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Histoire de LyonEdition Livres pour tous(www.livrespourtous.com)
Contenus
ArticlesHistoire de Lyon 1
Histoire par priode 73Lugdunum 73
Lyon du Haut Moyen ge l'an Mil 106
Lyon de l'an mille au Moyen ge tardif 111
Lyon la Renaissance 128
Lyon sous l'absolutisme 161
Lyon sous la Rvolution 170
Lyon du Premier au Second Empire 176
Lyon sous la Troisime Rpublique 189
Lyon durant la Seconde Guerre mondiale 203
Lyon depuis 1944 206
Histoire thmatique 213Histoire de la soie Lyon 213
Histoire de l'imprimerie Lyon 226
Histoire du christianisme Lyon 231
Annexes 251Bibliographie sur l'histoire de Lyon 251
Historiographie de Lyon 272
RfrencesSources et contributeurs de larticle 273
Source des images, licences et contributeurs 274
Licence des articlesLicence 279
Histoire de Lyon 1
Histoire de Lyon
Armes actuelles de la ville de Lyon.
L'histoire de Lyon inventorie, tudie et interprte l'ensemble des
vnements du pass lis cette ville.
Si le lieu est habit depuis la Prhistoire, la premire ville, nomme
Lugdunum, date de la Rome antique. Sous l'Empire romain, Lyon devient
une puissante cit, capitale de la Gaule romaine. La chute de l'Empire
romain la relgue un rle secondaire dans l'espace europen en raison de
son loignement des centres de pouvoir. Puis la division de l'Empire
carolingien la place en position de ville frontire. La cit rhodanienne
garde ces deux caractristiques influence rduite et situation
priphrique durant tout le Moyen ge. Jusqu'au XIVesicle, le
pouvoir politique est tout entier entre les mains de l'archevque, qui
protge jalousement l'autonomie de sa ville. Il faut attendre 1320 pour voir
une institution bourgeoise contrebalancer son autorit, au moment mme
o elle doit se soumettre dfinitivement au royaume de France.
la Renaissance, Lyon se dveloppe considrablement et devient une grande ville commerante europenne. Mais
ce premier ge d'or est fauch par les guerres de religion, qui font fuir dfinitivement une partie des
marchands-banquiers trangers. Durant la monarchie absolue, Lyon reste une cit moyenne en France, dont la
principale richesse est le travail de la soie. La Rvolution dvaste la ville, qui s'oppose en 1793 la Convention.
Prise militairement, elle est svrement rprime et sort de la tourmente rvolutionnaire trs affaiblie.
Napolon aide son redressement par un soutien aux soyeux, qui arrive en mme temps que la mise au point du
mtier Jacquard. C'est le point de dpart d'un essor conomique et industriel qui dure, malgr quelques fluctuations,
jusqu' la Premire Guerre mondiale. Durant le XIXesicle, Lyon est une ville canut et connat en 1831 et 1834 de
violentes rvoltes ouvrires. La Belle poque marque la fin de la domination de la soie lyonnaise et l'essor de
nombreuses autres industries (automobiles, chimie, lectricit). La municipalit, quant elle, retrouve ses pouvoirs
avec la Troisime Rpublique et s'engage dans un long sicle de radicalisme, qui se termine avec douard Herriot en
1957. La Seconde Guerre mondiale voit Lyon, une des principales villes de la zone libre, tre le centre des plus
grands rseaux de la Rsistance. Jean Moulin, notamment, les unifie au sein des Mouvements unis de la Rsistance.
la sortie de la guerre, Lyon se redresse rapidement et connat un vigoureux dveloppement urbain, avec
l'dification d'un grand nombre de quartiers d'habitation. Dote d'industries puissantes et d'un secteur tertiaire en
plein essor, la ville tient son rang de grande mtropole franaise et europenne.
Histoire de Lyon 2
Prhistoire et poque prcdant la conqute romaine
Char d'apparat gaulois (VIIesicle av.J.-C.)
dcouvert La Cte-Saint-Andr et conserv au
muse gallo-romain de Fourvire.
La prsence d'une population ds la Prhistoire est atteste[1]. De
nombreux objets datant, pour les plus anciens, du msolithique, ont t
retrouvs sur le site de Vaise. Les nombreuses traces d'habitats et les
cramiques dcouvertes datant du premier ge du fer (VIesicle
av.J.-C. cet endroit) prouvent l'existence de circuits commerciaux
entre le littoral mditerranen et le nord de l'Europe passant par le site,
sans que l'on puisse parler de lieu urbanis[2].
Les traces d'occupations humaines du Second ge du fer ne dmontrent
pas de sdentarisation avant l'poque romaine, mais elles attestent que
le site de Fourvire est utilis par les peuples environnants comme un
site sacr[3]. Les indices archologiques tendent dmontrer l'existence
de grands rassemblements gaulois et l'existence d'un emporium. Celui-ci sert de lieu d'changes entre les Romains et
les peuples Sgusiaves et duens[4].
AntiquitArticle dtaill : Lugdunum.
Cre par la volont de Rome, Lugdunum devient, grce sa position stratgique, la capitale des Gaules. Centre
politique, religieux et commercial important, la cit se dveloppe considrablement, devenant une ville cosmopolite.
Sa christianisation a lieu ds le IIe sicle.
Fondation de Lugdunum
Lugdunum aurait t fonde dans le cadre d'une politique de cration de colonies initie par Jules Csar, avec
Vienne, Nyon ou Augst, visant s'assurer de la stabilit de peuples nouvellement conquis et rcompenser des
lgionnaires vtrans en leur fournissant des terres et des droits. Dans le cas de Lugdunum, il s'agirait de surveiller
les Allobroges[5].
Histoire de Lyon 3
Site avant la fondation
Buste reprsentant peut-tre Munatius Plancus,
Iesicle, muse gallo-romain de Fourvire
Le site de Lyon prsente de nombreuses traces d'occupation gauloise
avant la fondation ; notamment au quartier saint-vincent, Vaise[6] ou
Fourvire[7],[8]. Le toponyme de Lugdunum dsigne plus
particulirement la colonie de Fourvire, les pentes de la Croix-rousse
tant Condate et les plaines proches du fleuve les canabae[9]. Avant la
fondation, la confluence entre le Rhne et la Sane a une physionomie
trs diffrente de l'actuelle. La Sane coule aux pieds de la colline ; ce
n'est que lors des premiers sicles de notre re qu'un deuxime bras de
la rivire se forme, et que par comblement progressif, un espace est
dgag l'endroit de l'actuel Vieux Lyon.
Il est possible que des Romains venus de Vienne se soient installs
auparavant, et aient fourni un noyau de population initial pour la
colonie, mais cette question est discute par les historiens[10].
Fondation de la colonie
Ancien officier de Jules Csar, proconsul de la Gaule chevelue, Lucius
Munatius Plancus procde la fondation en 43 av.J.-C., le jour exact
tant discut par les historiens[11].
La colonie n'est pas solidement fortifie, tout juste dispose-t-elle de
leve de terres et de palissades de bois[]. De taille rduite, elle ne possde pas de forum[12]. Nomme par son
fondateur Colonia Copia Felix Munatia Lugdunum , elle perd sous l'empereur Claude la rfrence Munatius
Plancus pour devenir Colonia Copia Claudia Augusta Lugdunensium . Les habitants sont citoyens romains, ceux
de naissance libre sont rangs dans la tribu Galeria, les affranchis dans la tribu Palatina[13].
Origine du nom Lugdunum
Il y a dbat sur la signification exacte du toponyme Lugdunum . Le terme de Dunum dsigne en langue celte une
hauteur, une colline ou une citadelle. Mais celui de Lug est moins vident. Certains proposent la possibilit d'une
rfrence au dieu celte Lug. Toutefois, les archologues n'ont pas retrouv de traces de culte sur place, mais
Condate ou Vaise. Il serait alors possible de rapprocher lug de la racine lux, signifiant lumire. Enfin, d'autres
avancent un extrait de l'ouvrage De Fluviis du pseudo-Plutarque qui donne au lieu le nom de Lougoudounon, avec
Lougos signifiant corbeau[14].
Histoire de Lyon 4
Lyon, capitale des Gaules
Statue d'Auguste, muses du Vatican.
Situe sur un point stratgique, la colonie devient rapidement la
capitale des Gaules de part la volont d'Auguste[15]. Trois facteurs
contribuent ce choix. Premirement, l'ambition d'Auguste, dans les
annes 20 av.J.-C., de conqurir la Germanie. Lugdunum est
idalement situe et un rseau de routes est rapidement trac au dpart
de la cit. Elle se retrouve ainsi au centre des communications de la
Gaule, et constitue la base de dpart des oprations vers les territoires
du nord. En second lieu, lors des premires dcennies de sa fondation,
l'organisation administrative de la Gaule n'est pas encore tablie et les
gouverneurs gnraux assurent sa surveillance et sa gestion depuis
cette cit. Enfin, et mme si cela ne se droule pas proprement parler
sur le territoire de la colonie, la runion annuelle des notables gaulois
au confluent partir de 12 av.J.-C. renforce sa position politique[16].
Dveloppement urbain
Schma des principaux monuments de
Lugdunum.
Grce sa localisation et son influence, la ville grandit et s'enrichit
rapidement. Des aqueducs sont construits, des dates dlicates
estimer, peut-tre entre 20 av.J.-C. et 10 av.J.-C.[17]. De nombreux
monuments sont rapidement difis. Le premier est le thtre, le plus
ancien de Gaule, inaugur entre 16 av.J.-C. et 14 av.J.-C. sous
l'empereur Auguste[18],[], dont la capacit est de 10700 places[19]. En
19 ap.J.-C. est inaugur l'amphithtre des Trois Gaules[20], agrandi
vers 130-136. la mme poque, l'autel du sanctuaire fdral des trois
Gaules est rnov[21].
Au sommet de la colline de Fourvire, l'emplacement de l'actuelle
basilique, qui est le cur de la cit son apoge, des vestiges
monumentaux ont t interprts par A. Audin comme le forum, un
temple capitolin, la curie et la basilique[22], identifications remises en
cause depuis[23].
Au cours du IIesicle, un cirque est difi, dont la localisation est
incertaine[24], connu en grande partie grce une mosaque le
reprsentant[]. Antonin, vers 160, procde l'adjonction au thtre d'un
odon de 3000 places[25].
Histoire de Lyon 5
Vue du thtre de Fourvire.
Au-del des monuments prestigieux, c'est l'ensemble des noyaux
urbains de l'agglomration qui se dveloppe. Les communauts de
commerants prosprent : les nautes, les ngociants en vin, les
utriculaires, les stucateurs, les potiers, etc. Chaque communaut est
hirarchiquement organise, avec un conseil et des dignitaires qui
structurent la profession et la reprsentent auprs des autorits.
Certaines ont galement leur propre cimetire[26].
La population globale a t estime par Amable Audin 35000
habitants[27], par Pelletier 40000[28] et par Bruno Benoit entre
50000 60000[29]. Une des plus grandes cits de Gaule, Lyon est une
ville cosmopolite, comprenant de nombreuses personnes portant des noms grecs, probablement plus du quart de la
population[30].
