Du Bon Usage de La Terreur - Marc Hecker

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    Du bon usage de la terreur

    Marc Hecker

    Avril 2008

    FocusFocus stratgistratgiqque nue n 66

    Centre

    des tudes de scurit

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    L'Ifri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,d'information et de dbat sur les grandes questions internationales. Cren 1979 par Thierry de Montbrial, l'Ifri est une association reconnued'utilit publique (loi de 1901). Il n'est soumis aucune tutelleadministrative, dfinit librement ses activits et publie rgulirement sestravaux. L'Ifri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dansune dmarche interdisciplinaire, dcideurs politiques et conomiques,chercheurs et experts l'chelle internationale.Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), l'Ifri s'impose comme undes rares think tanks franais se positionner au coeur mme du dbateuropen.

    Les opinions exprimes dans ce texte nengagent que la responsabilitde lauteur.

    ISBN : 978-2-86592-297-0Tous droits rservs, Ifri, 2008

    IFRI IFRI-BRUXELLESI27 RUE DE LA PROCESSION RUE MARIE-THRSE, 2175740 PARISCEDEX 15 - FRANCE 1000 - BRUXELLES, BELGIQUE

    TL. : 33 (0)1 40616000 TL. : 00 + (32) 2 238 51 10Email: [email protected] Email: [email protected] INTERNET : www.ifri.org

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    Focus stratgique

    Les questions de scurit exigent dsormais une approcheintgre, qui prenne en compte la fois les aspects rgionaux et globaux,les dynamiques technologiques et militaires mais aussi mdiatiques ethumaines, ou encore la dimension nouvelle acquise par le terrorisme ou lastabilisation post-conflit. Dans cette perspective, le Centre des tudes descurit se propose, par la collection Focus stratgique , dclairer pardes perspectives renouveles toutes les problmatiques actuelles de lascurit.

    Associant les chercheurs du centre des tudes de scurit de lIfri etdes experts extrieurs, Focus stratgique fait alterner travauxgnralistes et analyses plus spcialises, ralises en particulier parlquipe du Laboratoire de Recherche sur la Dfense (LRD).

    ** *

    Lauteur

    Marc Hecker est chercheur au Centre des tudes de scurit delIfri.

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    Sommaire

    Introduction ________________________________________________ 5

    La nature complexe de la terreur_____________________________ 7

    Faut-il terroriser les terroristes ?____________________________ 11

    Premier trip tyque : terreur, terrorisme et populations_________ 13

    Deuxime triptyque : terreur, humiliation et radicalisation ____17

    Troisime triptyque : terreur, morale et dmocratie___________ 21

    Conclusion________________________________________________ 25

    Rfrences________________________________________________ 27

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    Introduction

    Anybody who harbors terroristsneeds to fear the United Statesand the rest of the free world.

    George W. Bush1

    On ne saurait introduire un principe modrateurdans la philosophie de la guerre sans commettre une absurdit.

    Carl von Clausewitz2

    n mars 1986, peu aprs lattentat contre la galerie Point Show desChamps Elyses, Charles Pasqua, alors ministre de lIntrieur dclare :

    Il faut que la peur change de camp []. Il faut terroriser les terroristes .Cette petite phrase semble avoir suscit des vocations. En 2000, VladimirPoutine se dit rsolu buter les terroristes jusque dans les chiottes 3.Quant Mosh Yaalon, ancien chef dtat-major de Tsahal, il affirme, dansun article intitul Isral : terroriser les terroristes quil faut traquer les

    terroristes jusque dans leur lit et les liminer physiquement quand leurarrestation est impossible4.

    Utiliser le terme gnrique de terroriste permet de jeter le discrditsur lennemi et daffirmer clairement que cooprer avec ce dernier revient franchir une ligne rouge. Toutefois, ce terme est vague et recouvre uneralit si diverse rebelles engags dans une guerre rvolutionnaireessentiellement rurale, gurilleros urbains, jihadistes posantsporadiquement des bombes dans des mtropoles, etc. quil parat pourle moins difficile dtablir une doctrine gnrale pour lutter contre les terroristes , y compris en ce qui concerne la mise en uvre ventuelle

    dune stratgie ou de tactiques utilisant des moyens de terreur.

    1 President Building Worldwide Campaign Against Terrorism. Remarks byPresident Bush and President Megawati of Indonesia, 19 septembre 2001.www.whitehouse.gov/news/releases/2001/09/20010919-1.html .2 Carl von Clausewitz, De la guerre, Paris, Perrin, 2006, p. 39.3 Marie J ego, Au Far-East, lindustrie du meurtre commandit se porte bien , LeMonde, 14 juillet 2000 et Laurent Zecchini, Tchtchnie : le drapage de M.Poutine que linterprte na pas traduit , Le Monde, 14 novembre 2002.4

    Mosh Yaalon, Isral : terroriser les terroristes , Politique Internationale,n109, automne 2005, p. 71.

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    Terroriser les terroristes est donc une expression sibylline dontle manque de clart tient limprcision des mots terroriste et terroriser . La fermet sonore de la formule peut avoir pour seulefonction de rassurer les civils. Quand le ministre de lIntrieur laprononce, sans doute voulait-il davantage raffirmer un principe le monopole [tatique] de la violence physique lgitime ne saurait trecontest que donner un blanc-seing lutilisation de nimporte quelsmoyens. Confront un adversaire asymtrique a priori matriellementplus faible il peut cependant arriver au fort de recourir desmoyens de terreur, mme quand le fort est un Etat dmocratique quicondamne habituellement lemploi de tels moyens.

    Lexercice propos ici est dlicat. Il sagit, autant que faire se peut,de mettre temporairement entre parenthses les considrations thiques,pour tenter danalyser, dun point de vue stratgique, lusage de la terreurpar les forces luttant contre un adversaire asymtrique gnralement

    qualifi de terroriste . Pour ce faire, seront voqus successivement lanature et les dterminants de la terreur stratgique , les consquenceslocales et oprationnelles dune stratgie de terreur, enfin ses implicationssur les opinions des pays dont sont originaires les forces charges de terroriser les terroristes .

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    La nature complexe de la terreur

    omme tout sentiment, la terreur est difficile dfinir car elle relve dudomaine de la subjectivit. Une mme action peut susciter

    lapprhension, la peur, leffroi ou la terreur en fonction du rcepteur. Aussi,plutt que dessayer vainement den laborer une dfinition prcise, vaut-ilmieux tenter d'tablir une distinction entre diffrentes modalits de laterreur.

    La terreur planifie et organise doit dabord tre distingue desexactions commises par quelques soldats, gendarmes ou policiers isols.Dans le premier cas, la dcision duser de mthodes de terreur est prise trs haut niveau et rpercute aux chelons infrieurs par des ordres plusou moins clairs. Dans le second, un petit nombre dhommes, agissant sansordres voire contre les ordres, fait rgner la terreur. Ce dernier cas defigure ne saurait tre totalement lud : dune part, les exactions mmecommises par un groupe restreint sont susceptibles de produire deseffets stratgiques5 ; dautre part, largument du drapage dune minoritpeut tre utilis pour masquer un usage bien plus large de mthodes de

    terreur.

