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Hisfoire des Arts XfXème siècle HI5TOIRE DEs ART5 XIXàME sIÈCLE LA PHOTOGRAPHIE ET LE CINÉMATOGR APHE, ré.EI OU iIIUSiON ? Le XfXème siècle se coractérise por de nombreuses innovqtions lechniques gui vont profondément modif ier les protiques ortistiques et le regard porté sur le monde gui nous entoure. Les deux gronds opports de ce siècle sont indénioblement lo photographie inventée en1839 et le cinématogrophe en 1895. fl n'est pos question ici de foire un historique de ces deux innovoTions majeures relotives à lo question del'rmage mois de les guestionner dons leurs enjeux et leurs spécificités. En effeI, penser à lq photographie ou ou cinémotogrophe, c'est envisager deux technigues d'enregislrement du réel ovec tout ce gu'elles peuvent ovoir d'obj ectivité., voire de neutrolité. Or, il est porodoxol de constoter que ces techniques d'enregistrement du réel ont, dès leur invention, étoient souvent mises qu service de lo mise en scène, de l'ortifice, de la théôtrolisotion et de l'illusion olors que c'est du côté de lo réalité et de son immédioteté Tongibla gue nous serions enclins à les oppréhender a priori. Voyons donc en guoi ces deux techniques onT orticulé leréel et l'illusion. 5i lo photographie a cette capacité nouvelle, por ropport à lo peinture, de soisir loréalifé. et lq vie dons leurs monifestotions les plus guotidiennes ovec objectivité, il opporoît que dàs ses débuts , elle a été ulilisé.e pour f ixer des scànes construites de touTes pièces. Loin donc d'ètre un moyen d'enregislrer lo réalité de moniàre f acluelle et documentoire, elle a été placée sous l'égide de l'illusion, héritée de la trodition picturole, dons l'idée de r,épondre ou goût de l'épogue du trovestissement et de la théôtrolisotion. C'esl essentiellement la photogrophie victorrenne, de 1840 à 1880, qui o mis en lumière cefle tendonce avec des photogrophes comme Julio Morgoret CAMERON (1815-1879), Oscor Gustove REJLANDER (1813-1875), Henry PEACH ROBINSON (1830-1901) ou encore Lewis CARROLL (1832-1898, Charles Lutwidge Dodgson dit). Sous l'influence de modèles picturoux, ces photographes et d'outres encoîe, entreprennent de mettre en scène des sujets littéroires , religieux, historiques ou de genre. Leurs photogrophies opparoissent comme de véritables compositions ortistigues , largemenl ancrées dqns lo protigue des tableoux vivonts, des chorodes mimées ef du théôtre omateur très en vogue dons les fomilles de lo noblesse et de lo bourgeoisie. 'l';'' ll ril T i 0.6. REJLANDER, Les deux façons de vivre,L857, éprzuve à l'olbumine ar gentique, 40,9 x7 6,8, Moderno Museet, Sf oc kho I m Anne Dumonteil et AlinePalau-Gazé,Service Educatif du Musée Fabre,2OTO Roger FENTON (1919-1869), Zouave, Z'" division, 1855, épreuve sur popier salé, LA County Museum of Art, LA Page 1

Histoire de la photographie-service éducatif musée Fabre

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Histoire et étude sur la photographie par le service éducatif du musée Fabre, 2011.

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Hisfoire des Arts XfXème siècle

HI5TOIRE DEs ART5 XIXàME sIÈCLELA PHOTOGRAPHIE ET LE CINÉMATOGR APHE, ré.EI OU iIIUSiON ?

Le XfXème siècle se coractérise por de nombreuses innovqtions lechniques gui vont profondémentmodif ier les protiques ortistiques et le regard porté sur le monde gui nous entoure. Les deux grondsopports de ce siècle sont indénioblement lo photographie inventée en1839 et le cinématogrophe né en

1895. fl n'est pos question ici de foire un historique de ces deux innovoTions majeures relotives à loquestion del'rmage mois de les guestionner dons leurs enjeux et leurs spécificités.

