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La Météorologie 8 e série - numéro spécial - avril 1995 17 HISTOIRE 1880-1910 : L'ÂGE D'OR DE LA MÉTÉOROLOGIE À LIMOGES Michel Galliot Météo-France CDM de la Haute-Vienne Aérodrome de Bellegarde 87100 Limoges RÉSUMÉ Le vrai départ de la météorologie en France date de la fin du siècle der- nier, avec la création du Bureau central de météorologie. Ainsi, en Haute- Vienne, malgré quelques observations à la fin du XVIII' siècle par Juge de Saint-Martin, c'est cette époque qui marque vraiment le départ de la météorologie moderne. Ce fut d'ailleurs un départ canon, car si les commis- sions météorologiques départementales ont fleuri un peu partout en France, celle de la Haute-Vienne a connu une activité débordante pendant plus de trente ans. C'est un autodidacte, passionné de météorologie et d'hydrologie, Paul Garrigou-Lagrange, qui fut responsable de cette intense activité. Garrigou-Lagrange fut un chercheur, un inventeur et un vulgarisateur. Il n'hésita pas à puiser largement dans sa fortune pour créer un observatoire de météorologie qui fut, hélas, démoli en 1979. ABSTRACT This paper gives some details on the activities of the meteorological com- mission of the Haute-Vienne, which were quite important during more than thirty years. These activities were conducted by Paul Garrigou-Lagrange, who also created the Limoges meteorological observatory. LA COMMISSION MÉTÉOROLOGIQUE DÉPARTEMENTALE Même si elle a fonctionné quelques années avant, c'est le 7 avril 1879 que la Commission météorologique de la Haute-Vienne a été créée, par un arrêté pré- fectoral faisant référence, d'une part, aux décrets du 13 février 1873 et du 14 mai 1878 et, d'autre part, à une circulaire du ministère de l'Instruction publique du 5 mars 1879. Le décret de 1873 porte sur l'organisation des observatoires de l'État. Il stipule : • Art.l : l'étude des mouvements de l'atmosphère et les avertissements météoro- logiques aux ports et à l'agriculture sont placés sous les attributions de l'obser- vatoire de Paris. • Art.2 : les travaux relatifs à la physique générale des divers bassins de la France sont attribués aux commissions régionales et départementales dont le conseil de l'observatoire est chargé de poursuivre l'organisation. Le décret de 1878 a créé le Bureau central de météorologie et trois classes de météorologistes : les aides-météorologistes, les météorologistes adjoints et les météorologistes titulaires. La Commission a été ensuite remaniée les 7 mars 1887, 16 juillet 1897, 20 juin 1906 et 20 mai 1925. L'énumération de ces textes peut paraître fastidieuse, mais ce sont de précieux repères dans la vie de la Commission et ils permettent d'en connaître les membres.

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La Météorologie 8 e série - numéro spécial - avril 1995 17

HISTOIRE 1 8 8 0 - 1 9 1 0 : L ' Â G E D ' O R

D E L A M É T É O R O L O G I E À L I M O G E S

Michel Galliot Météo-France CDM de la Haute-Vienne Aérodrome de Bellegarde 87100 Limoges

RÉSUMÉ Le vrai départ de la météorologie en France date de la fin du siècle der­nier, avec la création du Bureau central de météorologie. Ainsi, en Haute-Vienne, malgré quelques observations à la fin du XVIII' siècle par Juge de Saint-Martin, c'est cette époque qui marque vraiment le départ de la météorologie moderne. Ce fut d'ailleurs un départ canon, car si les commis­sions météorologiques départementales ont fleuri un peu partout en France, celle de la Haute-Vienne a connu une activité débordante pendant plus de trente ans. C'est un autodidacte, passionné de météorologie et d'hydrologie, Paul Garrigou-Lagrange, qui fut responsable de cette intense activité. Garrigou-Lagrange fut un chercheur, un inventeur et un vulgarisateur. Il n'hésita pas à puiser largement dans sa fortune pour créer un observatoire de météorologie qui fut, hélas, démoli en 1979.

ABSTRACT This paper gives some details on the activities of the meteorological com­mission of the Haute-Vienne, which were quite important during more than thirty years. These activities were conducted by Paul Garrigou-Lagrange, who also created the Limoges meteorological observatory.

