime en particulier à l’occasion

d’une exposition intitulée « The Un-private house », mise en place

par Terence Riley au MOMA de New York en 1999. Les œuvres qui y

sont exposées tentent de réinterpréter l’ouverture virtuelle de la sphère

Curtain wall house, Tokyo,

Shigeru Ban, 1995. (ill. 15)

21L’intimité domestique

privée en termes architecturaux, matériels. Ainsi, l’enveloppe des

bâtiments devient transparente non seulement au sens fi guré mais aussi

au sens littéral. « Que l’enjeu soit une transparence technologique ou

littérale, le résultat est la nudité […] » (20)

On assiste ainsi, en milieux urbains, à l’apparition de bâtiments

d’habitation dont la majorité de la façade est vitrée, compromettant la

notion d’intimité qui prévalait jusque là. Dans le « curtain wall house »

de Shigeru Ban par exemple, l’enveloppe entièrement vitrée dans un

environnement urbain place la vie domestique de ses occupants sous

le regard de tous. Le vitrage coulissant peut même être totalement

escamoté. La maison, à l’exception des espaces sanitaires, se trouve

alors en plein air, au même titre que les espaces publics avoisinants.

Spatialement, le caractère privé de l’espace s’exprime cependant par sa

position surélevée d’un niveau au dessus du niveau de la rue. Comme la

majorité des exemples inclus dans l’exposition, le plan de la maison se

caractérise par la quasi disparition des pièces traditionnelles. A l’image

du loft, l’espace est entièrement ouvert et se structure autour des

seuls éléments fi xés dans l’espace par leur dépendance aux conduites

sanitaires.

Les logements de ce type sont conçus pour des ménages composés de

personnes seules ou de couples sans enfants. La composition du groupe

domestique s’est en effet modifi ée ces dernières années et l’on constate

que les familles avec enfants ne constituent plus le modèle prédominant

du foyer. Les exemples de l’exposition qui s’adressent à des familles

avec enfants, se basent sur une distinction entre l’espace destiné aux

parents et celui des enfants. A l’intérieur de chaque groupe, l’espace

peut alors être très ouvert. C’est notamment le cas de la maison à

Brasschaat, conçue par Xaveer de Geyter. La sphère des enfants et celle

des parents se distinguent par leur accès dès l’entrée. Chacune d’elle se

structure autour d’un patio différent.

La spatialité du logement est également infl uencée par la réintroduction,

grâce aux médias, du travail dans la sphère domestique. Il existe

différents cas de fi gures selon que l’espace domestique et l’espace

de travail sont confondus ou au contraire clairement distincts. Dans

l’appartement Lipschutz / Jones conçu par Frank Lupo et Daniel

Maison à Brassaacht, Belgique,

Xaveer de Geyter, 1992. (ill. 16)

22

Rowen, par exemple, la sphère du travail investi complètement l’espace

domestique sous forme d’écrans digitaux permettant aux habitants,

tous deux traders à la bourse, de suivre en permanence l’évolution du

marché.

L’éclatement des familles ainsi que l’augmentation de la proportion des

foyers occupés par une seule personne, s’expriment par la perte de valeur

de l’espace privé en tant qu’espace communautaire. Cette tendance

est prise en compte dans d’extrême mesure dans des projets souvent

utopistes qui minimalisent le logement, le réduisant à un habit élaboré,

sorte d’intermédiaire entre le vêtement et l’habitat au sens traditionnel.

Le projet de Toyo Ito, Pao 1, abri pour les femmes nomades de Tokyo

se base sur une analyse des modes de vies des habitants de la ville de

Tokyo. Alors que la majorité des foyers y sont occupés par une seule

personne, de plus en plus de fonctions qui s’accomplissaient auparavant

dans le foyer sont accomplies dans la ville. Finalement l’habitat devient

un espace exclusivement destiné au repos. Le Pao 1 est constitué d’une

structure métallique supportant une membrane semi-transparente. Au

travers de celle-ci, on peut distinguer des meubles de toile : un lit, une

table et une chaise offrant le confort minimal pour un lieu de repos.

Si l’on considère les exemples concrets cités plus haut, on peut se

demander comment expliquer l’attrait d’un certain nombre d’habitants

des villes pour des logements largement ouverts sur l’extérieur et ne

présentant aucune protection de l’intimité. Bettina Köhler donne son

interprétation de ce phénomène dans le numéro 10, 2002 de la revue

Werk, bauen und wohnen. Selon elle la transparence de ces « un-private

houses » peut être comparée aux espaces de représentativité du XIXe

siècle. La vie privée serait ainsi mise en scène plutôt que réellement

dévoilée et le fait que l’espace domestique ne soit pas physiquement

accessible au public confi rmerait son caractère privé. Ce penchant pour

un certain type d’architecture serait ainsi comparable à ce que l’on

trouve dans les médias, les émissions de téléréalité notamment.

Un autre aspect soulevé par Terence Riley est le lien qui existe,

étymologiquement, entre le « regard » et le terme « garder ». En effet

le regard de l’autre peut être ressenti comme une intrusion mais il peut

aussi être rassurant.

Appartement Lipschutz / Jo-

nes, New-York, 1988. (ill. 17)

Pao 1, abri pour les femmes

nomades de Tokyo, Toyo Ito,

1985. (ill. 18)

23

Finalement, depuis le Moyen-Age, l’habitation est passée par trois

grandes phases dans son évolution : Durant la première, qui se prolonge

jusqu’au milieu du XXe siècle pour le logement ouvrier, l’organisation

de l’habitation se développe en multipliant les seuils entre le logis et

l’extérieur ainsi qu’au sein du logement lui-même. L’autonomie et le

choix des relations de chacun se précisent. La deuxième phase, qui

correspond à la modernité, présente une situation où la limite entre les

espaces est abrupte, nuisant aux relations sociales. Enfi n la troisième

phase, dans laquelle nous nous trouvons, correspond à cette période qui

voit se modifi er les modalités de la communication sous l’infl uence des

médias électroniques.