En effeI, penser à lq photographie ou ou cinémotogrophe, c'est envisager deux techniguesd'enregislrement du réel ovec tout ce gu'elles peuvent ovoir d'obj ectivité., voire de neutrolité. Or, il estporodoxol de constoter que ces techniques d'enregistrement du réel ont, dès leur invention, étoientsouvent mises qu service de lo mise en scène, de l'ortifice, de la théôtrolisotion et de l'illusionolors que c'est du côté de lo réalité et de son immédioteté Tongibla gue nous serions enclins à lesoppréhender a priori. Voyons donc en guoi ces deux techniques onT orticulé leréel et l'illusion.5i lo photographie a cette capacité nouvelle, por ropport à lo peinture, de soisir loréalifé. et lq vie donsleurs monifestotions les plus guotidiennes ovec objectivité, il opporoît que dàs ses débuts , elle a étéulilisé.e pour f ixer des scànes construites de touTes pièces. Loin donc d'ètre un moyen d'enregislrer lo

réalité de moniàre f acluelle et documentoire, elle a été placée sous l'égide de l'illusion, héritée de latrodition picturole, dons l'idée de r,épondre ou goût de l'épogue du trovestissement et de la

théôtrolisotion.

C'esl essentiellement la photogrophie victorrenne, de 1840 à 1880, qui o mis en lumière cefle tendonceavec des photogrophes comme Julio Morgoret CAMERON (1815-1879), Oscor Gustove REJLANDER(1813-1875), Henry PEACH ROBINSON (1830-1901) ou encore Lewis CARROLL (1832-1898, CharlesLutwidge Dodgson dit). Sous l'influence de modèles picturoux, ces photographes et d'outres encoîe,entreprennent de mettre en scène des sujets littéroires , religieux, historiques ou de genre. Leursphotogrophies opparoissent comme de véritables compositions ortistigues , largemenl ancrées dqns loprotigue des tableoux vivonts, des chorodes mimées ef du théôtre omateur très en vogue dons les

fomilles de lo noblesse et de lo bourgeoisie.

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0.6. REJLANDER, Les deux façons de vivre,L857, éprzuve à l'olbuminear gentique, 40,9 x7 6,8, Moderno Museet, Sf oc kho I m

Anne Dumonteil et AlinePalau-Gazé,Service Educatif du Musée Fabre,2OTO

Roger FENTON (1919-1869),

Zouave, Z'" division, 1855, épreuve

sur popier salé, LA County Museum ofArt, LA

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Histoire des Arts XfXème siècle

Cesfontoisiesphologrophiguestémoignent dugoût del'époquevictoriennepourlqnorrotionetlafiction,au correfour du monde médiéval des légendes arThuriennes et de l'univers de Wolter SCOTT ou de

Williom SHAKESPEARE et de lo peinfure. Celo troduiT oussi le goût pour le déguisement et le

trovestissement gui permettoil d'âTre, le temps d'une mise en scène photogrophique, un aufre ou sens

large, un outre d'oilleurs ou d'une outre condition sociole. L'Albun de l4ar Lodge montre gue lo fomilleroyole oussi se prâtoit volontiers à cette mise en scène de soi.

Au-delà de ces mises en scène, il esI rntéressont de se pencher sur les orfif ices gui ne résultent pos de

décors et de d'éguisements mois de monipulotions foites à lo prise devue ou ovec les négatifs. Ainsi, une

des photogrophies les plus célèbres de cette p,âriode, The Two ways of life de O.G. REJLANDER, ocquise

por Victoria pour son époux le Prince Albert, est lo combinoison de trente négotifs différentsdonnant lieu à une seule ef même imoge.

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Cefie opproche de collage témoigne de vérilablestours de force techniques récurrents à cetteépoque gui sont à l'origine d'un débot sur lo

noture ortisTigue de lo photographie. En effet,avec ces photogrophies de grondes dimensions,

utilisont porfois le photomontage ef le ftucage,nous sommes là bien loin d'une protigued'enregistrement du réel immédiat et quotidian.

0.6. REJLANDER, Temps durs,186O, épreuve à

l'olbumina argenfique, George EosTman house,

Rochester

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Fontoisie et f éerie se côToient dons ces images produites por des professionnels, souvent peintres de

formotion, ou pqr des qmoteurs éclairés comme pouvoit l'ê'fre Lewis CARROLL gui pouvoit retrouver pcrce médium uneimogerie construi'lede toutes piàces gui n'étoit pos sons rappeler son univers littéraire.Ce goût pour la merveilleux, que portogent orislocrotes et ononymes dons cette nouvelle protique de

I'image,lrouve son apogée dons le trovoil de Julio Morgaret CAMERON, en porticulier dans les années

