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HALTE AU COMMERCE DE LA TERREUR COMMENT L’INTÉGRATION DE RÈGLES RELATIVES AUX DROITS HUMAINS DANS LE TRAITÉ SUR LE COMMERCE DES ARMES PEUT CONTRIBUER À GARANTIR UNE VÉRITABLE SÉCURITÉ

Halte au commerce de la terreur

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Comment l’intégration de règles relatives aux droits humains dans le traité sur le commerce des armes peut contribuer à garantir une véritable sécurité

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HALTE AUCOMMERCE DELA TERREURCOMMENT L’INTÉGRATION DE RÈGLESRELATIVES AUX DROITS HUMAINS DANSLE TRAITÉ SUR LE COMMERCE DESARMES PEUT CONTRIBUER À GARANTIRUNE VÉRITABLE SÉCURITÉ

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UNE RÈGLE EFFICACEEN MATIÈRE DEDROITS HUMAINSPOUR LE TRAITÉSUR LE COMMERCEDES ARMES

Les transferts d’armes irresponsables à travers lemonde détruisent aussi bien des vies que desmoyens de subsistance. Des centaines de milliersde personnes meurent chaque année, victimesd’une violence armée prévisible alimentée par uncommerce mondial des armes classiques malréglementé. Par ailleurs, toujours à cause ducommerce de la terreur, des centaines de milliersd’hommes, de femmes et d’enfants sont blessés,violés, chassés de chez eux. D’autres droits pourtantgarantis par le droit international – leurs droitséconomiques, sociaux, culturels, civils oupolitiques – sont bafoués.

Pour être efficace, le traité sur le commerce desarmes (TCA) doit contribuer à protéger les vies, lesmoyens de subsistance et les droits. Il doit permettreaux États de vendre, d’acquérir et de posséder desarmes en toute légalité pour assurer leur sécurité,maintenir l’ordre et se défendre, conformément audroit international et aux meilleures pratiques.Cependant, pour garantir une réelle sécurité, il doitaussi exiger des États qu’ils ne transfèrent pas desarmes vers des pays où il existe un risque importantqu’elles soient utilisées pour commettre de gravesviolations du droit international humanitaire et relatifaux droits humains, que les États ont l’obligation deprotéger. Pour être efficace, ce traité doit aussiempêcher les transferts d’armes internationaux dèslors qu’il existe un risque non négligeable que cestransferts favorisent des actes de violence armée,comme des attentats terroristes, des violences liées

au genre, des crimes violents ou des actes relevantdu crime organisé, ou qu’ils entravent lesprogrammes de réduction de la pauvreté ou ledéveloppement socio-économique.

Un petit nombre d’États cherche aujourd’huià empêcher l’introduction, dans le traité sur lecommerce des armes, de ces règles fondées sur ledroit international, ainsi qu’à limiter le nombred’armes classiques concernées par ce traité, ce quirisque de compromettre la mise en place d’un traitécontribuant à une véritable sécurité, tel que lesouhaite la majorité des États.

Le présent document s’intéresse toutparticulièrement à un point essentiel : l’évaluationdu risque – le risque que les armes classiquestransférées vers d’autres pays ne soient utilisées pourcommettre de graves violations du droit internationalhumanitaire et du droit international relatif aux droitshumains. Il présente le point de vue et l’expériencede personnes et de populations qui sont soumises demanière durable et systématique à de gravesatteintes à leurs droits fondamentaux et à des crimesde guerre alimentés par des approvisionnementsirresponsables en armes. Il explique comment uneévaluation rigoureuse du risque par les Étatsfournisseurs pourrait empêcher que les armesn’alimentent ces violences. Enfin, il montre quelstypes d’armes et d’équipements sont utilisés etdoivent donc être pris en compte dans un traitésensé être réellement efficace.

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LES GRAVES VIOLATIONSSE CARACTÉRISENT PAR

LEUR AMPLEUR ET LEUR PERSISTANCEExiste-t-il dans le pays destinataire des violations desdroits humains relevant d’une pratique bien établie, ou deséléments tendant à prouver que les violations sontsystématiques ou institutionnalisées ? Les violationstouchent-elles beaucoup de monde ou sont-elles peurépandues ?

OU PAR

LEUR NATURE ET LEUR CARACTÈRE GÉNÉRALISÉL’utilisateur final viole-t-il un vaste éventail de droitshumains reconnus par le droit international (droits civils,culturels, économiques, politiques ou sociaux) au moyend’armes du même type que celles-ci ?

ON ENTEND PARRISQUE NON NÉGLIGEABLE

un risque situé entre le simple soupçon et la certitude,c'est-à-dire lorsque l’on peut raisonnablement prévoir quel’utilisateur final va sans doute utiliser les armestransférées pour commettre de graves violations oudifférentes formes de violences.

Cela ne veut pas dire qu’il faut interdire les transfertsd’armes dès lors qu’une mauvaise utilisation estsimplement « possible », car cela pourrait empêcher lestransferts légitimes destinés à améliorer la sécurité.

