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Helicobacter Pylori

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Helicobacter pyloriS NahonP SeksikP Lahmek Résumé. – Depuis la première conférence de consensus française de 1995 sur Helicobacter pylori, le nombre

de publications sur ce thème n’a pas diminué. Preuve, d’une part qu’à cette époque nombre de questionsétaient encore sans réponse, d’autre part de l’importance des résultats des dernières études scientifiques.D’où, 4 ans plus tard, le souhait et la nécessité pour la communauté scientifique française d’exprimer denouvelles recommandations. Le but de ce travail est, comme pour le précédent, de faire le point sur lesprincipales connaissances acquises sur Helicobacter pylori depuis 1995, ce dont a rendu compte la révision1999 de la conférence de consensus initiale. Les questions concernant le diagnostic et le traitement del’infection par Helicobacter pylori, la prise en charge de la maladie ulcéreuse gastroduodénale ont étéactualisées. Le rôle de Helicobacter pylori en cas de reflux gastro-œsophagien, de dyspepsie et au cours destraitements par anti-inflammatoires non stéroïdiens ont fait l’objet de questions spécifiques.© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Helicobacter pylori, conférence de consensus.

Introduction

Depuis la dernière conférence de consensus de 1995, Helicobacterpylori (H. pylori) continue de susciter un intérêt soutenu. En effet,des progrès, tant sur le plan génétique, physiopathologiquequ’épidémiologique, ont permis de mieux comprendre l’infection àH. pylori. Par ailleurs, l’objectif d’un taux d’éradication d’environ90 % de l’infection à H. pylori est loin d’être atteint en France,nécessitant une meilleure appréhension du traitement. Cet article sepropose d’actualiser ces données récentes, notamment cellesdéveloppées lors de la révision 1999 de la conférence de 1995.

Aspects bactériologiques et génétiquesde Helicobacter pylori

BACTÉRIOLOGIE ET ÉCOLOGIE

H. pylori est une bactérie spiralée, mobile, de 3 à 4 µm de long, àGram négatif, microaérophile, produisant une uréase cruciale poursa survie à pH acide et pour sa capacité à coloniser l’environnementgastrique. H. pylori peut adhérer aux cellules épithéliales, mais estrarement observé en position intracellulaire. Cette bactérie estprésente chez la moitié de la population mondiale, sa séroprévalencediminuant dans les pays développés en raison de l’amélioration desconditions de vie. Plusieurs études épidémiologiques suggèrent uneacquisition de l’infection dans les premières années de la vie [20]. Lavoie de transmission de H. pylori reste mal connue, l’hypothèsed’une transmission gastro-orale étant la plus vraisemblable, leliquide gastrique étant la seule source de contamination connue.

Stéphane Nahon : Assistant spécialiste en hépatogastroentérologie.Philippe Seksik : Interne en hépatogastroentérologie.Pierre Lahmek : Ancien chef de clinique-assistant des Hôpitaux en hépatogastroentérologie, attaché àl’hôpital du Raincy-Montfermeil.Centre hospitalier intercommunal du Raincy-Montfermeil, 10, avenue du Général-Leclerc,93370 Montfermeil, France.

H. pylori induit une inflammation gastrique chronique qui peutévoluer vers plusieurs pathologies de gravité variable : gastritechronique superficielle, ulcère gastrique ou duodénal,adénocarcinome gastrique, lymphome gastrique du MALT (mucosa-associated lymphoid tissue). La diversité génétique des souchespourrait rendre compte de la variété de ces pathologies.

