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HÉROS ET NATION EN AMÉRIQUE LATINE || La dictature de Trujillo, République Dominicaine 1930-61. (« Horizons Amérique latine »)by Lauro CAPDEVILA

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Presses Universitaires du Mirail

La dictature de Trujillo, République Dominicaine 1930-61. (« Horizons Amérique latine ») byLauro CAPDEVILAReview by: Pierre VAYSSIÈRECaravelle (1988-), No. 72, HÉROS ET NATION EN AMÉRIQUE LATINE (Juin 1999), pp. 251-254Published by: Presses Universitaires du MirailStable URL: http://www.jstor.org/stable/40853666 .

Accessed: 15/06/2014 09:47

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De fait, que Sundheim ait prétendu ouvrir ou fermer la porte selon les cas, on est frappé par la bonne quantité de mots et de tournures qui ont ensuite été utilisés par les écrivains de la région : José Félix Fuenmayor (légèrement plus jeune que Sundheim et né dans la même ville), Manuel Zapata Olivella, Héctor Rojas Herazo, Marvel Moreno et même, malgré son refus du folklore et du loca- lisme, García Márquez lui-même. En dépit des intentions affichées de l'auteur, l'ouvrage est bel et bien une défense et illustration de l'espagnol parlé dans une partie de la Caraïbe : une pièce, longtemps oubliée mais importante, de l'histoire de la lexicographie hispano-américaine, digne de figurer dans toute bibliothèque spécialisée. Sous un autre angle, ce Vocabulario costeño... est un précieux té- moignage sur l'état d'une culture régionale hispano-américaine dans la deuxième décennie du XXème siècle. Sundheim photographie, à travers son lexique, une société antérieure au phénomène de la massification : l'existence du cinéma est à peine perceptible et les mots du football et du base-bail, du tango argentin et du « son » cubain n'ont pas encore pénétré, alors que des éléments d'anglais attes- tent de la présence d'hommes et de machines envoyés par les États-Unis dans les ports, dans les chemins de fer, sur les grands travaux (mais la zone bananière de Santa Marta semble ne pas faire partie de l'expérience du lexicographe).

Cette réédition, née d'une heureuse initiative de promotion culturelle régio- nale, est certes d'abord contribution à une identité qui récupère ses bases, mais son intérêt dépasse largement ces limites géographiques. On regrette néanmoins que le volume, visiblement saisi par scanner sur un exemplaire de la première édition, n'ait pas fait l'objet d'une assez rigoureuse correction d'épreuves : à la relecture, l'oeil humain n'a pas décelé un grand nombre des petites erreurs, inévitables, commises par la machine.

Jacques GILARD

Lauro CAPDEVILA.- La dictature de Trujillo, République Dominicaine 1930- 61.- Paris, L'Harmattan, 1998, 304 p., (« Horizons Amérique latine »).

L histoire contemporaine de la Republique Dominicaine a été longtemps délaissée, sans doute parce qu'elle reste associée à l'image de la longue dictature de Trujillo, et plus généralement à celle du pouvoir autoritaire, dans cette zone instable des Caraïbes. Le premier mérite de Lauro Capdevila est donc bien d'avoir trangressé ce préjugé, pour tenter de décrire « le système Trujillo », afin de comprendre à travers lui « pourquoi les dictatures apparaissent et dispa- raissent » (p. 10). L'auteur, inspecteur pédagogique régional d'espagnol, a réalisé avec cet ouvrage un véritable travail d'historien, produit dérivé de sa thèse de doctorat. Ce livre offre par ailleurs un solide appareil critique de 872 notes pour 176 pages de texte « utile », soit près de 5 notes par page. A ces références, il convient d'ajouter 60 pages d'annexés extrêmement précieuses : et d'abord, la liste des gouvernements dominicains de 1924 à 1965, liste d'autant plus utile que le Benefactor Leónidas Trujillo a officiellement abandonné la présidence du pays pendant près de douze ans (sur trente et un ans de règne effectif), d'abord à deux prête-nom entre 1938 et 1942 et ensuite pendant huit ans, à l'un de ses frères, Héctor Bienvenido Trujillo Molina, dit « el Negro », d'août 1952 à août 1960... Un glossaire politique nous introduit aux subtilités du vocabulaire de la célébration comme à celui de la répression. Une chronologie assez détaillée permet de resituer dans le temps les événements, tout en les relativisant - il est