1. Bachelard, Gaston, La poétique de l’espace, Paris, PUF, 1994, p.30.

2. Rey-Debove, Josette et Rey, Alain, sous la direction de, Le Nouveau Petit Robert, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1993.

3. Barbey, Gilles, L’Habitation captive, Saint-Saphorin, Editions Georgi, 1980, p. 91.

4. Baudelaire, Charles, Les Paradis artifi ciels, 1860, cité dans Bachelard, Gaston, La poétique de l’espace, Paris, PUF, 1994, p. 52.

5. Prost, Antoine, « Frontières et espaces du privé », in Ariès, Philippe et Duby, Georges, Histoire de la vie privée, tome 5, Paris, Seuil, 1985, p. 15.

6. Je me permets d’utiliser cet anglicisme pour lequel il n’existe pas d’équivalent dans la langue française.

7. De La Roncière, Charles, « La vie privée des notables toscans au seuil de la Renaissance », in Ariès, Philippe et Duby, Georges, Histoire de la vie privée, tome 2, Paris, Seuil, 1985, p. 216.

8. Eleb, Monique, Debarre, Anne, Architecture de la vie privée, maisons et mentalités XVIIe – XIXe siècles, Bruxelles, Archives d’architecture moderne, 1989, p. 177.

9. Eleb, Monique, Debarre, Anne, Architecture de la vie privée, maisons et mentalités XVIIe – XIXe siècles, Bruxelles, Archives d’architecture moderne, 1989, p. 181.

10. Murard, Lion et Zylberman, Patrick, cités dans : Eleb, Monique, Debarre, Anne, Architecture de la vie privée, maisons et mentalités XVIIe – XIXe siècles, Bruxelles, Archives d’architecture moderne, 1989, p. 187.

11. Eleb, Monique, Debarre, Anne, Architecture de la vie privée, maisons et mentalités XVIIe – XIXe siècles, Bruxelles, Archives d’architecture moderne, 1989, p. 190.

12. « The literary critic Walter Benjamin came to see the nineteenth-century private house as not only separate from the public world but, more signifi cantly, as a retreat from it. », Riley, Terence, The un-private house, New-York, Museum of Modern Art, 1999, p.11.

13. Littré – dictionnaire, 1863-1872 – cité dans : Perrot, Michelle, « Manières d’habiter», in Ariès, Philippe et Duby, Georges, Histoire de la vie privée, tome 4, Paris, Seuil, 1985, p. 307.

14. Guerrand, Roger-Henri, « Espaces privés», in Ariès, Philippe et Duby,

L’intimité domestique

24

Georges, Histoire de la vie privée, tome 4, Paris, Seuil, 1985, p. 335.

15. Sartre, Jean-Paul, Lettres au Castor et à quelques autres, cité dans : Prost, Antoine, « Frontières et espaces du privé » in Ariès, Philippe et Duby, Georges, Histoire de la vie privée, tome 5, Paris, Seuil, 1985, p. 16.

16. Barbey, Gilles, L’Habitation captive, Saint-Saphorin, Editions Georgi, 1980, p. 94.

17. Prost, Antoine, « Frontières et espaces du privé », in Ariès, Philippe et Duby, Georges, Histoire de la vie privée, tome 5, Paris, Seuil, 1985, p. 69.

18. Kaufmann, Jean-Claude, La chaleur du foyer. Analyse du repli domestique, Paris, Librairie des Méridiens, Klincksieck et Cie, 1988, p. 21, 22.

19. « Your right to privacy has been stripped away. You cannot walk into your bank, or apply for a job, or access your personal computer, without undergoing the scrutiny of strangers... Big Brother is watching as never before... Isn’t it time to reverse that terrible trend toward national nakedness before it replaces privacy as an American value? » (Safi re, William, «Nobody’s Business », The New-York Time on the Web, 8 janvier 1998, Editorial Desk sec., cité dans: Riley, Terence, The un-private house, New-York, Museum of Modern Art, 1999, p. 14, traduction personnelle.)

20. «Wether the issue is technological or literal transparency, the result is a “nakedness” [...]» (Riley, Terence, The un-private house, New-York, Museum of Modern Art, 1999, p. 15, traduction personnelle.)

L’intimité domestique

25

GESTION DU DEGRÉ D’INTIMITÉ ET DE

SOCIABILITÉ

« La forme urbaine détermine, de manière variée, des espaces publics et

non publics. C’est valable à tous les niveaux : dans le logement aussi,

il existe des pièces qui servent à tous, et d’autres qui sont occupées de

manière individuelle. Ce qui me préoccupe ce sont les transitions de

l’un à l’autre, les changements d’espace, de lumière, et ainsi de suite. » (1)

En créant des espaces pour satisfaire les besoins de l’Homme,

l’architecte crée des limites. Celles-ci, par leur position, leur forme

et leur degré de perméabilité, caractérisent la relation entre les deux

espaces qu’elles séparent. Les moyens permettant de créer ces limites se

situent à différents niveaux, différentes échelles que l’on peut qualifi er :

la morphologie du bâti, sa typologie, et les dispositifs construits en tant

que tels.

1. Michaël Alder, « Typologies », Faces, n° 28, été 1993, p. 5.

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

26

1. Morphologie

Au niveau morphologique, le bâtiment lui-même constitue une limite

entre deux espaces extérieurs qu’il contribue à qualifi er. Par sa position

et par sa volumétrie, le bâti défi nit les espaces extérieurs qui vont

eux-mêmes contribuer à qualifi er les espaces du logement. Selon la

disposition du bâtiment, les espaces intérieurs vont se trouver dans une

situation plus ou moins exposée.