QUELQUES QUESTIONS ESSENTIELLES À SEPOSER POUR ÉVALUER LE RISQUE

� Existe-t-il dans le bilan actuel et passé de l’utilisateurfinal prévu des éléments impartiaux et crédibles prouvantl’existence de graves violations du droit internationalhumanitaire ou relatif aux droits humains commises avecce type d’armes ? Ces éléments sont-ils fiables etcrédibles ?

� Ces violations étaient-elles isolées ou au contrairegénéralisées, systématiques ou très répandues (ce quidonne une idée de la gravité et de l’ampleur du problème,ainsi que de l’attitude de l’utilisateur final à l’égard de sesobligations relatives aux droits humains) ?

� Ces tendances passées ou récentes se poursuivent-elles ? Le gouvernement a-t-il pris des mesures réalistespour empêcher que ces violations ne se reproduisent et agiefficacement pour identifier leurs auteurs et les traduireen justice ?

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LES ÉTATS DOIVENT VEILLER, AU CAS PAR CAS, À CE QUELES TRANSFERTS D’ARMES INTERNATIONAUX NE SOIENT PASAUTORISÉS DÈS LORS QU’IL EXISTE UN RISQUE NONNÉGLIGEABLE QUE LES ARMES EN QUESTION SOIENTUTILISÉES POUR COMMETTRE DE GRAVES VIOLATIONS DUDROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE OU RELATIF AUXDROITS HUMAINS

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EXEMPLE N° 1 :RECOURS ABUSIF À LAFORCE ET HOMICIDESILLÉGAUX EN GUINÉE

« J'étais avec Kafala devant notreconcession. Il y avait plusieurs enfants quijouaient. Vers 17 heures, des béretsrouges sont passés à bord d'une LandCruiser. Les enfants ont poussé des crispour se moquer d'eux. Le véhicule a foncésur les enfants qui ont essayé de fuir.Kafala a été heurté par le véhicule et il esttombé. Il était couché sur le ventre. Unbéret rouge a pris son arme et a tiré deuxballes sur le gamin. Il a été touché entreles deux épaules et le milieu des hanches.Un autre gamin qui essayait de fuir a étéégalement touché par une balle. Lecadavre de Kafala a été transporté àl'hôpital Donka. »

Témoignage d’un proche de Kafala Ba racontant comme le jeune garçon, âgéde quatorze ans, a été tué à bout portant par un membre de la Gardeprésidentielle le 23 février 2007, à Conakry

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Dessin d’enfant représentant des soldats à Hamdallaye,

quartier de Conakry où les forces de sécurité ont attaqué

des manifestants pacifiques début 2007

©AmnestyInternational

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En janvier et en février 2007, les forces arméesguinéennes ont répliqué à des grèves et à desmanifestations en attaquant des manifestantspacifiques à Conakry et ailleurs dans le pays, dans lacontinuité d’une politique marquée depuis dix ans parune violente répression. Des manifestants et despassants, dont des enfants, ont été tués par balle,certains à bout portant. Selon les informationsrecueillies par Amnesty International, une fois,à Conakry, les soldats ont foncé avec des véhiculesblindés de type Mamba sur des gens qui manifestaientpacifiquement, tirant à balles réelles et lançant des gazlacrymogènes. Sur l’ensemble du territoire guinéen,plus de 130 personnes ont été tuées et des milliersd’autres blessées. Les forces de sécurité ont procédéà des dizaines d’arrestations arbitraires et ont commisdes violences sexuelles et des pillages.

Selon les statistiques douanières des Nations unies,entre 2003 et 2006, la France, le Portugal et l’Espagneont livré à la Guinée pour près de 7 millions de dollars(4,8 millions d’euros) de munitions destinées à desarmes légères, même s’il est difficile de déterminer,à partir de ces simples statistiques, qui en ont été lesutilisateurs finaux. Les véhicules blindés utilisésà Conakry début 2007 avaient été fournis en 2003 parun fabricant sud-africain, filiale majoritaire d’unesociété britannique, et étaient destinés, selon cettecompagnie, à assurer la « sécurité des frontières ».

OBJET D’UNE RÈGLE EFFICACE EN MATIÈREDE DROITS HUMAINS DANS LE TCA

RISQUE NON NÉGLIGEABLE : le bilan des forces de sécuritéguinéennes depuis une dizaine d’années est marqué pardes violations graves, généralisées et persistantes desdroits humains commises pendant l’élection présidentiellede 1998, les élections locales de 2000 et le référendum de2001, ainsi que dans le cadre de la répression violente demanifestations en 2004, 2005, 2006, 2007 et 2008 aumoyen d’armes légères, d’armes destinées à la sécuritéintérieure et de véhicules militaires du type de ceux quiont continué d’être livrés à la Guinée pendant toutecette période.

DE GRAVES VIOLATIONS ont continuellement été signaléespendant ces années, notamment des homicides illégaux etle recours abusif et aveugle à la force contre lesmanifestants et les opposants politiques. Ces violencesétaient aussi systématiques, et dans certains casordonnées et soutenues par les plus hautes autoritésde l’État.