1864-1875, avec ses modones à l'enfont et ses anges, ses bourgeois de Colois el ses personnoges

shokespeoriens tràs influencés por lo peinture préraphaélite ongloisa. Ses illustrotions photogrophiques

éIaient conçues pour ressembler oux peintures à l'huile issues de ce mouvement gui cherchoiT à retrouverlapureté des primitifs itoliens. L'intemporslîté de ses mises en scànes sophistiquées, gui rompt ovec un

réolisme photogrophigue de plus en plus présent dons cetle décennie, se cristollise pleinement dons so

série photogrophique , réolisée en atelier en 7874-7875, illustront Les fdy/les du roi de son omi AlfredTENNySON (1809-189?) qui est un recueil de poèmes sur les légendes orthuriennes.

Anne Dumonteil et Aline Palau-Gozé,5ervice Educsiif du Musée Fabre, 2010 Page 2

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Histoire des Arts XfXème siàcle

A gouche, Lewis CARROLL,

Saint âeorge ef le dragon,

1875, épreuve à l'olbumineargenlique, tl,6xL4,8,Metropolitan museum ofort, Ny

A droite, Julio MorgoretCAMERON, êarefh efLynefte, 787 4, épreuve à

l'olbumine argentique,34,8x25,9

Il nous est permis de penser que le réalisme et la conf ormilé de ces mises en scène photogrophigues ou

siàcle gui les o vues noître, se situent dans lo trqduction des goûts de |êpoque : celui de l'exotisme etde l'orientalisme, et plus lorgement des voyoges, celui pour le théâtre et le décor, celui pour lolittéroture et enfin celui pour les innovofions technigues.Ces engouernents multiples se monifeslent dons l'émergence de proTigues d'ortistes qui commencent à

ètre décloisonn'é,es el protéiformes. L'exemple de Lewis CARROLL, écrivain et photogrophe, estsignificotif. fl o d'ailleurs lo cloirvoyonce de ce qui sero plus tord la spectocle cinématogrophigue puisqu'ilécrit en 1856 dons son journal " Je pense que ce seroit une bonne îdée que de faire peindre sur lesplogues d'une lonTerne mogigueles personnages d'une pièce dethéôIre que l'on pourroiT lire à houfe voix :

une espèce de spectocle de morionnettes".

Avont de clore ceps?sgraphe sur la photogrophie victorienne commevecteur d'illusion et de fontqisie, ilconvient d'évoquer une oufre de ses richesses : lo protigue essentiellement f éminine gui consiste en loréolisotion d'olbums. Mêlont le réel eT l'ortif ice, ils anficulent des frogments de photogrophies détouréset lo protique de l'aguorelle.

Ces olbums créés dons les années 1860 montrent, su fil de leurs pages, des photomontoges (ou

photocolloges) empreints, pour certoins, de réolisme el, pour d'ouTres, de merveilleux. Cette pratiguenégligée et oubliée de jeu avec les imoges constitue un témoignsge sw les loisirs des f emmes aisêes deceTle époque et sur une photogrophie qui devenoit de plus en plus occessible et quotidienne.

Anne Dumonteil et Aline Palau-Gazé, Service Educotif du Musée Fabre,?O7O Page 3

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Hisfoire des Arts XIXème siècle

Elisobeth PLEyDELL-BOUVERIE (?-1889), 1872-77,collection George Eostmon House, Rochester

L'exposition Playing wifh Pictures: The Arf ofVicforian Phofocol/age lui est d'oilleurs consacréeen cefte année 2010 à l'Arf fnsTitute de Chicago,

exposition qui voyagerq ensuite à New York et à

Toronto. CeT évènement permeT d'exhumer ou, àtout le moins, de mettre ou jour un phénomène de

soci'été qui étoit touf à fait novateur en ce qu'ilorticulait deux pratigues de I'imoge, entreprésenlotion et représenlotion, enlreobjectivité du rëel et fontoisie, tout en fqisontêmerger lo notion de dêcoratif. Il est tràscertainement question d'une vroie monifestotionde lo modernilé dons cette protigue féminine,avec ses hybridotions, ses ruptures d'échelle, sesimoges surréalistes ovont I'heure tqnTôt teintéesd'humour ou de subversion.

Les auteurs ne sonT pas toujours identifiés etidentif iobles mqis gu'importe I C'est le témoignaged'une époque et des pensées f émininesportiellemenT dévoilées dons ces monipulotionsd'imoges gui prime oinsi gue l'innovotion gue la

réolisotion de ces olbums proposoit.

