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« Les hommes d'affaires italiens du Moyen-Age », Yves Renouard, Diderot éditeur, 1968. Les hommes d’affaires grecs du 4° siècle avant Jc au 5° siècle après Jc connaissent les formes primaires du crédit : la vente à terme, le prêt à intérêt, le dépôt irrégulier, le contrat de change, la lettre de change et la garantie de paiement de celle-ci par un tiers, le prêt à la grosse aventure ou prêt maritime (c'est-à-dire prêt consenti par un capitaliste à un entrepreneur de transports maritimes ou à un commerçant en vue d’une opération déterminée de commerce maritime, avec des intérêt considérables en cas de réussite, mais pas de remboursement exigé en cas d’échec) ; ce prêt à la grosse aventure facilite à la fois le commerce d’importation et d’exportation et l’entretien des navires, mais c’est aussi un procédé qui permet de transférer des fonds d’une place à l’autre, alors qu’il joue en outre pour l’entrepreneur le rôle d’une assurance. Grecs ou macédoniens semblent même être arrivés à l’idée de l’assurance à prime ; Antimène organise à Babylone au temps d’Alexandre un système d’assurance contre la fuite des esclaves avec la participation de tous les propriétaires d’esclaves, au moyen du versement d’une prime. La presque totalité du legs scientifique de la Grèce est développé par la suite de manière magistrale à Antioche et surtout à Alexandrie. En revanche, les romains ne semblent pas s’y être intéressés, au contraire des arabes ; or les finances exigent la connaissance de l’arithmétique. Les « hommes d’affaire » sont au Moyen-Age désignés par le terme de « mercatores » ; ils ont toujours l’esprit tourné hors du marché local ; ils sont des commerçants intéressés par le marché mondial des matières premières et par les débouchés extérieurs ; par opposition aux boutiquiers revendeurs, ils sont les gros commerçants importateurs et exportateurs ; par opposition aux petits prêteurs « à la petite semaine », ils sont de gros banquiers ; la plus grande audace, le plus vif esprit d’initiative les caractérisent. Au Moyen-Age, les personnage de ce type ont surtout été actifs en Italie. Au lendemain des invasions germaniques, quand dans tout l’occident prédomine l’économie fermée et domaniale, l’homme d’affaire est à peu près un « exclu » ; il n’en subsiste quelques-uns dans la péninsule italienne demeurée au contact de l’orient. Peu à peu, mais grâce surtout à l’exceptionnelle occasion que leur donnent les croisades, ils se multiplient ; ils prennent dès le 12° siècle une place de plus en plus importante dans la civilisation occidentale, en suscitant la croissance des villes qu’ils animent. Des hommes d’affaire apparaissent progressivement dans tous les pays d’Occident, mais ils ne sont longtemps que les élèves de ceux d’Italie qui leur on tracé la voie et enseigné les techniques. c’est la découverte de l’Amérique qui permet à des hommes d’affaire occidentaux de se hisser au niveau des italiens avant de prendre la prépondérance à la période moderne. Les hommes d’affaire italiens, au cours du millénaire qui s’écoule entre la chute de l’empire romain d’occident et l’ouverture de l’océan atlantique au grand commerce, ont dominé la vie des échanges : ils ont conservé et développé les techniques commerciales et bancaires de l’antiquité hellénistique ; et ce faisant, ils sont à l’origine de l’esprit qui anime la Renaissance. Par leur action, une civilisation où prédominaient une culture rurale, collectiviste et religieuse s’est transformée en une culture urbaine, individualiste et laïque. Du 5° au 10° siècle : la disparition de l’empire d’occident en 476 marque conventionnellement le début du Moyen-Age. L’invasion des germains, le développement de la piraterie qui l’accompagne, la disparition progressive de la clientèle urbaine, provoquent un profond affaiblissement de la vie économique au 5° siècle. Il existe du fait de la situation historique peu de sources sur ces temps ; mais les hommes d’affaires de l’époque pratiquaient le grand commerce maritime avec l’Orient (importation de produits de luxe pour la Cour et la classe riche des hauts fonctionnaires, armement, transports maritimes et terrestres), mais surtout des activités financières (ferme des impôts, ferme de l’exploitation des domaines publics et des mines, change, prêt à intérêt aux collectivités urbaines et aux particuliers, contre lesquels s’élèvent déjà des Pères de l’Eglise comme St Ambroise, peut-être même la banque publique). On peut ainsi imaginer comme à la période de l’empire, ces capitalistes du 5° siècle, chevaliers romains exploitant le monde conquis, s’associant pour affermer un impôt, exploiter une mine, prêter à une cité. Sous cette caste de patriciens, des commerçants de moindre envergure, probablement pour la plupart orientaux, juifs et surtout syriens. Les hommes d’affaire romains connaissent probablement les techniques les plus simples, telles que le dépôt régulier, la vente à terme et le prêt à intérêt, peut- être le dépôt irrégulier. Ils connaissent aussi le prêt à la grosse aventure, ainsi que le contrat de société. Au 5° siècle, sont importés d’Orient soieries, épices, pierres précieuses, reliques depuis l’étatisation du christianisme ; les voies de ce trafic sont essentiellement maritime, passant par Constantinople, Antioche et Alexandrie vers Ravenne et Rome. De même, on sait peu de choses sur les hommes d’affaires dans les 4 premiers siècles du Moyen-Age (6° au 9° siècle), qui sont pour l’Italie des siècles d’invasion (gothique à la fin du 5°, reconquête byzantine contre les goths durant le 6° siècle ; i,nvasion lombarde à la fin du 6° ; puis après le calme relatif du règne de Charlemagne, invasions sarrasines tout au long du 9° siècle, les sarrasins parvenant à prendre pied en Sicile, en Calabre et dans les Pouilles. Mais la ruine italienne de cette période est aussi liée à la ruine de la clientèle d’Europe occidentale, qui connaît elle aussi des vagues d’invasions, comme en Gaule (sarrasins, normands). On assiste à une raréfaction de la monnaie d’or de type occidental, avant sa disparition complète au lendemain du règne de Charlemagne, qui établit dans son empire un monométallisme argent. La balance commerciale déficitaire de la métropole romaine dans ses relations avec son empire agonisant, puis les tributs versés aux « pillards normands », aux « envahisseurs barbares », les objets précieux emportés après chaque razzia accroissent cette hémorragie. Il n’est plus possible alors de frapper des monnaies d’or, ce qui explique la politique monétaire de Charlemagne. Les seules monnaies d’or qui circulent alors en occident sont les monnaies byzantines et arabes. Trop faibles, les Etats chrétiens d’occident n’ont pas le prestige nécessaire à la diffusion d’une monnaie. Il semble que le monde carolingien ait été pourtant en étroite relation avec le monde abbasside et que les échanges orient occident restent actifs aux 8° et 9° siècles. Quand Charlemagne après la conquête du royaume des lombards tente d’y imposer sa monnaie, il y trouve une forte opposition, les populations préférant continuer à se servir des sous d’or lombards, du besants, des mangons et des tarins. Il reste cependant en Italie quelques points d’échange nettement définis : Venise et les ports de Campanie, en relation avec Constantinople, dont toutes ces villes maritimes continuent à dépendre politiquement, et à l’intérieur, les rives même du Pô et Rome où s’écoulaient les produits importés par ces deux fenêtres entr’ouvertes sur l’orient. Des traités étaient conclu entre Venise et ses voisins lombards ; Venise exportait ainsi dans les plaines du Pô le sel de la lagune, des produits de luxe importés d’orient (drogues, épices, soieries, joyaux, ornements) et recevait de l’intérieur des esclaves provenant de razzias faites en pays germain et slave, aux confins de l’empire franc, par des professionnels de la chasse à l’homme. Ces esclaves, ainsi que du bois d’Istrie et de Dalmatie étaient vendus aux musulmans d’Orient, particulièrement d’Egypte. On raconte ainsi l’équipée légendaire des marchands Buono et Rustico qui ravissent à Alexandrie les reliques de St Marc en 828. Le commerce des esclaves est alors à double sens, entre esclavage musulman et occidental, par des ports comme Venise, Alexandrie et Constantinople. Ces échanges permettent l’accumulation d’or excédentaire lié aux échanges à Venise. Les revenus des biens fonciers de Terre Ferme permet à de grands patriciens de lancer le grand commerce maritime de Venise en confiant des fonds, sans doute en « commenda » aux marins partant pour Alexandrie ou Constantinople. Les biens importés d’orient se retrouvent dans le royaume lombard, notamment à Pavie, la capitale. Les marchands qui vendent les soieries importées font partie de la classe des « negociantes », marchands lombards, dont les lois d’Aistolf révèlent l’existence vers 750. A Naples, lors de l’arrivée de Bélisaire et des troupes byzantines au 6° siècle, Procope signale l’existence d’un marchand syrien, Antiochus, chef du parti byzantin local. L’activité de ces commerçants

Hommes d'affaires italiens au moyen âge (notes de lecture années 2000)

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« Les hommes d'affaires italiens du Moyen-Age », Yves Renouard, Diderot éditeur, 1968.

Les hommes d’affaires grecs du 4° siècle avant Jc au 5° siècle après Jc connaissent les formes primaires du crédit : la vente àterme, le prêt à intérêt, le dépôt irrégulier, le contrat de change, la lettre de change et la garantie de paiement de celle-ci par untiers, le prêt à la grosse aventure ou prêt maritime (c'est-à-dire prêt consenti par un capitaliste à un entrepreneur de transportsmaritimes ou à un commerçant en vue d’une opération déterminée de commerce maritime, avec des intérêt considérables en casde réussite, mais pas de remboursement exigé en cas d’échec) ; ce prêt à la grosse aventure facilite à la fois le commerced’importation et d’exportation et l’entretien des navires, mais c’est aussi un procédé qui permet de transférer des fonds d’une placeà l’autre, alors qu’il joue en outre pour l’entrepreneur le rôle d’une assurance. Grecs ou macédoniens semblent même être arrivés àl’idée de l’assurance à prime ; Antimène organise à Babylone au temps d’Alexandre un système d’assurance contre la fuite desesclaves avec la participation de tous les propriétaires d’esclaves, au moyen du versement d’une prime. La presque totalité du legsscientifique de la Grèce est développé par la suite de manière magistrale à Antioche et surtout à Alexandrie. En revanche, lesromains ne semblent pas s’y être intéressés, au contraire des arabes ; or les finances exigent la connaissance de l’arithmétique.

Les « hommes d’affaire » sont au Moyen-Age désignés par le terme de « mercatores » ; ils ont toujours l’esprit tourné hors dumarché local ; ils sont des commerçants intéressés par le marché mondial des matières premières et par les débouchésextérieurs ; par opposition aux boutiquiers revendeurs, ils sont les gros commerçants importateurs et exportateurs ; par oppositionaux petits prêteurs « à la petite semaine », ils sont de gros banquiers ; la plus grande audace, le plus vif esprit d’initiative lescaractérisent. Au Moyen-Age, les personnage de ce type ont surtout été actifs en Italie. Au lendemain des invasions germaniques,quand dans tout l’occident prédomine l’économie fermée et domaniale, l’homme d’affaire est à peu près un « exclu » ; il n’ensubsiste quelques-uns dans la péninsule italienne demeurée au contact de l’orient. Peu à peu, mais grâce surtout à l’exceptionnelleoccasion que leur donnent les croisades, ils se multiplient ; ils prennent dès le 12° siècle une place de plus en plus importante dansla civilisation occidentale, en suscitant la croissance des villes qu’ils animent. Des hommes d’affaire apparaissent progressivementdans tous les pays d’Occident, mais ils ne sont longtemps que les élèves de ceux d’Italie qui leur on tracé la voie et enseigné lestechniques. c’est la découverte de l’Amérique qui permet à des hommes d’affaire occidentaux de se hisser au niveau des italiensavant de prendre la prépondérance à la période moderne. Les hommes d’affaire italiens, au cours du millénaire qui s’écoule entrela chute de l’empire romain d’occident et l’ouverture de l’océan atlantique au grand commerce, ont dominé la vie des échanges : ilsont conservé et développé les techniques commerciales et bancaires de l’antiquité hellénistique ; et ce faisant, ils sont à l’origine del’esprit qui anime la Renaissance. Par leur action, une civilisation où prédominaient une culture rurale, collectiviste et religieuses’est transformée en une culture urbaine, individualiste et laïque.