GÉNÉTIQUE BACTÉRIENNE

H. pylori est la première bactérie dont le génome de deux souchesdifférentes a été entièrement séquencé [1, 31]. H. pylori a un génomecirculaire d’environ 1 600 000 paires de bases. Les mécanismes de ladiversité génétique sont :

– des substitutions nucléotidiques non synonymes ;

– l’existence de gènes mosaïques ;

– la régulation de l ’expression des gènes ;

– la diversité plasmidique.Les facteurs de virulence (gènes responsables du pouvoir pathogène)sont impliqués dans l’adhésion, la persistance dans l’estomac et latoxicité de cette bactérie. Les gènes des adhésines codent pour desprotéines de la membrane externe ou du lipopolysaccharide quicorrespondent aux antigènes de surface. Ces gènes ont pour laplupart une structure mosaïque et une expression soumise à desvariations de phase. Ce double système de variation antigéniquepermet à la bactérie d’échapper à la reconnaissance par les cellulesdu système immunitaire, expliquant ainsi sa persistance et sonadaptation à l’environnement gastrique. Les principaux supportsgénétiques impliqués dans la toxicité de H. pylori sont :

– l’îlot de pathogénicité associé aux cytotoxines (cagPAI), segmentd’acide désoxyribonucléique (ADN) codant pour environ40 protéines dont CagA (cytotoxin associated antigen A) ;

– le gène de la toxine vacuolisante (vacA).CagA est précocement immunogène, ce qui permet de détecter lessouches virulentes CagA positives qui entraînent une réactioninflammatoire plus intense, un degré d’atrophie et de métaplasie

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Nahon S, Seksik P et Lahmek P. Helicobacter pylori. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Gastro-entérologie, 9-021-E-10,2000, 5 p.

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intestinal plus important et une incidence plus élevée d’ulcèregastroduodénal et de cancer gastrique [25]. Les souches CagAnégatives sont le plus souvent associées à une formeasymptomatique de l’infection. VacA, toxine vacuolisante, estresponsable de la vacuolisation et de la dégradation des cellules del’épithélium gastrique. La présence de cagPAI est indispensable à lasécrétion de VacA. Ceci explique en partie la plus grande virulencedes souches CagA positives. CagA et VacA restent parmi lesmeilleurs marqueurs de la virulence des souches. Certainesvariations alléliques rendent le gène cagA indétectable, et de ce fait,certaines souches CagA négatives peuvent comporter l’îlot depathogénicité cagPAI. CagE, autre protéine codée par cagPAI, seraitun meilleur témoin de la présence de cagPAI, et donc de lavirulence [3].

Méthodes diagnostiques de l’infectionà Helicobacter pylori (tableau I)

MÉTHODES INVASIVES

Elles nécessitent des biopsies gastriques. En raison de la répartitionhétérogène de H. pylori dans l’estomac, deux biopsies au minimumdoivent être effectuées dans l’antre, et deux biopsies fundiques sontrecommandées en cas de prise récente d’antisécrétoire oud’antibiotiques [24]. Après un épisode d’hémorragie digestive parulcère gastroduodénal, les biopsies antrales doivent être effectuéesau huitième jour.Les examens histologique et bactériologique après culture surmilieux spécifiques sont les méthodes de référence ; la culturepermet la réalisation d’un antibiogramme. Cependant, lescontraintes de transport sont un obstacle à sa diffusion [24].Le test à l’uréase sur gélose (CLO-Testt), effectué sur une biopsie ensalle d’endoscopie, permet un diagnostic rapide (1 h), avec unesensibilité de 80 % et une spécificité de 95 %. Il est cependant peuutilisé en France, car non remboursé par l’Assurance maladie [19, 24].La polymerase chain reaction (PCR) de l’ADN de H. pylori est bienadaptée au diagnostic, avant et après éradication, mais n’est pasdisponible en pratique courante [24, 32].

MÉTHODES NON INVASIVES

Elles ne nécessitent pas de biopsies gastriques.Le test respiratoire à l’urée consiste à faire ingérer de l’urée marquéepar du carbone C13 (non radioactif) et à mesurer l’activité dans l’airexpiré de C13, résultant de la dégradation de l’urée par l’uréase deH. pylori. Malgré les recommandations de la conférence deconsensus de 1995 qui préconisaient son usage dans le contrôle del’éradication de l’infection à H. pylori, son coût n’est toujours pasremboursé par l’Assurance maladie, ce qui rend son utilisationdifficile en pratique courante [24, 27].

La détection des anticorps dans le sang (immunoglobulines [Ig]Ganti-H. pylori) ou dans la salive est réservée au dépistage [24, 32].Certains l’utilisent pour contrôler l’éradication du germe.La détection des antigènes bactériens dans les selles reste à évaluer[24, 32].

