281
PDF générés en utilisant latelier en source ouvert « mwlib ». Voir http://code.pediapress.com/ pour plus dinformations. PDF generated at: Mon, 18 Mar 2013 04:13:07 UTC Histoire de Lyon Edition Livres pour tous (www.livrespourtous.com)

histoire_lyon.pdf

Embed Size (px)

Citation preview

  • PDF gnrs en utilisant latelier en source ouvert mwlib . Voir http://code.pediapress.com/ pour plus dinformations.

    PDF generated at: Mon, 18 Mar 2013 04:13:07 UTC

    Histoire de LyonEdition Livres pour tous(www.livrespourtous.com)

  • Contenus

    ArticlesHistoire de Lyon 1

    Histoire par priode 73Lugdunum 73

    Lyon du Haut Moyen ge l'an Mil 106

    Lyon de l'an mille au Moyen ge tardif 111

    Lyon la Renaissance 128

    Lyon sous l'absolutisme 161

    Lyon sous la Rvolution 170

    Lyon du Premier au Second Empire 176

    Lyon sous la Troisime Rpublique 189

    Lyon durant la Seconde Guerre mondiale 203

    Lyon depuis 1944 206

    Histoire thmatique 213Histoire de la soie Lyon 213

    Histoire de l'imprimerie Lyon 226

    Histoire du christianisme Lyon 231

    Annexes 251Bibliographie sur l'histoire de Lyon 251

    Historiographie de Lyon 272

    RfrencesSources et contributeurs de larticle 273

    Source des images, licences et contributeurs 274

    Licence des articlesLicence 279

  • Histoire de Lyon 1

    Histoire de Lyon

    Armes actuelles de la ville de Lyon.

    L'histoire de Lyon inventorie, tudie et interprte l'ensemble des

    vnements du pass lis cette ville.

    Si le lieu est habit depuis la Prhistoire, la premire ville, nomme

    Lugdunum, date de la Rome antique. Sous l'Empire romain, Lyon devient

    une puissante cit, capitale de la Gaule romaine. La chute de l'Empire

    romain la relgue un rle secondaire dans l'espace europen en raison de

    son loignement des centres de pouvoir. Puis la division de l'Empire

    carolingien la place en position de ville frontire. La cit rhodanienne

    garde ces deux caractristiques influence rduite et situation

    priphrique durant tout le Moyen ge. Jusqu'au XIVesicle, le

    pouvoir politique est tout entier entre les mains de l'archevque, qui

    protge jalousement l'autonomie de sa ville. Il faut attendre 1320 pour voir

    une institution bourgeoise contrebalancer son autorit, au moment mme

    o elle doit se soumettre dfinitivement au royaume de France.

    la Renaissance, Lyon se dveloppe considrablement et devient une grande ville commerante europenne. Mais

    ce premier ge d'or est fauch par les guerres de religion, qui font fuir dfinitivement une partie des

    marchands-banquiers trangers. Durant la monarchie absolue, Lyon reste une cit moyenne en France, dont la

    principale richesse est le travail de la soie. La Rvolution dvaste la ville, qui s'oppose en 1793 la Convention.

    Prise militairement, elle est svrement rprime et sort de la tourmente rvolutionnaire trs affaiblie.

    Napolon aide son redressement par un soutien aux soyeux, qui arrive en mme temps que la mise au point du

    mtier Jacquard. C'est le point de dpart d'un essor conomique et industriel qui dure, malgr quelques fluctuations,

    jusqu' la Premire Guerre mondiale. Durant le XIXesicle, Lyon est une ville canut et connat en 1831 et 1834 de

    violentes rvoltes ouvrires. La Belle poque marque la fin de la domination de la soie lyonnaise et l'essor de

    nombreuses autres industries (automobiles, chimie, lectricit). La municipalit, quant elle, retrouve ses pouvoirs

    avec la Troisime Rpublique et s'engage dans un long sicle de radicalisme, qui se termine avec douard Herriot en

    1957. La Seconde Guerre mondiale voit Lyon, une des principales villes de la zone libre, tre le centre des plus

    grands rseaux de la Rsistance. Jean Moulin, notamment, les unifie au sein des Mouvements unis de la Rsistance.

    la sortie de la guerre, Lyon se redresse rapidement et connat un vigoureux dveloppement urbain, avec

    l'dification d'un grand nombre de quartiers d'habitation. Dote d'industries puissantes et d'un secteur tertiaire en

    plein essor, la ville tient son rang de grande mtropole franaise et europenne.

  • Histoire de Lyon 2

    Prhistoire et poque prcdant la conqute romaine

    Char d'apparat gaulois (VIIesicle av.J.-C.)

    dcouvert La Cte-Saint-Andr et conserv au

    muse gallo-romain de Fourvire.

    La prsence d'une population ds la Prhistoire est atteste[1]. De

    nombreux objets datant, pour les plus anciens, du msolithique, ont t

    retrouvs sur le site de Vaise. Les nombreuses traces d'habitats et les

    cramiques dcouvertes datant du premier ge du fer (VIesicle

    av.J.-C. cet endroit) prouvent l'existence de circuits commerciaux

    entre le littoral mditerranen et le nord de l'Europe passant par le site,

    sans que l'on puisse parler de lieu urbanis[2].

    Les traces d'occupations humaines du Second ge du fer ne dmontrent

    pas de sdentarisation avant l'poque romaine, mais elles attestent que

    le site de Fourvire est utilis par les peuples environnants comme un

    site sacr[3]. Les indices archologiques tendent dmontrer l'existence

    de grands rassemblements gaulois et l'existence d'un emporium. Celui-ci sert de lieu d'changes entre les Romains et

    les peuples Sgusiaves et duens[4].

    AntiquitArticle dtaill : Lugdunum.

    Cre par la volont de Rome, Lugdunum devient, grce sa position stratgique, la capitale des Gaules. Centre

    politique, religieux et commercial important, la cit se dveloppe considrablement, devenant une ville cosmopolite.

    Sa christianisation a lieu ds le IIe sicle.

    Fondation de Lugdunum

    Lugdunum aurait t fonde dans le cadre d'une politique de cration de colonies initie par Jules Csar, avec

    Vienne, Nyon ou Augst, visant s'assurer de la stabilit de peuples nouvellement conquis et rcompenser des

    lgionnaires vtrans en leur fournissant des terres et des droits. Dans le cas de Lugdunum, il s'agirait de surveiller

    les Allobroges[5].

  • Histoire de Lyon 3

    Site avant la fondation

    Buste reprsentant peut-tre Munatius Plancus,

    Iesicle, muse gallo-romain de Fourvire

    Le site de Lyon prsente de nombreuses traces d'occupation gauloise

    avant la fondation ; notamment au quartier saint-vincent, Vaise[6] ou

    Fourvire[7],[8]. Le toponyme de Lugdunum dsigne plus

    particulirement la colonie de Fourvire, les pentes de la Croix-rousse

    tant Condate et les plaines proches du fleuve les canabae[9]. Avant la

    fondation, la confluence entre le Rhne et la Sane a une physionomie

    trs diffrente de l'actuelle. La Sane coule aux pieds de la colline ; ce

    n'est que lors des premiers sicles de notre re qu'un deuxime bras de

    la rivire se forme, et que par comblement progressif, un espace est

    dgag l'endroit de l'actuel Vieux Lyon.

    Il est possible que des Romains venus de Vienne se soient installs

    auparavant, et aient fourni un noyau de population initial pour la

    colonie, mais cette question est discute par les historiens[10].

    Fondation de la colonie

    Ancien officier de Jules Csar, proconsul de la Gaule chevelue, Lucius

    Munatius Plancus procde la fondation en 43 av.J.-C., le jour exact

    tant discut par les historiens[11].

    La colonie n'est pas solidement fortifie, tout juste dispose-t-elle de

    leve de terres et de palissades de bois[]. De taille rduite, elle ne possde pas de forum[12]. Nomme par son

    fondateur Colonia Copia Felix Munatia Lugdunum , elle perd sous l'empereur Claude la rfrence Munatius

    Plancus pour devenir Colonia Copia Claudia Augusta Lugdunensium . Les habitants sont citoyens romains, ceux

    de naissance libre sont rangs dans la tribu Galeria, les affranchis dans la tribu Palatina[13].

    Origine du nom Lugdunum

    Il y a dbat sur la signification exacte du toponyme Lugdunum . Le terme de Dunum dsigne en langue celte une

    hauteur, une colline ou une citadelle. Mais celui de Lug est moins vident. Certains proposent la possibilit d'une

    rfrence au dieu celte Lug. Toutefois, les archologues n'ont pas retrouv de traces de culte sur place, mais

    Condate ou Vaise. Il serait alors possible de rapprocher lug de la racine lux, signifiant lumire. Enfin, d'autres

    avancent un extrait de l'ouvrage De Fluviis du pseudo-Plutarque qui donne au lieu le nom de Lougoudounon, avec

    Lougos signifiant corbeau[14].

  • Histoire de Lyon 4

    Lyon, capitale des Gaules

    Statue d'Auguste, muses du Vatican.

    Situe sur un point stratgique, la colonie devient rapidement la

    capitale des Gaules de part la volont d'Auguste[15]. Trois facteurs

    contribuent ce choix. Premirement, l'ambition d'Auguste, dans les

    annes 20 av.J.-C., de conqurir la Germanie. Lugdunum est

    idalement situe et un rseau de routes est rapidement trac au dpart

    de la cit. Elle se retrouve ainsi au centre des communications de la

    Gaule, et constitue la base de dpart des oprations vers les territoires

    du nord. En second lieu, lors des premires dcennies de sa fondation,

    l'organisation administrative de la Gaule n'est pas encore tablie et les

    gouverneurs gnraux assurent sa surveillance et sa gestion depuis

    cette cit. Enfin, et mme si cela ne se droule pas proprement parler

    sur le territoire de la colonie, la runion annuelle des notables gaulois

    au confluent partir de 12 av.J.-C. renforce sa position politique[16].

    Dveloppement urbain

    Schma des principaux monuments de

    Lugdunum.

    Grce sa localisation et son influence, la ville grandit et s'enrichit

    rapidement. Des aqueducs sont construits, des dates dlicates

    estimer, peut-tre entre 20 av.J.-C. et 10 av.J.-C.[17]. De nombreux

    monuments sont rapidement difis. Le premier est le thtre, le plus

    ancien de Gaule, inaugur entre 16 av.J.-C. et 14 av.J.-C. sous

    l'empereur Auguste[18],[], dont la capacit est de 10700 places[19]. En

    19 ap.J.-C. est inaugur l'amphithtre des Trois Gaules[20], agrandi

    vers 130-136. la mme poque, l'autel du sanctuaire fdral des trois

    Gaules est rnov[21].

    Au sommet de la colline de Fourvire, l'emplacement de l'actuelle

    basilique, qui est le cur de la cit son apoge, des vestiges

    monumentaux ont t interprts par A. Audin comme le forum, un

    temple capitolin, la curie et la basilique[22], identifications remises en

    cause depuis[23].

    Au cours du IIesicle, un cirque est difi, dont la localisation est

    incertaine[24], connu en grande partie grce une mosaque le

    reprsentant[]. Antonin, vers 160, procde l'adjonction au thtre d'un

    odon de 3000 places[25].

  • Histoire de Lyon 5

    Vue du thtre de Fourvire.