Fonctionnement et intgration dans l'empire
Carte des provinces de la Gaule romaine sous le
Haut Empire romain.
Ds sa fondation, la colonie lyonnaise bnficie du statut de colonie
romaine de plein droit (optimo iure), ses citoyens ont tous les
avantages politiques et civiques des Romains, mais paient plusieurs
impts directs. Au IIIesicle, elle possde alors le droit italique,
dispensant ses habitants des impts directs. Elle s'administre
elle-mme, mais aucun texte sur les lois municipales ne subsiste[31]. En
revanche, les nombreuses inscriptions latines (plus de trois mille)
renseignent sur ses habitants et leurs fonctions[32].
Les institutions lyonnaises comportent deux groupes : les magistrats et
le snat. Les magistrats sont organiss en trois degrs : la questure, l'dilit et le duovirat. Le fonctionnement normal
veut qu'un notable occupe chaque fonction l'une aprs l'autre, mme si nous avons un exemple d'un citoyen devenu
duumvir directement aprs avoir t questeur. Les questeurs sont chargs de lever les fonds municipaux, sous la
surveillance des duumvirs. Les diles sont dvolus l'entretien de la voirie, des thermes, des marchs, des btiments
publics, au ravitaillement. Les duumvirs semblent disposer des fonctions judiciaires. On les voit ainsi interroger les
chrtiens en 177. Ils se chargent galement des oprations lectorales ou de la convocation du conseil des
dcurions[33].
En tant que capitale des Trois Gaules, Lugdunum dispose de plusieurs attributs politiques et spirituels importants. Le
lgat de la Gaule romaine y rside et y gre les trois provinces qui la constituent : la Gaule belgique, la Gaule
aquitaine et la Gaule lyonnaise. Ds l'origine, la cit dispose d'un atelier montaire[34]. Celui-ci est promu au rang
d'atelier montaire imprial en 15 av.J.-C. par Auguste pour le financement de ses campagnes militaires, privilge
unique dans tout l'Empire[]. Aprs de nombreux alas, l'atelier est dvalu en simple suppltif en 294, lorsque celui
de Trves entre en fonction[] ; il reste en activit, avec quelques moments de forte production, jusqu'en 413[35]. Lyon
concentre galement plusieurs administrations impriales dirigeant les trois Gaules : les douanes, le bureau des
mines de fer, les successions, la poste. Elle est la seule ville romaine avec Carthage disposer d'une cohorte
urbaine[36].
La prtrise du culte fdral est la plus haute charge administrative laquelle les Gaulois citoyens romains peuvent
prtendre en Gaule. Elle se tient Lyon, dans un temple dont il n'existe pas de traces archologiques. lus par leurs
cits, les prtres officient toute l'anne, le point d'orgue tant une crmonie en aot, durant laquelle des dlgus de
toute la Gaule viennent rendre un culte l'empereur. Les runions des dlgus n'ont pas qu'une fonction
sacramentelle. Des personnes sont dsignes parmi eux pour former le conseil des Trois Gaules. Dot de moyens
financiers substantiels, son rle est mal connu, mais devait servir de relais entre l'lite gauloise et les empereurs[37].
Histoire de Lyon 6
Lugdunum, cit impriale
Buste de Claude, Muse Pio-Clementino,
Vatican.
De par sa situation stratgique et son influence politique, Lugdunum,
durant toute l'Antiquit, participe certains grands vnements
touchant l'empire et reoit la visite de nombreux empereurs.
Auguste y vient par trois fois entre 39 et 8 av.J.-C., pour mener la
rpression des rebellions en Germanie et en Hispanie[]. Il ordonne
Agrippa l'amnagement des voies romaines des Gaules et confre une
importance notable la cit en y installant l'atelier montaire imprial
en 15 av.J.-C. pour financer ses campagnes. En 12 av.J.-C., le
sanctuaire du confluent est inaugur. Caligula y passe une fois, en
3940 ap.J.-C. avec son cousin Ptolme de Maurtanie. De
magnifiques spectacles sont organiss en leur honneur. Claude nat
Lyon, en 10 av. J.-C., et y retourne rgulirement, notamment lors de
sa conqute de la Bretagne entre 43 et 47 ap.J.-C. Outre plusieurs
traces archologiques de son passage, on conserve de cet empereur son
discours soutenant l'entre des Gaulois au Snat, retranscrit sur la table
claudienne. Son nom entre, peut-tre ds cette poque, dans la
titulature de la ville[38],[].
Sous Nron, en 64, les Lyonnais soutiennent les Romains victimes de
l'incendie de Rome en envoyant la somme de quatre millions de
sesterces. L'anne suivante, ils sont eux-mmes victimes d'un sinistre et Nron leur fait envoyer la mme somme
pour reconstruire la ville. Cet incendie, connu uniquement par un texte de Snque[39] et de Tacite[40], n'a jamais t
corrobor par des traces archologiques[].
En 68, le lgat de la Gaule lyonnaise Vindex se soulve contre le pouvoir de Nron, avec une partie de la Gaule. Lors
de ce conflit, les Viennois assigent Lyon, mais doivent quitter le terrain du combat aprs la dfaite de Vindex.
Toutefois, Galba, le nouvel et bref empereur, punit les Lyonnais de leur soutien Nron. Mais, dans l'pisode de
dsordre de l'Anne des quatre empereurs, les Lyonnais retrouvent les faveurs du nouveau matre Vitellius, qui
chtie les Viennois. Puis, celui-ci se rend Lyon pour y tenir des assises impriales, au cours desquelles de grandes
ftes sont organises[41],[].
Histoire de Lyon 7
Buste de Caracalla, muse gallo-romain de
Fourvire.
En 160, une inscription porte mention de ce qui serait le premier
taurobole clbr dans l'empire, manifestation religieuse de cultes
orientaux en l'honneur de Cyble[42]. On en a la trace grce l'autel
taurobolique retrouv en 1704[43]. En 177, Lyon est le thtre de la
premire perscution de chrtiens de Gaule, et mme de la premire
mention de l'existence de chrtiens dans le pays.
Aprs la mort de l'empereur Commode, la guerre civile voit s'affronter
plusieurs prtendants la tte de l'Empire romain. En Bretagne,
Clodius Albinus s'empare du pouvoir. Lorsque Septime Svre, aprs
avoir vaincu Pescennius Niger, fait dclarer Clodius Albinus ennemi
de l'empire, il vient en Gaule, s'installe Lyon et prend possession
galement de l'Hispanie. En 197, Septime Svre l'affronte, le vainc
Tournus et lors de la bataille de Lugdunum, puis laisse ses soldats
piller la ville qui l'avait soutenu. Septime Svre connaissait pourtant
bien Lugdunum, pour y avoir t lgat, et ses deux fils Caracalla et
Geta y taient ns[]. C'est lors de cet pisode galement que l'atelier
montaire imprial est ferm. En 212 Caracalla, n Lyon en 186,
proclame sa constitutio antoniniana, ce qui accorde aux prgrins
lyonnais la citoyennet, mais pas la capacit de participer la vie
politique locale, apanage des Lyonnais de souche. La crise du troisime sicle ne semble toutefois pas avoir affect
la ville elle-mme, qui n'a pas t envahie. Il n'y a pas, notamment, de traces de l'action des Lyonnais durant l'Empire
des Gaules[44].
la fin du IIIesicle lors des rorganisations de la Ttrarchie, Lugdunum perd son rang de capitale des Gaules au
profit de Trves, plus proche de la frontire du Rhin. La ville n'est plus que le sige administratif de la petite
province de Lyonnaise Ire, qui ne comprend plus que Lyon, Langres et Autun. Cette crise affecte la cit
profondment. La colline de Fourvire est abandonne, les habitants se regroupant sur la rive droite de la Sane[].
Les changes commerciaux suivent d'autres chemins et la ville n'est plus lie de grands vnements. Il n'y a, par
ailleurs, plus de trace d'activit du conseil des Trois Gaules[]. Une rvolte des Lyonnais contre Aurlien en 274 a des
causes inconnues, mais nempche pas l'empereur de restaurer l'atelier montaire imprial. Peu aprs, en 281,
Proculus, riche propritaire lyonnais, se proclame empereur contre Probus. Son chec immdiat provoque une
nouvelle rpression contre la cit. En 353, l'usurpateur Magnence se suicide Lyon aprs sa dfaite en Croatie contre
Constance II et une fuite de deux ans. En 383, le jeune empereur Gratien est assassin Lyon sur ordre de Maxime.
En 392, Eugne, rhteur, est proclam empereur contre Thodose Ier[],[45].
Religions et christianisation de Lugdunum
Comme toutes les cits romaines, Lyon, aux premiers temps de son existence, connait les cultes officiels de la cit et
de l'empereur[46]. Contrairement d'autres, le culte imprial semble avoir ici une importance nettement suprieure
autres formes cultuelles. Sur l'ensemble du IIe sicle, Il y a mention de soixante-dix svirs augustaux, qui forment
mme une fratres augustales et de cinq flamines, qui sont tous de haut personnages locaux. Les svirs jouissent
Lyon d'une position sociale prestigieuse, au mme rang que les chevaliers, juste aprs les dcurions[47] Le culte
imprial est attest trs tt, ds Tibre, avec le temple dit du Clos du Verbe incarn , rare ensemble de ce type
connu[48],[49].
Histoire de Lyon 8
Amphithtre des trois Gaules, o a eu lieu le
martyr de 177
Les premires implantations du christianisme en Gaule nous sont
connues par une lettre attribue l'vque Irne, l'un des premiers
Pres de l'glise, retranscrite par Eusbe de Csare dans son Histoire
ecclsiastique[50]. Elle permet de dater l'arrive de la religion du Christ
dans la ville au milieu du IIesicle[51].
Lyon est un lieu favorable cette arrive par sa situation centrale dans
les courants d'change europens, et la forte proportion d'trangers
circulant et s'tablissant en ville, notamment des juifs[52]. Or, ces
trangers apportent avec eux leur culte, tels ceux de Mithra, d'Isis ou
de Cyble. Les premiers chrtiens sont donc d'origine orientale,
notamment de Phrygie, comme une partie de la population de la cit. Le culte est prsent dans toutes les classes
sociales. Durant les premiers temps, jusqu'au IIIesicle, Lyon semble tre la seule cit gauloise disposer d'un
vque[53].
L'pisode le mieux connu de cette poque est dtaill par la lettre d'Irne Eusbe de Csare ; il s'agit du martyre
de nombreux chrtiens en 177[54],[55]. De nombreux personnages apparaissent, dont le premier vque de Lyon,
Pothin. Si le texte ne nous donne pas d'lments pour expliquer la perscution, les historiens ont propos plusieurs
hypothses : hostilit traditionnelle des Romains vis--vis des chrtiens[54], concurrence entre les religions[56] ou
attitude extrmiste de certains chrtiens influencs par le montanisme[57],[58].