Du 5° au 10° siècle : la disparition de l’empire d’occident en 476 marque conventionnellement le début du Moyen-Age. L’invasiondes germains, le développement de la piraterie qui l’accompagne, la disparition progressive de la clientèle urbaine, provoquent unprofond affaiblissement de la vie économique au 5° siècle. Il existe du fait de la situation historique peu de sources sur ces temps ;mais les hommes d’affaires de l’époque pratiquaient le grand commerce maritime avec l’Orient (importation de produits de luxepour la Cour et la classe riche des hauts fonctionnaires, armement, transports maritimes et terrestres), mais surtout des activitésfinancières (ferme des impôts, ferme de l’exploitation des domaines publics et des mines, change, prêt à intérêt aux collectivitésurbaines et aux particuliers, contre lesquels s’élèvent déjà des Pères de l’Eglise comme St Ambroise, peut-être même la banquepublique). On peut ainsi imaginer comme à la période de l’empire, ces capitalistes du 5° siècle, chevaliers romains exploitant lemonde conquis, s’associant pour affermer un impôt, exploiter une mine, prêter à une cité. Sous cette caste de patriciens, descommerçants de moindre envergure, probablement pour la plupart orientaux, juifs et surtout syriens. Les hommes d’affaire romainsconnaissent probablement les techniques les plus simples, telles que le dépôt régulier, la vente à terme et le prêt à intérêt, peut-être le dépôt irrégulier. Ils connaissent aussi le prêt à la grosse aventure, ainsi que le contrat de société. Au 5° siècle, sont importésd’Orient soieries, épices, pierres précieuses, reliques depuis l’étatisation du christianisme ; les voies de ce trafic sontessentiellement maritime, passant par Constantinople, Antioche et Alexandrie vers Ravenne et Rome. De même, on sait peu dechoses sur les hommes d’affaires dans les 4 premiers siècles du Moyen-Age (6° au 9° siècle), qui sont pour l’Italie des sièclesd’invasion (gothique à la fin du 5°, reconquête byzantine contre les goths durant le 6° siècle ; i,nvasion lombarde à la fin du 6° ; puisaprès le calme relatif du règne de Charlemagne, invasions sarrasines tout au long du 9° siècle, les sarrasins parvenant à prendrepied en Sicile, en Calabre et dans les Pouilles. Mais la ruine italienne de cette période est aussi liée à la ruine de la clientèled’Europe occidentale, qui connaît elle aussi des vagues d’invasions, comme en Gaule (sarrasins, normands). On assiste à uneraréfaction de la monnaie d’or de type occidental, avant sa disparition complète au lendemain du règne de Charlemagne, qui établitdans son empire un monométallisme argent. La balance commerciale déficitaire de la métropole romaine dans ses relations avecson empire agonisant, puis les tributs versés aux « pillards normands », aux « envahisseurs barbares », les objets précieuxemportés après chaque razzia accroissent cette hémorragie. Il n’est plus possible alors de frapper des monnaies d’or, ce quiexplique la politique monétaire de Charlemagne. Les seules monnaies d’or qui circulent alors en occident sont les monnaiesbyzantines et arabes. Trop faibles, les Etats chrétiens d’occident n’ont pas le prestige nécessaire à la diffusion d’une monnaie. Ilsemble que le monde carolingien ait été pourtant en étroite relation avec le monde abbasside et que les échanges orient occidentrestent actifs aux 8° et 9° siècles. Quand Charlemagne après la conquête du royaume des lombards tente d’y imposer sa monnaie,il y trouve une forte opposition, les populations préférant continuer à se servir des sous d’or lombards, du besants, des mangons etdes tarins. Il reste cependant en Italie quelques points d’échange nettement définis : Venise et les ports de Campanie, en relationavec Constantinople, dont toutes ces villes maritimes continuent à dépendre politiquement, et à l’intérieur, les rives même du Pô etRome où s’écoulaient les produits importés par ces deux fenêtres entr’ouvertes sur l’orient. Des traités étaient conclu entre Veniseet ses voisins lombards ; Venise exportait ainsi dans les plaines du Pô le sel de la lagune, des produits de luxe importésd’orient (drogues, épices, soieries, joyaux, ornements) et recevait de l’intérieur des esclaves provenant de razzias faites en paysgermain et slave, aux confins de l’empire franc, par des professionnels de la chasse à l’homme. Ces esclaves, ainsi que du boisd’Istrie et de Dalmatie étaient vendus aux musulmans d’Orient, particulièrement d’Egypte. On raconte ainsi l’équipée légendairedes marchands Buono et Rustico qui ravissent à Alexandrie les reliques de St Marc en 828. Le commerce des esclaves est alors àdouble sens, entre esclavage musulman et occidental, par des ports comme Venise, Alexandrie et Constantinople. Ces échangespermettent l’accumulation d’or excédentaire lié aux échanges à Venise. Les revenus des biens fonciers de Terre Ferme permet àde grands patriciens de lancer le grand commerce maritime de Venise en confiant des fonds, sans doute en « commenda » auxmarins partant pour Alexandrie ou Constantinople. Les biens importés d’orient se retrouvent dans le royaume lombard, notammentà Pavie, la capitale. Les marchands qui vendent les soieries importées font partie de la classe des « negociantes », marchandslombards, dont les lois d’Aistolf révèlent l’existence vers 750. A Naples, lors de l’arrivée de Bélisaire et des troupes byzantines au6° siècle, Procope signale l’existence d’un marchand syrien, Antiochus, chef du parti byzantin local. L’activité de ces commerçants

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napolitains, dont plusieurs étaient juifs, était sans doute le même que celui des marchands vénitiens : importation de produits deluxe d’orient, payés avec le produit de la vente des esclaves exportés en pays musulman ; le transit des esclaves par Naples estprouvé. Une bonne partie des marchandises importées étaient revendues à Rome, aux Eglises ou aux pèlerins. La plupart de cespersonnages marchands de cette époque en Italie étaient probablement prioritairement de gros propriétaires fonciers ; ce sontsans doute les plus puissants et les plus riches de ces propriétaires qui pratiquent alors le commerce international. Les premiershommes d’affaire italiens du Moyen-Age dont on connaisse le nom, le vénitien Giustiniano Partecipazio et le milanais Simplicianus,sont de gros propriétaires fonciers ; Giustiniano Partecipazio est par ailleurs chef politique, Simplicianus fait une donation de bien-fonds en 836 au monastère de Nonantola.

10° et 11° siècle : les références aux échanges en Italie pour cette époque sont relativement abondants ; les principaux centresd‘affaire restent ceux qui étaient déjà développés à la période précédente : Venise et les ports de Campanie et de l’Italie du sud,en relation avec Alexandrie et Constantinople. Venise est sans doute à cette époque le centre le plus actif de la vie économiquedans tout l’Occident. Des artisans s’y associent pour exploiter les salines de la lagune. On y trouve aussi les premières traces ducapitalisme : dès la première moitié du 9° siècle, Giustiniano Partecipazio laisse à ses héritiers de nombreuses propriétés foncièreset des participations au commerce maritime. Les vénitiens du 9° pratiquent déjà, à côté du prêt sur gages et du change demonnaies, la commande ou la participation aux risques et bénéfices du trafic maritime. Le prêt maritime ou à la grosse aventure, oùle capitaliste assume les risques du voyage ; le contrat de compagnie (plusieurs associés mettent en commun marchandises etcapital, s’embarquent et cherchent à vendre leurs marchandises dans des ports étrangers) ; et surtout le contrat de colleganza quiapparaissent vers 1072 (deux personnages s’associent, l’un apporte 2/3 du capital, mais reste à Venise, alors que l’autre apporte1/3 du capital et s’embarque pour l’étranger ; les bénéfices sont ensuite partagés à 50/50 : ¾ du bénéfice reviennent au capital, ¼au travail malgré les risques…). Certains des négociants qui participent seulement au capital dans le cadre du colleganzaparticipent probablement à plusieurs opérations à la fois ; ils peuvent par ailleurs posséder des parts dans des navires (parexemple un navire partagé en 24 parts). Venise tient à dominer le commerce entre orient et Occident, et pour cela s’assure par ladiplomatie ou la force la liberté de navigation en Adriatique ; par ailleurs, les commerçants orientaux ne venant pas en Europe, ilss’installent à Constantinople et Alexandrie. A Alexandrie, ils vendent les esclave en grand nombre, ainsi que de plus en plusd’armes et de bois. Ils en rapportent épices, tissus et laines de luxe, mais aussi un peu d’or ; cet or est ensuite utilisé àConstantinople pour l’achat d’étoffes de soie, de pourpre, d’épices ; c’est parce que leur balance commerciale est excédentaireavec l’orient musulman qu’ils peuvent se permettre d’en avoir une déficitaire avec l’orient byzantin. Les vénitiens apportent avecleur flotte aux armées byzantines contre les musulmans, contre les lombards puis contre les normands, et obtiennent de l’empereurune série de privilèges qui favorisent leur commerce au 10 et 11° siècles : ainsi du Grand Privilège de 1082 par lequel Veniseobtient de l’empereur byzantin la franchise douanière sur tout le territoire de l’empire grec pour les marchandises qui y sontproduites, notamment les soieries des ateliers de Constantinople ; mieux, ils obtiennent de l’empereur l’administration d’un quartierde Constantinople, où se trouvent Eglises, entrepôts, ateliers et postes de débarquement et des quais sur le port. Les marchandsvénitiens ont ainsi de fait le monopole du commerce en occident avec l’orient byzantin. Les produits importés à Venise sont ensuitediffusés à Pavie, capitale du royaume d’Italie, et dans toute la Lombardie, sur tous les marchés et foires qui s’y créent au 10°siècle ; puis avec l’aide des marchands lombards qui maîtrisent le passage des cols et des passes des Alpes, le trafic vénitiengagne la France : en 1074, ils atteignent déjà la Champagne où commencent à se tenir des foires d’une certaine ampleur ; à la findu 11°, ils sont en Flandres, et une partie passe même en Grande-Bretagne. Les ports des Pouilles et de Campanie dépendentpeu ou prou de l’empire byzantin, et communiquent facilement avec lui ; eux aussi commercent avec les musulmans, de l’Afriquedu Nord à la Syrie. Les ports des Pouilles sont les têtes de pont des pèlerins se rendant en terre sainte ; le plus important est Barien Longobardie ; les hommes d’affaire de la place sont en relation constante avec la Syrie ; Bari tombe sous la dominationnormande en 1071, et son commerce décline un temps ; mais en 1086-1087, des vaisseaux barésiens déposent des marchandsde la ville à Antioche ; au retour, les navires mouillent au large de la petite ville de Myre en Cilicie : 47 hommes descendent etprennent de force les reliques du célèbre thaumaturge Nicolas, ancien évêque de la cité, et les ramènent triomphalement à Bari ; lacité renoue alors avec la prospérité, le thaumaturge Nicolas passant pour apaiser les tempêtes, ce qui pousse les pèlerins à fairede Bari leur port de prédilection pour le voyage en terre sainte. Les ports campaniens sont au 10 et 11° siècles devenus autonomesde Byzance, et dominés par des dynasties de ducs héréditaires. Ils entretiennent néanmoins des relations commerciales avecConstantinople, ainsi qu’avec les sarrasins d’orient, de Syrie comme d’Egypte, ainsi qu’avec les puissances musulmanes du bassinméditerranéen : émirats de la Sicile et de l’Afrique du Nord, califat de Cordoue. Ils s’allient même parfois à ses puissances pourfaire prospérer leur commerce. Naples reste ville de luxe et de plaisir, et dirige l’exploitation agricole de la riche Campanie. Descentres de moindre envergure sont Salerne, Sorrente, Gaète. Amalfi en revanche croît rapidement, et envoie dans toutes lesdirections ses marchands et navigateurs, dans le monde byzantin (dont la cité fait théoriquement toujours partie) et dans le mondemusulman ; elle est dès le 9° siècle le seul centre commercial, depuis le déclin de la Rome impériale, en relation permanente avectoutes les places importantes des deux bassins. Au 11° siècle, elle dépasse probablement Venise dans ses relations avecConstantinople et l’orient musulman ; les amalfitains s’installent, à l’exemple des vénitiens, en colonies nombreuses au Caire et àConstantinople. Ils sont bien vus des califes Fatimides, qu’ils ont aidés (flotte, fournitures navales) à conquérir l’Egypte, mais aussides empereurs byzantins. Ils possèdent leur propres hôtels dans les ports de Syrie et de Palestine ; et alors que Venise estuniquement tournée vers l’orient, Amalfi se tourne aussi vers l’occident musulman. Elle s’est réservée un quartier à Naples, où elleentrepose les produits de luxe qu’elle y réexporte. Mais son centre de redistribution est Rome, visitée par d’innombrables pèlerinsoccidentaux. Cette puissance résulte de la mentalité des chefs de l’aristocratie marchande d’Amalfi. Le milieu dirigeant necomprenait que quelques familles ; la principale d’entre elles dès la deuxième moitié du 11° siècle, au temps de l’apogée d’Amalfi,est la famille des Mauri-Pantaleoni ; elle occupe une place prépondérante dans presque tous les pays où se fait alors le commerceinternational ; ses affaires s’étendent à l’Afrique et la Sicile, où elle vend des étoffes, des toiles et de l’huile, mais elles ont leurcentres principaux sur la côte syro-palestinienne et à Constantinople où résident ses chefs ; la colonie amalfitaine deConstantinople et celle de Naples sont presque aussi importantes numériquement que l’ensemble des familles groupées autour del’escalier de la cathédrale, bien que la population devienne dense dans les villages voisins (Scala, Ravello, Atrani, Maiori, Minori).Nous ne connaissons pas Mauro ni son fils Pantaleone par des documents commerciaux, les livre de compte ayant « disparu », cequi nous empêche de connaître le chiffre de leurs affaires. Mais ce ne sont pas seulement des commerçants puissants ; animateurde la cité d’Amalfi, ils jouent un important rôle diplomatique et politique international ; or Amalfi se situe aux confins des zo,nesd’influence des chrétiens latins, des byzantins et des musulmans, et la cité a déjà pris l’habitude depuis le 9° siècle de commerceravec les uns et les autres. L’apparition des normands en Italie du sud complique simplement un peu la donne : entre l’empired’orient, celui d’occident, les normands et la papauté, ils interviennent à plusieurs reprises en médiateurs et intermédiaires. Maurotient la première place dans la colonie amalfitaine de Constantinople. Son action diplomatique, ainsi que ses services économiqueset financiers lui confèrent de la part de l’empereur byzantin le statut de consul (hypatos) ; à la fin de sa vie, il consacre une part deson immense fortune à la fondation d’institutions pieuses, charitables et hospitalières dans sa petite patrie ; la fonte de portes de

