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SEDAN MERCREDI 13 JUILLET 2016 17 P our la plupart des Sedanais d’aujourd’hui, ce n’est qu’un nom de rue. Mais derrière les plaques « Louis-Busson » apposées dans le quartier de Torcy se cache un drame qui a bouleversé Sedan au plein cœur de la Première Guerre mondiale. C’était le 13 juillet 1916. Il y a 100 ans jour pour jour. Louis Bus- son, alors directeur de l’usine à gaz de Torcy, a été fusillé par les soldats Allemands. L’exécution a eu lieu sur le champ de tir à cinq heures de l’après-midi. Dix jours plus tôt, il avait été condamné par un tribunal de guerre à 10 ans de forteresse pour « acte de trahison ». Mais un coup de téléphone va sceller tragiquement son sort. Une tragédie très commentée La mort de ce notable né en 1883 à Lorient et arrivé en août 1913 dans la cité de Turenne a suscité un vif émoi parmi les Sedanais : « Tous les gens qui tenaient un journal intime pendant la guerre ont parlé de son exécution, assure Jean-Louis Michelet, son pe- tit-fils. La mort de mon grand-père est d’ailleurs davantage commentée que l’arrivée des Allemands à Sedan. » Les écrits de l’époque, notamment le journal du pasteur Cosson, parlent d’un pigeon voyageur que Louis Bus- son aurait envoyé alors que la com- munication avec la France libre était strictement surveillée par l’occu- pant. « Ce pigeon aurait été intercepté par un certain Alexander, le traducteur de la Kommandantur », poursuit Jean- Louis Michelet. Ce qui aurait causé la perte de son grand-père. Mais per- sonne ne sait ce que contenait le message tombé aux mains des Alle- mands. « Et puis, tout le monde parle de ce pigeon voyageur mais personne ne l’a jamais vu », relève le petit-fils de Louis Busson. Les obsèques de son grand-père ainsi que ses funérailles ont eu lieu dans la plus stricte intimi- té : « Seulement quatre personnes ont été autorisées à y assister. Et le cime- tière Saint Charles était fermé par les Allemands quand il a été enterré. C’est ce que des rapatriés ont raconté à ma grand-mère qui avait quitté Sedan en 1914 et qui n’a appris la mort de son mari qu’en décembre 1916. » Autant de mystères qui ont aiguisé la curiosité de Jean-Louis Michelet : « Quand j’ai pris ma retraite, j’ai voulu voir clair dans cette histoire. » De Sedan à Charleville-Mézières, en passant par Bruxelles et les ar- chives des armées à Vincennes, il a entrepris un travail de recherche ti- tanesque. Au point de devenir un spécialiste de la résistance dans les Ardennes en 14-18. Jean-Louis Mi- chelet a d’ailleurs contribué à plu- sieurs reprises à la revue de la Socié- té d’histoire et d’archéologie du Pays sedanais. « Au cours de mes re- cherches, j’ai acquis la certitude qu’il y a eu de nombreux résistants dans les Ardennes pendant la première Guerre Mondiale. » Jean-Louis Michelet en est sûr, son grand-père était un résis- tant. Pour le reste, la rigueur des his- toriens l’empêche d’aller plus loin dans ses affirmations : « Ce qu’il fai- sait exactement, je ne le sais pas. » Louis Busson aurait fait partie d’un groupe des résistants baptisé le « Co- mité des seize » qui espionnait les mouvements de troupes allemandes par le rail « vraisemblablement pour les services secrets français ». Là en- core, Jean-Louis Michelet reste pru- dent : « Ce ne sont que des supposi- tions. » Quoi qu’il en soit, la municipalité de Sedan a rendu hommage à Louis Busson en participant après la guerre au financement de sa tombe toujours visible au cimetière Saint Charles. Le condamné a également reçu le grade de chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume. De son côté, Jean-Louis Michelet poursuit ses recherches. Une façon de perpétuer le souvenir de son grand-père. BORIS MAROIS HISTOIRE Le mystère demeure cent ans après l’exécution de Louis Busson Louis Busson repose au cimetière Saint-Charles de Sedan où sa tombe est toujours visible. Il y a cent ans jour pour jour, Louis Busson était exécuté par l’occupant allemand pour acte de résistance. Son petit-fils tente de lever les zones d’ombre autour de ce drame. « Tous les journaux intimes de la Grande Guerre à Sedan parlent de cette exécution » Jean-Louis Michelet

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SEDANMERCREDI 13 JUILLET 2016