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Georgina BERKELEy (1831-1919), psge de I'AlbumBerkeley, 1867-7L, colloge, aquorelle et tiroges à

l' olbumine, Musée d' Orsoy

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Constonce SACKVILLE-WEST (1846-1929), page de I' AlbumSackville-14/esf , 1867-73, George Eostmon House, Rochester

Après ovoir envisagélo phofogrophie dons ses mûnifesïofions théâtralisées, illusionnistes eT norrotives,nous ollons voir en guoi elle répond oussi à sa spécificité technigue de restitution du rêel, "puisqu'elle

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nous donne loufes les goronties désirqbles d'exoctitude" pour reprendrele mof de Charles BAUDELAIRE(1821-1867), de son Salon de 1859. Le domoine gui sero essentiellernent obordé sera celui de lo noissoncedu portroit photogrophique eT del'idée d'identilé.

5i des photogrophes comme Roger FENTON, Hippolyte BAyARD (1801-1887) ou encore Oscor GustoveREJLANDER se mettent en scàne dons leur trovoil de l'imoge, ce n'esf pos pour donner à voir la réalitéde ce gu'ils sont mois pour jouer un personnage l'inslont de lq prise photogrophigue, un zouove pour lepremier, un noyé pour le deuxième ou un soldot pour le dernier. fl n'est pos guestion d'un propos surI'identité propre mois sur lo mise en scène de soi dons un rôle identifioble ou reconnoissoble. C'esl lepersonnoge gui prime et non la personne dans ces scênettes plus ou moins complexes sur le plon du

décor, du déguisement ou de lo composition. L'artifice est plus ou moins mosqué mois ce qui en ressortc'est le sentimenT de nqrrotion photogrophigue enhen ovec un récit de fiction.

Mois ou moment où lo mise en scàne de soi comme personnoge est courante dons les proTiquesphotogrophiques sont également conçues des images composées et fobriquées inté.gront lq guestion del'identité, de la personne nommée et reconnoissoble immédiotement. Lo trodition du portroit picturolhistorié se perpétue donc ou moyen de l'enregistrement photogrophigue. Une diff érence importonteest toutefois à relever : les modèles posent rorement hobillés en figures mythologigues ou en hérospréf érant jouer des rôles nouveoux liés oux horizons ouverts ou démocrotisés ou XfXème siècle ou ouxgoûts de cetTe époque. Ainsi, I'orient et le voyage sont souvent convogués avec des éléments de décortels gue des malles, des meubles volonts en cannage, des costumes ou accessoires exotiques olors en

vogue, de mâme que les personnoges contemporoins ou les rôles particulièrement appréciés en ce temps.

Wqrren THOMPSON se portroiture en artiste, en penseur ou encore en arabe olors gue Oscor GustoveREJLANDER se donne à voir en Goribaldi. Loin d'être un portrait (ou outoportroit) tel gue nous

l'entendons a priori, chague image photogrophique est une vroie mise en scène de la personne où ledécoret le costume sont toujours porticulièrement soigné.s ofin de viser lo vroisemblonce et de témoignerd'une certoine outhenticité. fl s'ogit donc de porfrait de fanfaisie et de f iction où l'identité a so plocemois où elle ne se suffit pos à elle-mâme dons lo réolité physique et quotidienne du visoga et du corps.Roppelons-le, une f ois encore,le goût du décor et du fravestissement étoit très morgué en ces temps où

l'on apprécioil le théâtre, de ses formes les plus nobles à ses manifesTations les plus populoires, lo

littéroture et les contes ou encore l'orientolisme. Lo photogrophie, dans cette protique artifbialiséedu portroit, opparaît comme un substilut de lo peinture puisgu'elle opère dons un registreillusionniste, et non quotidien el immédiot. Nous nous situons là dqns un entre-deux du rëel et deI'illusion.

Anne Dumonteil et Aline Palau-Gazé, Service Educatif du Musée Fabre,2OlO PageS

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Histoire des Arts XIXème siècle

Lewis CARROLL, Lorina ef Alice Liddell en Lewis CARROLL, Xie Kifchin,LST4,tirage à l'olbumine argentiguechinois, 1859 , tiragz à l'olbumine argentique

Au-delà de ces goûts portogés au XfXàme , c'es'f oussi une sociologie de lo photo graphie gui se dessine en

regard de lo production de portroits. Roppelons d'obord que lo photogrophie demande, à ses débuts etPour des décennies, un temps depose gui esf loin de l'immédiateléque nous connoissons. Voilà peut-êtreun des ,éléments gui expliguent lo guestion de l'ottitude et du décor dons les protigues photogrophiques.Mois celo ne souroit suffire. Observer les portroifs photogrophigues du XIXème siècle, c'est faire leconstot d'un ort de lo posture et de la mise en scène où lo personne joue toujours, peu ou prou, un

rôle ou s'affirme dons son rong sociol, so puissonce ou sa renommée.