Prise en charge de la maladieulcéreuse et traitement de l’infectionà Helicobacter pylori

PRISE EN CHARGE DE LA MALADIE ULCÉREUSEGASTRODUODÉNALE

Elle est illustrée sous forme d’un arbre décisionnel (fig 1, 2). Peu denouveautés sont à signaler dans la prise en charge de la maladieulcéreuse par rapport aux conclusions de la conférence de 1995.Toutefois, dans l’ulcère duodénal non compliqué, une trithérapie de7 jours est suffisante, sans relais par antisécrétoire et sans contrôlede l’éradication. Il est nécessaire, par ailleurs, de contrôlerl’éradication de H. pylori au cours de l’ulcère gastrique et dans lesulcères duodénaux compliqués, associés à une affection sévère ouen cas de prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS),d’aspirine ou d’anticoagulants [6].

TRAITEMENT DE L’INFECTIONPAR HELICOBACTER PYLORI

Lors de la précédente conférence de consensus 1995, les expertsrecommandaient une trithérapie associant un antisécrétoire à doubledose (lansoprazole, oméprazole, pantoprazole, ranitidine) à deuxantibiotiques, l’amoxicilline à la dose de 2 g/j (ou métronidazole àla dose de 1 g/j) et la clarithromycine à la dose de 1 g/j. Ce schémathérapeutique, sur une durée de 7 jours, a permis d’obtenir dans laplupart des essais contrôlés une éradication de H. pylori d’environ90 %. En pratique courante, les taux d’éradication avec ce schémasont seulement de 56 à 84 % en France [10] et de 82 à 88 % en Europe

Tableau I. – Indications des différentes méthodes d’identification deHelicobacter pylori (1).

Diagnostic de l’infection à H. pyloriBiopsies antralesTest respiratoire à l’urée marquée au C13PCR

Diagnostic de l’éradicationTest respiratoire à l’urée marquée au C13Biopsies antralesSérologiePCR

Échec de l’éradicationBiopsies antrales et fundiques avec mise en culture et antibiogramme

Dépistage et/ou études épidémiologiquesSérologie

(1) Les examens sont classés par ordre hiérarchique.PCR : polymerase chain reaction.

Ulcère duodénal

Deux biopsies antrales

HB positif(90 %)

HB négatif(10 %)

Ulcère duodénalsimple

Ulcère duodénal compliquéAffection sévère associée

Traitement par AINS, aspirine,anticoagulants

Éradication HP 7 jourspar trithérapie sans

relais par antisécrétoire

Éradication HP 7 jourspar trithérapie suivie

d'un traitement de 3 semainespar antisécrétoire

Persistance des symptômesTentative ultérieure d'éradication

Contrôle éradication4 à 6 semaines après

arrêt du traitement

AINSZollinger et Ellison

Maladie deCrohn duodénal

Hypersécrétion acide

1 Prise en charge de la maladie ulcéreuse duodénale.HP : Helicobacter pylori ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.

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et aux États-Unis. Ces résultats ont conduit à s’interroger sur lesraisons de ces résultats inférieurs à ceux escomptés et sur lesdivergences entre les taux d’éradication observés en France et dansles autres pays.