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bronze étant la spécialité des bronziers de Constantinople, il en commande pour le palais archiépiscopal d’Amalfi où elles sont enplace avant 1066, faisant l’admiration de l’abbé du Mont-Cassin, qui en réclame de semblables à Mauro pour son monastère. C’estpeut-être aussi lui qui installe le monastère du Mont-Athos. En tout cas, pour favoriser le commerce des négociants amalfitains enSyrie et aider en même temps les pèlerins de toute la chrétienté qui se rendent aux lieux saints, Mauro créé un hôpital dans lapartie amalfitaine d’Antioche et tout un ensemble d’établissements à Jérusalem. Il obtient du calife Al Moustansir un vaste terraindans le quartier chrétien de la ville ; il restaure l’Eglise et le monastère d’hommes de Santa Maria Latina fondés par Charlemagne,que l’intolérance d’Al Hakem avait ruiné au début du 11° siècle ; il construit un monastère de femmes pour héberger les hommes etles femmes d’Amalfi ; il fonde un hôpital pour pèlerins occidentaux pauvres et malades sans distinction d’origine, dont il confie ladirection à un amalfitain, moine du monastère bénédictin de la Cava, le plus proche d’Amalfi. Cet hôpital fut par la suite le berceaudu puissant ordre de l’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem, devenu celui des chevaliers de Malte. Ce grand monopole charitableexprime la prépondérance de Mauro et des amalfitains dans le commerce méditerranéen, leurs bons rapports avec les califesmusulmans, la richesse de Mauro, sa piété. A la fin de sa vie, pour le rachat de son âme et comme beaucoup de byzantins, Mauroentre dans les ordres, dans un monastère où il meurt en 1071. Son fils Pantaleone, poursuit son « œuvre » ; il s’emploie àempêcher Amalfi de tomber sous le joug des normands et de maintenir la cité dans la sphère byzantine. Il est l’artisan d’unrapprochement entre empereurs d’orient et d’occident contre les normands ; malgré tout, Amalfi tombe aux mains du NormandRobert Guiscard en 1073, sortant ainsi de la sphère byzantine et devenant par là même l’ennemie de l’empire d’orient, de mêmeque Bari en 1071. Pantaleone poursuit malgré tout sa politique, aide à la reconstruction de la basilique de Saint-Paul-hors-les-Mursde Rome et lui fait don de portes de bronze qu’il expédie de Constantinople. Il en, donne d’autres à l’église nouvelle de Saint-Michel au Mont-Gargan en 1076 et au sanctuaire de San Salvatore d’Atrani, bourgade dépendant d’Amalfi. Mais il participe surtoutau grand mouvement d’idées et d’intérêt qui dresse les chrétiens contre les musulmans : lors de l’expédition contre le nid de piratesde Mahdya en Tunisie, prélude des Croisades, les vaisseaux venus de Constantinople se joignent à ceux que les génois et lespisans avaient armés sur commande de Pantaleone (c’était sa flotte personnelle). Malgré tout, les ports de Campanie et desPouilles sont abattus en deux décades par la conquête normande, qui leur ôte l’indépendance de fait dont ils jouissaient dans lecadre de l’empire byzantin. Bari, bien placée sur la route de l’orient, conserve une certaine activité comme port d’embarquementdes pèlerins, puis des Croisés. Par contre Amalfi ne participe pas aux Croisades, qui font en revanche la fortune de Gênes, Pise etVenise, demeurées libres… Mais depuis le 10° siècles, les amalfitains jouissent à Naples, où ils possèdent un quartier, d’unesituation privilégiée, leur flotte assurant une grande partie des relations maritimes de la grande ville. Sous la dominationcentralisatrice de Frédéric 2, les amalfitains de Naples voient s’ouvrir à leurs activités un champ immense. Les monnayeurs royauxfurent choisis parmi eux. La conquête de la Sicile par les angevins leur est également favorable. Naples où réside désormais le roidevient la capitale, avec une cour fastueuse, une société de riches barons, une administration nombreuse et une universitéflorissante : un grand centre de consommation. Les amalfitains se consacrent désormais au ravitaillement de Naples. D’autrescentres d’affaire naissent aussi sur la côte de la mer Tyrrhénienne au nord de l’embouchure du Tibre, d’où les relations maritimessont aisées avec les grandes îles toutes proches de Corse et de Sardaigne, ainsi qu’avec toutes les rives du bassin occidental dela méditerranée. Deux centres y apparaissent au 11° : Pise à l’embouchure de l’Arno, c'est-à-dire du bassin de la riche Toscane ; etGênes, situé dans l’unique passage étroit qui fait communiquer la riche plaine du Pô avec la mer d’occident. L’essor soudain de cescités tient peut-être à la proximité de la Corse et de la Sardaigne d’où partaient les razzias sarrasines, et où peu à peu les pêcheursde Gênes et de Pise et seigneurs locaux s’enhardirent à aller y attaquer « l’infidèle » pour lui reprendre son butin. A ce jeu, Pisedevance d’abord Gênes. Au 11°, la flotte pisane est la plus puissante de la mer Tyrrhénienne et va menacer les sarrasins jusqu’aularge de Bône dès 1034 ; elle aide les normands à conquérir la Sicile en 1072, et joue le r^pole principal dans l’expéditions despuissances chrétiennes coalisées contre le nid de pirate de Mahdya en 1087. Mais dès la fin du 11°, Gênes talonne Pise, à qui elledispute la suprématie sur les grandes îles arrachées à l’Islam ; déjà comme Pise, elle lance des vaisseaux vers l’orient. Urbain IIchoisit la ville pour le soutien naval à l’expédition des français du Midi pour reconquérir les lieux saints, et la première Croisadegénère un essor prodigieux de la cité ; dès 1099, une associations de marchands et de capitalistes s’y forme, la Compagna, dirigéepar quelques chefs élus par l’ensemble des membres et fréquemment renouvelée. Au départ, les capitaux en jeu n’y sont pas trèsimportants. Ce sont des marchands, capitalistes et / ou propriétaires fonciers, et une partie d’entre eux se livrent aux razzias auprétexte de lutte contre « l’infidèle ». A Rome, les principaux hommes d’affaire du temps de Grégoire 7, les Pierleoni, ne sontsurtout, comme leurs ancêtres juifs, que des prêteurs et des changeurs locaux. C’est dans les ateliers italiens, et alors que de trèsnombreuses monnaies circulent en Italie, que l’on frappe les besants et mangons, seules monnaies d’or à cour international.L’essor des ports italiens est soudain et puissant, menant les flottes aux confins du monde connu. Les hommes d’affaires jouentdans tous ces ports un rôle politique de premier ordre : les doges vénitiens du 11° siècle, les consuls de Gênes et de Pise, quiapparaissent dans les ultimes années du 11° siècle, sont les représentants de la haute bourgeoisie commerçante. A Gênes, lacommune naissante n’est que la transposition de la Compagna sur le plan politique et tous les premiers consuls appartiennent auxprincipales familles capitalistes : Della Volta, Embriaco, Spinola. Pour expliquer cet essor soudain et comprendre la provenance deméthodes et techniques commerciales qui semble surgir de nulle part, plusieurs hypothèses sont émises : celle de la continuité, quiveut que ces méthodes sont héritées de l’empire romain, qu’il soit d’orient ou d’occident (l’association en vue du commerce sembledécouler directement du droit romain) ; d’autres ne croient pas à cette théorie de « l’autochtonie », étant donné le « videdocumentaire » entre le 5° et le 10° siècle. Certains pensent au contraire que ces techniques commerciales ont été héritées aucontact des musulmans, dont on sait qu’ils les maîtrisaient déjà intégralement au 10° siècle (nombreuses techniques de banque etde négoce). Et malgré les rivalités, Venise dès le 9° et Pise et Gênes dès le 11° siècle sont au contact des marchands orientaux.De leur côté, les grands commerçants caravaniers de la Mecque tenaient probablement ces méthodes du monde syrien etégyptien, lui même héritier des formules de l’antiquité hellénistique. D’autres encore considère que les arabes d’avant l’Hégireaussi bien que les chrétiens occidentaux ont hérité ces techniques du monde hellénistique via le monde byzantin… Querellesbyzantines ! C’est que l’on connaît bien la pratique des affaires à Constantinople du 6° au 10° siècle, siècles pendant lesquelles lacité s’adonne à un important trafic international, celui des soieries ; cette industrie étaient aux mains de 4 corporations : lesnégocia,nts de soie grège, les filateurs, les tisserands et les revendeurs au détail. Elles luttaient entre elles pour obtenirl’hégémonie sur tout le processus de production et de commercialisation. A ce jeux, ce sont les négociants et les tisserands quiprennent le dessus, leurs principaux membres étant de puissants hommes d’affaires, alors que les autres corporations leurrésistaient surtout par le soutien de l’Etat impérial. A Constantinople entre le 6° et le 10° siècle, des changeurs reçoivent des dépôtsdes particuliers et des négociants, prêtent avec un taux d’intérêt légal de 8% (fixé par Justinien), effectuent des virements decompte à compte, certains ayant plusieurs succursales dans d’autres grandes villes de l’empire (Alexandrie notamment) ; en ce quiconcerne le commerce maritime, ils pratiquent déjà le prêt à la grosse aventure, envoyaient sur mer un esclave ou un affranchiavec un mandat (une mission) de commerce ; les commerçants byzantins s’associaient fréquemment entre eux pour ces courses,et avaie,nt mis en place un système d’assurance mutuelle entre les parties prenantes en cas d’accident.

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12° et 13° siècles – cités italiennes maritimes : la première croisade en 1095 ouvre 150 ans de guerre dans le bassinméditerranéen et d’envoi de chevaliers en « terre sainte » ; les chevaliers français constituent la force dominante de ces croisades,et n’ont pu tenir en orient pendant toute cette période que grâce au concours des ports italiens et de leurs flottes. Ce qui a conduitces ports à accroître de manière spectaculaire leur puissance navale ; leur flotte a été décisive dans la conquête des ports syrienset palestiniens, et Venise, Gênes, Pise ont ainsi reçu un quartier dans la plupart des villes conquises et une portion des campagnesenvironnantes. Ce quartier est de manière générale situé près du port dans les villes maritimes, comprend une ou plusieurs ruescommerçantes et des « fondachi », entrepôts où les commerçants colons de la ville concessionnaires déposent leursmarchandises ; ils y sont chez eux et y jouissent d’une franchise douanière totale ; ils y sont protégés par les princes chrétiens despays conquis ; de cette manière ils entrent en contact avec les commerçants musulmans qui continuent d’apporter vers la côte lesproduits d’Asie centrale et orientale, sans que le contexte de « guerre sainte » et de « djihad » semble poser le moindre problème,si ce n’est peut-être dans la répartition des gains ! Par ailleurs, après Venise au 11° siècle, les aristocraties marchandes de Pise etGênes obtiennent les mêmes privilèges que celle-ci à Constantinople : un quartier à l’intérieur des murs. Elles se disputentmaintenant les privilèges de franchise douanière sur ce site en intervenant dans la vie politique même de l’empire d’Orient. Venise,après avoir soutenu les Comnème qui l’avaient tant favorisée au 11°, et inquiète de la xénophobie qui s’exerce désormais àConstantinople contre sa colonie, s’assure la domination des détroits en poussant les croisés de la 4° croisade à s’emparer de laville en 1204 et à constituer un empire latin dont elle saisit ou contrôle toutes les bases économiques importantes. Gênes, pourchasser sa rivale, se lie avec les Paléologue (1261) et profite de leur triomphe sur les latins pour recevoir dans l’empire grec rétablides privilèges exclusifs, mais de manière très provisoire. Hommes d’affaires pisans, vénitiens et génois bénéficient à Alexandried’une position privilégiée, ainsi qu’à Damiette et au Caire, où ils ont tous leurs établissements. Au cours du 12° siècle, ilsconquièrent une position également privilégiée dans tous les ports de la côte septentrionale de l’Afrique musulmane : Tripoli, Tunis,Bougie, Oran, Ceuta et Salé. Un moment même, s’associant aux princes espagnols dans leur lutte contre l’islam, les pisansprennent les îles Baléares (1113) et les génois Almeria (1146). Toutes ces entreprises militaires ont en fait des conséquenceséconomiques de premier ordre. Cela entraîne un essor subit et considérable de leur commerce à partir du début du 12°. Avec cescolonies permanentes, les villes italiennes maîtrisent désormais un commerce international lui aussi permanent. Ces coloniesconstituent un groupement stable d’Italiens en pays étranger. Chaque ville commerçante à les siennes propres, en sus des grandscentres partagés : les génois à Antioche, Beyrouth, Laodicée, Gibelet ; les vénitiens à Tyr ; les pisans à Jaffa, Ascalon. Ellesvoisinent et rivalisent aussi à Acre. Chacune des colonies dispose de son Eglise, de son four, de son moulin, de ses entrepôts, deson bâtiment administratif. L’évêque de la ville – métropole y nomme des clercs, la commune de la ville métropole y désigne desagents pour la contrôler. Ce sont parfois d’importants hommes d’affaires, comme les Embriaco (qui ont reçu la ferme de laperception des revenus des colonies génoises de Syrie et de Palestine) ; ce sont aussi des fonctionnaires qui reçoivent le titre deconsul ou de scribe (représentant de Gênes à Bougie). Le commerce méditerranéen, dont les hommes d’affaires syriens, orientaux,grecs et juifs tenaient la place depuis longtemps, devient peu à peu le fait exclusif des hommes d’affaires italiens. On peut suivre latransition à Gênes, où l’homme d’affaires syrien Ribaldo di Saraphia et le juif Blancardo, continuateurs de la tradition de l’époqueantérieure, jouent encore un rôle important dans le commerce de la ville au milieu du 12°, puis ‘disparaissent dans le dernier tiersdu siècle, laissant tout le trafic aux hommes d’affaires strictement génois et chrétiens… Les hommes d’affaires italiens finissentmême par servir d’intermédiaires aux hommes d’affaires musulmans de différentes cités maritimes : entre Egypte, Maroc etEspagne musulmane notamment. C’est à peine s’il laissent quelque place aux hommes d’affaires de Marseille et de Barcelone, àcontrecœur. Dans le même temps, les hommes d’affaire pisans, génois, amalfitains et vénitiens commencent à s’aventurer enoccident à la recherche de débouchés, ne rencontrant dans cette société chrétienne domaniale médiévale que peu deconcurrence, sinon les drapiers de Flandres et d’Artois, qui cherchent eux-mêmes à écouler jusqu’à Gênes au 12° leur production.La puissance financière des italiens leur assure la domination commerciale dès qu’ils pénètrent en occident, de la méditerranée àl’écosse. Du coup, les marchands flamands et artésiens cessent de fréquenter Gênes ; les juifs, incapables de lutter contre lapuissance et les privilèges conférée par le soutien des papes et des croisés à leur rivaux, sont réduit rapidement au rôle de petitsprêteurs locaux : papauté et croisés considèrent comme impensable de confier leurs capitaux à des non-chrétiens, dès lors quedes usuriers chrétiens qu’ils sont tout prêts à absoudre se manifestent et proposent leurs services… En revanche, le centre de cevaste empire commercial des hommes d’affaires italiens n’est pas l’Italie, mais plutôt la France, région la plus peuplée du coin, d’oùpartent nombre de croisés, sur l’axe entre méditerranée et mer du nord : en Champagne, où l’habileté politique des comtes saitdévelopper dans 4 villes de leur domaine propre, en les protégeant , des foires : Troyes, Provins, Bar-sur-Aube, Lagny. Ici, leshommes d’affaires italiens sont les maîtres du trafic. Ils se groupent de plus en plus sous des capitaines et des établissementsqu’ils constituent dans les principales villes de foire, lesquels établissements prennent de plus en plus l’allure de colonies. Ilsapportent là des produits importés d’orient par leur correspondants pisans, vénitiens et génois, ainsi que des produits d’Italie, etachètent sur place des produits qu’ils vendent en orient. Le volume de ces échanges ne cesse de croître. Or, la valeur globale desproduits de luxe dépasse rapidement celle de tous les esclaves et des étoffes que propose l’occident. Par ailleurs, la chrétienté, parstratégie et non par principe moral, décide de faire blocus sur l’exportation d’esclaves en orient, pour empêcher les musulmans dereconstituer leurs armées. Ce qui va permettre cependant aux hommes d’affaire italiens de continuer à payer leurs importations,outre le fruit des razzias et la force politique et économique acquises en terre conquise, c’est l’accès aux voies du trafic de l’or enAfrique du nord dès le 12° siècle : ils fréquentent désormais les ports du Maghreb, où ils vendent les produits occidentaux auxcommerçants arabes des ports du maghreb, lesquels revendent ces produits aux caravaniers transsahariens, contre de l’or à vilpris que les caravaniers transsahariens esclavagistes échangent avec les populations du Bambouk (Sénégal – Gambie –Guinée -Mali) contre du sel du désert, du cuivre, du tissu européen, des verroteries italiennes. C’est l’or du Soudan totalement dévalué quipermet aux hommes d’affaire italiens d’équilibrer leur balance commerciale. Parfois des hommes d’affaires – armateurs de bateausont pris capitaine d’un de leur navire, sur lequel sont chargées leurs marchandises. Parfois, une commune désigne un marchandpour diriger le navire qu’elle arme collégialement. Les 2 hommes d’affaires génois Ugo Lercari et Jacopo da Levanto sontconstitués par « Saint Louis » amiraux de la flotte qui porte les croisés de sa première expédition en « terre sainte » ; les deuxhommes se lient entre eux pour deux ans dans une société commerciale. Sur le navire, le capitaine les consulte sur toute décisionnavale d’importance ; les marchands embarqués, à Gênes comme à Venise, ont tout pouvoir pour imposer leur avis au capitaine dunavire, et leur science nautique est souvent adéquate. Il n’y a pas encore alors de véritable distinction entre le marin et l’hommed’affaire. Les grandes familles aristocratiques de Pise, Gênes et Venise fournissent à la fois marchands, armateurs et patrons denavires ; la plupart d’entre eux pourraient porter le nom de la famille génoise, les Uso Di Mare (« ceux qui ont l’habitude de lamer »). A Pise, les riches propriétaires fonciers se font armateurs et satisfont sur le terrain maritime leurs goûts militaires, prennentaux sarrasins la Corse et la Sardaigne, et assurent en 1099, sous la direction de l’archevêque Daimbert, nommé légat pontifical,une grande croisière lors de laquelle ils conquièrent de nombreux ports syriens. Bon nombre de ces armateurs nobles seconsacrent aussi au commerce [ce qui dément la notion de rejet du travail comme valeur essentielle à la dignité aristocratique…] etsont rejoint dans cette entreprise par une foule de non-nobles entreprenants. Leurs organisations corporatives, l’Ordre de la Mer etl’Ordre des Marchands, dominent et dirigent la Commune de Pise pendant tout le 12° et la première moitié du 13°. Les hommes

