Histoire du château et des sires de Saint-Sauveur-le-Vicomte by Léopold DelisleReview by: Anatole de BarthélemyRevue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 16 (Juillet à Décembre 1867), pp. 374-376Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41734595 .

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BIBLIOGRAPHIE

Histoire du château et des sires de Saint-Sauveur-le-Vicomte, suivie de pièces justificatives, par Léopold Délisle, membre de l'Institut. Valognes, 18G7. Lorsque le titre du livre que je viens de transcrire me tomba sous les

yeux, je pensai, tout d'abord, qu'il s'agissait d'une monographie histo- rique du genre des publications que l'on voit assez fréquemment paraître : je veux parler de ces ouvrages qui réunissent tous les faits relatifs à un vil- lage, à un bourg ou à un canton. Dans ces recherches dues au travail patient d'hommes qui professent Je culte de leur clocher, et qui sont parfois le résultat de bien des années de travail, on trouve rreament un intérêt géné- ral : on est heureux, lorsqu'on ne connaît pas la localité elle-même, de glaner quelques détails. Loin de moi la pensée de déprécier ces livres : j'aurais d'autant plus mauvaise grâce à le faire que je sais tel coin de terre sur lequel, depuis longtemps, je recueille des documents; chaque pierre, en quelque sorte, m'y rappelle un souvenir. Mais on ne peut se dissimuler que ces monographies n'ont d'attrait que pour l'auteur et pour un cercle restreint de lecteurs : on intéresse peu le public en dissertant pro domo sua .

Cependant le nom même de l'auteur de l'histoire de Saint-Sauveur-le- Vicointe me fit bientôt supposer que nía première impression n'était pas exacte. Puis, en ouvrant le livre, et en constatant qu'il comprenait 31 1 pages de texte et 368 pages de pièces justificatives, presque toutes inédites, je fus bien vite convaincu que j'avais entre les mains un ouvrage de vérrtable érudition, tel qu'on est accoutumé à en voir signé du nom de mon savant ami et confrère, M. Delisle.

C'est que ces ruines qui depuis 176 ans abritent, de par la volonté de Louis XIV, les malades de l'hôpital de Saint-Sauveur, sont les restes d'une forteresse à laquelle se rattache le souvenir des grands événements du xiv® siècle auxquels la France doit son indépendance et son unité. Soit par les personnages qui y résidèrent, soit par les faits de guerre qui s'y passèrent, le château de Saint-Sauveur fut une des pièces importantes de l'échiquier politique où la fortune de ta France, représentée par la monar- chie, lutta contre la turbulence féodale et l'invasion anglaise.

D'abord résidence du vicomte de Cotentin dès la fin du xe siècle, le donjon de Saint-Sauveur appartint à l'un des plus puissants vassaux du duc de Normandie, et conservait dans son nom le souvenir des hautes fonc- tions de ses premiers propriétaires, alors qu'ils n'en étaient plus investis. Il passa ensuite par alliances, au milieu du xue siècle, dans la maison des Taisson, puis au commencement du xjii® dans celle de Harcourt : c'est sous les Harcourt que Saint-Sauveur vient prendre sa place dans notre histoire nationale.

Godefroi de Harcourt, seigneur de Saint-Sauveur, représente en Nor- mandie, de 1330 à 1356, le type du haut baron, toujours prêt à sacrifier à

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BIBLIOGRAPHIE. 375 son indépendance féodale ses devoirs de vassal et la tranquillité de ceux qui vivaient sur ses vastes domaines et dans leur voisinage. On a répété que la noblesse, alors, n'avait pas le cœur français : c'est une erreur naïve. A celle époque il n'y avait pas de patrie : il n'y avait qu'une hiérar- chie fondée sur la propriété. On se révoltait contre son suzerain, sans pour cela trahir la France, qui n'existait pas encore. 11 n'y avait pas plus de liens entre les grands vassaux, chacun souverains chcz eux, qu'aujour- d'hui en Europe entre les gouvernements.

Godefroi de Harcourt se révolte une première fois contre le roi de France, se donne au roi d'Angleterre, et, banni du royaume, guide en personne les troupes anglaises en Basse-Normandie, en Beauvoisis et jusque dans l'Ile-de-France, où il vient brûler Saint-Cloud. Puis il rentre en grâce auprès de Philippe de Valois, se met dans le parti du roi de Navarre, Charles le Mauvais, conclut une nouvelle alliance avec le roi d'Angleterre et péril les armes à la main. Le récit dramatique de sa rnoit (p. 93 et suiv.), conservé par les chroniqueurs, contient le sujet d'un magnifique tableau.

La cause première qui influa sur toute la vie de Godefroi de Haicourt est peu importante, et donne une jusle idée des mœurs Féodales. D'abord une querelle entre deux puissantes familles à propos d'un mariage; de là une guerre privée énergiquement empêchée par le roi : voilà le motif de la première défection du seigneur de Saint-Sauveur. Sa seconde révolte fut motivée par l'exécution sommaire de son frère, ordonnée par le roi Jean qui pensait, par un exemple, arrêter les menées des partisans du roi de Navarre.