Nous distinguons ici trois catégories principales :

1. Le bâti fonctionne comme une limite entre un espace public et un

espace privé.

2. Le bâti fonctionne comme une limite entre un espace public ouvert et

un espace public plus introverti.

3. Le bâti fonctionne comme un objet placé dans un environnement

homogène.

D’autre part, la forme même du bâtiment peut placer des espaces

intérieurs en position exposée ou retirée que se soit par des variations

dans la coupe ou dans le plan.

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

27Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

1. Le bâti fonctionne comme une limite entre un espace public et un espace privé.

Il s’agit de la condition du bâti caractérisant la ville du XIXe siècle.

Les îlots et les maisons en rangées fonctionnent selon ce principe.

L’organisation du plan, ainsi que l’expression des façade s’ordonne

généralement selon ces critères. La façade s’orientant vers l’espace

publique joue un rôle de représentation. Les espaces qui s’orientent

sur ce côté correspondent généralement aux espaces de réceptions ou

espaces communautaires. La façade s’orientant vers l’espace privé, que

l’on appelle communément la façade arrière, est souvent moins élaborée

dans son apparence. Les espaces personnels et ceux qui sont propres

aux activités domestiques s’y orientent habituellement. Les signes de la

vie quotidienne s’y expriment plus librement vers l’extérieur.

La dimension ainsi que la nature des espaces extérieurs infl uencent le

degré de privacité et de représentativité des façades respectives. Une

cour de grande dimension aura tendance à perdre son caractère privé,

ou intime. Une façade donnant sur une large avenue ou sur une place

importante sera mise en valeur par la possibilité de recul, augmentant

son caractère public et représentatif.

Exemple: Römerstadt, Francfort, Ernst May, 1927-1928:

Römerstadt, Francfort, Ernst

May, 1927-1928, coupe,

1:500, vue des entrées en aval

de la pente. (ill. 19 et 20)

28

2. Le bâti fonctionne comme une limite entre un espace public ouvert et un espace public plus introverti.

Cette disposition constitue une solution à laquelle on recourt en

particulier depuis les années 1980 sous forme de cour ouverte, alors que

l’on a pris conscience des effets indésirables de l’urbanisme moderne

sur la socialité. L’espace le plus introverti a l’avantage d’être accessible

à tous. Plus statique, il offre une alternative aux espaces publics de

passage. La distinction entre les deux façades n’est pas aussi marquée

que dans le premier cas. Les espaces intérieurs s’orientent selon la

qualité de l’espace extérieur ou selon la cardinalité.

Exemple:Warteckhof, Bâle, Diener & Diener, 1994-1996:

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

Warteckhof, Bâle, Diener &

Diener, 1994-1996, plan de

situation, 1:500, vue de l’entrée

dans la cour. (ill. 21 et 22)

29

3. Le bâti fonctionne comme un objet placé dans un environnement homogène.

Cette forme urbaine caractéristique du mouvement moderne présente

le bâtiment comme un point fi xe dans un milieu homogène. Le bâti

ne s’oriente pas selon une spatialité urbaine mais généralement selon

la cardinalité et les vues. Les espaces intérieurs ainsi que les façades

s’expriment selon le même critère. Les espaces individuels sont

généralement positionnés sur la façade nord ou est, alors que les pièces

communautaires sont placées au sud ou à l’ouest. Ces dernières sont

habituellement largement ouvertes et complétées de prolongements

extérieurs permettant de tirer parti de l’orientation favorable, et

caractérisant l’aspect de la façade. Les façades correspondant aux

espaces individuels sont plus fermées et plus rarement munies de

prolongements extérieurs.

Exemple: Immeuble Clarté, Genève, Le Corbusier, 1931-32.

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

Immeuble Clarté, Genève,

Le Corbusier, 1931-1932. (ill.

23 et 24)

30

La forme du bâtiment place des espaces intérieurs en position exposée et d’autres en position retirée dans le plan (redans).

Ce dispositif permet de distinguer, sur une même façade des situations

plus exposées et d’autres plus protégées. Cela permet notamment de

placer des espaces exigeant un certain calme sur la façade s’orientant

vers un espace public tout en leur garantissant un certain degré d’intimité.

Les possibilités de dispositions du plan sont ainsi multipliées.

Exemple: Rue de Saint-Jean 86, Genève, 1910.

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

Immeuble de logements, Rue

de Saint-Jean 86, Genève, H.

Garcin et C. Bizot, 1910, plan

1:200, façade rue de Saint-

Jean. (ill. 25, 26 et 27)

31

La forme du bâtiment place des espaces intérieurs en position exposée et d’autres en position retirée dans la coupe (retraits).

Ce dispositif permet également de distinguer des espaces plus ou moins

proches de l’espace public. Les étages peuvent par exemple être en

retrait par rapport au rez-de-chaussée, leur garantissant une position

plus protégée. Il est aussi fréquent d’opérer un retrait du dernier niveau.

Celui-ci perd alors complètement le contact avec le sol pour s’orienter

horizontalement vers la distance.

Exemple: Rue Constantin 4, Genève, 1883:

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

Immeuble de logements, Rue

Constantin 4, Genève, Jean

Franel, 1883, coupe 1:200,

façade Rue Saint-Victor. (ill.

28 et 29)

32

2. Typologie

La partition de l’espace et la disposition des unités entre elles permet

de gérer le degré d’intimité et de sociabilité au sein d’un bâtiment de

logement collectif. Nous distinguons un premier degré d’organisation

qui concerne la relation qu’entretiennent les logements entre eux. Un

deuxième niveau concerne la relation entre l’individu et le groupe

domestique à l’intérieur d’un même logement.

