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FRANCE Face à la crise,le show sans réponses de Sarkozy Outre-mer : pas d’accalmie DOSSIER La crise universitaire PORTRAIT Lionel Pourtau N°518 • samedi 14 février 2009 • 1,5€ FACS ET LABOS EN GRÈVE FALLAITPAS LESCHERCHER FALLAITPAS LESCHERCHER

hebdo des socialistes n°518

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FRANCE ■ Face à la crise, le show sans réponses de Sarkozy ■ Outre-mer : pas d’accalmie

DOSSIER ■ La crise universitaire ■PORTRAIT ■ Lionel Pourtau

N°518 • samedi 14 février 2009 • 1,5€

FACS ET LABOS EN GRÈVE

FALLAIT PASLES CHERCHERFALLAIT PASLES CHERCHER

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L’HEBDO DES SOCIALISTES ■ 14 FÉVRIER 2009

L’hebdo des socialistes•10, rue de Solférino 75333 Paris Cedex 07 • Tél. : 01 45 56 78 61•Fax: 01 45 56 76 83(Pour obtenir vos correspondants, composez d’abord le 01 45 56 ou écrire à : [email protected]) DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Maurice Braud

• DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Benoît Hamon • RÉDACTRICE EN CHEF: Ariane Gil (78.61) • RÉDACTION: Bruno Tranchant (77.33). Damien Ranger (76.37), Ariane Vincent(76.20), Fanny Costes (76.32). • SECRÉTAIRE DE RÉDACTION: Élisabeth Philippe (76.27) • MAQUETTE: Pascale Lecomte (79.44) et Joëlle Moreau (77.16)

• PHOTO : Philippe Grangeaud (76.00) • SECRÉTARIAT: Odile Fée (78.61) • COMPTABILITÉ : Michèle Boucher (79.04) • ABONNEMENT : Sabine Sebah (78-57)• FLASHAGE ET IMPRESSION : PGE (94) Saint-Mandé • ROUTAGE: Inter Routage - 93300 Aubervilliers. N° commission paritaire : 0109 P 11 223)

• ISSN : 12786772 “L’hebdo des socialistes” est édité par Solfé Communications. Ce numéro a été tiré à 243 137 exemplaires.

Les rendez-vous ■ DU PARTI

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aGenDa Du ParTi■ Lundi 16 février

Martine Aubry se rendraà Berlin pour une rencontreavec le SPD

■ Vendredi 20 févrierBenoît Hamon sera endéplacement dansle Puy-de-Dôme

■ Samedi 28 févrierConseil national d’adoptiondes listes pour les électionseuropéennes à la Mutualité

■ Samedi 21 marsConvention nationale deratification des listeset de lancement de lacampagne électorale pourles élections européennes

animés par

EmmanuelMAUREL,Secrétaire National

à l’Université Permanente et d’Été

Vous invitent à débattre avec :

Emmanuel TODDDémographe, Historien

Autour de son dernier livre :

« Après la démocratie »Édition Gallimard, Paris, 2008

DR

LesentretiensD E S O L F E R I N O Jeudi 5 mars 2009 de 18 h 00 à 20 h 30

« Dans quel monde sommes-nous entrés ? »

Salle Marie-Thérèse Eyquem • 10, rue de Solférino • 75007 Paris

INVITATION

•Inscription obligatoire auprès de Christine,•E-mail : [email protected] / Téléphone : 01 45 56 76 13

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■ ÉDITO

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La crise s´installe dans les universités. Le Partisocialiste avait pourtant prévenu le gouverne-ment que les réforme du statut des enseignants-chercheurs, de la formation des enseignants, desorganismes de recherche, étaient en train deprendre une dimension très préoccupante dansun contexte injustifiable de suppression depostes. Nous soutenons depuis des semaines lamobilisation des étudiants et des personnels dela recherche et des universités, et sommes pré-sents à leurs côtés dans les manifestations.Il faut vite sortir de la crise. Pour cela, le gouverne-ment doit suspendre les réformes en cours, rétablirle millier d'emplois supprimés au budget 2009, etmettre en place un plan pluriannuel de créationsd'emplois scientifiques par une réorientation de cebudget. Ensuite, avec nos députés MariettaKaramanli et Jean-Yves Le Déaut, j'ai proposéqu'une mission parlementaire regroupant lamajorité et l'opposition travaille avec les représen-tants des étudiants, les personnels des universitéset les organismes de recherche. Une réflexion col-lective pour formuler des propositions de réformesvisant à améliorer les conditions des universitairespour qu'ils puissent s'engager au mieux dans leursmissions d'enseignement et de recherche, aubénéfice des étudiants et du développement denotre recherche.Nicolas Sarkozy a profondément choqué les uni-versitaires, chercheurs, dans un discours arro-gant et agressif à leur égard le 22 janvier. Je tiensà l'inverse à marquer la confiance du Parti socia-liste envers tous ceux qui, dans des conditionssouvent défavorables, réussissent à occuper uneplace de premier plan dans la recherche mon-diale, et à offrir une excellente qualité de forma-tion dans nos universités. C'est avec eux, et pascontre eux, que nous construirons un avenir ànos universités et laboratoires de recherche.

Actualités FranceLes réactions socialistes au Sarkoshow p.6Outre-mer : pas d’accalmie p.8InternationalVers une nouvelle Europe p.10DossierLa crise universitaire p.12TerritoiresTempête Klaus : interview d’Henri Emmanuelli p.28L’invitéLionel Pourtau p.36

■ sommaire

BertrandMonthubert,secrétaire nationalà la rechercheet à l’enseignementsupérieur

Au côté des chercheurs

D.R.

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Actualités ■ FRANCE

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Fin de vieUne loi qui faitconsensus

D iscutée à l’Assemblée natio-nale, le 17 février, une propo-

sition de loi visant à créer uncongé d’accompagnement de finde vie rémunéré, fait consensusau sein de la classe politique. Co-signée par le PS, le PCF, leNouveau centre et l’UMP,elle viseà améliorer la réglementationactuelle. Si le congé de solidaritéfamiliale, mis en place en 1999,permettait déjà de disposer detemps pour accompagner l’un desesproches en findevie, le salariénepouvaitpasconserverses reve-nus. La proposition de loi prévoitdonc la création d’une allocationqui compenserait cette perte. Elleserait versée pour un maximumde trois semaines, et unmontantde 47 euros par jour.

AutomobileDes milliardsmal répartis

Le 9 février, le gouvernementa annoncé un prêt de 6,5mil-

liards d’euros aux deuxconstructeurs automobiles fran-çais Peugeot-Citroën et Renault.Mais pour les sous-traitants,

l’État a seulement prévu undoublement de l’aide passantde 300 à 600 millions d’euros.Pour le PS, « il est particulière-ment choquant que l’augmen-tation du fonds d’aide aux sous-traitants représente moins de5% de l’enveloppe totale». Deplus, ce plan «n’engage pas laréorientation de l’industrieautomobile vers le développe-ment durable». Sans stratégieglobale, l’efficacité d’une telleaide sera compromise.

NégationnismeL’évêque Williamsonpersiste

Après avoir nié l’existence deschambres à gaz dans un

entretien à la télévision suédoisele 22 janvier dernier, l’évêqueRichard Williamson a refusé de

retirer ses propos dans une inter-view parue le 9 février dansl’hebdomadaire allemand DerSpiegel. Martine Aubry a immé-diatement réagi : « Ces déclara-tions sont une injure non seule-ment pour tous les juifsmais aussi pour la consciencehumaine. C’est aussi une bles-sure pour les catholiques, alorsque l’évêque vient de voir levéeson excommunication. »

Pouvoir d’achatCrédit social contrecrédit à laconsommation

Le crédit à la consommationest source d’endettement

pour de nombreux ménages.Devant les difficultés du gou-vernement et de sa majorité àse mettre d'accord sur unelégislation équilibrée sur cesujet, Nicole Bricq, vice-prési-dente de la commission desFinances du Sénat, annonce, aunom du groupe socialiste, ledépôt d’une proposition de loireposant sur trois grands prin-cipes : offre de crédit adaptée àla demande des ménages lesplus modestes avec la créationd'un crédit «social» inférieur à3000euros, protection accruedes consommateurs et respon-sabilisation des prêteurs.

Page réalisée par Fanny Costes

Si la mobilisation du 29 janvier faisait encore douter lePrésident quant aux méfaits de sa politique, les dernierssondages devraient le convaincre de changer de cap. Lebaromètre de l’action politique publié par IPSOS le 9 février souligne que61% des Français sont défavorables à l’action de Nicolas Sarkozy en tantque chef de l’État.

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Les débats sur l’euthanasie enflamment l’ItalieUne mini-crise institutionnelle parcourt l’Italie depuis la mort d’Eluana Englaro, le9 février. Cette femme de 38 ans plongée dans un coma végétatif depuis 17 ans,après un accident de voiture, n’a pas survécu à l'arrêt de son alimentation artifi-cielle. Cette mort assistée était voulue par son père et autorisée par la Cour de cas-sation. Le décès de cette jeune femme est intervenue alors que les sénateurs ita-liens débattaient d’un projet de loi visant à proscrire «l'arrêt de l'alimentation et del'hydratation artificielles» pour les malades incurables.Sous la pression du Vatican, Silvio Berlusconi s’était en effet soudainement émude l’autorisation accordée par la Cour de Cassation. Contre l’avis du président dela République et malgré les manifestations, il a donc convoqué en urgence lessénateurs pour débattre d’une loi interdisant l’euthanasie. À l’annonce de la mortde la jeune femme, la droite italienne s’est lancée dans une critique écoeurante deson père et des magistrats. Des élus de droite ont même traité leurs collègues decentre-gauche d’ « assassins ».

L’imaGe De La semaine

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Actualités ■ FRANCE

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« Je suis bien obligéde réfléchir à ceque doit être une

politique sociale adaptée à lasituation de crise aujourd'hui.»Mieux vaut tard que jamais.La crise a déferlé en Francedès le mois de septembre etle président de la Républiquea attendu le 5 février pourévoquer les conséquences dece désastre économique surle quotidien des Français.« L’erreur de base de la majo-rité est de n’avoir donnéaucun signe d’écoute et decompréhension à l’égard desFrançais qui font face à lacrise. Aujourd’hui, NicolasSarkozy fait mine d’avoir desremords, mais rien de plus »,

décrypte le député de l’Indreet secrétaire national du PS àl’économie, Michel Sapin.Même constat pour MartineAubry. Selon la Premièresecrétaire du Parti socialiste,le chef de l’État n’a pas été « àla hauteur » lors de sa presta-tion télévisée, pas plus qu’ilne l’est dans sa gestion de lacrise.

IncohérentLe Président voulait rassurer ;il n’a fait que décevoir. AlainVidalies le secrétaire nationaldu PS au travail et à l’emploi,estime ainsi que NicolasSarkozy s’est montré « parfai-tement incohérent ». « Ilexplique qu’il ne faut surtout

pas augmenter le Smic, etquelquesminutes plus tard, iltente une sortie en argumen-tant sur la nécessité derééquilibrer le partage entrele capital et le travail », argu-mente Alain Vidalies.Incohérent, le chef de l’État l’aégalement été lorsqu’il aabordé la question de l’em-ploi. Il a certes repris cer-taines pistes du plan derelance socialiste, comme lerenforcement de l’indemni-sation des salariés au chô-mage technique. Oubliantque cette mesure a déjà éténégociée par les partenairessociaux. Pour les socialistes,l’Etat doit aujourd’hui allerplus loin, notamment au

Sarkoshow : record d’aud iePrès de 15 millions deFrançais étaient devantleur poste de télévisionle 5 février au soir pourregarder l’émission« spéciale » de NicolasSarkozy :« Face à la crise ».Le chef de l’État avaitsouhaité s’exprimerpour faire de la « péda-gogie » autour de sapolitique de relance. Ils’est en réalité montréplus « commentateur »que « décideur »,pourreprendre les termesde Martine Aubry. Lessocialistes réagissent àcette intervention quin’apporte aucuneréponse concrète.