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d’affaires pisans se rencontrent alors à Naples, Cagliari, Palerme, en Catalogne, en Syrie, à Constantinople, surtout à Alexandrie etTunis, où ils ont une situation très prospère. Le notaire génois Giovanni Scriba nous a légué un registre des actes de la décennie1154-1164, portant les minutes des contrats que des hommes d’affaires génois signaient devant lui. A partir de la premièreCroisade, le petit port de pêcheur de Gênes se tourne intégralement vers le commerce maritime et l'armement de navires ; toutesles classes sociales y participent « à des degrés divers » ; à l’origine du 11° au début du 12°, ce sont surtout des gens qui ontquelque rente féodale, et ont déjà accumulé du numéraire : seigneurs féodaux de la région de Gênes recevant des péages, droitsde douanes, droits de port et de marché ; seigneurs fonciers qui reçoivent des cens en argent ; c’est ainsi toute une série de famillevicomtales, les Embriaco, les Della Volta, les Burone, les Mallone, les Di Castro, qui jouent un rôle prépondérant dans la premièreexpansion génoise. Les Embriaco arment à leur compte certaines flottes génoises qui vont soutenir les croisés français dans laconquête des ports syriens, et obtiennent ainsi que la métropole, Gênes, leur confie l’administration des colonies génoises de Syrieet la perception des revenus de la république de Gênes dans ces colonies… ; cette situation privilégiée dure pendant la plusgrande partie du 12° jusqu’en 1168. Pendant ce temps à Gênes, les Della Volta s’assurent une situation prépondérante : l’und’entre eux avait été dès 1100 consul de la Compagna qui se muait alors en Commune ; dans le deuxième tiers du 12°, leur chef,Inigo della Volta, envoie des associés en Sicile, en Provence, en Afrique du nord, puis en Orient ; il est élu consul en 1146, etconçoit alors une politique expansionniste favorable au grand commerce génois, et organise les expéditions qui s’emparentd’Almeria en 1146 et de Tortosa en 1149. Cette grande politique coûte cher et la Commune s’endette auprès des banquiersplacentins (Plaisance) ; elle écarte donc Inigo della Volta du consulat en 1149, mais il y revient en 1154 ; le développement de laprospérité de la ville permet de mettre de l’ordre à ses finances et de rembourser cette dette extérieure. Sa famille avec 4 autresimportantes de Gênes (Burone, Mallone, Uso Di Mare et Vento), monopolise le commerce avec la Syrie dont les Embriaco tiennentl’autre extrémité. Les Della Volta en tirent des bénéfices considérables… l’un des associés de Inigo Della Volta entre 1156 et 1158est Ansaldo Baïalardo, un homme d’affaire de la place ; en deux ans, Della Volta multiplie une mise de départ de 205 livresgénoises par 400%, alors que Ansaldo Baïalardo réalise 150 livres de profit environ ; cela sur cette seule opération. L’essor de cesfamilles ruine par ailleurs la colonie de levantins installée à Gênes, et qui jouait encore avec les juifs de la place un rôle importantdans le commerce avec l’orient au début du siècle. S’appuyant sur l’autorité accrue de sa famille sur la cité et sur la nomination deson frère Ugo della Volta comme archevêque en 1163, Inigo reprend sa politique d’expansionnisme extérieur : il veut faire entrer laSicile dans la sphère d’influence du commerce génois et signe un traité avec l’Empereur en vue de la conquête de cette île sur leroi normand Guillaume n°1. Mais l’empereur se dérobe au dernier moment en 1164, et de rage Inigo lance la flotte génoise contrela Sardaigne ce qui se solde par un échec. La Commune est une seconde fois ruinée par la mégalomanie de cette faction degrands hommes d’affaires dont Inigo était l’âme : une révolution éclate, suscitée par les ennemis du commerce et par les famillesconcurrentes : Marchio Della Volta, fils d’Inigo, consul lui aussi est assassiné ; un vote du conseil décide d’abattre les tours desDella Volta et de raser leur palais, mettant fin à la domination totale, tant religieuse, politique qu’économique, sur la ville, d’unepartie de l’aristocratie marchande, d’origine seigneuriale et aristocratique. D’autres familles aristocratiques génoises, comme lesmarquis de Gavi et des Avvocato, qui restent à l’écart du mouvement commercial et dont la fortune reste exclusivement foncière ;celles-ci sont peu à peu reléguées au second rang malgré tous les efforts qu’elles font sur le plan politique pour s’opposer à lanouvelle aristocratie marchande. A partir du milieu du 12°, des gens parti d’un capital minime sinon inexistant, parviennent à s’enconstituer un à partir de profits licites ou non tirés de commandes, et deviennent à leur tours bailleurs de fonds d’autrescommandes ; la division des affaires (et des risques) permet ainsi à de petits capitaux de participer aux grandes affaires. Cettevague d’origine modeste commence à s’imposer à la fin du siècle à Gênes. Cependant là aussi certains artisans sont maintenus àl’écart de ce courant d’affaire maritime. Au début du 13°, la cité de Gênes est divisée en deux parti : d’anciennes famillesaristocratiques et des artisans qui investissent tout en bien-fonds et en immeubles urbains, tandis que les autres, membres degrandes familles vicomtales affairistes ou boutiquiers, investissent tout leur capital dans le commerce maritime, clivage qui sembletranscender les classes social pendant un temps. L’homme d’affaire Guglielmo di Castro ne laisse à ses héritiers en 1240 que lamaison qu’il habitait pour immeuble, mais aussi 21 commandes dont le montant total atteignait 1 017 livres 12 sous 4 deniers demonnaie génoise, une créance de 100 besants qu’il avait prêtés, et une autre créance de 23 livres génoises. Sa femme qui héritede ce patrimoine conclut dans les années qui suivent 7 commandes pour 356 livres 13 sous 9 deniers. L’inventaire d’AnsaldoMangiavacca, mort en 1236, révèle qu’il possédait une maison, ½ galère, 1 cheval, 113 livres de monnaie génoise déposées chezle banquier Corrado Calvo, une part dans la compagnie marchande de la cité (Gênes) une part de la nouvelle douane du sel, etplusieurs sommes confiées en commande ; investissant jusqu’à leur mort, les sommes laissées en liquide dans leur testament sontdérisoires, par rapport à leur fortune réelle. Au 13° siècle, alors que les grandes familles aristocratiques continuent leur déclin, deshommes d’affaire « de basse extraction » se font simultanément bailleurs de fonds et associés actifs, comme Giacomo di Bargaglidont le testament révèle qu’il baillait des fonds à 10 associés tandis qu’il était associé actif dans 2 autres. Au cours du 13°, deshommes d’affaire génois trouvent de meilleurs investissements à faire et dévient les commandes de leur destination : ainsi touteune série de génois prêtent à St Louis pendant son séjour en Syrie, de 1250 à 1253, des sommes dont le total connu s’élève à plusde 100 000 livres tournois. Le roi donnait ordre à son Trésor de rembourser la somme prêtée par des mandats qu’il remettait contreces prêts ; la finance se mêlait alors au commerce. Dès 1253, des lettres de changes se multiplient et transitent entre Gênes et sescolonies. Il existe probablement déjà à Gênes vers 1230 un système de compensation des dettes ; cette compensation était enusage depuis le début du siècle chez les banquiers génois, se servant des dépôts (qu’ils rémunèrent avec un intérêt de 10% auretrait sur préavis ! ) pour investir, par des prêts et crédits ou en participations dans des sociétés maritimes et des commandes(dont ils attendaient donc un intérêt supérieur à celui versé en retour aux déposants !). en 1200, ils procèdent déjà à des virementsde compte à compte non seulement chez un même changeur, mais entre changeurs différents, sur simple ordre verbal du débiteur.Gênes fonde son expansion avant tout sur le commerce, innove dans la banque et accroît ainsi sa puissance par les techniques dela finance, mais se livre très peu à l’industrie, si ce n’est à celle de l’armement de navire ; les armateurs sont eux-mêmes deshommes d’affaires, de grands marchands. Chaque navire en construction est divisé en parts ou « loca », qui se comprennentexactement comme une marchandise ; les bénéfices de ces parts étant importants, les moins riches des génois s’unissent àplusieurs pour acheter une part de navire, une loca ; capitaines et matelots s’en voient attribuer une certaine quantité également(non précisé). Par ailleurs, une part des bénéfices de ce commerce maritime vient des activités de piraterie des marins génois(butins saisis sur les navires capturés), et beaucoup de gens investissent dans des navires corsaires. Dans les années 1220,Filippo Magnavacca, à la veille de son départ pour l’orient, reçoit du 20 au 22 septembre 1227 , pas moins de 25 352 livres encommandes, ce qui prouve l’existence d’une riche aristocratie commerçante, dont la fortune est masquée par la fragmentation desaffaires entre associés. Leurs bénéfices sont considérables : 20% d’intérêts moratoires sur les prêts à court terme, 20% sur lesprêts consentis à St Louis en Orient, avec une absolue sécurité de remboursement vu l’identité du débiteur, 100% sur la plupartdes opérations de vente de produits exotiques, 150% sur les campagnes normalement fructueuses des bateaux qu’ils possèdent(la campagne de l’Oliva en 1248 rapporte 157% de bénéfice à ses propriétaires). La mer méditerranée étant passée quasiintégralement sous le joug des chrétiens italiens, les risques de ces investissements sont mineurs. Vers 1250, on constate à Gênesla croissance spectaculaire des hommes d’affaires puissants et la grande richesse d’une très large aristocratie marchande dont