Ainsi, gu'il s'ogisse de personnolités, hommes de pouvoir ou comédiennes, ou non, Ie portroit témoigned'une fonction ou d'une guolité, ces dernières se monifestant ou trovers d'éléments de décor et d'unemise en scène rigoureuse et soignée. Chaque détoil est pensé dons ce trovoil réalisé presgueexclusivemen'f en studio : composition de I'imoge, éléments mis en æuvre, lumière. Les élémentsconstitutifs de ces décors sont principolement des meubles, des rideoux ou une toile de fond gui

théôlrolisent zt encodrent l'ensemble, des élémenls orchitectoniques comme des colonnes gui

structurent l'espoce et véhiculent l'idée de pouvoir et de solennilé,

Comille SILW (1834-1910), Silvy dons le studio ovec

sa fomille, L866,tirage à l'albumine, collectionprivée,Paris

Lewis CARROLL, Xie Kifchin, L874,tirage à l'olbumine argentigue

Anne Dumonteil zt AlinePalau-Gozé,jervice Educotif du Musée Fabre,2OTO Page 6

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Histoire des Arts XfXème siècle

Comilla sfLW, Ferdinand Philippe tl4arie d'Orléans,duc d'Alençon, 7867, tirage à l'olbumine, 8,5x5,5,Notionol portroit Gallery, Londres

Le décor se met ou service du réalisme de lo photo g?sphie dons lo mesure où le modàle se voit renf orcédqns so fonction ou son rong por des élémenIs extérreurs à lui gui l'environnent et le situent. C'estpourguoi, le codroge esf en plon moyen , afin de montrer le (ou les) protogoniste(s) en pied mois oussi lelieu. A la différence des porTroits peints ou sculpTés, c'es| lo totolité du corps qui est privilégiée et non

exclusivement le visoge et le buste.Attifude, posture, expressiviTé du corps eI éléments de d,ê.cor deviennent les fondements de cesportroils phoTogrophiques qui débordent lo seule guestion de l'identité propre. Regorder unephotogrophie, c'est ovoir, en eff ef , de nombreux indices sur lo ?e?sonne représenIée e'f sa ploce dons losociété ce qur nous permet de penser gue lo fonction photogrophigue n'est pos strictement identitoire,elle devient oussi sociole. 5i réolisme il y a, il ne se silue donc pos dons l'immédiatzlé de lo prisephoTogrophique avec ce qu'elle pourroil ovoir d'objeclif et de documentoire mois dons lo restitutionfidèle ou dons l'odéguotion de la personne photogrophi,é.e et du décor qui l'occompagne.

fl est à préciser, du point devue de l'histoire dela photogrophie, gu'un évènement importont vo morguerI'année 1854. En effet, c'est I'année où Andrê Adolphe Eugène DISDÉRI met ou point un nouvelopporeil photogrophigue gui peut reproduire six à huit clichés sur lo même plogue de verre- Celo

rompt avec le daguerréotype, qui ne permeF qu'un seul portroit et qui esi, de fait, plus coûteux. Cetopporeil utilisant le collodion humide va démocrotiser lo photogrophie er la développer ou trovers du

portroit-corte, oussi oppelê carfe de visife et déposë comme tel.L'engouement pour lo photogrophieva prendre un nouvel essor puisgu'ella devient une activifé, commerciole à grande échelle, ovec ceTteréduction des coûts et cetle copocité à reproduireles imoges. Plus gua jomois, elle s'affirme comme un

moyen de représentotion du stotut sociol.

D'un point du vue technique,les photogrophies sont réolisées avec plusieurs objectifs ce gui permet uneopproche séquentielle, visible lorsque les phologrophies ne sont pos découpées et qu'elles seprésen'fentsous forme de plonches (exemple du portroiT du Prince Lobkowifz reproduit ci-dessous). Dons la réolité.quotidienna du XIXème siècle, elles ,étoienl séparées et contrecollées sur une ploque de corton de

fi,5x6,5 cm, d'où le nom de carfe de visife. Lo photogrophie n'étoit donc plus un luxe réservé à guelgues-

uns, elle se démocrotisoit dons les couches aisées de lo populotion, notomment sous l'impulsion de

Nopoléon fII, lui-mâme modèle de DISDÉRI, seul ou ovec so fomille.