Dans ces circonstances, une règle appropriée en matièrede droits humains exigerait que les États empêchent lalivraison aux forces de sécurité guinéennes d’armes du typede celles qui ont été servi à des homicides illégaux et aurecours abusif à la force, et cela jusqu’à que legouvernement guinéen instaure et applique de façonmanifeste des mesures destinées à empêcher ces forcesde commettre de graves violations des droits humains,à enquêter sur celles qui ont eu lieu et à en poursuivreles auteurs.

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EXEMPLE N° 2 :VIOLENCE ARMÉECONTRE LES FEMMESET IMPUNITÉ AUGUATEMALA

Claudina Velásquez Paiz, jeune femme dedix-neuf ans qui faisait des études de droitpour devenir avocate, a été retrouvéemorte le 13 août 2005. Elle avait étéabattue et son corps portait des traces desperme. L'enquête sur cet homicide a étéentachée de graves irrégularités. Parexemple, des témoins clés n’ont pas étéentendus, et aucun test n'a été pratiquésur les principaux suspects pourdéterminer s'ils avaient utilisé une arme àfeu. Le père de Claudina a expliqué :« L’enquêteur […] a déclaré que les lieuxdu crime n’avaient pas été examinéscomme ils auraient dû l’être uniquementparce que la police avait des préjugésenvers la victime en raison de ses origineset de sa condition sociale. Elle a classéClaudina dans la catégorie des gens dontla mort ne nécessite pas d’enquête àcause de l'endroit où elle a été retrouvéeet parce qu'elle portait des sandales, uncollier et un piercing au nombril. »

En novembre 2005, le responsable du Bureau spécial du procureurchargé des atteintes à la vie a finalement pris en charge ce dossier.En octobre 2006, les Services du procureur des droits humains duGuatemala ont reconnu que, dans cette affaire, « l’État [avait]manqué à son obligation de respecter et de garantir les droits à lavie, à la sécurité et à une procédure régulière ».

Le Guatemala n’est plus en conflit armé, mais lesarmes y sont omniprésentes. Les livraisons d’armeslégères non contrôlées en provenance de l’étrangercontinuent de donner lieu à des atteintes aux droitshumains graves et généralisées commises tant par desagents de l’État que par des acteurs non étatiques. Cesviolences sont favorisées par l’absence systématiqued’enquêtes et de poursuites satisfaisantes dans lesaffaires d’homicides par balle et de violences sexuellesavec arme.

Une règle efficace en matière de droits humains dansle traité sur le commerce des armes permettrait delimiter précisément ces livraisons d’armes légères sans

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Des femmes manifestent contre le taux élevé

d’homicides visant des femmes au

Guatemala et contre la passivité de l’État,

novembre 2005

©BBCThisWorld

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pour autant empêcher l’approvisionnement légitime enautres armes – comme les armes militaires de plusgros calibre – qui ne sont pas utilisées par des civilspour commettre des actes de violence armée, ni parles forces de sécurité pour commettre des homicidesillégaux ou d’autres violences.

Selon les estimations, le Guatemala compte quelque1,8 million d’armes à feu – dont 90 % non enregistrées –qui contribuent à instaurer un climat de peur et decriminalité. Dans ce pays, 80 % des hommes et 69 %des femmes victimes d’homicides sont tués par balle.Entre 2001 et 2006, plus de 2 200 femmes et jeunesfilles ont été tuées, souvent après avoir subi de gravesviolences physiques, un viol ou d’autres actes detorture. Comme l’a fait remarquer le procureur desdroits humains, « la différence, c'est que les femmes,ils les font souffrir davantage avant de les tuer ».

D’après les informations disponibles, seules environ1 % des affaires d’homicides aboutissent à unecondamnation. L’absence systématique d’enquêtessatisfaisantes sur les meurtres, ainsi que le faible tauxde condamnations qui en découle, contribuent àinstaurer une culture de l’impunité pour ces crimes.C’est particulièrement vrai pour les meurtres defemmes : les informations recueillies par AmnestyInternational sur de nombreuses affaires d’homicidesmontrent clairement que la réaction des autoritésdépend du genre de la victime.

En l’absence d’enquêtes et de poursuites efficaces dela part de l’État, les autorités répondent à l’insécuritépersistante par davantage de violence encore : desmembres des forces de sécurité ont ainsi été accusésd’avoir torturé et exécuté de façon extrajudiciaire despersonnes jugées socialement indésirables.

D’après les statistiques douanières de l’ONU,l’Allemagne, l’Argentine, la Corée du Sud, l’Italie,la République tchèque, la Slovaquie et la Turquie ontexporté pour près de 7 millions de dollars (4,8 millionsd’euros) de pistolets et de revolvers au Guatemalaentre 2004 et 2007. Une nouvelle loi sur le contrôledes armes et des munitions, adoptée en mars 2009,a durci certains contrôles sur les armes domestiques etérigé en infraction le trafic illicite d’armes à feu et demunitions, mais le nombre d’armes légères illégalesn’a pas diminué de manière significative, et l’impunitépour les homicides par balle reste la règle.

OBJET D’UNE RÈGLE EFFICACE EN MATIÈREDE DROITS HUMAINS DANS LE TCA

GRAVES VIOLATIONS : les meurtres, les violences sexuelles etles homicides illégaux commis avec des armes légères,ainsi que les blessures par balle, sont persistants etgénéralisés au Guatemala.