LA COMMISSION MÉTÉOROLOGIQUE

DÉPARTEMENTALE

Même si elle a fonctionné quelques années avant, c'est le 7 avril 1879 que la Commission météorologique de la Haute-Vienne a été créée, par un arrêté pré­fectoral faisant référence, d'une part, aux décrets du 13 février 1873 et du 14 mai 1878 et, d'autre part, à une circulaire du ministère de l'Instruction publique du 5 mars 1879.

Le décret de 1873 porte sur l'organisation des observatoires de l'État. Il stipule :

• Art.l : l'étude des mouvements de l'atmosphère et les avertissements météoro­logiques aux ports et à l'agriculture sont placés sous les attributions de l'obser­vatoire de Paris.

• Art.2 : les travaux relatifs à la physique générale des divers bassins de la France sont attribués aux commissions régionales et départementales dont le conseil de l'observatoire est chargé de poursuivre l'organisation.

Le décret de 1878 a créé le Bureau central de météorologie et trois classes de météorologistes : les aides-météorologistes, les météorologistes adjoints et les météorologistes titulaires.

La Commission a été ensuite remaniée les 7 mars 1887, 16 juillet 1897, 20 juin 1906 et 20 mai 1925. L'énumération de ces textes peut paraître fastidieuse, mais ce sont de précieux repères dans la vie de la Commission et ils permettent d'en connaître les membres.

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18 La Météorologie 8 e série - numéro spécial - avril 1995

L'étude de la composition de la Commission, qui a compté jusqu'à quarante-quatre membres, est intéressante. Tout d'abord, le président est systématiquement l'ingénieur des Ponts et Chaussées. Cette administration a pris à cœur cette mission, car le président a presque toujours été présent aux réunions, et, surtout, la plupart des postes climatologiques étaient tenus par ses agents. Il semble en fait que ces postes existaient avant la Commission, puisque l'on trouve des statistiques en 1877-1887 pour une douzaine d'entre eux et que le poste d'Eymoutiers date même de 1860. Il ne reste par contre rien, du moins en Haute-Vienne, de ces liens privilégiés.

L'implication des agents du ministère de l'Instruction publique est plus normale puisque c'est de ce ministère que dépendent l'observatoire de Paris et le Bureau cen­tral de météorologie. On retrouve donc l'inspecteur d'académie et les inspecteurs pri­maires dans la Commission. En fait, la tenue du poste climatologique de l'École nor­male, poste qui faisait des relevés complets depuis 1858, a sans doute éveillé des vocations chez les instituteurs qui tiennent plusieurs postes. Certains d'entre eux en créeront plusieurs au cours de leur carrière, au gré de leurs nominations d'une commu­ne à l'autre. Les écoles de Saint-lunien, Chalus, Bellac, Rochechouart, La Dorât, Ambazac, Saint-Yrieix sont ainsi concernées. Hélas, la nécessité d'effectuer des rele­vés 365 jours par an est devenue incompatible avec les congés scolaires (en fait, cela posait déjà des problèmes en 1886), et les postes climatologiques ont déserté les écoles, même si l'on trouve encore souvent, mais pour d'autres raisons, des thermo­mètres sous leurs préaux.

D'anciens instituteurs se souviennent encore d'avoir effectué des relevés lors de leur passage à l'École normale d'instituteurs. Il est d'ailleurs curieux que les relevés de ce poste, effectués trois fois par jour et transmis à Paris au Bureau central, n'aient jamais été publiés par la Commission. II est possible qu'une cer­taine rivalité ait existé entre ce poste et l'observatoire de Garrigou-Lagrange.

Bien entendu, la Commission comprenait trois conseillers généraux car c'était le conseil général qui lui apportait l'essentiel de son budget. La ville de Limoges, qui a participé au financement de la Commission à partir de 1880, était représen­tée par son maire, puis par un directeur des travaux. Les services techniques de la ville ont toujours été intéressés par la météorologie. Il a même été envisagé de créer un poste climatologique au jardin de l'évêché, vers 1895, poste dont il est toujours question actuellement. On retrouve également quelques représentants d'administrations : le directeur des Postes et Télégraphes, celui des Eaux et Forêts. Les autres membres de la Commission étaient des personnalités locales qui s'intéressaient à la météorologie : des médecins, un ingénieur des Chemins de Fer, un imprimeur, des professeurs, des propriétaires agriculteurs et un abbé, curé d'Oradour-sur-Glane puis de Vicq-sur-Breuil. Léon Teisserenc de Bort était la seule personnalité nationale. Paul Garrigou-Lagrange a été secrétaire de la Commission pendant plus de trente-cinq ans.