Au sein de l’ensemble construit : l’individu, le groupe domestique par rapport au voisinage

Dans la majorité des cas, les bâtiments de logement collectifs

comprennent un certain nombre d’espaces qui sont partagés par

les habitants. En effet, dans les bâtiments de plusieurs niveaux en

particulier, l’accès se fait généralement par des circulations verticales

communes donnant accès à des espaces de distribution horizontaux à

chaque étage. Le caractère de ces espaces, leur dimensionnement, leur

éclairage et le type de relation qu’ils entretiennent avec les espaces des

logements peut contribuer ou non à garantir l’intimité des ménages et à

favoriser les contacts sociaux.

D’autres espaces sont susceptibles d’être partagés par les habitants d’un

même ensemble construit.

Il s’agit d’espaces extérieurs _ cours, jardins, terrasses, balcons, etc. et

d’espaces intérieurs _ salle commune, espace pour vélos et poussettes,

buanderies, etc. Le caractère individuel ou collectif de ces espaces

infl uence aussi le degré d’intimité et de socialité des ménages.

Nous distinguons ici trois catégories principales :

1. Aucun espace n’est partagé par les différents groupes domestiques,

2. Des espaces communs permettent un usage strictement fonctionnel

par l’ensemble des habitants,

3. Des espaces communs permettent la sociabilité entre les habitants.

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

33Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

1. Aucun espace n’est partagé par les différents groupes domestiques.Tous les logements sont directement accessibles depuis l’espace public.

Ce type de distribution est utilisé pour des constructions relativement

basses : un ou deux étages sur rez-de-chaussée. Les circulations

verticales peuvent se faire à l’intérieur du volume bâti ; tous les

logements disposent alors d’une porte d’entrée donnant directement sur

la rue et les escaliers constituent un seuil avant de pénétrer les espaces

de vie. Ce type est particulièrement répandu aux Pays-Bas. Une autre

variante présente des circulations verticales se situant à l’extérieur du

volume bâti. Leur caractère est plus anonyme et l’espace privé est en

relation plus directe avec l’espace public. Cette situation se rencontre

notamment dans la ville de Montréal.

Exemple : Rue Christophe Collomb, Montréal:

Immeuble de logements, Rue

Cristophe Collomb, Montréal.

(ill. 30)

34

2. Des espaces communs permettent un usage strictement fonctionnel par l’ensemble des habitants.Ce type est d’une part lié à la volontés ou à la nécessité de réduire les

frais de construction et d’autre part à la négligence du rôle social de

l’architecture. Cette situation caractérise le logement de masse depuis

le XIXe jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle. Ce type renforce la

limite entre le logis et l’extérieur. Les espaces collectifs ne fonctionnent

pas comme un seuil entre l’espace public et l’espace privé. Leur

caractère impersonnel (parfois hostiles) les place plutôt sur le même

plan que l’espace public.

Exemple : logement économique, Lyon, 1886:

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

Immeuble de logements, Lyon,

F. Mangini, 1886, plan, hors

échelle. (ill. 31)

35Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

3. Des espaces communs permettent la sociabilité entre les habitantsIl s’agit des espace fonctionnels conçus de manière à y favoriser le

contact entre les habitants ou même leur appropriation : hall d’entrée,

cages et paliers d’escaliers, coursives extérieures, rues intérieures.

D’autres espaces peuvent être partagés ou non par les habitants :

espaces de délassement extérieurs_ cour, jardin, terrasse, balcon_ ou

espaces intérieurs : salle commune, espace pour vélos et poussettes,

buanderies.

Selon la relation qu’ils entretiennent avec les espaces privés, ces

dispositifs peuvent entraver ou non l’intimité de l’espace domestique.

Exemples : Immeuble de logenents, Rue des Gares 27, Genève:

Immeuble de logements, Rue

des Gares 27, Genève, C.

Curonici, M. Barthassat, 1992-

1994, plan 3e étage, 1:200, vue

sur les balcons communs. (ill.

32 et 33)

36

À l’intérieur du logement : l’individu et le groupe domestique

La disposition des espaces, la présence ou non de sas entre les

différentes zones permet d’exprimer une hiérarchie plus ou moins

marquée entre les espaces du point de vue de l’intimité et de la socialité

qu’ils permettent. Nous distinguons essentiellement quatre catégories :

1. Le plan ne donne pas la possibilité d’isolement individuel,

2. Le plan ne distingue pas des espaces à destination collective et

d’autres à destination individuelle, plan neutre,

3. Le plan propose une distinction entre un ensemble d’espaces

collectifs et un ensemble d’espaces individuels,

4. Le plan ne donne pas la possibilité de la sociabilité.

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

37

1. Le plan ne donne pas la possibilité d’isolement individuel.La distinction entre espace collectif et espace individuel n’existe

pas. Le logement est constitué d’un espace unique. Les habitations

aristocratiques du Moyen-Age et les logements des plus pauvre

jusqu’au XIXe voire jusqu’au XXe siècle correspondent à ce cas de

fi gure. Le typ e plus contemporain que constitue le loft entre aussi

dans cette catégorie.

Exemple : Immeubles de logements, 860-880 Lake Shore Drive,

Chicago, projet initial, Mies van der Rohe, 1951.

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

Immeubles de logements,

860-880 Lake Shore Drive, Chi-

cago, projet initial, Mies van

der Rohe, 1951, plan d’étage

courant, 1:200, vue extérieure

des tours. (ill. 34 et 35)

38

2. Le plan ne distingue pas des espaces à destination collective et d’autres à destination individuelle, plan neutre.Excepté la cuisine et les sanitaires, toutes les pièces sont traitées

de manières identiques de façon à offrir la plus grande liberté

d’appropriation.