    Des hypothses dordre psychologique sont parfois mises pourexpliquer le recours la terreur au cours daffrontements asymtriques.Les troupes charges de mettre fin aux activits des terroristesappliqueraient plus ou moins consciemment les mmes standards queleurs adversaires qui, par dfinition, ne respectent pas les conventions deGenve6. Pour prendre un exemple rcent, cela signifie que certainssoldats amricains dploys en Irak connaissent le sort rserv leurscompatriotes enlevs par les insurgs. En consquence, ils secomporteraient plus violemment avec un dtenu issu des rangs delinsurrection quavec un prisonnier de guerre classique. Les hypothses dece type sont complmentaires des explications purement tactiques etstratgiques gnralement avances par les utilisateurs des mthodes deterreur.

    5 Voir par exemple Thomas Rid, Les photos du caporal stratgique. Comment lesnouveaux mdias changent la guerre , publication lectronique de lIfri, novembre2006.6 Anatol Lieven, Chechnya and the Laws of War , in Dmitri V. Trenin and

    Aleksei V. Malashenko, Russias Restless Frontier, Washington D.C., CarnegieEndowment for International Peace, 2004, p. 222.

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    Quelle sinscrive ou pas dans le cadre dune stratgie, la terreurpeut tre cantonne au champ de bataille ou toucher galement les civils.

    Toute personne peut ressentir de la terreur lorsquelle est confronte unvnement particulirement effrayant. Les combattants eux-mmes ne sontbien entendu pas immuniss7. Ainsi, la terreur est rcurrente dans lhistoirede la guerre, notamment lorsque des tactiques indites sont employes8.Hannibal, dj, plaait ses lphants en premire ligne pour terroriser lesfantassins adverses9. Les tmoignages de soldats paniqus par lapparitiondes armes chimiques lors de la Premire Guerre mondiale rappellentgalement limportance que peut revtir la terreur au niveau tactique10. Ceseffets de terreur, qui visent briser le rang adverse, permettentd'obtenir des rsultats localiss, au niveau du champ de bataille crer lapanique au sein de larme adverse est ainsi longtemps demeur lobjectifpremier du combat et la condition de la bataille dcisive . Aveclaccroissement numrique des armes et lextension du champ de bataille,ces effets de terreur locaux sont passs au second plan, la panique

    utile tant transpose au niveau suprieur, celui du commandementmilitaire, sous la forme deffets de sidration paralysant le systmeadverse. Ces derniers se retrouvent par exemple dans le Blitzkriegallemand ou encore dans les notions de choc opratif 11, thorisesaussi bien par les Sovitiques ( manuvre dans la profondeur ) que parles Amricains ( choc systmique de J ohn Warden, Shock and Awe12plus rcemment)13. Toutefois, et contrairement au terrorisme ou au bombardement stratgique , la terreur du champ de bataille n'a pasd'effet stratgique direct, parce quelle ne cherche pas contournerlaffrontement militaire, force contre force, et naffecte pas immdiatementles civils.

    La terreur stratgique est en effet lie au dcloisonnement desespaces militaire et civil. Elle a pour but de faire comprendre lapopulation que la neutralit nest pas une option en faisant primer laresponsabilit collective sur la responsabilit individuelle. Quand dessoldats chargs de pacifier une zone pntrent dans un village,gorgent le btail et brlent les granges, ils pnalisent certes lescombattants irrguliers dont la survie dpend de la nourriture fournie parles paysans ou vole ces derniers. Mais ils entendent aussi faire

    7 Sur la terreur au combat, voir notamment Charles Ardant Du Picq, Etudes sur lecombat, Paris, Hachette et Dumaine, 1880, p. 91. Louvrage est disponible

    intgralement sur le portail Gallica de la Bibliothque Nationale de France.http://gallica.bnf.fr/. Voir galement Alain J oxe, Voyages aux sources de la guerre,Paris, Presses Universitaires de France, 1991.8 J ohn Keegan, The Face of Battle, New York, The Viking Press, 1976.9 Voir la description que Tite Live fait de la bataille de Zama lors de la deuximeguerre punique. Tite Live, Histoire romaine. Livre XXX : les vnements desannes 203 201. http://bcs.fltr.ucl.ac.be/LIV/XXX.html.10 Paul Villatoux, Les violences psychologiques dans la guerre au vingtimesicle , Revue historique des armes, n238, 2005.11 Etienne de Durand, Les transformations de lUS Army, Paris, Ifri, 2003, p. 21.12 Harlan Ullman et James Wade, Shock and Awe. Achieving Rapid Dominance,National Defense University Press, 1996,www.dodccrp.org/files/Ullman_Shock.pdf.13

    Edward Luttwak, The operational level of war, International Security, hiver1980-1981, pp. 61-79.

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    comprendre aux villageois quils nont dautre choix que de soutenir lacontre-insurrection. Il peut arriver que des innocents soient massacrs pourlexemple. Au final, le concept de responsabilit collective rend la notionmme d innocence inoprante. Dans cette perspective, responsabilitet culpabilit vont de pair. De la campagne de Jules Csar contre lesEburons14 aux colonnes infernales de Vende15, en passant par laconqute dIspahan en 138716, les illustrations historiques de ce type deterreur sont nombreuses.

    Au XXme sicle, la terreur stratgique a connu une expansionsans prcdent avec le dveloppement de l'aviation. Les aronefs ont eneffet permis de passer au-dessus des lignes ennemies pour frapper au-del du champ de bataille stricto sensu. Afin dviter la rptition descarnages de la Premire Guerre mondiale, Giulio Douhet, le pre du bombardement stratgique 17, a ainsi propos de faire lconomie desaffrontements militaires indcis en frappant directement les centres

    dmographiques et conomiques ennemis les civils crass par lesbombes se chargeant de faire plier leur gouvernement. Si le mcanisme dela reddition politique via la terrorisation des populations na pas t validlors de la Deuxime Guerre mondiale, linvention du bombardementstratgique nen a pas moins chang le visage de la guerre, les civils setrouvant massivement exposs au feu ennemi. Les bombardements descentres urbains pendant la Deuxime Guerre mondiale pouvaient ainsi fairedes dizaines de milliers de morts en une nuit18.