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quelques familles seulement portent encore les grands noms féodaux : à leurs côtés s’installent les Doria, les Cigala, les Lercari.Cependant, ces familles d’hommes d’affaires, qui se disputent le pouvoir sur la cité et ses colonies, finissent par se liguer les unescontre les autres et forment des partis antagonistes ; caractéristique spécifique de l’individualisme génois, né de la piraterie(captures des nefs sarrasines et pillages des ports barbaresques [Maghreb]). L’Etat génois est faible, et plus généralement, l’intérêtcollectif ne surmonte pas l’intérêt individuel. L’Etat n’y est, à juste titre, perçu que comme un moyen supplémentaire de puissanceau service d’intérêts particuliers, mais nul ne semble percevoir que l’intérêt de chacun nécessite, en-deça même de touteconsidération morale ou sociale, un minimum l’accord de tous ! Le climat est différent à Venise : là non plus, pas d’agriculture nid’industrie, une activité intégralement tournée vers le commerce maritime, si ce n’est l’exploitation des salines et la pêche ;d’ailleurs, dès le 11°, la plupart des bien-fonds de la lagune sont vendus à des institutions religieuses ; là aussi les transferts defonds existent tôt, au 12° siècle, préfigurant la lettre de change. Romano Mairano est un bon exemples d’homme d’affaires vénitiendu 12° : il appartient à une famille noble des environs de Venise, qui s’est installée récemment dans la cité des doges ; en 1153,Romano Mairano entreprend des affaires avec les pays de l’empire romain d’orient qu’on appelle alors la Romanie : un premiervoyage (1153-1154) le mène à Halmyros (près de Thessalonique alias Salonique), Constantinople, Sparte, Constantinople ; ilrepart en un second voyage (1155-1164) de Venise pour Constantinople avec une cargaison de bois, s’installe à Constantinople ety organise un fructueux trafic avec Smyrne où il se rend plusieurs fois en 1157 et 1158, puis avec Acre et Alexandrie à partir de1161 ; il ne rentre à Venise qu’en 1164, où il retrouve sa première femme sous sa pierre tombale. Mais il revient riche ; il a acquiscette fortune en s’associant dans des affaires avec des vénitiens lors de son périple. Ensuite, il préfère se procurer des capitauxpar des prêts qu’i lui coûtent 10 à 20% d’intérêts, mais lui laissent l’entier bénéfice de ses opérations, sans associé. Il achète mêmeses propres bateaux, qu’il conduit lui-même à Constantinople, où il se réinstalle dès 1166, et à acre et Alexandrie, par va-et-vient ;en 1168, le doge interdit le commerce avec Constantinople, et Romano Mairano rentre à Venise où il épouse en seconde noce unefemme riche ; appuyé sur ses gains antérieurs et 300 livres de monnaie vénitienne qu’elle lui apporte en dot, entreprend dedévelopper ses affaires, fait construire un navire à trois voiles ; prévoyant [comment ?] la reprise des relations avec Constantinople,il prend à ferme tous les revenus du patriarche de Grado sur la rive vénitienne à Constantinople, ce qui lui donne le monopole despoids et mesures pour tout vénitien à Constantinople ; et il emprunte, grâce à 11 prêts maritimes, la somme considérable de 3 075hyperpères qu’il investit en marchandises. Mais si Constantinople se rouvre au commerce vénitien en 1170, les conditions sontdifficiles : le quartier vénitien est attaqué par les byzantins, et Romano Mairano fait monter sur son bateau une partie de lapopulation vénitienne, et échappant de justesse à la poursuite de la flotte grecque et au feu grégeois, parvient à gagner Acre puisVenise. Il revient à demi-ruiné, dans l’incapacité de rembourser ses prêteurs. Devant l’hostilité durable des grecs, il se tourne alorsvers Alexandrie (pas si ruiné que ça le bougre !), avec Venise comme base d’opérations ; il s’y rend dès 1174, mais ne peutremplacer son bateau, et doit s’associer avec son frère Samuel Mairano de 1175 à 1177 dans des sociétés maritimes enn’apportant qu’un tiers du capital. Mais Romano Mairano fait malgré cela des profits importants de cette façon à Acre, et en 1177,fait construire un bateau neuf, l’envoie à Bougie en 1177, le conduit lui-même à Acre et Alexandrie en 1178, à Alexandrie encore en1180, 1182 et 1184, s’associant à 2 compatriotes successifs. Ces opérations lui permettent d’éponger totalement ses dettes de1170 : il paie la dernière en 1183. On le retrouve à Tyr en 1189 et en 1190 à Constantinople après le rétablissement par l’empereurdes privilèges séculaires des vénitiens. Durant cette dernière décennie, ses profits se sont énormément accrus : à la mort de sa 2°femme en 1191, il se retire et vit jusqu’en 1201 une retraite de propriétaire d’immeubles urbains et de commanditaire ou d’associéde son fils, Giovanni Mairano. Les vénitiens manient pour leurs affaires l’entregent, mais toujours entre vénitiens, et s’occupentpersonnellement de leurs affaires le plus souvent. Un autre homme d’affaire vénitien, Vitale Voltani, installé en Grèce, en Romanie,dans les années 1160, domine le marché de l’huile à Corinthe, Sparte, Thèbes et ravitaille Constantinople. Le doge Rinieri Zenolaisse à sa mort une fortune évaluée à 50 000 « lire di piccioli » et répartie comme suit : 10 000 livres en immeubles, 3 388 livres enmonnaie dans son coffre, 3 761 livres d’objets précieux, 2 264 livres de créances variées, 22 935 livres de créances constituéespar 132 contrats de colleganza, 6 500 livres investies en titres d’emprunts publics. Les placement mobiliers dominent comme àGênes, mais la structure sociale est ici sensiblement différente : Venise est déjà au 12° siècle une ville d’ancienne richesse, et lesfamilles des anciens ducs et tribuns, seigneurs des îles de l’archipel, les Contarini, les Giustiniani, les Candiano, dites « CaseVecchie », jouent depuis au bas mot 400 ans un rôle politique prépondérant tout en se livrant au commerce. L’essor marchandsoudain de la cité au 12° siècle tient totalement aux Croisades ; de nouvelles fortunes vénitiennes apparaissent bien à cetteoccasion, dites « Case Nuove », familles qui à côté de la vieille aristocratie nobiliaire et marchande font figure de nouveaux richeset de parvenus, comme les Mastropiero, nom roturier (râh, quelle infamie !) … Cependant, parmi ces « case nuove » de Venise, unbon nombre de familles de la nouvelle aristocratie marchande, comme les Ziani, réputés être les plus riches de la cuité au 12°siècle (richesse proverbiale), ont commencé à percer dès le 10° ou le 11° siècle. Les participants à des associations capitalistessur une opération à Venise sont nettement moins nombreux qu’à Gênes : on s’associe à deux, trois, guère plus. Ce caractèreéconomique se remarque aussi sur le plan politique et social : ces familles d’hommes d’affaires toutes riches tendent à dominer lacité, brisant toute tentative d’établissement de monarchie, en réduisant progressivement le pouvoir du doge ; mais elles entendentpar contre diriger exclusivement la cité et rendent de plus en plus difficile l’accès des hommes nouveaux aux magistratures et auxconseils. La vie politique, du moins telle qu’elle se manifeste au badaud, est une morne plaine à Venise… Le 12° siècle ne fait qu’yconfirmer et y consacrer une aristocratie affairiste déjà ancienne. Après l’accession des Mastropiero et des Ziani au dogat, bien peude noms nouveaux accèdent à la magistrature suprême. Cela tient en partie à la situation géographique de Venise, cité lacustre quin’a été englobée ni par l’empire carolingien ni par l’empire ottonien et s’est par ailleurs trouvée être l’intermédiaire idéale entreoccident et empire d’orient, dont elle ne dépendait que très théoriquement. La cité observe de tous temps une assez stricteneutralité dans les affaires continentales, dans lesquelles elle évite de s’engager militairement ; ses marchands ne se risquent passur terre, créent des comptoirs dans tous les grands ports et assurent les relations entre eux par mer ; le quart et demie de laRomanie qu’ils s’attribuent en 1204 après l’avoir conquis avec les croisés en est symptomatique : ce ne sont que caps, côtes, îles,ports ; leur empire est aussi fuyant que leur archipel. Les marchands vénitiens attirent les marchands de l’intérieur de l’Italie dansleurs entrepôts, y échangent ce qu’ils ont importés ; c’est ainsi qu’ils organisent pour les allemands le Fondaco dei Tedeschi, sansjamais envisager de s’établir eux-mêmes en Bavière, en Souabe ou en Bohême. Par ailleurs, la situation lacustre de la cité et lesdangers que la cité encourre éveille un esprit collectif absent par exemple de Gênes : pas de complots de famille, d’entreprises oude factions, de bannissement permanent de telle ou telle partie de la population ; des règlements et des institutions d’Etat bienassis, c’est ici l’Etat et non tel ou tel intérêt particulier qui prend l’initiative ; ou plutôt, s’il y a initiative particulière, elle se fait parl’Etat. Ce sont les doges des 10° et 11° siècles qui commandent ainsi les flottes qui vont périodiquement soumettre les villesdalmates, disputer aux normands le passage vital du canal d’Otrante et finalement conquérir Tyr avec les francs de Syrie. Ce sontle doge Dandolo et les consuls qui décident de dévier la 4° croisade sur Zara, puis de les lancer à la conquête de Constantinople,et dans le partage de l’empire grec, c’est la république de Venise et non telle famille de colon vénitiens en son nom propre qui s’enréparti les lambeaux. L’Etat a également le quasi-monopole des constructions navales ; il a créé au 12° siècle un arsenal maritime,accompagnant le vent des croisades ; la République de Venise est armateur et propriétaire des navires qui en sortent, et qui sontmis à la disposition de ses marchands. La navigation est elle-même sous le contrôle de l’Etat : chaque opération maritime se fait

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avec l’accord d’un comité de navigation, qui définit notamment la cargaison (et interdit la « surcharge »), organise les voyages defaçon collective, en convois escortés de navires de guerre, et qui définit la périodicité selon laquelle ces convois parcourent telle outelle route maritime habituelle de la cité. Ces institutions coûtent cher à l’Etat vénitien qui doit souvent emprunter ; mais lescapitalistes, confiant dans cette gestion de la cité, n’hésitent pas à investir en emprunts publics, à commencer par les capitalistesdes vieilles familles qui tiennent l’Etat ! On peut citer aussi l’homme d’affaire Soliman de Salerne, probablement d’originemusulmane (voire toujours musulman, commerçant en terre chrétienne avec des chrétiens, comme des chrétiens commercent enterre musulmane avec des hommes d’affaire musulmans ? Voire un puissant intermédiaire - interprète entre les deux mondes ?] etnaturalisé génois : en 1156, il fait un voyage à Alexandrie ; en 1158, il n’y va pas lui-même mais conclue des contrats decommande avec des hommes d’affaires qui s’y rendent ; en 1159, le voyage est interdit ; il repart en 1160 et ne revient qu’en 1161.

