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1 Histoire(s) de l’œuf Dans l’exposition de Margaux Bricler, un œuf, un caillou, un chat, le traditionnel white cube semble pour une fois en accord avec ce que l’on voit et sent : comme un parfum blanc d’origine — ou de remise à zéro — où flottent tous les possibles imaginables, et surtout ceux qui ne le sont pas, selon une cosmogonie de hasard et de nécessité mariant dés, oeuf, pierres, et seins nus de femme. Quelque chose du champ des signes de la poétique généralisée de Roger Caillois passe en échos et reflets dans ces deux pièces blanches de la galerie comme dans les films colorés où Jean-Luc Godard pointe sa tête, où il est dit Adieu au langage en avalant une lettre avec sa langue (sans doute le plan cinématogra- phique le plus impressionnant vu depuis longtemps !), où la puissance de la parole flotte autour des lèvres rouges sans toujours s’y (re)poser . Et c’est au début comme à la fin une Babel (encore Caillois) inondée, l’eau et les étoiles s’offrant en source vive autant qu’en force d’engloutissement. Il fait bon se baigner dans ces eaux troubles du commencement et de l’infini, dans ces alphabets matériologiques où des millions d’histoires attendent leur formulation, où tout a l’évidence de notre condition, et où tout renvoie à son énigme profonde. Jean Paul Civeyrac, mai 2016

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Histoire(s) de l’œuf

Dans l’exposition de Margaux Bricler, un œuf, un caillou, un chat, le traditionnel white cube semble pour une fois en accord avec ce que l’on voit et sent : comme un parfum blanc d’origine — ou de remise à zéro — où flottent tous les possibles imaginables, et surtout ceux qui ne le sont pas, selon une cosmogonie de hasard et de nécessité mariant dés, oeuf, pierres, et seins nus de femme. Quelque chose du champ des signes de la poétique généralisée de Roger Caillois passe en échos et reflets dans ces deux pièces blanches de la galerie comme dans les films colorés où Jean-Luc Godard pointe sa tête, où il est dit Adieu au langage en avalant une lettre avec sa langue (sans doute le plan cinématogra-phique le plus impressionnant vu depuis longtemps !), où la puissance de la parole flotte autour des lèvres rouges sans toujours s’y (re)poser . Et c’est au début comme à la fin une Babel (encore Caillois) inondée, l’eau et les étoiles s’offrant en source vive autant qu’en force d’engloutissement. Il fait bon se baigner dans ces eaux troubles du commencement et de l’infini, dans ces alphabets matériologiques où des millions d’histoires attendent leur formulation, où tout a l’évidence de notre condition, et où tout renvoie à son énigme profonde.

Jean Paul Civeyrac, mai 2016

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Entretien avec Jean Paul Civeyrac, mai 2016

-

JPC /

J’aimerais commencer par aborder la question de l’exposition de ton travail, et particulièrement celle

de tes films. J’ai eu la chance de pouvoir les regarder seul dans la galerie, c’est à dire dans un silence re-

latif, sans être perturbé par des allées et venues autour de moi, et j’ai eu l’impression qu’ils étaient pen-

sés pour la projection, non pour la diffusion dans un cube blanc ouvert et lumineux, qu’ils devraient

plutôt se regarder dans une salle noire. En ce sens qu’ils n’étaient pas conçus comme des boucles, qu’ils

avaient une durée propre, que leur perception engageaient une attention toute particulière — celle

que nécessite une expérience de matières, de sensations, de pensées, de durées, etc, et non simplement

la compréhension du champ des signes —, et qu’ils s’apparentaient donc moins à des sculptures en

vidéo qu’à des films de cinéma.

MB /

Oui, tu as raison. Tout d’abord, je crois que toute ma pratique filmique se nourrit et découle de mes

références cinématographiques.

Dans les deux films présentés à la Galerie Michel Rein, que

tu as vus, sont directement cités certains réalisateurs qui

m’accompagnent au long cours, explicitement, depuis des

années : dans La prose du monde #9 (a : advenir alphabet

amitié amour animal), l’on rencontre des extraits de Go-

dard, de Dreyer, de Rossellini et de Pasolini (voir à gauche).

