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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

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commémorations, hommages et temoiganges

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Adieu Ken… !

Abdessamad Kenfaoui n'est plus. Il s'est éteint le 31 mars à la suite d'une

longue maladie.

Ses obsèques ont été célébrées le 1er avril à Larache, sa ville natale, dans

l'émotion générale.

Kenfaoui a été successivement, depuis l'indépendance, diplomate,

fonctionnaire à la jeunesse et aux sports, à l'OCE et à la CNSS.

Il a été surtout un homme de théâtre qui a laissé de nombreuses créations

originales et des adaptations de valeur.

Il a été aussi un homme de culture qui a recueilli 50.000 dictons populaires

et dont la curiosité et la passion se sont exprimées dans maints domaines.

Il était enfin un militant de la cause ouvrière.

Homme multiple, complexe, secret, que quelques notes ne peuvent cerner,

et qui se trouve certainement mieux décrit dans ce poème qu'il a laissé.

Lamalif Avril 1976

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POEME DEDIE

C’est avec fourberie que la mort t’a saisi,

Et sans beaucoup de grâce que l'a vie t'a cédé,

Mais tu nous laisses à tous une image bénie

Par ton beau souvenir dans nos cœurs gravé.

Je t'ai fort connu dans les limites du temps,

Mais beaucoup admiré par la grande noblesse

De ton âme, qui derrière des semblants d'allégresse,

Cachait sa grande détresse, dans un monde dément.

Tu as franchi le seuil de cette incertitude

Qui hante tous ceux qui restent et qui, par habitude

Prennent soin de leur vie afin qu'elle se poursuive

Dans cette vallée de larmes où nous sommes des convives.

Je viens par ma plume rendre hommage

A celui qui dans l'existence

Voulait que, de la vie, l'engrenage

Eut un tout autre sens.

Poème dédié par AMADEO ADANERO ami espagnol de A. Kenfaoui

Casablanca le 6 mai 1976.

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A l’occasion de la commémoration du premier anniversaire de sa mort

Kenfaoui : une personnalité particulièrement brillante

Nous étions l'été 1952, à l'époque du premier séminaire organisé, au bois de Maâmora près de

Rabat, pour les gens de théâtre, techniciens et artistes. L'initiative de cette manifestation venait

des services de la Jeunesse et des Sports.

Plusieurs jeunes hommes participèrent à ce séminaire et tous étaient enthousiastes. Ce fut le

premier rassemblement du genre dans notre pays.

Nous étions, peu nombreux, quelques-uns à assurer le rôle d'animateurs moniteurs. Parmi

nous se trouvaient qui se présentait comme expert et comptait sur Son expérience, qui en

homme cultivé ne tirait son action que de sa culture générale et qui, himme d'administration,

n'étaient là répondant à une obligation réglementaire, qu'appelé à concourir à la réussite de ce

cycle d'essai.

Accompagné d'autres moniteurs français, André Voisin fut du groupe. Ainsi que M. Bensaid,

un jeune homme actif et de vive intelligence et aussi, déjà, un fin connaisseur du monde du

théâtre. Vinrent aussi des fonctionnaires de la Jeunesse et des Sports, accoutumés aux

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rencontres culturelles. Revenu fraîchement de Paris où il fit ses études supérieures, l'auteur de ces lignes eut le privilège de participer à l'événement.

Au milieu de ce monde varié et sympathique où évoluaient avec une remarquable aisance rivalisant, dan l'ambiance la plus chaleureuse, avec une rare

efficacité, j'eus le bonheur de faire la connaissance d'un jeune homme au regard franc et - tout le laisait deviner - profond. C'est, me dit-on surveillant -

répétiteur au Collège Moulay Youssef de Rabat en même, temps qu'étudiant- On précisa qu'il est aussi un excellent ami de notre distingué frère le chérif

Moulay Tayeb Zidane, un des cadres les plus valables et les plus dynamiques de la direction de la Jeunesse et des Sports. Ce fut Moulay Tayeb qui, en

hommage à sa solide culture et à son sens artistique des plus raffinés, choisit ce jeune homme, cet universitaire de talent : Abdessamad Kenfaoui.

Nous disposons à Maâmora d'une bibliothèque fournie où nous trouvions ce dont nous avions besoin documents et références. C'est Kenfaoui qui en

était le responsable et il y eut tout un éventail d activité entre autres celle d'assurer la traduction en simultané des interventions techniques des moniteurs

français, plusieurs membres du séminaire n'entendaient, en effet, que l’arabe. Notre cher KEN fut le trait d'union idéal et les bilingues parmi nous ne

tardèrent pas à découvrir chez lui une vertu complémentaire : son originalité, signe d'une personnalité qui devait par la suite s'imposer comme

particulièrement brillante. Ken ne se contentait pas de traduire. Sans jamais rien dénaturer, il se permettait, très sur de lui mais à juste titre et à bon droit ;

d'inclure dans son propos ses remarques à lui, où éclatait une technicité étonnante vu son âge. Tous les stagiaires ne tarissaient pas d'éloges a son endroit.

De leur côte, les moniteurs l’admirèrent et félicitèrent chaudement.

Il m’incombait, entre autres responsabilités, d'élaborer la version arabe du texte de la revue théâtrale « Ibrahim ben Adham » ce qui m'amena à passer

bien des moments féconds à la bibliothèque du stage, aux côtes d'Abdessamad. Nous discutions et, souvent, je m'éclairais se ses avis et conseils toujours

pleins de sagesse.

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Dans un autre ordre d'idées, nous coordonnions en commun le travail quotidien. C'est ainsi que naquit et se développait notre amitié. J'eus l'insigne

bonheur de découvrir ses grandes qualités de cœur et ses dons d'nomme d'esprit, fin, subtil, prompt a l'intelligence des hommes et des choses. Et, surtout,

si sensible.

Au terme du séminaire, nous mesurions tous deux les horizons du théâtre et en saisissons l'importance pour l'avenir de notre jeunesse et de la culture,

nationale. La bonne rencontre fut un excellent départ pour une amitié et une réciproque estime qui ne faillirent jamais.

Ken, repose en paix, l'âme en joie pure !

Tu as réussi à t’entourer de camarades et d'amis qui perpétuent ton souvenir de camarade attenné, d'ami sur, d'homme noble et généreux. Ton cœur

pur les inspirera à jamais, Abdessamad.

Il n'est peur résumer la considération dont tu jouis ; que cette unanimité des voix autour de ton nom. On humer a longtemps ton doux parfum, celui de

l'amitié, celui d'un sourire qui fut ton secret, comme fut ton secret l'Amour que Dieu, dans Sa sagesse incommensurable, accorde a su en mesurer la

dimension et en la belle et dense éternité.

Abdellah CHAKROUN

Le Matin de SAHARA, Vendredi 1er Avril 1977

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Mme Kenfaoui : Il n’a jamais transigé sur l’essentiel

M. Tayeb Seddiki Directeur du Théâtre Municipal de Casablanca

Cher Monsieur et ami, Vous devez savoir avant tout mon émotion d'apprendre

que les artistes et amis de mon regretté époux avaient l'intention d'organiser

prochainement une semaine entièrement consacrée à son œuvre.

Je suis très heureuse qu'en cette occasion vous fassiez Jouer sa pièce originale «

BOUKTEF » et j'espère que vous en avez bien reçu le texte ainsi que la traduction en

français, que je vous ai fait adressés dernièrement.

Je ne peux m'empêcher de penser à toutes les difficultés, aux souffrances même

qu'il a supportées tout au long de sa carrière pour demeurer fidèle à ses idéaux et ne

jamais transiger sur l'essentiel, et Je réalise aujourd'hui que cela n'aura pas été en

vain puisque son œuvre et son exemple lui survivent.