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niveau du montant et de ladurée de l’indemnisation.Mais sur ce point précis,Nicolas Sarkozy était aux« abonnés absents ». Ce quipousse Alain Vidalies à cecommentaire : « Les discours« sociaux » du Président melaissent perplexe. Le tempsnous a appris qu’il fallait seméfier de ses promesses. »

IrresponsablePourtant, des promesses, il entient certaines. Il n’est ainsijamais revenu sur les 15 mil-liards d’euros accordés auxplus riches à l’été 2007.« Nous n’avons rien entendusur le paquet fiscal et sur lesheures supplémentaires,poursuit le député desLandes. Nicolas Sarkozy per-siste et signe dans uncontexte où le chômage nefait, et ne fera, qu’augmenter,en continuant à encouragerle recours aux heures supplé-mentaires. C’est irrespon-sable. »La FNSER (Fondation natio-nale des élus socialistes etrépublicains) dénonce, elleaussi, l’irresponsabilité duchef de l’État. Et pour cause,l’annonce de la suppressionde la taxe professionnelle en2010 représente une perte derevenus de 25 milliards d’eu-ros pour les collectivités :« Cela ne fait aucun doute :Nicolas Sarkozy veut d’abordfaire porter l’effort sur les col-

lectivités territoriales, déjàasphyxiées par des transfertsde charges de l’État et par ladiminution de leurs dota-tions, dénonce la FNSER dansun communiqué.Un bel exer-cice de démocratie. L’Étatdécide sans autre préalablede faire payer les collectivitéspour des allègements accor-dés aux entreprises que luiseul décrète ! » Cette mesuredevrait, selon Nicolas Sarkozy,encourager les entreprises àne pas délocaliser. Pourtant,cette exonération est d’au-tant plus injuste que la taxeprofessionnelle assure unlien entre les entreprises etles territoires, quand les col-lectivités sont créatrices de73% de l’investissementpublic. Pire, aucun raisonne-ment économique ne dé-montre d’impact de la sup-pression de la taxe profes-sionnelle sur les décisionsd’investissements des entre-prises, et encoremoins sur lesdélocalisations.

ProvocationPour Michel Sapin, sauf àcréer un autre impôt dumême montant payé par lesentreprises, ce qui reviendraità faire un tour de passe-passe, la situation n’est pastenable pour les pouvoirslocaux. Le secrétaire nationaldu PS à l’économie voit danscette annonce un outil poli-tique : « C’est typiquement

l’idée de mettre sur la tableune nouvelle provocation.Tous les regards se portentsur cette mesure. On ne s’in-téresse plus au reste, etl’Elysée détourne l’attentiondes sujets fondamentaux. »La question de l’opérationfinancière que réaliseraitl’État (1,4 milliard) en ayantprêté aux banques est, làencore, un élément qui faitbondir Michel Sapin, quali-fiant cette manœuvre de« vaste fumisterie ». Carcertes, les banques vontreverser à l’État le montantdes prêts avec des intérêts,mais de deux choses l’une.Tout d’abord, l’État, pour êtreen capacité d’accorder desprêts aux banques, a dû allerchercher ces sommes sur desmarchés financiers et devradonc reverser des intérêts.Ensuite, les banques n’étantpas des machines à fabriquerdes billets, elles devront trou-ver de quoi payer les intérêtsqu’elles reverseront à l’État.Et là, ce sont bien les entre-prises et les ménages qui,indirectement par leurspetites opérations (notam-ment les prêts à la consom-mation), financeront ces rem-boursements d’intérêts. Uneheure et demie d’esbroufe, depoudre aux yeux maisaucune proposition concrète.C’était bien la peine de squat-ter les ondes.

Ariane Vincent

d ience et d’incohérence

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Actualités ■ OUTRE-MER

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Quelles étaient les revendica-tions des Guadeloupéens ?Un collectif s'est créé, il y aquelques mois, pour réfléchir àun mouvement de mobilisa-tion populaire sur les pro-blèmes criants en Guadeloupe.Une liste de 146 revendicationsa été établie. Le pouvoir d'achatétait au coeur de ces revendica-tions. Nous demandions égale-ment une augmentation de

200euros des salaires dans leprivé, l'augmentation despetites retraites et des minimasociauxpour lespersonneshan-dicapées. Nous dénoncions lesmarges bénéficiaires abusivesréalisées par la filière importa-tion-distribution et le mono-pole de la SARA sur la distribu-tion du carburant. La mainmised'une caste sur l'économie de laGuadeloupe était aussi au

menu. Le 20 janvier a débutéune grève générale. Sur les450000 habitants de l’île, plusde 65000 ont manifesté dansles rues de Pointe-à-Pitre. Unetrentaine de mesures deman-daient des réponses immé-diates, le reste engageait uneréflexion plus en profondeur.

Quelles ont été les avancéesenregistrées avec la venued'Yves Jégo, le secrétaired’État à l’Outre-mer ?Le secrétaire d'État a tardé àvenir. Il y a eu beaucoup d'ater-moiements. Pendant plus d'unedizaine de jours, on a tergiversésur le lieu de négociation et lesméthodes à appliquer. YvesJégo s'est finalement déplacé,et a imposé sa méthode denégociation. Il a d'abord faitprofil bas. Puis il a critiqué lecomportement des patrons. Ila un peu fait son cinéma. Il aembrassé les thèses du collec-tif sur la SARA, a demandé uneenquête sur les bailleurs

Le départ, dimanche 8 février, d'Yves Jégo, secrétaire d'État à l'Outre-Mera créé l'émoi et l'incompréhension dans l'île. Il s'était installé en Guadeloupeil y a une semaine pour trouver des solutions à une grève générale entaméele 20 janvier. L’île est à nouveau paralysée et le mécontentement s'étendjusqu'en Martinique et à la Réunion qui se sont également mises en grève.Les revendications sont les mêmes : hausse du pouvoir d'achat et baisse

du coût de la vie. Éric Jalton, député socialiste de Guadeloupe, maire des Abymes, faitle point sur la situation guadeloupéenne.

« Yves Jégo doit revenir, nousl'attendons de pied ferme»

D.R.

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Une file d'attente devant un supermarchédes Abymes le 7 Février .

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sociaux. Nous avons aussiobtenu l'augmentation de200 euros des salaires pour leprivé. Mais il y a toujours uneinconnue quant au finance-ment de cette augmentation.M. Jégo a surpris agréable-ment, avant de partir précipi-tamment.

Comment interpréter ce départ?Les lobbys békés (les descen-dants des premiers colons)ont bien fonctionné du côtédu gouvernement. Jégo a étérappelé par le Premier minis-tre. Ils ont dû trouver Jégotrop enclin à répondre dans lesens du collectif. Nous étionsen route pour un entretien à18h, le préfet nous a appelés à17 h 30 pour nous prévenirque le secrétaire d'État étaiten partance pour Paris.Arrivés à la préfecture, ledirecteur de cabinet nous adonné les détails du départd’Yves Jégo à travers un gril-lage. C'est assez inconvenantdans la manière de faire.

La grève va-t-elle reprendrede plus belle ?Suite à cette réaction du gou-vernement, tout le mondes'est remis en grève avec lesoutien de la région et dudépartement. Les gens ontfait le plein d'essence, alors ilspeuvent tenir. C'est la veilléed'armes, l'État et le hautpatronat sont dans la ligne demire. Il paraît qu'Yves Jégo varevenir, nous l'attendons depied ferme.

Propos recueillis parStéphanie Platat

– 19 janvier : Mot d'ordre de fermeture illimitée des 115 stations-servicede l'île par les gérants, qui refusent toute nouvelle implantation.

– 20 janvier : Grève générale à l'appel de 52 organisations réunies dansun «Comité contre l'exploitation outrancière » (LKP) qui réclame notam-ment une baisse du prix des carburants, des produits de premièrenécessité, des impôts et des taxes, ainsi qu'une hausse du salaire mini-mum de 200 euros. Manifestation à Pointe-à-Pitre.

– 21 janvier : La grève touche l'éducation et l'hôtellerie.– 24 janvier : Manif géante à Pointe-à-Pitre avec près de 20 000 per-sonnes.

– 26 janvier : Réquisition de stations-service, interruption de programmesà RFO.

– 28 janvier : Yves Jégo, secrétaire d'État à l'Outre-Mer, propose desnégociations «dans un délai contraint de quatre semaines».

– 31 janvier : Les conseils régional et général de la Guadeloupe proposent54 millions d'euros pour satisfaire les principales revendications duLKP, qui refuse.

– 1er février : Jégo arrive en Guadeloupe.– 2 février :Yves Jégo annonce la réouverture de « 25 stations-service » etl'application du Revenu de solidarité active (RSA) dans l'île dès 2009,soit avec un an d'avance. Le lendemain, il annonce 40 000 billetsd'avions aller-retour Pointe-à-Pitre/Paris à 340 euros pour « lesGuadeloupéens les plus modestes ».

– 4 février : Jégo annonce avoir obtenu « un engagement clair, chiffré » dela grande distribution pour une baisse de 10% de 100 produits de pre-mière nécessité. Première réunion de négociations à Basse-terre avecle LKP. Blocage du port et des écoles.

– 5 février : 15 000 à 20 000 manifestants se rassemblent à Fort-de-France en Martinique contre la vie chère et pour une grève générale.Barricades de pompistes devant les stations-service.

– 6 février : En Martinique, début des négociations entre État, élus, patro-nat et le "collectif du 5 février" qui mène la grève générale.

– 8 février : Plusieurs milliers de personnes manifestent en Guadeloupe,où se poursuivent les négociations. En Martinique, les grévistes contrai-gnent plusieurs grandes surfaces de Fort-de-France et des communesenvironnantes à fermer leurs portes.Un pré-accord sur une hausse de bas salaires est trouvé entre patronatguadeloupéen et LKP, qui doit être d'abord soumis à Matignon.

–10 février : L'appel à la grève générale est « largement suivi » enMartinique.

Chronologie :Les grandes étapes du mouvement social quifrappe la Guadeloupe depuis le 19 janvier etla Martinique depuis le 5 février

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Actualités � INTERNATIONAL

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�10 Un pour tous, tous pour

l’Europe. Cela aurait puêtre la devise des trois

socialisteseuropéensréunis,ce4février à Strasbourg, pour uneconférence de presse. Étaientprésents autour de la tableMartin Schultz le président alle-mand du groupe socialiste auParlement européen, le prési-dent du Parti socialiste euro-péen, le Danois Poul NyrupRasmussen,et la Première secré-taire du PS, Martine Aubry.L’occasion de marquer une nou-velle étape de la campagneeuropéenne des forces progres-sistes. Mais l’heure était d’abordau bilan. Les eurodéputés sontaujourd’hui, pour 60% d’entreeux, à droite de l’échiquier poli-tique. Une orientation qui seretrouve à la Commissioncomme au Conseil européen.Cette domination des conserva-teurs libérauxauseinde tous lesorganes institutionnels del’Union explique, selon les res-

ponsables socialistes européens,dans une large mesure, pour-quoi l’Europe n’est pas à mêmede jouer le rôle que l’on attendd’elle : mettre en œuvre une«politique progressiste ambi-tieuse, volontariste et sociale ».