    La conceptualisation et l'utilisation de la bombe atomique Hiroshima et Nagasaki ont induit un vritable saut qualitatif dont les effets

    se sont fait sentir pendant toute la guerre froide. Dissuasion et terreur(deterrence en anglais) ont jou un rle fondamental pendant cette priode,et ce sur le triple plan du systme international, dabord dfini et organisautour des puissances nuclaires, de la culture stratgique les appareilsmilitaires tant fondamentalement organiss pour la mise en uvre de ladissuasion et enfin de limaginaire, en particulier aux Etats-Unis pendantles annes 1950. Parce quelle interdisait lescalade aux extrmes, laterreur sest ainsi rvle vertueuse et mme indispensable : le cotinsupportable qu'aurait engendr une guerre totale entre adversairesnuclaires demeure aujourdhui le principal lment avanc pour expliquerque la confrontation est-ouest soit reste froide 19. Ainsi, la perspectived'une destruction rciproque a cr un quilibre de la terreur qui s'est

    concrtement traduit par une escalade gradue et limite chaque

    14 J ules Csar, De la guerre des Gaules, livre VI,http://bcs.fltr.ucl.ac.be/CAES/BGVI.html.15 Hugh Gough, Genocide and the Bicentenary : The French Revolution and theRevenge of the Vendee , The Historical Journal, vol. 30, n4, dcembre 1987,pp. 977-988.16 Arnold J . Toynbee, Guerre et civilisation, Paris, Gallimard, 1953, p. 152.17 Dominique David, Douhet ou le dernier imaginaire , Stratgique, 1-1991, pp.221-230.18 Michael Walzer, Just and Unjust Wars, New York, Basic Books, 1977. Voir enparticulier le chapitre 16 intitul Supreme Emergency.19

    Voir notamment J ohn Lewis Gaddis, We Now Know. Rethinking Cold WarHistory, Oxford, Oxford University Press, 1997.

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    confrontation entre les deux blocs. Soulignant la nature stabilisatrice dunuclaire, certains experts en sont venus clbrer larme de paix .Lhommage du vice la vertu impliqu dans le paradoxe de la dissuasion ade fait conduit accepter comme normales des expressions de primeabord surprenantes : quilibre de la terreur , destruction mutuelleassure , dailleurs rsume par lacronyme anglais MAD Remarquonsque cet quilibre supposait concrtement de prendre en otage la meilleurepart de la population adverse, pourtant parfaitement innocente desagissements du Politburo, ce qui a dailleurs conduit aussi bien les glisesque certains experts ou hommes politiques amricains, Reagan au premierchef, refuser limmoralit foncire des armes nuclaires.

    Si le bombardement stratgique et l'quilibre de la terreur renvoientau registre de la guerre totale, les conflits actuels - notamment en Irak et enAfghanistan - sont pour l'essentiel des confrontations asymtriques o lesarmes occidentales pratiquent une forme de guerre limite20. L'arme

    amricaine a les moyens de raser Bagdad et Kaboul, mais ne le fait pas.Cela ne signifie pourtant pas que les mcanismes de dissuasion et deterreur soient absents des conflits d'aujourd'hui. Il n'est en effet pas rareque des dmocraties engages dans des conflits asymtriques seretrouvent confrontes des scandales lis l'utilisation de moyens deterreur. La ggne et les corves de bois restent prsentes dansles mmoires collectives algrienne et franaise, prs d'un demi sicleaprs les vnements. Les images d'Abu Ghrab ne seront pas oublies desitt.

    Lorsque des actes de ce type se produisent, le dbat se porte

    rapidement sur la dfinition de la torture et, plus prcisment, sur ladistinction entre ce qui peut tre tolr et ce qui ne peut pas l'tre21.Techniciens, psychologues et juristes occupent alors le devant de la scne.Savoir si priver quelqu'un de sommeil, menacer un prisonnier de s'enprendre ses proches, simuler une noyade ou une excution, etc. relventou pas de la torture n'est pas au coeur de la prsente rflexion car, enpremier lieu, ce dbat spcifique est loin dpuiser la problmatique de laterreur et, en second lieu, les dfinitions de la torture comme la permissivit son gard ont vari en fonction des circonstances et en particulier delintensit de la lutte. Il s'agit davantage ici d'esquisser quelques pistes pourcomprendre, d'une part, pourquoi les armes des pays dmocratiques enviennent recourir, face des adversaires irrguliers, des pratiques

    habituellement condamnes et, d'autre part, quelles sont les consquencesstratgiques de la mise en uvre de telles pratiques.

    20 La distinction guerre totale , guerre limite fait allusion aux deux genresde guerre dont parle Clausewitz dans ses notes sur De la guerre. Cf. Carl vonClausewitz, De la guerre, Paris, ditions de Minuit, 1955, p. 42.21 Voir par exemple J osh White, Waterboarding is torture, says ex-Navyinstructor, Washington Post, 9 novembre 2007 et Philip Shenon, So is

    waterboarding torture? Mukasey may never say, New York Times, 26 janvier2008.

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    Faut-il terroriser les terroristes ?

    es dfenseurs de lutilisation des moyens de terreur soutiennent quenpriode de guerre, lefficacit tactique doit primer, quitte faire parfois

    quelques compromis avec la morale. Ainsi la torture se justifierait-elle, dansune logique oprationnelle, par la ncessit dobtenir des renseignements.Bien sr, on prfrera lutilisation de mthodes douces puis lgrement coercitives comme celles dcrites, par exemple, dans les manuels

    dinterrogatoires de la CIA de 1963 et 1983, avant de passer de la tortureen bonne et due forme22. Toutefois, la limite entre les mthodescoercitives et la torture est floue et les critres permettant le passage delun lautre nont jamais t dfinis.

    Un critre informel existe. Il a donn lieu une rgle connue enanglais sous lexpression de ticking time bomb theory. Comme son nomlindique, cette rgle sous-entend que lorsque plane un dangerimminent et vital, lutilisation de la torture est possible. Pendant la guerredAlgrie, cest prcisment cet argument quont employ certains officiersfranais, linstar du colonel Trinquier : Un aprs-midi, une de vos

    patrouilles arrte un poseur de bombes. Il en a encore une. Vous la faitesdmonter ; elle est rgle pour exploser 18h30. Il en a pos une, deux,trois, et vous savez quune bombe fait une dizaine de morts et unetrentaine de blesss. Le terroriste est prs de vous. Quest-ce que vousfaites ? [] Seule la souffrance physique et la crainte de la mort le ferontparler 23. Le mme argument est utilis plus rcemment aux Etats-Unispar ceux qui sopposent aux dmarches entreprises, entre autres, par lesnateur J ohn Mc Cain pour interdire les traitements cruels, inhumains etdgradants infligs aux prisonniers. Ainsi, Charles Krauthammer sedemande, dans un article intitul The Truth About Torture, non pas si latorture doit tre totalement interdite mais quelles conditions elle peut treautorise. Il prend lexemple dun terroriste captur juste aprs avoir plac

    une bombe sale au cur de Manhattan. Dans ce cas, crit-il, la torturedevient un devoir moral 24.

    22 Le manuel de 1963 est plus connu sous le nom de Kubark CounterintelligenceInterrogation. Celui de 1983 sintitule Human Ressource Exploitation TrainingManual. Classifis jusquen 1997, ces deux documents sont dsormais disponiblessur Internet ladresse suivante :www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB27/01-01.htm.23 Colonel Roger Trinquier, La guerre, Paris, Albin Michel, 1980, p. 174. Voirgalement J acques Massu, La vraie bataille dAlger, Paris, Plon, 1972, p. 165.24

    Charles Krauthammer, The Truth about Torture. Its time to be honest aboutdoing terrible things , The Weekly Standard, 12 mai 2005.