Je vous en remercie profondément et vous pris de croire, cher Monsieur et Ami,

l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

Danièle KENFAOUI

Marrakech le 17 janvier 1977.

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Désormais le souvenir de Abdessamad

Kenfaoui ne sera plus lié au seul monument qui lui est

dédié, la salle qui porte son nom dans les locaux de la

jeunesse et sport du parc de la Ligue arabe. Aujourd'hui,

le souvenir de ce pionnier hors-pair du théâtre marocain

se concrétise également dans la publication de ses œuvres

dans un magnifique ouvrage intitulé Théâtre populaire.

Titre simple et modeste comme le fut le défunt. Une

publication qu'il faut saluer doublement. D'abord parce

qu'elle vient réparer une injustice en rendant hommage à

feu Abdessamad Kenfaoui qui a consacré sa vie et son

action à ses deux amours le Maroc et le théâtre. Aussi bien

dans le service public que dans les activités sociales et

culturelles, Abdessamad Kenfaoui était porté par le même

idéal de justice. C'est en outre une publication qui vient

restituer au théâtre marocain une partie de sa mémoire.

Les œuvres de Kenfaoui ont marqué leur époque. Elles

relèvent d'un patrimoine authentique restitué

judicieusement à l'attention des chercheurs et des jeunes dramaturges pour de nouvelles lectures et interprétations. L'ouvrage est bilingue et comporte

dans sa partie française des témoignages, la traduction de La pièce très célèbre Bouktef et un dossier de presse. La lecture de ce dossier est

particulièrement significative. C’est un dossier en fait très restreint, un choix volontaire des éditeurs, et qui est consacré exclusivement à 1956, retraçant ainsi

les débuts du théâtre marocain. Le premier article (tiré du journal Dimanche- Matin du 3 juin 56) est consacré à la prestation du théâtre marocain au festival

international de Paris. La troupe marocaine y a présenté deux pièces, une adaptation des Fourberies de scapin de Molière "Les Fourberies de Joha" et les

Balayeurs Dans les deux travaux, Nous retrouvons la signature de "Ken". Parlant du personnage de Scapin, l'auteur de l'article note :"Toujours est-il que ses

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metteurs en scène marocains. MM.Abdessamad Kenfaoui. Tahar Ouaziz, Ahmed El Alj ont manié le personnage avec une sorte de complicité naturelle qui lui

a dicté son allégresse et sa virtuosité. Un autre article (Maroc Presse. 6 mars 56) est consacré au stage théâtral effectué au centre des "Chênes"(centre de

stage qui voit pratiquement l'émergence d'un théâtre national marocain. Là encore, nous retrouvons un travail formidable effectué par Abdessamad

Kenfaoui. C'est lui d'abord qui assure la conduite (en collaboration avec Si Tahar Ouaziz) du stage et il est également auteur d'une adaptation en arabe

marocain du Barbier de Seville, Maalem Azouz, présentée dans le cadre du programme de la jeune troupe marocaine. L'auteur de l'article, René Déront, parle

en ces termes de A. Kenfaoui. "Nous possédons assez peu de détails sur le "curriculum vitae" des responsables marocains du stage actuel. Abdessamad

Kenfaoui est originaire de Larache. Il fréquente une école franco marocaine de zone espagnole. Il fait ses études secondaires collège Moulay Youssef à

Rabat. Il est bachelier, fait son droit, sans grande conviction. Un visa refusé par les autorités espagnoles pour rentrer à Larache le contraint à rester à Rabat.

Il rencontre André Voisin, se laisse entraîner aux Chênes et semble aussi trouver sa véritable voie". En effet, le théâtre fut un choix définitif. Même quand ses

tâches administratives étaient importantes. Zakya Daoud rapporte dans son témoignage "Une personnalité riche et complexe". Alors même qu'il est

secrétaire général de l'OCE (de 1965 à 1970). Il écrit Sultan Tolba et A Moula nouba. C'est aussi en pleine carrière administrative qu'il termine Bouktef. Cette

pièce peut passer d'ailleurs pour la figure représentative du théâtre de Abdessamad Kenfaoui. On y retrouve en effet les traits caractéristiques d'une écriture

nourrie d'authenticité et d'originalité. Authenticité dans la thématique et la construction des personnages. Des signes ancrés dans leur espace culturel

mais repris dans une perspective moderne portée par des idéaux d'humanisme et de liberté. Bouktef qui donne son nom à la pièce est une figure

populaire, c'est l'image du prolétariat local. Dans l'imaginaire de l'époque, Bouktef renvoyait à cette nouvelle catégorie sociale qui fit son apparition avec

l'industrialisation à savoir l'ouvrier qui ne possède que sa propre sa force de travail qu'il vend au patronat. Kenfaoui récupère cette figure moderne dans un

registre symbolique. Il en fait son héros et le titre de sa pièce. C'est un véritable hymne dédié au peuple. D'autres figures symboliques traversent la pièce

notamment celle incarnée par Joha. Ce personnage historique tué de la légende populaire est réutilisé dans une autre perspective. Il incarne la

conscience éclairée du peuple. C’est lui qui apporte la lumière et par la sagesse de son raisonnement mène le peuple dans sa lutte implacable contre la

féodalité et l'oppression. L'enjeu dans la pièce est Hourya (Liberté) fille de Bouktef est objet de convoitises multiples. Elle renvoie en fait à la liberté et à la

dignité. L'union du peuple autour de Bouktef sera le moyen efficace pour déjouer toutes les manœuvres visant à les bafouer. C’est donc un théâtre

aux intentions clairement affichées. C’est un théâtre politique, aux vertus didactiques indéniables. Il relève d'une entreprise globale qui vise l'émancipation

du peuple. Il s'agit donc véritablement d'un théâtre populaire, dans sa forme et dans son contenu. Sa lecture, aujourd'hui dénote la pérennité des valeurs

qu'il défend. Le souvenir de Abdessamad Kenfaoui n'en est que plus vivant.

Mohammed Bakrim 1996

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Si Taki

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ــــائق ـــات ووث مســر ح المعمــورة ذكري

20.07.1997/العلــــم

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ــــــاوي دانيــــا ل زوجة عبــد الصـــمد الكنف

ــــوم 14.11.1997/مغرب الي

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ــــــاوي - الرجــل الــذي … ـــاب عبــد الصـــمد الكنف عرض كت

28.03.2000 / االتحـــــــــــــــــــــاداالتحـــــــــــــــــــــاداالتحـــــــــــــــــــــاداالتحـــــــــــــــــــــاد االشـــــتراكياالشـــــتراكياالشـــــتراكياالشـــــتراكي

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ااااالشــــتراكيالشــــتراكيالشــــتراكيالشــــتراكي 28.03.2000/ االتحـــــــــــــــــــــاداالتحـــــــــــــــــــــاداالتحـــــــــــــــــــــاداالتحـــــــــــــــــــــاد

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Journée mondiale du Théâtre

Le 27 mars de chaque année, le monde entier célèbre la

journée mondiale du théâtre. L'avocat ion de cette journée est

ponctuée ici par deux rappels : un rappel de la mémoire du

26e anniversaire de la mort de Abdessamad Kenfaoui, un des

fondateurs du théâtre marocain, et le rappel de l'état

d'esprit dans lequel le théâtre marocain atteint cette journée.

M.S M.S.

Les enseignements de A. Kenfaoui

Cette coïncidence pourrait être riche d'enseignements à tirer

du vaste projet énoncé par Kenfaoui et leur extrapolation à

l'ensemble de l'expérience ultérieure à lui et à l'expérience en

cours aujourd'hui. Cette expérience semble amnésique par

rapport au passé et au travail de récupération et de

réadaptation qu'impose la prise en charge des précurseurs.