Anne Dumonteil eT AlinePalau-Gazé. SeNice Educotif du Musée Fabre.2OlO PageT

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Histoire des Arts XfXème siècle

André Adolphe Eugàne DISDÉRI (1819-1S89), Prince André Adolphe Eugène DISDÉRI, Napoléon Iff, versLobkowitz,1858, tiroge à l'olbumine argentique d'oprès 1857-60, Iirage à l'olbumine argentique, formot corteune ploque deverre,2Ox23,2, Metropoliton museum, Ny de visite

Avec le développement des cortes de visites noît lo protigue de l'olbum dons les fomilles ainsi que I'idéede lo corte comme morchondise,evec l'opporition de collections. Ainsi, il aéIé vendu plus de trois millionsde corïes de lo Reine Victorio enTre i860 eT 1862.Notons gu'outre les photogrophies des puissonts, ce sonT oussi les cqrtes des comédiens gui sont à lomode avec le goût morgué ou XIXàme pour le théâTre et pour le speclacle.

Il est intéressant de constoter quel'identité proprz des personnes photographiées s'offirme de plus en

plus, noTomment ou trovers du codroge qui évolue. D'un plon moyen qui donnoit à voir les éléments dedécor, lo prise photogrophique se ropproche comme nous pouvons le constoter dons le portroit deNopoléon IfI por DISDERI ou dons ceux des comédrennes prises por le studio londonien DOWNEY dons

les années 1890. fl n'est pas encore guestion de plon rapproché, toille ou poilrine comme nous l'entendonsoujourd'hui mois de plon amérrcain. Le regard se concentre davontoge sur la physionomie morguantdovontoge I'identrtéprop?e ovec lo singulorité des Troits et non le stotut sociol par l'entrernise du décoret d'un espace organrsé et scénarisé.

studio DOWNEY (W.& D. DOWNEY)

A gauche, Sarah Bernhardf,l89O,Woodburytype Notionol portrait Gallery

A droite, Lillie Langtry,1891,22,9xL7 ,B

Anne Dumonteil et Aline Palau-Gazé, Service Educotif du Musée Fabre, ?O7O Poge I

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Histoire des Arts XIXème siècle

Lo photographie est à lo mode. Tout un chocun en possàde et désire se faire photogrophier par lesstudios qui se multiplient: DfSUÉRf , CARJAT, NADAR, MAyER ou encore PIERSON. A ces ateliersprofessionnels de quolité s'opposent des atelîers où le Travoil s'ovère stondordisé eI médiocre, pourrépondre à une demonde da plus en plus forTe et sons exrgence ortistigue. C'est ce gue NADAR (1820-191Q, Adrien Gospord-Félix Tournochon dit) dénonce d'oilleurs à propos de ses concurrents MAyER ETPIERSON qui se contentent " d'un formot à peu près unigue, singulièrement protigue pour l'espace denos logements bourgeois. Sons s'occuper ouTrement de la disposilion des lignes selonle point de vueleplus fovorobleou modàle, ni de I'expression deson visage, non plus guede lo foçon dont lo lumière écloiretout celo. On instolloit le client à une place invarrable, et I'on obtenoit de lui un unique cliché,lerne efgris à lo vo-comme-je-'fe-pousse ".1

Mois gue se posse t-il du point de vue de lo perception eT del'enregisTrernent du réel? fl est indénioblegue lo photogrophie d'identité s'offirme de plus en plus en tont que représentotion de lophysionomie des modèles- Le dé.cor et les indices se ropportonf à lo perconne photographiéedisporoissent de plus en plus loissont pleinement so ploce à la réalité physique du corps, codré à mi

cuisses, à lo toille ou à lo poitrine, et plus rorement ou niveou du visoge. Ainsi, dons les portraits deNADAR reprêsentont les cêlêbritês ortistigues de son temps (écrivains, orfistes peintres, musiciensou comédiens) rores sont les éléments exlérieurs liés oux modèles gui subsistent.Ce que privilégie ceITe génération de photogrophes fronçois, c'est l'imoge de lo personne dons lo

singulorité de ses troits, de son regard et de son ottitude. lJne étude de la place des moins dans desposes clossigues esl également ou cæur du trovoil de NADAR qui foit oinsi écho à lo protique rngresquedu portroit. fl n'est nullement question d'exagération dans les qttitudes e'l les expressions: ce gui prime,c'est lo restitution fidèle de l'identité et del'essence du modàle.