RISQUE NON NÉGLIGEABLE : le gouvernement n’a pris aucunemesure réaliste pour prévenir ce phénomène, que lesviolences soient commises par des civils ou par les forcesgouvernementales, et l’impunité pour les auteurs estgénéralisée. Beaucoup de ces actes sont commis au moyend’armes à feu et de munitions détenues illégalement,issues d’un marché parallèle qui, selon des estimationsfiables, est vaste et bien approvisionné, notamment enarmes importées de l’étranger. La production d’armementdu Guatemala reste très limitée : le pays ne fabrique quedes munitions de 5,56 mm pour la police et pour l’armée –dont quelques-unes se retrouvent néanmoins entre lesmains d’utilisateurs non autorisés.

Une règle efficace en matière de droits humains dans letraité sur le commerce des armes interdirait aux États, aucas par cas, de vendre des armes de poing et desmunitions à des fournisseurs civils au Guatemala dès lorsqu’il existe un risque non négligeable que ces armes seretrouvent sur le marché illégal et entre les mainsd’auteurs de graves atteintes aux droits humains.Ce risque existera tant que les autorités guatémaltèquesn’auront pas pris de mesures efficaces pour retirer de lacirculation les nombreuses armes illégales que compteactuellement le pays, et tant que des enquêtes et despoursuites satisfaisantes ne seront pas engagées à proposdes meurtres et des homicides illégaux par armes à feu.De même, compte tenu des préoccupations persistantesconcernant l’adhésion des forces de sécurité au droitinternational relatif aux droits humains, aucune armelégère ni munition ne devrait être vendue aux forcesguatémaltèques qui commettent régulièrement deshomicides illégaux tant que ces forces n’auront pas fait lapreuve que les auteurs de ces homicides serontefficacement recherchés et punis.

En revanche, une règle relative aux droits humainsn’empêcherait pas la livraison d’armes qui ne sont pasutilisées par des civils pour commettre des actes deviolence armée, ni par les forces de sécurité pourcommettre des homicides illégaux ou d’autres violences :par exemple, les équipements militaires de plus groscalibre destinés aux forces armées pour leur propre défenselégitime, ou les patrouilleurs utilisés dans la lutte contre letrafic de drogue.

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EXEMPLE N° 3 :ARRESTATIONSARBITRAIRES,RECOURS ABUSIF À LAFORCE ET HOMICIDESILLÉGAUX AUMYANMAR

« Les autorités ont coupé les lignestéléphoniques vers cinq heures de l’après-midi. Plus tard, à 21h10, les soldats ontenfoncé la grille principale du monastèreavec leurs camions militaires. Ils ontcommencé à nous frapper dès qu’ils sontentrés. Après la grille, ils ont enfoncé laporte d’entrée du monastère à coups depieds. Dès qu’ils ont pénétré dans lebâtiment, ils ont commencé à nous frapperau hasard. C’était une attaque destinéeà nous empêcher de résister. Ils nous ontdonné l’ordre de nous placer contre lemur, et ils frappaient à coup de bâton ceuxqui n’obéissaient pas »

Témoignage d’un confrère de U Thilavantha, moine de Yangon (Rangoon)mort le 26 septembre 2007 après avoir été agressé lors de l’attaque desforces armées contre leur monastère

Entre le 25 et le 29 septembre 2007, en réaction auxplus grandes manifestations antigouvernementalessurvenues dans le pays depuis le soulèvementprodémocratique de 1988, les forces de sécurité duMyanmar ont investi des monastères et s’en sont pris àdes manifestants pacifiques. Des milliers de personnesont été arrêtées, plusieurs centaines ont été blessées etil y a eu au moins 31 morts (mais le nombre réel detués dépasse probablement la centaine).

Amnesty International a eu confirmation que, pendantcette répression, des membres des forces de sécuritégouvernementales ou des groupes soutenus par cesforces ont tiré sur la foule des manifestants avec desballes en caoutchouc, des grenades lacrymogènes etdes balles réelles. Par exemple, Thet Paing Soe etMaung Tun Lynn Kyaw, étudiants au lycée d’État n° 3de Tamwe, à Yangon, ont été abattus pendant unemanifestation le 27 septembre 2007. Selon destémoins, les coups de feu étaient tirés depuis descamions militaires ou des ponts, et visaientdélibérément les meneurs présumés desmanifestations.

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Arrivée des forces de sécurité sur les lieux d’une

manifestation dans le centre de Yangon, septembre 2007

©DR

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OBJET D’UNE RÈGLE EFFICACE EN MATIÈREDE DROITS HUMAINS DANS LE TCARISQUE NON NÉGLIGEABLE : les actes commis en septembre2007 étaient loin d’être isolés. Le gouvernement duMyanmar et ses forces militaires, de sécurité et de policecommettent depuis longtemps de graves violations desdroits humains, sur lesquelles de nombreuses informationsont été réunies et que les Nations unies ont qualifiées degénéralisées et systématiques.