Dans La prose du monde #10 (les signatures) c’est un plan

du Stalker de Tarkovski qui est isolé et traité comme un vo-

cable autonome dans la succession de photogrammes. Cette

propension à citer immédiatement, sans ambages, sans goût

de vouloir tourner telle ou telle scène « à ma façon », est pro-

bablement le fait d’une époque, de l’accès permanent, via in-

ternet, à presque tous les films (dans des versions qui peuvent

être d’excellente qualité ou bien absolument dégueulasses).

Elle est, de ma part aussi, sans doute le signe d’une pratique

de lisière, d’un vagabondage au flanc du cinématographe,

sans pour l’instant me sentir autorisée à y plonger vraiment.

Ces emprunts revendiqués sont concomitants à une relative méfiance à l’égard de la vidéo telle qu’elle

s’est développée ces trente dernières années dans les pratiques artistiques contemporaines : souvent

sur un modèle à mon sens formel et anecdotique, du fait des conditions de monstration de ces formes

dont le statut est encore à définir.

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Mes films sont le résultat d’une pratique solitaire et rigoureusement gratuite — en dehors du temps,

très long, que je consacre au derushage et au montage, ils ne me coûtent absolument rien et sont réa-

lisés avec une liberté confinant à la sauvagerie, à la piraterie. D’ailleurs, je crois qu’ils exhibent, d’une

certaine manière, un goût pour le bricolage, pour le rafistolé, l’estropié. Le travail de cinéaste s’appuie

toujours sur une équipe, même restreinte ; il me paraît ressembler au travail d’architecte. Tu m’as

demandé, il y a quelques temps, si j’avais eu le désir de faire appel à un monteur : sur les prochains

films, j’aimerais oui pouvoir collaborer avec un monteur, un chef opérateur, un ingénieur du son. En

même temps cela me terrorise : je ne sais presque jamais par avance ce que je veux. En ce sens, il s’agit

de sculpture, de sculpture accidentelle : l’artiste, confronté brusquement à une veine de la pierre, doit

composer avec, faire bifurquer la forme. Je sais que le son est tel que je l’aime lorsque je l’entends

au moment même où je le fabrique, avec ces outils de montage que je manie de manière sans doute

anarchique ; et de même, je sais que telle séquence ne bougera plus lorsque je la vois. J’écris le résumé

de mon film lorsqu’il est terminé, démarche a posteriori qui exclut, pour l’instant, la possibilité d’un

véritable tournage. J’ai l’intuition souveraine d’un propos et d’une forme que je découvre au fur et à

mesure que s’accumulent, dans mon ordinateur, des centaines de photogrammes : tout un rhizome de

séquences qui pourraient faire partie du film auquel je travaille, mais dont j’ignore si elles y figureront.

Et cela parce que je suis seule, parce que je tourne en numérique, parce que je n’ai contrainte de rien.

Je regarde mes films comme le reste de mon travail : seule. Il ne m’est jamais arrivé d’organiser des

visionnages collectifs ; sauf dans le cas de séances de travail, c’est-à-dire en s’agglutinant à trois ou

quatre autour du petit moniteur de mon ordinateur. Ils sont donc assez étrangers au rituel cinémato-

graphique. Mais c’est aussi de cela qu’est fait mon rapport au cinéma : j’y vais peu, souvent lorsque je

m’y rends c’est parce que l’on m’exhorte à aller voir telle ou telle sortie, ou bien parce que j’ai déjà vu

le film seule, dans des conditions délétères (sur mon ordinateur) et que je sais que je veux le voir « pour

de vrai ». J’aime les conditions du cube noir, j’aime la projection, mais déteste l’enfermement. En ce

sens, je suis incapable de faire abstraction du reste, incapable de m’en remettre à l’écran, totalement.

Aussi, j’ai souvent rêvé de projections solitaires ou démesurément restreintes.

Cet automne, j’ai vu Au hasard Balthazar de Bresson au Champo. Nous étions moins de vingt dans

une salle qui pouvait contenir plus du triple. J’ai été saisie d’une telle émotion — un irrépressible

sanglot, bruyant — que j’aurais voulu être seule. Je ne me risquerai jamais, par exemple, à aller voir

un Tarkosvki au cinéma.

Tu l’as sans doute remarqué, les films sont montrés dans des téléviseurs SONY à tubes cathodiques,

deux modèles datant de la fin des années 80. Cela répond pour moi à deux problèmes, concomitants

à ta remarque :

N’étant pas projetés, ces films ont un statut visuel très ambigu. On pourrait croire qu’ils sont acces-

sibles à m’importe quel moment de leur durée, ce qui n’est pas le cas ; ou bien qu’ils ont dessein à être

vus dans de mauvaises conditions. Ce n’est pas le cas non plus, car leur matière visuelle est faite de

différents régimes d’images.