¶ Facteurs d’échec de l’éradication

La mauvaise observance du traitement est un des facteursprépondérant et « maîtrisable » de l’échec de l’éradication, suggérantle rôle fondamental du médecin dans l’explication du traitement aupatient. Dans une analyse multivariée, il a été démontré qu’un desfacteurs prédictifs majeurs du succès de l’éradication étaitl’observance au traitement. Le taux d’éradication dans cette étudeétait de 96 % quand les malades prenaient au moins 60 % de la doseprescrite, alors qu’il n’était que de 69 % pour ceux au-dessous de ceseuil [14]. Cependant, d’après une étude récente, il s’avère difficiled’augmenter significativement le taux d’éradication de H. pylori parune simple amélioration de l’observance [10], et le principal facteurd’échec est la résistance aux antibiotiques. En France, la résistanceprimaire au métronidazole a été évaluée à 25,3 % en 1997 [10].Différentes études ont montré que la résistance au métronidazoleavait un effet négatif sur les taux d’éradication bien plus importanten cas d’association à l’amoxicilline qu’avec la clarithromycine et ce,quel que soit l’antisécrétoire utilisé [10]. La résistance primaire à laclarithromycine a, quant à elle, été évaluée en France à 13 % en1997 [10], et semble plus élevée que dans les autres pays européens.Cette résistance serait également à l’origine d’une diminutionsignificative du taux d’éradication [10]. En revanche, la résistanceacquise de H. pylori à l’amoxicilline serait exceptionnelle. Les tauxd’éradication plus faibles en France que dans d’autres payseuropéens pourraient s’expliquer, au moins en partie, par une plusimportante résistance aux antibiotiques. Une durée de traitementplus longue de 10 à 14 jours pourrait être utile. Cependant, enFrance, aucune donnée suffisante ne permet de préconiser une telleattitude [10].

¶ Que faire en cas d’échec de l’éradication ?

Il doit être confirmé par un test diagnostique invasif ou par un testrespiratoire. Une mauvaise observance doit être recherchée,notamment s’il existait des effets secondaires qui ont pu rendre le

traitement non optimal. Si l’observance a été bonne, on rechercheune résistance bactérienne qui est au mieux confirmée par uneculture avec antibiogramme. À défaut, on préconise de remplacer lemétronidazole par la clarithromycine, ou inversement. Il estprobable qu’une durée de 14 jours de cette nouvelle trithérapie soitutile.

Helicobacter pylori et refluxgastro-œsophagien (RGO)

Les études épidémiologiques n’ont pas montré de lien significatifentre l’infection à H. pylori et le RGO et ses complications [8, 22].Certains travaux ont rapporté une incidence plus faible de l’infectionà H. pylori au cours du RGO, suggérant que H. pylori pourraitconférer une protection contre le RGO [8, 22]. D’autres études ontmontré que l’éradication de H. pylori pourrait favoriser la survenued’un RGO [17]. Les conséquences de l’infection à H. pylori sur lasécrétion acide gastrique varient selon le siège de la gastrite. En effet,la gastrite antrale non atrophique est responsable d’unehypersécrétion acide, tandis que la gastrite atrophique diffuse ouantrofundique est à l’origine d’une hypochlorhydrie. Ainsi, lagastrite antrofundique aurait un rôle protecteur dans la survenuedu RGO. L’éradication de H. pylori a des conséquences variables surles symptômes du RGO, probablement en fonction du type degastrite. La prescription d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)est fréquente au cours du RGO. Ce traitement permet uneamélioration de la gastrite antrale et une aggravation de la gastriteatrophique antrofundique [15, 18]. Ainsi, les IPP pourraient favoriser ledéveloppement de la gastrite antrofundique et ses conséquences quesont la métaplasie intestinale, la dysplasie et l’adénocarcinomegastrique. Cependant, aucune étude n’a confirmé cette hypothèse[8, 22]. En conclusion, la recherche et l’éradication d’H. pylori ne sontpas justifiées au cours du RGO. Par ailleurs, le traitement par IPP aulong cours ne semble pas favoriser la métaplasie intestinale etl’adénocarcinome gastrique.

Helicobacter pyloriet anti-inflammatoires non stéroïdiens

L’infection à H. pylori et les AINS sont les deux principales causesd’ulcères gastroduodénaux [36]. La prévalence de l’infection àH. pylori ne semble pas plus importante chez les patients traités parAINS [5]. La fréquence des ulcères gastroduodénaux secondaires à laprise d’AINS ou d’aspirine et leurs complications n’est pas non plusaugmentée par l’infection par H. pylori [5, 36]. De ce fait, en l’étatactuel des connaissances, il n’est pas licite de rechercher uneinfection à H. pylori, ni de proposer une éradication avant untraitement par AINS [5]. En revanche, en cas d’ulcère gastroduodénalassocié à une infection à H. pylori, chez un patient prenant des AINSou de l’aspirine, une éradication est justifiée [5].