C'est durant le IVesicle que la ville ferme ses temples paens, et rorganise sa vie sociale autour de son vque et
du calendrier de l'glise. Lyon devient l'un des centres intellectuels de la chrtient, illustr au Vesicle par Sidoine
Apollinaire[59],[60].
Haut Moyen geArticle dtaill : Lyon du Haut Moyen ge l'an Mil.
Durant les premiers sicles du Moyen ge, Lyon passe sous la domination burgonde, puis franque, tout en restant,
de fait, trs autonome. Le vrai matre de la ville, ds cette poque, devient l'archevque. Cette priode est mal
connue, les sources disponibles tant lacunaires.
Une ville replie sur la Sane
Avec l'effondrement de l'Empire romain, les habitants de Lugdunum quittent progressivement la ville haute pour
s'tablir sur les deux rives de la Sane[61],[62]. Les textes et les fouilles archologiques ne permettent pas d'avoir une
vue gnrale de l'urbanisation de cette poque, seuls les btiments religieux sont quelque peu connus[63]. Ils
comprennent un groupe cathdral avec deux glises (Saint-Jean et Sainte-Croix) et un baptistre (Saint-tienne), des
basiliques cmtriales (Saint-Just et Saint-Irne) et des couvents de moines ayant diffrentes formes de vie
monastique[64].
Histoire de Lyon 9
D'une domination l'autre
Carte du royaume burgonde.
En 437, des tribus germaniques burgondes sont installes comme
fdres en Sapaudia par le gnral romain Aetius aprs la victoire de
ce dernier contre leur roi Gondicaire et la destruction de leur royaume
situ prs du Rhin. Ces Burgondes tendent leur domination lors de la
dsintgration de l'Empire d'Occident et, dans les annes 470474[65]
et valide par la suite par Jean-Franois Reynaud[66]., font de
Lyon l'une des capitales de leur royaume avec Genve et
Vienne[66],[67]. Peu nombreux, ils sont rapidement assimils par la
noblesse gallo-romaine lyonnaise, au travers de nombreux mariages.
Ariens, ils construisent une cathdrale voue leur culte, mais
entretiennent de bons rapports avec les autres chrtiens. Un certain
nombre se convertissent d'ailleurs au christianisme nicen. Ils
conservent pour eux-mmes leur propre loi, la loi Gombette[].
En 534, les fils de Clovis intgrent facilement ce royaume sous la
domination franque, les Burgondes tant trop peu nombreux et diviss
pour rsister. Les rois francs suivants se disputent le royaume de
Bourgogne. Lyon se retrouve le plus frquemment en possession du roi de Neustrie. Lyon ne semble pas avoir subi
de lourds dommages de ces prises de pouvoir, mais la cit perd tout pouvoir politique direct. La capitale du duch est
Chalon-sur-Sane. La cit rhodanienne conserve toutefois un grand prestige religieux[].
La priode postrieure, durant la domination franque, est trs mal connue. Les quelques textes des VIe et VIIesicles
qui nous sont parvenus sont essentiellement religieux. Plus encore, la priode centrale du VIIIesicle ne nous a laiss
aucune information sur les vques, dont nous n'avons que les noms[],[68].
Socit lyonnaise au Haut Moyen ge
En ces temps troubls, les institutions ecclsiastiques pallient la disparition de l'administration impriale. De
nombreux vques sont issus de la noblesse gallo-romaine, qui garde longtemps une culture antique. Les plus
marquants sont Rusticus, vque de Lyon de 494 501, son frre saint Viventiolus, Sacerdos, fils de Rusticus et
vque de 549 552, qui dsigne son neveu saint Nizier pour lui succder. Ce dernier est inhum dans l'glise qui
prend son nom. L'influence de l'vque de Lyon est trs forte dans la rgion, et il conserve une aura positive dans la
chrtient. Il est appel patriarche lors du concile de Mcon de 585. Il a l'autorit sur les diocses d'Autun,
Mcon, Chalon-sur-Sane et Langres. D'autres exemples de cette influence sont perceptibles avec l'envoi d'une
ambassade en Espagne dirige par Arigius (602-614?), ou la conscration d'un vque de Cantorbry Lyon par
Goduinus (688-701?)[69].
La vie intellectuelle de cette priode est mal connue. Les quelques Lyonnais qui nous ont transmis une uvre
marquante sont Sidoine Apollinaire, Eucher ou Viventiole. Le premier est l'auteur de lettres et pangyriques qui nous
renseignent sur l'volution du monde gallo-romain au Vesicle sous la domination de peuples germains. Eucher
rdige de nombreux ouvrages sur la foi chrtienne, et des lettres. Enfin, de Viventiole nous est parvenu une Vie des
pres du Jura[70], qui dcrit les dbuts du monachisme dans la rgion. Il faut toutefois noter que ces textes datent
tous du Vesicle ou du VIesicle, fort peu de textes proviennent de la priode suivante[71].
Histoire de Lyon 10
Des temps carolingiens l'an milArticle dtaill : Lyon du Haut Moyen ge l'an Mil.
La ville est un foyer de la renaissance carolingienne, sous l'impulsion de son archevque Leidrade (ami d'Alcuin), du
diacre Florus, puis d'Agobard. Aprs le trait de Verdun et la succession de Charlemagne, la ville est officiellement
divise. La rive droite de la Sane revient Charles le Chauve, la presqu'le Lothaire. Toutefois, dans les faits, cette
division ne survit pas l'influence de l'archevque, qui unifie de fait les deux rives sous sa seigneurie. Aprs la
courte priode carolingienne, un voile d'ombre, provoqu par la rarfaction des sources disponibles, obscurcit
nouveau l'histoire de Lyon.
Visage de Lyon
Durant cette priode, Lyon n'volue gure topographiquement par rapport aux sicles prcdents[72]. Le centre
urbain principal est toujours la rive droite de la Sane, compris entre Saint-Laurent de Choulans au sud et Saint-Paul,
au nord. Il existe aussi des lots d'habitants autour de Saint-Just et Saint-Irne, sur la colline de Fourvire, ainsi que
sur la presqu'le. Sans documentation, il est impossible de chiffrer la population cette poque[].
Renaissance carolingienne Lyon
Si les limites de la ville ne bougent pas, celle-ci se transforme. Ainsi, Leidrade cre deux coles pour lever le niveau
intellectuel et moral des clercs de la cit. La premire, l'cole des chantres, ou schola cantorum, est destine
enseigner le chant selon le rite du Palais, la liturgie utilise la cour de Charlemagne Aix-la-Chapelle, elle-mme
largement inspire par celle de Rome. La seconde, la schola lectorum, est destine initier la lecture et la
comprhension des textes sacrs. Le but est d'assurer une liturgie de bon niveau[73]. Ces deux coles sont un succs
et tablissent les bases intellectuelles de la ville pour les sicles suivants. Dans le mme temps, Leidrade rorganise
un scriptorium qui produit des ouvrages qui, provenant pour beaucoup de la collection de Florus, sont en partie
parvenus jusqu' nous[74] ; des textes scripturaires, des ouvrages des Pres de l'glise, en particulier saint
Augustin, dont il semble que l'uvre soit prsente Lyon cette poque, des uvres de saint Jrme, de Grgoire de
Nazianze, de Bde le Vnrable, une loi wisigothe[75].
Agobard et Leidrade tentent galement d'amliorer l'observance des rgles suivies par les religieux de la rgion ; ils
introduisent la rforme canoniale mise en place par Charlemagne. Cinq chapitres de chanoines sont ainsi signals
Lyon dans le Livre des confraternits de l'abbaye de Reichenau : les chapitres cathdraux de Saint-tienne, qui prend
plus tard le vocable de Saint-Jean, Saint-Paul, Saint-Just, Saint-Nizier et Saint-Georges[76].
La cration des chapitres de chanoines a d modifier l'quilibre de la population. Les constructions qui ont
obligatoirement suivi cette rforme rfectoires, clotres et dortoirs ont eu certainement une emprise importante
au sol. Si les fouilles n'ont pas rvl d'expansion topographique sur le moment, ces nouveauts expliquent que
l'expansion future de la cit se soit faite sur la rive gauche de la Sane ; cette extension n'ayant lieu qu'aprs le
Xesicle[].
Histoire de Lyon 11
Lyon et les puissants
Carte de la division de l'Empire de Charlemagne
au trait de Verdun.
Si le visage de Lyon demeure immobile, les cadres institutionnels
bougent : le pouvoir religieux impose fermement son autorit sur la
ville. Pendant cette priode, les archevques dirigent dans les faits la
cit situe trop loin des centres de pouvoir pour que les diffrents rois
qui l'ont en leur possession puissent la contrler rellement. Certains se
permettent mme de s'insrer dans les grands conflits de leur temps[77].
Rodolphe III de Bourgogne, li plusieurs
vques de Lyon. Gnalogie des Ottoniens,
chronique de Saint Pantalon, XIIesicle,
bibliothque ducale de Wolfenbttel.
Ainsi, l'archevque Agobard prend part aux soubresauts du monde
carolingien. Fidle aux idaux de Charlemagne, il participe la rvolte
des fils de l'empereur Louis le Pieux contre leur pre[78]. Ce dernier
retrouvant son trne en 834, Agobard est chass de la ville lors du
concile de Thionville de 835, le sige piscopal se retrouvant gr par le
liturgiste Amalaire. Mais le clerg de Lyon, rest fidle son
archevque et soud derrire le diacre Florus, mne la vie dure
l'arrivant. En 838, suite la rconciliation de Lothaire et de son pre,
Agobard retrouve son poste et fait condamner les innovations
liturgiques de son remplaant lors du synode de Quierzy, la mme
anne. Dans le mme ordre d'ide, ds 817, Agobard demande Louis
le Pieux de placer les Lyonnais sous les mmes rgles juridiques que les
Francs, et d'abroger ainsi la loi Gombette, qu'il juge barbare[79]. Il vise
ainsi, notamment, le duel judiciaire[80].
Durant le IXesicle, l'lite religieuse lyonnaise est plus proche des
souverains que de la ville. Ainsi, Rmi Ier est archichapelain du roi
Charles de Provence. Aurlien figure au premier rang de ceux qui
confrrent la royaut au duc Boson lors de l'assemble de Mantaille en
879. Peut-tre est-ce mme lui qui le sacre Lyon. La ville reste donc
trs lie la noblesse de Bourgogne, comme l'atteste le fait que
Burchard I et Burchard II appartenaient tout deux cette famille royale.
Le second fut ainsi archichancelier de son demi-frre Rodolphe III. En
863, l'administration de la ville est confie Girart de Roussillon, comte
de Vienne qui tente de prendre son autonomie, mais est chass de la
ville par Charles le Chauve en 870. Puis Boson l'incorpore en 879 au
Royaume de Provence. La ville le reste jusqu'en 928. Dans le mme
temps, signe de fodalit, l'ancien duch de Lyon se morcelle en comts du Lyonnais, du Forez et du Beaujolais. En
942, Lyon fait partie du royaume de Bourgogne. C'est l'poque o l'glise de Lyon accrot considrablement ses
biens grce ses archevques, Burchard Ier et Burchard II, parents du roi[].