Or, tout porte à croire que les " chantiers " ouverts par

Kenfaoui n'ont pas été balisés, ni même programmés dans la suite et la poursuite de la pratique théâtrale, excepté deux " héritiers " exceptionnels : Tayeb

Seddiki et Tayeb Laâlaj. Le premier a réussi, au fil des expériences, à sculpter un projet esthétique exemplaire, le second a modelé une conception assez

singulière d'un théâtre populaire stylisé. Avec le recul, profitant de la célébration du 26e anniversaire de la mort de Kenfaoui, on peut remédier à cette

rupture de la mémoire d'un côté par la reconstitution des éléments de son projet et de l'autre par un rappel de ce qui pourrait reconstituer, ensigne-

d'hommage, sa mémoire depuis sa disparition le 31 mars 1976. Trois éléments semblent importants à relever:

1- La pratique pédagogique, le style et la méthode archéologique de cette pratique, à travers les stages de formation à la Maâmora notamment ouvrent

sur une manière appropriée de l'imagination ainsi que la réappropriation de l'imaginaire du quotidien de la vie et de son oralité. Cet exercice lui

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permettait d'offrir des thèmes de jeu et des canevas dramatiques. Rapproché au type de formation dispensé à l'ISADAC, on pourrait se poser la

question de la réorientation vers un apprentissage plus approprié aux modes de production scénique et thématique autochtones.

2- La valeur de la dimension anthropologique du théâtre marocain : cette dimension est articulée aux dons du conteur, aux coutumes chorégraphiques et

aux dramatisations sociales et rituelles de la société marocaine.

La pièce " Soltan Tolba " que Kenfaoui devait écrire- en collaboration avec T. Saddiki - sur une suggestion de feu Hassan II, focalise jusqu'à

aujourd'hui sur une ressource esthétique et thématique encore inépuisable. Rituel d'inversion. Soltan Tolba figure une césure dans le pouvoir, qui donne

à voir une projection imaginaire d'une société, où les rôles sont inversés, les hiérarchies sont bouleversées. Ressource fondamentale du comique, de la

dérision, elle renvoie à une dimension politique essentielle, invalidant les pratiques sociales déviantes par cette sorte d'exercice de la démocratie populaire

et vivante.

3- L'investigation d'un théâtre populaire, tenant compte des disponibilités du public marocain et assurant l'affermissement de ses liens avec la

technologie du théâtre. Cette investigation a été malheureusement détournée de ses objectifs vers un théâtre avilissant, et appauvrissant l'expérience

esthétique du spectateur marocain. Il serait peut-être vital, en cette occasion d'anniversaire de la mort de Kenfaoui de pensera constituer une

association de ses amis prolongeant sa mémoire. On sait qu'en 1976 le ministère de la Jeunesse et des Sports avaient donné à la salle du parc de la

Ligue arabe le nom de Kenfaoui, qui a besoin d'être.

En 1977, Bouktef, son œuvre maîtresse a été jouée à Casa à l'occasion de son premier anniversaire. On peut se référer à son " théâtre populaire "

publié

en 19%, etc...

Aujourd'hui, on souhaite perpétuer son souvenir de la meilleure façon qui soit, à savoir rendre à son œuvre à quoi il la destinait : la

représentation théâtrale. Une telle association pour permettre, l'édition et l’ mise en scène de ses pièces, si possible dans la salle qui porte son nom

après sa restauration rendue nécessaire par son état de grand délabrement, au moment Où la Casablancaise est aujourd'hui en phase de

restauration. Il paraît utile de porter à la connaissance de la jeunesse marocaine les qualités du théâtre de Kenfaoui, à savoir les valeurs

actuelles de la justice et de la dignité et de lui sortir de l'oubli, des pièces et des adaptations dont tout un chacun se plaît à décrire la modernité des valeurs,

l'universalité des thèmes et la richesse de la langue dialectale .

S.M. La vérité / 04.04.2002

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Hommagen Kenfaoui Un dramaturge

fin délicat et discret

Il y a vingt six ans - le 31 mars 1976 - s'est éteint à

Casablanca Abdessamad Kenfaoui qui a marqué de

sa forte empreinte le théâtre marocain naissant.

Né à Larache en 1928 où il fait ses

études primaires, en espagnol, avant de

rejoindre le collège Moulay Youssef à Rabat, ce

natif du Nord va développer une grande faculté

d'adaptation et une pédagogie sans égales à faire

naître chez les autres le pouvoir de création. C’était

un magicien initiateur, modeste et exigeant

.Passionné de poésie, et féru de lecture, aux talents

multiples, Ken, comme l'appelaient ses proches, a

privilégié le théâtre parce que celui-ci échappe

comme disait Antonln Artaud "à la dictature

exclusive de la parole" et "doit parier un langage

physique et concret". Dans son œuvre théâtrale,

Kenfaoui, traite de la dépravation des mœurs, de la

corruption et autres maux qui rongent la société."Bouktef, "Ara Lakhour", "Si Taki", "Barberousse", "Soltane Balima","Bd Durand", "Soltane Tolba","

Même la mort" etc...., sont des comédies qui dénoncent l'a maque, la mauvaise foi et la bêtise. Elles s'inspirent du quotidien le plus ordinaire, le plus trivial,

adhérent aux réalités de l'être-là dans sa simplicité. Sous le pseudonyme de Atta Wakil, Kenfaoui s'est associé à Ahmed Taïeb Laâlej et Tahar Ouaziz pour

adapter des pièces qui ont marqué leur époque et contribué à l'éclosion d'un théâtre marocain populaire moderne : "Les fourberies de Joha", "Le malade

imaginaire" de Molière, "Maâlem Azzouz" d'après "Le barbier de Sévilles" de Beaumarchais, "Les fusils de la mère Carrare", de Bertold Brecht, etc....

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Nul, mieux que Charles Nugue, consultant auprès de l'Unesco, fondateur et directeur d'un centre régional français de théâtre aux "Chênes" à la

Maâmora n'a résumé l'apport essentiel de Kenfaoui au théâtre marocain. " Grâce à une heureuse conjonction de sensibilité et de connaissances livresques plus

qu'à sa propre expérience (II n'avait pas 25 ans), il proposait les attitudes et gestes susceptibles d'influencer l'esprit et la formalisation des mises en scène

en insistant sur leurs spécificités marocaines. Son souci étant toujours de provoquer une enrichissante symbiose entre les situations et les personnages

universels du théâtre de tous les temps, et les apports originaux que pouvaient leur amener l'imaginaire, les traditions et usages propres au Maroc. " Je le

revois encore nous expliquant et essayant de nous montrer un pas de la danse du sabre où ses qualités physiques n'étaient pas forcément à la hauteur de ses

dons de conteur... Mais son enthousiasme, lorsqu’il s'agissait de parier des coutumes chorégraphiques de son pays, suppléait largement au manque de

vivacité et de souplesse qu'il devait à ses fâcheuses habitudes de fumeur et noctambule impénitent Enfin Saïd Seddiki, un ami, un compagnon, un complice,

parfois un "con-tradicteur" du défunt, écrivait rendant hommage à Ken : " Mais je sais très cher Ken, que toi au moins, tu n'est pas "dérangé" par le grand

silence qui, déjà, voile ton nom I " Trop intelligent pour croire à ces marques extérieures de l'humaine gratitude, tu as, une fois de plus, fait fleurir sur tes

lèvres gercées le sourire narquois des sages. " Que t'importent, là où tu es, une coupe Kenfaoui, une avenue ou une Impasse Kenfaoui, une troupe ou un

festival kenfaoui ? Parmi nous, tu aimais d'autres coupes, débordantes celles-là du vin de l'amitié et de l'amour ! Tu cheminais apparemment nonchalant, à

travers tes rues intérieures et qui donnaient sur de magnifiques jardins de beauté et de rêve. Tes festivals étalent autres ; c'étaient ceux de la haute poésie et

de la divine musique. Celles du Coran, par exemple." Ces choses de l'histoire ne peuvent être point gommées.