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    Cet exemple est extrme. Considrons un cas trs concret qui nerelve ni du domaine de la lutte anti-terroriste ni de celui de la fiction. Enseptembre 2002, un tudiant allemand enlve un enfant, le cache prs dunlac et exige une ranon dun million deuros pour le librer. Arrt par lapolice, le kidnappeur refuse de dire o se trouve la cachette. Plus le tempspasse et plus les chances de retrouver lenfant vivant samenuisent. Ledirecteur adjoint de la police de la ville o se droule laffaire finit parmenacer le suspect de lui faire mal sil ne parle pas. Les menacesproduisent leur effet et ltudiant conduit les policiers la cachette. Mais ilest trop tard : lenfant est mort. Bilan de cette affaire : le kidnappeur estcondamn la prison perptuit et le directeur adjoint de la police,accus davoir menac le suspect de torture, est sanctionn par sahirarchie25. Imaginons maintenant que la scne se rpte : un autrekidnappeur enlve un enfant. Le kidnappeur est arrt. Il sait quil ne serapas violent car les policiers risquent une sanction. Parlera-t-il ? Larptition dun tel scnario parat peu probable. Dans le domaine de la lutte

    anti-terroriste, les choses sont nanmoins diffrentes car il ne suffit pas delarrestation dun poseur de bombes pour que tout un rseau cessedexister (il faudrait pour cela quil connaisse et quil accepte de livrerlintgralit de son rseau) ni pour que la campagne dattentats prenne fin ce qui supposerait que les cellules dmanteles ne soient pas remplacespar lactivation de cellules dormantes. Le dilemme de la bombe a donc deschances de se reproduire. Trinquier affirme dailleurs que ses hommes ytaient souvent confronts, sans donner plus de prcisions26.

    Un des problmes de la ticking time bomb theory est, l encore, queces contours ne sont pas clairement dfinis. Si lon estime que le fait detorturer est lgitime pour empcher une explosion imminente, pourquoi neserait-il pas lgitime de torturer pour savoir qui sont les combattants quidposeront des bombes demain ou aprs-demain ? Charles Krauthammerse risque ainsi supposer que si les auteurs des attentats du World TradeCenterde 1993 avaient t traits un peu plus durement, peut-tre que lesattaques du 11 septembre 2001 nauraient pas eu lieu. Ce typedarguments semble relativement rpandu aux Etats-Unis, en juger parles traitements rservs aux cerveaux du 11 septembre. Si KhalidSheikh Mohammed a t tortur ce qui semble tre le cas27 , ce nestsrement pas parce quil venait de dposer une bombe au coin de la ruemais plus probablement parce quil tait susceptible de donner desrenseignements permettant darrter dautres cadres dAl Qada et

    dempcher des attentats plus long terme.

    Au-del de laspect purement tactique qui consiste obtenir desrenseignements, des moyens de terreur peuvent aussi tre employs desfins de dissuasion, que ce soit lgard des terroristes ou de la population.

    25 Kay Bourcarde, Folter im Rechtsstaat ? Die Bundesrepublik nach demEntfhrungsfall Jakob von Metzler, Universitt Giessen, 2004 http://geb.uni-giessen.de/geb/volltexte/2005/2270.26 Colonel Roger Trinquier, op. cit., pp. 174-175.27 Voir Scott Shane, David J ohnston et J ames Risen, Secret U.S. Endorsement

    of Severe Interrogations , New York Times, 4 octobre 2007 et Mark Bowden, The Dark Art of Interrogation , The Atlantic Monthly, octobre 2003.

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    Premier triptyque : terreur,terrorisme et populations

    expression terroriser les terroristes induit un postulat de base : lesterroristes, eux aussi, peuvent avoir peur. Oussama Ben Laden se plat

    rpter que les jihadistes nont pas peur de la mort28 mais hormis leskamikazes, beaucoup de terroristes en particulier ceux qui occupent des

    positions importantes ne semblent pas particulirement enclins mourir.La stratgie isralienne d liminations cibles oblige ainsi les activistespalestiniens redoubler de prudence, sous peine dtre reprs etsupprims. Daprs lancien chef dtat-major des armes israliennes,cest en partie ce qui explique la baisse du nombre dattentats-suicides : Anxit, sentiment dtre pourchasss, ncessit de penser uniquement soi, de se cacher, dviter de se faire reprer : toutes ces craintes sontdevenues limpratif majeur [des terroristes] et la planification dattentats arecul au second plan 29.

    Quand bien mme les terroristes nauraient pas peur de la mort,

    rien nindique quils ne craignent pas la douleur. La peur de subir dessvices pourrait donc, dans cette logique, amener certains combattants renoncer au terrorisme. Et au-del des combattants eux-mmes, le fait de terroriser les terroristes pourrait avoir un effet dissuasifsur la base derecrutement des terroristes, savoir les civils. Ainsi, un officier algriencharg de lutter contre les miliciens islamistes raconte quen 1993, seshommes ont limin treize activistes arms : On a mis leurs corps sur lecapot de nos Land Rover et de nos Jeep pour terroriser les gens dePalestro 30. Le but de lopration tait clairement de faire comprendre auxcivils que sengager aux cts des islamistes pouvait coter extrmementcher.

    La population joue un rle trs important, quel que soit le typedopposition asymtrique. Dans une configuration dattentats en milieuurbain (comme Paris en 1995-1996 ou, plus rcemment, Madrid et Londres), la population est, bien sr, la cible directe des attaques. Mais elle

    28 A ce sujet, voir par exemple, Oussama Ben Laden, Dclaration de jihad contreles Amricains qui occupent le pays des deux lieux saints , in Gilles Kepel etJ ean-Pierre Milleli,Al Qada dans le texte, Paris, PUF, 2005, p. 55. Voir aussi MaxRodenbeck, Their Masters Voice , New York Review of Books, vol. 53, n4,mars 2006.29 Mosh Yaalon, op. cit., p. 72.30

    J ean-Pierre Tuquoi, Le tmoignage dun ancien officier algrien : On taitdevenus des sauvages , Le Monde, 3 juin 2000.

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    tient une place plus centrale encore dans les situations de gurillas. DavidKilcullen dfinit la contre-insurrection comme une forme de concurrenceavec les insurgs pour obtenir le droit et la capacit de conqurir lesesprits, les curs et lapprobation de la population 31. Cette dfinition offreune vision quelque peu optimiste du rapport entre linsurrection, la contre-insurrection et la population. Elle demande tre prcise de deuxmanires, commencer par quelques dtails sur les modalits dobtentiondu soutien des civils. Les curs et les esprits peuvent effectivementtre conquis par sympathie idologique, mais dautres motivations peuventexister. La thorie des rtributions du militantisme , dveloppe dans untout autre contexte par Daniel Gaxie32, sapplique galement au domainede la gurilla. Les personnes qui sengagent du ct de linsurrection ou dela contre-insurrection peuvent le faire pour des motifs beaucoup moinsnobles que la grandeur de la cause. Les attentats suicides peuvent, parexemple, tre vus, au moins dans certains cas, travers ce prisme. Lesacrifice permet aux kamikazes dacqurir un statut prestigieux, celui de

    martyr avec tous les honneurs posthumes qui laccompagnent33

    . Enoutre, la famille du martyr peroit parfois une somme dargentconsquente34. Enfin, ladhsion linsurrection ou la contre-insurrectionpeut aussi tre obtenue par la contrainte35.