En 1032, le royaume d'Arles est lgu par son dernier roi Rodolphe III de Bourgogne Conrad II le Salique
empereur du Saint-Empire romain germanique. Par la suite, la ville est administre par ses vques, relevant au
Histoire de Lyon 12
temporel de l'Empereur, roi d'Allemagne, d'Italie et de Bourgogne, par l'intermdiaire de l'archichancellerie de
Bourgogne. Ces vnements politiques se droulent dans un climat d'inscurit li de nombreuses invasions. Les
IXe et Xesicles sont de nouveau une poque de raids de pillages : les Normands remontent le Rhne et sont arrts
en 860 Valence par Girart de Roussillon. En 911, les Hongrois ravagent la Bourgogne, les Sarrasins s'installent
dans le massif des Maures jusqu'en 975, et multiplient les expditions par les routes des Alpes. En dfinitive, cette
priode voit les archevques rester largement indpendants d'un pouvoir royal lointain ou affaibli[81]. Mme si les
sources documentaires ne permettent pas d'tablir clairement les modalits de cette domination, elle semble sans
contestation. Cela change lors du sicle suivant, avec l'avnement de puissantes dynasties de comtes locaux[82].
XIe et XIIesiclesArticle dtaill : Lyon de l'an mil au Moyen ge tardif.
Lyon, au cur du Moyen ge, est une cit largement indpendante et domine par les forces ecclsiastiques locales.
Se dveloppant lentement, elle est marque par un immobilisme intellectuel et institutionnel.
volution urbaine
Durant ces deux sicles, Lyon ne s'agrandit gure, mais se remodle et se modifie[]. Peu porte par les mouvements
d'enrichissement de l'artisanat et du commerce, la cit se contente des possessions foncires de ses matres religieux
pour se dvelopper. Ceux-ci sont actifs et entament de nombreuses constructions[83].
Nouveaux difices
chteau de Pierre Scize, dessin de P.J.X Bidauld -
Muse d'Histoire de Lyon, Htel Gadagne.
Pour sa dfense et dans le cadre de sa croissance urbaine, Lyon se dote
de plusieurs quipements durant cette priode. Le chteau de Pierre
Scize, dont la construction est entame au dbut du XIesicle
probablement durant l'piscopat de Burchard II de Lyon, permet de
surveiller l'arrive nord de la ville et la Sane. Renaud II de Forez, fin
XIIesicle le rnove et s'y installe durablement. Aprs lui, les prlats
lyonnais en font une demeure rgulire[]. Aprs les assauts des comtes
du Forez en 1162, Guichard de Pontigny tablit un rempart autour du
quartier canonial de Saint-Jean. Dot de solides murs, dont certains sont encore visibles, et de deux tours, il tait
perc de plusieurs portes dont la plus importante, la Porte-froc, se situe dans l'alignement de l'actuelle rue Saint Jean.
Cet ensemble religieux est alors nomm le Grand Clotre . Au dbut du XIesicle, la construction d'un pont de
pierre sur la Sane est entam. Il est achev sous l'archevque Humbert en 1070 et permet le dveloppement de la
presqu'le. Il relie le quartier du Change celui de Saint-Nizier. Assez troit (environ 7mtres), il supporte ds
l'origine sur les premires arches des maisons dotes d'tages et abritant des boutiques au rez-de-chausse[84].
la fin du XIIesicle, une clture dote d'un foss est difie au nord de la presqu'le, perce de la porte
Saint-Marcel. De nombreuses constructions religieuses apparaissent galement dans la capitale rhodanienne cette
poque. Les chapelles Sainte-Marie et Saint-Thomas sont difies Fourvire, tandis que Notre-Dame de la Platire,
une nouvelle collgiale, est fonde sur la rive droite de la Sane. Mais dans le domaine de l'architecture
ecclsiastique, la majeure partie des chantiers ouverts sont des rnovations ou des transformations[85].
Histoire de Lyon 13
Rnovations du patrimoine religieux lyonnais
La Mancanterie jouxtant la cathdrale est btie
au XIesicle.
Beaucoup d'difices menacent ruine, ne sont plus adapts ou sont
l'objet d'une volont d'embellissement. L'glise de l'le Barbe est
rnove vers 1070, celle d'Ainay[86] fin XIe, Saint-Pierre dbut XIIe et
Saint-Paul au cours du XIIe. L'glise Saint-Just, devenue trop petite, est
remplace durant les XIIe et XIIIesicles par une nouvelle, la troisime
depuis le IVesicle, devenant ainsi la plus grande de la ville aprs la
cathdrale Saint-Jean. Le plus gros chantier est celui de la
reconstruction de cette dernire, entam dans les annes 1170 par
l'archevque Guichard de Pontigny. Immense travail, il se poursuit
durant les sicles suivants[].
Avance urbaine
Les seuls quartiers sur lesquels il est possible de distinguer une extension du bti sont ceux de la Croix-Rousse et de
Saint-Paul. ces endroits, la population qui s'installe est suffisamment importante pour imposer la cration de deux
nouvelles paroisses[87].
Vie politique
L'histoire politique de la ville de Lyon sur ces deux sicles reste, pour la majorit des vnements, locale, et peu en
prise aux soubresauts internationaux. Les dirigeants de la ville ne sont mls que de loin aux luttes entre rois, entre
l'empereur et le pape ou aux premires croisades. Par ailleurs, cette histoire reste relativement linaire, avec sur toute
la priode un conflit entre des matres de la cit solidement installs, l'glise de Lyon, et des prtendants cherchant
la rduire, essentiellement les comtes de Forez.
Seigneurs de Lyon : l'glise
Durant les XIe et XIIesicles, les archevques dirigent sans partage la ville[88]. Le plus souvent indpendants des
grandes puissances, ils sont lus de manire rgulire par le chapitre cathdral dans la majorit des cas ; ceux pour
lesquels il y eu une pression n'ont pas alin la cit entre les mains d'une puissance trangre[89].
Les pouvoirs de police et de justice sont entirement entre les mains de l'archevque. Il dfend fermement ses
privilges de seigneur (justice, coutumes, pages, droit de battre monnaie) contre ceux qui tentent de les lui
contester, en premier lieu les comtes de Forez. Lui, et les diffrents chapitres lyonnais, possdent l'ensemble du sol
de la cit, qui relve de la directe. Par ailleurs, ils tiennent de vastes terres dans les environs de Lyon qui, bien
gres, drainent de solides revenus vers la cit et les institutions ecclsiastiques. Ainsi, l'archevque possde des
terres dans les Monts d'Or et entre les valles de la Brvenne et du Gier. Les chanoines d'Ainay sont bien pourvus
dans la basse valle d'Azergues, et au sud-est immdiat de Lyon. Les moniales de Saint-Pierre tiennent des terres
dans le Bas-Dauphin. Enfin, le chapitre de l'le Barbe dveloppe ses fiefs dans le sud des Dombes, le Forez et la
Drme[90].
Le prestige du trne piscopal se trouve galement renforc par une nouvelle distinction : Gbuin reoit de la part de
Grgoire VII le titre (ou sa confirmation) de primat des Gaules. Cette distinction donne son titulaire une
prminence sur les territoires des quatre provinces romaines dlimitant la Gaule l'poque : Lyon, Rouen, Tours et
Sens. Il n'est accept qu' Tours, l'archevque de Sens, soutenu par le Roi de France, refusant cette primaut, allant
jusqu' la rclamer pour lui-mme. Toutefois, cette distinction reste trs thorique, elle n'accorde pas de pouvoirs
juridiques ou institutionnels. Ainsi, durant un sicle, aucun archevque lyonnais ne dcide de la faire figurer dans sa
titulature[].
Histoire de Lyon 14
L'archevque n'est toutefois pas la seule force politique Lyon. Il trouve face lui les chanoines des plus grands
chapitres de la ville, et surtout du premier d'entre eux : celui de Saint-Jean[91]. Ces chanoines possdent une fortune
foncire importante, des droits seigneuriaux notables et ne veulent pas se laisser rduire par un vque trop
entreprenant. partir du XIIesicle, le chapitre cathdral, compos essentiellement de nobles, constitue un corps
puissant qui compte de plus en plus dans la politique locale. Ainsi, mme si les chanoines doivent tous jurer fidlit
l'archevque, ce dernier doit lui aussi, avant d'entrer en fonction, jurer devant le chapitre d'observer tous les
engagements de ses prdcesseurs, les statuts de l'glise de Lyon, d'accepter les franchises et immunits du
chapitre[].
Lutte contre les comtes du Forez
Durant tout le XIe, la dynastie du Forez mord et ronge les terres et droits de l'archevch dans son aire d'influence.
Les comtes profitent des moments d'affaiblissement de l'institution ou des prlats, telle la vieillesse de Burchard II
dans les annes 1020. Le point d'orgue de cette politique est la tentative infructueuse de Graud II dans les annes
10351040 d'installer son fils sur le trne archipiscopal[92]. En 1076, un accord est sign lors du plaid de Tassin
entre l'archevque Humbert et le comte Artaud II. Il prvoit le partage entre les deux puissances de certains droits (de
page notamment) et la frappe de la monnaie est reconnue comme prrogative exclusive de la puissance
piscopale[93].
Aprs cet accord, et durant une longue priode, la lutte entre les deux partis se calme, en partie cause des
problmes internes de chacun d'entre eux. Mais les oppositions s'exacerbent nouveau au milieu du XIIesicle. La
Bulle d'or octroye par Frdric Barberousse l'archevque Hraclius de Montboissier en 1157 rompt de fait l'accord
de Tassin, en restituant ce dernier l'ensemble des droits sur la ville de Lyon. Les deux forces se dressent l'une face
l'autre et une bataille a lieu l'anne suivante Yzeron, qui voit l'arme de l'archevque battue par celle de Guy II. Des
ngociations s'ouvrent pour rsoudre le conflit et n'aboutissent pas. Excd, en 1162, le comte de Forez prend Lyon,
poussant Hraclius la fuite[94]. Ce dernier se rfugie auprs de l'empereur, qui ne l'aide gure, trop occup par
ailleurs. Dans le mme temps, le comte du Forez, lui, se tourne vers le roi de France pour obtenir un arbitrage
favorable, au point de lui rendre hommage en 1167[95].
Un accord est rendu sous le contrle du pape Alexandre III, reprsent par l'archevque Pierre de Tarentaise, en
1167, qui prvoit la gestion de la ville de faon conjointe par les deux parties. Inapplicable, il est remplac trs vite
par un autre, en 1173, connu sous le nom de Permutatio . Celui-ci prvoit l'abandon par le comte de toutes ses
prtentions sur Lyon, tandis que l'archevque lui laisse le pouvoir sur de nombreuses terres qu'il possdait dans le
Forez ou dans des zones limitrophes[96].