Le téléviseur cathodique répond à deux choses : il exagère le mauvais visionnage, d’une part, comme

s’il introduisait une poétique de la perte. D’un autre côté, il pallie mon aversion profonde à l’endroit

de l’objet télévisuel, de la téloche. C’est pour cela que je choisis un objet désuet, qui n’a plus vocation

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à porter le discours politique et économique permanent, mais à transmettre une certaine plasticité

labile, incertaine, dont je ne comprends pas qu’on la juge de qualité moindre que celle produite par

les écrans actuels. Mes films étaient donc montrés — compromis porteur de sens — dans la paléon-

tologie télévisuelle, celle qui ne peut plus, depuis son état de ruine fort récent, accueillir la publicité,

et encore moins l’information.

Dès lors, certes, ces films sont les enfants du cinéma. Mais du fait de mon statut, de ma couardise, et

du reste de mon travail, ils siègent avec lui dans d’autres lieux. Et leur entièreté tient aussi, pour moi,

dans le choix résiduel de les montrer sur des engins qui les dénaturent mais qui ne les aliènent pas.

-

JPC /

Je n’ai pour ma part jamais fétichisé la salle noire de cinéma et surtout pas son côté “expérience collec-

tive”. En revanche, ce qu’il m’apparaît de plus en plus clairement aujourd’hui, c’est que la salle favorise

disons la séparation d’avec le monde extérieur que nécessite l’expérience de perception d’un film (et

de toute œuvre d’art). Le fait que tout le monde regarde aujourd’hui un film sur un ordinateur, c’est

à dire sur un appareil domestique, au milieu d’autres objets, la plupart du temps en pleine lumière,

sur une surface qui uniformise l’image et le son, laissant ouverte la possibilité d’irruption du monde

extérieur (téléphone, etc), crée une attitude de spectateur pouvant amoindrir la singularité de percep-

tion que nécessite tel ou tel film (je ne parle pas des produits standardisés qui, eux, sont faits pour

ça). Du fait de l’absence de séparation, physique mais aussi symbolique (du sacré et du domestique, si

l’on veut), il y a quelque chose qui fait courir le risque d’une uniformisation de la perception, et peut

contribuer à faire passer le spectateur à côté des épiphanies propres à celles dont le cinéma est capable.

La séparation me semble en favoriser grandement les possibilités d’accès en polarisant l’attention, la

concentration, et surtout en créant les conditions d’ouverture maximale du corps et de l’esprit néces-

saires à ce genre d’expérience. 

Donc, pour en revenir à tes films : étant conçus pour être vus comme des films de cinéma, le fait qu’ils

soient montrés en pleine lumière sur des écrans de télévision dans une galerie qui, du coup, ne fait pas

office de séparation — rôle qu’elle pourrait avoir —, me raconte que je peux adopter l’attitude que

j’ai chez moi quand je suis devant un ordinateur. Bien entendu, tes films diffusés ainsi, près du sol,

entrent en correspondance avec les autres éléments de l’exposition, et à ce qu’elle met en jeu d’une

façon générale (les analogies, le hasard, la cosmologie, le ciel et la terre, la magie, etc), mais mon im-

pression est 1) que l’expérience que je peux faire des sculptures et photographies est maximale dans ces

conditions d’exposition : je peux en goûter les matières, le propos, rêver, penser, etc ; 2) que celle que

je fais des films est un peu diminuée du fait de leur place dans le cube blanc et de leur diffusion sur

un téléviseur : j’en comprends les signes et la manière dont les échos se créent avec les sculptures, j’en

admire le style, etc, mais comme d’un peu trop loin, et je n’en jouis pas de la manière dont je pourrais

le faire si je pouvais vivre avec eux dans un endroit qui les sépare de leur environnement domestique

— qui est donc ici celui, certes paradoxal, d’une galerie.

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Autrement dit encore, et c’est peut-être cela aussi qui peut te faire réagir : j’ai eu le sentiment que ton

exposition ne se réduisait pas, au moyen d’exemples concrets et artistement conçus, à une réflexion

sur les thèmes abordés, mais que ton travail consistait bien plus à nous faire éprouver, en tant qu’expé-

rience sensible, les vertiges du hasard, de notre condition dans le fini et l’infini (pour le dire très vite).

