2
Science & Sports, 4 (1989) 159-160 159 © Elsevier, Paris Communication H6patite virale atypique chez un sportif utilisant les anabolisants G. DINE 1,3 et A.M. CHIRREY 2 1Laboratoire d'Hdmatologie et Service des Maladies du Sang (Dr J. Dupoirieux) 2Service de Gyndcologie A (Dr V. Hannart), H@ital des Hauts-Clos, avenue Anatole France, 10000 Troyes; 3 Unitd de Recherche en Biologie et Physiologie de l'Effort (Dr G. Dine), IRMS de Champagne-Ardenne, 17, rue Baltet, 10120 Saint-Andrd-les- Vergers, France La toxicit6 h6patique des anabolisants st6roidiens est connue. Elle peut rev&ir de multiples formes anatomo-cliniques (Ishak, 1981). Elle est surtout observ6e au d6cours d'un traitement de longue dur6e. Tr6s peu d'articles rapportent les cons6quen- ces toxiques de l'utilisation d'anabolisants st6roi- diens en milieux sportif (American College of Sports Medicine, 1983 ; Overly et al. 1984). Le plus souvent, il s'agit de patients soign6s pour aplasie ou an6mie de Fanconi (Ishak, 1981). La toxicit6 est li6e/t la nature du produit utilis6. Les observations de la litt6rature internationale concernent essentiel- lement les d6riv6es 17 alpha-alkyles (Ishak, 1981; Mokrohisky et al., 1977). Nous exposons ici un cas d'h6patotoxicit6 probable secondaire ~ la consom- mation ponctuelle d'un d6riv6 nor 19 par un spor- tif jeune et pr6sum6 en bonne sant6. Observations Monsieur N..., gg6 de 28 ans, pratique le culturisme de fagon intensive. Ses performances le situent au niveau national. I1 s'entra~ne 3 heures par jour et espbre pro- gresser dans la hi6rarchie de son sport. La prise de volume musculaire, n6cessaire h cette discipline, impose g ces ath- letes des r~gles hygi6no-di&6tiques tr6s particuli6res. La consommation d'anabolisants st6ro'idiens est devenue un fait courant. Plusieurs f6d6rations r6gjssent le culturisme, et les produits anabolisants ne sont pas syst6matiquement consid6r6s comme interdits. Monsieur N... envisage de proc6der ~ une cure d'ana- bolisants st6roi'diens. D6sirant prendre quelques pr6cau- tions, il manifeste auprbs de notre 6quipe le d6sir d'une surveillance biologique s6rieuse. Un bilan, notamment h6patique, est r6alis6 et s'av&e normal. De d6cembre 1982 /t f6vrier 1983, il re~oit 6 injections intramusculaires de decanoate de nandrolone, ce qui parak atre, selon les habitu6s du milieu, une dose trbs mod6r6e. Le 15 f6vrier 1983, il pr6sente un ict~re sans asth6nie. Le bilan biolo- gique est 6quivoque: 616vation des transaminases (TGO : 250 UI, TGP : 420 UI), s6rologies virales en faveur d'une h6patite A (pr6sence d'IgG et d'IgM sp6cifiques, absence d'Ag HBS). La contamination est retrouv6e ais6ment et correspond h une ingestion d'hu~tres remontant /t la p6riode de Noel. Un autre participant h ce repas pr6sente 6galement une h6patite du m~me type. L'6volution est rapidement favorable. Le 29 mars 1983, il est de nou- veau hospitalis6 pour rechute ict6rique tr6s s6v~re avec alt6ration de l'6tat g6n6ral. Le bilan biologique h6pati- que est perturb6 (TGO ~t 1 000 UI, TGP ~ 2 010 UI, bili- rubine conjugu6e ~t 350 mml, TP ~t 29°70). La situation est pr6occupante pendant un mois. Toutes les investiga- tions effectu6es orientent vers la rechute d'une h6patite virale A avec cytolyse et cholestase majeures. La respon- sabilit6 des anabolisants est 6voqu6e apr~s lecture histo- logique de la ponction biopsie h6patique. La normalisation clinique est obtenue en 3 mois. La pente de la BSP est normale, les IgG anti-HAV sont pr6sentes mais les IgM ont disparu. Apr~s 5 ann6es de surveillance, le patient ne pr6sente aucune s6quelle particuli~re. I1 a cess6 de pratiquer le cul- turisme en comp6tition et n'a plus jamais consomm6 d'anabolisants st6roidiens. Commentaires Si les effets carcinog6nes des anabolisants st6roi- diens sont mis en exergue, ils ne sont pas heureuse- merit les plus fr6quents (Mokrohisky et al., 1977; Overly et al., 1984). Par contre, leur toxicit6 h6pa- tique peut s'exprimer sous d'autres formes plus dis- cr&es mais aussi plus insidieuses. La fonction h6patique est alors perturb6e h des degr6s divers (Ishak, 1981). Notre observation est un exemple typique de ce genre de situation. En dehors du pro- bl6me 6thique et des efforts de clarification de la part des autorit6s sportives internationales, il serait souhaitable de contr61er pr6ventivement les adep- tes de ce mode de pr6paration afin de leur 6viter ces d6sagr6ments.