NADAR, Victor HVGO Soroh BERNHARDT Gustave COURBET

Pour celo, lo lumière est sovomment trovoillée ainsi gue lo posture ofin de troduire la sensibilité, la

concentrotion ou l'esprit du modàle. Il s'ogit donc de portroits d'identité., de portroits physiques, mois

gui, ou-delà de I'apparence, visent oussi à montrer I'inTériorité, ce qui nous omène à les consid érer commedes photogrophies ortistigues et non seulement comme des photogrophies documentoires. Roppelons, à ce

propos, que celte protique del'image o loujours suscité des réserves,voire des critigues, notomment de

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1 NnDnR, Quand j'étais photographe,Paris, Flommorion, p. 198.Anne Dumonteil et AlinePalou-Gazé, Service Educofif du Musée Fabre,2AlO

NADAR, Victor HVGO Gustave COURBET

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Histoire des Arts XfXème siècle

lo port de Charles BAUDELAIRE dans son Salon de 1859, pour qui " l'ort est et ne peut âtre que lareproduction exacf e de lo noture". Et de conclure " Un moyen industriel ne peut pré"fendre à l'ort, dont lovocotion est d'exprimer le beou ".

En regard de loutes ces protigues photogrophigues mises en scène ou plus soucieuses de lo guestion def identité, il est à menTionner que le XIXàme siàcle est également porteur d'un type de photogrophiestrictement identitoire et documentaire qui sero mis ou point por Alphonse BERTILLON (1853-L914)dès 1870. Nous sommes, ovec son trovoil, dons un enregistrement eI une resfitution les plus fidèles etles plus objectifs possible de lo réalité physigue des personnes et dons l'émergence de lo nofiond'individu.De quoi s'ogit-il exactement ? Le bertillonnoge est le premier systàme d'idenTité judicioire gui ovoil pourprojet de distinguer les individus ou moyen de deux photogrophies (visoge deface et deprofil, cadré en

gros plon et neutre sur le plon de l'expression) e'r de quolorze mesures porTiculiàres (toille, moins, pieds,oreilles...). Ces fiches, élaborées à partir de 788?,lorsgu'elles éIoient dûment complétées permettoientd'identif ier de monière précise et sons ombigûité les délinguonts et les criminels.fl est à roppeler que BERTTLLON est un criminologue et que, dons ce cadre là, il recourt à lqphotogrophie uniguement pour soisir la réalité. physique des personnes et pour contribuer à une

onthropométrie ludicioire. C'est l'objectivité du médium photogrophigue qui l'intéresse et so copacité à

soisir les caraclé.ristigues individuelles et les singulorilés physigues. 5i l'onolyse des données gui en a été,

foite est souvent contestoble,il n'enresfe pos moins quele trovoil de BERTILLON présente un intérètdons l'histoire de lo pholographie, avec ce qu'elle peut ovoir de documentoire et d'objectif , et dons loconstruction de lo noTion d'idenlité photogrophique.

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Une des quaTorze mesures du corps

Pour conclure sur ces protigues phoTogrophigues gui oscillenT dès 1839 enFre illusion et objecTivité de lareprésentation, en possont par de sovonts mélonges de fantoisie et de réel, nous pouvons offirmer gue lotechnigue de lo photogrophie a modlfié le ropport à l'imoge et à so diffusion eI lo rela'lion que lespersonnes entretenaient ovec leur propre représentotion. En ouTre, c'est lo question de I'identitéphotogrophique qui s'est conslruite tout ou long des premières décennies de l'histoire de ce médium. flest d'oilleurs à noter qu'elle trouve encore des é.chos de nos jours avecle phofomafonqui opporoîf comme

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Anne Dumonteil et AlinePalau-Gazé,Service Educotif du Musée Fabre,?O7O Page 10