12° et 13° siècles – cités italiennes de l’intérieur : L’essor économique des villes de l’intérieur de l’Italie au 12° découle de celui descités maritimes, qui ont ranimé les échanges internationaux et participé directement aux croisades. Mais tournées essentiellementvers l’activité marchande, les cités maritimes sont à la recherche de marchandises à écoulées, qu’elles ne produisent pas elles-mêmes… se qui va drainer toute une activité économique. Dans les villes de l’intérieur également, cette activité n’a pu être initiéeque par des familles féodales ou bourgeoises, dont les propriétés immobilières urbaines ou rurales drainaient des revenus ennuméraire, premier capital risqué dans les affaires. Le paysage marchand de l’homme d(‘affaire de l’intérieur n’est pas maritime,mais montagneux et forestier. Il vit dans un cadre agricole ; ses échanges se font par voies terrestres ou fluviales ; il y affrontecependant également les risques du pillage. Ces hommes d’affaire de l’intérieur empruntent sans donner de motivation, sanspréciser l’objet de cet emprunt. Les associations sont bien plus longues qu’en milieu maritime. Ils n’hésitent pas à apporter dansces associations tout le capital dont ils disposent. Ce sont des sociétés à capital social énorme, aux nombreux participants,appelées « compagnies ». ce sont des sociétés en nom collectif, qui groupent le plus souvent les membres d’une même famille auxintérêts communs et se connaissant bien, ou parfois les membres de deux ou plusieurs familles qui s’estiment. Cette base familialeimpose souvent leur nom aux compagnies : c’est ordinairement le patronyme de la famille dominante. S’y adjoignent aussi parfoisdes gens extérieurs à la famille mais réputés pour leur connaissance des affaires, et disposant de quelques capitaux. Cescompagnies dépêchent des « correspondants », installés à demeure, sur les places de marchés, de foire, qui facilitent ainsi leursaffaires. Elles s’adressent à une clientèle qu’elles connaissent et lui accordent régulièrement des crédits sur les achats : des dettespeuvent ainsi se constituer entre une compagnie et ses clients sur de longues périodes ; ces clients étant eux-mêmes le plussouvent des intermédiaires, des marchands, pouvaient attendre d’avoir écoulé la marchandise pour rembourser leur dette ; ainsi,des hommes sans fortune mais ayant de l’initiative pouvaient se constituer peu à peu le petit capital qui leur permettrait plus tard defonder )à leur tour une compagnie… ; cette organisation stable et ce système de correspondants sur des places parfois éloignéespermettait par ailleurs aux compagnies de se livrer à l’activité de banque. Ils sont de fait bien plus à l’origine de la banque moderneet de ses techniques que les villes italiennes maritimes. Ils avaient déjà mis en œuvre un système de banque de dépôts efficace, lacompagnie assurant emprunt (dépôt rémunéré avec intérêt fixe, et de courte durée pour limiter les risques), investissement (descapitaux propres et des capitaux déposés, dans des opérations commerciales à forte plus-value) et prêts (à taux d’intérêt plusélevé). Par contre, les compagnies ne demandaient aucune garantie sur la durée des dépôts qu’elles recevaient, ce qui leur faisaitcourir le risque de banqueroute (en cas de retrait massif et soudain des dépôts). Ces compagnies faisaient du commerce avec lesfoires de Champagne où étaient installés leurs correspondants ; ces installations de correspondants permanents leur permettait delimiter les flux de numéraire sur de longue distance et de limiter les transferts de fonds à des mouvements de place en place, parsimple envoi d’une lettre. Aux foires de Champagne même, pour éviter un maniement excessif de numéraire, les dettes et créancesétaient réglées aux derniers jours de la foire, par compensation. Par ailleurs, à côté du grand commerce et de la banque, leshommes d’affaire de l’intérieur s’adonnent à la transformation du seul produit du voisinage dont le besoin universel pouvait assurerla vente au loin s’il était bien travaillé : la laine. Or au 13° siècle, la mode est à la laine alors qu’on abandonne le cuir, peaux demouton et pelleteries jusqu’alors en usage. Quand en Lombardie, l’espace réservé à l’agriculture limita celui du pacage, donc de lalaine, ils importèrent des futaines de coton d’orient et d’Italie du sud, dont ils firent l’industrie textile, dans la plupart des marchés.Cette industrie textile put se développer par l’exploitation massive des populations nombreuses des campagnes italiennes, etd’esclaves importés. L’homme d’affaire négociant est avant la lettre un « fabricant de textile » dans le sens lyonnais du terme : ilvend la matière première et rachète le produit à une classe artisanale domestique et morcelée, à chaque stade de la production.Les villes de l’intérieur réalisent ainsi la triade industrie – banque – négoce (ou grand commerce) ; cependant c’est là une vuesynthétique : l’équilibre de ces activités diffèrent d’une cité à l’autre. Dans les petits centres piémontais et lombards d’Asti, Chieri,Novare, la banque domine à l’exclusion de l’industrie ; la position de ces cités donne en effet à leurs habitants une connaissancespéciale des passages des Alpes, ce qui leur permet de contrôler, comme intermédiaires commerciaux, les échanges d’une partentre l’Italie du nord et Gênes et de l’Italie avec les foires de Champagne d’autre part. Ils sont concurrencés par les toscans,longtemps confondus ensemble avec eux sous le nom de « lombards » en france et en Grande-Bretagne, hommes d’affairestoscans qui jouissent d’une importante activité industrielle. A la fin du 13°, les astésans (Asti), comme de leur côté le faisaient lescahorsins, leur véritables homologues, abandonnent la plupart de leurs activités de grand commerce et de banque pour seconsacrer presque exclusivement au change et au prêt. Beaucoup d’entre eux s’établissent alors comme banquiers locaux etprêteurs sur gages et sur hypothèques dans les régions de l’ancienne Lotharingie qu’ils traversaient constamment : Piémont,Savoie, Franche-Comté, duché de Bourgogne, Pays-Bas. Nombreuses sont les petites villes de cette voie commerciale majeure oùest établi un comptoir d’astésans, une « casana ». la situation de Plaisance présente à peu près les mêmes caractères que cespetites cités de Lombardie occidentale, mais sa position sur le Pô, au point extrême de la remontée des navires chargés àl’embouchure et à celui où la via Francigena (la route de france à Rome) traverse le fleuve, lui donne une importance particulière.Une foire s’y était développée dès l’an 1000. Et les capitaux amassés par les hommes d’affaires de la cité dans ce commerce ontpermit aux plus puissants familles placentines de se tourner vers de plus importantes affaires, lorsque les croisades viennentéveiller depuis Gênes un vif mouvement économique dans cette partie de la Lombardie. Comme les astésans, les placentins ne sesoucient guère d’industrie : ils se font commerçants, prêteurs et banquiers, en liaison étroite avec Gênes, où les placentins ontétabli une importante colonie dès le 12° ; cette colonie génoise s’accroît des exilés que les convulsions politiques jettent hors dePlaisance. Cette colonie placentine disposait à Gênes d’une loggia près du marché St Georges et des consuls. Les génois restantobstinément tournés vers la mer, les placentins de Gênes assurent son commerce terrestre lorsqu’au 12° siècle les flamandscessent d’apporter jusqu’à Gênes les produits de leur industrie. Les placentins vont dès lors acheter draps, laine et toiles aux foiresde Champagne et les revendent à Gênes, et en moins grande quantité dans toute la Lombardie. De 1244 à 1260, la moitié destransactions de cette sorte conclues à Gênes le sont par leurs soins. Ils avaient acquis aux foire de Champagne une place trèsimportante dans la première moitié du 13°. Une rue de Bar-Sur-Aube porte encore le nom de leur plus importante compagnie, cellede la famille Anguissola (les « Angoissolles » en france). Ces compagnies placentines sont surtout désignées par le nom de leurchef, comme la compagnie de Bernardo Scotto, ou celle de Guglielmo Leccacorvi. Une importante colonie placentine estégalement établie à Marseille avec une activité parallèle à celle de Gênes. Ce rôle d’intermédiaires commerciaux entre les grands

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centres d’échange, de négoce, conduit aussi les compagnies placentines à jouer le rôle d’intermédiaires financiers. Ils en ont lesmoyens, et la relative incompétence en la matière des génois, par trop nombrilistes et divisés, leur laisse le champ libre : dès lemilieu du 12°, les compagnies placentines se sont assuré le contrôle de la banque génoise ; en 1254, 3 placentins s’unissent à ungénois pour affermer la monnaie de Gênes. Au milieu du 13°, la puissance de ces compagnies placentines se manifestent par leservice rendu aux génois créanciers de St Louis lors de la 7° croisade. St Louis remettait en Syrie aux hommes d’affaire génois quile ravitaillaient, des mandats de paiement payables par son Trésor à Paris. Les génois portaient ou envoyaient ces mandats àGênes à leurs associés locaux, lesquels les remettaient à une compagnie placentine, laquelle transmettait le mandat à un de sesreprésentants en Champagne, qui en assurait le paiement à Paris. Après un délai pendant lequel la compagnie placentine disposedes fonds encaissés, ils sont rendu aux génois directement à Gênes sans besoin de transfert de fond numéraire de Paris. Dans uncas particulier où la Compagnie placentine des Sordi se montra exceptionnellement confiante, 2 membres de la grande famillegénoise des Lercari, qui lui remirent un mandat de St Louis payable à Paris, reçurent de la compagnie aussitôt une sommeéquivalente au montant du mandat, en partie versée en espèce, en partie portée à leur compte en banque. La somme versée enespèce devait par contrat être rendue aux Sordi si le mandat revenait sans avoir été payé ; c’est le plus ancien exempled’escompte connu (1253). Les fréquents voyages à Paris des correspondants placentins de champagne pour le recouvrement auxassociés conduit à l’établissement à demeure dans la capitale capétienne de certain placentins, dans les quartiers Saint Jacques etSaint Merry, et surtout dans la rue de la Buffeterie qui n’a pas encore pris le nom de « rue des Lombards ». On trouve parmi eux lesreprésentants des principales compagnies de Plaisance, les Capponi (« Chapons »), les Borrini (« Bourrins »), les Scotti(« Escots »), etc. Ils tiennent dès lors à Paris la première place dans le commerce qui s’y implante peu à peu dès la fin du 13°, aumoment même où Plaisance décline ; les rôles de la taille révèlent que les marchands de Plaisance payaient le tiers ou le quart dutotal des cotes exigées des marchands italiens. Le plus imposé d’entre eux, Gandolfo Degli Arcelli (« Gandoufle d’Arcelles ») est lepersonnage le plus riche de Paris à la fin du 13° : il était le directeur de la « Compagnie des Bourrins » (c'est-à-dire des Borrini) ; lacompagnie des Borrini avait des intérêts et des succursales à Marseille, Nîmes, Bruges et aux Foires de Champagne, mais sembleavoir transféré, en cette période de déclin de Plaisance, son siège social à Paris. Gandoufle d’Arcelles possédait la plus grandepartie du capital de la Compagnie des Bourrins : sa part s’élevait à une somme énorme oscillant autour de 70 000 livres. Elles’accroissait constamment, car il investissait ses bénéfices dans la compagnie à chaque renouvellement de celle-ci. Les bénéficesprovenaient d’activités multiples, mais surtout du change (manuel ou tiré) et de la banque. Gandoufle d’Arcelles était réputé pourprêter à toutes les classes de la société, artisans, bourgeois, nobles ruraux, grands seigneurs laïques et ecclésiastiques, auxprinces comme Robert D’Artois, aux communautés urbaines, aux officiers royaux, et au roi lui-même. Fixé à Paris sans esprit deretour, il y avait acquis des immeubles en ville et des bien-fonds dans les environs, comme tous les bourgeois de Paris. Lorsqu’ilmeurt en 1300 il demande par son testament, outre quelques restitutions per le salut de son âme, d’être enterré à l’Eglise St Merryoù une messe sera dite pour lui chaque jour. Après sa mort, la Compagnie des Bourrins périclite ! L’activité générale des siennois(Sienne) est proche de celle des placentins : dès le début du 13° les compagnies siennoises qui groupent richissimes nobles etnon-nobles (gros bourges) pratiquent le grand commerce avec les foires de Champagne où elles entretiennent des représentationspermanentes pour le négoce ; mais leur présence régulière aux foires les amène à y jouer le rôle de succursales fixes de leurscompagnies : elle permet à celles-ci d’entreprendre des opérations bancaires parallèlement à leurs opérations commerciales. Lescompagnies siennoises prêtent des fonds sur place, mais en prêtent aussi remboursables aux foires de Champagne. Cesopérations qui impliquent une conversion monétaire sont donc en même temps des opérations de change. Et de fait lescompagnies siennoises achètent et vendent à Sienne des monnaies françaises, des provinois à remettre en foire. Cette expérienceen matière bancaire permet aux compagnies siennoises d’aider l’Eglise à recouvrer les fonds qui lui étaient « dus » dans lesrégions de la chrétienté voisines des foires de Champagne ou en relation avec elles et à les transférer à la résidence du saint siègetoute proche de Sienne : Viterbe, Orvieto, Rieti ou même Rome. Peut-être est-ce même précisément la proximité de Sienne parrapport à Rome et sa situation sur la route vers france et Allemagne qui ont suscité, à partir du maniement des fonds apostoliquesou de prêts aux prélats de la Curie, cette compétence bancaire de Sienne, qui s’affirmera ensuite aux foires de Champagne…Même lorsqu’il s’agit d’opérations de prêt ou de change faites avec l’Eglise, qui vient en 1227 au Concile de Trêves de renouvelerla prohibition canonique de l’intérêt (usure), une rémunération du banquier est prévu par le saint-siège : c’était un intérêt, maispudiquement masqué dans la différence entre la somme stipulée sur le contrat et la somme réellement versée, ou dans le taux dechange s’il s’agissait d’espèces différentes… ! Ces diverses opérations commerciales et financières rapportaient d’importantsbénéfices aux compagnies siennoises : Salimbene Salimbeni, membre d’une de ces compagnies, fait don à « sa patrie » en 1260alors en guerre avec Florence, de la somme de 118 000 livres, et promet d’en verser bientôt autant… ! Dans d’autres centres del’intérieur, les hommes d’affaires ajoutent à leurs activités bancaires l’industrie et le commerce ; c’est le cas notamment desflorentins et des milanais. Les uns comme les autres développent une importante industrie textile lainière, extrêmement active.Milan est située à un carrefour stratégique de routes entre Venise et Gênes et les cols alpins qui conduisent en Allemagne et enfrance : elle constitue ainsi une plaque tournante du négoce et redistribue vers l’un ou l’autre port les produits reçus du nord et del’ouest, comme vers les pays transalpins les denrées exotiques génoises et vénitiennes. Les hommes d’affaire milanaisdéveloppent ainsi de substantiels bénéfices : dès le début du 11° les negociatores milanais achètent en grand nombre des bien-fonds aux alentours de la ville ; la richesse considérable de Milan explique la résistance qu’elle a put opposer aux empereurs au12° : lors du premier siège que Frédéric Barberousse devant la ville, la bourgeoisie consacre plus de 60 000 marcs d’argent pourassurer sa défense et payer l’amende imposée après la capitulation. Mais les milanais ne semblent pas s’être adonnés à la banqueà grande échelle. A florence au contraire fleurissent simultanément industrie, négoce et banque, qui y sont déjà bien établis lors deson essor au 13° siècle, qui suit de près celui de Sienne ; les méthodes des compagnies y sont les mêmes : compagniespuissantes entretenant des représentations permanentes dans les foires de Champagne, acceptant dépôts, prêts, change,transferts de fonds. Mais à la différence des siennois, les florentins investissent une grande partie de leurs capitaux dans lacréation d’une industrie textile, dans laquelle elle exploite l’abondante main-d’œuvre serve locale cette industrie se met à travaillerles laines importées de Grande-Bretagne par les foires de Champagne et de Berbérie et de Sardaigne par Gênes et Pise : elle entisse les étoffes que les hommes d’affaires byzantins, macros de cette industrie, revendent e, et hors d’Italie. Cette puissantedraperie assure à l’aristocratie marchande florentine un important courant d’exportations en compensation des matières premièresimportées. L’économie florentine est beaucoup mieux assise que celle de Sienne, et lorsqu’elles seront mises en concurrence à lafin du 13°, les hommes d’affaires florentins l’emporteront sur les siennois. D’une manière générale, dans les compagnies les moinsimportantes de ces cités de l’intérieur, dans les compagnies qui ont peu d’associés, les associés doivent se déplacer davantage, telle placentin Muzzo Calderaro que l’on trouve à Lagny en 1246, à Marseille, importante destination également, en 1248, à Paris en1253, comme son compatriote Rogerio de Rogeri qui partage son temps entre Paris et Gênes.