    Seconde prcision apporter la dfinition de David Kilcullen :dans un contexte de guerre rvolutionnaire de type maoste, les insurgsnont pas besoin du soutien politique de la population mais de sa neutralit,du moins dans la premire voire dans la deuxime phase de la guerre. Endautres termes, il ne sagit pas tant de gagner les curs et les esprits des civils que de faire en sorte quils ne dnoncent pas les gurilleros auxautorits. Sil est un reproche pouvant tre adress louvrage de Maointitul Problmes stratgiques de la guerre rvolutionnaire en Chine, ceserait de ne pas suffisamment dtailler la manire dont la neutralit de lapopulation est obtenue. Voil ce quil crit propos des lmentspolitiquement trangers dans la phase de prparation de la contre-offensive : Lessentiel, cest de leur expliquer notre politique, dobtenirleur neutralit et dorganiser les masses pour quelles les surveillent. Cest

    31 David Kilcullen, Twenty-Eight Articles. Fundamentals of Company-level

    Counterinsurgency, 2006. Cet article est consultable sur le site : http://www.d-n-i.net/fcs/pdf/kilcullen_28_articles.pdf. Une dfinition lgrement diffrente estdonne par le mme auteur dans David Kilcullen, Counter-insurgency Redux ,Survival, vol. 48, n 4, hiver 2006-2007, p. 117.32 Daniel Gaxie, Economie des parties et rtributions du militantisme , Revuefranaise de science politique, vol. 27, n 1, 1977, pp. 123-154.33 A titre dexemple, une section entire du site des brigades Ezzedine Al-Qassam,la branche arme du Hamas, est ddie aux martyrs , dont les actions sontprsentes de manire trs logieuse. www.alqassam.ps/english/?action=martyrs .34 Assaf Moghadam, Palestinian Suicide Terrorism in the Second Intifada :Motivations and Organizational Aspects , Studies in Conflict and Terrorism,vol. 26, n 2, mars-avril 2003, pp. 65-92.35 Lyndon B. J ohnson aurait dit, pendant la guerre du Vietnam : When you have

    them by the balls, their hearts and minds will follow par-del la boutade, de tellespratiques ont surtout russi aux insurgs.

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    seulement lgard du nombre infime dlments les plus dangereux quilfaut recourir des mthodes rigoureuses telles que les arrestations 36.

    Lexpression mthodes rigoureuses nest pas explicite mais il

    ne faut pas se leurrer : la terreur est couramment utilise par les insurgspour obtenir le silence de la population. LAlgrie en est un exemple parmidautres. Les fellaghas ne tuaient pas uniquement des colons ni mme desmusulmans collaborant avec la France. Ils sen prenaient galement ceuxqui occupaient des postes administratifs37 voire, parfois, ceux quifumaient du tabac franais - crime pour lequel certains fumeurs se sontfait couper le nez38. Quant aux habitants du douar de Mlouza, ils ont tmassacrs par des combattants de lALN parce quils soutenaient le MNAet non le FLN39. Si les civils sont ainsi terroriss par les insurgs, cestparce que lEtat, cens les protger, na pas la volont ou les moyens de lefaire. Ainsi, larme franaise dfendait avant tout les grands centresurbains et les fermes europennes au dtriment de la population

    autochtone rurale qui reprsent[ait] 80% de la population totale 40.

    Quand la contre-insurrection na pas les moyens dassurer lascurit des civils face aux actions des insurgs, elle peut tre tente de sur-terroriser la population. A ce moment-l, il ne sagit plus seulementde terroriser les terroristes mais de terroriser galement les civils pourque le cot de leur soutien linsurrection (et mme de leur neutralit)devienne suprieur celui de leur adhsion la contre-insurrection41. Lalogique de responsabilit collective est ici porte son apoge : toutepersonne ne cooprant pas avec les forces charges de lutter contre lesterroristes pourra elle-mme tre considre comme indirectement

    responsable des actions commises par ces derniers. Les arrestationsarbitraires deviennent monnaie courante et les individus arrts sont traitscomme sils coopraient avec les terroristes.

    Sen prendre aux civils peut savrer contre-productif si lesconditions politiques de la victoire ncessitent la participation relle de lapopulation42.Certains estiment, par exemple, que la guerre dAlgrie a t

    36 Mao Ts-Toung, Problmes stratgiques de la guerre rvolutionnaire en Chine(dcembre 1936) , in Ecrits militaires, Pkin, Editions en langues trangres,1964, p. 119.37

    Sad Ferdi, Un enfant dans la guerre, Paris, Seuil, 1981, p. 26.38 Documents sur les crimes et attentats commis en Algrie par les terroristes,Alger, socit dditions et de rgie publicitaire, 1956, pp. 64-65.39 En 1957, J ean-Marie Domenach crit propos de Mlouza : Cette punitioncollective se situe dans la ligne de la terreur de masse, de Lidice et dOradour. Elleest la pire forme de latrocit moderne. Les responsabilits ne sont pas encoreclairement tablies. Une seule chose est certaine : ce ne sont pas des Franais quiont excut ce massacre , in Esprit, juillet-aot 1957, p. 104.40 Louis Lavie, Le drame algrien ou la dernire chance de la France, Alger,ditions Baconnier, 3me dition complte, date non prcise (probablement1956), p. 37.41 Edward N. Luttwak, Les impasses de la contre-insurrection , Politiquetrangre, 4-2006, pp. 849-861.42

    La France ne menait pas officiellement en Algrie une stratgie de sur-terreurmais de pacification . Dans un document diffus par le cabinet du ministre de

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    une victoire militaire, oubliant par l quun succs militaire na de sens quesil se concrtise au niveau politico-stratgique43. Le projet politique de laFrance en Algrie impliquait un soutien actif des civils, soutien compromispar les mthodes employes par les militaires. Raymond Aron crivait, en1957, quelques lignes loquentes ce sujet : Il ne suffit pas de fixer lesbuts de guerre pour dterminer une stratgie, mais, si lon ne connat pasles buts, on na aucune chance de trouver les moyens efficaces. [] Nousvoulons rtablir lordre en Algrie, mais peut-tre sommes-nous incapablesdy arriver si nous ne savons pas ce que nous ferons ensuite. En tout cas,nous aurions meilleure chance datteindre lobjectif militaire si nousnignorions pas le but politique 44. La problmatique de la dfinition et del'adquation des buts politiques et militaires sapplique aujourdhui pour lesAmricains en Irak et, dans une moindre mesure, en Afghanistan. Enaffichant, demble, un objectif politique aussi ambitieux que ladmocratisation de ces pays, ils ont pris le risque dtre confronts unfoss entre les discours et les faits. Les svices de Guantanamo ou Abou