Helicobacter pylori et dyspepsienon ulcéreuse (DNU)

La DNU est fréquente dans les pays occidentaux puisqu’elle affecteenviron un tiers de la population générale. La pathogénie de la DNUreste inconnue. De ce fait, de nombreuses études ont évalué l’effetde l’éradication de H. pylori sur les symptômes des patientsprésentant une DNU. Lors de la précédente conférence de consensusde 1995, l’éradication de H. pylori n’était pas recommandée enl’absence, notamment, d’arguments probants. Depuis, de nombreuxauteurs ont évalué, d’une part le rôle de H. pylori dans la pathogéniede la DNU, d’autre part l’effet de l’éradication de H. pylori danscette indication. La prévalence de H. pylori serait plus fréquente chezles patients dyspeptiques que chez les sujets témoins, mais ilsemblerait exister certains biais méthodologiques [9, 30]. L’éradication

Ulcère gastrique

Huit à dix biopsies berges ulcère+

deux biopsies antrales et fundiquesà la recherche de HP

Éliminer un cancergastrique

HB positif(70 %)

HB négatif(30 %)

Trithérapie de 7 jourspuis relais par antisécrétoire

pendant 3 à 5 semaines

RechercherAINS, aspirine

Gastroscopie de contrôle 4 à 6 semainesaprès la fin du traitement

Contrôle éradicationet cicatrisation ulcère

Contrôle endoscopiecicatrisation ulcère

Traitement antisécrétoirede 4 à 6 semaines

2 Prise en charge de la maladie ulcéreuse gastrique.HP : Helicobacter pylori ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.

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de H. pylori ne modifie pas significativement la symptomatologie[9, 30]. En l’état actuel des connaissances, il n’est pas recommandéd’éradiquer H. pylori dans la DNU [9, 30].

Helicobacter pylori et cancerde l’estomac

H. pylori est la seule bactérie reconnue et classée comme carcinogènepar l’Organisation mondiale de la santé. Des argumentsépidémiologiques, histologiques et expérimentaux viennent étayerle lien entre H. pylori et l’adénocarcinome gastrique non cardial et lelymphome du MALT.

HELICOBACTER PYLORI ET ADÉNOCARCINOMEGASTRIQUE

De nouvelles études épidémiologiques ont confirmé que les patientsinfectés par H. pylori ont un risque accru de développer un cancergastrique non cardial [12]. De plus, le rôle carcinogène de H. pylori aété démontré dans un modèle animal (la gerbille de Mongolie), oùplus d’un tiers des animaux infectés développait un cancergastrique [34]. La prévalence de l’infection par H. pylori est plusélevée chez les sujets ayant un antécédent familial de cancergastrique, suggérant le rôle d’une infection familiale par H. pyloridans la genèse de ces cancers familiaux [4].Les étapes de la carcinogenèse seraient les suivantes :

– gastrite atrophique ;

– métaplasie intestinale ;

– dysplasie ;

– adénocarcinome [12].H. pylori, en induisant une gastrite atrophique antrofundique,interviendrait donc à un stade précoce de ce processus. En revanche,la gastrite antrale non atrophique à H. pylori n’est pas associée àl’adénocarcinome gastrique, mais à l’ulcère duodénal vial’hypersécrétion acide [12]. Par ailleurs, la présence d’un ulcèregastrique (non prépylorique), associée à une atrophie gastriqueinduite par H. pylori, double le risque de développer un cancergastrique dans les 3 ans [16]. Le rôle de H. pylori dans la carcinogenèsea conduit les experts européens à élargir les indications del’éradication en cas de facteurs de risque associés, notamment lesantécédents familiaux de cancers gastriques car l’atrophie, et surtoutla métaplasie intestinale, peuvent persister longtemps aprèsl’éradication [21, 33]. Cependant, cette attitude n’a pas été retenue parla conférence de consensus française. Sur le plan moléculaire, lessouches CagA positives sont plus souvent associées au cancergastrique et persistent plus longtemps dans l’estomac que lessouches CagA négatives, faisant de la durée d’infestation un facteurdéterminant de la carcinogenèse [35].