    Au-del des monuments prestigieux, c'est l'ensemble des noyaux

    urbains de l'agglomration qui se dveloppe. Les communauts de

    commerants prosprent : les nautes, les ngociants en vin, les

    utriculaires, les stucateurs, les potiers, etc. Chaque communaut est

    hirarchiquement organise, avec un conseil et des dignitaires qui

    structurent la profession et la reprsentent auprs des autorits.

    Certaines ont galement leur propre cimetire[26].

    La population globale a t estime par Amable Audin 35000

    habitants[27], par Pelletier 40000[28] et par Bruno Benoit entre

    50000 60000[29]. Une des plus grandes cits de Gaule, Lyon est une

    ville cosmopolite, comprenant de nombreuses personnes portant des noms grecs, probablement plus du quart de la

    population[30].

    Fonctionnement et intgration dans l'empire

    Carte des provinces de la Gaule romaine sous le

    Haut Empire romain.

    Ds sa fondation, la colonie lyonnaise bnficie du statut de colonie

    romaine de plein droit (optimo iure), ses citoyens ont tous les

    avantages politiques et civiques des Romains, mais paient plusieurs

    impts directs. Au IIIesicle, elle possde alors le droit italique,

    dispensant ses habitants des impts directs. Elle s'administre

    elle-mme, mais aucun texte sur les lois municipales ne subsiste[31]. En

    revanche, les nombreuses inscriptions latines (plus de trois mille)

    renseignent sur ses habitants et leurs fonctions[32].

    Les institutions lyonnaises comportent deux groupes : les magistrats et

    le snat. Les magistrats sont organiss en trois degrs : la questure, l'dilit et le duovirat. Le fonctionnement normal

    veut qu'un notable occupe chaque fonction l'une aprs l'autre, mme si nous avons un exemple d'un citoyen devenu

    duumvir directement aprs avoir t questeur. Les questeurs sont chargs de lever les fonds municipaux, sous la

    surveillance des duumvirs. Les diles sont dvolus l'entretien de la voirie, des thermes, des marchs, des btiments

    publics, au ravitaillement. Les duumvirs semblent disposer des fonctions judiciaires. On les voit ainsi interroger les

    chrtiens en 177. Ils se chargent galement des oprations lectorales ou de la convocation du conseil des

    dcurions[33].

    En tant que capitale des Trois Gaules, Lugdunum dispose de plusieurs attributs politiques et spirituels importants. Le

    lgat de la Gaule romaine y rside et y gre les trois provinces qui la constituent : la Gaule belgique, la Gaule

    aquitaine et la Gaule lyonnaise. Ds l'origine, la cit dispose d'un atelier montaire[34]. Celui-ci est promu au rang

    d'atelier montaire imprial en 15 av.J.-C. par Auguste pour le financement de ses campagnes militaires, privilge

    unique dans tout l'Empire[]. Aprs de nombreux alas, l'atelier est dvalu en simple suppltif en 294, lorsque celui

    de Trves entre en fonction[] ; il reste en activit, avec quelques moments de forte production, jusqu'en 413[35]. Lyon

    concentre galement plusieurs administrations impriales dirigeant les trois Gaules : les douanes, le bureau des

    mines de fer, les successions, la poste. Elle est la seule ville romaine avec Carthage disposer d'une cohorte

    urbaine[36].

    La prtrise du culte fdral est la plus haute charge administrative laquelle les Gaulois citoyens romains peuvent

    prtendre en Gaule. Elle se tient Lyon, dans un temple dont il n'existe pas de traces archologiques. lus par leurs

    cits, les prtres officient toute l'anne, le point d'orgue tant une crmonie en aot, durant laquelle des dlgus de

    toute la Gaule viennent rendre un culte l'empereur. Les runions des dlgus n'ont pas qu'une fonction

    sacramentelle. Des personnes sont dsignes parmi eux pour former le conseil des Trois Gaules. Dot de moyens

    financiers substantiels, son rle est mal connu, mais devait servir de relais entre l'lite gauloise et les empereurs[37].

  • Histoire de Lyon 6

    Lugdunum, cit impriale

    Buste de Claude, Muse Pio-Clementino,

    Vatican.

    De par sa situation stratgique et son influence politique, Lugdunum,

    durant toute l'Antiquit, participe certains grands vnements

    touchant l'empire et reoit la visite de nombreux empereurs.

    Auguste y vient par trois fois entre 39 et 8 av.J.-C., pour mener la

    rpression des rebellions en Germanie et en Hispanie[]. Il ordonne

    Agrippa l'amnagement des voies romaines des Gaules et confre une

    importance notable la cit en y installant l'atelier montaire imprial

    en 15 av.J.-C. pour financer ses campagnes. En 12 av.J.-C., le

    sanctuaire du confluent est inaugur. Caligula y passe une fois, en

    3940 ap.J.-C. avec son cousin Ptolme de Maurtanie. De

    magnifiques spectacles sont organiss en leur honneur. Claude nat

    Lyon, en 10 av. J.-C., et y retourne rgulirement, notamment lors de

    sa conqute de la Bretagne entre 43 et 47 ap.J.-C. Outre plusieurs

    traces archologiques de son passage, on conserve de cet empereur son

    discours soutenant l'entre des Gaulois au Snat, retranscrit sur la table

    claudienne. Son nom entre, peut-tre ds cette poque, dans la

    titulature de la ville[38],[].

    Sous Nron, en 64, les Lyonnais soutiennent les Romains victimes de

    l'incendie de Rome en envoyant la somme de quatre millions de

    sesterces. L'anne suivante, ils sont eux-mmes victimes d'un sinistre et Nron leur fait envoyer la mme somme

    pour reconstruire la ville. Cet incendie, connu uniquement par un texte de Snque[39] et de Tacite[40], n'a jamais t

    corrobor par des traces archologiques[].

    En 68, le lgat de la Gaule lyonnaise Vindex se soulve contre le pouvoir de Nron, avec une partie de la Gaule. Lors

    de ce conflit, les Viennois assigent Lyon, mais doivent quitter le terrain du combat aprs la dfaite de Vindex.

    Toutefois, Galba, le nouvel et bref empereur, punit les Lyonnais de leur soutien Nron. Mais, dans l'pisode de

    dsordre de l'Anne des quatre empereurs, les Lyonnais retrouvent les faveurs du nouveau matre Vitellius, qui

    chtie les Viennois. Puis, celui-ci se rend Lyon pour y tenir des assises impriales, au cours desquelles de grandes

    ftes sont organises[41],[].

  • Histoire de Lyon 7

    Buste de Caracalla, muse gallo-romain de

    Fourvire.

    En 160, une inscription porte mention de ce qui serait le premier

    taurobole clbr dans l'empire, manifestation religieuse de cultes

    orientaux en l'honneur de Cyble[42]. On en a la trace grce l'autel

    taurobolique retrouv en 1704[43]. En 177, Lyon est le thtre de la

    premire perscution de chrtiens de Gaule, et mme de la premire

    mention de l'existence de chrtiens dans le pays.

    Aprs la mort de l'empereur Commode, la guerre civile voit s'affronter

    plusieurs prtendants la tte de l'Empire romain. En Bretagne,

    Clodius Albinus s'empare du pouvoir. Lorsque Septime Svre, aprs

    avoir vaincu Pescennius Niger, fait dclarer Clodius Albinus ennemi

    de l'empire, il vient en Gaule, s'installe Lyon et prend possession

    galement de l'Hispanie. En 197, Septime Svre l'affronte, le vainc

    Tournus et lors de la bataille de Lugdunum, puis laisse ses soldats

    piller la ville qui l'avait soutenu. Septime Svre connaissait pourtant

    bien Lugdunum, pour y avoir t lgat, et ses deux fils Caracalla et

    Geta y taient ns[]. C'est lors de cet pisode galement que l'atelier

    montaire imprial est ferm. En 212 Caracalla, n Lyon en 186,

    proclame sa constitutio antoniniana, ce qui accorde aux prgrins

    lyonnais la citoyennet, mais pas la capacit de participer la vie

    politique locale, apanage des Lyonnais de souche. La crise du troisime sicle ne semble toutefois pas avoir affect

    la ville elle-mme, qui n'a pas t envahie. Il n'y a pas, notamment, de traces de l'action des Lyonnais durant l'Empire

    des Gaules[44].

    la fin du IIIesicle lors des rorganisations de la Ttrarchie, Lugdunum perd son rang de capitale des Gaules au

    profit de Trves, plus proche de la frontire du Rhin. La ville n'est plus que le sige administratif de la petite

    province de Lyonnaise Ire, qui ne comprend plus que Lyon, Langres et Autun. Cette crise affecte la cit

    profondment. La colline de Fourvire est abandonne, les habitants se regroupant sur la rive droite de la Sane[].

    Les changes commerciaux suivent d'autres chemins et la ville n'est plus lie de grands vnements. Il n'y a, par

    ailleurs, plus de trace d'activit du conseil des Trois Gaules[]. Une rvolte des Lyonnais contre Aurlien en 274 a des

    causes inconnues, mais nempche pas l'empereur de restaurer l'atelier montaire imprial. Peu aprs, en 281,

    Proculus, riche propritaire lyonnais, se proclame empereur contre Probus. Son chec immdiat provoque une

    nouvelle rpression contre la cit. En 353, l'usurpateur Magnence se suicide Lyon aprs sa dfaite en Croatie contre

    Constance II et une fuite de deux ans. En 383, le jeune empereur Gratien est assassin Lyon sur ordre de Maxime.

    En 392, Eugne, rhteur, est proclam empereur contre Thodose Ier[],[45].

    Religions et christianisation de Lugdunum

    Comme toutes les cits romaines, Lyon, aux premiers temps de son existence, connait les cultes officiels de la cit et

    de l'empereur[46]. Contrairement d'autres, le culte imprial semble avoir ici une importance nettement suprieure

    autres formes cultuelles. Sur l'ensemble du IIe sicle, Il y a mention de soixante-dix svirs augustaux, qui forment

    mme une fratres augustales et de cinq flamines, qui sont tous de haut personnages locaux. Les svirs jouissent

    Lyon d'une position sociale prestigieuse, au mme rang que les chevaliers, juste aprs les dcurions[47] Le culte

    imprial est attest trs tt, ds Tibre, avec le temple dit du Clos du Verbe incarn , rare ensemble de ce type

    connu[48],[49].

  • Histoire de Lyon 8

    Amphithtre des trois Gaules, o a eu lieu le

    martyr de 177

    Les premires implantations du christianisme en Gaule nous sont

    connues par une lettre attribue l'vque Irne, l'un des premiers

    Pres de l'glise, retranscrite par Eusbe de Csare dans son Histoire

    ecclsiastique[50]. Elle permet de dater l'arrive de la religion du Christ

    dans la ville au milieu du IIesicle[51].

    Lyon est un lieu favorable cette arrive par sa situation centrale dans

    les courants d'change europens, et la forte proportion d'trangers

    circulant et s'tablissant en ville, notamment des juifs[52]. Or, ces

    trangers apportent avec eux leur culte, tels ceux de Mithra, d'Isis ou

    de Cyble. Les premiers chrtiens sont donc d'origine orientale,

    notamment de Phrygie, comme une partie de la population de la cit. Le culte est prsent dans toutes les classes

    sociales. Durant les premiers temps, jusqu'au IIIesicle, Lyon semble tre la seule cit gauloise disposer d'un

    vque[53].