Faible dveloppement conomique de la ville
Durant les XIe et XIIesicles, la ville ne connat pas d'volution de son conomie. L'essentiel du commerce des
marchs se limite des produits locaux, achets et vendus par des Lyonnais. Le grand commerce ne passe pas encore
par la cit, en raison notamment de l'absence de pont sur le Rhne, ou de foires. En dfinitive, encore au dbut du
XIIIesicle, l'conomie lyonnaise est de type seigneuriale, drainant vers la cit les productions des campagnes
environnantes, destination surtout des grandes puissances religieuses[97].
Vie religieuse : un certain conservatisme
l'ore du nouveau millnaire, l'glise de Lyon a sacrifi aux errances de son temps ; la plupart des chanoines ne
vivent plus en communaut et sont trs loigns des idaux de la rforme grgorienne qui arrive. Plusieurs papes
enjoignent aux membres des diffrents chapitres de se rformer dans l'esprit des rgles des saints fondateurs, dont le
pape Grgoire VII qui leur adresse une lettre officielle le 20 avril 1079. Ces diffrentes remontrances n'ont que peu
d'effets dans la cit lyonnaise, qui ne suit pas le mouvement rformateur comme, par exemple, celui du Languedoc[].
Au contraire, les chapitres principaux renforcent leur organisation et leurs usages, poursuivant leur enrichissement.
Deux autres tablissements, plus rcents et moins influents, reprennent, eux, vie commune et idal de pauvret.
Histoire de Lyon 15
Symptomatiquement, ils sont issus de la volont des deux prlats rformateurs qu'a connus Lyon sur cette priode.
Le premier, Notre-Dame de la Platire, est impos par Gbuin, sur la Presqu'le. Il reste trs modeste. Le chapitre de
Saint-Irne, rform par Hugues de Die, ne pse pas non plus d'un grand poids dans la vie religieuse lyonnaise[].
Cet immobilisme lyonnais dans le domaine religieux se ressent galement dans la stagnation des centres intellectuels
dans la ville. Les bibliothques des glises ou cathdrales sont maigres, un seul vque lgue des manuscrits la
cathdrale durant les deux sicles[98]. Nulle universit n'est fonde sur cette priode[99]. Les clercs lyonnais, par
ailleurs, ne produisent aucune uvre littraire connue, et seules les posies de la prieure de la chartreuse de Poleteins
en Dombes, Marguerite d'Oingt, sont connues[100].
Ce conservatisme est peut-tre l'une des causes de l'apparition du mouvement vaudois dans la ville[101], et celle-ci
doit dans tous les cas tre interprte dans ce contexte[102]. Malgr le peu de documents sur l'histoire proprement
lyonnaise de Valds et de ceux qui l'ont suivi, il est significatif qu'un lan de retour la pauvret apostolique prenne
naissance Lyon cette poque. Vers 11701173, Valds se dbarrasse de sa fortune en dotant sa femme et ses
filles, et donne le reste aux pauvres. Puis il se met prcher dans les rues en mendiant son pain. Des disciples le
rejoignent peu peu et des membres du clerg se plaignent de lui. l'origine, les pauvres de Lyon sont protgs
par l'archevque Guichard de Pontivy, un prlat favorable la rforme grgorienne. Soucieux d'orthodoxie, Valds et
les siens vont en 1179 au concile de Latran o ils obtiennent l'approbation par Alexandre III de leur mode de vie. En
revenant, ils reprennent leurs prches, s'attirant l'inimiti de nombreux chanoines, et particulirement de ceux du
chapitre cathdral. la mort de Guichard, ces derniers lisent sa place un homme plus loign des idaux
rformateurs, Jean Belles-mains, qui expulse aussitt Valds et les siens en 1183. Aprs cet pisode fondateur, il
n'est plus jamais question des pauvres de Lyon , comme ils se nomment eux-mmes, dans la ville[103].
Long XIIIesicle lyonnaisArticle dtaill : Lyon de l'an mil au Moyen ge tardif.
Durant cette priode, qui va grossirement de 1200 1320, Lyon va voluer rapidement, sur les plans religieux et
institutionnels, sous la pression conjugue de forces internes et externes. La cit sort ainsi d'un certain immobilisme
intellectuel et, tout en tombant sous la domination du roi de France, acquiert un rgime municipal quivalent celui
des cits environnantes. La date de 1320 est clairement un basculement pour l'histoire de la ville. Pour l'historien
Jacques Rossiaud, Le trait de 1320 partage historiquement le Moyen ge lyonnais [].
Histoire de Lyon 16
volution topographique et dmographique
Faade de la cathdrale Saint-Jean.
Au XIIIesicle, la population de la ville crot enfin franchement. Cela
se voit plusieurs indices indirects, les sources crites ne permettant
pas de quantifier le phnomne. En premier lieu, l'extension du bti
urbain dpasse largement les ncessits d'un simple accroissement
naturel des habitants de la cit. Par ailleurs, le nombre d'hpitaux
augmente nettement, passant de cinq douze pendant le sicle. Une
autre indication est l'installation d'un grand nombre de couvents
d'ordres nouveaux qui accompagnent l'avance de l'urbanisation,
surtout pour les ordres mendiants. Enfin, et mme si sa construction
subit bien des alas, le pont sur le Rhne est coup sr un facteur de
dveloppement[].
Cette croissance dmographique n'a pas lieu dans les parties les plus
anciennes de la ville, sur la rive droite de la Sane, mais pour
l'essentiel sur la presqu'le, qui connat un lotissement important et
plusieurs amnagements. Ainsi, le sol de celle-ci, qui appartient pour la
plus grande part l'abbaye d'Ainay, bnficie de l'intrt bien compris
des chanoines de cette dernire. De nombreuses terres agricoles sont
bties, leur fournissant des revenus bien suprieurs. La rive gauche du Rhne, quant elle, ne bnficie pas encore
d'un quelconque essor urbain, part quelques points isols. Le plus grand chantier de la ville est la construction de la
cathdrale Saint-Jean. Entam au XIIesicle, le travail se poursuit, avec l'dification de traves, de verrires et des
deux rosaces du transept[].
L'autre grande affaire urbanistique du XIIIesicle lyonnais est la construction d'un pont sur le Rhne. Commenc
la fin du XIIesicle, le premier pont de bois est abm par le passage des croiss en 1190. Il est rpar, toujours en
bois. La construction d'un second pont, en pierre, est dcide la fin du XIIIesicle[]. Le chantier est financ par des
dons, des legs et des offrandes faites la chapelle difie l'extrmit du pont sur la rive gauche[],[104].
Timide essor conomique
Gros tournois frapp par Louis IX en 1266.
L'conomie lyonnaise du XIIIesicle est, comme par le pass, domine
par les changes locaux. Les tarifs des pages, dont l'examen entre
1277 et 1315 montre la continuit dans l'extrme faiblesse des produits
d'exportation lointaine, comme le prouve l'accord de 1193 entre
l'archevque et les bourgeois, pour lequel ses derniers se battent afin de
diminuer les taxes touchant les produits de consommation courante ;
l'essentiel des produits vendus ou achets Lyon sont destins la
consommation de la ville et des environs immdiats[105]. Cette
conomie est fortement dpendante des voies fluviales, utilises autant que possible. Elle gnre des installations
importantes en bord de fleuve, de vritables ports spcialiss naissent et une lutte intense nat entre les diffrents
religieux lyonnais pour le contrle des taxes lies cette activit (le droit d'pave). L'action des hommes d'glise sur
le dveloppement conomique se voit aussi dans la modification des systmes agricoles. En premier lieu, le vignoble
progresse nettement durant ce sicle sur les berges du Rhne et de la Sane, entre Anse et Givors jusqu' atteindre 30
% des terres cultives certains endroits, comme Saint-Genis-Laval. Ensuite, la rive gauche du Rhne se spcialise
dans l'levage, notamment le pays du Velin[106].
En ville, les principaux corps de mtier, qui s'organisent tout au long de ce sicle sont les mmes que dans les
grandes villes de l'poque : ceux lis l'alimentation, au textile et au cuir. Le grand commerce fait des tentatives
Histoire de Lyon 17
pisodiques pour s'implanter Lyon. Il est aid par la construction du pont sur le Rhne, et par les activits
religieuses telles que le sjour du pape ou l'organisation de conciles qui attirent argent et corps de mtier trs
spcialiss. Mais ces opportunits ne sont pas saisies par les marchands lyonnais, qui retournent leurs activits
locales une fois les vnements passs. Les circulations des commerants au long cours qui passent majoritairement
plus l'est, ne sont modifies que marginalement. Ainsi le plus grand marchand lyonnais de l'poque, Ponce de
Chaponay, fait-il fortune uniquement loin de sa ville natale[107].
Pouvoir lyonnais au XIIIesicle
Les institutions de la ville restent immobiles durant cette priode, contrairement ce qui se fait dans une grande
partie des villes mdivales. Il faut des dcennies de lutte entre les forces ecclsiastiques et bourgeoises pour qu'une
charte donne ces derniers un vrai pouvoir politique. C'est au prix de l'indpendance de la cit, qui passe sous le
giron du roi de France.
Prennit du pouvoir ecclsiastique
Jean XXII bnissant Bernard Gui,
vque de Lodve. Enluminure
issue de l'ouvrage Speculum
Santorale de Bernard Gui,
conserv la Bibliothque
municipale de Toulouse.
La zone d'influence politique des seigneurs de Lyon, c'est--dire l'archevque et les
chanoines-comtes de Saint-Jean, qui gouvernent conjointement, est restreinte. Ils
possdent peu de places fortes loin du comt du Lyonnais lui-mme. Mais
l'inverse, ils sont tout-puissants au sein de celui-ci, except dans les environs de
Tarare, o l'abbaye de Savigny rgne largement[108]. Ce pouvoir est autant un
pouvoir politique qu'conomique. Les seigneurs de Lyon possdent la plupart des
chteaux, sige de la haute justice, et tiennent en lien vassalique un grand nombre
de familles nobles locales. Cette domination seigneuriale implique un drainage vers
Lyon de grandes quantits de revenus : redevances foncires, taxes sur les marchs
et foires, sur les fours, les moulins, les pressoirs[109].
Ce sicle est une priode de prosprit pour les seigneurs ecclsiastiques lyonnais.
Ils profitent des visites de plusieurs papes (Innocent IV y sjourne, Clment V y est
couronn, Jean XXII y est lu) et des conciles (1245 et 1274), pour obtenir des
faveurs. Ils utilisent leur fortune et les difficults des nobles pour arrondir leurs
possessions. Ils amliorent mthodiquement l'administration de leurs biens, du
point de vue fiscal, militaire comme judiciaire. Pour cela, ils perfectionnent le systme de l'obance[],[110]. Soucieux
de tenir en main leurs hommes, ils sillonnent rgulirement leurs juridictions, sjournant dans leurs chteaux pour y
rendre justice et vrifier les comptes[].