Retour en force

Une politique qui, comme l’asouligné Martine Aubry, est lar-gement présentée et dévelop-pée dans le socle programma-tique commun des socialisteseuropéens, ce texte adopté àMadrid le 1er octobre dernier etbaptisé Manifesto. Ce pro-gramme commun propose nonseulement une réforme en pro-fondeur du système financierinternational,maisaussiunplande relance de l’économie autre-ment plus ambitieux que celuiadopté par l’Union européenneen octobre dernier sous la prési-dence française de NicolasSarkozy. Et pour cause : le plan

européen s’élève à 200 milliardsd’eurospour l’ensembledespaysde l’Union. Il fait face à celui deBarack Obama qui investit 800milliards de dollars alors que lesproduits intérieurs bruts desÉtats-Unis et de l’Union euro-péenne sont comparables.Il est donc temps de convaincreles citoyensqu’il est aujourd’huipossiblede changer ladonneenfaisant gagner une nouvellemajorité au Parlement euro-péen. « La force des socialisteseuropéens par rapport à leurscompétiteurs, c’est qu’ils sontles seuls à constituer une alter-nance possible », a précisé PoulNyrup Rasmussen, avant queMartin Shultz se félicite du«retour en force» des socia-listes français.Cette réunion a donc marquél’unité de la gauche socialisteeuropéenne, à cinq mois d’uneéchéance qui pourrait faire naî-tre « une nouvelle Europe ».

Ariane Vincent

Le 4 février dernier,Martine Aubry étaiten visite au Parle-ment de Strasbourg.À l’occasion d’uneconférence depresse, la Premièresecrétaire du PS ainsisté sur l’unitédes socialistes lorsde la prochaine cam-pagne des électionseuropéennes de juinprochain.

Vers une nouvelle Europe

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INTERNATIONAL � Brèves

EuropeLes centresde rétentionpassés à la loupe

Entre 2005 et 2008, les euro-députés ont visité 26 cen-

tres de rétention pour immi-grants illégaux et deman-deurs d'asile dans plus d'unedizaine d'États membres. LeParlement européen a large-ment adopté, le 21 janvier, lerapport global de la vice-pré-sidente socialiste MartineRoure sur ces visites, quipointe notamment les mau-vaises conditions d’hygièneet l’insuffisance de l’aidemédicale et juridique. LaCommission est appelée àmettre en place « un systèmede visite et d'inspection per-manent ».

Sri LankaLes civils piégésdans les combats

La situation humanitaire auSri Lanka se dégrade. Alors

que l’armée tente de faire taireles derniers bastions de TigresTamouls au nord de l’île, plusde 14 000 personnes auraienttenté de fuir depuis le 5 février.Pour les socialistes français, « ilest urgent de décréter un ces-sez-le-feu pour que les civilspiégés dans les zones de com-bats puissent les quitter ». Ilsinsistent également sur unrèglement politique du conflit :« Cela passe notamment parune application des disposi-tions constitutionnelles quiconfèrent des pouvoirs aux

assemblées locales élues dansles provinces du Nord et del'Est à majorité tamoule. »

Union européennePas de pitié pourles paradis fiscaux

200 milliards d'euros : c’estle montant annuel estimé

de l'ensemble de la fraude fis-cale dans l'Union Européenne.Benoît Hamon, rapporteur duParlement européen pour laproposition de directive sur lafiscalité et l’épargne, salue laCommission et le gouverne-ment luxembourgeois qui

vont dans le sens de son rap-port favorable à la levée dusecret bancaire. Il y propose ladate du 1er janvier 2014 pourl'abandon définitif du sys-tème transitoire de retenue àla source, appliqué par laBelgique, l'Autriche et le

Luxembourg pour la fiscalitésur les intérêts de l'épargnedes non-résidents.

MadagascarAppel au dialoguepolitique

Depuis plus de deuxsemaines, Madagascar vit

dans la crainte d’affrontementsentre les partisans du PrésidentMarc Ravalomanana et ceux dumaire dissident de la capitale,Andry Rajoelina. Ce derniers’est même autoproclamé chefde la nation. Alors que cesheurts ont provoqué lamort deprès de 130 personnes, le PSappelle au dialogue. La criseque traverse le pays ne doit« pas faire oublier l’absence defondement légal de la transi-tion proposée par le maired’Antananarivo ». Au plan poli-tique, « la forte présidentialisa-tion du régime » a « conduit àune concentration des pouvoirsqui semble provoquer de fortesrésistances dans le pays. Toutceci confirme le caractèrenécessaire d’échanges poli-tiques entre partis et forcesvives du pays, dans l’intérêt desa population ».

Les Suisses ont voté à 59,6%, enfaveur du référendum sur lareconduction de la libre circula-tion des travailleurs dans leur pays. Depuis 2002, 200 000Européens ont pu y travailler. Un résultat applaudi, car après lacampagne de la droite populiste en faveur du « non », beau-coup craignaient un repli de la population confrontée à unehausse importante du chômage.

Le cHiFFre 59,6%Fanny Coste

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Dossier � LA CRISE UNIVERSITAIRE

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Depuis plusieurs semaines, le monde de l'enseignement supé-rieur et de la recherche se rebelle. Le succès de la manifestationdu 10 février, qui a vu près de 80 000 personnes battre le pavéun peu partout en France, est très significatif. Entre les universi-taires et leur ministre de tutelle, les dossiers qui fâchent sontnombreux. Certains sont directement liés à la politique deValérie Pécresse – réforme du statut des enseignants-cher-cheurs, masterisation de la formation des enseignants, transfor-mation des organismes de recherche en « agences demoyens » –, d’autres témoignent bien du peu de considérationque le pouvoir accorde aux acteurs de la recherche et de l’univer-sité : baisse des budgets, suppressions d’emplois (1 000 en2009), et conditions de vie catastrophiques des étudiants.Histoire de calmer le jeu, la ministre a nommé le 9 février unemédiatrice chargée de « retravailler » le projet de décret en «pro-longeant la concertation» pendant deux mois. Une annonce quine semble pas de nature à calmer la mobilisation.Ce dossier de l’Hebdo vise à montrer dans quelle mesure et àquelles fins le gouvernement appauvrit volontairement larecherche et l’université en France. Et quelles sont les grandesorientations que nous, socialistes, devons privilégier pourdéjouer cette attaque frontale.

Ariane Gil

Mauvaise équat i

SommaireGrand témoin : Isabelle This Saint-Jean, économiste et présidentede Sauvons la recherche revient sur le malaise universitaire,les différentes attaques du gouvernement et les menaces qu’ellesfont peser sur la recherche p.14 à 17

Précarité à l’université : enquête sur le quotidien des chercheurs p.18 à 21

La fuite des cerveaux, un fléau français p. 22-23

La formation des enseignants, revue et mal corrigée.Interview d’un formateur d’IUFM p. 24-25

Les grandes orientations du PS p. 26-27

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t ion

Pouzet/20minutes/Sipa

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Pour quelles raisons les enseignants-chercheurs sont-ils descendus dans la rueà deux reprises, les 5 et 10 février ? Quelssont les motifs de leur colère ?Les motifs sont très divers.Contrairement à ce qui peut apparaî-tre au grand public, il ne s’agit pas seu-lement d’un mouvement de protesta-tion contre la réforme du statut des

enseignants-chercheurs et la « maste-risation » des concours de l’enseigne-ment. C’est une colère bien plus glo-bale. Depuis plusieurs années, le pay-sage institutionnel de l’enseignementsupérieur et de la recherche est atta-qué de toutes parts, et par conséquentce sont aussi nos missions qui sontmenacées. Ces attaques s’inscriventtoutes dans la même idéologie sous-tendue par un discours décliniste dutype « Il faut moderniser ces institu-tions archaïques. La recherche fran-çaise va mal. Nos universités ne sontpas performantes. » En réalité, toutesles réformes engagées depuis la LRU(loi de 2007 relative aux libertés et res-ponsabilités des universités qui prévoitque, dans un délai de cinq ans, toutesles universités pourront accéder à l’au-tonomie dans le domaine budgétaireet la gestion de leurs ressourceshumaines, ndlr), vont dans le mêmesens : faire des économies en se débar-rassant des universités en termes definancement. Dans ces conditions, laprochaine étape sera forcément l’aug-mentation des frais d’inscription desétudiants. Chargés de faire tourner uneentreprise, les présidents d’universitén’auront pas le choix.

« La rechercheest attaquéede toutesparts »

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase.En annonçant la réforme du statut desenseignants-chercheurs, Valérie Pécresse,la ministre de l’enseignement supérieur,a fait exploser la colère universitaire quicouvait déjà depuis plusieurs années.Manque de moyens, précarisation accrue,démantèlement du CNRS, les attaques sontnombreuses et dangereuses. Présidentede Sauvons la recherche, Isabelle This Saint-Jean revient sur cette politique désastreuse.

L’universitéa de plus enplus recoursà la précarité. »«

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Loin d’être la panacée aux problèmes del’université, l’autonomie ne fait doncqu’accroître les difficultés de l’enseigne-ment supérieur ?Il existe en effet un profond malaise uni-versitaire. Les effectifs d’étudiants ontétémultipliés par deuxmais cette démo-cratisation na pas été accompagnée demoyens équivalents. Le personnel estexsangue. Nous, enseignants-chercheursne pouvons plus faire notre métier :enseigner et faire de la recherche. Nouscroulons sous les tâches administratives,les conditions d’études sont déplorables.Faire cours à des amphis de 400, ce n’estplus possible ! Le manque de moyenshumains est dramatique. L’université ade plus en plus recours à la précarité. Desjeunes qui devraient être embauchésenchaînent les postes précaires et sontballottés d’un établissement à l’autre.L’entrée en poste est de plus en plus tar-dive. Forcément, les jeunes se détour-

nent de la carrière. Les effectifs des mas-ters de recherche connaissent une baissesignificative. Un rapport du ministèreprévoit même une diminution de 30%des doctorants d’ici 2017.

Malgré cette situation alarmante, le gou-vernement prévoit de supprimer900 postes dans l’enseignement supé-rieur…Et pourtant il prétend vouloir luttercontre l’échec en premier cycle à l’univer-sité ! Il s’agit en effet d’un problèmemajeur mais sans moyens humains etn’ayant recours qu’à des précaires, le planlicence ne rime à rien !

Quelles menaces concrètes les réformesdu gouvernement font-elles peser sur larecherche française ?Prenons l’exemple de la réforme du sta-tut des enseignants-chercheurs. Ce sta-tut date de 1984. Désormais nous serons

Isabelle This Saint-Jeanest économiste, professeurà l’université Paris XIII etprésidente de Sauvons larecherche, une associationdestinée à faire connaîtreles enjeux de la politiquede recherche, proposerdes débats et des actions.

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évalués par le président d’université. Cen’est pas que nous refusons de rendredes comptes. Bien au contraire, noussommes déjà obligés de fournir des rap-ports d’activités et nous sommes régu-lièrement contrôlés. Mais avec laréforme, c’est notre indépendance quiest en jeu. C’est même une question deliberté publique. Une illustration : unchercheur travaille sur l’impact de latéléphonie mobile sur la santé, sujet ôcombien important. Que deviendra-t-ilet quid de son indépendance, si le prési-dent d’université fait financer une par-tie de son budget par un opérateur detéléphonie mobile, ce que la loi rendpossible ?