Hépatite virale atypique chez un sportif utilisant les anabolisants

  • Upload
    am

  • View
    217

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Hépatite virale atypique chez un sportif utilisant les anabolisants

Science & Sports, 4 (1989) 159-160 159 © Elsevier, Paris

Communication

H6patite virale atypique chez un sportif utilisant les anabolisants

G. DINE 1,3 et A.M. C H I R R E Y 2

1Laboratoire d'Hdmatologie et Service des Maladies du Sang (Dr J. Dupoirieux) 2 Service de Gyndcologie A (Dr V. Hannart), H@ital des Hauts-Clos, avenue Anatole France, 10000 Troyes; 3 Unitd de Recherche en Biologie et Physiologie de l'Effort (Dr G. Dine), IRMS de Champagne-Ardenne,

17, rue Baltet, 10120 Saint-Andrd-les- Vergers, France

La toxicit6 h6patique des anabolisants st6roidiens est connue. Elle peut rev&ir de multiples formes anatomo-cliniques (Ishak, 1981). Elle est surtout observ6e au d6cours d 'un traitement de longue dur6e. Tr6s peu d'articles rapportent les cons6quen- ces toxiques de l 'utilisation d 'anabolisants st6roi- diens en milieux sportif (American College of Sports Medicine, 1983 ; Overly et al. 1984). Le plus souvent, il s 'agit de patients soign6s pour aplasie ou an6mie de Fanconi (Ishak, 1981). La toxicit6 est li6e/t la nature du produit utilis6. Les observations de la litt6rature internationale concernent essentiel- lement les d6riv6es 17 alpha-alkyles (Ishak, 1981; Mokrohisky et al., 1977). Nous exposons ici un cas d'h6patotoxicit6 probable secondaire ~ la consom- mat ion ponctuelle d 'un d6riv6 nor 19 par un spor- t if jeune et pr6sum6 en bonne sant6.

Observations

Monsieur N..., gg6 de 28 ans, pratique le culturisme de fagon intensive. Ses performances le situent au niveau national. I1 s'entra~ne 3 heures par jour et espbre pro- gresser dans la hi6rarchie de son sport. La prise de volume musculaire, n6cessaire h cette discipline, impose g ces ath- letes des r~gles hygi6no-di&6tiques tr6s particuli6res. La consommation d'anabolisants st6ro'idiens est devenue un fait courant. Plusieurs f6d6rations r6gjssent le culturisme, et les produits anabolisants ne sont pas syst6matiquement consid6r6s comme interdits.

Monsieur N... envisage de proc6der ~ une cure d'ana- bolisants st6roi'diens. D6sirant prendre quelques pr6cau- tions, il manifeste auprbs de notre 6quipe le d6sir d'une surveillance biologique s6rieuse. Un bilan, notamment h6patique, est r6alis6 et s'av&e normal. De d6cembre 1982 /t f6vrier 1983, il re~oit 6 injections intramusculaires de decanoate de nandrolone, ce qui parak atre, selon les habitu6s du milieu, une dose trbs mod6r6e. Le 15 f6vrier 1983, il pr6sente un ict~re sans asth6nie. Le bilan biolo- gique est 6quivoque: 616vation des transaminases (TGO :

250 UI, TGP : 420 UI), s6rologies virales en faveur d'une h6patite A (pr6sence d'IgG et d'IgM sp6cifiques, absence d'Ag HBS). La contamination est retrouv6e ais6ment et correspond h une ingestion d'hu~tres remontant /t la p6riode de Noel. Un autre participant h ce repas pr6sente 6galement une h6patite du m~me type. L'6volution est rapidement favorable. Le 29 mars 1983, il est de nou- veau hospitalis6 pour rechute ict6rique tr6s s6v~re avec alt6ration de l'6tat g6n6ral. Le bilan biologique h6pati- que est perturb6 (TGO ~t 1 000 UI, TGP ~ 2 010 UI, bili- rubine conjugu6e ~t 350 mml, TP ~t 29°70). La situation est pr6occupante pendant un mois. Toutes les investiga- tions effectu6es orientent vers la rechute d'une h6patite virale A avec cytolyse et cholestase majeures. La respon- sabilit6 des anabolisants est 6voqu6e apr~s lecture histo- logique de la ponction biopsie h6patique. La normalisation clinique est obtenue en 3 mois. La pente de la BSP est normale, les IgG anti-HAV sont pr6sentes mais les IgM ont disparu.

Apr~s 5 ann6es de surveillance, le patient ne pr6sente aucune s6quelle particuli~re. I1 a cess6 de pratiquer le cul- turisme en comp6tition et n 'a plus jamais consomm6 d'anabolisants st6roidiens.

Commentaires

Si les effets carcinog6nes des anabolisants st6roi- diens sont mis en exergue, ils ne sont pas heureuse- merit les plus fr6quents (Mokrohisky et al., 1977; Overly et al., 1984). Par contre, leur toxicit6 h6pa- tique peut s 'exprimer sous d'autres formes plus dis- cr&es mais aussi plus insidieuses. La fonction h6patique est alors perturb6e h des degr6s divers (Ishak, 1981). Notre observation est un exemple typique de ce genre de situation. En dehors du pro- bl6me 6thique et des efforts de clarification de la part des autorit6s sportives internationales, il serait souhaitable de contr61er pr6ventivement les adep- tes de ce mode de pr6paration afin de leur 6viter ces d6sagr6ments.

Page 2: Hépatite virale atypique chez un sportif utilisant les anabolisants

160 G. Dine et A .M. Chirrey

R~f6rences

American College of Sports Medicine (1983) The use of anabolic-androgenic steroids in sports. Sports Med. Bull. 19, 13

Ishak K.G. (1981) Hepatic lesions caused by anabolic and contraceptive steroids. Sem. Liver. Dis. 1, 116-128

Mokrohisky S.T., Ambruso D.R. & Hathaway W.E. (1977) Fulminant hepatic neoplosia after androgen therapy. N. EngL J. Med. 296, 1411-1412

Overly W.L., Dankoff J.A., Wang B.K. & Singh V.D. (1984) Androgens and hepatocellular carcinoma in an athlete. Ann. Intern. Med. 100, 158-159