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Lettres à la rédaction 87 Hépatite aiguë chez la femme enceinte : il faut rechercher le virus de l’hépatite E ous avons lu avec beaucoup d’intérêt la mise au point sur « foie et grossesse » récemment publiée dans la revue Gastroentérologie Clinique et Biologique [1]. Dans cet article, il est indiqué que le risque d’hépatite fulminante liée au virus de l’hépatite E est plus élevé lorsque l’infection survient au cours de la grossesse. Les auteurs proposent d’évoquer ce diagnostic chez des malades ayant voyagé récemment dans une zone d’endémie (Amérique Centrale, Afrique, Inde, Asie) ou ayant été en contact avec des personnes revenant d’une zone d’endémie. Nous souhaiterions amener une précision sur les risques de transmission du virus de l’hépatite E en France. Nous avons récemment rapporté une série de 14 malades (aucune femme enceinte) atteints d’une hépatite aiguë E dans la région Midi-Pyrénées entre 2001 et 2002 [2]. Le diagnostic d’hépatite aiguë E reposait, chez des malades avec une cytolyse hépatique sévère, sur la présence d’IgG et la détection du virus de l’hépatite E dans le sérum par RT-PCR en temps réel. Il n’y avait aucun cas d’hépatite fulminante. Plus de la moitié des malades (64 %) n’avait pas séjourné en dehors du territoire métropolitain dans les 6 mois précédant l’hépatite. Seulement 22 % des malades avaient séjourné en Espagne (Catalogne) et 14 % en Tunisie. Aucun n’avait eu de contact avec une personne revenant d’une zone endémo-épidémique. Les cas de contami- nation intra-familiale ou interindividuelle ne sont par ailleurs que rarement décrits avec ce virus [3]. Une équipe de Barcelone a également récemment rapporté une petite série de cas d’hépatites aiguës E autochtones (aucune femme enceinte) [4]. Contrairement aux recommandations actuelles de la littéra- ture et compte tenu de travaux récents [2, 5], nous pensons qu’il ne faut plus en France se contenter de suspecter une hépatite aiguë E sur des données anamnestiques d’un voyage en pays en voie de développement. La recherche du virus de l’hépatite E (par RT-PCR dans le sang) doit faire partie du bilan étiologique d’une hépatite aiguë d’allure virale, notamment chez la femme enceinte. La démarche diagnostique optimale inclut la recherche de l’ARN du virus de l’hépatite E dans le sérum et dans les selles. RÉFÉRENCES 1. Chazouilleres O, Bacq Y. Foie et grossesse. Gastroenterol Clin Biol 2004;28( Suppl):D84-91. 2. Mansuy JM, Péron JM, Abravanel F, Poirson H, Dubois M, Miedouge M, et al. Hepatitis in the south West of France in individuals who have never visited an endemic area. J Med Virol 2004;74:419-24. 3. Aggarwal R, Naik SR. Hepatitis E: intrafamilial transmission versus waterborne spread. J Hepatol 1994;21:718-23. 4. Buti M, Clemente-Casares P, Jardi R, Formiga-Cruz M, Schaper M, Valdes A, et al. Sporadic cases of acute autochthonous hepatitis E in Spain. J Hepatol 2004;41:126-31. 5. Mansuy JM, Péron JM, Bureau C, Alric L, Vinel JP, Izopet J. Immu- nologically silent autochthonous acute hepatitis E virus infection in France. J Clin Microbiol 2004;42:912-3. Association d’une cryoglobulinémie virale C à une infection à virus coxsackie existence de manifestations extra hépatiques de l’hépatite chronique virale C est bien connue, en particulier lorsqu’une cryoglobulinémie est présente. Nous rapportons ici une observation originale de primo-infection par un virus Coxsackie B1 révélée par un tableau clinique polymorphe sévère chez un malade atteint d’une hépatite C chronique. La recherche d’une infection à virus Coxsackie doit faire partie du bilan étiologique de l’aggravation aiguë d’une hépatopathie chronique. L’apparition brutale de manifestations extra hépatiques sévères est particulièrement évocatrice. Observation Un homme de 34 ans, chaudronnier de profession, était hos- pitalisé au mois de septembre 2002 pour une altération brutale de l’état général. Il n’avait pas d’autre antécédent médical qu’une hépatite chronique virale C de génotype 3a avec cryoglobuliné- mie, diagnostiquée 3 mois plus tôt lors du bilan d’une asthénie. Une toxicomanie intraveineuse interrompue depuis 2 ans était considérée comme le mode très probable de contamination. Les habitudes toxiques comprenaient un tabagisme (15 paquets années) et la prise de 30 g d’alcool par jour. Lors de l’anamnèse, le malade expliquait la survenue progressive en 2 à 3 semaines d’œdèmes des membres inférieurs, d’une impotence fonctionnelle douloureuse des quatre membres avec incapacité à la station debout associés à une asthénie et une anorexie profondes. L’exa- men clinique révélait un syndrome oedémateux généralisé tou- chant toutes les zones déclives. Le malade était subfébrile (38 C). Une hépatomégalie était mise en évidence à la palpa- tion, sans splénomégalie. Aucun angiome stellaire n’était visible. Jean-Marie PÉRON (1), Jean-Michel MANSUY (2), Hélène POIRSON (1), Christophe BUREAU (1), Jacques IZOPET (2), Jean-Pierre VINEL (1) (1) Service d’Hépato-Gastro-Entérologie, Fédération Digestive et Inserm U531 ; (2) Laboratoire de Virologie Hôpital Purpan, CHU Toulouse. N L

Hépatite aiguë chez la femme enceinte : il faut rechercher le virus de l’hépatite E

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Lettres à la rédaction

87

Hépatite aiguë chez la femme enceinte : il faut rechercher le virus de l’hépatite E

ous avons lu avec beaucoup d’intérêt la mise au point sur « foie et grossesse » récemment publiée dans la revue Gastroentérologie Clinique et Biologique [1]. Dans cet article, il est indiqué que le risque d’hépatite fulminante liée au virus de l’hépatite E est

plus élevé lorsque l’infection survient au cours de la grossesse. Les auteurs proposent d’évoquer ce diagnostic chez des malades ayant voyagé récemment dans une zone d’endémie (Amérique Centrale, Afrique, Inde, Asie) ou ayant été en contact avec des personnes revenant d’une zone d’endémie. Nous souhaiterions amener une précision sur les risques de transmission du virus de l’hépatite E en France.