GRAVES VIOLATIONS : parmi les différentes formes deviolations signalées, on peut citer les exécutionsextrajudiciaires, les disparitions forcées, la torture, letravail forcé et le recrutement d’enfants soldats ; danscertains cas, ces violences ont constitué des crimes deguerre ou des crimes contre l’humanité.

Amnesty International pense que le caractère généralisé etsystématique et la gravité des violations des droitshumains, dont des crimes contre l’humanité, commises auMyanmar par des agents étatiques et des groupes agissantavec l’autorisation et le soutien de l’État justifieraientl’instauration d’un embargo des Nations unies sur lesarmes à destination de ce pays. Cependant, à défaut d’untel embargo, une règle relative aux droits humains dans letraité sur le commerce des armes pourrait interdire auxÉtats de fournir aux forces militaires et de sécurité duMyanmar des armes et des équipements connexes tant qu’iln’aura pas été prouvé que ces armes et équipements nerisquent pas d’être utilisés pour commettre de gravesviolations des droits humains.

PORTÉE NÉCESSAIRE DU TRAITÉ POUR QU’ILSOIT EFFICACE

Pour protéger efficacement les droits humains, le traitésur le commerce des armes doit couvrir les armesmilitaires, de sécurité et de police et tous leséquipements liés. Il ne doit pas se limiter aux huitcatégories proposées par certains États – les septcatégories de véhicules, matériel d’artillerie et missilesfigurant dans le Registre des armes classiques desNations unies, ainsi que les armes légères et de petitcalibre. En effet, les véhicules utilitaires et de transportmilitaires, qui ne figurent pas dans ce registre, sontlargement utilisés dans des opérations militaires et desécurité intérieure. Pendant la répression desmanifestations, les forces de sécurité du Myanmar ontutilisé des camions militaires de fabrication chinoisebien reconnaissables, livrés par centaines au Myanmar

depuis 2005, pour attaquer des monastères et pourtransporter et coordonner les forces de sécurité.

Le traité sur le commerce des armes doit aussiconcerner les armes et les munitions destinées à lasécurité intérieure, qui ne sont généralement pasqualifiées de militaires mais sont largement utiliséespar les forces de police et de sécurité. Ainsi, à Yangon,en 2007, les forces de sécurité ont utilisé à plusieursreprises des balles en caoutchouc, des grenadeslacrymogènes et des balles réelles contre lesmanifestants pacifiques. Ces munitions étaient tiréesavec des armes à feu et des lance-grenades, dontcertains ressemblaient beaucoup aux lance-grenadesfabriqués à Singapour.

L’exemple du Myanmar montre également pourquoi letraité sur le commerce des armes doit aussi couvrir lesmachines et les équipements de fabrication d’armes.En effet, il semblerait que beaucoup des armes légèresutilisées pour commettre des violations des droitshumains pendant la répression de 2007 et depuissoient fabriquées directement au Myanmar. Ce paysa commencé à produire des armes légères dans lesannées 1950 et 1960 grâce à des transferts demachines en provenance d’Allemagne de l’Ouest, maisplus récemment le journal Jane’s Intelligence Reviewa affirmé que, en 1998, le Myanmar s’était doté d’uneusine de fabrication de fusils d’assaut et de munitions,semble-t-il conçue et construite par une société deSingapour avec l’aide de consultants israéliens.

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Lance-grenades utilisés par les forces de sécurité du

Myanmar pendant des manifestations à Yangon,

28 septembre 2007

©WPNPhoto

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Un combattant du groupe armé Congrès national pour

la défense du people (CNDP) équipé d’une grenade

autopropulsée, près de Rutshuru, une ville du nord de

Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo.

À la suite d’une intensification des combats entre des

membres du CNDP et l’armée régulière en 2008, plus de

220 000 personnes se sont retrouvées déplacées à

l’intérieur de leur propre pays.

©AP/PAPhoto/JeromeDelay

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EXEMPLE N° 4 :ARRESTATIONSARBITRAIRES,EXÉCUTIONSEXTRAJUDICIAIRES ETCRIMES DE GUERREEN SOMALIE

« Le 16 octobre 2007, j’étais en Somalie.Un soir, quatre jours après mon arrivée,les Éthiopiens sont venus occuper levillage. Ils ont arrêté 41 personnes, dontmoi. Ils nous ont emmenés à la basemilitaire. J'ai pu voir des camions et unebonne quinzaine de véhicules tout terrain[équipés de mitrailleuses]. J’ai étéinterrogé par un Somalien qui travaillaitavec les Éthiopiens. On nous a posé à tousla même question : “Que faites-vous ici ?”Nous avons répondu que nous habitions là.