    L'pisode le mieux connu de cette poque est dtaill par la lettre d'Irne Eusbe de Csare ; il s'agit du martyre

    de nombreux chrtiens en 177[54],[55]. De nombreux personnages apparaissent, dont le premier vque de Lyon,

    Pothin. Si le texte ne nous donne pas d'lments pour expliquer la perscution, les historiens ont propos plusieurs

    hypothses : hostilit traditionnelle des Romains vis--vis des chrtiens[54], concurrence entre les religions[56] ou

    attitude extrmiste de certains chrtiens influencs par le montanisme[57],[58].

    C'est durant le IVesicle que la ville ferme ses temples paens, et rorganise sa vie sociale autour de son vque et

    du calendrier de l'glise. Lyon devient l'un des centres intellectuels de la chrtient, illustr au Vesicle par Sidoine

    Apollinaire[59],[60].

    Haut Moyen geArticle dtaill : Lyon du Haut Moyen ge l'an Mil.

    Durant les premiers sicles du Moyen ge, Lyon passe sous la domination burgonde, puis franque, tout en restant,

    de fait, trs autonome. Le vrai matre de la ville, ds cette poque, devient l'archevque. Cette priode est mal

    connue, les sources disponibles tant lacunaires.

    Une ville replie sur la Sane

    Avec l'effondrement de l'Empire romain, les habitants de Lugdunum quittent progressivement la ville haute pour

    s'tablir sur les deux rives de la Sane[61],[62]. Les textes et les fouilles archologiques ne permettent pas d'avoir une

    vue gnrale de l'urbanisation de cette poque, seuls les btiments religieux sont quelque peu connus[63]. Ils

    comprennent un groupe cathdral avec deux glises (Saint-Jean et Sainte-Croix) et un baptistre (Saint-tienne), des

    basiliques cmtriales (Saint-Just et Saint-Irne) et des couvents de moines ayant diffrentes formes de vie

    monastique[64].

  • Histoire de Lyon 9

    D'une domination l'autre

    Carte du royaume burgonde.

    En 437, des tribus germaniques burgondes sont installes comme

    fdres en Sapaudia par le gnral romain Aetius aprs la victoire de

    ce dernier contre leur roi Gondicaire et la destruction de leur royaume

    situ prs du Rhin. Ces Burgondes tendent leur domination lors de la

    dsintgration de l'Empire d'Occident et, dans les annes 470474[65]

    et valide par la suite par Jean-Franois Reynaud[66]., font de

    Lyon l'une des capitales de leur royaume avec Genve et

    Vienne[66],[67]. Peu nombreux, ils sont rapidement assimils par la

    noblesse gallo-romaine lyonnaise, au travers de nombreux mariages.

    Ariens, ils construisent une cathdrale voue leur culte, mais

    entretiennent de bons rapports avec les autres chrtiens. Un certain

    nombre se convertissent d'ailleurs au christianisme nicen. Ils

    conservent pour eux-mmes leur propre loi, la loi Gombette[].

    En 534, les fils de Clovis intgrent facilement ce royaume sous la

    domination franque, les Burgondes tant trop peu nombreux et diviss

    pour rsister. Les rois francs suivants se disputent le royaume de

    Bourgogne. Lyon se retrouve le plus frquemment en possession du roi de Neustrie. Lyon ne semble pas avoir subi

    de lourds dommages de ces prises de pouvoir, mais la cit perd tout pouvoir politique direct. La capitale du duch est

    Chalon-sur-Sane. La cit rhodanienne conserve toutefois un grand prestige religieux[].

    La priode postrieure, durant la domination franque, est trs mal connue. Les quelques textes des VIe et VIIesicles

    qui nous sont parvenus sont essentiellement religieux. Plus encore, la priode centrale du VIIIesicle ne nous a laiss

    aucune information sur les vques, dont nous n'avons que les noms[],[68].

    Socit lyonnaise au Haut Moyen ge

    En ces temps troubls, les institutions ecclsiastiques pallient la disparition de l'administration impriale. De

    nombreux vques sont issus de la noblesse gallo-romaine, qui garde longtemps une culture antique. Les plus

    marquants sont Rusticus, vque de Lyon de 494 501, son frre saint Viventiolus, Sacerdos, fils de Rusticus et

    vque de 549 552, qui dsigne son neveu saint Nizier pour lui succder. Ce dernier est inhum dans l'glise qui

    prend son nom. L'influence de l'vque de Lyon est trs forte dans la rgion, et il conserve une aura positive dans la

    chrtient. Il est appel patriarche lors du concile de Mcon de 585. Il a l'autorit sur les diocses d'Autun,

    Mcon, Chalon-sur-Sane et Langres. D'autres exemples de cette influence sont perceptibles avec l'envoi d'une

    ambassade en Espagne dirige par Arigius (602-614?), ou la conscration d'un vque de Cantorbry Lyon par

    Goduinus (688-701?)[69].

    La vie intellectuelle de cette priode est mal connue. Les quelques Lyonnais qui nous ont transmis une uvre

    marquante sont Sidoine Apollinaire, Eucher ou Viventiole. Le premier est l'auteur de lettres et pangyriques qui nous

    renseignent sur l'volution du monde gallo-romain au Vesicle sous la domination de peuples germains. Eucher

    rdige de nombreux ouvrages sur la foi chrtienne, et des lettres. Enfin, de Viventiole nous est parvenu une Vie des

    pres du Jura[70], qui dcrit les dbuts du monachisme dans la rgion. Il faut toutefois noter que ces textes datent

    tous du Vesicle ou du VIesicle, fort peu de textes proviennent de la priode suivante[71].

  • Histoire de Lyon 10

    Des temps carolingiens l'an milArticle dtaill : Lyon du Haut Moyen ge l'an Mil.

    La ville est un foyer de la renaissance carolingienne, sous l'impulsion de son archevque Leidrade (ami d'Alcuin), du

    diacre Florus, puis d'Agobard. Aprs le trait de Verdun et la succession de Charlemagne, la ville est officiellement

    divise. La rive droite de la Sane revient Charles le Chauve, la presqu'le Lothaire. Toutefois, dans les faits, cette

    division ne survit pas l'influence de l'archevque, qui unifie de fait les deux rives sous sa seigneurie. Aprs la

    courte priode carolingienne, un voile d'ombre, provoqu par la rarfaction des sources disponibles, obscurcit

    nouveau l'histoire de Lyon.

    Visage de Lyon

    Durant cette priode, Lyon n'volue gure topographiquement par rapport aux sicles prcdents[72]. Le centre

    urbain principal est toujours la rive droite de la Sane, compris entre Saint-Laurent de Choulans au sud et Saint-Paul,

    au nord. Il existe aussi des lots d'habitants autour de Saint-Just et Saint-Irne, sur la colline de Fourvire, ainsi que

    sur la presqu'le. Sans documentation, il est impossible de chiffrer la population cette poque[].

    Renaissance carolingienne Lyon

    Si les limites de la ville ne bougent pas, celle-ci se transforme. Ainsi, Leidrade cre deux coles pour lever le niveau

    intellectuel et moral des clercs de la cit. La premire, l'cole des chantres, ou schola cantorum, est destine

    enseigner le chant selon le rite du Palais, la liturgie utilise la cour de Charlemagne Aix-la-Chapelle, elle-mme

    largement inspire par celle de Rome. La seconde, la schola lectorum, est destine initier la lecture et la

    comprhension des textes sacrs. Le but est d'assurer une liturgie de bon niveau[73]. Ces deux coles sont un succs

    et tablissent les bases intellectuelles de la ville pour les sicles suivants. Dans le mme temps, Leidrade rorganise

    un scriptorium qui produit des ouvrages qui, provenant pour beaucoup de la collection de Florus, sont en partie

    parvenus jusqu' nous[74] ; des textes scripturaires, des ouvrages des Pres de l'glise, en particulier saint

    Augustin, dont il semble que l'uvre soit prsente Lyon cette poque, des uvres de saint Jrme, de Grgoire de

    Nazianze, de Bde le Vnrable, une loi wisigothe[75].

    Agobard et Leidrade tentent galement d'amliorer l'observance des rgles suivies par les religieux de la rgion ; ils

    introduisent la rforme canoniale mise en place par Charlemagne. Cinq chapitres de chanoines sont ainsi signals

    Lyon dans le Livre des confraternits de l'abbaye de Reichenau : les chapitres cathdraux de Saint-tienne, qui prend

    plus tard le vocable de Saint-Jean, Saint-Paul, Saint-Just, Saint-Nizier et Saint-Georges[76].

    La cration des chapitres de chanoines a d modifier l'quilibre de la population. Les constructions qui ont

    obligatoirement suivi cette rforme rfectoires, clotres et dortoirs ont eu certainement une emprise importante

    au sol. Si les fouilles n'ont pas rvl d'expansion topographique sur le moment, ces nouveauts expliquent que

    l'expansion future de la cit se soit faite sur la rive gauche de la Sane ; cette extension n'ayant lieu qu'aprs le

    Xesicle[].

  • Histoire de Lyon 11

    Lyon et les puissants

    Carte de la division de l'Empire de Charlemagne

    au trait de Verdun.

    Si le visage de Lyon demeure immobile, les cadres institutionnels

    bougent : le pouvoir religieux impose fermement son autorit sur la

    ville. Pendant cette priode, les archevques dirigent dans les faits la

    cit situe trop loin des centres de pouvoir pour que les diffrents rois

    qui l'ont en leur possession puissent la contrler rellement. Certains se

    permettent mme de s'insrer dans les grands conflits de leur temps[77].

    Rodolphe III de Bourgogne, li plusieurs

    vques de Lyon. Gnalogie des Ottoniens,

    chronique de Saint Pantalon, XIIesicle,

    bibliothque ducale de Wolfenbttel.

    Ainsi, l'archevque Agobard prend part aux soubresauts du monde

    carolingien. Fidle aux idaux de Charlemagne, il participe la rvolte

    des fils de l'empereur Louis le Pieux contre leur pre[78]. Ce dernier

    retrouvant son trne en 834, Agobard est chass de la ville lors du

    concile de Thionville de 835, le sige piscopal se retrouvant gr par le

    liturgiste Amalaire. Mais le clerg de Lyon, rest fidle son

    archevque et soud derrire le diacre Florus, mne la vie dure

    l'arrivant. En 838, suite la rconciliation de Lothaire et de son pre,

    Agobard retrouve son poste et fait condamner les innovations

    liturgiques de son remplaant lors du synode de Quierzy, la mme

    anne. Dans le mme ordre d'ide, ds 817, Agobard demande Louis

    le Pieux de placer les Lyonnais sous les mmes rgles juridiques que les

    Francs, et d'abroger ainsi la loi Gombette, qu'il juge barbare[79]. Il vise

    ainsi, notamment, le duel judiciaire[80].

    Durant le IXesicle, l'lite religieuse lyonnaise est plus proche des

    souverains que de la ville. Ainsi, Rmi Ier est archichapelain du roi

    Charles de Provence. Aurlien figure au premier rang de ceux qui

    confrrent la royaut au duc Boson lors de l'assemble de Mantaille en

    879. Peut-tre est-ce mme lui qui le sacre Lyon. La ville reste donc

    trs lie la noblesse de Bourgogne, comme l'atteste le fait que

    Burchard I et Burchard II appartenaient tout deux cette famille royale.