Finalement, vous craignez que les prési-dents d’université exercent un pouvoirarbitraire ?Oui. D’autant que ce sont aussi les prési-dents d’université qui décideront de lamodulation de services entre rechercheet enseignement. S’ils jugent qu’unchercheur n’est pas assez « perfor-mant », ils pourront alourdir sa charged’enseignement. C’est une aberration.D’abord, parce que ce système conçoitl’enseignement comme une punition.Mais aussi et surtout parce que les pré-sidents d’université jugeront les cher-cheurs sur des critères purement quan-titatifs, à savoir au nombre de publica-tions ! Ce n’est absolument pas fiable.Ainsi, un chercheur en droit a réalisé un

manuel qui a joué un rôle fondamentaldans cette discipline. Pendant dix ans, iln’a rien publié car il se consacrait exclu-sivement à ce livre. Est-il pour autant unmauvais chercheur ? C’est un systèmepervers qui va pousser à la course auxpublications, engendrer une terriblepression qui incitera à la fraude scienti-fique et à l’hyper-concurrence. En fait,cette réforme est aussi une façon derépondre au manque chronique d’ensei-gnants sans passer par le recrutementmais en alourdissant le nombred’heures de certains, jugés arbitraire-ment mauvais chercheurs.

Mais en favorisant ainsi l’émulation, cesréformes ne visent-elles pas à améliorerles résultats de la recherche hexagonale ?Elles vont au contraire la casser complè-tement. Quoi qu’en dise le président dela République, les prix Nobel français ne

Les prix Nobelfrançais ne sontpas l’arbre quicache la forêt.«

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sont pas l’arbre qui cache la forêt. Larecherche française obtient d’extraordi-naires résultats en dépit de ses moyensdérisoires. En érigeant un système ultra-concurrentiel, le gouvernement va toutdétruire. Désormais, la recherche estfinancée par l’Agence nationale de larecherche (ANR) selon un principeproche de l’appel d’offres. Nous soumet-tons nos projets de recherche et l’ANRdécide qui peut être financé ou non.Tous les chercheurs sont donc enconcurrence pour obtenir de l’argent.Comment, dès lors, travailler ensembleau sein d’un même labo ? De la mêmemanière, le découpage du CNRS en plu-sieurs instituts est une folie. Le CNRS estl’organisme structurant de la recherche,son squelette. Si on le fait sauter, on faitexploser la recherche. Toute cette poli-tique est désastreuse.

Propos recueillis par Elisabeth Philippe

– 85 universités en France.

– 2 258 000 étudiants pour la rentrée 2007-2008 (+ 4000 par rapport à l'année précédente).

– 1 326 000 étudiants en université.

– 62 000 enseignants-chercheurs dont4 300 hospitalo-universitaires (chiffresdu ministère de l’enseignement supérieur).

– 900 suppressions d’emplois en 2009 dansl’enseignement supérieur et la recherche,soit 0,5% des effectis.

– L’enseignant-chercheur doit assurer 128 heuresde cours par an.

En chiffres

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Malgré leursannéesd’études,les chercheursaffichent desbulletins desalaires plutôtmodestes.

Dans la foule des 10 000 per-sonnes qui défilaient à Paris,le 5 février, pour protestercontre la remise en cause dustatut des enseignants-

chercheurs, une femme brandit cettepancarte :« J’ai bac +12. Je parle 5 langues.Je suis médiocre. Lynchez-moi ! »Message ironique qui traduit bien l’exas-pération d’une profession décidémentpeu valorisée et que la ministre del’Enseignement supérieur et de laRecherche, Valérie Pécresse, veut encoreremettre en cause. Après la loi LRU rela-tive à l’autonomie des universités, lesenseignants-chercheurs doivent mainte-nant encaisser la réforme de leur statut.La France compte aujourd’hui 57 000enseignants-chercheurs. La plupartd’entre eux a poursuivi plus de huit ansd’études et obtenu un doctorat.Spécialisés dans des domaines aussivariés que les mathématiques, les let-tres modernes ou la sociologie, ils ontaussi la particularité de former les étu-diants tout en poursuivant desrecherches. « Ce qui fait la singularitéde l’enseignement supérieur, c’est demener des activités de recherche quisont validées par une communautéscientifique disciplinaire. On est philo-sophe, mathématicien, linguiste avantd’être universitaire. Parallèlement,

nous poursuivons nos recherches.Articuler notre enseignement sur notreréflexion scientifique est essentiel.C’est une mission qui donne tout sonsens à l’enseignement post-baccalau-réat que nous voulons voir rayonner enFrance », explique Jean Fabbri, secré-taire général du Snesup, principal syn-dicat de l’enseignement supérieur.

Éloge de la concurrenceMalgré leurs années d’études et leurrôle majeur dans la transmission dusavoir, les chercheurs affichent des bul-letins de salaires plutôt modestes.Qu’ils soient maîtres de conférences ouprofesseurs d’université, les deux corpsd’enseignants-chercheurs, le salairemédian atteint 2 700 euros net parmois. Mais le motif financier n’a rien àvoir avec la grogne des enseignants-chercheurs, qui ont appelé depuis le2 février à une grève illimitée.« Contrairement à ce qui peut être dit,nous ne sommes pas un mouvementcorporatiste. Nous ne demandons pasune augmentation de nos salaires,même s’ils sont nettement plus basque ceux de nos collègues dans d’au-tres pays. Ce que nous demandonsc’est ce qui est constitutif de l’univer-sité française, c’est-à-dire la libertéd’enseigner, de faire de la recherche, la

malaise dans les labosDepuis le 2 février, la coordination nationale des enseignants-chercheurs a appelé à la grève illimitée. Un nouveau décret portépar Valérie Pécresse attaque le sens même de leur mission : allierrecherche et enseignement pour faire vivre l’université française.Les craintes de voir un président d’université devenir roi en sademeure se doublent du risque d’une baisse drastique du nombred’enseignants. Des peurs qui engendrent la colère. Enquête.

malaise dans les labos

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liberté de nouer étroitement notreenseignement et notre recherche, lacollégialité, le fait de pouvoir être éva-lués dans des desseins et des travauxcollectifs.Nous ne voulons pas que toutcela soit mis à bas par une sorte d’élogeinfini et quotidien de la concurrence »,insiste Jean-Louis Fournel, président deSauvons l’université.Car le nouveau décret Pécresse modi-fierait justement cette organisation dutravail. Et remettrait en cause la mis-sion de service public assumée par lesenseignants-chercheurs. Ce texte intro-duit le principe d'une évaluation desenseignants-chercheurs tous les qua-tre ans, toujours réalisée par le Conseilnational des universités (CNU), ins-tance composée de chercheurs élus. Enrevanche, il appartiendrait aux prési-dents d'université de décider, à partirde cette évaluation, d'accorder ou nonune promotion et de déterminer lenombre d'heures de cours des ensei-gnants-chercheurs. Les chercheursredoutent donc une toute-puissancedes présidents d’université. Dans lecadre de la loi LRU votée en août 2007,

la droite a déjà décidé le transfert de lagestion des carrières et des ressourceshumaines de leur établissement auxprésidents d'université.

Évaluation quantitativeCertains estiment aussi que l'évalua-tion sert de prétexte à une logiquecomptable pour alourdir la charge d'en-seignement des professeurs quiseraient mal évalués par le CNU. Ceuxqui ne publieraient pas assez d’articlesseraient « déclassés » et verraient leursheures de cours augmenter. Uneconcurrencemalsaine entre chercheursrisque alors de s’instaurer. « Ça pose leproblème de l’évaluation quantitativede la recherche. Une vision totalementidiote de notre métier, déplore MarieMartin, 28 ans, agrégée de Lettres clas-siques et docteure en études cinémato-graphiques. On peut écrire des tonnesd’articles et ce ne sont pas forcément lesmeilleurs. Alors qu’il faut plusieursannées pour rédiger un bon livre derecherche. De plus, on sous-entend quel’enseignement et la recherche devraientêtre séparés. Il n’y aurait pas de vases

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communicants. C’est totalementcontraire à l’idée même de l’université. »Cette jeune chercheuse rencontre desdifficultés pour trouver un poste de maî-tre de conférences. Aujourd’hui, dans sadiscipline, un seul poste est à pourvoirsur toute la France. Elle enseigne donc àmi-temps en tant qu’attachée tempo-raire d’enseignement et de recherche(ATER) à l’université de Nanterre pour1 200 euros net par mois. Après huitannées d’études, et une agrégation enpoche, elle pourrait aussi enseigner encollège ou en lycée. Mais être ensei-gnante-chercheuse lui tient à cœur. Et cen’est pas le même métier. «C’est vrai-ment très important de ne pas renoncerà propager la culture, à ouvrir les esprits,insiste Marie. Il est évident qu’il faut deschercheurs français qui aient suffisam-ment de moyens et de motivation pourfaire leur métier. Il y a des processus dematuration d’une découverte qui sontinadaptables à des critères rentables. »

Pas de laboratoiresPour d’autres enseignants-chercheurs,déjà en poste, la mobilisation contre laréforme Pécresse est d’abord une questionde solidarité. Mais il s’agit aussi de défen-dre un statut qui profite avant tout auxétudiants. Thomas Duyckaerts est maîtrede conférences enmathématiques, à l’uni-versité de Cergy-Pontoise. Il a obtenu ceposte l’année suivant sa thèse. À 32 ans, ils’estime chanceux,mais redoute les consé-quences de la politique actuelle. « Moninquiétude ne porte pas sur l’honnêtetédes présidents d’université, précise-t-il.Mais à terme, avec les coupes budgétaires,ils seront assez mécaniquement obligésd’augmenter les charges d’enseignementsurtout si on ne veut pas trop augmenterles frais d’inscription. Le risque, c’est d’avoirune université plus onéreuse pour lesélèves,et demoindrequalité avecdesprofssurchargés et moins dévoués à la

recherche et donc au renouveau de leurscours. »Les conditions de travail pourraient doncencore sedégrader.Elles sont pourtant loind’être idylliques à l’heure actuelle : beau-coup d’universités ne disposent pas delaboratoires, de nombreux professeurs nebénéficient même pas d’un bureau. Maisau-delà, c’est l’intérêt premier du métierd’enseignant-chercheur qui pourrait êtreremis en cause. « Contrairement à ce qui aété affirmé ces dernières semaines, il n’y apas de chercheurs payés à ne rien faire.Nous travaillons beaucoup, avec un degréde spécialisation tel qu’il n’existe pas depossibilité d’interchangeabilité », s’em-porte Annie Lacroix-Riz, professeure d’his-toire contemporaine à Paris VII. Les étu-diants savent bien ce que ce décret, aprèsla loi LRU, signifie pour eux. Leurs revendi-cations pour améliorer leurs conditions de

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vie et d’études ne sont pas entendues parla ministre. Mais voilà que ceux qui seconsacrent à les former sont à leur tourattaqués. Pour Jean-Baptiste Prévost, pré-sident de l’Unef, le constat est amer : « Lesétudiants dénoncent la dégradation deleurs conditions d’encadrement et d’ensei-gnement à l’université que le décret vaamplifier. Il va affaiblir l’adossement decertains enseignements à la recherche, etles rendre beaucoup moins disponiblespour accomplir des missions nécessairescomme le tutorat, le suivi personnalisé,l’aide à l’insertion… Toutes ces missionsessentielles pour lutter contre l’échec nepourront plus être assumées par desenseignants auxquels on demande tou-jours plus. On risque d’arriver encore à uncreusement des inégalités entre les uni-versités et entre les différentes filières. »

FannyCostes

Rémy Mosseri, président du conseil scientifiquedu département maths, physique, planète etunivers du CNRS (Centre national de recherchescientifique), explique ce que cache la volontédu gouvernement de réorganiser cet organisme.