Boubker Monkachi

L’essentiel / 04.2002

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ــــــالعرائش … ــــــاوي ب ا.ول لمســـرح الكنف ـــني المھرجان الوط

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ــــــاد االســـبوعياالســـبوعياالســـبوعياالســـبوعي ــــــاداالتح ــــــاداالتح ــــــاداالتح 06.02.2003 / االتح

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ABDESSAMAD KENFAOUI RESSUSCITÉ

Le livre, l'association et le théâtre

Cela fait 28 ans qu'il est mort. Un 31 mars. Juste retour des

choses, Abdessamad Kenfaoui est tire de l'oubli, cette année.

Premier acte, une association d'amis de ce pionnier du théâtre

marocain a enfin vu le jour, initiée par sa veuve, Danielle Kenfaoui,

finalement devenue dépositaire de l’ensemble de son œuvre. La

structure voudrait permettre aux Marocains de découvrir ce haut

fonctionnaire de la Jeunes- se et Sports, mentor des hommes de

théâtre qui occupent la scène actuellement, comme Tayeb Seddiki

et Tayeb Laalej. Deuxième acte, la publication de sa pièce à la

dimension anthropologique, Soltane Tolba, est imminente chez

Tarik Éditions, et sa mise en scène potentiellement acquise. Elle l'a

été une fois à la demande de Hassan I I, en 1967. Ali Kadiri, qui a

joué alors le rôle principal, se rappelle avec émotion du roi qui

voulait que " l'on inverse la structure de la pièce". Troisième acte,

celui-là n'est qu'un vœu pieux pour le moment, déjà exprimé en

son temps par son ami et complice, feu Saïd Seddiki, ii consiste en

la rénovation et la valorisation de la salle de théâtre, sise au Parc de

la Ligue arabe à Casablanca, qui porte son nom depuis sa mort en

1976, et qui a été laissée depuis belle lurette à l'abandon.

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Il nous arrive cycliquement de nous rappeler au bon souvenir de cet homme qui vivait mal ses hautes fonctions ( OCE, CNSS. diplomaties), qui

noyait son chagrin du mieux qu'il pouvait et s'isolait des journées durant pour pondre un texte théâtral à la charge historique et culturelle, comme

Bouktef, Moula nouba. Ce Rit le cas, une année après sa disparition, lorsque Masrah Ennass avait monté Bouktef. Depuis. Saddiki est moins disert

sur les mérites de celui qui l'avait en quelque sorte initié à l'art de la scène. En 1996, pour commémorer le vingtième anniversaire de sa disparition, il y a eu

la publication de quatre pièces réunies ( Bouktef, Moula Nouba, Si Taki et L’ homme à la barbe bleue) et la mise en scène d'un florilège de ses œuvres en

France. Aujourd'hui, et surtout après des tentatives non abouties de l'ISA- DAC et du FITUC, l'idée de rendre les Marocains plus familiers avec le théâtre

Kenfaoui - et pourquoi pas avec le nom ? - est à l'ordre du jour. Mieux vaut tara que jamais.

Par Driss Ksekess

Telquel / 3-9.04.2004

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Soltan Tolba( Théâtre en arabe dialectal)

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La Journée internationale du théâtre coïncide avec

l'anniversaire de sa mort

Drôlerie et lyrisme font bon ménage entre les lignes de cet

auteur qui ne se sera pas contenté d'adapter Molière mais d'en

être l'équivalent pour ce théâtre marocain aujourd'hui en perte

de vitesse.

Devoir de mémoire

Aujourd'hui, l'association qui œuvre à perpétrer le

souvenir d'Abdessamad Kenfaoui prépare un site Web qui

présentera ses œuvres, sa biographie et quelques témoignages. Il

va sans dire que c'est entre les mains de la jeunesse marocaine

que la mémoire peut survivre, cette même jeunesse qui ne

peut rencontrer Kenfaoui qu'à travers la salle qui porte son

nom à Casablanca! De symbole, il est devenu un nom sur une

pancarte en désuétude. Pourquoi ne pas en faire alors un lieu de

s rendez-vous, de retrouvailles? Kenfaoui, c'est Joha et Scapin

réunis autour d'un texte marocain, c'est Molière en«tarbouche»,

Antar en costume et un drapeau au fond du cœur. C'est cette

«darija»qui (aujourd'hui sujet de bien des débats et revendiquée par tant d’artistes),par sa plume, vécut des moments de gloire alors que le Maroc faisait ses

premiers pas dans le monde d'aujourd’hui. Un exemple à suivre pour tous nos compatriotes et parmi eux les artistes et leur public... Si jamais un jour après

ma mort, un homme, un seul, venait à travailler pour pérenniser mon œuvre, cela voudrait dire que je n'aurais pas été sans intérêt dans ce monde».

Cette phrase de Jean-Pierre Koffel, l'écrivain marocain, me fait penser à un autre grand personnage de l'art marocain, un homme de théâtre,

Abdessamad Kenfaoui. C’est toute une association qui est derrière le souvenir de cet homme, des amis nostalgiques qui se battent pour sa postérité,

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une épouse dépositaire de son œuvre, fidèle à ses convictions, ses idéaux, son art. Selon la formule de Keffel, toutes proportions gardées, Kenfaoui n'est

alors pas seulement intéressant mais plutôt important. Alors que le drame se trouvait dans les rues marocaines, l'ironie du sort voulut que ce pionnier soit

appelé à encadrer un groupe de stagiaire amoureux de théâtre en compagnie de feu Voisin et Charles Nugue. Consultant auprès de l’UNESCO, afin de créer ce

qui devait devenir le théâtre marocain. Cependant, Kenfaoui eut plus d'effet sur l'art dramatique marocain derrière sa feuille blanche qu'entouré

d'apprenants.

Apprenants qui, pourtant, n'étaient pas des moindres. Les Afîfi, Laâlej et Seddiki -l'aîné s'entend- lui sont tributaires de leurs débuts sur les

scènes ou dans l'écriture. Ils avouent lui devoir plus que cela même, il était pour une génération d'artistes un maître à penser. Artiste lui-même, il aura écrit

quelques-unes des plus brillantes œuvres jamais esquissées dans cette «darija» que l'on confine au rang de dialecte, alors qu'il l'élève au rang de langue par

sa poésie subtile et élégante. Drôlerie et lyrisme font bon ménage entre les lignes de cet auteur qui ne se sera pas contenté d'adapter Molière mais d'en être

l'équivalent pour ce théâtre marocain aujourd'hui en perte de vitesse. C'est pour la retranscription d'un recueil de proverbes qu'il avait récoltés que j'ai pu

découvrir toute la teneur de ce dont m'avait parlé Danièle Kenfaoui. Un enchaînement de mots, un chapelet de poésies qui s'égrène entre sagesse et

coquinerie. Une plume d'auteur qui ne peut qu'être admirée du fait de sa fluidité et sa construction. En fond, comme le rayon d'une lueur tamisée, c'est la

personnalité d'un homme qui jaillit, sa sagesse, son sérieux, son humour, parfois même sa grossièreté. Un homme avec ses qualités et défauts car en

aucun cas il ne se targue d'être un «surhomme». Tout simplement l'un de ses pairs. C'était tout de même un drôle d'homme. Un artiste au talent inné à la

cause marocaine. Membre de lit première délégation marocaine en République populaire de Chine, il fit aussi partie de cette troupe qui conquit Paris

durant son Festival du théâtre en 1958. Un demi-siècle plus tard, il serait peut-être temps de toucher à nouveau la ville des Lumières par l'éclat du souvenir

de cet artiste engagé. Il fut à l'origine d'une acharnée mais lyriquement métaphorique dénonciation de la corruption, pas dans la lâche position de

l'opposant, mais dans celle d'un homme qui critique un système dont il est l'un des maillons. Ne pas exiger l'intégrité sans en donner l’exemple. Un artiste

comme on n'en faisuit plus au vingtième siècle; plus qu'un marchand de rêves, était un moteur du «meilleur», Un mécène d'idéaux. Chargé d'affaires à

l'ambassade marocaine de France, il n'en était pas moins le pionnier de la «darija»artistique. Plus proche des Nass Gihiwan et des Jil Jilala que l'Oum

Keltoum, il Etait Marocain avant d'être Arabe, indigène avant d'être «colonisé», Nais aussi Arabe et «colonisé français». Il était tout ce que e carrefour des

civilisations que présente ce pays lui imposait l'être dans une grâce flirtant avec l'insolence mais noyée dans l'impressionnant.