    Ghrab sont bien peu comprhensibles pour une population civile qui onexplique que le but sous-tendant lopration militaire est de restaurer lesliberts fondamentales. Autrement dit, afficher des objectifs trs ambitieuxet utiliser des mthodes particulirement brutales relvent davantage de laguerre totale que de la guerre limite. Un pays engag dans une guerrelimite devra sen tenir des objectifs et des mthodes en rapport avec lesintrts en jeu : il aura donc dautant moins de chances d'atteindre desobjectifs levs, que les mthodes employes, rentrant en contradictionavec les principes affichs, contribueront ruiner la lgitimit de sonaction45.

    lAlgrie en 1957, Robert Lacoste crit : Nos soldats doivent viter toutes lesmaladresses gratuites lgard des populations musulmanes. Ces fautes neferaient que dvelopper la haine dans les curs des populations paisibles , in1957. Algrie, Alger, Presses de limprimerie Baconnier, 1957, p. 58.43 Rptons-le : la guerre est un instrument de la politique , crit Clausewitzdans le livre VIII de Vom Kriege. Cf. Carl von Clausewitz, De la guerre, Paris,Perrin, 2006 (premire version publie en allemand en 1832), p. 402. La formulerevient, sous une forme ou sous autre, plusieurs reprises dans cet ouvragefondateur.44 Raymond Aron, La tragdie algrienne, Paris, Plon, 1957, pp. 27-28.45

    We had to destroy the village in order to save it demeure une des phrases lesplus clbres prononces pendant la guerre du Vietnam.

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    Deuxime triptyque : terreur,humiliation et radicalisation

    option de la sur-terreur est en fait peu envisageable car les armesdes Etats dmocratiques ne semblent plus en mesure dappliquer

    grande chelle une stratgie de terreur. Or, dans une configurationasymtrique surtout lorsque laffrontement a lieu loin du territoire national

    lenjeu de la confrontation est souvent peru par le fort comme nonvital. Les mthodes adoptes sont en consquence celles dune guerrelimite46. Narrivant ni protger les populations ni les sur-terroriser , ilarrive aux troupes engages dans une campagne de contre-insurrectiondopter pour une solution intermdiaire : les brimades, les svices et, endfinitive, lhumiliation.

    Si leffet recherch par lexercice de la sur-terreur est de faire ensorte que les combattants aient trop peur pour poursuivre la lutte et que lescivils soient terrifis lide de rejoindre linsurrection, les svicesentranent exactement leffet oppos. Chez certains activistes, le sentiment

    dhumiliation peut semble-t-il conduire une radicalisation puis au passage lacte. Lexemple des mouvements islamistes en Egypte au dbut desannes 1980 est loquent. Suite lassassinat du prsident Sadate,plusieurs dizaines dislamistes ont t emprisonns et ont subi des svices.Parmi eux se trouvait Ayman al-Zawahiri qui ntait li quindirectement aucomplot contre Sadate47. Au cours du procs, Zawahiri sest plaint davoirt tortur, de mme que dautres dtenus. O est la dmocratie ? Oest la libert ? O sont les droits de lhomme ? O est la justice ? Nousnoublierons jamais ! Nous noublierons jamais ! , sest-il cri48. Sil estfrquent que des jihadistes affirment, au cours de leur procs, avoir ttorturs49, Zawahiri et ses codtenus semblent bien, en loccurrence, avoir

    46 Voir notamment la sous-partie intitule International morality and total war , inHans Morgenthau, Politics Among Nations, New York, Mc Graw Hill, 2006 (7th ed.,1948), pp. 248-282.47 Ayman al Zawahiri faisait partie des 302 personnes inculpes pour lassassinatdAnouar el Sadate. Il a cop dune peine de prison de trois ans tandis que lesprincipaux accuss ont t condamns mort.48 Lawrence Wright, The Looming Tower. Al Qaeda and the Road to 9/11, NewYork, Alfred A. Knopf, 2006, p. 55.49 La dix-huitime leon du Manuel dAl Qada retrouv par les enquteursbritanniques Manchester est consacre lattitude adopter en casdarrestation. Plusieurs paragraphes recommandent aux jihadistes jugs dinsistersur le fait quils ont subi des mauvais traitements au commissariat ou en prison. Ce

    manuel est consultable en ligne sur le sitewww.smallwarsjournal.com/documents/manualpart3.pdf.

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    subi de graves svices. Certains nhsitent pas avancer que ces svicesauraient pouss Zawahiri durcir son action, une fois sorti de prison.Soutenir que les mauvais traitements sont le principal facteur permettantdexpliquer la radicalisation dun jeune mdecin islamiste devenu le numro2 dAl Qada est sans doute simplificateur mais lorsquon sait que prsdes deux tiers des terroristes du bureau central [dAl Qada taient]originaires dEgypte 50 et que certains dentre eux avaient subi le mmesort que Zawahiri, il est tout de mme lgitime de se demander si lessvices infligs aux militants ne les poussent pas se radicaliserdavantage.

    Ce qui est vrai pour les militants lest aussi pour la population. Lescivils humilis ont soif de revanche et cherchent sengager aux cts desinsurgs. Voici deux tmoignages qui viennent accrditer cette thse. Lunconcerne la guerre dAlgrie : A la fin de lanne 1955, prs dun quartdes hommes du village avait disparu. La moiti de ceux-ci avaient fui et

    staient rfugis dans les grandes villes. Les autres, une centaine, taientmorts ou emprisonns, ou bien encore avaient rejoint les rvolutionnaires,non pour servir directement leur cause, mais pour venger leur pre ou leurfrre, tu par les Franais. Leur haine renfora la rvolution naissante 51.Lautre a trait la guerre en Irak : Pour les habitants de Fallouja, cestune honte que des trangers sintroduisent chez eux en cassant la porte,cest une honte que des trangers arrtent leur femme et la fouillent. Cestune honte que des trangers leur mettent un sac sur la tte, les jettent terre et placent une chaussure sur leur cou. Cest une honte immense,vous comprenez ? Cest une honte immense pour toute la tribu. Cest undevoir pour ces hommes, pour cette tribu, de se venger, de tuer cessoldats 52.