Le budget Le budget de la Commission était modeste. Il a débuté en 1880 par une subvention annuelle de 300 F du conseil général et de 100 F de la ville de Limoges. Le conseil général a été sollicité pour des subventions exceptionnelles dont l'une de 1 000 F. Par contre, il a refusé celle de 2 500 F demandée en 1887, tout en augmentant sa subven­tion annuelle de 300 F. En 1887, les recettes annuelles étaient donc de 600 + 100 = 700 F. Vers 1900, la ville de Limoges cesse de subventionner la Commission, pour des raisons que nous ignorons.

Le budget a été géré au plus juste durant de nombreuses années. C'est ainsi qu'il y avait une petite réserve de 1 487 F en 1885, réserve intacte en 1912. Chaque année, les dépenses et les recettes devaient s'équilibrer. Les propositions d'achats exceptionnels, en particulier pour créer une station climatologique au jardin de l'évêché (100 F en 1895, 1 000 F en 1910), n'ont pas abouti. Les dépenses étaient liées à l'achat de matériels : pluviomètres, thermomètres, abris, enregistreurs, etc. Les dépenses de publication (300 F) débutaient avec les comptes rendus annuels. Elles étaient relativement importantes pour un budget dont le secrétaire déplorait continuellement la modicité.

La Commission a voté dès 1886 une légère subvention aux agents des Ponts et Chaussées, chargés du service pluviométrique, mais il semble que c'est vers 1913 que l'on a songé à allouer 20 F à chaque observateur. Enfin, il y avait les frais postaux et les abonnements à diverses revues françaises et étrangères venant de Russie, Lisbonne, Washington, Hambourg.

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La Météorologie 8 e série - numéro spécial - avril 1995 19

Les publications La Commission a publié des rapports d'activité de 1886 à 1906, puis épisodi-quement jusqu'en 1929. Ces documents contiennent surtout des tableaux de données climatologiques des postes bénévoles et de l'observatoire, avec une des­cription du temps de l'année écoulée. Dans les premières années, on trouve éga­lement des comptes rendus des réunions de la Commission. On s'aperçoit ainsi que les réunions annuelles ne déplaçaient pas forcement tous les membres. Il y avait dix-neuf personnes présentes en 1887, mais seulement six en 1900 et 1903 et cinq en 1904 et 1905. En 1925, vingt-trois membres étaient présents avec, tou­

jou r s f idèle au pos te , Ga r r igou -Lag range qui avait cependant abandonné le secrétariat.

Dès 1891, on trouve dans ces rapports des statistiques climatologiques sur la région et la première carte des pré­cipitations sur le Limousin. Les graphiques de la figure 1 montrent d'ailleurs que les mois de janvier et février étaient beaucoup plus secs qu'actuellement. Ces rap­ports sont ut i l isés par Gar r igou-Lagrange pour publier ses recherches sur la météoro log ie , dans des articles qui prendront de plus en plus de place au détri­ment du rapport d'activité, parfois réduit à une seule page du genre «cette année, la commission météorolo­gique départementale a continué ses travaux... ».

Figure 1 - Régime pluviométrique calculé sur la période 1877-1887

L'activité de la Commission

Le rôle de la Commission était essentiellement de s'occuper du réseau clima-tologique. Si de nombreux postes pluviométriques existaient avant 1879, c'est la Commission qui a créé les premiers postes thermo-pluviométriques, tenus essen­tiellement par des instituteurs (à Chalus et Saint-Junicn, par exemple). Les obser­vateurs notaient, outre la pluie, la direction du vent, l'état du ciel et les «phéno­mènes généraux de l'atmosphère». Par contre, malgré plusieurs tentatives, la Commission n'a pas réussi à créer un réseau d'observation des plantes ou des animaux. De même, les observations d'orages étaient loin d'être satisfaisantes.

Le zèle des observateurs était très variable et il fallait parfois les remotiver. Un inspecteur des contributions indirectes, qui se déplaçait souvent dans le département, a même proposé de faire la tournée des postes, un peu comme ce qui se fait actuellement.

GARRIGOU-LAGRANGE L'essor de la météorologie à Limoges, à la fin du siècle dernier, est sans doute dû à Paul Garrigou-Lagrange. Né le 29 mars 1855 à Aixe-sur-Vienne, près de Limoges, il n'était pourtant pas destiné à exercer un métier scientifique, puisque son père était avoué et que lui-même avait fait des études de droit. Cependant, il avait l'esprit curieux de toutes les choses de la nature et c'est en homme passionné qu'il a étudié la météorologie, mais aussi l'hydrologie et bien d'autres domaines.