« À la fin de l'interrogatoire, neuf d'entrenous ont été emmenés et jetés dans uncamion. Je crois que ces neuf-là ont étéconduits en Éthiopie. Je crois que c'estparce que deux d'entre eux étaient desmollahs et portaient de longues barbes[…] Nous, les autres – nous étions 32 –,nous nous sommes mis à courir. Nous noussommes échappés. Mais 11 d'entre nousont été abattus. Je les ai vus tomberdevant moi. Ils faisaient partie du premiergroupe qui avait pris la fuite. Ce jour-là,j’ai décidé de quitter le pays. Un peu plustard, le 22 novembre, j’ai vu les corps decinq personnes qui avaient eu la gorgetranchée. Deux d’entre elles avaient étédécapitées. Le secteur était occupé parles Éthiopiens. »

« Zakaria », quarante et un ans, originaire du quartier du marché de Bakara(Mogadiscio), arrêté arbitrairement par les forces éthiopiennes en Somalie

Bien que la Somalie soit soumise à un embargo desNations unies sur les armes depuis 1992, les armesn’ont cesser d’affluer vers les parties au conflit qui sesont rendus coupables des graves violations des droitshumains et des crimes de guerre qui ont ensanglantéle pays pendant plus de vingt ans. Certaines des forcesimpliquées dans le conflit s’approvisionnent en armeslivrées à l’extérieur du pays, dans des lieux qui ne sontpas officiellement soumis à l’embargo. Par exemple,

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Soldats éthiopiens sur l’un de leurs véhicules militaires

à Mogadiscio, mai 2007

©DR

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entre fin 2006 et début 2009, le gouvernementéthiopien a mené une grande offensive militaire enSomalie, en coopération avec le gouvernement fédéralde transition, pour expulser les forces loyales à l’Uniondes Tribunaux islamiques. Or, selon les statistiquesdouanières des Nations unies, pendant les deuxannées qui ont précédé cette offensive, l’Éthiopie adéclaré d’importantes importations d’armes militairesen provenance de Chine, de Corée du Nord, d’Israël,de République tchèque et de Russie. Pendantl’offensive elle-même, elle a déclaré avoir importé pourplus de 48 millions de dollars (32,7 millions d’euros)d’armement venant de Chine, de Bulgarie et de Coréedu Sud. Ces armes ont été livrées malgré les gravesviolations du droit international humanitaire et relatifaux droits humains commises par l’Éthiopie et lesforces alliées du gouvernement fédéral de transition enSomalie, et en dépit de la déclaration du Groupe decontrôle sur la Somalie, une entité des Nations unies,selon lequel la présence des forces éthiopiennes dansce pays était en soi une violation de l’embargo sur lesarmes. Face aux nouvelles offensives de groupesarmés en 2009, le gouvernement des États-Unis auraitlivré 40 tonnes d’armes aux forces du gouvernementfédéral de transition.

Le Groupe de contrôle sur la Somalie a aussi affirméque des groupes armés somaliens, dont les forces del’Union des Tribunaux islamiques et d’Al Shabab, seprocuraient des armes sur les marchés aux armes deSomalie, en plein essor, et que ces marchés et lesgroupes armés recevaient des livraisons en provenanced’Érythrée, d’Éthiopie, du Yémen et d’autres pays de larégion. Les groupes armés ont ensuite utilisé cesarmes pour commettre des violations persistantes dudroit international humanitaire et relatif aux droitshumains. En outre, à cause de cette violence armée,les Somaliens continuent d’être privés de l’accès à lanourriture et aux soins médicaux, et cette situations’est encore aggravée depuis 2008, lorsque destravailleurs humanitaires ont commencé à être prisdélibérément pour cible.

PORTÉE NÉCESSAIRE DU TRAITÉ POUR QU’ILSOIT EFFICACE

Pour que le droit international humanitaire et le droitinternational relatif aux droits humains soientrespectés, le traité sur le commerce des armes doitcouvrir toutes les formes d’armes et d’équipementsconnexes, et non seulement celles qui figurent dans leRegistre des armes classiques des Nations unies et les

OBJET D’UNE RÈGLE EFFICACE EN MATIÈREDE DROITS HUMAINS DANS LE TCA

RISQUE NON NÉGLIGEABLE : depuis 2002, les groupesd’experts et groupes de contrôle des Nations unies sur laSomalie ont formulé à plusieurs reprises des allégationscrédibles faisant état de la fourniture par l’Éthiopie,l’Érythrée, le Yémen et d’autres pays de la région devéhicules, d’armes légères et de petit calibre, de munitionset d’une assistance technique aux parties responsables degraves violations du droit international dans le terribleconflit qui ravage la Somalie.

GRAVES VIOLATIONS : toutes les parties au conflit se sontrendues coupables de manière persistante d’un vasteéventail de graves violations des droits humains,notamment des homicides illégaux, des arrestationsarbitraires et des actes de torture, ainsi que de gravesviolations du droit international humanitaire, dont lebombardement aveugle de zones civiles et des attaquesdélibérées contre les civils.