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Histoire des Arts XIXème siècle

la version ocfuelle de I'appareil de DISDÉRI , l" cadrage de lo photogrophie d'identité. ou encore les

fiches depolice gui s'apporentenl à ceux inougurés por BERTfLLON.Mois si le XfXème siècle est riche de l'invenTion de lo photogrophie et des imoges qu'elle o pu produire, ilesf nécessqire de roppeler les opproches systémotigues et pseudo scientifigues gu'il o oussiengendrêes- Sous couvert de cnlères et de coroctères récurrents, des typologies et des profils ont étééloborés dons le codre de recherches qu'elles soient criminelles, onthropologiques, sociologiques ou

encore elhnologigues.Le recul historique nous o montré les limites et les dongers de ces opproches gui,

oubliqnt lo personne ou l'individu, s'intéressoit dovontoge à un type avec ce que cela peut ovoir de

classificotoire et de réduc'leur sur le plon scientifique. C'esI le cos notomment des théories eugénis'fesd'Arthur BATUT (1846-1918) f ondées essentiellernent sur des phofogrophies.

$A gauche, Froncis GALTON (18?2-l9tl),composite des gronds mothématiciensoméricoins

A droite, Arthur BATUT, composite des

hommes de sa propre fomille,, tii, !t1

QUE5TToNNEMENTS EN RELATTON AVECLA PHOTOGRAPHTE, SES DÉMARCHES ETSEs ENJEUX

Henry PEACH ROBINSON, Deux photogrophies de lo série ,Teune fille au chapeau rouge, 1858, épreuve à

l'olbumine, 23,3xL8,7, Nqfionol museum of Photography, Brodford, AngleterreAnne Dumonteil et Aline Palau-Gazé,5ervice Educotif du Musée Fsbre,2OlO

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Histoire des ArTs XIXème siècle

- Réflexion sur la référence de ces photogrophies et sur les notions de norrotion et de séquence

- Réflexion sur le possoge de l'écrit à l'illustrotion et à l'illustrotion photogrophique (enjeuxchocun des médiums)

de

Lewis CARROLL, Saint êeorge et le dragon,1875,épr euv e à l'al bumi ne ar gent i que, 11,6x74,8, Metropo I itonmuseum of arÎ, NY

André Adolphe Eugàne DISDERI, Les enfants Richie,

1862, portraifs carfe de visite non découpés, tirageal bumino-or gentique, 19,1x23,5, Not. 6ol l. of Ausf rol is,

Canbzrra

F.epérage des élémenfs qui contribuent à la théôtrolisotion de lo photographieRéflexion sur lo norrqtion ou trovers de ces deux exemples photogrophigues

NADAR, Sarah Bernhardf en Théodora de VictorienSardou, 1882, t4,6xt0 ,5

Anolyse comporotive de ces deux photogrophies du mâme modàle por NADAR (posture, décor,vêtemeni , cadrage, intention du photogrophe...)

- P,éflexion sur les guestions personne / personnage et identi'ré. / rôle

Anne Dumonteil et Aline Palau-Gazé., Service Educotif du Musée Fabre,2OTO

NADAR, Soroh Bernhordl, 1864

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Hisfoire des Arts XfXème siàcle

André Adolphe Eugène DISDERI, Napoléon ffT ef sa André Adolphe Eugène DISDERI, Napoléon lff, vers

fani//e,1859. formot carfe de visife L857-6O, Iiroge à I'olbumine argentique, formaF carfede visife

- Anolyse comporotive de ces deux photogrophies de Napoléon lff (imoge de soi, image du pouvoir,décor, ottitude, intention du photographe et du modè|e...)

- Réf lexion sur le cadrage et ses implicof ions

Réflexion sur l'orticulotion perconne, individue'l identiléRéflexion sur les échos contemporoins du

trovoi I d'A lphonse BERTTLLON

Alphonse BERTILLON , Fiche de Francrs êALTON,1893

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Hisloire des Arts XfXème siècle

Anolyse comporotive des deux oeuvres dont le sujetspécif icités de chocu ne et les porticulorit,és de chocun desRéflexion sur l'orticulotion peinture / photographie, suropports mutuels ou XIXàme siècleRéf lexion sur la guestion du phofographique

John Williom WATERHOUSE (1849-1917), The

Lady of Shalott, 1888, huile sur foile, 200x153,late Gallery, Londres

Henry PEACH ROBINSON, The Lady of Shalotf,186L, épreuve à l'olbumine argentique d'après deuxné.gatif s, 30,4x50,8, Coll. Gernsheim, UniversiTy ofAustin, Texos

est idenTigue avec réflexion sur les

médiumsleurs influences ré.ciproques et leurs

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