Mais cette puissance commence tre conteste de l'intrieur de la ville par les bourgeois qui tentent de trouver une
place dans l'administration de leur cit. Pour prserver leur domination, les chanoines ferment progressivement
l'accs aux institutions matresses, les chapitres de Saint-Jean et de Saint-Just. La cooptation devient la rgle, entre
des familles bientt toutes nobles, et un numerus clausus est instaur. Selon Michel Rubellin, les neveux sigent
ct des oncles en attendant de prendre leur place []. Cette fermeture est autant tourne contre le patriciat urbain,
que contre les chanoines imposs de l'extrieur soit par des papes de passage, soit par des archevques venus de
l'extrieur du microcosme lyonnais. Les bourgeois lyonnais se tournent alors vers l'glise de Saint-Nizier, qui obtient
en 1306 un chapitre de l'archevque Louis de Villars, mais cette glise n'a pas le prestige et le pouvoir des anciennes
fondations[].
Histoire de Lyon 18
mergence du pouvoir bourgeois
L'lite laque lyonnaise se regroupe durant le XIIIesicle pour acqurir autonomie et droits face aux forces
traditionnelles de la ville. Uniquement compose de bourgeois, elle est domine par une grosse dizaine de familles,
prsentes jusqu' la fin du Moyen ge. Ces bourgeois sont des marchands, principalement drapiers et pelletiers, et
des hommes de loi. Ils pratiquent le commerce de l'argent diffrentes chelles, prtant surtout aux ecclsiastiques et
aux institutions religieuses. Ils rsident dans de solides maisons, mais dont ils ne peuvent tre propritaires, le sol
appartenant entirement aux chapitres traditionnels. Ils se concentrent essentiellement dans deux quartiers :
Saint-Paul et Saint-Nizier. L'glise de ce dernier est le point de ralliement principal des bourgeois pendant leur lutte
contre l'glise lyonnaise, de mme que la chapelle Saint-Jaqume situe en face. L'histoire de l'obtention de leur
consulat s'tend tout au long du sicle, et peut tre spar en plusieurs tapes[].
Sceau d'Eudes III de Bourgogne. Illustration issue
du Recueil des sceaux du Moyen ge du Marquis
de Migieu, conserv la Bibliothque municipale
de Lyon
Un premier soubresaut a lieu pour secouer la tutelle canoniale et
piscopale la fin du XIIesicle. Un accord entre les bourgeois et
l'archevque est sign en 1193. Destin limiter l'arbitraire dans les
droits et taxes perus par les seigneurs ecclsiastiques, il n'a pas de
succs notable, des abus dclenchant rapidement des protestations[].
Un deuxime pisode survient donc. En 1206, l'archevque Renaud II
de Forez octroie une charte aux lyonnais reprenant les dispositions de
1193, preuve de leur mauvaise application. Mais deux ans aprs, les
habitants et les bourgeois se rvoltent, protestant contre de nouveaux
abus. Ils s'arment, s'organisent en association jure, lisent des
reprsentants, dressent une barricade sur le pont de la Sane et font
appel au pape Innocent III. Renaud ragit brutalement, mais ne
parvient pas instaurer le calme. Il doit faire appel au duc de
Bourgogne Eudes III, qui parvient mater les bourgeois. Il arbitre en
imposant Renaud le respect des chartes prcdemment accordes.
L'archevque remporte toutefois la partie, les Lyonnais tant toujours
privs de franchises politiques, alors que les villes alentour en sont
dotes progressivement[].
Histoire de Lyon 19
Pierre de Tarentaise, pape sous le nom d'Innocent
V. Fresque dans l'glise de San Nicolo, Trvise.
Le pouvoir lyonnais est galement convoit par les familles nobles du
chapitre cathdral. Profitant de la faiblesse du trne piscopal dans les
annes 1230 et 1240, elles tentent de se soustraire de sa juridiction, et
d'obtenir le partage de la justice temporelle, alors entirement tenue par
le snchal de l'glise. Elles chouent, trouvant sur leur chemin des
bourgeois peu dsireux de voir la justice dont ils dpendent passer
entre les mains des chanoines[111].
La crise entre les trois parties clate entre 1267 et 1274. La
renonciation du sige piscopal par Philippe Ier de Savoie ouvre un
vide de quatre ans, que tente d'utiliser le chapitre pour gagner des
pouvoirs temporels. la suite de l'arrestation par leurs hommes d'un
bourgeois en 1269, les Lyonnais ragissent violemment. Ils s'arment,
prennent d'assaut le clotre Saint-Jean, celui de Saint-Just o se sont
rfugis les chanoines du chapitre cathdral, pillent les environs. Ces
violences sont autant le fait du menu peuple que des bourgeois, unis au
sein de socits de solidarits confraternelles. Une trve est conclue en
juin 1269, mais la situation est toujours explosive. Le pape et le roi
(par l'intermdiaire du bailli de Mcon) interviennent pour rtablir le
calme et trouver des compromis, qui tardent venir. Le roi de France
Philippe III obtient la demande des bourgeois la garde de la ville, en
attendant l'lection d'un archevque. Lorsque ce dernier, Pierre de Tarentaise arrive, il reoit de la part du roi comme
du pape de grands avantages, au dtriment du chapitre cathdral. Il doit, par contre, se reconnatre vassal du roi de
France. Il s'agit de la premire fissure srieuse l'indpendance de Lyon[112].
Philippe IV, dit Le Bel. Gisant de la basilique
Saint-Denis.
Durant les dcennies suivantes, les chanoines tentent nouveau
d'obtenir des pouvoirs sur la justice sculire et des accords sont
trouvs avec l'archevque. Cela mcontente fortement les bourgeois,
qui s'organisent pour protester. Ils demandent nouveau de l'aide
l'extrieur, en s'adressant tantt au comte de Savoie Amde V tantt
au roi de France. Le premier prend la ville sous sa garde dans les
annes 1280, bloquant certaines dcisions piscopales. partir des
annes 1290, c'est le roi qui reprend la main. Il nomme un missaire
sur place, le gardiateur[].
Finalement, dans les premires annes du XIVesicle, le roi Philippe le
Bel parvient, aprs de nombreuses pripties, prendre dfinitivement
pied dans la ville[113]. Il fait ainsi une entre solennelle le 13 mars
1311. En 1312, le rattachement de Lyon au royaume de France est
reconnu au concile de Vienne, sans que l'empereur proteste ;
l'ensemble des Lyonnais doit alors jurer fidlit au roi de France[114].
Par deux accords en 1320, l'archevque retrouve certes entirement la
justice de premire instance, mais il accorde aux bourgeois la charte
dite de la Sabaudine , qui tablit un consulat[].
Le dbut du XIVesicle est le moment o Lyon bascule dfinitivement dans le royaume de France, perdant ainsi sa
place particulire, la marge des grandes puissances de l'Europe mdivale. Dans le mme temps, avec la prise de
pouvoir de la bourgeoisie, la cit perd sa spcificit institutionnelle d'avoir un ecclsiastique tout puissant sa tte.
Histoire de Lyon 20
Religion Lyon au XIIIesicle : transformation et gloire phmre
Innocent IV au concile de Lyon, miniature de
1278. Ms.1 Syracuse University Library.
Les forces religieuses traditionnelles lyonnaises que sont l'archevque
et les chanoines des principales glises voient leur influence spirituelle
se rduire durant le long XIIIesicle de la cit. Les archevques, peu
en accord avec leur chapitre cathdral, ne peuvent s'appuyer sur lui
pour leur ministre paroissial. Par ailleurs, la plupart des prlats de
cette poque ont un rgne court, empchant toute continuit spirituelle.
Philippe Ier de Savoie, celui qui reste aux affaires le plus longtemps, est
un seigneur surtout attach dfendre les intrts matriels et
politiques de son lignage[115].
Les chanoines sont avant tout des seigneurs gestionnaires de leurs
obances[]. Le serment d'entre au chapitre cathdral ne mentionne
aucune obligation spirituelle, mais bien la conservation des biens de la
communaut. Leur seule action concrte consiste en l'assistance
traditionnelle aux pauvres et au service liturgique de la cathdrale.
Jaloux de leurs prrogatives scolaires, ils s'opposent longtemps
l'ouverture de toute autre structure ducative, notamment la cration de
cours de droit destination des bourgeois, soucieux de formations
utiles[116].
Le rveil spirituel de Lyon n'est donc pas le fait de ces deux groupes,
mais bien des ordres mendiants qui s'installent Lyon cette priode.
Ils sont bien accueillis par les archevques et bnficient souvent de
leur libralit testamentaire. Les premiers sont les Dominicains, qui viennent ds 1218 s'installer sur les pentes de
Fourvire, avant de se fixer sur la presqu'le, en 1235, entre les deux ponts, o ils difient Notre-Dame de Confort.
Les Cordeliers s'tablissent dans le centre marchand lyonnais, prs des berges du Rhne en 1220. Ces deux premiers
groupes rencontrent de francs succs[117]. Ils reoivent de nombreux dons et legs. Au tournant du sicle, les Carmes
s'installent au-del des Terreaux. Ils sont suivis en 1304 par les Clarisses et en 1319 par les Augustins. Mme si leurs
actions sont mal connues, il est possible de supposer qu'ils influencent fortement le dveloppement du mouvement
confraternel lyonnais[118].
Lyon connat galement cette poque plusieurs moments de gloire, avec l'accueil de deux conciles gnraux et la
venue de plusieurs papes[119]. Ces moments ne permettent toutefois pas la cit de prendre un essor religieux
particulier.
Le premier concile de Lyon est convoqu en 1245 par le pape Innocent IV. Il a pour but principal la dposition de
l'empereur Frdric II dans le cadre de la lutte entre l'empereur du Saint empire et la papaut. cette occasion et
pour s'loigner de son ennemi, le pape et toute la curie restent Lyon durant six ans, jusqu'en 1251. Le deuxime
concile de Lyon est convoqu en 1274 par le pape Grgoire X. Les principaux sujets dbattus sont la dfense de la
terre sainte, la runion des glises d'occident et d'orient, et l'amlioration de l'lection pontificale. Dans le cadre de
ces deux conciles et suivant une tendance gnrale l'Europe chrtienne, les autorits lyonnaises commencent
perscuter la communaut juive lyonnaise, avec une premire expulsion de la ville en 1250, pour s'achever en 1420
par son exil pour trois sicles[120]. En 1305, le pape Clment V est couronn Lyon. Le choix de la ville est dict par
le roi de France Philippe le Bel, qui entend affirmer son pouvoir sur place et en profite pour venir faire une entre.
En 1316, c'est encore une dcision royale qui impose le site de Lyon pour l'lection et le couronnement de Jean
XXII[121].
chaque fois, c'est toujours une volont extrieure ou une opportunit politique qui dicte les vnements, et jamais
la volont des habitants lyonnais. Ces derniers ne retirent que peu d'avantages particuliers de ces moments de gloire
Histoire de Lyon 21
phmres, qui ne dclenchent aucun essor conomique ou politique[].
Fin du Moyen ge lyonnais (1312-1450)Article dtaill : Lyon de l'an mil au Moyen ge tardif.