En ce sens, il n’y a rien dans un œuf, un caillou, un chat, de purement conceptuel mais bien quelque

chose de radicalement sensible, voire de sensuel. Est-ce que je me trompe ? Plus directement, et plus

bêtement : quelle genre d’expérience aimerais-tu que fasse le visiteur de ton exposition ?

MB /

Pour ce qui regarde la séparation, je suis partagée. Il me semble que l’important réside moins dans

l’étanchéité des régimes — sacré et domestique, pour reprendre tes termes, que dans la contamination

du dehors par le domestique, parce un ordre qui puisse s’immiscer partout, poser les jalons d’inter-

minables dispersion et distraction, et qui soit donc susceptible de le faire glisser de l’altérité vers le

familier. Il y a quelques années, j’ai eu la chance de voir Le Mépris de Godard projeté en plein air, en

35mm sur le mur Sud de la Villa Medici. Il n’y avait aucune séparation, la rumeur de Rome grondait

alentour et la nuit n’était pas noire. Mais au demeurant, le domestique était bien incapable de se mêler

à tout cela, et ces conditions produisaient du sens, même, presque, un excès de sens.

Concernant mes films donc, ils sont placés (au sens physique du terme) dans une position précaire

qui les lie immédiatement à mon travail (dont un ami m’a très justement fait remarquer qu’on est

amené, souvent, à le regarder du haut de notre propre stature, comme un enfant regarderait ses pieds

en marchant et s’approcherait d’une rencontre inopinée au sol). Ainsi agencés, ils sont avalés par le

dispositif de l’art contemporain, parce qu’ils s’insèrent dans un mode de regard distrait, sporadique,

au hasard Balthazar. C’est les amputer de leur construction narrative, de la singularité de ce que disent

les uns et les autres, à l’écran, ou du texte même qui est lu, et demande souvent une écoute et une

disposition singulières. C’est en outre martyriser l’élaboration sonore et les incursions musicales qui

viennent régulièrement supplanter les voix et même, en quelque sorte, le visible, et sur lesquelles je

travaille énormément.

Et cependant, les films acquièrent une autre nature, sans doute plus ‘fonctionnelle’ : ils deviennent,

dans le lieu de la galerie, solidaires des autres pièces par aemulatio et projettent la tonalité sensuelle

dont tu parles, comme pour accentuer le fait que les sculptures qui les entourent sont bien des objets

sensibles, des balbutiements et des poèmes, à l’image de ceux qui parcourent l’écran dans La prose du

monde #9. Il n’y a pas de concept dans mon travail, rigoureusement aucun, tout au plus est-il gros de

références savantes. D’une part parce que je ne fais pas de la publicité ou du marketing mais bien de

la poésie. Le travail artistique n’a rien à vendre, quand bien même il est à vendre. Il n’a pas de message

homogène et clair à délivrer. Et d’autre part, parce que la métaphore de lecture des images (sculptures

comprises) se méprend en appliquant la notion de textualité à l’ordre figuratif qui, tout en suscitant

le discours, ne cesse de réchapper à sa toute-puissance. La visibilité n’équivaut pas à la lisibilité, mais à

l’épaisseur du regard, à un sixième sens pour lequel il faudrait inventer un terme : celui du regard-mé-

moire.

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J’ai l’impression que le visiteur qui entre dans l’exposition peut faire des choix, à la mesure de son inté-

rêt : partir, ou traverser l’espace sans être traversé par quoi que ce soit. Il peut s’en tenir à l’épiderme du

travail, sa fonction purement décorative, que je ne renie pas, pas plus que je ne renierais la beauté de

tel homme ou de telle femme que je croiserais au titre que je ne l’aurais pas rencontré-e. Il peut ensuite

entrer dans les multiples murmures que chaque pièce recèle, et qui sont ceux qui m’ont amenée à la

réaliser, tout autant que ceux que le visiteur prête, par sa présence vive, à l’objet qu’il ‘fréquente’. Puis

encore, il se penchera sur les différentes strates de contenu et de références qui habitent dans les pièces,

et pourra jouer à enquêter : au départ comme à la fin, il ne trouvera rien de plus qu’un lieu d’ombre,

instable et insoluble. Et cela parce que les réponses que je pourrais donner sur tel ou tel objet seraient

transitoires, et les miennes : sans grand intérêt donc, car le travail doit précisément sortir de ce que j’en

pense ou de ce que j’en dis. Ce qui compte, ce sont les chemins intimes que ce visiteur aura parcouru,

les souvenirs affleurant, le désir suscité, et la transmission, comme si, en tant qu’artiste, nous devions

être, avant tout, la caisse de résonance dans laquelle se répercute et mue la mélodie du monde, qui ne

nous appartient pas, dont nous ne détenons évidemment pas l’idée.