    Les humiliations peuvent aussi engendrer une adhsion idologique la cause dfendue par les insurgs. Dans une opposition asymtrique, larhtorique classique du faible consiste en effet dnoncer ledvoiement moral du fort . Dans les gurillas dinspiration marxiste-lniniste, le fort est prsent comme un suppt du capitalisme et delimprialisme, intrinsquement mauvais. Dans les oppositions dinspirationreligieuse, il apparat comme un impie contre qui doivent slever lescroyants pour accomplir leur devoir envers Dieu53. Si les forces en chargede la contre-insurrection commettent des exactions, cela ne peutquencourager la population donner du crdit la rhtorique sur le

    dvoiement moral du fort et sengager aux cts des insurgs.Oussama Ben Laden, par exemple, sefforce de dmontrer que lesAmricains mnent une croisade contre lIslam. George W. Bush abeau multiplier les discours pour signifier que la guerre contre le terrorisme

    50 Marc Sageman, Le vrai visage des terroristes. Psychologie et sociologie desacteurs du jihad, Paris, Denol, 2005, p. 131.51 Sad Ferdi, op. cit., p. 27.52 Ces paroles sont rapportes par Mark Danner, The transformation of theUnited States from a nation that did not torture to one that does , UC BerkeleyPoint of View, 2 juin 2004.www.berkeley.edu/news/media/releases/2004/06/02_torture1.shtml.53

    Abdallah Azzam, La dfense des territoires musulmans constitue le principaldevoir individuel , in Gilles Kepel et J ean-Pierre Milleli, op. cit., p. 147.

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    est une lutte contre ceux qui instrumentalisent lIslam des fins violentes etnon contre les musulmans dans leur ensemble, il suffit dun incident pourque ses efforts soient rduits nant. En mai 2005, le magazineNewsweek qui a par la suite reconnu que ses informations taienterrones a publi un article dcrivant la profanation dun exemplaire duCoran Guantanamo. Cet exemplaire aurait t jet dans les toilettes pardes gardiens. En signe de protestation, des manifestations violentes ontclat, notamment en Afghanistan et au Pakistan, provoquant la mort dunequinzaine de personnes54. Lincident a suscit la colre dans le mondemusulman mais il a galement engendr des protestations aux Etats-Unis.Ainsi, quand le comportement des soldats, des gendarmes ou des policiersdun pays dmocratique parat rprhensible, il est frquent que sedclenche une vague dindignation au sein mme de la population de cepays.

    54 Howard Kurtz, Newsweek Apoligizes. Inaccurate Report on Koran Led to

    Riots , Washington Post, 16 mai 2005. Voir galement Nicolas Masson, Raconter Guantanamo , Esprit, octobre 2007, p. 35.

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    Troisime triptyque : terreur,morale et dmocratie

    l a t initialement propos de mettre temporairement entre parenthsesles considrations morales pour privilgier une rflexion stratgique. Il

    sagit l toutefois dun artifice mthodologique : lvidence, la morale elle-mme est un lment susceptible de peser sur les choix stratgiques et

    tactiques. Lorsquelles sont dcouvertes, des pratiques juges immoralespeuvent en effet influer sur lvolution dune confrontation asymtrique, dumoins lorsque le fort est un rgime dmocratique libral. Ceci estparticulirement vrai quand lenjeu de la confrontation nest pas perucomme vital, amenant ainsi une partie des citoyens se demander sil nevaut pas mieux perdre la guerre plutt que son me. La moraledmocratique est dfinie ici comme un systme de rfrences qui seraitau cur du fonctionnement des dmocraties et qui inclurait des valeurstelles que le respect de la vie humaine, la primaut du droit, le refus delarbitraire, etc.

    Deux remarques simposent ce stade : dune part, dans unaffrontement asymtrique, le fort a bien souvent tendance sous-estimer son ennemi et ne pas voir que l asymtrie matrielle peuttre contrebalance par une asymtrie des volonts 55. En dautrestermes, pour le faible , lenjeu dune confrontation est presque toujoursperu comme vital, ce qui est loin dtre le cas pour le fort . Dautre part,la guerre totale est en train de devenir une abstraction pour lesdmocraties qui, dans leur grande majorit, nen ont plus connu depuis laDeuxime Guerre mondiale. A quelques exceptions prs, comme Isral,lide mme d enjeu vital devient de moins en moins concrte. Laconjonction de ces deux lments fait que, lorsquune dmocratie estengage dans une confrontation asymtrique, le moindre soupon quant

    lusage de moyens de guerre totale risque dentraner une profonde divisiondans la population.

    Pendant la guerre dAlgrie, un foss sest ainsi rapidement creusentre ceux qui pensaient que la torture ou les excutions sommairesrevenaient renier les principes mmes de la dmocratie et ceux quisoutenaient que tous les moyens taient bons pour mettre fin aux activitsdes terroristes. Des personnalits aussi diffrentes que J ean-Paul Sartre etRaymond Aron en ont fait le constat amer, parfois dans des termes trsdurs. Le premier crit, dans la prface des Damns de la terre de Frantz

    55

    Steven Metz, La guerre asymtrique et lavenir de lOccident , Politiquetrangre, 1/2003, p. 31.

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    Fanon : Il suffit aujourdhui que deux Franais se rencontrent pour quil yait un cadavre entre eux. Et quand je dis : un La France, autrefois, ctaitun nom de pays ; prenons garde que ce ne soit, en 1961, le nom dunenvrose 56. Quant au second, il constatait dj, quatre ans plus tt : Toutle monde est daccord : la guerre dAlgrie met en pril ce qui subsiste dela communaut franaise. Quelque dcision quil prenne, le gouvernementsera dsavou par une moiti des Franais 57.

    Une telle division nest videmment pas sans consquence auniveau politique. La multiplication des tmoignages relatifs lusage demthodes de terreur entrane presque immanquablement la mobilisationdes mouvements pacifistes et des partis de lopposition. Si les exactions sepoursuivent, il y a des chances pour que la protestation se rpande pluslargement au sein de la population et que le gouvernement soit sanctionnlors des chances lectorales suivantes. La crise morale 58 peut alorsse doubler dune crise politique. Les mthodes telles que les brimades, la

    torture ou les excutions sommaires sont en effet bien peu populaires endmocratie. Mme la ticking time bomb theory est perue ngativement. En1979, LExpress a fait raliser un sondage sur les Franais et la torture.81% des sonds ont dclar que quelles que soient les circonstances, latorture est inadmissible 59. Vingt ans plus tard, Amnesty International acommand une enqute sur le mme thme. La question suivante a tpose : Est-il justifi ou non denvoyer une dcharge lectrique sur unepersonne souponne davoir dpos une bombe qui va exploser dans unlieu public ? . 62% des personnes ont rpondu ngativement et 34%positivement60. Notons que si les pays dEurope occidentale paraissentparticulirement rticents lgard de la torture, les opinions sont moinstranches dans dautres parties du monde. Ainsi, plus de 40% desIsraliens et plus de 30% des Amricains considrent qu un certaindegr de torture est tolrable 61.