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bien connu qu'une chronologie est toujours plus objective que les commentaires qu'elle suscite - . Une ample bibliographie fait la part belle aux panégyriques, tout en les critiquant, tel cet álbum simbólico : Homenaje de los poetas domini- canos al generalísimo Doctor Rafael Leónidas Trujillo Molina, Padre de la Patria Nueva, 1955.

L'auteur adopte un plan strictement chronologique qui nous conduit de la prise du pouvoir en 1930 jusqu'à l'assassinat du dictateur, le 30 mai 1961. Nous suivons son « enracinement » à la tête de l'Etat (jusqu'en 1937), son ascension pendant la Seconde guerre mondiale, 1'« âge d'or » du régime durant les années de guerre froide (1947-55) et enfin son déclin assez rapide à partir de 1956. Un tel parti pris chronologique ne peut que convaincre le lecteur, dans la mesure où l'histoire de cette dictature semble étroitement liée à l'environnement géopo- litique des Caraïbes et du monde. Parfois, cependant, un tel découpage oblige l'auteur à des retours en arrière assez artificiels : ainsi, à propos des relations avec le Vatican, abordées principalement au moment du Concordat en juin 1954 (p. 169 sq.), un exposé diachronique est construit (à partir de 1931), alors qu'on aurait pu se contenter d'un simple flash-back. Simple détail, sans doute, mais qui a l'inconvénient de révéler la fragilité d'un tel découpage (de tout découpage !). . .

Le grand mérite de ce travail est de tenter d'élucider le fameux « système Trujillo ». Inscrite dans la logique « corporatiste » et fascisante (mais le mot n'apparaît pas dans l'ouvrage) des années trente, la dictature repose, du début jusqu'à la fin, sur les deux principaux piliers du pouvoir : la coercition et - surtout - le contrôle psychologique des foules. D'un côté, l'appareil de ré- pression se démultiplie : armée, police rurale, bandes armées indéterminées, « garde universitaire », qui recourent systématiquement à la violence physique et, plus subtilement, à la menace. De l'autre, l'appareil de contrôle des opinions et - si c'est possible - des consciences. Cela commence par une intense propagande autour de la personne même du caudillo suprême, proclamé Benefactor dès 1 932. L'homme fort cultive son image auprès des foules, des humbles en particulier. La capitale est rebaptisée Ciudad Trujillo, ses statues décorent les places ; son anniversaire est célébré en grandes pompes chaque 24 octobre. Le grand homme est couvert de médailles, nationales et étrangères - le Quai d'Orsay ira jusqu'à lui concéder en 1953 la grand-croix de la légion d'honneur et la croix de guerre avec palmes -. On l'affuble des titres les plus baroques ; il devient « le plus grand travailleur de la république », le « libertador de la classe ouvrière », le « Père de la Nouvelle Patrie »... Pour renforcer son image paternelle et protectrice, il n'hésite pas à s'appuyer, le plus longtemps possible, sur l'Eglise catholique qui sert, presque jusqu'à la fin, le culte du dictateur et prêche l'obéissance à l'égard des autorités officielles - en échange, la Vierge de Altagracia est proclamée patronne du pays et Trujillo édifie en 1947 une coûteuse basilique, qui ne fait que symboliser le rôle de cette religion quasi officielle dans 1' inculcation des valeurs de soumission - des valeurs qui n'ont pas de prix pour le régime autoritaire.