Exemple : Cité Malchower Weg, Berlin, H. Kollhoff et H. Timmermann,

1992-1994:

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

Cité Malchower Weg, Berlin,

H. Kollhoff et H. Timmermann,

1992-1994, plan type 1er et 2e

étage, 1:200. (ill. 36)

39

3. Le plan propose une distinction entre un ensemble d’espaces collectifs et un ensemble d’espaces individuels.

A. Un espace de distribution auquel on accède en entrant dans le

logement distribue directement les espaces collectifs et individuels.

Exemple : Immeuble de logements, Bungerstrasse 10-28, Bâle, 1991-

1992:

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

Immeuble de logements,

Bungerstrasse 10-28, Bâle, M.

Alder, H. Müller, A. Hindemann,

1991-1992, plan type 2e au 5e

étage, 1:200. (ill. 37)

40

B. La séparation se fait dès l’entrée par un hall ou corridor permettant

de différencier l’accès aux espaces individuels et collectifs. Les espaces

individuels sont eux même distribués par un espace propre.

Exemple : Immeuble de logements, Buchgrindelstrasse 4, Zurich,

1985:

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

Immeuble de logements, Bu-

chgrindelstrasse 4, Zurich, Theo

Hotz, 1985, plan 5,5 pièces, 3e

étage, 1:200. (ill. 38)

41

C. Le plan regroupe les espaces individuels et les espaces collectifs

sans proposer une séparation complète. L’accès aux deux zones s’opère

à partir de l’entrée.

Exemple : Immeuble de logements, Wallisellen, projet, 1992.

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

Immeuble de logements,

Wallisellen, projet, Morger et

Degelo, 1992, plan, 1:200. (ill.

39)

42Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

D. L’accès aux espaces individuels se fait par un sas, couloir ou hall à

partir de l’espace collectif.

Exemple : Enemble de logements «Im Lot», Uster, 1996-1997.

Ensemble de logements «Im

Lot», Uster, M. Alder, Hanspeter

Müller, 1996-1997, plan, 1:200.

(ill. 40)

43Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

E. Les espaces individuels sont directement commandés par un espace

collectif.

Exemple : Warteckhof, Bâle, 1994-1995:

Warteckhof, Bâle, Diener &

Diener, 1994-1996, plan, 1:200,

(ill. 41)

44Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

F. En plus des espaces strictement individuels et strictement collectifs,

le plan propose des espaces permettant de s’isoler tout en ayant un

certain contact avec les autres espaces.

Exemple : Immeuble Schürliweg, Zürich, 2000-2004:

Immeuble Schürliweg, Zurich,

Ueli Zbinden, 2000-2004, plan,

1:200. (ill. 42)

45

4. Le plan ne donne pas la possibilité de la sociabilité.Des espaces individuels sont directement accessibles depuis l’espace

public ou depuis des espaces de circulations collectifs.

D’autre part, la possibilité d’appropriation des espaces de circulation à

l’intérieur même du logement participe au degré de socialité que permet

le logement.

Exemple : Maison individuelle, Bottmingen, Bâle,1988:

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

Maison individuelle, Bottmin-

gen, Bâle, 1988, plan, 1:200.

(ill. 43)

46

3. Dispositifs construits

Les dispositifs mis en place permettent de caractériser la relation

entre les deux espaces qu’ils séparent. Entre l’absence de contact et

la continuité intégrale, il existe une variété de relations possibles.

Les dispositifs mis en place constituent des seuils qui, selon leur

confi guration, permettent de s’exposer ou au contraire de se protéger

des autres. Dans le premier cas, il s’agit d’un espace intermédiaire ou

les deux milieux, l’intérieur et l’extérieur sont superposés. On peut

alors jouir des avantages des deux environnements. Dans l’autre cas,

l’espace intermédiaire permet d’augmenter l’effet de limite entre deux

environnements, procurant à l’usager une position plus retirée.

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

47

Accessibilité : entre l’espace public (ou collectif) et l’espace collectif (ou privé)

Le dispositif accompagnant l’entrée d’un espace plus public vers un

espace plus privé peut se faire de manière directe ; l’espace intérieur est

alors fortement exposé, ou de manière plus progressive. Dans ce cas-ci,

les espaces de transitions permettent de garantir une certaine intimité

aux espaces intérieurs à proprement parler. D’autre part ceci permet

d’augmenter la conscience du fait de changer de milieu.

Porte d’entrée transparenteLa transparence peut nuire à l’intimité des habitants mais elle offre

aussi l’avantage de pouvoir surveiller ce qui se passe à l’extérieur.

L’image de fragilité à laquelle renvoie le matériau peut donner un

sentiment d’insécurité aux occupants.

Porte d’entrée translucideL’entrave à l’intimité est moins forte que dans le dispositif précédent.

La semi transparence permet de distinguer une présence uniquement.

L’image de fragilité est identique au dispositif précédent.

Porte d’entrée opaqueElle garantit une intimité totale tant qu’elle reste fermée. La surveillance

peut être assurée par des dispositifs permettant le regard sur l’extérieur

sans entrave à l’intimité (judas, par exemple). La matérialité de la porte

(solidité et épaisseur du matériau) offre un sentiment de sécurité plus

ou moins grand.

Porte d’entrée avec auventLa protection fonctionnelle du auvent permet de s’attarder à proximité

de l’entrée. Cet élément fournit un premier seuil avant d’entrer dans

un bâtiment. Il permet une position d’appartenance au bâtiment tout en

restant à l’extérieur.

Porte d’entrée avec sas à l’extérieur du volume du bâtimentCet élément remplit la même fonction que le précédant avec l’avantage

de protéger du vent et éventuellement du froid (ou du chaud). Le

sentiment d’appartenance à l’espace intérieur est cependant plus fort.