Par Amine Lagssir

Le matin du Sahara / 27.03.2008

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

La sincérité engage l'être dans son intégralité, alors que

le commerce des humains voudrait que l'on garde toujours un

peu sous le manteau. Abdessamad Kenfaoui aura été au bout de

cette assertion. Un personnage entier qui savait que, par

moments une certaine parcimonie dans les faits et les pensées

pourrait s'avérer salvatrice. Il avait cette capacité d'allier deux

types d'intelligence, celle du cœur, infaillible, souvent apparenté

à l'instinct et son corollaire l'intuition ; et celle de l'esprit qui en

a fait le créateur incontesté de la scène marocaine. Oui,

Abdessamad Kenfaoui a donné naissance aux planches au

Maroc. Il a présidé à la création du Théâtre dans son approche

marocaine.

Ceci pour l'histoire d'un homme qui, un jour, aux côtés

d'André Voisin (1), lors d'un stage de théâtre, organisé par ce

dernier dans

la forêt de la Maamora à Rabat en 1952, il a lancé le théâtre

populaire en langue arabe. Lui, qui naviguait entre le

Français, l'Espagnol (il est né à Lârache) et l'arabe avec une rare

aisance. Charlyne Vasseur Fauconnet (2) résume bien le

tempérament de Kenfaoui : «Le théâtre est aventure humaine,

un lieu géométrique où se déroulent des événements, des

combats où les héros sont souvent pris au piège des libertés, et

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

les libertés prises aux pièges des héros. Magnifique échiquier, pour ce cérébral soumis à ses pensées, à ses sentiments, mais parfois isolé au milieu de

réalités...Ni homme de parti, ni homme de pouvoir. Il mesurait l'espace qui lui permettait d'agir dans une relation authentique à lui-même.»

Ceci pour dire que les seuls hommes vrais sont ceux qui peuvent pénétrer en eux-mêmes, les esprits cosmiques capables de descendre assez profond pour

discerner leurs liens avec le grand rythme universel. Kenfaoui aura marché sur ce type de sentier intime. Aura-t-il rencontré quelque reflet de lui-mê-me dans

les profondeurs de cette plongée en soi ? Son art seul pourra nous le dire.

Un homme dans la foule

Théâtre populaire, consécration de la darija, les œuvres d'Abdessamad Kenfaoui sont ancrés dans le cœur même de la vie marocaine. Même quand

il transpose les Fourberies de Scapin de Molière en Fourberies de Joha (pièce jouée par Tayeb Seddiki et Tayeb El Alj en 1956), il puise dans l'âme

des Marocains pour révéler le caché, mettre la lumière sur une époque, rendre compréhensible une lutte, la victoire d'un peuple, l'engagement par la ruse.

Il savait déjà que quand on est en haut on ne voit pas ceux d'en bas. On ne risque même pas un regard dans cette direction. On fixe des points

toujours plus haut, on finit par avoir le vertige si on n'a pas l'estomac bien calé. Et souvent on tombe de tout son poids. Occupant des postes de très haut

rang, Kenfaoui a su allier entre les deux extrémités d'un seul corps. Le sommet et la base sont une assise mobile sur laquelle, il a bâti son théâtre où

l'humain a toujours été l'unique credo. Pour Kenfaoui offrir sa vie était la règle à suivre.

Si cette limite n'est pas franchie, l'art et le théâtre, politique ou social ne seront que fabulation. Savoir se donner aux choses et aux êtres, fait que

l'homme de théâtre peut agir sur le cours de la vie. Tout acte qui n'est pas chronique de l'âme, et rien de plus, n'est que formes dénuées de sens. Ceci

Kenfaoui le savait.

Le mensuel / Avril 2008

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

Aussi. C'est dans le discours, le propos, les situations que l'on

ressent le vrai du faux ; c'est dans le frottement avec le réel que

l'art de faire illusion comme un prestidigitateur se dévoile. Cela

aussi Kenfaoui le savait. Car le mot est une figure de destin qui

se révèle comme une forme de confession, que confirment la

sincérité et l'authenticité de la personne qui le dit. Dans ce sens, ce

qui vient des tripes n'a pas à se chercher des formes. Il est la vérité,

même du moment, mais une vérité solide qui instaure ses règles,

impose sa vision, crée son univers indéfectible. C'était cela le

théâtre de Kenfaoui que l'on découvre aujourd'hui dans ses

œuvres, ses écrits posthumes, ses notes, ses archives, tous ses

cahiers d'écoliers où il a couché quelques pans de son histoire.

Le sens de l'histoire

On le sait qu'il est presque toujours impossible de savoir

aujourd'hui ce qui sera considéré comme élevé et grave demain,

ou comme insignifiant et ridicule après coup. Nous n'avons que

des approches mutilées de ce que nous vivons. Nous n'avons

pas cette faculté d'embrasser d'un seul regard tous les angles qui

forment un événement de la rie. Il est même possible que cette

vie que nous acceptons sans mot dire paraisse un jour étrange, stupide, malhonnête, peut-être même coupable. Comment Kenfaoui a eu cette acuité

du sentiment pour voir en visionnaire ce que sera l'avenir. Lisez Sultan Tolba ou Sultan Balima, il n'y a pas plus Actuel dans toute la littérature

marocaine. L'historien, le militant à l'UMT, le poète, toutes ses facettes de la personne de Kenfaoui ont su éviter le ressac du flou.

On se rend tous compte au bout d'une bonne lecture de Kenfaoui que les hommes moyens dont l'esprit est surexcité, mais incapable de se

libérer dans la création, éprouvent toujours le désir de se donner.

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

En spectacle. Malgré des années difficiles, entre la fin

des années cinquante et la moitié des années soixante-

dix, Kenfaoui, plongé dans une époque qui n'était

pas celle du rêve pas plus qu'elle n'était celle de l'illusion

béate, il a su garder son autonomie. Une indépendance

à toute épreuve. Une liberté de citoyen, d'homme de

parole qui savait aussi se jouer des apparences, biaiser

avec les partis pris et faire des pieds de nez aux acquis

des autres. Tout son théâtre est un réquisitoire sous des

allures d'histoire, contre la supercherie, le mensonge, la

vacuité, l'injustice et la mort de l'âme.

En définitive, l'art d'Abdessamad Kenfaoui n'est pas

uniquement cet engagement sincère à la fois politique,

culturel, social et humain, mais celui d'un grand

monsieur qui a toujours dit que le but de la vie sur terre

n'est peut- être rien de plus que de découvrir son être

véritable... et de vivre en accord avec lui, et peu importe

le drapeau qui pourrait flotter sur nos têtes pourvu que

l'on soit en règle avec qui nous sommes. Amen.

(1) André Voisin était un animateur culturel au service de la

Jeunesse et des Sports dans les années cinquante. Il devient

rapidement critique de la politique culturelle de la France au

Maroc. Il développe sa propre analyse de la situation du peuple marocain et de son théâtre, ainsi que celles des troupes et de leur public. (2) Charlyne Vasseur

Fauconnet est psychanalyste et Directrice de collection aux Editions de l'Harmattan)

Le mensuel / Avril 2008

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

Ponsabilité des écoles de formation syndicale de l’ UMT. Quatre années

plus tard, il accède au poste de secrétaire général de l'Office de

commercialisation des exportations (OCE), un des fiefs du syndicat.