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JPC /

A propos de ce que tu appelles les “références savantes” qui irriguent ton travail : celui-ci me semble

tout entier parcouru par l’idée sensible que nous habitons un monde de ressemblances ou des signes

peuvent renvoyer à d’autres selon un processus infini qu’il nous appartient sinon de déchiffrer du

moins d’admettre et ressentir afin d’y trouver comme une place. Ton Livre Ouvert (récit et photo-

graphies en collaboration avec Almudena Lobera, lors d’une résidence aux Récollets à l’été 2015) me

semble aussi participer de cette mise en jeu du monde : la ressemblance, l’analogie, le rapprochement,

la comparaison, le “comme” que rend possible l’idée d’un chaos initial où tout était contenu avant

la formation du monde ordonné et où tout, après la séparation, ne demande qu’à se retrouver ou du

moins à communiquer. Te sens-tu proche en ce sens des surréalistes ? Ou, encore avant, des roman-

tiques (je pense particulièrement à Novalis) ?

MB /

Je reconnais ne pas entretenir d’affinité particulière avec les surréalistes : les textes de cette période

qui m’accompagnent sont ceux de ‘dissidents’ ou de distants compagnons : Caillois, Bataille, Borges,

Gombrowicz. Le surréalisme m’ennuie souvent en ce qu’il ne constitue pas grand-chose d’autre, à mes

yeux, qu’une mise en application presque directe des théories psychanalytiques, et même de sa mé-

thode. La question du langage m’y semble surdéterminée par celle des manifestations de l’inconscient,

et ma préoccupation philologique est d’un autre type.

En revanche, Le Brouillon général (et d’autres œuvres encore) de Novalis m’est beaucoup plus intime :

l’ontologie hétérogène et les tentatives d’organisation du chaos, selon un système sans système, à partir

de ce que l’on nomme la théorie des quatre similitudes, résonnent beaucoup en moi.

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Cette métaphysique de la correspondance, qui fait écho à la

culture préclassique dont Novalis était familier (Florence :

le néoplatonisme, l’hermétisme et Marsile Ficin, Paracelse

et la pensée alchimique allemande), est sans doute la ‘part

savante’ (comme une part maudite) qui innerve le plus mon

travail, dans la mesure où elle me structure et m’obsède de-

puis les toutes premières années de mes études (en philo-

sophie). D’ailleurs, toutes les pièces qui étaient présentées à

l’exposition, films compris, sont intitulées La prose du monde,

que flanque un cardinal qui les dénombre dans la série, puis

un sous-titre mis entre parenthèse singularisant ce dont il est

question. Ce titre est emprunté au second chapitre de Les

mots et des choses de Michel Foucault, dans lequel l’auteur

revient sur le rôle bâtisseur de la notion de Ressemblance

dans le savoir de la culture européenne, au Moyen-Âge et à

la Renaissance. Toutes les pièces de cette série sont comme

fermentées par les récurrences de mon questionnement : les

équivalences, les ressemblances, et l’impuissance du langage

à décrire le monde. La prose du monde #9 (a : advenir alpha-

bet amitié amour animal) aurait d’ailleurs pu s’appeler Le

Brouillon général : elle a été écrite selon un système qui est

en réalité un non-système : celui de bout de ficelle / selle de

cheval / cheval de course / course à pied.

C’est-à-dire selon un procédé de domino, où les articulations entre les différents plans se font par res-

semblance, par usage de procédés cinématographiques mimant ce que tu décrivais, dans ta question,

comme l’usage de l’adverbe ‘comme’. Le premier verset de la Table d’Émeraude, que Novalis connais-

sait, est : Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut ; et ce qui est en haut est comme ce qui est en

bas… C’est le type de mise en spéculation du monde — dont je trouve qu’elle est par trop lacunaire

dans le Surréalisme, qui se préoccupe surtout de sa perception — qui me rapproche du romantisme

de Novalis, à travers la pensée philologique élaborée durant le Quattrocento.