La position du dispositif d’avertissement sonore (à l’intérieur ou à

l’extérieur du sas) joue un rôle important quant au vécu de l’espace.

S’il se trouve à l’extérieur du sas, ce dernier aura un caractère plus

privé. S’il se trouve à l’intérieur, le statut du sas sera plus public. Son

accès par un étranger pourrait alors être ressenti comme une intrusion.

Par contre, pour l’étranger, le sas constitue une barrière plus forte s’il

doit pénétrer à l’intérieur du sas avant de sonner à la porte.

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

48Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

Porte d’entrée avec sas à l’intérieur du volumeCe dispositif se distingue du précédent par son appartenance plus

marquée à l’espace intérieur. Son statut est plus clair en tant qu’élément

appartenant à l’espace plus privé.

Retrait de l’entrée par rapport à l’espace publicUne bande de terrain entre l’espace public et l’entrée permet d’éloigner

visuellement et phoniquement les espaces intérieurs de l’espace public.

Le rôle de ce dispositif peut être comparé à celui du sas extérieur. La

présence possible d’une limite entre l’espace public et la bande de

terrain (barrière, haie, mur) augmente son caractère privé.

Surélévation de l’entrée par rapport à l’espace publicIl s’agit d’un moyen permettant d’accentuer la limite entre public et

privé, mais en coupe plutôt qu’en plan.

49

Franchissement d’un videA l’image du fossé participant aux fortifi cations classiques, un vide

entre l’espace public et l’espace privé augmente l’indépendance de ce

dernier. Il ne peut être atteint que par les franchissements ponctuels

que constituent des passerelles menant à l’entrée du bâtiment ou du

logement.

Exemple : Maison londonnienne:

Axonométrie d’une maison

londonienne typique de

l’époque Géorgienne. (ill.

44)

Maisons à Queen Anne’s

Gate, v. 1704. (ill. 45)

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

50

Relation à distance entre espace privé et espace extérieur

ouverture translucideCe type d’ouverture permet de laisser pénétrer la lumière tout en

protégeant l’intimité dans une certaine mesure. Un sentiment

d’insécurité peut découler de l’image fragile du matériau.

ouverture en hauteur / zénithalece dispositif présente des caractéristiques similaires au précédent. La

position haute de l’élément prévient cependant totalement les vues

entre les deux espaces.

ouverture complétée de fi ltresTout comme l’ouverture translucide, les fi ltres (rideaux, volets, stores,

plantes,...) permettent de laisser pénétrer la lumière tout en se protégeant

des regards. Dans certains cas, le degré d’ouverture / de fermeture peut

être modulé selon les besoins.

Exemple : Immeubles de logements «Mitterweg», Tyrol, 1997:

Immeubles de logement

«Mitterweg», Tyrol, C. Bau-

mschlager, D. Eberle, 1997,

plan, 1:200, façades. (ill. 46 et

47)

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

51

ouverture traditionnelle percée dans un murLe caractère de l’ouverture varie selon les dimensions et la position du

percement, l’épaisseur du mur, la forme de l’embrasure, la position du

vitrage en plan et les dimensions du cadre de la fenêtre.

Le percement permet par exemple de prendre conscience de l’épaisseur

du mur. Sa massivité ou sa fi nesse procurent un sentiment de sécurité

ou au contraire de vulnérabilité.

Si l’on considère la forme de l’embrasure, on peut par exemple citer

l’exemple d’une embrasure s’ouvrant vers l’extérieur. La quantité de

lumière pouvant entrer est maximisée et l’angle de vision sur l’extérieur

est augmenté. Il en résulte un sentiment d’ouverture sur l’extérieur

important étant donné la taille du percement lui-même.

Le rôle de la position du vitrage caractérise la situation de l’usager par

rapport à l’extérieur. Plus le vitrage se rapproche du plan externe du

mur, plus le degré d’exposition sera grand.

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

52

bow windowSe projetant à l’extérieur du volume d’un espace, ce type d’ouverture

permet à la fois une vision élargie et une position relativement exposée

par rapport à l’espace public.

Exemple: Immeuble de logements Rue Guynemer, Paris, 1925:

Immeubles de logement rue

Guynemer, Paris, Michel Roux-

Spitz, 1925, plan de l’étage

courant, 1:200, façade sur rue.

(ill. 48 et 49)

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

53

fenêtre en bandeauCe dispositif permet de cadrer les vues en hauteur depuis l’extérieur

aussi bien que depuis l’intérieur.

baie vitréeCe dispositif permet de se rapprocher d’une situation de continuité

de l’espace entre l’intérieur et l’extérieur. En effet la conscience de la

séparation spatiale est minimale puisque l’effet de cadrage est réduit au

cadre même des vitrages, s’ils ne sont pas dissimulés.

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

54

VérandaLa véranda se caractérise par la transparence de trois ou quatre de ses

faces. Le degré d’exposition qu’elle implique étant important, on en fait

généralement usage dans des environnements naturels.

Exemple : Immeuble de logements, Nüziders, Vorarlberg, 1995-1996:

Immeubles de logement

Nüziders, Vorarlberg, C.

Baumschlager, D. Eberle,

1995-1996, façade sud,

vue des vérandas. (ill. 50 et

51)

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

55

balcon à la françaiseMême si ce type d’ouverture ne permet pas le passage vers l’extérieur,

le fait de pouvoir ouvrir intégralement la porte fenêtre transforme notre

relation avec l’extérieur.