« Le gouvernement prétend améliorer lefonctionnement du CNRS en remplaçant lastructuration en départements par une structurationen instituts. Nous y voyons la première étape d'uneentreprise de démantèlement du CNRS (uneperspective ancienne pour une partie de la famillepolitique au pouvoir). Car cela se traduit en parallèlepar la volonté affirmée de sortir du CNRS deux deses disciplines, la biologie et l'informatique, enles « confiant » à deux autres organismes, l'INSERM,et l'INRIA. Nous avons mené une très largeconsultation auprès de l'ensemble des communautésscientifiques, et le résultat est très clair : la volontélargement partagée de maintenir le caractèrepluridisciplinaire du CNRS.La manœuvre est assez simple, vous ôtez parexemple à cet organisme la biologie, et voustrouvez ensuite peu de raisons de conserverensemble les sciences dites "dures" d'un côté et lessciences humaines ou sociales de l'autre. Etpourtant, tout le monde s'accorde sur le fait queseuls des échanges féconds entre disciplinesdiverses permettront de relever les grands défisnationaux et planétaires complexes du XXIème siècle.Au passage, le gouvernement fait preuve d'undirigisme que l'on n'avait pas vu depuis longtemps,sans même vouloir s'appesantir ici sur les proposrécents, insultants, du Président à l'égard despersonnels de la recherche. L'autre grave problèmedans la recherche aujourd'hui, c'est une tendance àla précarisation des métiers, qui touche bien sûr lesplus jeunes. Diminution des postes stables, contratsprécaires que l'on veut dans certains cas voirpoursuivis jusqu'à 40 ans, est-ce bien là la meilleurefaçon d'attirer les jeunes les plus brillants vers lesmétiers de la recherche, alors même que l'on affichecelle-ci comme une priorité nationale? » F. C.

CNRS, le risqued’un démantèlement

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L e problème ne date pasd’hier. Cinq ans déjà se sontécoulés depuis la lettreouverte que les chercheursexpatriés ont adressée à

Jacques Chirac, alors à la tête de l’État. Etforce est de constater que la situation nes’est pas arrangée.Chaque année,ce sontplus de 3 000 jeunes fraîchement diplô-més des universités françaises qui s’exi-lent pour aller exercer leurs talents auxÉtats-Unis, sans compter ceux attirés parle Japon et les pays émergents. Si bienqu’aujourd’hui 400 000 Européens tra-vaillent actuellement aux États-Unisdans le secteur de la recherche et du

développement ! Soit autant de talentsen moins au service du développementdu vieux continent.Cet exode est très pratiqué l’année sui-vant l’obtention du doctorat, commel’explique Olivier, chercheur post-docto-rant en physique, installé en Caroline duNord aux USA : « Il est fortementconseillé de partir à l’étranger un an oudeux après avoir soutenu sa thèse dedoctorat. Le problème après, c’est deréussir à rentrer. » Il sait bien de quoi ilparle car pour lui, l’expérience de deuxans s’est vite transformée en contratsrenouvelés d’année en année… Et celafait maintenant cinq ans qu’il vit aux

États-Unis. Ce n’est pasfaute d’avoir essayé de ren-trer, mais la situation de larecherche en France ne l’in-cite pas franchement à fran-chir à nouveau l’Atlantique.« Il ne faut pas dire que lesÉtats-Unis sont le paradisdes chercheurs, mais on estlargementmieux considérésqu’en France. Idéalement,j’aimerais rentrer au pays,mais j’ai presque fait unecroix dessus. Je ne candidatemême plus aux postes demaître de conférences enFrance. L’année dernière, j’aienvoyé une vingtaine dedossiers pour des postesauxquels mon profil corres-

Longtemps reconnue pour sa recherche et en première ligne des grandesavancées scientifiques, la France a aujourd’hui perdu de sa superbe.Coupes claires dans les financements,manque de reconnaissance desdiplômes délivrés par l’université,montée en puissance de la recherchedes pays émergents, autant de raisons pour lesquelles les jeuneschercheurs hexagonaux sont de plus en plus nombreux à s’expatrier.

La France amputée d

Un campus en Caroline du Nord.

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pondait parfaitement et personne n’apris la peine de m’informer que je n’étaispas retenu. Les chercheurs qui sont partiss’aguerrir sous d’autres cieux sont dés-avantagés par le système.» Ce « mépris »mêlé à un manque de moyens finit derebuter les plus courageux.

TabouUn gâchis scientifique mais égalementfinancier quand on sait que la formationd’un docteur est évaluée à environ130 000 euros (selon un rapport desdéputés socialistes Pierre Cohen et Jean-Yves Le Déaut). « La recherche estquelque chose qui coûte cher, il n’y a pasde secret, il faut de l’argent et ne pasavoir peur d’aller le prendre là où il est ».Pour Olivier, le partenariat public/privédans le financement des travaux ne doitdonc pas être tabou. « Seulement, pré-cise-t-il, il ne faut pas tomber dans le tra-vers américain où les chercheurs quisont mis en avant sont souvent ceux quiramènent le plus de financement privé àleur université. » Pour rassurer les der-niers sceptiques au sujet du partenariatpublic/privé, il insiste sur « l’éthique »des chercheurs : « Jamais un chercheurne se laissera dicter les résultats de sestravaux par une entreprise. »

Pavé dans la marreL’écart des salaires entre les deux paysest un autre élément révélateur decette « différence de considération ».Quand un maître de conférences peutdébuter en France avec un salaire de1 800 euros mensuels, il est dans lanorme au États-Unis de recevoir 6 500dollars (soit environ 5 000 euros) pourun travail équivalent. Un retour enarrière difficilement acceptable pour

quelqu’un qui a commencé sa carrièreavec un tel revenu.Personne ne doute de la pertinenced’une réforme en profondeur du sys-tème universitaire français. Échecsrecord dans le premier cycle etrecherche en difficulté sont les pro-blèmes les plus visibles auxquels sontconfrontées les universités fran-çaises. Pour autant tout n’est pas àjeter vu des États-Unis. « En France,on est moins dans la course à la publi-cation et à la recherche de finance-ment. On peut faire de la recherchede qualité et se lancer dans deschoses plus expérimentales, mais celapourrait être remis en cause. »Notamment par le décret Pécressequi cherche à réformer le statut desenseignants-chercheurs. « Aux États-Unis, il y a deux types d’universités,celles qui délivrent un enseignementde qualité jusqu’au Master, et d’au-tres plus orientées sur la recherche etsont spécialisées dans les 3ème cycles.Mais en France, nous sommes à uneautre échelle. On ne peut pas ainsiséparer les rôles. Il y a un véritablebesoin de concentration des moyenset des personnels. Pas sûr qu’il soitopportun de vouloir calquer à toutprix le modèle américain. » Le décretde modification du statut des ensei-gnants-chercheurs est pourtant unpremier pavé dans la mare. En déchar-geant de recherches les enseignantsles moins productifs dans cedomaine,Valérie Pécresse esquisse lescontours d’un clivage entre rechercheet enseignement. Et remet en causela pertinence de tout un système. Lescerveaux ne sont pas près de rentrer.

DamienRanger

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e de ses cerveaux

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Attention, espèce en voiede disparition. Les institutsuniversitaires de formationdesmaîtres (IUFM),déjàabsorbés par les universitésen 2007,devraient voir

encore leur rôle se réduire par la réformeenvisagée pour la rentrée 2010. Recruter lesenseignants à un niveau universitaire plus élevéqu'aujourd'hui, les faire entrer directementdans lemétier et supprimer l’année de stage,la formation des enseignants est gravementmenacée. Christian Valade, formateur à l'IUFMdeMidi-Pyrénées, à Toulouse,dénoncepoint par point cette réformemal ficelée.

Quelle est l'alternative ?Nous demandons une vraie formation pro-fessionnelle, comme en disposent les ingé-nieurs. Créons des facultés pédagogiques,des facultés d'enseignants comme il y a desfacultés de médecine. L'IUFM permet d'ap-prendre à transférer des savoirs scolairespour les appliquer devant les élèves. Il y ades techniques, ce n'est pas inné. La forma-tion peut ainsi s'effectuer en alternance :des cours et un mois de stage et non pascommeaujourd'hui des stages àmi-temps.

Qu'en est-il de la mastérisation ?Dans la réforme, le concours se passe enparallèle du Master 2 (deuxième annéede Master). Le risque est d'avoir des étu-diants davantage polarisés sur le pas-sage du concours que sur l'obtention deleur M2 qui ne leur donnera pas demétier. Il y a un danger à courir deux liè-vres à la fois. Or il faut les deux pour êtreenseignant.

Devenir prof devient une véritable coursed'obstacles...Il y a 5 barrières : rentrer en M2, avec 14 demoyenneminimumà sonmémoire deM1.Être admis au concours. Avoir le M2.Assumer jusqu'au Bac+6. Et enfin êtrevalidé par l'inspection. Jamais on nedemande autant à un ingénieur !

Dans ces conditions, peut-on craindreque les jeunes se détournent du métierd’enseignant, ce qui pourrait justifier desréductions de postes ?Où trouver des candidats pour satisfairetous ces critères ? Dans ma discipline

Quelle est la plus grosse erreur de laréforme ?Nicolas Sarkozy veut « mastériser » lediplôme d'enseignant en le confiant auxuniversités. Les savoirs universitaires selimitent au niveau de la licence.Enseigner est un métier qui s'apprend.Ce n'est pas parce que vous êtes un bonchercheur en maths que vous serez unbon prof de maths.

Dans la réforme, les stages ne seront plusobligatoires et non validés. Or onreproche aux IUFM leur manque de pra-tique.C'est l'incohérence du pouvoir. La réformeva compliquer davantage la situation. Uneformation avec un stage de six mois peutsatisfaire les professionnels de l'éducation,mais elle posera problème au systèmeuni-versitaire qui ne sait pas comment gérerune période de stage.

« Cette réforme nie qde professeur s

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technologique, je n'en ai pas. Certainspréféreront devenir ingénieur, peinard,plutôt qu'enseignant au Smic.

Mais on ne peut pas se passer deconcours...Nous proposons d'effectuer un pré-recru-tement en L3 (troisième année d’études).Les étudiants passeraient leur M1 tran-quillement. En M2, ils passeraient seule-ment les épreuves orales du concours.Nous ne sommes pas tous d'accord là-dessus mais donnons-nous au moins unan de réflexion plutôt que de foncer billeen tête dans le mur.

Pourquoi toujours attaquer les IUFMquand on souhaite réformer la formationd'enseignant ?Il faut toujours un bouc émissaire. Onconnaît mal les IUFM :85% des élèves quien sortent sont satisfaits. Les chefs d'éta-blissement aussi. Quand nous les avonscréés en 1991, nous savions que nousallions mettre en place une formation dequalité. La situation s'est dégradéedepuis deux ou trois ans, car on aamputé le temps de formation des étu-diants. Les IUFM ont toujours respectéles textes ministériels. Ces textes nedevaient donc pas être très bons.J'entends les critiques, mais le systèmequi va semettre en place sera encore pirecar en lâchant ainsi les étudiants dans lanature, on nie complètement que lemétier de professeur s'apprend.