-

JPC /

Sans doute philologiquement ou philosophiquement te rapproches-tu bien plus de Novalis que des

surréalistes mais, pour reprendre ton expression — même si ceci n’engage que moi —, tu pourrais

bien être aussi l’une de ses “dissidentes” — ce qui, du coup, implique encore une relation.

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Pour ne citer que quelques exemples de nature différente et pour moi assez parlants : le Paris du Livre

Ouvert fait signe du côté de l’univers de Nadja (rencontre de hasard, déambulation, jeu de piste, ma-

gie, etc) ; le principe du bout de ficelle évoque bien sûr celui du cadavre exquis ; ce visage de femme

nue surmonté de la fourrure d’un chat paraît tout autant jouer avec les signifiants de l’inconscient

dont usait et abusait ce mouvement (le déplacement du chat/te/sexe vers le visage) qu’avec l’iconogra-

phie qu’il affectionnait (ce visage/chat pourrait rappeler Man Ray ou Max Ernst) ; etc. Même si ce ne

sont là que des similitudes que tu diras de surface ou anecdotiques, il me semble qu’en cet écho brille

tout de même, discrètement, la trace du frôlement d’un territoire frère — même si ennemi !

Mais revenons maintenant sur ton goût pour ce que as nommé “le bricolage, le rafistolé, l’estropié”.

Bizarrement, je ne ressens rien de tel dans tes films ni dans tes sculptures ni même dans l’exposition

toute entière : tout me semble très voulu, contrôlé, achevé. Bien sûr, l’hétérogénéité formelle des sé-

quences dans les films ou un tissu tâché par du sperme accroché au mur pourraient laisser penser qu’il

y a là un peu de désordre, de sale, etc. Et pourtant, in fine, se dégage de tout cela, par l’art que ces

pièces exhibent sans ambiguité, peu de tremblé et beaucoup de fini. Peut-être ne seras-tu pas d’accord

avec cela mais je pose tout de même cette question : l’estropié serait-il pour toi plus une méthode

qu’un rendu — une méthode pour ne rien figer, ne pas se laisser aller au trop poli ou à l’académique ;

je pense à la préface de Claudel du Soulier de satin : “Il faut que tout ait l’air provisoire, en marche, bâ-

clé, incohérent, improvisé dans l’enthousiasme ! Avec des réussites, si possible, de temps en temps, car même

dans le désordre il faut éviter la monotonie. L’ordre est le plaisir de la raison : mais le désordre est le délice

de l’imagination.” ?

MB /

Juste pour en finir avec le Surréalisme, il est vrai que les territoires se frôlent ; je souhaiterais toutefois

revenir sur le principe du principe du bout de ficelle, parce que cela me paraît être un bon moyen

d’entrer dans l’esthétique du rafistolé. Tu me dis que ce principe d’écriture filmique et poétique te

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semble voisin de celui du cadavre exquis. J’avoue qu’il me paraît lui être antinomique : dans le cadavre

exquis, seule la queue d’un contenu celé est visible, et donne le branchement à celui qui doit pour-

suivre le dessin ou le texte. Autrement dit, c’est une expérience mimétique entièrement basée sur le

hasard, d’un hasard à la fois suscité par cette « queue de contenu » et qui doit s’y greffer. C’est donc

une continuité par après, dans laquelle le signifié est en quelque façon sur-ajouté.

Le principe du bout de ficelle, pour moi, relève au contraire d’une suture consciente de la dissémi-

nation des signes à la surface du vivre. C’est une entreprise diégétique, dans laquelle l’accointance du

sens se fait sur la manifestation d’une ressemblance — d’une sympathie — entre deux éléments. Il ne

s’agit donc pas d’inventer (ou de découvrir, c’est selon) ce que produirait, pour citer Lautréamont, la

rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie, mais de rapprocher

en connaissance de cause deux éléments que le hasard avait disjoints. Ce que je veux dire par là, c’est

qu’il ne s’agit pas pour moi d’user du hasard pour créer du sens, mais de trouver où serpente l’invisible

corde rafistolant un sens préexistant qui demeurait en dormance, estropié par la discontinuité des élé-

ments. Tu as donc entièrement raison quand tu dis qu’il s’agit d’une méthode plutôt que d’un rendu

; mais cela n’en fait pas moins une esthétique.