A travers ce récit historique, une thèse sous-jacente filtre ici et là, pour s'exprimer sans réserves dans ce que l'auteur appelle un bilan du régime. Pour Lauro Capdevila, il ne fait guère de doute que « la fonction de Trujillo (a été) de relayer l'ordre impérial en République Dominicaine ». Selon lui, « Trujillo permet à Washington de se tenir à distance et de bénéficier d'une marge indispensable au maintien de son hégémonie sur le continent » (p. 229). Si le dictateur n'est pas un « simple pantin », il lui apparaît, pour le moins, comme un

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vassal des Etats-Unis, dans une relation de type quasi-féodal. On pourrait discuter la thèse, d'autant plus que la démonstration de l'auteur (aux pages 230/231) n'apparaît pas si convaincante. Bien sûr, chacun connaît ce propos, d'ailleurs apocryphe, prêté au secrétaire d'Etat Cordell Hull (celui qui avait signé en 1940 un traité par lequel les Etats-Unis renonçaient à percevoir le produit des douanes dominicaines) : « C'est peut-être un fils de pute, mais c'est notre fils de pute »... Mais on pourrait tout aussi bien, toujours en s'appuyant sur le travail de Lauro Capdevila, suggérer combien furent constantes la méfiance de la presse nord-américaine et les réserves du Département d'Etat vis-à-vis de ce régime. Ainsi, dès 1937, ce sont des journalistes « yankees » qui dénoncent le massacre de plusieurs milliers de Haïtiens à la frontière entre les deux pays. A la fin de 1938, lorsque Trujillo se rend aux Etats-Unis, la presse, toujours elle, « se déchaîne contre lui ». Après 1945, Washington veut en finir avec les dictatures latino-américaines, et le Département d'Etat refuse de livrer des armes au Benefactor. Le nouvel ambassadeur, Briggs, est lui-même réellement hostile au régime. Durant les années cinquante, en pleine guerre froide, les magazines Time et Life ne cesseront de critiquer le régime de Ciudad Trujillo. Enfin, en mars 1958, Washington décrète l'embargo sur la vente d'armes au dictateur et finit par rompre les relations diplomatiques. Tous ces faits devraient nécessairement permettre de nuancer ce jugement à l'emporte-pièce qui consiste à « instru- mentaliser » mécaniquement un régime politique, qui est aussi une nation, et au- delà, une culture. Il n'est pas question ici de nier que l'armée américaine, la marine en particulier, est restée longtemps très proche du dictateur, qui avait été lui-même au tout début de sa carrière un commandant de la Garde nationale créée par les marines. Il ne s'agit pas, non plus, de contester que des fonction- naires, des marins ou des hommes d'affaires nord-américains ont pu se mettre à son service, mais ces faits ne justifient pas qu'on fasse un amalgame réducteur entre l'armée américaine (plus sensible aux arguments de la guerre, de la guerre froide en particulier) et l'opinion des Etats-Unis - n'est-il pas symptomatique que Trujillo n'ait jamais réussi, malgré ses efforts constants, à obtenir un traitement de faveur pour l'exportation du sucre dominicain vers les Etats-Unis ?

Un autre débat pourrait se glisser dans les interstices d'un texte dense : quelle a été la liberté de manoeuvre de Trujillo, « féal » de l'Amérique ? Lauro Capdevila s'attache à nous décrire tous ses efforts pour « exister » politiquement, économiquement et culturellement dans le bassin caraïbe et en Amérique latine. Durant la Seconde guerre mondiale, en particulier, il met les eaux territoriales à la disposition des Etats-Unis dans la guerre sous-marine, et il sait tirer plusieurs avantages tant économiques que politiques de cette offre de collaboration : fé- licité par Roosevelt, il se voit attribuer le titre de docteur honoris causa de l'université de Pittsburgh, en même temps qu'il finit par récupérer la gestion des douanes dominicaines. De nouveau, en pleine guerre froide, il parvient à raviver quelque peu son image en se faisant passer (pour reprendre l'expression que Franco employait à son égard) pour le « paladin anti-communiste de la mer des Antilles ». Mais il est vrai qu'entre 1945 et 1947 et, plus tard, avec le début du dégel, sa marge de manoeuvre devient de plus en plus étroite, aussi bien face aux Etats-Unis que par rapport à l'Organisation des Etats Américains.