Exemple : Cité Malchower Weg, Berlin, 1992-1994:

Cité Malchower Weg, Berlin,

H. Kollhoff et H. Timmermann,

1992-1994, vue intérieure et

extérieure des balcons. (ill. 52

et 53)

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

56

balconEn position saillante par rapport à la façade, le balcon permet de se

projeter vers l’extérieur. Lorsqu’il est incorporé dans le corps du

bâtiment, le degré d’exposition est moins grand. La superposition ou

non des balcons et le degré de transparance de la balustrade modifi e

aussi notre perception.

Exemple: Immeubles de logement «Rohrbach 2», Vorarlberg, 1996-

1997:

Immeubles de logement

«Rohrbach 2», Vorarlberg,

C. Baumschlager, D. Eberle,

1996-1997, plan 2e étage,

balcons en saillie. (ill. 54 et

55)

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

57

loggia (saillante ou incorporée dans le corps du bâtiment)La loggia constitue un prolongement extérieur de l’espace privé au

caractère cependant introverti. La loggia saillante a la particularité

d’être ressentie comme un prolongement extérieur appartenant à

l’espace privé depuis l’intérieur et comme un élément qui s’expose

depuis l’extérieur.

Exemple : «Unité d’habitation», Marseille, 1945:

«Unité d’habitation», Marseille,

Le Corbusier, 1945, coupe, 1:

200, vue sur le balcon. (ill. 56 et

57)

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

58

TerrasseLa terrasse joue le rôle de pièce extérieure. Sa dimension lui confère un

caractère relativement indépendant du logement.

Exemple: Pavillon de l’Esprit Nouveau, Paris, 1925:

Pavillon de l’Esprit Nouveau,

Paris, Le Corbusier, 1925,

vue depuis l’extérieur et

depuis l’intérieur. (ill. 58 et

59)

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

59

Relations à l’intérieur même du logement

Les caractéristiques liées aux différents dispositifs sont similaires à

celles énoncées plus haut.

percement de mur

porte vitrée

porte translucide

porte opaque coulissante

porte opaque à battant

porte à deux battants

éléments de mobilier

rideaux, panneaux mobiles, plantes

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

60

antichambre, sasIl peut s’agir d’un espace de circulation ou d’un espace remplissant

une autre fonction; cuisines et salles de bain dans l’exemple ci-

dessous. La présence d’un espace intermédiaire garantit l’absence de

communication entre les deux espaces qu’il sépare lorsqu’une personne

passe de l’un à l’autre.

Exemple : Immeuble de logements avec cinéma et bistro «Riff Raff»,

Zurich, 1997:

Immeuble de logements avec

cinéma et bistro «Riff Raff»,

Zurich, M. Meili, M. Peter,1997,

plan 2e et 3e étage, hors

échelle. (ill.60)

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

61

différence de niveau

Exemple : Maison Tzara, Paris, 1925-1926:

Maison Tzara, Paris, Adolf

Loos, 1925.1926, plan

niveau 4, 1:200, vue vers la

salle-à-manger. (ill. 61 et

62)

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

62

différence de hauteur sous plafondLa différence de hauteur sous plafond, parfois associée à une différence

de spatialité en plan, permet de comprimer l’espace, accentuant le

sentiment de confi nement ou au contraire de le détendre augmentant le

sentiment de liberté.

PatioHormis sa fonction liée à l’éclairage, ce dispositif permet de mettre à

distance des espaces d’une même unité, tout en garantissant un contact,

visuel essentiellement.

Exemple:Immeuble Schürliweg, Zurich, 2000-2004:

Immeuble Schürliweg, Zurich,

Ueli Zbinden, 2000-2004, vue sur

le patio depuis le bureau. (ill.

63)

Gestion du degré d’intimité et de sociabilité

63

CADRE D’INTERVENTION

Le site choisi afi n de mettre en pratique les éléments développés dans

ce travail occupe une position centrale dans la ville de Genève. Il

s’agit cependant d’un lieu isolé de part sa situation urbaine. Le groupe

de parcelles considéré se situe en effet le long des voies de chemin

de fer entre la gare de Cornavin et l’aéroport de Cointrin, sur le côté

extérieur par rapport au centre historique de la ville. De plus, le tronçon

en question ne peut être franchi par des véhicules motorisés sur une

longueur d’environ 600 mètres. Depuis le début de son urbanisation

à la fi n du XIXe siècle, cet endroit a toujours été occupé par des

activités s’accommodant de terrains bon marchés : petites industries,

ateliers, dépôts et logements pour saisonniers. La construction de

l’Ecole Secondaire et Supérieure de jeunes fi lles (actuellement Collège

Voltaire) en 1918 donne au quartier sa vocation de lieu d’enseignement.

La planifi cation des quartiers voisins des Grottes et des Délices

en tant que lieux d’habitations à partir du début du XXe siècle, ne

Genève, 1:5000 (ill. 64)

Cadre d’intervention

64Cadre d’intervention 15

s’étend pas à cette portion de la ville. Il en résulte une situation qui

est aujourd’hui encore largement indéterminée tant sur le plan spatial

qu’au niveau des activités en présence. Actuellement, le site est investi

par des groupes sociaux défavorisés ainsi que par les établissements

scolaires avoisinants. Ces derniers remédient ainsi à leur manque de

locaux au coup par coup, en investissant d’anciens espaces industriels

ou en installant des structures provisoires sur des parcelles à l’usage

indéterminé.

La position à la fois centrale et isolée de ce site en fait un lieu propice

à l’habitation. Les situations très variées qu’il présente (présence de

bâtiments autrefois contigus devenus autonomes, d’établissements

éducatifs, de la voie ferrée, du square et plus généralement d’une

arborisation relativement importante, d’un dégagement visuel au nord-

ouest, de maisons unifamiliales avec leur jardin) exigent certainement

des dispositifs de nature différentes qu’il sera intéressant de tester dans

ce contexte précis.