HELICOBACTER PYLORI ET LYMPHOME DU MALT

Plusieurs arguments plaident en faveur de H. pylori dans ledéveloppement du lymphome du MALT.H. pylori est retrouvé dans la muqueuse gastrique dans plus de 90 %des lymphomes gastriques du MALT [12].Il n’existe pas, habituellement, d’organisation lymphoïde au sein dela muqueuse gastrique. Des follicules lymphoïdes se développentaprès infection par H. pylori. La stimulation antigénique de H. pylorientraîne une activation de lymphocytes T spécifiques qui entraîneune prolifération de lymphocytes B monoclonaux. Chez l’homme,l’étude du réarrangement monoclonal de la chaîne lourde de l’Ig deces lymphocytes B a démontré la progression de la gastrite induitepar H. pylori vers le lymphome du MALT [37].Certains auteurs ont rapporté l’implication d’une souche de H. pyloriproduisant une fladotoxine (FldA) tronquée dans la pathogenèse dulymphome du MALT [7].

L’éradication de H. pylori s’accompagne d’une rémission prolongéedans 50 à 80 % des cas de lymphomes du MALT superficiels de basgrade [29].

Manifestations extradigestivesde l’infection à Helicobacter pylori

Des études récentes ont suggéré qu’il pouvait exister un lien entrel’infection à H. pylori et des maladies extradigestives, notammentcardiovasculaires et immunologiques.

MALADIES VASCULAIRES

Des études épidémiologiques ont montré qu’il existait uneassociation entre coronaropathies et infection à H. pylori [13, 26].Cependant, il semble exister des biais méthodologiques liés à desfacteurs confondants tels que, notamment, un bas niveausocioéconomique qui est associé à la fois à l’infection à H. pylori etaux coronaropathies [13]. L’association de ces deux maladies peutapparaître séduisante, étayant l’hypothèse selon laquellel’athérosclérose serait liée à un agent infectieux.

MALADIES DYSIMMUNITAIRESET AFFECTIONS CUTANÉES

De nombreuses observations ont suggéré le rôle de H. pylori danscertaines maladies auto-immunes (purpura rhumatoïde, syndromede Sjögren), affections résolutives après éradication de H. pylori [13].Ces associations nécessitent d’être confirmées.

Quelques études ont suggéré un lien entre l’infection à H. pylori etcertaines dermatoses telles que l’urticaire chronique idiopathique,l’acné rosacée et certaines formes d’alopécies [13]. Dans l’urticairechronique idiopathique, l’éradication de H. pylori a permis unediminution significative du prurit et de l’érythème [11].

MALADIES DU FOIE

Une prévalence accrue de l’infection à H. pylori a été observée aucours de la cirrhose. D’autres études sont nécessaires afin d’établircette association [28].

CARENCE EN FER ET INFECTIONÀ HELICOBACTER PYLORI

Une étude danoise a montré que le taux de ferritine sérique étaitplus bas chez les patients ayant une sérologie H. pylori positive [23].Un travail récent a montré que, chez les patients ayant une anémieferriprive inexpliquée (par la gastroscopie et la coloscopie), associéeà une gastrite asymptomatique à H. pylori, l’éradication permettaitune correction de l’anémie chez la majorité d’entre eux [2].

Conclusion

La révision 1999 de la conférence de consensus de 1995 a confirmé laplupart des conduites diagnostiques et thérapeutiques concernant lamaladie ulcéreuse gastroduodénale. Elle a également confirmé le rôleimportant de H. pylori dans la genèse des cancers gastriques et sonabsence dans la pathogénie du RGO, de la dyspepsie et des lésionsgastriques dues aux AINS. La connaissance des facteurs de virulence,leur mécanisme d’action et la réalisation d’un vaccin sont lesprincipaux thèmes de recherche actuels. Nul doute qu’à moyen terme,une nouvelle révision sera nécessaire.

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Gastro-entérologie Helicobacter pylori 9-021-E-10

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