Nous avons récemment rapporté une série de 14 malades(aucune femme enceinte) atteints d’une hépatite aiguë E dans larégion Midi-Pyrénées entre 2001 et 2002 [2]. Le diagnosticd’hépatite aiguë E reposait, chez des malades avec une cytolysehépatique sévère, sur la présence d’IgG et la détection du virusde l’hépatite E dans le sérum par RT-PCR en temps réel. Il n’yavait aucun cas d’hépatite fulminante. Plus de la moitié desmalades (64 %) n’avait pas séjourné en dehors du territoiremétropolitain dans les 6 mois précédant l’hépatite. Seulement22 % des malades avaient séjourné en Espagne (Catalogne) et14 % en Tunisie. Aucun n’avait eu de contact avec une personnerevenant d’une zone endémo-épidémique. Les cas de contami-nation intra-familiale ou interindividuelle ne sont par ailleurs querarement décrits avec ce virus [3].

Une équipe de Barcelone a également récemment rapportéune petite série de cas d’hépatites aiguës E autochtones (aucunefemme enceinte) [4].

Contrairement aux recommandations actuelles de la littéra-ture et compte tenu de travaux récents [2, 5], nous pensons qu’ilne faut plus en France se contenter de suspecter une hépatiteaiguë E sur des données anamnestiques d’un voyage en pays envoie de développement. La recherche du virus de l’hépatite E(par RT-PCR dans le sang) doit faire partie du bilan étiologiqued’une hépatite aiguë d’allure virale, notamment chez la femme

enceinte. La démarche diagnostique optimale inclut la recherchede l’ARN du virus de l’hépatite E dans le sérum et dans les selles.

RÉFÉRENCES

1. Chazouilleres O, Bacq Y. Foie et grossesse. Gastroenterol Clin Biol2004;28( Suppl):D84-91.

2. Mansuy JM, Péron JM, Abravanel F, Poirson H, Dubois M, Miedouge M,et al. Hepatitis in the south West of France in individuals who havenever visited an endemic area. J Med Virol 2004;74:419-24.

3. Aggarwal R, Naik SR. Hepatitis E: intrafamilial transmission versuswaterborne spread. J Hepatol 1994;21:718-23.

4. Buti M, Clemente-Casares P, Jardi R, Formiga-Cruz M, Schaper M,Valdes A, et al. Sporadic cases of acute autochthonous hepatitis E inSpain. J Hepatol 2004;41:126-31.

5. Mansuy JM, Péron JM, Bureau C, Alric L, Vinel JP, Izopet J. Immu-nologically silent autochthonous acute hepatitis E virus infection inFrance. J Clin Microbiol 2004;42:912-3.

Association d’une cryoglobulinémie virale C à une infection à virus coxsackie

existence de manifestations extra hépatiques de l’hépatite chronique virale C est bien connue, en particulier lorsqu’une cryoglobulinémie est présente. Nous rapportons ici une observation originale de primo-infection par un virus Coxsackie B1 révélée par un tableau clinique

polymorphe sévère chez un malade atteint d’une hépatite C chronique. La recherche d’une infection à virus Coxsackie doit faire partie du bilan étiologique de l’aggravation aiguë d’une hépatopathie chronique. L’apparition brutale de manifestations extra hépatiques sévères est particulièrement évocatrice.

Observation

Un homme de 34 ans, chaudronnier de profession, était hos-pitalisé au mois de septembre 2002 pour une altération brutalede l’état général. Il n’avait pas d’autre antécédent médical qu’unehépatite chronique virale C de génotype 3a avec cryoglobuliné-mie, diagnostiquée 3 mois plus tôt lors du bilan d’une asthénie.Une toxicomanie intraveineuse interrompue depuis 2 ans étaitconsidérée comme le mode très probable de contamination. Les

habitudes toxiques comprenaient un tabagisme (15 paquetsannées) et la prise de 30 g d’alcool par jour. Lors de l’anamnèse,le malade expliquait la survenue progressive en 2 à 3 semainesd’œdèmes des membres inférieurs, d’une impotence fonctionnelledouloureuse des quatre membres avec incapacité à la stationdebout associés à une asthénie et une anorexie profondes. L’exa-men clinique révélait un syndrome oedémateux généralisé tou-chant toutes les zones déclives. Le malade était subfébrile(38 C). Une hépatomégalie était mise en évidence à la palpa-tion, sans splénomégalie. Aucun angiome stellaire n’était visible.

Jean-Marie PÉRON (1), Jean-Michel MANSUY (2),Hélène POIRSON (1), Christophe BUREAU (1),

Jacques IZOPET (2), Jean-Pierre VINEL (1)(1) Service d’Hépato-Gastro-Entérologie, Fédération Digestive

et Inserm U531 ;(2) Laboratoire de Virologie Hôpital Purpan, CHU Toulouse.

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