Propos recueillis par Stéphanie Platat(plus d'infos sur la mobilisation surhttp://metier-prof.blogspot.com/)

– La diversité au coin. La formation des profs étantconsidérée comme trop coûteuse, il a été décidéqu'onnepaierait plus les stagiaires.Les fils d'ouvrierset d'agriculteurs qui n'étaient déjà pas très nom-breux à Bac + 5 (moins de 5 %), risquent de se faireencore plus rares dans la population enseignante.« D'où une fracture sociale de plus en plus forteentre les enseignants, issus d'un milieu cadre oupetit bourgeois, et leurs élèves », dénonce ChristianValade. Et aucune chance pour que les bourses vien-nent combler ce grave manque à gagner. De plus, lesalaire perçu par les stagiaires leur permettait decotiser deux années...– Chahut. La réforme promet de mettre un joyeuxdésordre dans l'Éducation nationale. L'agrégation sepasse à Bac+4. Un professeur certifié sera recruté àBac+5. Comment pourrait-il accepter d'être moinspayé avec un niveau d'études supérieur ?– Question subsidiaire.Quel candidat à l'électionprési-dentielle de 2007 promettait de supprimer les IUFM ?Jean-Marie Le Pen.Bonnet d’âneamplementmérité.

La réforme qui accumuleles mauvais points

e que le métierr s'apprend »

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Dossier � LA CRISE UNIVERSITAIRE

L’HEBDO DES SOCIALISTES � 14 FÉVRIER 2009

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L e Parti socialiste veut propo-ser un avenir à nos universi-tés, nos laboratoires publicset privés et ceux qui en fontpartie. Cet avenir doit être

construit collectivement, notamment autravers des batailles qui se mènentaujourd'hui. C'est pourquoi le Parti socia-liste a décidé d'initier une convention surl'enseignement supérieur et la recherche.Nous souhaitons organiser ce processuslargement ouvert en lien avec les autrespartis de gauche, et en interaction avectoutes les associations et syndicats quidepuis longtemps font des propositions.Quels seront les objectifs de cette

convention ? D'abord, redonner au savoirla place qui doit être la sienne dans unesociété moderne, ce qui suppose laliberté d'initiative scientifique des cher-cheurs et des institutions d'enseigne-ment supérieur et de recherche, dans lecadre des institutions nationales etlocales.Cette liberté est indispensable audéveloppement de la recherche : lesgrandes avancées naissent le plus sou-vent du hasard de recherches dont lesapplicationsnepouvaientmêmepasêtrepensées. Qui aurait imaginé que les pro-grèsde laphysiqueatomique,conduisantà lamise aupoint du laser comme instru-ment de laboratoire, conduiraient aux

Alors que le gouvernement fait la sourde oreille, le Parti socialiste est à l’écoutedes peurs et des revendications des chercheurs. Secrétaire national àla recherche et à l’enseignement supérieur, Bertrand Monthubert donneles grandes lignes des réponses socialistes au malaise universitaire.Des réponses qui se préciseront grâce à une réflexion collective, menée dans lecadre d’une convention sur l’enseignement supérieur et la recherche organiséeprochainement par le PS.

Les grandes orientations d

Bertrand Monthubert, secrétaire nationaldu PS à l’enseignement supérieur et àla recherche, était à Strasbourg,mercredi 4 février, aux côtés d’une centainede personnes venues manifester contrele décret modifiant le statut des enseignants-chercheurs.L’ancien président du collectif « Sauvonsla recherche » estime que le gouvernementdoit « suspendre les réformes en cours,rétablir les emplois scientifiques suppriméset ouvrir une véritable concertation ».

Sur le terrain, aux côtés des chercheurs

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développements technologiques que nousconnaissons ? Mais il s´agit aussi de scienceshumaines et sociales, qui façonnent notremanière de penser le monde qui nous entoure :quand Claude Lévi-Strauss partit au Brésil, pourenseigner à l´université de São Paulo, il ne savaitpas encore qu´il allait poser les fondements d´undes plus importants courants de pensée duXXème siècle.

Garantir l’indépendanceSimultanément, il faudra redéfinir l'action del'État en faveur de la recherche privée, et amé-liorer la prise en compte de la diversité desattentes de la société (santé, environnement,villes...) et mettre en place un débat perma-nent entre scientifiques et citoyens. Il faudraformer les structures qui permettent ceséchanges, éviter le dirigisme étatique que nousconnaissons, mais aussi respecter l´autonomiedes chercheurs, nécessaire pour que leurs tra-vaux soient exempts de toute suspicion dedépendance à l´égard d´intérêts particuliers,qu’ils soient économiques ou idéologiques.Ensuite, il faudra favoriser la coopération entreles établissements de recherche et d’enseigne-ment supérieur, entre leurs personnels, etréduire la bureaucratie dont ils souffrent deplus en plus. Une question brûlante est celle del´aménagement du territoire en matièred´enseignement supérieur. Le gouvernementactuel abandonne la plupart des universités,leur donnant pour seul avenir de former lesétudiants de licence. Nous devons, à l´inverse,proposer, par la redéfinition des Pôles deRecherche et d´Enseignement Supérieur, lafaçon d´articuler les formations et les labora-toires à l´échelle d´un territoire, et fournir desmoyens à la mobilité des étudiants. Ce cadrepermettra d´envisager une convergence desformations supérieures garante de leurs spéci-ficités et richesses, mais qui refuse de faire des

universités une voie de relégation. Cela passerapar une élévation de la dépense par étudiant àl´université afin d´offrir dans ces dernières laqualité d´encadrement pédagogique etd´accueil que les étudiants méritent. Autreobjectif : élever le niveau de formation, engarantissant le cadre national des diplômes, etfaciliter l'accès à ceux-ci pour les étudiants endifficulté sociale.Depuis plusieurs années nousvivons une baisse de l´accès aux études supé-rieures, alors même que l´objectif affiché dugouvernement est de porter à 50 % d´uneclasse d´âge le nombre d´étudiants au niveaude la licence.

Réflexion collectiveEnfin, il faudra offrir aux personnels les statutsqui permettent à la fois qu'ils donnent le meil-leur d'eux-mêmes, et qu'ils attirent la jeunegénération, ce qui passe par la réduction dras-tique de la précarité. La montée en puissancede l´Agence Nationale de la Recherche, depuissa création en 2005, s´est accompagnée de lacréation de plus de 6 000 CDD, sans aucuneréflexion sur l´avenir des jeunes chercheurs quise sont investis dans ces emplois.Depuis les États généraux de la recherche de2004, les tentatives pour lancer une nouvelleétape de réflexion ont échoué. Et pour cause : legouvernement s'est moqué de ceux qui avaientconduit ce travail, en prenant le contre-pied deleurs propositions. Dès lors, à quoi bon s'user ànouveau s'il n'y a pas de débouché politique ?C'est ce que le Parti socialiste veut offriraujourd'hui :undébouchéà la réflexion collective,qui se traduira par une action au niveau des par-lements européen et français, et des collectivitésterritoriales qu'il dirige avec ses partenaires. Et unprogramme ambitieux pour la recherche et lesuniversités, dans la perspective des prochainesélections qui devront conduire au pouvoir uneéquipe tournée vers notre avenir collectif.

s du Parti socialiste

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Territoires � APRÈS LA TEMPÊTE KLAUS

L’HEBDO DES SOCIALISTES � 14 FÉVRIER 2009

Le Sud-ouest traverse une ter-rible épreuve. Quels enseigne-ments tirez-vous du passagede la tempête Klaus ?Nous avons constaté un phé-nomène auquel nous n’étionspas préparés : la défaillancede tous les systèmes de com-munication. Impossible desavoir, depuis la préfecture, cequi se passait dans le dépar-tement. Sans compter qu’aucours des dernières années,Électricité réseau distributionFrance (ERDF) a supprimé sescentres locaux, au profit decentres de ressources natio-naux, voire européens. Ce quipose un problème logistique,

dans la mesure où il nous afallu loger à la hâte 2 500 per-sonnes qui ne savaient pas oùaller et ne connaissaient rienà l’architecture des lignes ! Deson côté, France Télécom adépêché des partenaires pri-vés qui ont tardé à s’organi-ser. Tout cela a mis trois joursà prendre forme… J’ai vu ainsiune équipe anglaise rester48 heures sans bouger, fautede directives.

C’est une différence de tailleavec les évènements survenusen 1999 ?Oui. À l’époque, les fourgonsbleus d’EDF ont rallié les lieux

deux heures seulement aprèsla catastrophe. Cette fois-ci,les premiers secours ontdébarqué 72 heures aprèsl’annonce de la tempête. Cequi a eu le don d’énerver lessinistrés. Ceux-là même quiont entendu à la radio, de labouche du chef de l’État, quetout allait pour lemieux, alorsqu’ils se retrouvaient plongésdans le noir. Le système D n’ena pas moins fonctionné : lespompiers se sont rapidementrendus sur place, tandis queplusieurs retraités d’EDF ontété appelés à la rescoussepour diriger les équipesmobi-lisées pour l’occasion.

La situation est d’autant pluscritique que les collectivitéssont déjà durement éprou-vées par la crise ?Oui et j’ai d’ailleurs demandéau Premier ministre de cesserde détricoter le maillage terri-torial. Je suis convaincu, eneffet, de la nécessité de revoirles effectifs à la baisse dansles centres de ressourcesnationaux, pour les augmen-ter sur le terrain. Ce qui occa-sionnerait un coût bienmoins

Les prochaines semaines promettent d’être agitées dans les Landes.Avec plusieurs priorités à la clé : indemniser au plus vite les populations

touchées par la tempête et régler le problème économique et environne-mental qui se présente aux autorités départementales. « Le massif aquitainest le domaine forestier le plus important de l’Europe de l’Ouest, préciseHenri Emmanuelli. Avec 50 millions de mètres cubes de bois au sol et 300000 hectares ravagés, le gouvernement doit prendre la mesure de la catas-trophe économique et environnementale à laquelle nous sommes confron-tés. 35 000 personnes travaillent aujourd’hui sur la filière du bois enAquitaine Après le précédent de 1999, l’urgence est donc au versementd’une indemnisation et des assurances pour l’avenir. » La balle est désor-mais dans le camp du Premier ministre. B.T.

Urgences

Deux semaines après la tempête Klaus qui a dévasté leSud-ouest, provoquant la mort d’une dizaine de personneset détruisant une grande partie du patrimoine sylvicole,Henri Emmanuelli, président du Conseil général desLandes, mesure les conséquences de cette catastrophenaturelle et dénonce la légèreté du gouvernement. H

ette

« Le gouvernement semoque du monde ! »

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EN BREF � nos élus

élevé pour la collectivité quela mobilisation de personnelsissus des quatre coins del’Europe.

Comment entendez-vous fairepression sur le gouvernementpour l’inciter à agir ?J’ai interpellé François Fillon àl’Assemblée nationale au sujetdes efforts à produire en faveurdes populations sinistrées etdes dégâts agricoles et fores-tiers causés par la tempête quel’on évalue aujourd’hui à plusde 1,5 milliard d’euros. Il n’a pasdaignéme répondre.Sur ses conseils, Jean-LouisBorloo n’a parlé que du fondsde chauffage et des nouvellesénergies ! Ou bien le gouver-nement est victime de sa pro-pre communication, ou bien ilsemoque dumonde. La popu-lation et les acteurs écono-miques concernés apprécie-ront à sa juste valeur la légè-reté, l’inadéquation ou lecynisme – je ne sais au juste –de la réponse !