« Il était un homme de principes, homme de luttes et un homme de lettres. Son

destin a été celui d’un créateur, d’un militant authentique et d’un fin diplomate »

dira de lui Mahjoub Benseddik. En 1959 il est membre de la première délégation

marocaine gouvernementale à se rendre en Chine. Il fait de la lutte contre la

corruption son cheval de bataille .L’homme est résolument engagé fidèle, aux

idéaux de l’époque. Bourré de paradoxes, de ce natif Larache fait pourtant une

carrière francophone.

Aujourd'hui, c'est son aime théâtrale que ses amis, réunis au sein de

l’association créée en 2002. Veulent ressusciter. Danièle, la présidente

d’honneur de l'association. veut surtout «que l’on rende à l'homme de

théâtre son mérite»,Kenfaoui , mémoire bafouée, personnage oublié ?Pas

vraiment. Plusieurs salles, dont celle du Parc de Ligue arabe à

Casablanca, portent son nom. En 2004.

Soltan Tolba une de ses œuvres les plus connues, est édité en arabe

dialectal, la pièce est mise en scène en 2006

Soltan Balima devrait être édité en français et en arabe dialectal. Ses

pièces pourraient également être à nouveau jouées à Paris. I e plus bel

hommage que Ton puisse rendre à ce passionné qui conduisait déjà le

théâtre marocain, à Paris, à l'aube de l'indépendance.

Amale daoud Le journal /Mai 200

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Kenfaoui ou le théâtre militant

Plus de trois décennies après sa

mort, l'Association Kenfaoui, créé

à l'effigie de l'homme de théâtre

Abdessamad Kenfaoui, tente de

faire revivre ses œuvres.

Abdesamad Kenfaoui n'a pas cessé d'écrire poèma, pitta de théâtre

proverbes, critiques littéraires et mots croisés, sans chercher, dans sa grande

humilité, à pire public ses manuscrits». Près de trente années après sa

mort, les amis d'Abdessamad Kenfaoui. -Ken. Comme beaucoup

d'entre eux aimaient à le surnommer- évoquent encore cette grande

humilité qui caractérisait cet tomme, sans nul doute une des plus

grandes figures du théâtre marocain. Bouktef. A Moula Nouba ou

Sultan Tolba sont quelques-unes de ces œuvres. C’est lui qui conduit

en 1958, à Paris, La première troupe marocaine au théâtre Sarah

Bemhardt .Il adapte le Barbier de Séville au théâtre marocain. Il

conduit également Maalem Azrouz. Jouée en 1956 par Tayeb laàlej.

Les célèbres Fourberies de Scapin deviennent Les Fourberies de Joha .

Interprétées cette fois par Tayeb Seddiki. Toujours en 1956. C'est

d'ailleurs auprès de Kenfaoui que ce dernier fait ses premiers pas dans

la vie d'artiste. Tout comme Tayeb laalej et Mohamed Afifi Pour

eux. il s'agit carrément d'un »maitre à penser». Kenfaoui est aussi un pionnier de la darija. Il ai«ce don de passer du Français à la darija et vice versa avec

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

une aisance hors du commun». raconte un de ses compagnons de route. C'est sans doute ce qui l'aida à adapter de grandes comédies françaises au théâtre

marocain. Mais ce n'es! pas uniquement l'humilité qui est évoquée.

Un touche-à-tout. Abdssamad Kenfaoui cet «homme hors du commun», est d'abord «un homme à plusieurs talents». témoigne Abdellah Sîouky. Homme de

théâtre. Écrivain et fenil de l'expression populaire. Kenfaoui était aussi un juriste.

Cela fait peut-être beaucoup, mais c'est vrai, il était tout cela à la fois». Il touchera également à la politique. Danièle, son épouse, dépositaire de

son œuvre depuis sa mort en 1976, dira plutôt qu'il «aimait son pays». Au tout début des années 60. Amour du pays rimait avec engagement politique.

À cette époque, il s'engage aux cotés d'Abdallah Ibrahim et bien d'autres au sein de l'Union nationale des forces populaires (UNFP) puis de

l'Union marocaine du travail (UMT). Mahjoub Benseddik secrétaire général de l'UMT véritable force politique du Maroc de l’après indépendance, lui

confie, en 1961.

Le Journal Hebdomadaire du 3 au 9 mai 2008

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

Abdessamad kenfaoui pour que persiste la mémoire Le 14 mai. Le Maroc célébrera la journée nationale du

théâtre. Pour l'occasion, quelques « artiste » Fêteront cet

événement. Mais que célèbre-t-on au juste? Un art tombe

en désuétude, (les artistes laissés pour compte, des salles

vouées à la démolition ? Pour cette journée du théâtre, chez

Ousra magazine, nous avons décidé de célébrer Abdessamad

Kenfaoui, le Molière, L’Edemond Rostand…En un mot : Le

père fondateur de l'art scénique au Maroc !

Il est parti tôt, trop tôt, comme tous les meilleurs (1928-

1976) laissant derrière lui un héritage que nous nous devons de

sauvegarder tel un trésor national. Kenfaoui a interprété à sa

façon Molière. Gogol.... Rassemblé des dictons populaires,

recherché les origines des fables... Il a même conduit la

première troupe marocaine au théâtre Sarah Bernhardt (Paris.

1958).

Sultan Tolba : Et si on « jouait » la réalité ?

Kenfaoui s'est inspire de la réalité marocaine de l'époque

pour construire un univers où le drame coexistait avec

l'ironie. C'est à lui que Feu le Roi Hassan II avait demandé

une pièce de théâtre qui incarnerait la culture et les traditions du

Maroc. C'est ainsi que « Sultan Tolba » vit le jour, un grand

succès et surtout, une pièce qui est devenue un chef d'œuvre. Ali

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

Kadiri. qui a joué Sultan Tolba. Se souvient avec émotion de ce grand moment inoubliable où Feu Hassan II est monté sur scène pour féliciter la

troupe. Dans « Sultan Tolba », ouvrage édité A la mémoire de Kenfaoui, publié chez Tarik Edition, Ali Kadiri reprend la phrase dite par Hassan II à l'un de

ses ministres, Majid Ben Jelloun : « Si Majid, essayez de faire de cette pièce...Un film. Voyez avec Sam Spiegel. par exemple. Même si ça

coûte six ou sept cents millions, ce n'est pas grave. Pourvu qu'on sache ce qu'est le Maroc. »

Pour l'Histoire :

Pour écrire Sultan Tolba, Kenfaoui s'est inspiré d'une fête instaurée par le sultan alaouite Moulay Er-Rachid (1664 1672).

Ousra / Mai 2008

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

A célébrer Aussi le Maroc est en train de fêter les 12

siècles de la fondation de la ville de Fès. La pièce de

théâtre < Sultan Tolba > Fait partie intégrante de

l'histoire de la ville. Et pour cet anniversaire, le Maroc

a programmé pleins de festivités a l'honneur du < grand

évènement> Remarque : Sultan Tol- ba ne figure pas sur

le programme des manifestations culturelles !

brail une période où le Makhzen et les étudiants

de Fès et de Marrakech partageaient le pouvoir.

Chaque printemps, les « Tolba » des medersas de Fès

et de Marrakech organisaient une « Nzaha » (un

pique-nique) durant la quelle était nommé, parmi les

étudiants, un sultan des tolbas qui constituait son

propre Makhzen et formulait un vœu que le vrai

sultan se devait d'exaucer !