12-13° - culture et hommes d’affaires italiens : Le marchand Bernardone d’Assise appel son fils Francesco (St François d’Assise)parce qu’il est né pendant qu’il se trouvait en France. Une nouvelle classe de bourgeoisie d’affaire se développe, comme à Gênes,muant la Compagna en Commune, et supplantant par là peu à peu les féodaux qui régnaient jusqu’alors sur les lieux, réduisant

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ceux-ci à l’impuissance. Ils font venir à la ville les populations rurales pour y faire s’y développer les métiers. Ils édifient des écolesdestinées à leurs enfants, où ceux-ci apprendront le négoce et la finance, la comptabilité et la finance (introduisant le zéro arabe).Au tout début du 13°, le pisan Leonardo Fibonacci, dont le père tenait la ferme de la douane pour la république de Pise ; LeonardoFibonacci y découvre la mode du calcul à l’indienne. En 1202 il introduit les chiffres arabes et le zéro dans les méthodescomptables occidentales. Puis il s’intéresse à la géométrie arabe, qu’il introduit également en occident. Gênes est le cœur de ladiffusion de la poésie provençale en Italie, et nombre de membres de grandes familles marchandes italiennes glosent et rimaillenten provençal ; des poètes et enfants d’hommes d’affaires génois comme Luca Grimaldi, Giacomo Grillo, Simone Diora, PercevalDiora, firent tous aussi des carrières politiques de podestats. Calega Panzano, auteur de poésie gibeline contre Charles d’Anjou,ainsi que Lucchetto Gattilusio sont aussi des hommes d’affaire génois. A Venise, l’homme d’affaire Bartolomeo Zorzi écrit enprovençal des poésie ; fait prisonnier par les génois, il répond de sa prison à un sirvente antivénitien du génois Bonifazio Calvo, enutilisant les mêmes strophes et les mêmes rimes. Le pisan Fibonacci, le génois Panzano et le vénitien Zorzi sont révélateurs d’unetendance qui s’affirme, vers la science et la culture de leur milieu, le raffinement et la passion affective ou politique, et vers uneculture laïque.

Dernier tiers du 13° - 14° siècle - généralités : cette époque est un moment essentiel de l’histoire économique de l’occident. Cebouleversement s’opère dans les années 1250-1280 ; après le retour de St Louis d’orient en 1254 et son échec de 1270 et sa mortà Tunis, aucun prince chrétien n’organise plus d’expédition en orient. Grégoire 10 ne parvient pas à convaincre de poursuivre lescroisades sous son pontificat (1272-1276). Les princes chrétiens sont désormais surtout occupés à leurs querelles, àl’accroissement de leur domaine. L’idée de Croisade elle-même est dénigrée par l’usage qui en a été fait contre les mouvementreligieux considérés comme hérétiques. Les papes accordent de plus en plus de temps à l’administration de l’Eglise. Les latinsd’orient doivent ainsi abandonner les restes des dominations politiques qu’ils avaient édifiées. L’empire latin d’Orient disparaît en1261 avec la prise de Constantinople par Michel 8 Paléologue ; Saint-Jean-D’Acre, dernière place tenue en terre asiatique, capituleen 1291 devant le sultan d’Egypte. L’économie italienne perd ainsi une part de son activité, celle constituée par le soutien auxcroisés. Mais un siècle et demi de rapports étroits avec les hommes d’affaires byzantins et musulmans montre aux uns et auxautres l’intérêt de ne pas tenir compte de la situation politique et militaire, et de poursuivre leurs échanges. Les républiquesmaritimes concluent des traités avec les princes musulmans et n’hésitent plus à leur envoyer de lourdes cargaisons de matérielmilitaire. Depuis 1204, la mer noire leur est ouverte, et leurs galères qui se substituent de plus en plus aux voiliers continuent defréquenter les ports byzantins et musulmans de Caffa à Alexandrie. Simplement ils s’arrêtent plus volontiers et plus souvent dansl’île de Chypre, dernière terre d’orient qui reste aux mains des latins. C’est même à partir de cette période que les italiens essaientde se procurer directement, sans passer par des intermédiaires musulmans, les produits de l’Asie centrale et de l’Extrême-Orient(« les Indes ») ; cet effort est lié à l’installation vers 1250, aux bords de la mer noire, des mongols, plus ouverts que les autochtonesCoumans à des formes de commerce international ; les établissements vénitiens et génois (depuis le traité de Nymphée) de la mernoire trouvent là l’occasion de leur essor, au contact de ces conquérants mongols jugés tolérants, ouverts et curieux, et dontl’empire s’étend des Carpates à l’océan pacifique, et dont l’idée de « paix mongole » favorise le commerce. Par ailleurs, la luttemilitaire et religieuse des chrétiens contre les musulmans les attirent vers l’orient lointain, désireux de trouver en ces mongols desalliers sur le flanc oriental des musulmans : les papes et St Louis envoient des ambassadeurs aux Khans dans les pays jusqu’alorsinconnus d’Asie centrale : Simon de Saint-Quentin y pénètre en 1240, Giovanni da Pian del Carpine visite les bords de la Volga etde la Tartarie en 1245, Guillaume de Rubrouck gagne Karakorum en 1254. Et sur le chemin direct vers l’Extrême-Orient ainsiouvert par des moines mendiants, des hommes d’affaire alléchés et renseignés par leur récits et par les récits des mongols seprécipitent, à partir de la Crimée : en 1261, les hommes d’affaires vénitiens Niccolo et Matteo Polo gagnent la cour du Grand khanau nord de Pékin et restent 8 ans en Asie centrale et orientale. Ils seront suivis par le fils de Matteo, Marco Polo, qui pousse jusqu’àla mer de chine, la péninsule de Malacca et les îles de la Sonde de 1271 à 1295, alors que les hommes d’affaire génois BenedettoVivaldi et Percivalle Stancone s’établissent aux Indes, et qu’une flottille génoise explore le golfe persique. Dans les mêmes années,d’autres hommes d’affaires italiens étendent les voies commerciales vers l’occident : les génois franchissent le détroit de Gibraltaret fréquentent Cadix, Séville, Salé. Les frères affairistes Vivaldi et Teodisio Doria tentent en 1290 de suivre la côte de l’Afrique avecpeut-être l’intention d’en faire le tour vers les Indes, mais ils disparaissent en mer. De nouveaux types de vaisseaux permettent enrevanche de résister aux tempêtes de l’Atlantique et de longer les côtes occidentales de l’Europe ; en 1277, la « nave » deNicolozzo Spinola gagne ainsi la Flandre par l’atlantique et la manche. En 1278, une autre se rend en Angleterre par le mêmechemin. D’autres les y avaient peut-être précédées dont nous ne gardons pas la trace. Cette navigation par l’atlantique quipermettait d’éviter ruptures de charge et péages s’intensifie rapidement. A partir de 1298, une ligne régulière est établie entreGênes, la Flandre et l’Angleterre , les portulans de l’homme d’affaire génois Pietro Visconte figurent dès 1311 et sans doute avantles côtes atlantiques de Gibraltar à Berwick en Ecosse. Dans la 2° décennie du 14°, Venise établit une ligne parallèle etconcurrente de galères : à la fin du siècle les hommes d’affaires vénitiens Niccolo et Antonio Zeno atteignent les Far-Oër (îlesFéroé), l’Islande et le Groenland. Parallèlement, une route plus courte de l’Italie aux Flandres en passant par la Champagne estouverte vers 1237, en passant par le massif du Saint Gothard pour gagner directement de Milan la vallée du Rhin. La zonecommerciale de la mer du nord est désormais plus directement reliée à la zone commerciale italienne ; les hommes d’affairesflamands cessent d’apporter leur production à Gênes et les hommes d’affaires italiens, génois, florentins, lucquois, siennois,milanais et surtout placentins contrôlent tout le trafic et deviennent les seuls courtiers entre Gênes, Florence, Milan, et les foires deChampagne ; de la même manière se sont des hommes d’affaires italiens génois, vénitiens qui installent de riches colonies sur lesrives de la mer Noire et visitent les marchés de l’Asie centrale. Le monde commercial se trouve ainsi décuplé en 50 ans, sousmonopole italien. C’est sous l’impact de cette expansion que Paris, jusqu’alors modeste capitale à proximité des foires deChampagne, devient sous les règnes de Louis 9 et Philippe 3 un des marchés les plus fréquentés : la cour et les services du roi ysont installés à demeure, l’université devient la plus fréquentée de la chrétienté ; les hommes d’affaires italiens s’y installent enmasse ; au même moment Charles d’Anjou fait de Naples une autre capitale. Au début du 14°, avec l’installation de la papauté,Avignon devient un des grands centres urbains les plus riches de l’occident. Londres et Bruges se développent parallèlement. Peuà peu les grandes villes vont supplanter les foires comme centres d’affaires internationaux comme l’avait pressenti Chrétien deTroyes un siècle plus tôt ; elles constituent effectivement des foires permanentes, dont les conditions d’affaires sont nettement plusintéressantes. Dans ce mouvement, les villes italiennes ne suivent pas les mêmes voies : Gênes et Pise d’une part, Sienne etFlorence d’autre part, étaient trop proches pour ne pas générer une violente concurrence entre leurs aristocraties marchandes. Lalutte se dénoue à partir de 1250 avec la victoire de Gênes et de Florence, qui avaient su l’une et l’autre appuyer leur essor sur lafrappe de monnaies d’or de bon aloi et de valeur fixe, qui supplantèrent rapidement sur les marchés internationaux les hyperpèresbyzantins dont la dévaluation entraînait le discrédit depuis le 12°, et les mangons arabes. Le génois d’or et le florin de Florence,portant la fleur de lys comme emblème de la cité, apparaissent en 1252, frappés avec un or rapporté d’Afrique par desexplorateurs… ils deviennent bientôt les étalons monétaires du trafic international. D’autres grands centres les imitent et frappentleur monnaie un peu plus tard, comme Milan et ses ambrosini et Venise et ses sequins ou ducats à partir de 1284 ; les cités