    Le second fut ainsi archichancelier de son demi-frre Rodolphe III. En

    863, l'administration de la ville est confie Girart de Roussillon, comte

    de Vienne qui tente de prendre son autonomie, mais est chass de la

    ville par Charles le Chauve en 870. Puis Boson l'incorpore en 879 au

    Royaume de Provence. La ville le reste jusqu'en 928. Dans le mme

    temps, signe de fodalit, l'ancien duch de Lyon se morcelle en comts du Lyonnais, du Forez et du Beaujolais. En

    942, Lyon fait partie du royaume de Bourgogne. C'est l'poque o l'glise de Lyon accrot considrablement ses

    biens grce ses archevques, Burchard Ier et Burchard II, parents du roi[].

    En 1032, le royaume d'Arles est lgu par son dernier roi Rodolphe III de Bourgogne Conrad II le Salique

    empereur du Saint-Empire romain germanique. Par la suite, la ville est administre par ses vques, relevant au

  • Histoire de Lyon 12

    temporel de l'Empereur, roi d'Allemagne, d'Italie et de Bourgogne, par l'intermdiaire de l'archichancellerie de

    Bourgogne. Ces vnements politiques se droulent dans un climat d'inscurit li de nombreuses invasions. Les

    IXe et Xesicles sont de nouveau une poque de raids de pillages : les Normands remontent le Rhne et sont arrts

    en 860 Valence par Girart de Roussillon. En 911, les Hongrois ravagent la Bourgogne, les Sarrasins s'installent

    dans le massif des Maures jusqu'en 975, et multiplient les expditions par les routes des Alpes. En dfinitive, cette

    priode voit les archevques rester largement indpendants d'un pouvoir royal lointain ou affaibli[81]. Mme si les

    sources documentaires ne permettent pas d'tablir clairement les modalits de cette domination, elle semble sans

    contestation. Cela change lors du sicle suivant, avec l'avnement de puissantes dynasties de comtes locaux[82].

    XIe et XIIesiclesArticle dtaill : Lyon de l'an mil au Moyen ge tardif.

    Lyon, au cur du Moyen ge, est une cit largement indpendante et domine par les forces ecclsiastiques locales.

    Se dveloppant lentement, elle est marque par un immobilisme intellectuel et institutionnel.

    volution urbaine

    Durant ces deux sicles, Lyon ne s'agrandit gure, mais se remodle et se modifie[]. Peu porte par les mouvements

    d'enrichissement de l'artisanat et du commerce, la cit se contente des possessions foncires de ses matres religieux

    pour se dvelopper. Ceux-ci sont actifs et entament de nombreuses constructions[83].

    Nouveaux difices

    chteau de Pierre Scize, dessin de P.J.X Bidauld -

    Muse d'Histoire de Lyon, Htel Gadagne.

    Pour sa dfense et dans le cadre de sa croissance urbaine, Lyon se dote

    de plusieurs quipements durant cette priode. Le chteau de Pierre

    Scize, dont la construction est entame au dbut du XIesicle

    probablement durant l'piscopat de Burchard II de Lyon, permet de

    surveiller l'arrive nord de la ville et la Sane. Renaud II de Forez, fin

    XIIesicle le rnove et s'y installe durablement. Aprs lui, les prlats

    lyonnais en font une demeure rgulire[]. Aprs les assauts des comtes

    du Forez en 1162, Guichard de Pontigny tablit un rempart autour du

    quartier canonial de Saint-Jean. Dot de solides murs, dont certains sont encore visibles, et de deux tours, il tait

    perc de plusieurs portes dont la plus importante, la Porte-froc, se situe dans l'alignement de l'actuelle rue Saint Jean.

    Cet ensemble religieux est alors nomm le Grand Clotre . Au dbut du XIesicle, la construction d'un pont de

    pierre sur la Sane est entam. Il est achev sous l'archevque Humbert en 1070 et permet le dveloppement de la

    presqu'le. Il relie le quartier du Change celui de Saint-Nizier. Assez troit (environ 7mtres), il supporte ds

    l'origine sur les premires arches des maisons dotes d'tages et abritant des boutiques au rez-de-chausse[84].

    la fin du XIIesicle, une clture dote d'un foss est difie au nord de la presqu'le, perce de la porte

    Saint-Marcel. De nombreuses constructions religieuses apparaissent galement dans la capitale rhodanienne cette

    poque. Les chapelles Sainte-Marie et Saint-Thomas sont difies Fourvire, tandis que Notre-Dame de la Platire,

    une nouvelle collgiale, est fonde sur la rive droite de la Sane. Mais dans le domaine de l'architecture

    ecclsiastique, la majeure partie des chantiers ouverts sont des rnovations ou des transformations[85].

  • Histoire de Lyon 13

    Rnovations du patrimoine religieux lyonnais

    La Mancanterie jouxtant la cathdrale est btie

    au XIesicle.

    Beaucoup d'difices menacent ruine, ne sont plus adapts ou sont

    l'objet d'une volont d'embellissement. L'glise de l'le Barbe est

    rnove vers 1070, celle d'Ainay[86] fin XIe, Saint-Pierre dbut XIIe et

    Saint-Paul au cours du XIIe. L'glise Saint-Just, devenue trop petite, est

    remplace durant les XIIe et XIIIesicles par une nouvelle, la troisime

    depuis le IVesicle, devenant ainsi la plus grande de la ville aprs la

    cathdrale Saint-Jean. Le plus gros chantier est celui de la

    reconstruction de cette dernire, entam dans les annes 1170 par

    l'archevque Guichard de Pontigny. Immense travail, il se poursuit

    durant les sicles suivants[].

    Avance urbaine

    Les seuls quartiers sur lesquels il est possible de distinguer une extension du bti sont ceux de la Croix-Rousse et de

    Saint-Paul. ces endroits, la population qui s'installe est suffisamment importante pour imposer la cration de deux

    nouvelles paroisses[87].

    Vie politique

    L'histoire politique de la ville de Lyon sur ces deux sicles reste, pour la majorit des vnements, locale, et peu en

    prise aux soubresauts internationaux. Les dirigeants de la ville ne sont mls que de loin aux luttes entre rois, entre

    l'empereur et le pape ou aux premires croisades. Par ailleurs, cette histoire reste relativement linaire, avec sur toute

    la priode un conflit entre des matres de la cit solidement installs, l'glise de Lyon, et des prtendants cherchant

    la rduire, essentiellement les comtes de Forez.

    Seigneurs de Lyon : l'glise

    Durant les XIe et XIIesicles, les archevques dirigent sans partage la ville[88]. Le plus souvent indpendants des

    grandes puissances, ils sont lus de manire rgulire par le chapitre cathdral dans la majorit des cas ; ceux pour

    lesquels il y eu une pression n'ont pas alin la cit entre les mains d'une puissance trangre[89].

    Les pouvoirs de police et de justice sont entirement entre les mains de l'archevque. Il dfend fermement ses

    privilges de seigneur (justice, coutumes, pages, droit de battre monnaie) contre ceux qui tentent de les lui

    contester, en premier lieu les comtes de Forez. Lui, et les diffrents chapitres lyonnais, possdent l'ensemble du sol

    de la cit, qui relve de la directe. Par ailleurs, ils tiennent de vastes terres dans les environs de Lyon qui, bien

    gres, drainent de solides revenus vers la cit et les institutions ecclsiastiques. Ainsi, l'archevque possde des

    terres dans les Monts d'Or et entre les valles de la Brvenne et du Gier. Les chanoines d'Ainay sont bien pourvus

    dans la basse valle d'Azergues, et au sud-est immdiat de Lyon. Les moniales de Saint-Pierre tiennent des terres

    dans le Bas-Dauphin. Enfin, le chapitre de l'le Barbe dveloppe ses fiefs dans le sud des Dombes, le Forez et la

    Drme[90].

    Le prestige du trne piscopal se trouve galement renforc par une nouvelle distinction : Gbuin reoit de la part de

    Grgoire VII le titre (ou sa confirmation) de primat des Gaules. Cette distinction donne son titulaire une

    prminence sur les territoires des quatre provinces romaines dlimitant la Gaule l'poque : Lyon, Rouen, Tours et

    Sens. Il n'est accept qu' Tours, l'archevque de Sens, soutenu par le Roi de France, refusant cette primaut, allant

    jusqu' la rclamer pour lui-mme. Toutefois, cette distinction reste trs thorique, elle n'accorde pas de pouvoirs

    juridiques ou institutionnels. Ainsi, durant un sicle, aucun archevque lyonnais ne dcide de la faire figurer dans sa

    titulature[].

  • Histoire de Lyon 14

    L'archevque n'est toutefois pas la seule force politique Lyon. Il trouve face lui les chanoines des plus grands

    chapitres de la ville, et surtout du premier d'entre eux : celui de Saint-Jean[91]. Ces chanoines possdent une fortune

    foncire importante, des droits seigneuriaux notables et ne veulent pas se laisser rduire par un vque trop

    entreprenant. partir du XIIesicle, le chapitre cathdral, compos essentiellement de nobles, constitue un corps

    puissant qui compte de plus en plus dans la politique locale. Ainsi, mme si les chanoines doivent tous jurer fidlit

    l'archevque, ce dernier doit lui aussi, avant d'entrer en fonction, jurer devant le chapitre d'observer tous les

    engagements de ses prdcesseurs, les statuts de l'glise de Lyon, d'accepter les franchises et immunits du

    chapitre[].

    Lutte contre les comtes du Forez

    Durant tout le XIe, la dynastie du Forez mord et ronge les terres et droits de l'archevch dans son aire d'influence.

    Les comtes profitent des moments d'affaiblissement de l'institution ou des prlats, telle la vieillesse de Burchard II

    dans les annes 1020. Le point d'orgue de cette politique est la tentative infructueuse de Graud II dans les annes

    10351040 d'installer son fils sur le trne archipiscopal[92]. En 1076, un accord est sign lors du plaid de Tassin

    entre l'archevque Humbert et le comte Artaud II. Il prvoit le partage entre les deux puissances de certains droits (de

    page notamment) et la frappe de la monnaie est reconnue comme prrogative exclusive de la puissance

    piscopale[93].

    Aprs cet accord, et durant une longue priode, la lutte entre les deux partis se calme, en partie cause des

    problmes internes de chacun d'entre eux. Mais les oppositions s'exacerbent nouveau au milieu du XIIesicle. La

    Bulle d'or octroye par Frdric Barberousse l'archevque Hraclius de Montboissier en 1157 rompt de fait l'accord

    de Tassin, en restituant ce dernier l'ensemble des droits sur la ville de Lyon. Les deux forces se dressent l'une face

    l'autre et une bataille a lieu l'anne suivante Yzeron, qui voit l'arme de l'archevque battue par celle de Guy II. Des

    ngociations s'ouvrent pour rsoudre le conflit et n'aboutissent pas. Excd, en 1162, le comte de Forez prend Lyon,

    poussant Hraclius la fuite[94]. Ce dernier se rfugie auprs de l'empereur, qui ne l'aide gure, trop occup par

    ailleurs. Dans le mme temps, le comte du Forez, lui, se tourne vers le roi de France pour obtenir un arbitrage

    favorable, au point de lui rendre hommage en 1167[95].

    Un accord est rendu sous le contrle du pape Alexandre III, reprsent par l'archevque Pierre de Tarentaise, en

    1167, qui prvoit la gestion de la ville de faon conjointe par les deux parties. Inapplicable, il est remplac trs vite

    par un autre, en 1173, connu sous le nom de Permutatio . Celui-ci prvoit l'abandon par le comte de toutes ses

    prtentions sur Lyon, tandis que l'archevque lui laisse le pouvoir sur de nombreuses terres qu'il possdait dans le

    Forez ou dans des zones limitrophes[96].