Propos recueillis parBruno Tranchant

Collèges high-tech dans l’Oise

De nombreux élus en ont rêvé, le Conseil général del’Oise l’a fait ! Le 13 décembre dernier, Yves Rome,

patron de l’exécutif départemental, inaugurait le collègeGeorges Charpak de Goussainville, premier établissementscolaire français entièrement équipé en high-tech.Tableaux blancs interactifs, stylets, interfaces numé-riques de travail, espace multimédia en libre accès équipéd’une trentaine d’ordinateurs, bornes wi-fi, mallette expé-rimentale pour l’apprentissage de langues… Tout a étépensé pour permettre aux élèves issus des quartiersdéfavorisés d’accéder à des pratiques pédagogiquesinnovantes. Le tout pour un montant de 11 millions d’eu-ros alloués à la construction du bâtiment, entièrement àla charge du Conseil général.Cette initiative se conjugue à la volonté de l’Assembléedépartementale d’équiper chaque collégien d’un ordina-teur portable et de soixante logiciels éducatifs à domicile.Baptisée Ordi60, elle s’est fixé pour objectif de luttercontre la fracture numérique et de favoriser l’égalité deschances. Réunis en commission permanente, le 26 janvier,les élus ont d’ailleurs validé la diffusion, pour chaque col-légien et ses proches, d’un document contractuel fixantles règles d’usage et de mise à disposition du matériel :cette convention devra être signée conjointement par lesparents, l’élève et le président du Conseil général. Coût del’opération : 28 millions d’€ pour les trois premièresannées, dont 11 millions d’€ pour 2009, et 5 millions d’€, à

compter de 2011,alloués à l’équipementdes élèves entrant enSixième. Soit, 466 €par personne, incluantun ordinateur, unesacoche, une clé USBet l’assurance. Dansle commerce, le mêmeoutil coûte 836 €, pouratteindre 1 350 € unefois équipé des logi-ciels et autres mises àjour.

B.T.

La preuvepar l’exemple

Yves Rome,président duConseil généralde l’Oise.

Henri Emmanuelli survole les Landeset constate les ravages causés par latempête.

À Goussainville, le collège Georges Charpak estle premier établissement entièrement équipéhigh-tech.

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Territoires � EN BREF

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Ile-de-France72 collectivitésadhèrent à ParisMétropole

Les élus de la Conférencemétropolitaine ont acté

l’adhésion des 72 premières col-lectivités et EPCI au syndicatd’études mixte ouvert ParisMétropole. Les statuts serontdéposés dans les prochains joursauprès du Préfet. Objectif : pour-suivre le dialogue engagé depuis2006, autour d’une dynamiquede projet englobant tous lesniveaux de collectivités de larégion francilienne.La réduction des inégalités et ledéveloppement économiquedurable sont au cœur des préoc-cupations de ce syndicat dont leschamps d’études s’étendrontprioritairement sur l’aménage-

ment, l’environnement, le déve-loppement économique et l’em-ploi, le logement, la mobilité etles déplacements, la formation,l’enseignement supérieur et larecherche, le développementculturel.

ÉtudeCoûteuse réforme

Avis au gouvernement tentépar une réforme. Selon une

étudedu cabinet KPMG,la fusiondes départements et des régions« produira des gains financiersfaibles à court terme,peu signifi-catifs à long terme ». Cette opé-ration pourrait même se traduirepardes coûts réels et peuproduc-tifs, révèle cette étude dont lesconclusions ont été remises àl’Assemblée des départementsde France (ADF).

Plan de relanceMichel Destot veutassocier les élus

Réaction de Michel Destotaprès la présentation, par

Martine Aubry, du contre-plande relance contre la crise : cedocument « propose un planmassif à effets immédiats, doncà l'efficacitémieux garantie ». Ilmet en action le « double levierdu soutien à l'investissementet au pouvoir d'achat. Avecdeux fois plus de chances d'en-rayer la crise et de porter lesvaleurs de solidarité socialeque nous défendons ». Et lePrésident de l'Association desmaires de grandes villes deFrance (AMGVF) d’insister surla nécessité « d'articuler ce dis-positif national en tenantcompte des nécessaires initia-tives européennes et des poli-tiques conduites par les élus ».Le député-maire de Grenobleconclut : « En misant sur unpacte de relance à mener avecles collectivités locales, notreplan intègre cette dimension, àl'inverse du gouvernementdont la liste des 1 000 projets aété établie sans concertationavec les élus. »

Bruno Tranchant

DécentralisationLes solutions dePierreMauroy

Le moment est venud’anoblir les commu-

nautés urbaines ». Principalartisan des lois de décen-tralisation et vice-présidentde la commission Balladursur la simplification des col-lectivités, Pierre Mauroyentend profiter de cetteoccasion pour donner àces instances un statut decollectivité de plein exercice. Son souhait : faire élire lesconseillers communautaires, en mentionnant sur les listes lesnoms des élus qui aspirent à siéger au sein de la communautéurbaine. « Avec nos 36 000 communes, la solution originale,c’est un niveau à deux étages, la commune et l’intercommu-nalité, fait-il valoir. Celle-ci doit se structurer dans le respectdes communes. Je n’ai jamais eu le moindre désir de rayer lescommunes de la carte !

«

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Le plan de relancesocialiste voit vert

R épondre au défi écolo-gique, c’est enclencherdes leviers de crois-

sance innovants. Le plan derelance présenté par MartineAubry tient compte de l’ur-gence climatique, en met-tant l’accent sur une meil-leure maîtrise de notreconsommation énergétique.Il prévoit, en particulier,l’adoption d’une tarificationincitative de l’eau, de l’électri-cité et du gaz, la création de100 000 emplois pris encharge à 75 % par l’État dansle secteur non marchand etorientés vers la protection del’environnement, l’améliora-tion de l’efficacité énergé-tique des logements, le lan-cement d’un plan d’investis-sement massif dans la pro-duction d’énergie renouvela-ble, ou bien encore un plande relance de la filière auto-mobile, enmettant enœuvredes stratégies spécifiques enmatière d’innovation vers lestechnologies propres. Ce quidémontre bien que les pro-positions socialistes s’inscri-vent pleinement dans laréponse au défi écologique.

Le choc descivilisationsen question

Q uelques jours seule-ment après l'investi-ture du nouveau prési-

dent américain, Laurent PalouLacoste se livre à une analysecritique de la théorie du « choc

des civili-sations ».Ce para-d i g m e ,explique-t-il, estune idéo-logie post-marxiste

visant à expliquer l’état dumonde et de nos sociétés pardes facteurs historico-cultu-rels. L’auteur s’efforce,en parti-culier, de traiter du cas de l’is-lam pour illustrer la com-plexité des phénomènes encause dans la diabolisation decette religion, en éclairant ledébat politique, en France eten Europe, autour du commu-nautarisme. Au-delà desambiguïtés que soulève le reli-gieux, la laïcité reste encore lemoyen le plus sûr de combat-tre toutes formes de secta-rismes.Laurent Palou Lacoste, Le chocdes civilisations. Fantasme ouréalité ?, Les Essais de laFondation Jean-Jaurès, 2008,49 pages.

OURS bleu horizon

A vec la mort du dernierpoilu, en mars 2008, adisparu l’ultime témoin

de la Grande Guerre, laissantdésormais le soin aux histo-riens d’expliquer ce que futl’une des périodes les plussombres de notre histoire.Dans sa dernière mouture,l’OURS consacre ses meilleurespages à cemoment si difficile,en passant au peigne fin lesdernières publications sur le

sujet. On y lira, en particulier,plusieurs analyses critiquessur les champs de représenta-tion du conflit qui permettentde sortir des analyses tradi-tionnelles de l’histoire poli-tique, diplomatique et mili-taire. Ou bien encore la placedes jésuites, situés à la croiséedes chemins entre l’attache-ment à leur patrie et l’obéis-sance au Pape. À lire aussi unéclairage particulièrementriche sur ces carnets du frontqui saisissent le conflit « àhauteur d’homme ».En marge du dossier, on sereportera à une lecture per-tinente de la crise qui asuivi, en 1920, le congrès deTours marqué par la scissionentre communisme et socia-lisme. Lequel devait s’enga-ger ensuite sur le chemin dela social-démocratie.L’OURS, n° 384, janvier 2009,3,10 euros. Renseignements :12, cité Malesherbes, 75009Paris.Tél. 01 45 55 08 60

Bruno Tranchant

VIE DU PARTI � secteurs

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L’HEBDO DES SOCIALISTES � 14 FÉVRIER 2009

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Le système éducatif fran-çais a connu d’importantesévolutions au fil du temps,grâce à l’intervention de lagauche et des socialistesqui y ont toujours vu uninvestissement pour l’ave-nir. Attachés aux principesde gratuité et de laïcité, ilsont trouvé là unmoyen decombattre les inégalités.L’analyse d’AlainBergounioux,historien etconseiller aux relationsavec les fondations et auxrevues.

Quand les socialistes ont-ilsévoqué, pour la première fois,le principe d’une école gra-tuite, laïque et obligatoire ?L’idée émerge autour de 1840.Elle est portée par la gaucherépublicaine, sous le SecondEmpire et le début de laTroisième République, au tra-vers des lois Ferry sur l’écoleprimaire, votées en 1881-1882.Les socialistes n’ont pas d’ori-ginalité particulière en lamatière, même si Jaurèsconsacre de nombreux articlesà l’éducation dans la Revuepédagogique.La vraie bataille oppose lesdéfenseurs de la laïcité auxtenants de l’enseignementcatholique, autour de l’accep-tation ou non des valeursrépublicaines. Les socialistesse retrouvent très vite auxavant-postes pour limiter l’im-pact des congrégations. Maisleur influence véritable ne se

fera ressentir qu’à partir del’entre-deux guerres.

Quel est le contenu des loisFerry ?Ces lois arrivent après ladéfaite de 1870, elles ont l’am-bition d’inculquer aux jeunesune éducation patriotique,

républicaine et laïque, en favo-risant l’ascension sociale desplus méritants par le rôle desÉcoles primaires supérieures.La dualité public/privé restecependant très présente dansles esprits et l’idée d’unedémocratisation de l’éducationne prend effet qu’à l’issue de la

Histoire � ENSEIGNEMENT

Éducation : les leçons socialistes

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Première Guerre mondiale.C’est alors que surgit le thèmede la nécessaire unification desécoles.

Au fond, l’éducation n’est-ellepas une affaire de gauche trai-tée par desministres radicaux ?Sans doute. Mais, après leconflit de 1914-1918, les socia-listes se penchent sérieuse-ment sur la « nationalisation »du système, gérée conjointe-ment par les enseignants, leursreprésentants et les usagers.En 1924, le Cartel des Gaucheséchoue dans sa volonté d’har-moniser le système scolairefrançais avec celui de l’Alsace-Lorraine. Le Front populairefranchit une nouvelle étapepour la démocratisation sousl’égide de Jean Zay quimet l’ac-cent sur l’allongement dutemps scolaire. Avec lui, lessocialistes prônent une visionrépublicaine de l’éducation.Ces propositions feront contre-poids aux contestataires issusdu syndicalisme révolution-naire qui se retrouvent dans leCGTU communiste. Le projetde nationalisation est enmarche. Il transparaîtra dans leprogramme du Parti socialistedes années 70, au travers d’ungrand service public, laïc et uni-fié de l’Éducation nationale.