Avec une règle relative aux droits humains dans le traitésur le commerce des armes, les États auraient l’obligationd’empêcher que des armes et des équipements connexes nesoient livrés, directement ou indirectement, aux forcescoupables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanitéet d’autres violations graves des droits humains enSomalie – quelles que soient ces forces et qu’elles-mêmesou leur lieu d’implantation soient ou non explicitementcouverts par l’embargo des Nations unies. Ces livraisons nepourraient avoir lieu qu’à condition que les pays à l’originedes transferts soient en mesure de prouver que ces armesne risquent pas d’être utilisées par les parties au conflitsomalien et ne relèvent pas de catégories d’armessusceptibles d’être utilisées pour commettre de gravesviolations du droit international humanitaire et relatif auxdroits humains.

armes légères et de petit calibre. Par exemple, toutesles parties au conflit en Somalie se serventcouramment des véhicules tout terrain évoqués plushaut par Zakaria : il s’agit généralement de camions oude véhicules utilitaires légers sur lesquels sont montésdes mitrailleuses lourdes ou des canons anti-aériensde 23 ou 39 millimètres, qui sont utilisés contre descibles terrestres.

Or, ni les véhicules militaires utilitaires ou de transportnon blindés, ni les canons anti-aériens courammentmontés sur ces véhicules ne figurent dans le Registredes armes classiques des Nations unies.

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LE COMMERCE DES ARMES PEUT CONTRIBUER À GARANTIR UNE VÉRITABLE SÉCURITÉ

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EXEMPLE N° 5 :HOMICIDES ILLÉGAUXET CRIMES DE GUERREEN RDC

« Il y avait un vieillard malade à l’intérieur.Le soldat lui a demandé son nom et a exigéde l’argent, mais le vieil homme n’en avaitpas et il l’a repoussé dans un coin de lahutte. Puis il nous a donné l’ordre, àThéophile et à moi, de nous allonger côte àcôté sur le lit. Je savais que nous allions ypasser. Le soldat a tiré plusieurs coups defeu au niveau de ma tête et en direction ducœur, presque à bout portant. Par miracle,une balle m’a éraflé le cou et la secondem’a traversé le bras. Puis le soldat estsorti en fermant la porte. Il était presquemidi. Théophile était touché et il gisait,désarticulé, en travers du lit. Il gémissait,puis il a poussé un cri et j’ai compris qu’ilvenait de mourir. J’étais couvert de sang etj’ai perdu connaissance. »

Témoignage d’un homme ayant survécu à l’attaque d’un soldat duRassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma) à Buramba, dansle Nord-Kivu, décembre 2004

Toutes les parties aux violents conflits quis’entremêlent depuis 1996 en RDC ont commis desviolations répétées, systématiques et généralisées dudroit international humanitaire et relatif aux droitshumains. Un embargo tardif et partiel imposé en 2003par les Nations unies sur les groupes armés de l’est dela RDC et les groupes n’ayant pas signé l’accord depaix de 2002 était censé mettre un terme au conflit.Cependant, il n’a pas réussi à arrêterl’approvisionnement en armes des auteurs de cesviolences, en partie à cause de transferts d’armes àdestination de sympathisants et fournisseurs desgroupes armés de la région, transferts techniquementlégaux mais irresponsables.

Les forces du gouvernement de la RDC et les groupesarmés congolais et étrangers se sont rendus coupablesde violations généralisées des droits humains parfoisconstitutives de crimes de guerre, notamment deshomicides illégaux, des viols et le recrutement etl’utilisation d’enfants soldats. Pendant les premières

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Femme congolaise dans le camp de Kibati, au nord de

Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo

(RDC), novembre 2008. Ce camp a été installé pour les

civils déplacés par les combats entre l’armée nationale de

la RDC et un groupe armé, le Congrès national pour la

défense du peuple (CNDP).

©AP/PAPhoto/JeromeDelay

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phases du conflit, les troupes rwandaises etougandaises ont aussi commis des crimes de guerre,tels que des bombardements aveugles de zones civileset des exécutions extrajudiciaires de civils non armés.En 2005, la Cour internationale de justice a concluqu’entre 1998 et 2003 les forces ougandaises avaienttorturé des civils, n’avaient pas protégé les populationsciviles pendant les combats avec d’autres combattants,avaient incité aux affrontements ethniques, et avaientformé des enfants soldats.

Toutes les parties ont aussi aidé et équipé des groupesarmés dont la principale action militaire consistait àmener des attaques systématiques contre lespopulations civiles, souvent en raison de leur identitéethnique. Plus récemment, dans le cadre du nouveauprocessus de paix, l’intégration hâtive des groupesarmés dans l’armée nationale de la RDC a donné à cesgroupes l’accès à de nouvelles armes appartenant àl’État sans pour autant que leurs structureshiérarchiques aient été démantelées ou que leurscombattants aient été contrôlés afin d’écarter lesauteurs de crimes de guerre ou de graves violationsdes droits humains. Les séquelles laissées par cesviolations continuent de priver la population de la RDCde soins médicaux appropriés et d’autres droitséconomiques et sociaux. Plus de 1,5 million depersonnes sont toujours déplacées dans l’est de laRDC. Des groupes armés ont attaqué et pillé àplusieurs reprises, délibérément, des centres de soinset des hôpitaux, qui continuent d’être submergés parles conséquences des innombrables viols et blessuresinfligés à la population.