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Pour la plupart des Sedanaisd’aujourd’hui, ce n’est qu’unnom de rue. Mais derrière les

plaques « Louis-Busson » apposéesdans le quartier de Torcy se cache undrame qui a bouleversé Sedan auplein cœur de la Première Guerremondiale. C’était le 13 juillet 1916. Ily a 100 ans jour pour jour. Louis Bus-son, alors directeur de l’usine à gazde Torcy, a été fusillé par les soldatsAllemands. L’exécution a eu lieu surle champ de tir à cinq heures del’après-midi. Dix jours plus tôt, ilavait été condamné par un tribunalde guerre à 10 ans de forteresse pour« acte de trahison ». Mais un coup detéléphone va sceller tragiquementson sort.

Une tragédie très commentéeLa mort de ce notable né en 1883 à

Lorient et arrivé en août 1913 dans lacité de Turenne a suscité un vif émoiparmi les Sedanais : « Tous les gensqui tenaient un journal intime pendantla guerre ont parlé de son exécution,assure Jean-Louis Michelet, son pe-tit-fils. La mort de mon grand-père estd’ailleurs davantage commentée quel’arrivée des Allemands à Sedan. » Lesécrits de l’époque, notamment lejournal du pasteur Cosson, parlentd’un pigeon voyageur que Louis Bus-son aurait envoyé alors que la com-munication avec la France libre étaitstrictement surveillée par l’occu-pant. « Ce pigeon aurait été interceptépar un certain Alexander, le traducteurde la Kommandantur », poursuit Jean-Louis Michelet. Ce qui aurait causé laperte de son grand-père. Mais per-sonne ne sait ce que contenait lemessage tombé aux mains des Alle-mands. « Et puis, tout le monde parlede ce pigeon voyageur mais personne

ne l’a jamais vu », relève le petit-filsde Louis Busson. Les obsèques de songrand-père ainsi que ses funéraillesont eu lieu dans la plus stricte intimi-té : « Seulement quatre personnes ontété autorisées à y assister. Et le cime-tière Saint Charles était fermé par lesAllemands quand il a été enterré. C’estce que des rapatriés ont raconté à magrand-mère qui avait quitté Sedan en1914 et qui n’a appris la mort de son

mari qu’en décembre 1916. » Autant demystères qui ont aiguisé la curiositéde Jean-Louis Michelet : « Quand j’aipris ma retraite, j’ai voulu voir clairdans cette histoire. »

De Sedan à Charleville-Mézières,en passant par Bruxelles et les ar-chives des armées à Vincennes, il aentrepris un travail de recherche ti-tanesque. Au point de devenir unspécialiste de la résistance dans les

Ardennes en 14-18. Jean-Louis Mi-chelet a d’ailleurs contribué à plu-sieurs reprises à la revue de la Socié-té d’histoire et d’archéologie du Payssedanais. « Au cours de mes re-cherches, j’ai acquis la certitude qu’il ya eu de nombreux résistants dans lesArdennes pendant la première GuerreMondiale. » Jean-Louis Michelet enest sûr, son grand-père était un résis-tant. Pour le reste, la rigueur des his-

toriens l’empêche d’aller plus loindans ses affirmations : « Ce qu’il fai-sait exactement, je ne le sais pas. »Louis Busson aurait fait partie d’ungroupe des résistants baptisé le « Co-mité des seize » qui espionnait lesmouvements de troupes allemandespar le rail « vraisemblablement pourles services secrets français ». Là en-core, Jean-Louis Michelet reste pru-dent : « Ce ne sont que des supposi-tions. »

Quoi qu’il en soit, la municipalitéde Sedan a rendu hommage à LouisBusson en participant après la guerreau financement de sa tombe toujoursvisible au cimetière Saint Charles. Lecondamné a également reçu le gradede chevalier de la Légion d’honneur àtitre posthume.

De son côté, Jean-Louis Micheletpoursuit ses recherches. Une façonde perpétuer le souvenir de songrand-père.

BORIS MAROIS

HISTOIRE

Le mystère demeure cent ansaprès l’exécution de Louis Busson

Louis Busson repose au cimetière Saint-Charles de Sedan où sa tombe est toujours visible.

Il y a cent ans jour pour jour, Louis Busson était exécuté par l’occupant allemand pouracte de résistance. Son petit-fils tente de lever les zones d’ombre autour de ce drame.

« Tous les journauxintimes de la GrandeGuerre à Sedan parlentde cette exécution »Jean-Louis Michelet