    Faible dveloppement conomique de la ville

    Durant les XIe et XIIesicles, la ville ne connat pas d'volution de son conomie. L'essentiel du commerce des

    marchs se limite des produits locaux, achets et vendus par des Lyonnais. Le grand commerce ne passe pas encore

    par la cit, en raison notamment de l'absence de pont sur le Rhne, ou de foires. En dfinitive, encore au dbut du

    XIIIesicle, l'conomie lyonnaise est de type seigneuriale, drainant vers la cit les productions des campagnes

    environnantes, destination surtout des grandes puissances religieuses[97].

    Vie religieuse : un certain conservatisme

    l'ore du nouveau millnaire, l'glise de Lyon a sacrifi aux errances de son temps ; la plupart des chanoines ne

    vivent plus en communaut et sont trs loigns des idaux de la rforme grgorienne qui arrive. Plusieurs papes

    enjoignent aux membres des diffrents chapitres de se rformer dans l'esprit des rgles des saints fondateurs, dont le

    pape Grgoire VII qui leur adresse une lettre officielle le 20 avril 1079. Ces diffrentes remontrances n'ont que peu

    d'effets dans la cit lyonnaise, qui ne suit pas le mouvement rformateur comme, par exemple, celui du Languedoc[].

    Au contraire, les chapitres principaux renforcent leur organisation et leurs usages, poursuivant leur enrichissement.

    Deux autres tablissements, plus rcents et moins influents, reprennent, eux, vie commune et idal de pauvret.

  • Histoire de Lyon 15

    Symptomatiquement, ils sont issus de la volont des deux prlats rformateurs qu'a connus Lyon sur cette priode.

    Le premier, Notre-Dame de la Platire, est impos par Gbuin, sur la Presqu'le. Il reste trs modeste. Le chapitre de

    Saint-Irne, rform par Hugues de Die, ne pse pas non plus d'un grand poids dans la vie religieuse lyonnaise[].

    Cet immobilisme lyonnais dans le domaine religieux se ressent galement dans la stagnation des centres intellectuels

    dans la ville. Les bibliothques des glises ou cathdrales sont maigres, un seul vque lgue des manuscrits la

    cathdrale durant les deux sicles[98]. Nulle universit n'est fonde sur cette priode[99]. Les clercs lyonnais, par

    ailleurs, ne produisent aucune uvre littraire connue, et seules les posies de la prieure de la chartreuse de Poleteins

    en Dombes, Marguerite d'Oingt, sont connues[100].

    Ce conservatisme est peut-tre l'une des causes de l'apparition du mouvement vaudois dans la ville[101], et celle-ci

    doit dans tous les cas tre interprte dans ce contexte[102]. Malgr le peu de documents sur l'histoire proprement

    lyonnaise de Valds et de ceux qui l'ont suivi, il est significatif qu'un lan de retour la pauvret apostolique prenne

    naissance Lyon cette poque. Vers 11701173, Valds se dbarrasse de sa fortune en dotant sa femme et ses

    filles, et donne le reste aux pauvres. Puis il se met prcher dans les rues en mendiant son pain. Des disciples le

    rejoignent peu peu et des membres du clerg se plaignent de lui. l'origine, les pauvres de Lyon sont protgs

    par l'archevque Guichard de Pontivy, un prlat favorable la rforme grgorienne. Soucieux d'orthodoxie, Valds et

    les siens vont en 1179 au concile de Latran o ils obtiennent l'approbation par Alexandre III de leur mode de vie. En

    revenant, ils reprennent leurs prches, s'attirant l'inimiti de nombreux chanoines, et particulirement de ceux du

    chapitre cathdral. la mort de Guichard, ces derniers lisent sa place un homme plus loign des idaux

    rformateurs, Jean Belles-mains, qui expulse aussitt Valds et les siens en 1183. Aprs cet pisode fondateur, il

    n'est plus jamais question des pauvres de Lyon , comme ils se nomment eux-mmes, dans la ville[103].

    Long XIIIesicle lyonnaisArticle dtaill : Lyon de l'an mil au Moyen ge tardif.

    Durant cette priode, qui va grossirement de 1200 1320, Lyon va voluer rapidement, sur les plans religieux et

    institutionnels, sous la pression conjugue de forces internes et externes. La cit sort ainsi d'un certain immobilisme

    intellectuel et, tout en tombant sous la domination du roi de France, acquiert un rgime municipal quivalent celui

    des cits environnantes. La date de 1320 est clairement un basculement pour l'histoire de la ville. Pour l'historien

    Jacques Rossiaud, Le trait de 1320 partage historiquement le Moyen ge lyonnais [].

  • Histoire de Lyon 16

    volution topographique et dmographique

    Faade de la cathdrale Saint-Jean.

    Au XIIIesicle, la population de la ville crot enfin franchement. Cela

    se voit plusieurs indices indirects, les sources crites ne permettant

    pas de quantifier le phnomne. En premier lieu, l'extension du bti

    urbain dpasse largement les ncessits d'un simple accroissement

    naturel des habitants de la cit. Par ailleurs, le nombre d'hpitaux

    augmente nettement, passant de cinq douze pendant le sicle. Une

    autre indication est l'installation d'un grand nombre de couvents

    d'ordres nouveaux qui accompagnent l'avance de l'urbanisation,

    surtout pour les ordres mendiants. Enfin, et mme si sa construction

    subit bien des alas, le pont sur le Rhne est coup sr un facteur de

    dveloppement[].

    Cette croissance dmographique n'a pas lieu dans les parties les plus

    anciennes de la ville, sur la rive droite de la Sane, mais pour

    l'essentiel sur la presqu'le, qui connat un lotissement important et

    plusieurs amnagements. Ainsi, le sol de celle-ci, qui appartient pour la

    plus grande part l'abbaye d'Ainay, bnficie de l'intrt bien compris

    des chanoines de cette dernire. De nombreuses terres agricoles sont

    bties, leur fournissant des revenus bien suprieurs. La rive gauche du Rhne, quant elle, ne bnficie pas encore

    d'un quelconque essor urbain, part quelques points isols. Le plus grand chantier de la ville est la construction de la

    cathdrale Saint-Jean. Entam au XIIesicle, le travail se poursuit, avec l'dification de traves, de verrires et des

    deux rosaces du transept[].

    L'autre grande affaire urbanistique du XIIIesicle lyonnais est la construction d'un pont sur le Rhne. Commenc

    la fin du XIIesicle, le premier pont de bois est abm par le passage des croiss en 1190. Il est rpar, toujours en

    bois. La construction d'un second pont, en pierre, est dcide la fin du XIIIesicle[]. Le chantier est financ par des

    dons, des legs et des offrandes faites la chapelle difie l'extrmit du pont sur la rive gauche[],[104].

    Timide essor conomique

    Gros tournois frapp par Louis IX en 1266.

    L'conomie lyonnaise du XIIIesicle est, comme par le pass, domine

    par les changes locaux. Les tarifs des pages, dont l'examen entre

    1277 et 1315 montre la continuit dans l'extrme faiblesse des produits

    d'exportation lointaine, comme le prouve l'accord de 1193 entre

    l'archevque et les bourgeois, pour lequel ses derniers se battent afin de

    diminuer les taxes touchant les produits de consommation courante ;

    l'essentiel des produits vendus ou achets Lyon sont destins la

    consommation de la ville et des environs immdiats[105]. Cette

    conomie est fortement dpendante des voies fluviales, utilises autant que possible. Elle gnre des installations

    importantes en bord de fleuve, de vritables ports spcialiss naissent et une lutte intense nat entre les diffrents

    religieux lyonnais pour le contrle des taxes lies cette activit (le droit d'pave). L'action des hommes d'glise sur

    le dveloppement conomique se voit aussi dans la modification des systmes agricoles. En premier lieu, le vignoble

    progresse nettement durant ce sicle sur les berges du Rhne et de la Sane, entre Anse et Givors jusqu' atteindre 30

    % des terres cultives certains endroits, comme Saint-Genis-Laval. Ensuite, la rive gauche du Rhne se spcialise

    dans l'levage, notamment le pays du Velin[106].

    En ville, les principaux corps de mtier, qui s'organisent tout au long de ce sicle sont les mmes que dans les

    grandes villes de l'poque : ceux lis l'alimentation, au textile et au cuir. Le grand commerce fait des tentatives

  • Histoire de Lyon 17

    pisodiques pour s'implanter Lyon. Il est aid par la construction du pont sur le Rhne, et par les activits

    religieuses telles que le sjour du pape ou l'organisation de conciles qui attirent argent et corps de mtier trs

    spcialiss. Mais ces opportunits ne sont pas saisies par les marchands lyonnais, qui retournent leurs activits

    locales une fois les vnements passs. Les circulations des commerants au long cours qui passent majoritairement

    plus l'est, ne sont modifies que marginalement. Ainsi le plus grand marchand lyonnais de l'poque, Ponce de

    Chaponay, fait-il fortune uniquement loin de sa ville natale[107].

    Pouvoir lyonnais au XIIIesicle

    Les institutions de la ville restent immobiles durant cette priode, contrairement ce qui se fait dans une grande

    partie des villes mdivales. Il faut des dcennies de lutte entre les forces ecclsiastiques et bourgeoises pour qu'une

    charte donne ces derniers un vrai pouvoir politique. C'est au prix de l'indpendance de la cit, qui passe sous le

    giron du roi de France.

    Prennit du pouvoir ecclsiastique

    Jean XXII bnissant Bernard Gui,

    vque de Lodve. Enluminure

    issue de l'ouvrage Speculum

    Santorale de Bernard Gui,

    conserv la Bibliothque

    municipale de Toulouse.

    La zone d'influence politique des seigneurs de Lyon, c'est--dire l'archevque et les

    chanoines-comtes de Saint-Jean, qui gouvernent conjointement, est restreinte. Ils

    possdent peu de places fortes loin du comt du Lyonnais lui-mme. Mais

    l'inverse, ils sont tout-puissants au sein de celui-ci, except dans les environs de

    Tarare, o l'abbaye de Savigny rgne largement[108]. Ce pouvoir est autant un

    pouvoir politique qu'conomique. Les seigneurs de Lyon possdent la plupart des

    chteaux, sige de la haute justice, et tiennent en lien vassalique un grand nombre

    de familles nobles locales. Cette domination seigneuriale implique un drainage vers

    Lyon de grandes quantits de revenus : redevances foncires, taxes sur les marchs

    et foires, sur les fours, les moulins, les pressoirs[109].

    Ce sicle est une priode de prosprit pour les seigneurs ecclsiastiques lyonnais.

    Ils profitent des visites de plusieurs papes (Innocent IV y sjourne, Clment V y est

    couronn, Jean XXII y est lu) et des conciles (1245 et 1274), pour obtenir des

    faveurs. Ils utilisent leur fortune et les difficults des nobles pour arrondir leurs

    possessions. Ils amliorent mthodiquement l'administration de leurs biens, du

    point de vue fiscal, militaire comme judiciaire. Pour cela, ils perfectionnent le systme de l'obance[],[110]. Soucieux

    de tenir en main leurs hommes, ils sillonnent rgulirement leurs juridictions, sjournant dans leurs chteaux pour y

    rendre justice et vrifier les comptes[].