Toutefois, l'œuvre de Kenfaoui ne se résume pas à

Sultan Tolba. Il a écrit et réalisé les «Fourberies de

joha, Maàlem Azzouz, le malade imaginaire. A

Moula Nouba, Sultan Balima, Bouktef, Tartuffe ...Et

bien d'autres projets que la mort l'a empêché de mettre en scène.

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

Association Kenfaoui : Pour la mémoire collective :

L'association Abdessamad Kenfaoui est née du désir de ses proches et ses amis de continuer à faire vivre sa mémoire. L'objectif, poursuivre l'édition de

ses œuvres et les mettre en scène, au Maroc et à l'étranger. Et même s'il est de plus en plus difficile pour l'association de subvenir à ses besoins, Danièle

Kenfaoui (épouse du défunt) et dépositaire de l'œuvre de Kenfaoui, ne compte pas baisser les bras. La mémoire du père du théâtre se doit d'être respectée,

défendue et sauvegardée. Une conviction à laquelle tiennent tous les membres de l'association : De Danièle Kenfaoui à Odile Suire, (amie d'Abdessamad

Kenfaoui et directrice de l'école Al Jabr en passant par le docteur Aguezenay; Marie Louise Belarbi et M. André Azoulay, membre d'honneur de

l'association. La mémoire collective nous concerne tous et l'on se doit de la protéger. D'une manière ou d'une autre chacun a sa part de responsabilité dans le

maintien et la sauvegarde de l'œuve d'Abdessamad Kenfaoui. Vous pouvez aussi aider Danièle Kenfaoui à faire revivre cet héritage national, en

contactant l'association Abdessamad Kenfaoui au : 321, route d'i Jadida, Appartement '213, Casablanca. Tel. : 0222.59007. [email protected]

Ousra / Mai 2008

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

Hommage à l’homme de théâtre

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

Je voudrais faire découvrir aux jeunes générations la place

que Kenfaoui a su donner au théâtre marocain, par la richesse de

ses créations, de ses adaptations et de ses traductions»: plus de

trois décennies après la mort d'un des plus grands hommes de

théâtre marocain, l'Association Kenfaoui, créée à son effigie, veut

faire revivre les œuvres de l'artiste. Abdessamad Kenfaoui, connu

aussi bien pour sa pas- passion du théâtre et de la littérature que

par son parcours militant-il a longtemps été aux côtés de

Mahjoub Benseddik a d'abord été attiré par la politique. Dès

les années 60, il rejoint un des leaders de l'époque au sein de

l'Union nationale des forces populaires, Abdellah Ibrahim. Puis il

se range aux côtés de l'Union marocaine du travail dont il dirige

les écoles de formation. Il accède quelques années plus tard au poste

de directeur général de l'Office de commercialisation et

d'exportation (OCE), un des fiefs du syndicat.

Il sillonne le monde avec des délégations syndicales

marocaines. Il fait d'ailleurs partie de la première délégation syndicale marocaine à se rendre en Chine. Tout au long de son existence, il restera éperdument

poète, romancier et surtout homme de théâtre. «Bouktef», «A Moula Nouba» ou«Soltan Tolba» ne sont que quelques-unes de ses Tuvres. En 1958

déjà, il conduisait la première Troupe de théâtre à Paris. Elle est accueillie au théâtre de Sarah Bernardi. Il est à l'époque attaché culturel et chargé d'Affaires

de l'Ambassade du Maroc à Paris.

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

L'homme de théâtre, qui est aussi un féru de

littérature et un excellent critique littéraire, est également

un passionné de proverbes et de prose. «Le barbier de

Séville» est adapté au théâtre marocain et devient «Maâlem

Azzouz». Les célèbres«Fourberies de Scapin» deviennent

«Les fourberies de Joha»interprétées par Tayeb Seddiki en

1956. Ken est le maître de Seddiki, Tayeb Laâlej et de Mo-

hamed Afifi, eux aussi de grands noms du théâtre marocain.

Four eux, il s'agit carrément d'un «maître à penser».

Aujourd'hui, ses amis et fans réunis au sein de l'Association

veulent qu'un hommage lui soit rendu. «L'association fait

l'inventaire de toutes ses œuvres, inachevées, publiées et

non encore publiées, et projette de les faire connaître aux

jeunes metteurs en scène et comédiens ( universités,

lycées, Instituts français», explique Danièle Kenfaoui,

son épouse qui est aussi dépositaire de son œuvre. Ses

pièces pourraient aujourd'hui être jouées à Paris.

«Certaines de ses pièces, écrites en arabe dialectal,

pourraient être jouées à Paris, vu l'importance de la

communauté marocaine en France», souhaite Danièle.

L’association va également faire éditer certaines de ses

œuvres.

Bledmag / Déc 2008

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

Un dramaturge de génie

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

Est aventure humaine, un lieu géométrique où se

déroulent des événements, des combats où les héros sont souvent

pris au piège des libertés, et les libertés prises aux pièges des

héros. Magnifique échiquier, pour ce cérébral soumis à ses

pensées, à ses sentiments, mais parfois isolé au milieu des

réalités. . . Ni homme de parti, ni homme de pouvoir Il mesurait l

'espace qui lui permettait d'agir dans une relation authentique à

lui-même».Ceci pour dire que les seuls hommes vrais sont ceux

qui peuvent pénétrer en eux-mêmes, les esprits cosmiques

capables de descendre assez profond pour discerner leurs

liens avec le grand rythme universel. Kenfaoui aura marché

sur ce type de sente intime. Aura-t-il rencontré quelque reflet de

lui-même dans les profondeurs de cette plongée en soi ? Son art

seul pourra nous le dire.

Un homme dans la foule

Théâtre populaire, consécration de la darija, les œuvres

d'Abdessamad Kenfaoui sont ancrés dans le cœur même de

la vie marocaine. Même quand il transpose les Fourberies de

Scapin de Molière en Fourberies de Joha (pièce jouée par Tayeb

Seddiki et Tayeb El Alj en 1956), il puise dans l'âme des

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

Marocains pour révéler le caché, mettre la lumière sur une époque, rendre compréhensible une lutte, la victoire d'un peuple, l’engagement par la ruse. ll

savait déjà que quand on est en haut on ne voit pas ceux d'en bas. On ne risque même p un regard dans cette direction. On fixe des points toujours plus

hauts, on finit par avoir le vertige si on n'a pas l'estomac bien calé. Et souvent on tombe de tout son poids. Occupant des postes de très haut rang.

Kenfaoui a su allier entre les deux extrémités d'un seul corps. Le sommet et la base sont une assise mobile sur laquelle, il a bâti son théâtre où l’humain a

toujours été l'unique credo. Pour Kenfaoui offrir sa vie était la règle à suivre. Si cette limite n'est pas franchie, l'art et le théâtre, politique ou social ne

seront que fabulation. Savoir se donner aux choses et aux êtres, fait que l'homme de théâtre peut agir sur le cours de la vie. Tout acte qui n'est pas

chronique de l’âme, et rien de plus, n'est que formes dénuées de sens. Ceci Kenfaoui le savait aussi. C’est dans le discours, le propos, les situations que

l'on ressent le vrai du faux ; c'est dans le fortement avec le réel que l'art de faire illusion comme un prestidigitateur se dévoile. Cela aussi Kenfaoui le savait.

Car le mot est une figure de destin qui se révèle comme une forme de confession, que confirment la sincérité et l'authenticité de la personne qui le dit. Dans

ce sens, ce qui vient des tripes n'a pas à se chercher des formes. ll est la vérité, même du moment, mais une vérité solide qui instaure ses règles, impose

sa vision, crée son univers indéfectible. C'était cela le théâtre de Kenfaoui que l'on découvre aujourd’hui dans ses œuvres, ses écrits posthumes, ses notes,

ses archives, tous ses cahiers d’écoliers où il a couché quelques pans de son histoire.