Lyon lie son sort la France par sa soumission au roi Philippe le Bel, en 1312. Elle reste toutefois encore longtemps
la marge des grands conflits de ce temps, ne subissant pas la guerre de Cent Ans. La cit ne connat pas davantage
d'essor conomique sur une priode qui n'est pour elle, que la continuit d'un long Moyen ge.
Description topographique
Au dbut du XIVesicle, le plateau de Fourvire est rural, revtu seulement de vignes et de ruines pilles. Il est ceint
d'une muraille allant de Pierre-Scize Saint-Georges, qui est renforce sur ordre du roi de France Jean le Bon, en
1360. Au sud du plateau se trouve le clotre de Saint-Just ; au centre, celui de Saint-Thomas-de-Fourvire[122].
La faade de l'glise Saint-Nizier.
La ville en rive droite de la Sane est dense et regroupe prs de la
rivire. Les pentes de la colline et ses pieds sont surtout recouverts de
vignes et de vergers. Les maisons sont bties trs prs de l'eau, si bien
qu'il n'y a pas de place pour un chemin de halage. Ce quartier est, au
sud, domin par le clotre de la cathdrale Saint-Jean. Sa taille coupe la
ville en deux, isolant partiellement les quartiers du sud[123] et du nord.
En ce lieu, en face du pont, se situe le cur de la ville : les quartiers du
Change et de Saint-Paul. Le premier est un quartier commerant et de
changeurs, qui voit passer tous les voyageurs allant de la Bourgogne, la
France ou la Flandre la Provence ou l'Italie. Du ct de Saint-Paul se
concentrent les artisans de bouche, et s'y rendent ainsi tous les fermiers
et leveurs des Monts d'Or et des plateaux du nord-ouest lyonnais.
Au-del, la ville s'arrte la porte de Bourgneuf, la boucle de la
rivire. Ensuite se situe le quartier de Pierre-Scize, domin par le
chteau de l'archevque[124].
Histoire de Lyon 22
La chapelle des religieux du Saint-Esprit
l'entre du pont sur le Rhne. Gravure d'aprs une
ancienne estampe issue d'Histoire des glises et
des chapelles de Lyon, page 32.
Sur la presqu'le, l'urbanisation est htrogne, avec des espaces de
champs, de vergers, de vignes, entrecoups de ples lotis. L'enceinte
protge depuis Ainay au sud jusqu'aux pieds des pentes de la cte
Saint-Sbastien, l'actuelle Croix-Rousse. La densit de population est
impossible estimer, les terriers de l'archevch ayant disparu. En de
nombreux endroits, les difices religieux ou civils sont rebtis, l'essor
des ordres mendiants lyonnais y tant pour beaucoup. Mais le grand
ouvrage de l'poque est surtout la reconstruction complte de l'glise
Saint-Nizier, porte par son chapitre et sa fabrique laquelle
appartiennent les plus influents bourgeois de la cit. Ainsi, le clocher
nord, achev en 1460, devient le beffroi de la ville. Mais la topographie
de la presqu'le est galement caractrise par l'implantation de
nombreuses demeures servant de pied--terre pour des puissances
proches ou lointaines. Mme si ces difices n'ont pas le caractre de
palais ou de chteaux, ils servent de points d'urbanisation au sein de ce
qui tait un immense village fortifi. Le centre de ce village est situ
autour de l'glise Saint-Nizier, o s'est dvelopp le noyau urbain primitif. Semblable au quartier Saint-Paul, il
regroupe les mtiers de bouche, une halle et les mtiers nobles (drapiers, etc.). Au nord de cette aire, la pente de
Saint-Sbastien est vide d'habitants, seulement parcourue par des vignes et des ruines. En haut, des fosss de dfense
sont tablis. ses pieds, cinq portes marquent symboliquement les limites de la cit, la muraille de dfense tant
construite en retrait. Ce vieux mur disparatra avec la pousse urbaine au XIVesicle. C'est de ce ct, ou contre la
rive du Rhne, toujours l'extrieur des remparts, que sont concentres les professions dangereuses, insalubres, et
qui ont souvent besoin du fleuve : tuileries, tanneries, forges, etc. De mme, de l'autre ct des murs ou prs des
portes sont regroups les hpitaux, destins accueillir errants, voyageurs sans toit et misreux[125].
La berge du Rhne est compltement dgage, des dbarcadres et des moulins amarrs se succdant le long du flot,
l'ombre du mur d'enceinte. Le pont du Rhne, d'abord difi en bois au XIIesicle, est ddoubl au sicle suivant
en pierre, sans que l'on sache quelle date le premier pont est dmoli[104]. La construction du deuxime ouvrage est
trs longue[]. Dans les annes 1310, seul le premier pilier est commenc, les finances des religieux, les frres du
pont, qui en ont la charge depuis 1185, ne pouvant suivre face aux difficults. L'ouvrage est alors confi aux
cisterciens d'Hautecombe, puis ceux de l'abbaye de la Chassagne en Dombes[]. Il faut un sicle pour l'achever, et
encore, pas entirement en pierre, ce qui permet, l'ore de la Renaissance, une vigoureuse croissance conomique[].
Socit lyonnaise
Dmographie et difficults du temps
Histoire de Lyon 23
Illustration de la peste noire tire de la Bible
historiale de Toggenburg, 1411.
Kupferstichkabinett, Berlin, 78E1F.
L'anne 1320 est galement un jalon important de la ville de Lyon sur
le plan dmographique. En effet, c'est cette date qu'a t tabli le
premier document permettant d'avoir un ordre de grandeur de la
population. Les 21 et 22 juin de cette anne, une liste des citoyens
jurant de respecter les franchises est rdige, elle fournit 3000 noms.
partir de ce chiffre, il est possible d'estimer la population lyonnaise
environ 15000 18000 habitants. Cela situe Lyon au rang de
mtropole secondaire, telles Arles ou Avignon[126].
cette date, Lyon commence connatre une lente dcroissance,
provoque par les difficults frumentaires, les pisodes de peste (
partir de 1347) et les guerres (mme si Lyon ne fut jamais au centre
des conflits). Le nadir dmographique est estim aux environs des
annes 1430. Ensuite, la hausse de la population est forte ds les annes 1460, pour aboutir environ 35000
habitants vers 1520. La premire vague de peste, la mort noire , frappe Lyon en mai 1348. Elle dcime la
population de la ville et les estimations des contemporains Sur trois personnes peine en demeurait-il une
semblent peine exagres. Entre un tiers et la moiti de la population disparat lors de cet t. Une premire
rcurrence en 1361 est galement dvastatrice, puis les pisodes de peste se rptent priodiquement, plus ou moins
violemment jusqu'au XVesicle[].
Lyon n'a jamais t pille, ni mme assige cette poque. Les milices de la ville n'ont presque jamais eu
combattre les pillards qui circulaient cette poque trouble. Les Lyonnais ont par contre subir les ravages dans les
environs, dvastant les champs et proprits de nombreux notables. Les deux priodes les plus troubles sont entre
1358 et 1368, ainsi qu'entre 1417 et 1444[].
Une conomie encore locale
partir du XIVe apparaissent des preuves de l'importance des possessions terriennes des bourgeois lyonnais. Lors du
recensement de 1388, prs de la moiti de ceux-ci possdent des biens en dehors de la ville. Ces biens ne diminuent
pas en nombre durant la priode de crise du dbut du XVesicle, mais voient seulement leur valeur s'tioler. Au
XIVesicle, les Lyonnais ne font pas d'oprations foncires loin des murailles. La grande majorit d'entre eux jettent
leur dvolu sur les paroisses colles l'ouest de la Sane et du Rhne entre Anse et Givors. La tendance de ces
bourgeois est d'investir dans la viticulture, les citadins souhaitant visiblement boire le vin de leur propre vigne, et
galement viter les taxes sur cette boisson l'entre de la ville[].
Durant cette priode, Lyon ne brille pas par un artisanat particulirement dvelopp. Il n'y a aucune industrie
d'exportation notable, les productions lyonnaises tant uniquement destines la rgion proche. Les professions de
changeurs ou d'aubergistes (souvent trs lies), sont les seules bnficier de la position stratgique de Lyon. Durant
une courte priode, la prsence des papes Avignon amliore quelque peu le commerce de la valle du Rhne, mais
leur dpart remet la cit sa place de mtropole de second rang dans l'espace europen[].
Le commerce, par voie de consquence, n'est pas trs dvelopp. Peu de marchands trangers viennent s'installer
Lyon et les marchs locaux ne voient pas la visite de beaucoup de convois au long cours. Les foires, octroyes par le
Dauphin le 9 fvrier 1420, ne connaissent pas une grande activit pendant des dcennies. Entre 1425 et 1436, elles
disparaissent mme, et ce n'est pas leur nombre annuel passant de deux trois en 1445, qui change les choses. Ce
sont les modifications des trajets des voies commerciales europennes qui leur donnent un grand lustre et provoquent
le basculement de la cit lyonnaise dans la Renaissance, aux alentours des annes 1450. Une quatrime foire apparat
en 1463[].
Histoire de Lyon 24
Vie quotidienne et sociale
Malgr l'apparition des foires et la fin de la construction du pont sur le Rhne, qui cre un flux certes maigre
de marchands, le rythme de la vie des Lyonnais repose avant tout sur le monde agricole. La veille de la Saint-Jean
Baptiste, le jour des renouvellements de contrats, du paiement des chances est la date la plus importante de la vie
conomique locale, pas encore concurrence par des foires saisonnires qui n'ont pas pris leur envol. Le march du
samedi est le principal moment d'animation de la semaine[127].
Les couches les plus pauvres de la socit vivent d'un petit lot de terre. Les populations un peu plus aises sont
propritaires de terres cultives par un mtayer et surveillent attentivement ce qui fonde la plus grande part de leur
aisance. Ces deux groupes sociaux tant largement majoritaires, une mauvaise saison et c'est toute la cit qui
s'affaiblit. Ainsi, les annes 13471362 sont une priode trs dure pour Lyon[].
L'tude des documents fiscaux permet de mettre en avant une trs forte disparit entre les catgories sociales. En
1377, 13 % des contribuables paient 68 % de l'impt ; en 1446, 16 % des imposables versent 57 % de l'impt. Le
dbut de prosprit de la ville a ainsi lgrement gomm les ingalits. L'lite lyonnaise est fortune et
puissante[128]. Elle possde de l'argent, un solide patrimoine urbain et des seigneuries. Les familles les plus notables
sont les Villeneuve qui possdent une seigneurie Yvours, les Chaponay, les Nivre, les Chevrier, les Fuer
Pollionnay, les Varey Avanges et Varennes. Ce groupe discute d'gal gal avec la noblesse, mme s'il n'y a pas
beaucoup d'unions entre les deux. Ils font construire de hautes maisons, font porter leurs armes leurs domestiques
et mnent une vie sociale faite de largesses aux allis et de libralits aux ncessiteux[129].