Quant à la préface du Soulier de Satin, elle me met légèrement mal à l’aise, c’est-à-dire que je ne m’y

reconnais pas : je ne m’applique pas à ce que les objets ou films aient l’air provisoire, en marche, bâclé,

incohérent, je crois être obsédée par la cohérence, la permanence, l’implication — c’est-à-dire la prise

au sérieux du travail. Certes, cela a souvent été improvisé dans l’enthousiasme : toute cette exposition

est née d’une rencontre début décembre, et d’une main qui griffonna, en guise de dédicace d’un livre,

ces trois substantifs mystérieux : un œuf, un caillou, un chat. Mais tout après a été affaire de réglages

et de choix. J’ai hésité jusqu’au dernier moment à montrer la grande voie lactée en sperme : il a fallu

que la forme, bien que sale, me paraisse avoir trouvé sa puissance évocatrice ; il a donc fallu rectifier

le tir, sans mauvais jeu de mot.

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Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’en dehors des films sur lesquels j’ai travaillé près d’un an, les autres pièces,

qui existaient à l’état fœtal en moi — certaines flottant comme des tâches de gras à la surface de mon

désir, d’autres émergeant au fur et à mesure, ces autres pièces ont toutes été produites en deux mois

et demi.

Certaines comportent des accidents, des imprévus, que j’ai gardés parce qu’ils les fécondaient d’un

autre sens : je pense par exemple au plan serré, dans La prose du monde #9, pour lequel j’avais demandé

à une amie de lire un extrait de Sur le langage en général et sur le langage humain, de Walter Benjamin.

C’est un texte datant de 1916, assez hermétique et qu’elle ne connaissait pas ; je voulais que l’on sente

le décalage entre la maîtrise et le raffinement de la pensée et le tâtonnement de compréhension et

d’articulation amené par sa découverte. J’avais choisi mon amie parce qu’elle a reçu en don l’une des

bouches les plus sensuelles que j’aie jamais vues : pleine et charnue, irrégulière, ses dents un peu bor-

déliques et sales, son joli chuintement, et ses lèvres peintes sans trop de soin, l’écarlate en exagérant les

mouvements, orifice confus du Logos et de l’Eros. Lorsque j’ai visionné le plan, j’ai découvert qu’il y

avait eu un problème dans la prise de son qui se décalait inopinément toujours au même moment de

la séquence. J’aurais pu la tourner à nouveau… Mais l’accident renforçait le sens du texte, l’élucidait,

quelque part, tout en dégageant un autre paradoxe, celui d’une image sur laquelle se superposent deux

sons, (la voix de la liseuse, un chœur d’hommes chantant un air des Vêpres à la Vierge de Monteverdi)

sans conciliation possible, dirais-je.

Dans d’autres cas, bien entendu, les accidents appauvrissaient telle ou telle pièce, et m’obligeaient à

refaire certaines choses — et à plusieurs reprises, même dans la jouissance du désordre. Et puis, s’il

me paraît évident que les pièces sculpturales sont minimales — c’est-à-dire restreintes, peu bavardes,

elles ne cherchent pas, au demeurant, à épouser une forme minimaliste. Elles doivent générer leur mi-

cro-écologie, leur territoire, leur climat, leur flore bactérienne... Mais je ne crois pas que cela soit pour

échapper à l’académisme, avec lequel j’entretiens, depuis les années lointaines de mon adolescence,

des rapports pour le moins houleux…

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JPC /

Il me semble que tes précisions concernant ton usage personnel du “bout de ficelle” et de l’impro-

visation permettent de mieux comprendre la cohérence de ta démarche artistique. Alors, peut-être,

pour finir, une illustration de celle-ci : comment les Variations Goldberg se sont-elles retrouvées sur des

images de singes imitant les hommes — et, selon toi, pour quel effet ?

MB /

C’est un ensemble d’anecdotes singulier qui a décidé de cette émulation.