Après la mort de Godefroi de Harcourt, et pendant vingt ans, la Basse- Normandie fut désolée par les déprédations des étrangers que son désir de vengeance avait attirée dans la province : Saint-Sauveur était leur quartier général, et c'était naturel, puisque Jean de Chandos en était seigneur de par le roi d'Angleterre. Il faut lire les pages consacrées à cette triste période par M. Delisle pour avoir une juste idée de ce qu'élaient ces guerres, où le petit nombre de combattants ne servait qu'à prolonger la lutte aux dépens du pays. Aujourd'hui que des armées innombrables sont mises sur pied, qu'une ou deux grandes batailles décident du sort d'un empire, on se figure mal ce qu'étaient ces guerres du moyen âge, plus longues, moins meurtrières peut être, mais plus ruineuses pour les culti- vateurs dont les champs étaient dévastés chaque année, et pour les bour- geois et les commerçants qui, à tout moment, avaient des aides à payer.

Après ce rapide coup d'œil, il me reste à signaler la riche collection de textes contenus dans les pièces justificatives : je ne pense pas qu'il soit possible de s'occuper maintenant de l'histoire du xive siècle sans venir faire des emprunts au trésor formé par M. Delisle; on y trouve un peu de tout, et si j'ai un reproche à faire à M. Delisle, c'est de ne pas avoir accom- pagné ces documents si utilement et savamment annotés, d'une table détaillée des noms propres et des matières.

Celte petite critique est d'autant plus fondée que l'exactitude de l'auteur

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376 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. dans la transcription des textes esl notoire et fait autorité : on peut, chose très-rare et vraiment exceptionnelle, les citer et les employer sans con- trôle ; les copies de mon savant ami valent les originaux. Dans son nou- veau livre, il met en lumière tant de pièces inédites, précieuses au double point de vue historique et archéologique, qu'on lui en voudrait de ne pas avoir donné le livret de ce musée diplomatique, si Ton n'avait l'espoir de voir combler cette lacune lorsqu'il traitera l'histoire de l'abbaye de Saint- Sauveur, que ses lecteurs lui demandent maintenant. Le donjon et l'ab- baye, le chevalier et le moine se tiennent trop étroitement dans la société du moyen âge pour que M.Delisle ne s'occupe pas maintenant du monas- tère bénédictin fondé par le plus ancien vicomte du Cotentin connu.

Anatole de Barthélemy. Ronsardiana, Recherches généalogiques, historiques et littéraires sur P. de Ronsard

et sa famille, par A. de Rochambead. L'un de nos abonnés, M. Achille de Rochambeau, nous communique,

avec l'autorisation de la publier, une planche représentant une curieuse cheminée du temps de la Renaissance, faisant partie du château de la Poissonnière ou Possonière où naquit le poëte Ronsard. Cette planche est détachée d'un ouvrage qui paraîtra prochainement à la librairie Franck sous le titre de Ronsardiana. Le nom de Ronsard donne un intérêt tout particulier à ce spécimen de la sculpture du xvi® siècle, et nous nous fai- sons un plaisir d'en offrir la primeur à nos lecteurs. Nous détachons du Ronsardiana, qui contient sur Ronsard et sa famille de très-curieux ren- seignements, la page qui concerne la cheminée en question :

« Depuis le sommet du trumeau qui touche aux poutres de plafond jus- qu'aux socles des pilastres, la pierre est délicatement fouillée et Fœil étonné ne peut y trouver deux ornements qui se ressemblent : preuve écla- tante de la richesse d'imagination des artistes de la Renaissance. Immé- diatement au-dessous de la corniche, est une ligne de dix-huit ou vingt caissons renfermant chacun un sujet différent; nous avons remarqué entre autres les initiales L et E qui se retrouvent souvent répétées dans le château, et une croix qui ne peut être que celle de l'òrdre de Saint- Michel dont était décoré Louis de Ronsard, père du poëte. Puis au-dessous un semé de fleur de lis au milieu duquel ressort l'écu de France avec la couronne des princes du sang. Puis, la grande inscription devenue la devise de famille : « NON FÄ.LVN" FWRÃ MLRË t. » L'inscription est divisée en deux parties par le blason des Ronsard : « d'azur à trois roses d'argent posées en fasce . » Au-dessous de l'écusson, sont des flammes qui em- brassent de mystérieuses marguerites,. symbole des sentiments du poëte pour la princesse Marguerite, sœur d'Henri II, sa protectrice à la cour et la première admiratrice de ses vers. Le manteau de la cheminée se ter- mine par un large bandeau en entrelacs renfermant les blasons plusieurs fois répétés d'une vingtaine de familles alliées aux Ronsard et qui forment un total de cinquante écussons au moins. » La planche que nous donnons au public dispense d'ailleurs de toute description. (Voy. pl. XXII.) A. B.

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