Le sens de l'histoire

On le sait qu'il est presque toujours impossible de savoir aujourd'hui ce qui sera considéré comme élevé et grave demain, ou comme insignifiant et

ridicule après coup. Nous n'avons que des approches mutilées de ce que nous vivons. Nous n'avons pas cette faculté d'embrasser d'un seul regard tous les

angles qui forment un événement de la vie. Il est même possible que cette vie que nous acceptons sans mot dire paraisse un jour étrange, stupide, malhonnête,

peut- être même coupable. Comment Kenfaoui a eu cette acuité du sentiment pour voir en visionnaire ce que sera l'avenir, Lise , Sultan Tolba ou Sultan

Balima, il n'y a pas plus actuel dans toute la littérature marocaine. L'historien, le militant à l'UMT, le poète, toutes ses facettes de la personne de Kenfaoui

ont su éviter le ressac du flou. On se rend tous compte au bout d'une bonne lecture de Kenfaoui que les hommes moyens dont l'esprit est surexcité, mais

incapable de se libérer dans la création, éprouvent toujours le désir de se donner en spectacle. Malgré des années difficiles, entre la fin des années

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

cinquante et la moitié des années soixante-dix, Kenfaoui, plongé dans une époque qui n'était pas celle du rêve pas plus qu'elle n'était celle de l'illusion

béate, il a su garder son autonomie. Une indépendance à toute épreuve. Une liberté de citoyen, d'homme de parole qui savait aussi se jouer des

apparences, biaiser avec les partis pris et faire des pieds de nez aux acquis des autres. Tout son théâtre est un réquisitoire sous des allures d'histoire,

contre la supercherie, le mensonge, la vacuité, l'injustice et la mort de l'âme.

En définitive, l'art d'Abdessamad Kenfaoui n'est pas uniquement cet engagement sincère à la fois politique, culturel, social et humain, mais celui d'un

grand monsieur qui a toujours dit que le but de la vie sur terre n'est peut-être rien de plus que de découvrir son être véritable... et de vivre en accord avec lui, et

peu importe le drapeau qui pourrait flotter sur nos têtes pourvu que l'on soit en règle avec qui nous sommes. Amen.

(1)André Voisin était un animateur culturel au service de la Jeunesse et des Sports dans les années cinquante. Il devient rapidement critique de la

politique culturelle de la France au Maroc. Il développe sa propre analyse de la situation du peuple marocain et de son théâtre, ainsi que celles des troupes

et de leur public.

(2)Charlyne Vasseur Fauconnet est psychanalyste et Directrice de collection aux Editions de l'Harmattan)

La vérité / 16.04.2009

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

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Archives Mme Danièle Kenfaoui.

Théâtre en quête d'auteurs

ll est incontestable que le théâtre marocain traverse une

crise de création. ll est légitime de s'en inquiéter d'autant plus

qu'il n'est pas né d'hier et qu'il a eu un passé glorieux. Il n'est

que de se remémorer les lendemains de l’indépendance.

La troupe de la Maâmora avait participé au Théâtre

des Nations â Paris avec «Les fourberies de Scapin›› de

Molière et «Les balayeurs››, imagerie populaire due en

particulier à feu Abdessamad Kenfaoui que secondaient

Pierre Lucas puis Albert Botbol. La troupe de la Maâmora

effectuait un travail collectif d'où émergeait Ahmed Tayeb El

Alj adaptateur des «Fourberies››. Tout le public français ainsi

que la critique avaient accueilli ces deux spectacles avec un

rare enthousiasme, soulignant la performance de Tayeb

Saddiki dans le rôle de Scapin.

On peut affirmer qu'à l'occasion du Théâtre des

Nations, le théâtre marocain avait marqué sa naissance de

belle manière. Quelque temps plus tard, feu Abdessamad

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Kenfaoui allait écrire «Bouktef et Ahmed Tayeb El Alj adapter «Le Tartuffe» de Molière, rebaptisé «Walyou Allah», mettant en scène les faux dévots. Cette

pièce qui reste d'une actualité brûlante, si l'on peut dire, avait été filmée par la RTM Auparavant, un comédien exceptionnel, Mohamed Said Afifi, allait éclater

dans «Monsserat»d’Emmanuel Roblès. Outre son talent, ce comédien était doué d'une grande générosité puisqu'il allait quelques années plus tard former

une troupe composée de malvoyants.

((On peut se demander comment et pourquoi

le théâtre marocain est actuellement aride alors

qu'il| avait débuté par un coup d'éclat à Paris.

au théâtre des Nations.))

Après la disparition de la troupe de la Maâmora, certains des acteurs devenaient des animateurs et avaient constitué des troupes. C’est ainsi qu'une

expérience exceptionnelle avait vu le jour à Casablanca. Plus précisément au port. Encouragé par l'UMT, Tayeb Saddiki s'était installé dans un hangar,

transformé en salle de théâtre pour y installer le «théâtre travailliste». La troupe allait y jouer « L’assemblée des femmes» d'Aristophane et «Le revisor» de

Nicolas Gogol devant un nombreux public et avec un grand succès à chaque représentation. L’expérience avait été stoppée brutalement.

Pour des raisons mystérieuses. Le même Tayeb Saddlki allait plus tard adapter «En attendant godot» de Samuel Becket rebaptisée «Fintidar

Mabrouk»puis «Amédée ou comment s’en débarrasser» d'Eugène lonesco devenue « Moumou bou khorça ». Plus tard encore ce sera «Le Maroc est un»,

grand spectacle accueilli par les défuntes arènes de Casablanca.

De leur côté, les frères Badaoui, avant et après leur séparation, ont écrit de nombreuses pièces dont « Almaslaha al amma » (l'intérêt général). Le théâtre

arabe n'était pas absent puisqu'ils ont fait jouer «Ahl al kahf» de Tawfik Al Hakim. Il faut préciser que les frères Badaoui avaient débuté leur carrière

théâtrale avant l’indépendance. Ce long chemin a abouti, il y a peu, à l’adaptation par Abdelkader Badaoui, d'une pièce en un acte d’Anton Tchélthov,

«L’ourss», diffusée par 2M.

Si on ne trouve pas de chronologie dans tout cela, c'est que ce n'est pas l’objectif. Il est surtout important de montrer que le théâtre marocain a un répertoire, à

l'instar de tous les théâtres du monde. Ce répertoire est composé de créations nationales et d'adaptations d'auteurs étrangers. «Mesure pour mesure»

de Berthold Brecht avait été adaptée et jouée par Mohamed Khalfi et sa troupe. Ce répertoire existe donc mais sommeille.

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Y est inscrit «Al Harraz» et «Albdemhmane Belmejdoub» de Tayeb Saddiki, le plus prolifique des auteurs dramatiques marocains, et dont les travaux

rappellent que le regretté Saïd Seddiki n'était pas loin. Ce répertoire est enrichi aussi par l'expérience solitaire de Zerouali, et les pièces de Berrechid.On le

répète, il ne s'agit ni d'une chronologie et encore moins d'un palmarès. On peut se demander comment et pourquoi le théâtre marocain est actuellement aride

alors qu'il avait débuté par un coup d'éclat à Paris, au théâtre des Nations. Travail pour un sociologue à coup sûr. Ce qu’on souligne avec insistance c'est

l'existence d'un large répertoire qui sommeille. il n'empêche qu'il est vivant. Et que des troupes peuvent s'en nourrir. ll faut ajouter qu'un répertoire n'est pas

un musée qu'un visite nonchalamment. Une pièce de théâtre est toujours d'actualité. Il est donc impératif que les générations nouvelles connaissent ce

répertoire sur scène et non par ouï-dire. Elles poseront alors la question pourquoi hier et pas aujourd'hui.

Challenge / 24.10.2009

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Fin