    Mais cette puissance commence tre conteste de l'intrieur de la ville par les bourgeois qui tentent de trouver une

    place dans l'administration de leur cit. Pour prserver leur domination, les chanoines ferment progressivement

    l'accs aux institutions matresses, les chapitres de Saint-Jean et de Saint-Just. La cooptation devient la rgle, entre

    des familles bientt toutes nobles, et un numerus clausus est instaur. Selon Michel Rubellin, les neveux sigent

    ct des oncles en attendant de prendre leur place []. Cette fermeture est autant tourne contre le patriciat urbain,

    que contre les chanoines imposs de l'extrieur soit par des papes de passage, soit par des archevques venus de

    l'extrieur du microcosme lyonnais. Les bourgeois lyonnais se tournent alors vers l'glise de Saint-Nizier, qui obtient

    en 1306 un chapitre de l'archevque Louis de Villars, mais cette glise n'a pas le prestige et le pouvoir des anciennes

    fondations[].

  • Histoire de Lyon 18

    mergence du pouvoir bourgeois

    L'lite laque lyonnaise se regroupe durant le XIIIesicle pour acqurir autonomie et droits face aux forces

    traditionnelles de la ville. Uniquement compose de bourgeois, elle est domine par une grosse dizaine de familles,

    prsentes jusqu' la fin du Moyen ge. Ces bourgeois sont des marchands, principalement drapiers et pelletiers, et

    des hommes de loi. Ils pratiquent le commerce de l'argent diffrentes chelles, prtant surtout aux ecclsiastiques et

    aux institutions religieuses. Ils rsident dans de solides maisons, mais dont ils ne peuvent tre propritaires, le sol

    appartenant entirement aux chapitres traditionnels. Ils se concentrent essentiellement dans deux quartiers :

    Saint-Paul et Saint-Nizier. L'glise de ce dernier est le point de ralliement principal des bourgeois pendant leur lutte

    contre l'glise lyonnaise, de mme que la chapelle Saint-Jaqume situe en face. L'histoire de l'obtention de leur

    consulat s'tend tout au long du sicle, et peut tre spar en plusieurs tapes[].

    Sceau d'Eudes III de Bourgogne. Illustration issue

    du Recueil des sceaux du Moyen ge du Marquis

    de Migieu, conserv la Bibliothque municipale

    de Lyon

    Un premier soubresaut a lieu pour secouer la tutelle canoniale et

    piscopale la fin du XIIesicle. Un accord entre les bourgeois et

    l'archevque est sign en 1193. Destin limiter l'arbitraire dans les

    droits et taxes perus par les seigneurs ecclsiastiques, il n'a pas de

    succs notable, des abus dclenchant rapidement des protestations[].

    Un deuxime pisode survient donc. En 1206, l'archevque Renaud II

    de Forez octroie une charte aux lyonnais reprenant les dispositions de

    1193, preuve de leur mauvaise application. Mais deux ans aprs, les

    habitants et les bourgeois se rvoltent, protestant contre de nouveaux

    abus. Ils s'arment, s'organisent en association jure, lisent des

    reprsentants, dressent une barricade sur le pont de la Sane et font

    appel au pape Innocent III. Renaud ragit brutalement, mais ne

    parvient pas instaurer le calme. Il doit faire appel au duc de

    Bourgogne Eudes III, qui parvient mater les bourgeois. Il arbitre en

    imposant Renaud le respect des chartes prcdemment accordes.

    L'archevque remporte toutefois la partie, les Lyonnais tant toujours

    privs de franchises politiques, alors que les villes alentour en sont

    dotes progressivement[].

  • Histoire de Lyon 19

    Pierre de Tarentaise, pape sous le nom d'Innocent

    V. Fresque dans l'glise de San Nicolo, Trvise.

    Le pouvoir lyonnais est galement convoit par les familles nobles du

    chapitre cathdral. Profitant de la faiblesse du trne piscopal dans les

    annes 1230 et 1240, elles tentent de se soustraire de sa juridiction, et

    d'obtenir le partage de la justice temporelle, alors entirement tenue par

    le snchal de l'glise. Elles chouent, trouvant sur leur chemin des

    bourgeois peu dsireux de voir la justice dont ils dpendent passer

    entre les mains des chanoines[111].

    La crise entre les trois parties clate entre 1267 et 1274. La

    renonciation du sige piscopal par Philippe Ier de Savoie ouvre un

    vide de quatre ans, que tente d'utiliser le chapitre pour gagner des

    pouvoirs temporels. la suite de l'arrestation par leurs hommes d'un

    bourgeois en 1269, les Lyonnais ragissent violemment. Ils s'arment,

    prennent d'assaut le clotre Saint-Jean, celui de Saint-Just o se sont

    rfugis les chanoines du chapitre cathdral, pillent les environs. Ces

    violences sont autant le fait du menu peuple que des bourgeois, unis au

    sein de socits de solidarits confraternelles. Une trve est conclue en

    juin 1269, mais la situation est toujours explosive. Le pape et le roi

    (par l'intermdiaire du bailli de Mcon) interviennent pour rtablir le

    calme et trouver des compromis, qui tardent venir. Le roi de France

    Philippe III obtient la demande des bourgeois la garde de la ville, en

    attendant l'lection d'un archevque. Lorsque ce dernier, Pierre de Tarentaise arrive, il reoit de la part du roi comme

    du pape de grands avantages, au dtriment du chapitre cathdral. Il doit, par contre, se reconnatre vassal du roi de

    France. Il s'agit de la premire fissure srieuse l'indpendance de Lyon[112].

    Philippe IV, dit Le Bel. Gisant de la basilique

    Saint-Denis.

    Durant les dcennies suivantes, les chanoines tentent nouveau

    d'obtenir des pouvoirs sur la justice sculire et des accords sont

    trouvs avec l'archevque. Cela mcontente fortement les bourgeois,

    qui s'organisent pour protester. Ils demandent nouveau de l'aide

    l'extrieur, en s'adressant tantt au comte de Savoie Amde V tantt

    au roi de France. Le premier prend la ville sous sa garde dans les

    annes 1280, bloquant certaines dcisions piscopales. partir des

    annes 1290, c'est le roi qui reprend la main. Il nomme un missaire

    sur place, le gardiateur[].

    Finalement, dans les premires annes du XIVesicle, le roi Philippe le

    Bel parvient, aprs de nombreuses pripties, prendre dfinitivement

    pied dans la ville[113]. Il fait ainsi une entre solennelle le 13 mars

    1311. En 1312, le rattachement de Lyon au royaume de France est

    reconnu au concile de Vienne, sans que l'empereur proteste ;

    l'ensemble des Lyonnais doit alors jurer fidlit au roi de France[114].

    Par deux accords en 1320, l'archevque retrouve certes entirement la

    justice de premire instance, mais il accorde aux bourgeois la charte

    dite de la Sabaudine , qui tablit un consulat[].

    Le dbut du XIVesicle est le moment o Lyon bascule dfinitivement dans le royaume de France, perdant ainsi sa

    place particulire, la marge des grandes puissances de l'Europe mdivale. Dans le mme temps, avec la prise de

    pouvoir de la bourgeoisie, la cit perd sa spcificit institutionnelle d'avoir un ecclsiastique tout puissant sa tte.

  • Histoire de Lyon 20

    Religion Lyon au XIIIesicle : transformation et gloire phmre

    Innocent IV au concile de Lyon, miniature de

    1278. Ms.1 Syracuse University Library.

    Les forces religieuses traditionnelles lyonnaises que sont l'archevque

    et les chanoines des principales glises voient leur influence spirituelle

    se rduire durant le long XIIIesicle de la cit. Les archevques, peu

    en accord avec leur chapitre cathdral, ne peuvent s'appuyer sur lui

    pour leur ministre paroissial. Par ailleurs, la plupart des prlats de

    cette poque ont un rgne court, empchant toute continuit spirituelle.

    Philippe Ier de Savoie, celui qui reste aux affaires le plus longtemps, est

    un seigneur surtout attach dfendre les intrts matriels et

    politiques de son lignage[115].

    Les chanoines sont avant tout des seigneurs gestionnaires de leurs

    obances[]. Le serment d'entre au chapitre cathdral ne mentionne

    aucune obligation spirituelle, mais bien la conservation des biens de la

    communaut. Leur seule action concrte consiste en l'assistance

    traditionnelle aux pauvres et au service liturgique de la cathdrale.

    Jaloux de leurs prrogatives scolaires, ils s'opposent longtemps

    l'ouverture de toute autre structure ducative, notamment la cration de

    cours de droit destination des bourgeois, soucieux de formations

    utiles[116].

    Le rveil spirituel de Lyon n'est donc pas le fait de ces deux groupes,

    mais bien des ordres mendiants qui s'installent Lyon cette priode.

    Ils sont bien accueillis par les archevques et bnficient souvent de

    leur libralit testamentaire. Les premiers sont les Dominicains, qui viennent ds 1218 s'installer sur les pentes de

    Fourvire, avant de se fixer sur la presqu'le, en 1235, entre les deux ponts, o ils difient Notre-Dame de Confort.

    Les Cordeliers s'tablissent dans le centre marchand lyonnais, prs des berges du Rhne en 1220. Ces deux premiers

    groupes rencontrent de francs succs[117]. Ils reoivent de nombreux dons et legs. Au tournant du sicle, les Carmes

    s'installent au-del des Terreaux. Ils sont suivis en 1304 par les Clarisses et en 1319 par les Augustins. Mme si leurs

    actions sont mal connues, il est possible de supposer qu'ils influencent fortement le dveloppement du mouvement

    confraternel lyonnais[118].

    Lyon connat galement cette poque plusieurs moments de gloire, avec l'accueil de deux conciles gnraux et la

    venue de plusieurs papes[119]. Ces moments ne permettent toutefois pas la cit de prendre un essor religieux

    particulier.

    Le premier concile de Lyon est convoqu en 1245 par le pape Innocent IV. Il a pour but principal la dposition de

    l'empereur Frdric II dans le cadre de la lutte entre l'empereur du Saint empire et la papaut. cette occasion et

    pour s'loigner de son ennemi, le pape et toute la curie restent Lyon durant six ans, jusqu'en 1251. Le deuxime

    concile de Lyon est convoqu en 1274 par le pape Grgoire X. Les principaux sujets dbattus sont la dfense de la

    terre sainte, la runion des glises d'occident et d'orient, et l'amlioration de l'lection pontificale. Dans le cadre de

    ces deux conciles et suivant une tendance gnrale l'Europe chrtienne, les autorits lyonnaises commencent

    perscuter la communaut juive lyonnaise, avec une premire expulsion de la ville en 1250, pour s'achever en 1420

    par son exil pour trois sicles[120]. En 1305, le pape Clment V est couronn Lyon. Le choix de la ville est dict par

    le roi de France Philippe le Bel, qui entend affirmer son pouvoir sur place et en profite pour venir faire une entre.

    En 1316, c'est encore une dcision royale qui impose le site de Lyon pour l'lection et le couronnement de Jean

    XXII[121].

    chaque fois, c'est toujours une volont extrieure ou une opportunit politique qui dicte les vnements, et jamais

    la volont des habitants lyonnais. Ces derniers ne retirent que peu d'avantages particuliers de ces moments de gloire

  • Histoire de Lyon 21

    phmres, qui ne dclenchent aucun essor conomique ou politique[].