    Outre les consquences politiques, la contestation populaire peutaussi avoir un impact sur la conduite des oprations militaires. Pour toutadversaire asymtrique engag dans une opposition contre unedmocratie, la libert dexpression et le pluralisme politique sont peruscomme un talon dAchille. Si des mthodes de terreur sont employescontre les insurgs, cela engendrera sans doute un mouvement desympathie en faveur de ces derniers et, parfois, la sympathie se

    56 J ean-Paul Sartre, in Frantz Fanon, Les damns de la terre, Paris, La dcouverte,2002 (1961), p. 36.57 Raymond Aron, op. cit., p. 34.58 Notre maladie nationale, en cette deuxime moiti du XXme sicle, cest lamauvaise conscience , crit J acques Soustelle, en 1957. J acques Soustelle, Ledrame algrien et la dcadence franaise. Rponse Raymond Aron, Paris, Plon,1957, p. 46.59 A. du R., Les Franais et la torture en Algrie , LExpress, 27 octobre 1979.60 J ean-Paul Monferran, Guerre dAlgrie. Entretien avec le directeur de CSAOpinion, Stphane Rozes , LHumanit, 27 novembre 2000.61 Daprs un sondage ralis en octobre 2006 par la BBC auprs de 27000personnes dans 25 pays. Les rsultats de ce sondage sont prsents dans un

    article intitul Is torture ever justified ? publi dans The Economist, 22septembre 2007, pp. 76-77.

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    transformera en soutien rel. Ce soutien peut tre purement rhtorique.Ainsi, J acques Soustelle sindigne-t-il en 1957 : Le conflit algrien est 80% une guerre psychologique o ladversaire trouve son arsenal cheznous. Point nest besoin la cervelle paisse dun Ouamrane, ni mme lesprit subtil dun Ferhat Abbas, de fournir le moindre effort dinvention :cest notre presse quotidienne ou hebdomadaire, cest notre intelligentsiaqui leur offrent arguments, slogans, thmes de propagande . Le soutienpeut galement devenir plus concret comme en tmoigne lmergence derseaux de porteurs de valises pendant la guerre dAlgrie62. Il ne fautdonc pas stonner si Andrew Mack, auteur en 1975 dun article fondateursur la guerre asymtrique, conclut qu chaque fois que des combattantsirrguliers ont russi vaincre des troupes tatiques a priori plus fortes,une division importante tait apparue, au sein de la population de lEtatconcern, au sujet des oprations en cours63. De toute vidence, lesdivisions observes en France au moment de la guerre dAlgrie ne sonten rien comparables celles quon constate aujourdhui aux Etats-Unis. La

    guerre contre le terrorisme est nanmoins bien moins populaireaujourdhui quen 2002 et les scandales de Guantanamo, dAbou Ghrab oude Haditha ne sont sans doute pas tout fait trangers cette baisse depopularit.

    62 Dominique Vidal, Ces tratres qui sauvrent lhonneur de la France , LeMonde diplomatique, septembre 2000.63

    Andrew Mack, Why Big Nations Lose Small Wars: The Politics of AsymmetricConflict , World Politics, vol. 27, nr 2, janvier 1975, p. 183.

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    Conclusion

    omment conclure sur un sujet aussi sensible que lusage de la terreurpar un Etat dmocratique confront un adversaire asymtrique ? Si

    elles ne peuvent prtendre clore pareil dbat, trois remarques simposentnanmoins.

    Toute dmocratie tente par la gnralisation et la systmatisationde mthodes de terreur parviendra peut-tre des rsultats tactiques maisrisque fort dhypothquer ses chances au niveau stratgique. Autrementdit, sauf tre engage dans une guerre totale comparable aux deuxconflits mondiaux, une dmocratie ne peut se permettre dappliquer unestratgie de terreur. Ceci dcoule de la conjonction dun pur raisonnementstratgique et de la place structurelle de la morale en dmocratie. Cettepremire conclusion doit tre considre comme une rgle laquelle toutedmocratie engage contre un adversaire asymtrique devrait se plier,sous peine de dfaite probable.

    En parallle, et mme si un gouvernement annonce clairement quil

    ne recourra pas de tels moyens, personne ne peut avoir la certitudequaucun cas de terreur ne sera jamais constat et rapport. Aussi nefaudrait-il pas tre surpris si un nouveau Khaled Kelkal venait un jour treabattu devant les camras de tlvision ou si des journalistes dcouvraientque des vols secrets de la CIA ont transit par le territoire national. Cenest pas parce que la France a fait le choix juridique, philosophique etstratgique de combattre le terrorisme dans le cadre de lEtat de droit 64quelle est pour autant immunise contre lutilisation de mthodes illgales.

    Enfin, si lutilisation massive de la terreur risque de conduire unedmocratie engage dans une guerre limite la dfaite, il est nanmoins

    lgitime de se demander si toutes les formes de terreur peuvent tretotalement et toujours bannies. La morale dmocratique incite rpondre positivement mais, dun point de vue stratgique, la rponse neva pas de soi, comme lindique la citation de Clausewitz place en exergue.Dfinir prcisment et de manire trs restrictive les pratiques tolrables etcelles qui ne le sont pas pourrait ainsi se rvler contre-productif, ne serait-ce que dans une logique de dissuasion.

    64

    La France face au terrorisme. Livre blanc du Gouvernement sur la scuritintrieure face au terrorisme, Paris, La documentation franaise, 2006, p. 128.

    C

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    Il est plus sr dtre craint que dtre aim , dit-on souvent enreprenant Machiavel mais en oubliant la suite du passage : [celui] quiveut se faire craindre doit sy prendre de telle manire que, sil ne gagnepoint laffection, il ne sattire pas non plus la haine 65.

    65

    Nicolas Machiavel, Le Prince, Paris, Le Monde en 10-18, Union gnraledditions, 1962 (1513), chapitre 17.

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    Rfrences

    Documents off iciels

    BUSH George W., President Building Worldwide Campaign AgainstTerrorism, Remarks by President Bush and President Megawati ofIndonesia, 19 septembre 2001,www.whitehouse.gov/news/releases/2001/09/20010919-1.html.

    CIA, Kubark Counterintelligence Interrogation, manuel de 1963,www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB27/01-01.htm.

    CIA, Human Ressource Exploitation Training Manual, manuel de 1983,www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB27/01-01.htm.

    La France face au terrorisme. Livre blanc du Gouvernement sur lascurit intrieure face au terrorisme, Paris, La documentationfranaise, 2006, p. 128.

    Manuel dAl Qada, consultable en ligne sur le sitewww.smallwarsjournal.com/documents/manualpart3.pdf.

    Monographies

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    Etienne de Durand : Linterarmes aux Etats-Unis : Rivalitsbureaucratiques, enjeux oprationnels et idologie de lajointness,Focus stratgique n 3, Ifri, novembre 2007

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    Paul Hari and Laurent Fromaget : Stabiliser autrement? Les quipesprovinciales de reconstruction (PRT) en Afghanistan, Focus stratgiquen 4, Ifri, janvier 2008

    http://www.ifri.org/files/Securite_defense/Focus_strategique_4_FromagetHaeri_PRT.pdf

    Christopher S. Chivvis : Birthing Athena : The Uncertain Future ofEuropean Security and Defense Policy, Focus stratgique n 5, Ifri,mars 2008

    http://www.ifri.org/files/Securite_defense/Focus_strategique_5_Chivvis_PESD.pdf