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Son grand chefSes produits locauxSon savoir-faire
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Histoire de la cuisine créole à la Réunion…
Si pour certains sujets, on a tendance à dire que ce sont les femmes qui en parlent le
mieux, en l’occurrence pour présenter la cuisine réunionnaise, il me semble plus judicieux
de passer le flambeau à : « Christian ANTOU ». Hommage au plus grand chef que la
cuisine réunionnaise ait jamais connu.
Il avait cette façon de conter « cuisine » qui me fait plonger aujourd’hui encore « dan tan
lontan » où les « ti kari » de ma mère étaient les seuls à pouvoir me mettre en appétit.
1. Les origines de la cuisine créole :
C’est « l’Inde, dit-on, qui met en appétit » dans la cuisine réunionnaise : en effet 80% de
ses apports sont d’origine indienne. Elle a cette particularité, disait-il fièrement, d’être une
cuisine typique contrairement à toutes les autres cuisines créoles. Elle doit sa diversité et
sa richesse aux apports culturels des différentes civilisations qui cohabitent sur l’île depuis
bien longtemps (malgache, africaine, européenne…). La cuisine chinoise n’a quant à elle,
pas subi de métissage, mais elle fait aussi partie de notre cuisine.
2. Le type de plats
Contrairement, aux habitudes de la France métropolitaine (entrées/plat principal/dessert),
nos repas créoles sont composés essentiellement d’un plat principal :
- ri (riz) : blanc de préférence mais parfois on le teintera de safran « péï », le
curcuma, le parfumera de cardamone auquel on ajoutera un peu d’oignon pour en
faire un « ri jone » et avec quelques autres ingrédients pour en faire
un « zanbrokal » .
- grin (grains et non pas les graines comme certains touristes osent l’énoncer) : ce
sont en fait les haricots rouges, blancs, les lentilles, les pois de Cap,
« zanbrovate »… qui sont « roussis » avec de l’oignon, de l’ail, du thym, des
feuilles de quatre épices.
Autrefois, les gens utilisaient des grains secs qu’ils faisaient bouillir dans de l’eau
avant de les assaisonner. Mais aujourd’hui, pour gagner du temps, on a tendance
à utiliser les boîtes de grains en conserves (déjà assaisonnés ou pas) qu’on trouve
facilement dans les supermarchés.
Lentillles Haricots rouges
- Kari : cette appellation est souvent confondue avec le terme « curry » qui est
donné à la préparation ou au mélange d’épices. « Kari » quant à lui, est un terme
tamoul et signifie « cuire dans les sauces épicées ». Dans le « kari », les seules
épices qu’on retrouvera sont le poivre noir et le curcuma. A cela, seront ajoutées
d’autres garnitures telles que des plantes aromatiques, du thym, des tomates et de
l’ail.
Kari tang
- Rougay : Sont appelés ainsi des plats préparés essentiellement à base de
tomates, oignon,
-
Rougay sosis’
ou des accompagnements à base de tomates ou concombre ou mangues ou
bringelles…et de préférence pimentés.
Rougay bringèl Rougay tomate Rougay mang
D’autres accompagnements tels que de la salade ou achards ou brèdes peuvent
être servis en même temps que le plat principal.
La cuisine réunionnaise est une cuisine très consistante car autrefois les ouvriers sur les
chantiers et les coupeurs de canne dans les champs avaient bien besoin d’un repas qui
les fasse tenir toute une bonne journée de travail. Comme disait mon père: « Goni vid i
tyin pa d’bout’ ». Et il savait de quoi il parlait ! Même nos petits déjeuners étaient à base
de riz mélangé avec de la graisse ou de l’huile et du piment : appelé « ri shofé ». C’était
un régal même si on préférait ne pas le « crier sur les toits » de l’école pendant la récré.
Aujourd’hui, les croissants ou autres viennoiseries ont remplacé le « ri shofé » et on
utilisera souvent l’expression : « ri chofé, crwasant sho » (riz chauffé, croissant chaud)
pour dire qu’on va se prendre un petit déjeuner.
3. L’art de la table et de la politesse
Il faut savoir que sur l’île, les expressions « dresser la table », « mettre le couvert » ne
faisaient pas partie du vocabulaire réunionnais. Le service se faisait directement dans la
marmite, chacun son tour. A cela est associée l’expression créole « tir son mangé ».
Les gens avaient l’habitude de manger avec une cuillère ou une fourchette uniquement
(pas de couteau) ou alors avec les doigts. Mais attention, pas n’importe comment !
Comme il y a une façon de tenir sa fourchette et son couteau (en France), il y a aussi une
façon de manger avec les doigts à la Réunion. Interdiction de se salir la paume de la main
ou d’utiliser ses 2 mains. Sauf si bien sûr, on devait grignoter de la chair sur un os de
cuisse de poulet par exemple.
Aujourd’hui, les habitudes se perdent ! Si certains continuent à manger avec les doigts
tous les jours, d’autres le font uniquement pour certaines occasions ou pour certains plats
(« kari tang dann fèiye banan »).
Il faut aussi savoir que les créoles « i tir pa zot mangé » n’importe comment.
Il existe une façon bien ordonnée :
- de se servir : tout d’abord son « gazon d’ ri » (attention à ne pas présenter une
montagne de riz), puis les grains par-dessus et son cari, ses brèdes et son rougail
à côté.
- de finir son assiette : tout ne doit pas être mélangé en même temps mais au fur et
à mesure qu’on mange
Dans les restaurants, cette façon de faire disparaît pour offrir aux clients un côté plus
esthétique de la nourriture. Le riz est servi dans un petit bol ou ramequin comme
accompagnement.
4. L’évolution de la cuisine créole
Le grand chef Christian Antou était bien conscient que la survie de la cuisine réunionnaise
dépendait de son évolution. Ainsi au fil des années, de nombreux plats se sont-ils
adaptés.
Exemple : le gratin de légumes à base de sauce béchamel et muscade (issue de la cuisine
française) et des produits locaux (chouchoux…) et curcuma, piment.
Beaucoup de produits locaux saupoudrés d’une petite touche venue d’ailleurs sont ainsi
mis en valeur. Mais d’autres vont, malheureusement, se raréfier, voire disparaître tel que
les « pomm anlèr » (sortes de pommes de terre qui poussent en hauteur dans les lianes).
Cette expression très utilisée chez les réunionnais « Tout est bon dans le cochon » trouve
sa place aussi pour parler du bananier :
- les fruits se mangent verts en mets salés, mûrs en dessert (nature, en gâteau ou
beignets)
- le « baba fig » est utilisé en cari (à condition de bien savoir le préparer)
Les réunionnais utilisent souvent des feuilles d’épices dans leur cuisine : caloupilé,
combava (dont les feuilles ont une saveur particulière) et surtout le quatre épices. Mais là
encore, à ne pas confondre avec le quatre-épices utilisé en France et qui est un mélange
de 4 épices comme son nom l’indique : le poivre, le girofle, la cannelle, la muscade. Le
quatre-épices réunionnais est une plante qui contient à elle seule le parfum des 4 épices
citées précédemment et qui pousse de façon sauvage dans les ravines ou dans les
jardins.
On a la possibilité de consommer réunionnais tous les jours de l’année grâce à cette
évolution, affirme Christian ANTOU. Un même produit sera cuisiné différemment selon
les goûts des uns et des autres. Les brèdes, par exemple, peuvent être cuisinées en
bouillon, en fricassée, en salade, avec de la viande, dans les grains, en tourte, en
gratin…et à la « manière zoreil », comme des épinards. Et il en est de même pour le
chouchou qui se savoure à toutes les sauces.