    Fin du Moyen ge lyonnais (1312-1450)Article dtaill : Lyon de l'an mil au Moyen ge tardif.

    Lyon lie son sort la France par sa soumission au roi Philippe le Bel, en 1312. Elle reste toutefois encore longtemps

    la marge des grands conflits de ce temps, ne subissant pas la guerre de Cent Ans. La cit ne connat pas davantage

    d'essor conomique sur une priode qui n'est pour elle, que la continuit d'un long Moyen ge.

    Description topographique

    Au dbut du XIVesicle, le plateau de Fourvire est rural, revtu seulement de vignes et de ruines pilles. Il est ceint

    d'une muraille allant de Pierre-Scize Saint-Georges, qui est renforce sur ordre du roi de France Jean le Bon, en

    1360. Au sud du plateau se trouve le clotre de Saint-Just ; au centre, celui de Saint-Thomas-de-Fourvire[122].

    La faade de l'glise Saint-Nizier.

    La ville en rive droite de la Sane est dense et regroupe prs de la

    rivire. Les pentes de la colline et ses pieds sont surtout recouverts de

    vignes et de vergers. Les maisons sont bties trs prs de l'eau, si bien

    qu'il n'y a pas de place pour un chemin de halage. Ce quartier est, au

    sud, domin par le clotre de la cathdrale Saint-Jean. Sa taille coupe la

    ville en deux, isolant partiellement les quartiers du sud[123] et du nord.

    En ce lieu, en face du pont, se situe le cur de la ville : les quartiers du

    Change et de Saint-Paul. Le premier est un quartier commerant et de

    changeurs, qui voit passer tous les voyageurs allant de la Bourgogne, la

    France ou la Flandre la Provence ou l'Italie. Du ct de Saint-Paul se

    concentrent les artisans de bouche, et s'y rendent ainsi tous les fermiers

    et leveurs des Monts d'Or et des plateaux du nord-ouest lyonnais.

    Au-del, la ville s'arrte la porte de Bourgneuf, la boucle de la

    rivire. Ensuite se situe le quartier de Pierre-Scize, domin par le

    chteau de l'archevque[124].

  • Histoire de Lyon 22

    La chapelle des religieux du Saint-Esprit

    l'entre du pont sur le Rhne. Gravure d'aprs une

    ancienne estampe issue d'Histoire des glises et

    des chapelles de Lyon, page 32.

    Sur la presqu'le, l'urbanisation est htrogne, avec des espaces de

    champs, de vergers, de vignes, entrecoups de ples lotis. L'enceinte

    protge depuis Ainay au sud jusqu'aux pieds des pentes de la cte

    Saint-Sbastien, l'actuelle Croix-Rousse. La densit de population est

    impossible estimer, les terriers de l'archevch ayant disparu. En de

    nombreux endroits, les difices religieux ou civils sont rebtis, l'essor

    des ordres mendiants lyonnais y tant pour beaucoup. Mais le grand

    ouvrage de l'poque est surtout la reconstruction complte de l'glise

    Saint-Nizier, porte par son chapitre et sa fabrique laquelle

    appartiennent les plus influents bourgeois de la cit. Ainsi, le clocher

    nord, achev en 1460, devient le beffroi de la ville. Mais la topographie

    de la presqu'le est galement caractrise par l'implantation de

    nombreuses demeures servant de pied--terre pour des puissances

    proches ou lointaines. Mme si ces difices n'ont pas le caractre de

    palais ou de chteaux, ils servent de points d'urbanisation au sein de ce

    qui tait un immense village fortifi. Le centre de ce village est situ

    autour de l'glise Saint-Nizier, o s'est dvelopp le noyau urbain primitif. Semblable au quartier Saint-Paul, il

    regroupe les mtiers de bouche, une halle et les mtiers nobles (drapiers, etc.). Au nord de cette aire, la pente de

    Saint-Sbastien est vide d'habitants, seulement parcourue par des vignes et des ruines. En haut, des fosss de dfense

    sont tablis. ses pieds, cinq portes marquent symboliquement les limites de la cit, la muraille de dfense tant

    construite en retrait. Ce vieux mur disparatra avec la pousse urbaine au XIVesicle. C'est de ce ct, ou contre la

    rive du Rhne, toujours l'extrieur des remparts, que sont concentres les professions dangereuses, insalubres, et

    qui ont souvent besoin du fleuve : tuileries, tanneries, forges, etc. De mme, de l'autre ct des murs ou prs des

    portes sont regroups les hpitaux, destins accueillir errants, voyageurs sans toit et misreux[125].

    La berge du Rhne est compltement dgage, des dbarcadres et des moulins amarrs se succdant le long du flot,

    l'ombre du mur d'enceinte. Le pont du Rhne, d'abord difi en bois au XIIesicle, est ddoubl au sicle suivant

    en pierre, sans que l'on sache quelle date le premier pont est dmoli[104]. La construction du deuxime ouvrage est

    trs longue[]. Dans les annes 1310, seul le premier pilier est commenc, les finances des religieux, les frres du

    pont, qui en ont la charge depuis 1185, ne pouvant suivre face aux difficults. L'ouvrage est alors confi aux

    cisterciens d'Hautecombe, puis ceux de l'abbaye de la Chassagne en Dombes[]. Il faut un sicle pour l'achever, et

    encore, pas entirement en pierre, ce qui permet, l'ore de la Renaissance, une vigoureuse croissance conomique[].

    Socit lyonnaise

    Dmographie et difficults du temps

  • Histoire de Lyon 23

    Illustration de la peste noire tire de la Bible

    historiale de Toggenburg, 1411.

    Kupferstichkabinett, Berlin, 78E1F.

    L'anne 1320 est galement un jalon important de la ville de Lyon sur

    le plan dmographique. En effet, c'est cette date qu'a t tabli le

    premier document permettant d'avoir un ordre de grandeur de la

    population. Les 21 et 22 juin de cette anne, une liste des citoyens

    jurant de respecter les franchises est rdige, elle fournit 3000 noms.

    partir de ce chiffre, il est possible d'estimer la population lyonnaise

    environ 15000 18000 habitants. Cela situe Lyon au rang de

    mtropole secondaire, telles Arles ou Avignon[126].

    cette date, Lyon commence connatre une lente dcroissance,

    provoque par les difficults frumentaires, les pisodes de peste (

    partir de 1347) et les guerres (mme si Lyon ne fut jamais au centre

    des conflits). Le nadir dmographique est estim aux environs des

    annes 1430. Ensuite, la hausse de la population est forte ds les annes 1460, pour aboutir environ 35000

    habitants vers 1520. La premire vague de peste, la mort noire , frappe Lyon en mai 1348. Elle dcime la

    population de la ville et les estimations des contemporains Sur trois personnes peine en demeurait-il une

    semblent peine exagres. Entre un tiers et la moiti de la population disparat lors de cet t. Une premire

    rcurrence en 1361 est galement dvastatrice, puis les pisodes de peste se rptent priodiquement, plus ou moins

    violemment jusqu'au XVesicle[].

    Lyon n'a jamais t pille, ni mme assige cette poque. Les milices de la ville n'ont presque jamais eu

    combattre les pillards qui circulaient cette poque trouble. Les Lyonnais ont par contre subir les ravages dans les

    environs, dvastant les champs et proprits de nombreux notables. Les deux priodes les plus troubles sont entre

    1358 et 1368, ainsi qu'entre 1417 et 1444[].

    Une conomie encore locale

    partir du XIVe apparaissent des preuves de l'importance des possessions terriennes des bourgeois lyonnais. Lors du

    recensement de 1388, prs de la moiti de ceux-ci possdent des biens en dehors de la ville. Ces biens ne diminuent

    pas en nombre durant la priode de crise du dbut du XVesicle, mais voient seulement leur valeur s'tioler. Au

    XIVesicle, les Lyonnais ne font pas d'oprations foncires loin des murailles. La grande majorit d'entre eux jettent

    leur dvolu sur les paroisses colles l'ouest de la Sane et du Rhne entre Anse et Givors. La tendance de ces

    bourgeois est d'investir dans la viticulture, les citadins souhaitant visiblement boire le vin de leur propre vigne, et

    galement viter les taxes sur cette boisson l'entre de la ville[].

    Durant cette priode, Lyon ne brille pas par un artisanat particulirement dvelopp. Il n'y a aucune industrie

    d'exportation notable, les productions lyonnaises tant uniquement destines la rgion proche. Les professions de

    changeurs ou d'aubergistes (souvent trs lies), sont les seules bnficier de la position stratgique de Lyon. Durant

    une courte priode, la prsence des papes Avignon amliore quelque peu le commerce de la valle du Rhne, mais

    leur dpart remet la cit sa place de mtropole de second rang dans l'espace europen[].

    Le commerce, par voie de consquence, n'est pas trs dvelopp. Peu de marchands trangers viennent s'installer

    Lyon et les marchs locaux ne voient pas la visite de beaucoup de convois au long cours. Les foires, octroyes par le

    Dauphin le 9 fvrier 1420, ne connaissent pas une grande activit pendant des dcennies. Entre 1425 et 1436, elles

    disparaissent mme, et ce n'est pas leur nombre annuel passant de deux trois en 1445, qui change les choses. Ce

    sont les modifications des trajets des voies commerciales europennes qui leur donnent un grand lustre et provoquent

    le basculement de la cit lyonnaise dans la Renaissance, aux alentours des annes 1450. Une quatrime foire apparat

    en 1463[].

  • Histoire de Lyon 24

    Vie quotidienne et sociale

    Malgr l'apparition des foires et la fin de la construction du pont sur le Rhne, qui cre un flux certes maigre

    de marchands, le rythme de la vie des Lyonnais repose avant tout sur le monde agricole. La veille de la Saint-Jean

    Baptiste, le jour des renouvellements de contrats, du paiement des chances est la date la plus importante de la vie

    conomique locale, pas encore concurrence par des foires saisonnires qui n'ont pas pris leur envol. Le march du

    samedi est le principal moment d'animation de la semaine[127].

    Les couches les plus pauvres de la socit vivent d'un petit lot de terre. Les populations un peu plus aises sont

    propritaires de terres cultives par un mtayer et surveillent attentivement ce qui fonde la plus grande part de leur

    aisance. Ces deux groupes sociaux tant largement majoritaires, une mauvaise saison et c'est toute la cit qui

    s'affaiblit. Ainsi, les annes 13471362 sont une priode trs dure pour Lyon[].

    L'tude des documents fiscaux permet de mettre en avant une trs forte disparit entre les catgories sociales. En

    1377, 13 % des contribuables paient 68 % de l'impt ; en 1446, 16 % des imposables versent 57 % de l'impt. Le

    dbut de prosprit de la ville a ainsi lgrement gomm les ingalits. L'lite lyonnaise est fortune et

    puissante[128]. Elle possde de l'argent, un solide patrimoine urbain et des seigneuries. Les familles les plus notables

    sont les Villeneuve qui possdent une seigneurie Yvours, les Chaponay, les Nivre, les Chevrier, les Fuer

    Pollionnay, les Varey Avanges et Varennes. Ce groupe discute d'gal gal avec la noblesse, mme s'il n'y a pas

    beaucoup d'unions entre les deux. Ils font construire de hautes maisons, font porter leurs armes leurs domestiques

    et mnent une vie sociale faite de largesses aux allis et de libralits aux ncessiteux[129].