Cette volonté de jouer un rôle à l'extérieur et d'être admis dans la com- munauté internationale soulève une autre interrogation qui n'apparaît qu'en filigrane dans ce livre : peut-on saisir la personnalité de Trujillo ? Certes, l'auteur

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n'avait pas l'intention d'écrire une biographie de son personnage - mais l'histo- rien qui aurait la patience de consulter les douze tomes que constitue la somme des discours et proclamations du Benefactor pourrait sans doute mieux com- prendre les motivations du dictateur. Ce livre laisse entrevoir quelques pistes, à commencer par son origine : Trujillo était d'ascendance espagnole (par son grand-père) et haïtienne (par sa grand-mère) ; ce petit-fils d'immigrés, n'apparte- nait donc en rien à la caste aristocratique. D'où peut-être ce désir de revanche sur les « caudillos » locaux, et sa quête constante de respectabilité et d'honneurs. Mais il faudrait aussi prendre en compte plusieurs autres traits du personnage, comme son amour immodéré pour l'argent et pour les richesses (à sa mort, il laisse une fortune évaluée à plus de 500 millions de pesos) ; ou bien encore son cynisme, sa cruauté, son double langage permament, mais aussi - pourquoi pas ? - sa fin courageuse, le pistolet à la main face à ses exécuteurs. . .

Cette histoire d'un dictateur des Caraïbes laisse encore dans l'ombre le pro- blème complexe de la relation entre un leader et des masses. Peut-on appliquer à Leónidas Trujillo le concept wébérien de « chef charismatique », pour essayer de comprendre comment le Benefactor a fini par être admis et reconnu comme tel non seulement par le peuple analphabète, mais encore par des hommes cultivés, voire des institutions ? La question se pose souvent en Amérique latine où ont prospéré tant de caudillos, mais la réponse est, ici, loin d'être claire. . .

Pierre VAYSSIERE

Juan FILLOY.- Sexamor.- Cordoba,Op Oloop Ed., 1995.- 291 p. Voilà une oeuvre dont le titre suscite d'emblée l'intérêt du lecteur potentiel.

L'ingénieuse combinaison des deux lexemes qui a généré ce savoureux néolo- gisme, associant intimement sexe et amour semble affirmer le caractère apo- dictique de pareille interdépendance. Mais un tel terme, pour nouveau qu'il soit, manifeste une lisibilité immédiate, ce qui conduit à s'interroger sur le traitement des thèmes aussi clairement indiqués : faudrait-il y voir le choix d'un titre racoleur, propre à émoustiller un public avide de lectures égrillardes ? Avant de trouver la réponse dans les pages de ce roman, qu'il nous soit permis de rappeler brièvement qui en est l'auteur.

En effet, Jean Filloy, écrivain argentin de l'Intérieur, plus exactement de la province de Cordoba, reste aujourd'hui encore un auteur peu connu. Né en 1894 -voilà plus d'un siècle ! - il a mené, parallèlement à une carrière de magistrat, celle d'un homme de lettres. Depuis 1931, date de publication de son premier livre, il n'a cessé d'écrire, produisant une cinquantaine d'ouvrages, abordant des genres aussi variés que contes, nouvelles, essais, poésies, mais avec une prédilection particulière pour le roman (plus de vingt titres, dont certains méritent de figurer parmi les oeuvres majeures de la production narrative argentine, sinon universelle du XXème siècle). Mais cet auteur prolifique a choisi la vie provinciale et ce choix a induit une marginalisation non point subie, mais au contraire voulue, dans la mesure où Juan Filloy a fait de la seule écriture, et non de son corollaire éventuel, la notoriété, une raison de vivre, se proclamant toujours indifférent au succès que pourrait lui valoir sa plume. Depuis les années 90, à l'approche de son centième anniversaire, il a bénéficié de quelques éditions « publiques », si nous faisons référence aux éditions quasi « clandestines » qu'avaient connues auparavant certaines de ses oeuvres avec des tirages à 300 ou

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