Au lendemain de la SecondeGuerre mondiale, le planLangevin-Wallon devient untexte de référence…Élaboré en 1946-1947 par unecommissionministérielle prési-dée par Paul Langevin, puis,Henri Wallon, ce dispositif

porte en germe une visioncomplète de la démocratisa-tion du système scolaire,défen-due par la gauche. Il prévoit unenseignement gratuit et obli-gatoire jusqu’à l’âge de 18 anset définit des conditionsd’orga-nisation idéales : 25 élèves toutau plus par classe, respect desrythmes biologiques, revalori-sation du travail manuel, accèsde tous à la culture. Il poseenfin le principe d’une éduca-tion populaire, accessible toutau long de la vie. Il servira deréférence à la gauche, jusquedans les années 60.

Suite aux mouvements deMai 68, l’université se réformeavec plus d’autonomie pourles étudiants. Dans le secon-daire, la pédagogie évoluevers une attention plusgrande portée à l’élève. Quelrôle les socialistes jouent-ilsdans cette évolution ?Ils commencent à se référer àleur propre vision de l’éduca-tion, et nonplus à celle des syn-dicats. Cette volonté prendforme au travers d’un plan pré-senté par LouisMexandeau quiinspire les propositions socia-listes pour la présidentielle de1981 et les échéances suivantes.Avec l’ambition, sans cesseréaffirmée depuis, de renouve-ler lesméthodes pédagogiqueset de décloisonner les disci-plines, en prenant en compte lamassification de l’enseigne-ment et sa nécessaire diversifi-cation. Les débats n’ont pascessé depuis.

Propos recueillispar Bruno Tranchant

Équilibres nouveauxEn mettant l’élève au centre dusystème, la loi d’orientation surl’éducation du 10 juillet 1989,dite aussi loi Jospin, est le fruitdes évolutions passées. Avantl’adoption de ce texte, AlainSavary avait tenté d’innover encréant les zones d’éducationprioritaires (ZEP), dont l’objectifétait de lutter contre les ségréga-tions et de renforcer la démocra-tisation du système. Ce dispositifest le fidèle reflet du systèmeéducatif. « À travers lui, lessocialistes s’efforcent de revalo-riser la condition enseignante etde favoriser la diversification,sans pour autant mettre en périll’unité nationale », résume AlainBergounioux.Depuis, les grandes questions édu-catives n’ont pas été véritablementrésolues. Ce, malgré la création,par Jean-Pierre Chevènement,d’une filière professionnelle, et lamise en place, par Jean-LucMélenchon, du Lycée des métiers.« L’évolution est réelle, mais desinégalités subsistent au niveaude la petite enfance, du collège etde la nécessaire adaptation dulycée à l’enseignement supérieur,poursuit l’historien. On ne peut secontenter d’une vision simplistedu problème. Il nous faut trouverdes équilibres nouveaux entre lavolonté de conserver un systèmeunifié, de le diversifier et de luttercontre les inégalités sociales ».

B.T.

En SaVOIr PLUSs

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Culture � À VOIR, À LIRE, À ENTENDRE

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Quêted'idéalaughetto

A bidjan, Côte d'Ivoire.Dans les bidonvilles,deux«frères»,Toussaint

et Nixon, veulent en finiravec la misère. Ils rêventd’Occident, idéalisent la vied’Européens ou d’Américainsqui ne sont pas contraints auvol pour manger. Et il y a latentation de l’argent facile, lebesoin de se construire uneidentité guerrière pour resterfier malgré la misère. C'estl'entrée dans le ghetto, le

« Bronx ». L'immersion dans une violence qu'Eliane de Latour necherche pas à masquer, sans pour autant en faire l'apologie. Unpeu à la manière d'un documentaire, cette cinéaste anthropo-logue a voulu zoomer sur ces « ghettomen » : « Je voulais réaliserun film avec des racines, pas une imitation du réel, aller dans l'en-vers des choses, vers ce qui le fait naître. » Offrant une autrevision de l'Afrique, Bronx Barbès est une réussite, mais attention,images choc ! F.C.

Bronx Barbès, un film d'Eliane de Latour, 1h50, DVD Arte editions.

DVDObama, l’histoired’un destin

Niels Planel est partiaux États-Unis, en2007, pour découvrir

un candidat démocratealors peu connu. Un an plustard, Barack Obama est éluprésident des États-Unis.L’auteur montre comment

FILMSLa face cachée desessais nucléairesfrançais

Reggane, 13 février 1960. LaFrance lance officielle-ment sa campagne d’es-

sais nucléaires dans le Sahara.Gerboise bleue retrace l’histoiredes vétérans français et desTouaregs algériens victimes destirs dans la région, six annéesdurant. Récits poignants etpudiques de survivants qui lut-tent depuis lors pour la recon-

naissance de leurs maladies.Ils sont plus de 30 000 à avoirsubi les conséquences, souventlourdes, d’irradiations, entre1960 et 1978.Djamel Ouahab, jeune cinéastefranco-algérien, est allé à leurrencontre, au prix de révélationsqui ne font que confirmer lemépris des gouvernants del’époqueà l’égarddesnormes lesplus élémentaires de sécurité.Un film choc qui révèle l’impéri-tie des autorités françaises quiont longtempsdécliné toute res-

ponsabilité dans cette périodesombredenotrehistoire. B.T.

Gerboise bleue, un film de DjamelOuahab, 1h30. Sortie : le 11 février

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À VOIR, À LIRE, À ENTENDRE � Culture

ce jeune avocat devenu séna-teur de l’Illinois, s’est imposéau sein de son propre parti,avant de convaincre l’opinionde la nécessité de concilierjustice sociale et respectindividuel.Au-delà du témoignage,Niels Planel ne fait pas mys-tère de la fascination qu’aexercée sur tout un pays cetAfro-américain dont le cos-mopolitisme, la fraîcheur etla jeunesse tranchent singu-lièrement avec l’arrogancede l’administration Bush.Un ouvrage essentiel pourcomprendre l’ascension spec-taculaire d’un homme qui,parti de peu, s’est immiscéau sommet de la pyramide,avec la conviction qu’il estpossible de changer lemonde en modifiant leregard qu’on lui porte. Restepour lui à relever les défis

que l’auteur décrypte et ana-lyse dans le détail. B.T.

Niels Planel, Sur les pas d’Obama.Le renouveau de la gauche améri-caine, Hachette Littératures, 2009,234 pages, 18 euros

Éloged’une ville-monde

Orhan Pamuk évoque à lafois sa vie, sa ville, safamille et son pays. Avec

ce livre, il dit sa chance d’êtrené dans une cité multisé-culaire fasci-nante, et samalchance,réelle pourle citoyen,moins évi-dente pourl ’éc r i va in ,d’avoir étéle témoin

d’une période difficile pour laTurquie.L’auteur a subi les dictaturesmili-taires, il avu lanégationdugéno-cide des Arméniens maintenueen dogme…Mais il a toujours suprendre ses distances en se culti-vant, en s’ouvrant au mondeextérieur sans renier son pays.Illustré de magnifiques photos,hélas mal reproduites en« Folio », Istanbul montre uneville qui a crû trop vite, à la fron-tière de l’Asie et de l’Europe,décrit une ville-monde, dans sesdimensions temporelles aussibien que spatiales. Et quel écri-vain, celuiquiagardéen lui cettemémoire de sa ville.À croire qu’ila su très tôt qu’il écrirait sur lesblessures du réel ! J.G.

Orhan Pamuk, Istanbul, traduit duturc par Savas Demirel, Valérie Gay-Aksoy et Jean-François Pérouse,« Folio », Gallimard, 550 pages.

LIVRES

Le prix de la liberté

Une famille prête à toutpour la liberté fuit l’Iran.Loin de la dictature reli-

gieuse, elle s’autorise l’espoird’une vie meilleure, faite deplaisirs simples. Mais elle doitd'abord passer par laTurquie etattendre un hypothétique visaqui tarde à venir. Pour tous lespersonnages, sauvegarder leurdignité et leur identité est unmot d’ordre, quel qu’en soit leprix. Pour un instant la liberté

est un film bouleversant. Quisommes-nous pour décider dusort d’hommes et de femmesen souffrance ? Des hommeset des femmes qui attendentdésespérément de gagnerl'Europe, terre de libertés... Àtravers leurs yeux et pourouvrir les nôtres, Arash T. Riahinous invite à une véritablequête de vérité. C.C.

Pour un instant la liberté, Un filmfranco-autrichien d’Arash T. Riahi,1h50. Sortie le 28 janvier 2009

Pages réalisées par Chloé Costes, Fanny Costes, Jacques Goulet et Bruno Tranchant

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Portrait � LIONEL POURTAU

L’HEBDO DES SOCIALISTES ■ 14 FÉVRIER 2009

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La sociologie est un sport de combat.Tel était le titre du film consacré àPierre Bourdieu. C’est aussi la vie de

Lionel Pourtau. À 35 ans, il est chercheuren sociologie. Sur le CV, ça pose sonhomme, sur la feuille de paie nettementmoins. Il travaille à l'InstitutGustave Roussy à Villejuif, insti-tut de recherche en Scienceshumaines et sociales et s'inté-resse aux conséquences socialesdu cancer. Il est le numéro 2 del'unité sur un sujet qui futgrande cause nationale et pour-tant… « Je suis en CDD. Je gagne2200 euros par mois, plus la demi carte orange. »Les autres docteurs de l'Institut perçoivent auxalentours de 1 900 euros par mois. « C'estl'amour du sport qui les fait rester. »Lionel Pourtau s'est vite rendu compte que larecherche ne permettait pas de faire fortune. Il adonc créé en 2004, avec 3 collègues, Eranos, unesociété de conseil qui réalise des études pour lesentreprises. « Le système est tellement absurdeque nous sommes obligés d'aller cachetonnerailleurs,de brouiller unpeunotre imagede cher-cheur pour nous débrouiller. C'est typiquementle travailler plus pour gagner plus. » Jusqu’à30 ans, Lionel Pourtau est thésard à 600 eurospar mois, sans aucune bourse. Il enchaîne lesjobs. Notamment serveur sur le plateau del’émission Y'a pas photo sur TF1. « L’un des pré-sentateurs était venu avec son fils qui avait eu

une mauvaise note à l'école. Il lui a ditque s'il ne travaillait pas bien,il deviendrait comme lemonsieur,enmemontrant du doigt. J'ai hésité àlui envoyer le plateau sur la tête. »Les 1 700 euros mensuels de son poste

d'attaché temporaire d'ensei-gnement et de recherche luipermettent de quitter son 11m²pour un appartement en colo-cation. « Les cinq premièresannées, c'était drôle, mais à28-29 ans, quand on est censéavoir réussi, et avoir tous lesbons diplômes avec toutes les

bonnes mentions, ça l'est moins. » Il ne s'en estfinalement pas simal sorti.Mais son expériencele force à plaider pour une professionnalisationdu cursus de sociologie. Il prend l'exemple d'unthésard qui, ne trouvant pas de poste, a passé leconcours administratif de catégorie B, soitniveau Bac, pour devenir inspecteur du travail.« Il faut arrêter avec le gaspillage de ressourceshumaines et financières. Même si c'est assezmal vu, il faut préparer les étudiants à rentrerdans le monde professionnel puisque tous nepourront pas faire de la sociologie à l'universitéet que la France précarise ses chercheurs. »Chaque année, une trentaine de postes sontouverts à la Fac, 4 le sont au CNRS, alors que40 000 jeunes s'inscrivent en psychologie et35 000 en sociologie.

Stéphanie Platat

Fondamentalement chercheur

Nous sommesobligés d'aller

cachetonner ailleurs,de brouiller notre image

de chercheur !

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