L’embargo des Nations unies sur les armes n’a cesséd’être enfreint par de nombreux transferts d’armes enprovenance des pays voisins et par des trafics d’armesà l’intérieur du pays, parfois soutenus semble-t-il par legouvernement de la RDC. Par ailleurs, des armes ontcontinué d’être livrées légalement aux forcesgouvernementales de la RDC, du Rwanda et del’Ouganda par l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, laChine, la République tchèque, la Russie, la Serbie etd’autres pays. Or, même s’ils n’étaient pas couverts parl’embargo sur les armes, les transferts à destination decertaines forces gouvernementales après le début del’embargo ont coïncidé étroitement avec le soutienmilitaire apporté par ces forces à celles de l’est de laRDC soumises à l’embargo, notamment sous la formede livraisons d’armes par voie terrestre et aérienne.

OBJET D’UNE RÈGLE EFFICACE EN MATIÈREDE DROITS HUMAINS DANS LE TCA

GRAVES VIOLATIONS : depuis 1997, Amnesty International etd’autres organisations ont fait état d’un vaste éventail decrimes de guerre et de graves violations des droits humainsdans l’est de la RDC, perpétrés de manière généralisée parles forces gouvernementales de la RDC, de l’Ouganda et duRwanda, ainsi que par des groupes armés soutenus par cesforces.

RISQUE NON NÉGLIGEABLE : bien que ces violations aientcessé d’être commises directement par les forcesrwandaises et ougandaises, qui se sont retirées du pays,le Groupe d’experts des Nations unies a fourni à plusieursreprises des informations fiables sur l’existence, depuis2003, de transferts d’armes et d’assistance militaire entreles forces armées rwandaises, ougandaises et congolaiseset les groupes armés de l’est de la RDC, qui continuent decommettre les mêmes violences.

Dans cette situation, une règle relative aux droits humainsdans le traité sur le commerce des armes permettrait decompléter et de renforcer l’embargo des Nations unies surl’est de la RDC. Elle imposerait aux États d’empêcher leslivraisons d’armes aux forces armées qui violent le droitinternational humanitaire et relatif aux droits humainsdans l’est de la RDC ou qui fournissent des armes auxgroupes armés auteurs de telles violations, même si cesforces ne sont pas directement concernées par l’embargo.Les États à l’origine des transferts auraient l’obligation deprouver clairement que les armes fournies ne risquent pasd’être détournées vers les forces de l’est de la RDC, nienvoyées à des groupes armés de cette région.

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Amnesty International est un mouvement mondial regroupant 2,2 millionsde personnes dans plus de 150 pays et territoires qui luttent pour mettre finaux atteintes graves aux droits humains.

La vision d’Amnesty International est celle d’un monde où chacun peut seprévaloir de tous les droits énoncés dans la Déclaration universelle desdroits de l’homme et dans d’autres textes internationaux relatifs aux droitshumains.

Essentiellement financée par ses membres et les dons de particuliers,Amnesty International est indépendante de tout gouvernement, de toutetendance politique, de toute puissance économique et de toute croyancereligieuse.

Octobre 2009Index : ACT 30/006/2009

© LES ÉDITIONS FRANCOPHONESD'AMNESTY INTERNATIONAL pourla version française

Amnesty InternationalSecrétariat internationalPeter Benenson House1 Easton StreetLondres WC1X 0DWRoyaume-Uni

www.amnesty.org

Photo de couverture :

Une mère et son enfant s’abritant des bombardements,

Mogadiscio (Somalie), février 2007

© DR

� de soutenir les négociations pourun traité sur le commerce des armes(TCA) efficace, d’y participer et deles mener rapidement à bien ;

� de veiller à ce que le TCA fixedes règles contraignantes pourl’examen au cas par cas destransferts internationaux d’armes, etd’établir clairement les cas où cestransferts sont prohibés ;

� de veiller à ce que ces règlescontraignantes soient conformes à laCharte des Nations unies et auxobligations internationalescontractées par les États, notammenten vertu du droit international relatifaux droits humains et du droitinternational humanitaire.

Un État peut vendre, acquérir etposséder des armes classiques pourassurer ses besoins légitimes dans ledomaine de la sécurité, du maintiende l’ordre et de la défense si cesbesoins sont conformes aux principesdu droit international en la matière,notamment le droit humanitaire etrelatif aux droits humains, et s’ilsconcordent avec les bonnes pratiqueset les normes de l’Organisation desNations unies ou d’autres instancesinternationales concernant lecontrôle des armes. Cependant, bientrop souvent des gouvernements, descompagnies ou des personnesenfreignent ces règles et entraînentdes conséquences tragiques, voirecatastrophiques.

Les États ne doivent pas transférerdes armes vers des pays où il existeun risque sérieux qu’elles soientutilisées pour commettre de gravesviolations du droit internationalhumanitaire et relatif aux droitshumains. Ils doivent, de surcroît,interdire les transferts d’armesinternationaux dès lors qu’il existe unrisque non négligeable que cesarmes favorisent des actes deviolence armée comme des attentatsterroristes, des violences liées augenre, des crimes violents ou desactes relevant du crime organisé, ouqu’elles soient utilisées pourcommettre des attentats terroristesou entravent sérieusement lesprogrammes de réduction de lapauvreté ou le développement socio-économique.

IL FAUT AGIR MAINTENANT !Amnesty International prie tous les gouvernements :