Il se trouve que j’avais enregistré plusieurs récitations de l’alphabet sur la quatrième variation Gold-

berg, sur la ligne de crête du staccato de la clé de sol. Je voulais parvenir à une sorte de comptine

absurde, un moyen mnémotechnique enfantin de retenir la succession des lettres, dont l’objet du par

cœur aurait été en réalité la mémorisation de la partition pour main droite de cette variation. Or les en-

registrements ne fonctionnaient pas, l’on y percevait une intention lourde, didactique, sans ambiguï-

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té. Je les ai donc mis de côté, mais n’ai pas renoncé à ce filament adn qui — à mon sens — singularise

l’humain : l’écriture. Et de là, l’alphabet et la musique. D’un point de vue strict de l’écriture musicale,

de la composition (je n’engage pas de discours sur la beauté ou sur l’émotion), il me paraissait impen-

sable de ne pas mettre Bach. Je voulais, au demeurant, un morceau pour un instrument seul : il y a

assez de voix, parlant lisant chantant, dans ce film, et chez Bach, la notion de voix, corrélée à celle de la

fugue, nécessitait une œuvre d’un grand dépouillement. D’autre part, je souhaitais qu’elle soit facile-

ment reconnaissable pour le spectateur. C’était l’heure de l’archétype, d’une sorte de pivot historique,

et non d’une citation plus savante ou d’une curiosité. Je voulais provoquer le chantonnement, comme

débusquer l’immémorial dans un recoin de la mémoire collective. Cette notion d’archétype mnésique

de la culture européenne traversait d’ailleurs les différentes pièces présentées à la Galerie Michel Rein,

comme si j’avais tenté de dégager tel ou tel souvenir structurant de la mémoire des hommes d’une

gangue de crasse et d’oubli.

Je crois aussi que les Variations Goldberg constituent la préhistoire de mes tympans : aussi loin que

je me souvienne, je vois ma mère fumant une cigarette de son air sauvage et tendre, écouter à plein

volume la version enregistrée par Gould en 1955. Je suppose avoir baigné, à l’état fœtal, dans les eaux

irréductibles de ces notes.

La comptine alphabet ne fonctionnant pas, j’ai imaginé que j’aurais facilement trouvé, dans les limbes

des vidéos sur internet, des séquences de grands singes à qui l’on aurait appris l’alphabet. J’en étais

convaincue, et j’ai donc passé plusieurs jours à chercher mes deux acteurs sur la toile. J’ai vu les choses

les plus absconses imaginables, puis suis tombée sur la vidéo du gorille fumant sa clope. En fait, voilà

ce qui m’a beaucoup troublée : ce n’est pas parce qu’il fume qu’il a l’air humain ; cela tient à sa manière

même de fumer, comme un ouvrier de Zola, en sortant du charbon. Puis suis tombée sur son com-

père, le chimpanzé ; chez lui, l’image est plus compliquée, car l’on voit bien qu’il est en cage, et qu’il

allume chaque cigarette avec le mégot de la précédente. Cette parabole mimétique de l’humain, au

travers de l’évocation du prolétaire et du prisonnier, ne pouvait bien entendu pas se fondre avec l’in-

tention initiale de bêtes récitant l’alphabet, mais elle avançait un sens plus sombre, et plus complexe ;

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il y a eu ensuite une sorte de jeu filmique de détachement du son et de l’image, en même temps qu’un

jeu de rythme, en fonction de celui des singes, et j’ai choisi la première variation Goldberg, plutôt que

l’aria ou la quatrième. Et puis je tenais à ce que les deux versions soient celles de Glenn Gould, dont je

continue de penser — mais c’est une affaire de goût et d’enfance, qu’il les joue mieux que tout autre,

et qui m’émerveille avec ce changement d’interprétation, entre la première, où il n’a que 25 ans, et la

seconde, où il va en avoir 50 et mourir.

Et pour quel effet donc… Je n’en suis pas très sûre. Comme souvent chez Bach, c’est une musique

en retrait de l’affect simple (l’on serait bien en peine de la dire gai ou triste, pour user de termes

plats, il me semble que c’est d’une mélancolie solaire). L’image qu’elle accompagne est elle-même à

double-tranchant ; elle repose sur un ressort visuel comique, mais comporte une désillusion absolue à

l’égard de l’humain, en même temps qu’une métaphore de sa condition. C’est donc comme si les dif-

férents hiatus de la matière filmique avaient été décuplés par la musique, qui suggère une autre qualité

de l’humain, et fait appel à une strate collective de la mémoire. En fait, j’utilise le format filmique pour

toutes les entrées poétiques qu’il offre : l’image, le texte — lu à champ ou hors champ, et la musique ;

ces trois unités sont autonomes et ne sont pas forcément au service les unes des autres. Elles obligent

à une dissociation des forces en présence, et dans les creusets ouverts, à la prolifération du sens.