Sous cette petite lite se trouvent les marchands, encore peu nombreux cette poque. Mobiles, de fortunes variables
et changeantes, ils tentent d'accumuler du capital pour progresser dans la hirarchie sociale jusqu' l'lite. Viennent
ensuite, dans la structure sociale lyonnaise, les commerants (htellerie, saunerie, ferraterie[130],) et hommes de
lois (avocat, notaire, sergent, ), qui se confondent avec les artisans qualifis (doreurs, brodeurs, orfvres, ).
Enfin, la masse des lyonnais sont des affaneurs , des gens qui vivent de travaux ponctuels, glans de-ci de-l.
Certains d'entre eux parviennent mobiliser un petit capital pour possder une barque, un lopin de terre ou tenir
ferme un four commun. Mais quelles que soient les poques, ces groupes sociaux ne restent jamais figs, les uns
s'enrichissant en une ou deux gnrations, d'autres tombant dans la gne[131].
Une cit aux juridictions multiples
Lyon concentre un grand nombre de juridictions, archipiscopale, capitulaire, seigneuriale, royale[132]. Cela draine
des flux financiers importants, suffisants pour faire vivre plus d'une centaine de personnes diverses (gradus,
procureurs, clercs, sergents). L'effectif des notaires est plthorique pour une ville de cette taille (70 en 1377 et 87
en 1446). Certaines juridictions comprennent tout ce qui touche aux prlvements. Les seigneuries ecclsiastiques
peroivent les dimes, les cens, et grent leurs affaires de manire efficace, avec un personnel spcialis : juge
ordinaire, juge des appeaux[133], sergents, coponniers. L'archevque dirige l'officialit, qui a des comptences dans
des domaines trs vastes : tutelles, curatelles, affaires matrimoniales et testamentaires. Quatre autres cours glaive,
clotre, cour commune, cour des excs aux contours flous, s'ajoutent l'influence ecclsiastique. ceci s'ajoutent
les officiers et les juridictions du roi, qui s'installent peu peu dans le paysage lyonnais avec la cour des ressorts,
prenant progressivement une place importante. Paralllement, l'influence royale se ressent avec l'extension
progressive de l'administration, compos d'une multitude de corps contrlant les alles et venues, le commerce et les
taxes royales[].
Longtemps, les archevques et les chapitres des glises importantes tentent de dfendre leur influence face la
monte en puissance de la justice royale, parfois de manire violente. Les plus combatifs sont les prlats issus de
familles princires, tel Gui de Bourgogne ou Charles d'Alenon, qui ont des connaissances la cour des Valois. Mais
les quelques succs obtenus n'arrtent pas l'volution vers la domination royale sur toutes les affaires judiciaires
importantes[].
Histoire de Lyon 25
Vie politique
Avec l'octroi en 1320 par l'archevque Pierre de Savoie des franchises aux bourgeois, regroupes sous la charte
dnomme la Sabaudine, les civils entrent de plain-pied dans la vie politique de la ville. Cette charte institutionnalise
un consulat qui gre les affaires de la cit.
Ce consulat est compos de douze consuls, six du royaume et six de l'empire [134], issus des arts majeurs et
renouvels chaque anne. Toutefois, le mode d'lection entrine la constitution d'un groupe oligarchique qui sera
souvent en dcalage avec des ralits sociales mouvantes. Les consuls se runissent deux trois fois par semaine en
temps normal, la chapelle Saint-Jacqume ou chez l'un d'entre eux. Si de nombreux lus sont rgulirement
absents, deux membres permanents sont prsents : le receveur-secrtaire et le receveur. Les tches des consuls sont
nombreuses et varies. Ils nomment les commissaires pour tenir des domaines particuliers (sant, fortifications,
comptabilit) et les membres du service municipal, qui agissent en leur nom auprs des quartiers ou de corps de
mtier (gardes, charpentiers, mandeurs, trompettes, etc.). Ils expdient une foule de petites affaires, de voirie,
d'aumnes, etc. Ils veillent l'adjudication des fermes, la tenue de l'impt, sa rentre. Les affaires fiscales
tiennent l'essentiel de leur temps[].
Les impts (aides, vingtime du vin, deniers mis sus) sont octroys annuellement par l'archevque, et surtout le roi
de France, et deviennent progressivement permanents. Ils permettent la ville d'asseoir ses finances, et, les priodes
de conflits passes, de procder de multiples dpenses civiles. Car le gros de la dpense consiste en la rsolution
des questions militaires, qu'il s'agisse de payer des capitaines, de verser des ranons pour loigner des bandes de
pillards ou de rnover des fortifications. Les consuls doivent agir rgulirement en ce domaine. Comme pour d'autres
villes, c'est lors des priodes de crise que le consulat se forge une histoire commune et se soude[]. partir des annes
1360, la rgion commence subir les rpercutions des guerres franco-anglaises. Les bandes de soldats en maraude
(les tard-venus , notamment) circulent et pillent le Lyonnais. Ils triomphent en 1362 Brignais d'une arme leve
en toute hte. Les passages de convois militaires sont moins froces qu'en d'autres endroits, mais ils sont rguliers
jusque dans les annes 1390. La deuxime priode d'inscurit persistante se situe entre 1417 et 1445[135].
La dernire grande affaire du consulat est de subvenir aux besoins alimentaires de la ville. Durant toute la fin du
Moyen ge, la ville n'a pas souffrir de disette importante, moins en raison de la qualit de la gestion des consuls en
ce domaine que parce que la faiblesse de la population citadine rend le bassin d'approvisionnement proche (le
Lyonnais proprement dit, la Bresse et la Dombes) suffisant[136].
Orientations politiques et grands vnements
Scne de march. Miniature extraite d'un
manuscrit du Chevalier errant de Thomas III de
Saluces, vers 1400-1405. BNF, Fr.12559, f.167.
Avec la guerre entre le roi de France et la Bourgogne, la ville est
sollicite par les deux partis pour prendre position. Jusqu'en 1417, elle
reste autant que possible dans la plus stricte neutralit ; puis, les
consuls prennent rsolument le parti du roi de France. Cette fidlit
n'est pas entirement partage par la population ; toutefois, aucun
soulvement pro-bourguignon n'a lieu. Dans les annes 1410 et 1420,
une surveillance particulire est ralise envers les habitants
rcemment arrivs de la Bresse ou du Mconnais. Mais rien ne vient
tayer les rumeurs qui courent priodiquement, affirmant que certains
prparent un soulvement. Cette position en faveur du roi de France
s'explique par trois lments. En premier lieu, le roi est celui qui a
impos la charte de la ville aux forces ecclsiastiques locales. Ensuite,
les marchands lyonnais ne frquentent plus beaucoup les foires de
Champagne, en plein dclin, mais vont plutt Genve. Enfin, cette priode, l'approvisionnement en grain de la
population peut se passer des terres bourguignonnes[137].
Histoire de Lyon 26
Ce calme de la ville vis--vis des orientations politiques du consulat ne doit pas occulter une tension permanente
entre les diffrentes couches de la population et les lites consulaires. Ds 1330, les exclus des affaires consulaires
s'agitent. deux reprises, en 13761390 et en 14181436, des priodes d'oppositions larves obligent les consuls
mnager les administrs. Si les forces populaires ne trouvent pas d'appuis assez puissants pour se rvolter, deux
reprises, elles crent de vives motions parmi les consuls[].
Carnaval insurrectionnel de 1393
Depuis fort longtemps, l'archevque s'oppose aux forces royales propos de l'exercice de la justice sur les terres
lyonnaises. En janvier 1393, un arrt du parlement de Paris donne raison Philippe de Thurey pour imposer aux
officiers royaux d'oprer en dehors de la cit rhodanienne. Ces derniers s'taient auparavant installs dans la
maison de Roanne , en plein cur de la ville, et les conflits avec les agents de l'archevque taient rguliers.
L'archevque et ses gens, le lendemain de l'arrive de l'ordre d'excution, vont sur les lieux et mettent la btisse
sac, accompagns par une foule nombreuse qui conspue les officiers royaux. Beaucoup, au sein du peuple, pensent
alors que la puissance de l'archevque face au roi est rtablie, dans le cadre d'une lutte autour du roi entre les princes
tenant d'une nation provinciale et les conseillers partisans d'une royaut puissante.
Le charivari de la population modeste tient de l'hostilit non contre le roi, trs bien accueilli par la population en
1389, mais contre les officiers royaux, tenus pour oppresseurs et profiteurs, de connivence avec le consulat.
L'archevque, dans le cadre de sa lutte pour retrouver du pouvoir la fois contre les bourgeois et le roi, a
certainement jou de la colre populaire. Si ce carnaval a effray les puissants lacs de la ville, il n'a pas dbouch
sur des pillages et des troubles importants. Il a simplement montr aux consuls que le peuple suivait alors encore
l'archevque lorsque la pression fiscale se faisait trop forte.
L'arrt du parlement est cass l'anne suivante, et les officiers reviennent en force en ville[].
Rebeyne de 1436
Portrait de Charles VII par Jean Fouquet, muse
du Louvre.
Le terme dsigne un pisode lyonnais mouvement, mais non violent,
des rvoltes fiscales qui ont lieu durant les guerres entre le roi Charles
VII de France et la Bourgogne. La paix enfin tablie en 1435 par le
Trait d'Arras, le peuple espre la suppression de la charge fiscale, et
surtout des gabelles. Quand les tats de Poitiers, en fvrier 1436,
maintiennent des impts de guerre, le peuple dcide d'envoyer au roi
une dlgation pour demander un allgement, comme cela s'tait dj
vu. Pour cela, les matres des mtiers demandent en assemble un dlai
pour payer et pour envoyer une dlgation lue ngocier avec le roi. Le
lieutenant royal accepte le dlai, mais le consulat, peu dsireux de
paratre refuser la volont royale, se drobe et impose que la
ngociation soit confie un commissaire royal. Celui-ci revient en
mai avec un refus du roi[138].
Immdiatement, le peuple gronde et une assemble gnrale se runit
pour protester contre l'impt. Le consulat, en face, explique qu'il ne
peut se drober la volont royale et qu'il faut bien payer. La tension,
probablement forte, ne dbouche sur aucun affrontement entre riches et modestes. Un compromis est trouv entre les
consuls et les matres des mtiers, pour faire payer relativement quitablement tout le monde. Le mouvement se
termine donc par une soumission tardive de la population lyonnaise.
Jacques Rossiaud[139] insiste sur le fait que si des historiens ont fait de cette rebeyne une vritable rvolte contre
la bourgeoisie consulaire et le roi, il est ncessaire de bien tenir compte du fait que les sources qui la dcrivent sont
rdiges par ces mmes consuls, qui ont vcu les vnements dans la peur d'un soulvement. Mais il n'y eu aucun
Histoire de Lyon 27
pillage, aucun mort, et jamais les matres des mtiers ou les chefs lus des humbles n'ont perdu la main sur le
mouvement. Celui-ci se termine donc par la soumission au roi, qui vient la fin de l'anne avec son arme. Il la fait
vivre sur le dos de la ville comme en pays con