On ne sait pas si la vocation de Garrigou-Lagrange est due à Léon Teisserenc de Bort, son aîné et compatriote du Limousin (il est originaire de la Corrèze). En prenant la tête du service de météorologie générale au Bureau central de météorologie dès 1879, Teisserenc de Bort était bien placé pour encourager les initiatives dans sa région natale.

Garrigou-Lagrange a été secrétaire de la Commission météorologique départemen­tale, sans doute dès sa création et jusque vers 1920. Il a fait construire, suivant

Figure 2 - Paul Garrigou-Lagrange à 50 ans (Photo de famille)

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20 La Météorologie 8 e série - numéro spécial - avril 1995

M É T É O R O L O G I E OBSERVATOIRE DE LIMOGES

R E M A R Q U E S

Les faibles pressions persis tent sur le cen t re et le sud de l 'Europe. Le baromèt re se relève brusquement dans l'ouest des Iles Bri tanniques et l 'aire de 7 6 5 m m s'est encore rapprochée do l 'Irlande, en s 'étendant jusqu 'aux Açores.

A Limoges, le baromètre remonte depuis hier; il est ce matin à 7o7mmi.

La tempéra ture est en baisse ; le thermomè­tre est descendu cette nuit à —8°5.

Probable : Temps froid, vent, neige.

Figure 3 - Un exemple de bulletin publié par le Courrier du Centre

ses propres plans, l'observatoire de Limoges et en a été le directeur pendant plus de trente ans. De plus, dès 1885, Garrigou-Lagrange a créé la société Gay-Lussac, société savante comme l'on disait à cette époque, qui fut très active durant de nombreuses années.

Garrigou-Lagrange fut un chercheur, mais aussi un inventeur et un vulgarisateur. Son œuvre de chercheur a été importante et en par­tie reconnue au niveau national. Dans le domaine de la météorologie, il a fait, de 1885 à 1900, trente-six communications : à la Société météorologique de France (19), à l 'Association française pour l'avancement des sciences (10) et à l'Académie des sciences (7), avec une consécration lors du Congrès international de météorologie à Paris, en septembre 1900.

Citons les principaux domaines qu'il a étudiés :

• La climatologie locale avec de nombreux articles sur le climat local. Il a réalisé la première carte d'isohyètes sur le Limousin.

• La prévision du temps avec des tracés moyens d'isobares sur l'hémisphère nord et une classification des types de temps. Il a aussi étudié «la concordance des éléments météorologiques» et inventé l'anémobare, tableau saisonnier qui permet de faire une prévision à partir du vent et de la pression.

• L'action de la lune et du soleil sur le temps, en parlant de marées ou d'ondes solaires ou lunaires. Ce domaine était sans doute très à la mode à cette époque.

Il a conçu des appareils aussi divers qu'une girouette et un ané­momètre pour mesurer les vents verticaux (appareil qui a suscité, en 1885, une discussion à l'Académie des sciences entre le directeur du Bureau central, M. Mascard, et l'astronome M. Faye, et qui sera repris par les établissements Richard, bien connus des météorolo­gistes, pour en installer à Lyon et au sommet de la tour Eiffel), un compteur d'électricité, une machine à faire le vide ou un cinémato­graphe.

En ce qui concerne la vulgarisation, il faut noter que Garrigou-Lagrange a toujours souhaité que les relevés météorologiques soient publiés, soit dans les journaux locaux comme le Courrier du Centre, la Gazette du Centre et le Petit Centre, soit en créant des revues, comme le Gay-Lussac ou les comptes rendus annuels de la commis­sion météorologique.

Garrigou-Lagrange était également passionné d'hydrologie et, afin de retenir l'eau des précipitations qui s'écoulaient trop rapide­ment à son gré, il fut l'animateur, avec Emile Cardot, d'un vaste pro­jet de reforestation du plateau de Millevaches, 16 000 hectares sur­nommés à l 'époque «le chauve Millevaches». Un monument fut d 'ail leurs construit en son honneur en 1932, dans le bourg de Millevaches. La reforestation massive du Limousin, qui a vu sa superficie forestière multipliée par trois entre 1910 et 1980, est peut-être la cause des modifications climatiques mises en évidence en Limousin (Lemarchand et Galliot, 1992). C'est une conséquence que n'avait pas envisagée Garrigou-Lagrange.