Le Collège Voltaire et ses

abords, 1973. (ill. 65)

65

Le chemin creux

A pied, les habitants du quartier des Délices empruntent le chemin

Galiffe pour se rendre au centre-ville. Encadré par d’anciens murs de

propriété, le chemin a conservé un certain caractère rural.

66

Le square

Petit coin de calme et de verdure dans un environnement plutôt hostile.

Les restes d’anciens murs de propriété, la fontaine ainsi que la maison

voisine du XIXe siècle participent à l’identité forte de ce lieu. Une de

ses particularités réside dans le promontoire que forme un angle du

terrain retenu par les murs anciens au dessus du chemin Galiffe.

67

Les anciens ateliers

Il s’agit d’un bâtiment haut complété de halles de production ayant

d’abord servi d’usine de production d’huiles puis d’ateliers de reliure.

Le bâtiment haut est actuellement occupé par le Collège Voltaire

ainsi que par l’Université populaire. Le bâtiment bas est occupé par

l’écomusée de l’imprimerie de l’Association pour la protection du

patrimoine industriel. Les bâtiments n’ont pas subi de transformation

importante et témoignent de cette époque maintenant révolue.

68

Le Collège

Les locaux occupés par le Collège Voltaire se répartissent entre le

bâtiment de l’ancienne Ecole secondaire et supérieure de jeunes fi lles,

son extension de 1965 et les structures provisoires longeant la rue

du Vuache et la façade aveugle des anciens ateliers de reliure. Cette

dispersion relative implique une distinction peu claire entre les espaces

extérieurs appartenant à l’école et ceux de la voie publique. Aux

heures de pauses, l’extrémité de la rue du Vuache est investie par les

étudiants.

69

La rue sans issue

La rue du Vuache dessert des immeubles de logement, les anciens

ateliers de reliure ainsi que les locaux provisoires de l’Ecole d’art

appliqué et du Collège Voltaire. Dans la première partie de la rue,

l’arborisation et les multiples possibilités de stationnements confi rment

son caractère résidentiel. Plus loin c’est l’univers des jeunes, vélos,

tags, graffi tis.

70

« Logement avec vue »

Datant des années 1930, cet immeuble fait partie de la même phase

d’urbanisation que l’îlot situé entre la rue du Vuache et la rue de

Malatrex. Depuis la distance, le bâtiment apparaît comme un élément

indépendant bénéfi ciant d’un impressionnant dégagement visuel.

71

Le mur, le train

Mur appareillé, panneaux de matière synthétique : barrière et

continuité.

72

Les baraques provisoires

Ces constructions du début des années 1960, étaient d’abord destinées

au logement d’ouvriers saisonniers. Elles abritent maintenant un centre

d’accueil de l’Armée du Salut ainsi que des ateliers appartenant au

Centre Social Protestant. La petite hauteur des bâtiments ainsi que les

petits jardins attenants donne une image de périphérie urbaine plutôt

que de centre ville.

73

SYNTHESE

Ce travail se veut être une première approche d’une conception du

logement se défi nissant essentiellement par sa relation à la ville. Quelle

place veut on donner à l’espace domestique dans la densité humaine

qu’elle présente ? En d’autres termes, la question qui se pose est de

savoir quel degré d’intimité et quel degré de socialité le logement

permet.

Nous l’avons vu, l’intimité est d’une part, selon Gaston Bachelard,

considérée comme une valeur universelle associée à la maison. D’autre

part, si l’on se penche sur l’évolution historique du statut de l’habitat,

l’intimité apparaît comme une valeur culturelle acquise au fi l des

siècles.

On observe actuellement des modes de vies variés qui ne permettent

pas de concevoir l’habitation selon un modèle correspondant à

une manière d’habiter défi nie. La composition des ménages et leur

organisation dans la vie quotidienne est variable, aussi bien que la façon

dont les personnes conçoivent la relation qu’ils désirent entretenir avec

l’environnement extérieur depuis leur logement.

Les espaces que nous habitons peuvent toujours se défi nir les uns par

rapport aux autres, en fonction de leur degré de privacité et de publicité.

Une variété de dispositifs architecturaux permet de défi nir spatialement

ces relations. Il existe donc une multitude de manières de caractériser

la relation entre deux espaces. De plus, un dispositif peut lui-même

proposer plusieurs situations spatiales. La gradation des spatialités,

entre le très public et le très privé donne en effet le choix du degré

d’exposition ou de protection dont on souhaite bénéfi cier.

Plutôt que de tenter de répondre à une manière d’habiter défi nie, nous

pensons que ces dispositifs peuvent permettre d’offrir un certain choix

aux habitants dans leur manière d’habiter, dans le degré de socialité ou

d’intimité dont ils souhaitent bénéfi cier, de manière générale ou selon

l’activité exercée et l’humeur du moment.

L’environnement que présente le site d’intervention constitue l’autre

facteur qui va contribuer à défi nir le statut des habitations. Après la

présentation que nous en avons faite ici, une analyse plus approfondie

impliquera le choix de certaines solutions architecturales plutôt que

d’autres afi n de tenter de répondre au bien-être des futurs habitants

fi ctifs.

Synthèse

74

m’ont permis de mener à bien mes recherches:

Monsieur R. Berchtold, Service d’Urbanisme de la Ville de Genève,

Monsieur P. Chappuis, Service d’Urbanisme de la Ville de Genève,

Monsieur A. Léveillé, Centre de Recherche sur la Rénovation Urbaine,

Monsieur A. Schweizer, Association pour le Patrimoine Industriel,

que je remercie.

75

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[39, 40, 43] : Steinmann, Martin, « Typologies », Faces, n° 28, été

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[autres illustrations] : personnelles