    Sous cette petite lite se trouvent les marchands, encore peu nombreux cette poque. Mobiles, de fortunes variables

    et changeantes, ils tentent d'accumuler du capital pour progresser dans la hirarchie sociale jusqu' l'lite. Viennent

    ensuite, dans la structure sociale lyonnaise, les commerants (htellerie, saunerie, ferraterie[130],) et hommes de

    lois (avocat, notaire, sergent, ), qui se confondent avec les artisans qualifis (doreurs, brodeurs, orfvres, ).

    Enfin, la masse des lyonnais sont des affaneurs , des gens qui vivent de travaux ponctuels, glans de-ci de-l.

    Certains d'entre eux parviennent mobiliser un petit capital pour possder une barque, un lopin de terre ou tenir

    ferme un four commun. Mais quelles que soient les poques, ces groupes sociaux ne restent jamais figs, les uns

    s'enrichissant en une ou deux gnrations, d'autres tombant dans la gne[131].

    Une cit aux juridictions multiples

    Lyon concentre un grand nombre de juridictions, archipiscopale, capitulaire, seigneuriale, royale[132]. Cela draine

    des flux financiers importants, suffisants pour faire vivre plus d'une centaine de personnes diverses (gradus,

    procureurs, clercs, sergents). L'effectif des notaires est plthorique pour une ville de cette taille (70 en 1377 et 87

    en 1446). Certaines juridictions comprennent tout ce qui touche aux prlvements. Les seigneuries ecclsiastiques

    peroivent les dimes, les cens, et grent leurs affaires de manire efficace, avec un personnel spcialis : juge

    ordinaire, juge des appeaux[133], sergents, coponniers. L'archevque dirige l'officialit, qui a des comptences dans

    des domaines trs vastes : tutelles, curatelles, affaires matrimoniales et testamentaires. Quatre autres cours glaive,

    clotre, cour commune, cour des excs aux contours flous, s'ajoutent l'influence ecclsiastique. ceci s'ajoutent

    les officiers et les juridictions du roi, qui s'installent peu peu dans le paysage lyonnais avec la cour des ressorts,

    prenant progressivement une place importante. Paralllement, l'influence royale se ressent avec l'extension

    progressive de l'administration, compos d'une multitude de corps contrlant les alles et venues, le commerce et les

    taxes royales[].

    Longtemps, les archevques et les chapitres des glises importantes tentent de dfendre leur influence face la

    monte en puissance de la justice royale, parfois de manire violente. Les plus combatifs sont les prlats issus de

    familles princires, tel Gui de Bourgogne ou Charles d'Alenon, qui ont des connaissances la cour des Valois. Mais

    les quelques succs obtenus n'arrtent pas l'volution vers la domination royale sur toutes les affaires judiciaires

    importantes[].

  • Histoire de Lyon 25

    Vie politique

    Avec l'octroi en 1320 par l'archevque Pierre de Savoie des franchises aux bourgeois, regroupes sous la charte

    dnomme la Sabaudine, les civils entrent de plain-pied dans la vie politique de la ville. Cette charte institutionnalise

    un consulat qui gre les affaires de la cit.

    Ce consulat est compos de douze consuls, six du royaume et six de l'empire [134], issus des arts majeurs et

    renouvels chaque anne. Toutefois, le mode d'lection entrine la constitution d'un groupe oligarchique qui sera

    souvent en dcalage avec des ralits sociales mouvantes. Les consuls se runissent deux trois fois par semaine en

    temps normal, la chapelle Saint-Jacqume ou chez l'un d'entre eux. Si de nombreux lus sont rgulirement

    absents, deux membres permanents sont prsents : le receveur-secrtaire et le receveur. Les tches des consuls sont

    nombreuses et varies. Ils nomment les commissaires pour tenir des domaines particuliers (sant, fortifications,

    comptabilit) et les membres du service municipal, qui agissent en leur nom auprs des quartiers ou de corps de

    mtier (gardes, charpentiers, mandeurs, trompettes, etc.). Ils expdient une foule de petites affaires, de voirie,

    d'aumnes, etc. Ils veillent l'adjudication des fermes, la tenue de l'impt, sa rentre. Les affaires fiscales

    tiennent l'essentiel de leur temps[].

    Les impts (aides, vingtime du vin, deniers mis sus) sont octroys annuellement par l'archevque, et surtout le roi

    de France, et deviennent progressivement permanents. Ils permettent la ville d'asseoir ses finances, et, les priodes

    de conflits passes, de procder de multiples dpenses civiles. Car le gros de la dpense consiste en la rsolution

    des questions militaires, qu'il s'agisse de payer des capitaines, de verser des ranons pour loigner des bandes de

    pillards ou de rnover des fortifications. Les consuls doivent agir rgulirement en ce domaine. Comme pour d'autres

    villes, c'est lors des priodes de crise que le consulat se forge une histoire commune et se soude[]. partir des annes

    1360, la rgion commence subir les rpercutions des guerres franco-anglaises. Les bandes de soldats en maraude

    (les tard-venus , notamment) circulent et pillent le Lyonnais. Ils triomphent en 1362 Brignais d'une arme leve

    en toute hte. Les passages de convois militaires sont moins froces qu'en d'autres endroits, mais ils sont rguliers

    jusque dans les annes 1390. La deuxime priode d'inscurit persistante se situe entre 1417 et 1445[135].

    La dernire grande affaire du consulat est de subvenir aux besoins alimentaires de la ville. Durant toute la fin du

    Moyen ge, la ville n'a pas souffrir de disette importante, moins en raison de la qualit de la gestion des consuls en

    ce domaine que parce que la faiblesse de la population citadine rend le bassin d'approvisionnement proche (le

    Lyonnais proprement dit, la Bresse et la Dombes) suffisant[136].

    Orientations politiques et grands vnements

    Scne de march. Miniature extraite d'un

    manuscrit du Chevalier errant de Thomas III de

    Saluces, vers 1400-1405. BNF, Fr.12559, f.167.

    Avec la guerre entre le roi de France et la Bourgogne, la ville est

    sollicite par les deux partis pour prendre position. Jusqu'en 1417, elle

    reste autant que possible dans la plus stricte neutralit ; puis, les

    consuls prennent rsolument le parti du roi de France. Cette fidlit

    n'est pas entirement partage par la population ; toutefois, aucun

    soulvement pro-bourguignon n'a lieu. Dans les annes 1410 et 1420,

    une surveillance particulire est ralise envers les habitants

    rcemment arrivs de la Bresse ou du Mconnais. Mais rien ne vient

    tayer les rumeurs qui courent priodiquement, affirmant que certains

    prparent un soulvement. Cette position en faveur du roi de France

    s'explique par trois lments. En premier lieu, le roi est celui qui a

    impos la charte de la ville aux forces ecclsiastiques locales. Ensuite,

    les marchands lyonnais ne frquentent plus beaucoup les foires de

    Champagne, en plein dclin, mais vont plutt Genve. Enfin, cette priode, l'approvisionnement en grain de la

    population peut se passer des terres bourguignonnes[137].

  • Histoire de Lyon 26

    Ce calme de la ville vis--vis des orientations politiques du consulat ne doit pas occulter une tension permanente

    entre les diffrentes couches de la population et les lites consulaires. Ds 1330, les exclus des affaires consulaires

    s'agitent. deux reprises, en 13761390 et en 14181436, des priodes d'oppositions larves obligent les consuls

    mnager les administrs. Si les forces populaires ne trouvent pas d'appuis assez puissants pour se rvolter, deux

    reprises, elles crent de vives motions parmi les consuls[].

    Carnaval insurrectionnel de 1393

    Depuis fort longtemps, l'archevque s'oppose aux forces royales propos de l'exercice de la justice sur les terres

    lyonnaises. En janvier 1393, un arrt du parlement de Paris donne raison Philippe de Thurey pour imposer aux

    officiers royaux d'oprer en dehors de la cit rhodanienne. Ces derniers s'taient auparavant installs dans la

    maison de Roanne , en plein cur de la ville, et les conflits avec les agents de l'archevque taient rguliers.

    L'archevque et ses gens, le lendemain de l'arrive de l'ordre d'excution, vont sur les lieux et mettent la btisse

    sac, accompagns par une foule nombreuse qui conspue les officiers royaux. Beaucoup, au sein du peuple, pensent

    alors que la puissance de l'archevque face au roi est rtablie, dans le cadre d'une lutte autour du roi entre les princes

    tenant d'une nation provinciale et les conseillers partisans d'une royaut puissante.

    Le charivari de la population modeste tient de l'hostilit non contre le roi, trs bien accueilli par la population en

    1389, mais contre les officiers royaux, tenus pour oppresseurs et profiteurs, de connivence avec le consulat.

    L'archevque, dans le cadre de sa lutte pour retrouver du pouvoir la fois contre les bourgeois et le roi, a

    certainement jou de la colre populaire. Si ce carnaval a effray les puissants lacs de la ville, il n'a pas dbouch

    sur des pillages et des troubles importants. Il a simplement montr aux consuls que le peuple suivait alors encore

    l'archevque lorsque la pression fiscale se faisait trop forte.

    L'arrt du parlement est cass l'anne suivante, et les officiers reviennent en force en ville[].

    Rebeyne de 1436

    Portrait de Charles VII par Jean Fouquet, muse

    du Louvre.

    Le terme dsigne un pisode lyonnais mouvement, mais non violent,

    des rvoltes fiscales qui ont lieu durant les guerres entre le roi Charles

    VII de France et la Bourgogne. La paix enfin tablie en 1435 par le

    Trait d'Arras, le peuple espre la suppression de la charge fiscale, et

    surtout des gabelles. Quand les tats de Poitiers, en fvrier 1436,

    maintiennent des impts de guerre, le peuple dcide d'envoyer au roi

    une dlgation pour demander un allgement, comme cela s'tait dj

    vu. Pour cela, les matres des mtiers demandent en assemble un dlai

    pour payer et pour envoyer une dlgation lue ngocier avec le roi. Le

    lieutenant royal accepte le dlai, mais le consulat, peu dsireux de

    paratre refuser la volont royale, se drobe et impose que la

    ngociation soit confie un commissaire royal. Celui-ci revient en

    mai avec un refus du roi[138].

    Immdiatement, le peuple gronde et une assemble gnrale se runit

    pour protester contre l'impt. Le consulat, en face, explique qu'il ne

    peut se drober la volont royale et qu'il faut bien payer. La tension,

    probablement forte, ne dbouche sur aucun affrontement entre riches et modestes. Un compromis est trouv entre les

    consuls et les matres des mtiers, pour faire payer relativement quitablement tout le monde. Le mouvement se

    termine donc par une soumission tardive de la population lyonnaise.

    Jacques Rossiaud[139] insiste sur le fait que si des historiens ont fait de cette rebeyne une vritable rvolte contre

    la bourgeoisie consulaire et le roi, il est ncessaire de bien tenir compte du fait que les sources qui la dcrivent sont

    rdiges par ces mmes consuls, qui ont vcu les vnements dans la peur d'un soulvement. Mais il n'y eu aucun

  • Histoire de Lyon 27

    pillage, aucun mort, et jamais les matres des mtiers ou les chefs lus des humbles n'ont perdu la main sur le

    mouvement. Celui-ci se termine donc par la soumission au roi, qui vient la fin de l'anne avec son arme. Il la fait

    vivre sur le dos de la ville comme en pays con