L'OBSERVATOIRE DE LIMOGES

L'observatoire de Limoges a été construit sur les plans de Garrigou-Lagrange qui l'a peut-être entièrement financé. Il ne faut pas s'étonner de ce choix qui est significatif de cette époque. Il n'existait pas de services chargés de la recherche scientifique et c'est souvent à l'initiative de riches autodidactes que la science a progressé. L'exemple le plus connu en France, pour la météorologie, est celui de Léon Teisserenc de Bort qui a légué à la Météorologie nationale ses installations et son terrain de Trappes, dans la région parisienne.

L'observatoire a été construit sur un terrain de 1 500 m 2 «à la porte de la ville», ceci se rapportant bien entendu aux limites de Limoges en 1885. Le bâti­ment était conséquent puisqu'il faisait plus de 200 m 2 sur deux niveaux. Il com­prenait un logement de fonction, des bureaux de travail, une salle d'archives, une bibliothèque et deux salles de réunion. Il comprenait aussi deux plates-formes

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La Météorologie 8 e série - numéro spécial - avril 1995 21

situées à 15 m et 18 m au-dessus du sol. L'observatoire était doté d'un puits de 12 m où il était prévu de mesurer la tempé­rature de l'eau.

Les appareils de mesure situés à l'observatoire étaient clas­siques : thermomètres sec et mouillé, à minimum et à maximum, thermographe pour l'abri, et thermomètre au sol et au fond du puits ; pour la pluie, un pluviomètre et un pluviographe ; pour la pression, un baromètre Fortin et un barographe ; pour le vent, une girouette et un anémomètre. Tous ces appareils, qui sont encore familiers au météorologiste en 1995, étaient étalonnés par le Bureau central de météorologie. L'observatoire possédait en outre un anémomètre et une girouette pour mesurer le vent verti­cal. Les mesures étaient faites trois fois par jour à 7 h, 14 h et 18 h, par un aide-observateur.

L'observatoire a débuté ses mesures le 15 juillet 1885 et les relevés journaliers ont été transmis par télégraphe à partir du 5 novembre 1885 à la tour Saint-Jacques et au parc Saint-Maur, à Paris. Le fonctionnement administratif de l'observatoire, son budget, le statut de l'observateur et sa rémunération restent une énigme mais, en 1895, un rapport regrettait que l'observatoire n 'a i t reçu aucune subvention. De fait, l 'observatoire de Limoges ne semble pas faire partie des observatoires «offi­ciels» dont la liste est donnée par Fierro (1991).

Bien que le grade d'aide-observateur ait été créé au sein du Bureau central de météorologie par le décret de 1878, avec un traitement de 1 500 à 2 000 F, on ignore par qui était payé cet observateur. L'observatoire a fonctionné jusqu'en mai 1926, remplissant dans les dernières années des comptes rendus quo­tidiens comme les stations tenues par des professionnels ; il était considéré dans les publications de l 'Office national météorologique, qui a remplacé le Bureau central en 1922, comme un poste du Service météorologique métropolitain, dont il ne recevait pas de subvention.

L'observatoire a été abandonné de nombreuses années, avant d'être démoli en 1979. Il reste cependant vivant grâce à Georges-Emmanuel Clancier, l'auteur du roman Le Pain Noir, qui y a situé la première partie de son roman L'éternité plus un jour (Clancier, 1985), partie intitulée «l'Observatoire». Il y

décrit la tour de deux étages, la plate-forme avec les appareils météorologiques et un vieille girouette grinçante, le tout dans un vaste parc. Le fondateur de ce bâti­ment, que G.-E. Clancier suppose être un astronome, est appelé Jacques Garrou.

BIBLIOGRAPHIE Clancier G.-E., 1985 : L'éternité plus un jour. Laffont, Paris.

Fierro A., 1991 : Histoire de la météorologie. Denoël, Paris

Le Congrès de l'arbre et de l'eau, 1905. Revue de la société Gay-Lussac

Lemarchand J.-P. et M. Galliot, 1992 : Y'a plus de saisons. Verso, Guérct.

POJJR SAVOIR PLUS Annuaire de la Société météorologique de France, 1886 : Note sur l'observatoire physique et météorologique de Limoges, juin 1886 , 2 0 4 - 2 0 6 .

Saumande P., 1990 : Paul Garrigou-Lagrange ; un curieux homme, un esprit curieux. Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, t. 118.

Observatoire: Physique et Météorologique de Limoges

Figure 4 - L'observatoire de Limoges, d'après la revue de la société Gay-Lussac Le Congrès de l'arbre et de l'eau (1905)