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italiennes qui n’ont pas su les suivre sentent le poids de leur concurrence : Plaisance décline à partir de 1260 face à l’essor deMilan. A cela s’ajoutent les évènements politiques : les échecs successifs des Hohenstaufen, la mort de Frédéric 2 (1250), la mortde Conradin (1268) défavorisent les villes de tendance majoritairement gibeline que sont Pise et Sienne. Les deux duels entreGênes et Pise d’une part, Sienne et Florence d’autre part se terminent l’une part une guerre maritime et l’autre par une rivalitééconomique. La flotte pisane est anéantie par celle de Gênes en 1284 à la Meloria, et Gênes est désormais seule maîtresse de lamer Tyrrhénienne. L’économie siennoise, basée strictement sur l’usure, contrairement à celle de Florence qui a développé uneindustrie, est ébranlée par la chute de Pise, alliée politique de Sienne et son seul poumon maritime. La faillite de la plus puissantede ses compagnies bancaires, la Grande Table des Bonsignori, qui était la plus grande entreprise bancaire du 13°, marque ledéclin définitif de la cité en 1298. la prépondérance politique et économique en Toscane est ainsi assurée à Florence. Après Amalfiont succombé Pise, Plaisance et Sienne. 4 cités géantes font le vide autour d’elles : Venise et Gênes sur le littoral, Milan etFlorence à l’intérieur. Ce sont les villes aux monnaies d’or ; mais seules deux d’entre elles subsisteront : le florin et le ducat. Dansces cités, la haute bourgeoisie, devenue une aristocratie marchande, domine les communes, à Milan dès 1225, à Bologne dès1230, à Sienne peu après 1240, à Florence en 1250. Ce sont les hommes d’affaire qui dirigent la vie de leurs cités ; cependant,dans l’Italie du nord, l’établissement de domination personnelles, de seigneuries, retirent le pouvoir des communes aux aristocratiemarchande à peu près partout au 14°, notamment à Milan. Mais des hommes d’affaires parviennent à y réaliser des seigneuries àleur profits, comme Alberto Scotto, seigneur de Plaisance de 1290 à 1318, dont la domination préfigure un siècle ç l’avancel’émergence des grandes principautés politiques édifiées par des hommes d’affaires. Mais partout où se maintient le régimecommunal, les bourgeoisies affairistes dominent. La conquête de l’Italie du sud par Charles d’Anjou en 1265-1268 est unévènement majeur de la période. Manfred, fils du roi Frédéric 2, continue à gouverner le royaume de Sicile au nom de son frèreConrad 4, puis au sien propre, depuis la mort de Frédéric 2 en 1250. les papes suzerains du royaume entendent l’inféoder à unprince qui ne fut par leur ennemi né. Mais il fallait pour cela que le vassal qu’ils investiraient conquière par la force le royaume desHohenstaufen. Dès lors toute l’Italie se partage en 2 camps, celui du Pape et celui des Hohenstaufen, les guelfes (pro-pape) et lesgibelins (Pro-Hohenstaufen) ; en Toscane, les gibelins dominent la commune de Sienne et prennent l’avantage après la victoire dessiennois sur les florentins en 1261 ; les gibelins s’installent à Florence d’où sont bannis les guelfes. La papauté est frappée parcette victoire à la fois politiquement et financièrement, car jusqu’alors la papauté s’appuyait sur les compagnies siennoises etflorentines pour obtenir des prêts et des avances, se faire transférer des fonds et des impôts de toute la chrétienté ; par ailleurs, lanouvelle zone d’influence gibeline se rapproche ainsi des résidences de la papauté comme Viterbe. Urbain 4, pape originaire deChampagne, conscient de la fragilité des compagnies mercantiles toscanes, condamne dans une bulle Sienne et Florencegibelines qui soutiennent Manfred, décrète le séquestre et la saisie des biens des marchands siennois et florentins qui suivraient lapolitique gibeline de leur commune et ne ferait pas leur soumission individuelle au Saint-Siège. c’est ainsi que tout le commerceinternational des hommes d’affaires siennois et florentins se trouve menacé. Certains cherchant à conserver leur clientèlepontificale et ecclésiastique, et d’autres redoutant la saisie de leurs marchandises par tous les princes chrétiens préfèrent l’exil çàla ruine et se réfugient avec leurs familles dans d’autres localités de Toscane et au voisinage ou même à l’intérieur des Etatspontificaux, pour continuer leur activité économique. Il y avait parmi eux bien plus de florentins que de siennois, car la traditionguelfe était plus solidement établie à Florence avant l’occupation siennoise, la commune ayant été dirigée par les guelfes de 1250à 1261. Charles d’Anjou se met définitivement d’accord avec le pape et reçoit en 1263 la collation et l’investiture du royaume deSicile. Clément 4 s’adresse alors directement à ces hommes d’affaires exilés toscans pour organiser financièrement l’expéditioncontre Manfred. Le pape a le soutien de Louis 9 en france, et un impôt spécial est prélevé sur tous les bénéfices ecclésiastiques duroyaume de france à cet effet. L’avance en attendant le versement de cet impôt à la papauté est assurée par les exilés toscans. Ilfallait pour cela rapatrier des fonds, et les hommes d’affaires toscans guelfes devaient pour cela faire traverser à ces fonds uneItalie troublée par les guerres entre guelfes et gibelins, et les soldats de Charles d’Anjou qui pillaient sur terre comme sur mer, sansdistinguer guelfes ou gibelins. Les hommes d’affaires guelfes soutenant cette grande opération militaires courraient tous les risquesen cas de défaite de la papauté et de victoire gibeline tant en Sicile que dans toute l’Italie. Ils avaient pour cela l’exemple d‘Edouardd’Angleterre, prédécesseur de Charles d’Anjou à la candidature au trône de Sicile, qui n’avait jamais remboursé ses créanciers…Les hommes d’affaires siennois et florentins guelfes exilés avancèrent néanmoins à la papauté 250 000 livres tournois ; enéchange, il leur était promis de fantastiques intérêts sur leurs prêts et un taux de change avantageux en cas de victoire, lapromesse de pouvoir participer à l’exploitation économique et financière du royaume de Sicile, Eldorado du siècle, et la possibilitéde retourner à Florence et Sienne et d’y prendre les commandes de partis guelfes rétablis. Charles d’Anjou et la chevaleriefrançaise sont vainqueurs à Bénévent puis à Tagliacozzo, et cette victoire ouvre l’Italie du sud aux hommes d’affaires guelfesflorentins et siennois. L’expansion commerciale initiée à partir de 1275 s’essouffle vers 1330-1340, le monde extrême-oriental etoriental se refermant aux hommes d’affaires chrétiens, avec la mort du dernier khan Hulagu ; les Ming chassent les mongols dePékin en 1368, et reviennent à une politique d’intolérance religieuse à l’égard de l’impérialisme chrétien, qui est exterminé enChine ; de leur côté, les mongols de la Horde d’or se sont convertis à l’Islam au début du 14°, et menacent les établissementsgénois et vénitiens des bords de la mer Noire, dont ils avaient d’abord favorisé l’essor. En 1343, les mongols de Djanibekanéantissent la colonie vénitienne de Tana sur l’estuaire du Don, puis ils assiègent Caffa. Venise et Gênes s’engagent dans uneguerre sans merci pour le contrôle du commerce dans la méditerranée qui sera pour elles coûteuse et sans effet ; la france etl’Angleterre entrent dans un conflit permanent et les deux royaume s’appauvrissent, alors que le sol français n’offre plus la sécuritépropice à la prospérité économique et financière ; les foires de Champagne perdent toute importance pendant la guerre de 100ans. La Peste Noire introduite en Europe en 1348 fait périr une fraction importante de la population européenne (15 à 50% selonles régions…), restreignant l’exploitation esclavagiste et servile et la consommation. Au début du 14° s’ouvre le conflit entrehommes d’affaires de Florence, dit « guerre des noirs et des blancs ». Florence connaît une grave crise qui voit s’effondrer sesentreprises de 1342 à 1346. Une ébauche de révolution sociale ébranle toutes les cités d’importance en occident dans les années1378-1382. Pourtant, les affaires ne reculent pas, tout au plus stagnent-elles. Des voies commerciales nouvelles s’ouvrent enEurope centrale pendant que d’autres se ferment en orient. Vénitiens et florentins vont prospecter des mines de sel et de métauxprécieux de Pologne et de Hongrie, en organisant l’exploitation qui apporte l’or indispensable à la frappe de leurs monnaies. Lescompagnies vénitiennes et florentines prennent ainsi en main toute l’économie de ces pays. Le trafic commercial vers la France etl’Angleterre ne se tarit pas : les cours, les rois, les nouveaux officiers royaux et la noblesse trouvent dans le développement de lafiscalité imposée parallèlement à la guerre l’occasion d’un enrichissement qui se traduit par la recherche du luxe. Les relationsmaritimes et terrestres entre la Flandre et l’Italie ne sont pas interrompues par la guerre. Simplement, les routes terrestres sontdéviées et passent désormais plus à l’est, quittant la route de Champagne au profit de la vallée du Rhin, la transversaleStrasbourg-Luxembourg et la vallée de la Meuse. Et en Flandre, à Bruges notamment, les hommes d’affaires italiens rencontrentde plus en plus fréquemment les hommes d’affaires de la Hanse, et la relations des uns avec les autres ne fait que s’accroître aucours du siècle. La Hanse atteint son apogée vers 1360, au moment même où les difficultés sont plus importantes dans le reste dela chrétienté. Les réseaux s’étendent aussi vers une Europe orientale et septentrionale s’éveillant à la vie économique, comme àCracovie et Budapest.

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Dernier tiers du 13° - 14° siècle – Gênes : à Gênes, l’activité financière reste secondaire après l’activité commerciale entre orientet occident. L’esprit individualiste y triomphe, permettant l’érection d’immenses fortunes, mais ruinant toute puissance politique dela commune ; les dernières décennies du 13° sont celles de l’apogée commerciale génoise ; les génois plus encore que lesvénitiens parcourent alors l’Asie centrale et l’Inde actuelle par les routes terrestres, mais s’efforcent aussi d’en ouvrir l’accès directpar mer, voire par une route africaine. Si Boccace considère les génois comme les plus grands connaisseurs de l’orient avec lesmissionnaires, on sait cependant peu de choses de leurs voyages et de l’éte,ndue de leur connaissance géographique parce queles hommes d’affaires génois gardaient à ce propos le plus grand secret, concurrence oblige. On ne trouve à Gênes aucun hommed’affaire comme Marco Polo ou le florentin F. B. Pegolotti pour raconter ses voyages. Leurs destinations sont masquées dans lescontrats qu’ils signent entre eux. En 1293, il entre et sort pour une somme de 4.000.000 de livres génoise de marchandises dans leport, contre 1.000.000 en 1274, et 2.000.000 en 1334. L’un des plus puissants hommes d’affaires génois de cette périodeflorissante est Benedetto Zaccaria. Né vers 1248, Benedetto Zaccaria appartient à une des familles de l’aristocratie féodalegénoise, qui ne s’était jusqu’alors que peu occupée de commerce international. Il part pour l’orient dès 1259, à 11 ans, et obtient lafaveur de Michel 8 Paléologue qui s’appuie alors sur les génois contre les vénitiens. L’empereur byzantin lui concède en fief, à lui età son frère Manuel Zaccaria, le territoire de Phocée en Asie Mineure, lequel contient de très riches gisements d’alun, peut être pasmême découverts avant l’arrivée des Zaccaria. Mais l’alun de Phocée est de moins bonne qualité que celui de Colonna que lesgénois vont chercher en Mer noire. Les Zaccaria produisent bientôt à Phocée 13 000 canthares annuels ; pour en tirer le maximumde profit, les Zaccaria font affréter leur propre flotte. Quand ces vaisseaux sont vides, ils servent à donner la chasse aux pirates del’Egée, ou sont loués ; les Zaccaria profitent de leurs bonnes relations avec l’empereur byzantin pour éliminer toute concurrence :ils sont les seuls génois autorisés à exporter de l’alun de l’empire byzantin ; mais les commerçants génois protestent et menacentde boycotter Constantinople, et l’empereur annule son interdiction. Les Zaccaria exportent aussi à Gênes les grains qu’ils achètenten Ukraine et en Bulgarie, les peaux et poissons de Russie méridionale, et ils importent au Levant les toiles de Champagne, lesarmes d’Italie, le sel de Corse ; on ne garde aucune trace sur leurs activité esclavagistes éventuelles, alors que c’est là un desobjets les plus fréquent et juteux du trafic génois de l’époque avec l’orient… Les Zaccaria voyagent constamment dans tout lebassin de la méditerranée et de la mer noire et forment entre eux une ou plusieurs sociétés. ; dans ces sociétés, un petit nombrede membres de la famille entre, alors que d’autres lignages génois y sont conviés, des mariages arrangés donnant à cesassociations une consistance familiale qui en renforçait la cohésion. Ils ont des négoces à Phocée, en Syrie, en Mer Noire, àMajorque et en Sardaigne ; les Zaccaria donnaient procuration à des associés pour chacun de ces secteurs, le temps d’un voyage,ou pour un an. La rémunération des « procureurs » était très variée : Paolino D’Oria, gendre de Benedetto Zaccaria était aidéfinancièrement par ce dernier pour investir du capital dans l’affaire. D’autres procureurs ne recevaient qu’un simple salaire.Benedetto Zaccaria se rend régulièrement à Gênes où il spécule sur les titres d’emprunts de la commune, et à Constantinople où ila une maison et rencontre fréquemment l’empereur, son suzerain et ami. Il accepte volontiers des missions politiques ou militaires ;ainsi Michel 8 Paléologue le charge en 1282 d’aller chercher pour lui contre Charles d’Anjou l’alliance matrimoniale et politiqued’Alphonse 10 de Castille. En 1284, il accepte la charge d’amiral de la flotte génoise dans la guerre contre Pise qui dure depuis 2ans. Il apporte à la guerre ses connaissances de marchand puisque c’est par le blocus qu’il entend abattre Pise ; quand Pisedécide de rompre le blocus et d’aller attaquer Gênes, Zaccaria tend un piège à la flotte pisane à son retour, donnant la victoire àGênes en 1284. la commune de Gênes confie dès lors à Benedetto Zaccaria les flottes qui en 1285, 1286, 1287 tentent sous soncommandement de détruire la ville de Pise. Quand en 1287, Tripoli de Syrie se proclame commune libre et demande l’alliance deGênes, la commune de Gênes fait de Benedetto Zaccaria son émissaire – vicaire. Il joint sa flotte personnelle aux deux galères dela Commune et maintient, sans être soutenu par celle-ci, Tripoli dans la vassalité de Gênes pendant 2 ans, jusqu’à ce qu’uneattaque des sarrasins le force à abandonner la place à son triste sort. En 1286, après avoir donné la chasse aux corsaires pisansjusqu’à Tunis, il abandonne la flotte génoise pour s’occuper de ses navires marchands. Les sociétés des Zaccaria et de d’Oriatrafiquent aussi en mer Noire, à Trébizonde et jusqu’en Arménie, à Chypre, en Petite-Arménie, à Alexandrie, en Corse, sur la côted’Afrique, le Norique. Ils font le blocus par rachat sur l’alun de Colonna en Mer noire pour en garder le monopole dans le bassinméditerranéen. Bien plus, il cherchent à maîtriser la filière de l’alun de l’extraction au produit fini : il l’exportent à Gênes sur leursbateaux, et là le transforment dans une fabrique qui leur appartient… ; Benedetto Zaccaria fonde aussi une teinturerie près duBisagno et se trouve ainsi à la tête d’un groupe familial d’hommes d’affaires qui a réalisé le monopole de la vente d’un produit-clé etl’intégration verticale de son trafic… Le roi de Castille menacé par les Mérinides s’adresse à Benedetto Zaccaria pour qu’il luifournisse 12 galères contre 12 000 doubles par mois, le don en fief héréditaire de la ville de Puerto Santa Maria en face de Cadix, àcondition de maintenir toujours une galère armée pour la défense de Cadix et de Séville. C’est là une position stratégique pourZaccaria, qui peut ainsi y trouver une escale pour les navires commerciaux qu’il envoie dans l’atlantique, ainsi qu’une base depénétration économique en Espagne. En 1291 avec 12 galères, il anéantit la flotte Mérinide dans le détroit ; en 1292, il bloqueTarifa et en permet la chute aux mains de Sanche 4 qui le fait grand amiral de la mer. Quand Philippe le Bel prépare en 1294l’invasion de l’Angleterre, il nomme Benedetto Zaccaria amiral de la flotte française construite à Rouen dans le clos des galées pardes ingénieurs génois. Mais cette entreprise est un échec, de même que la tentative de Zaccaria de reprendre Tripoli en 1301. Ils’empare en revanche de Chio dont il obtient de l’empereur byzantin l’inféodation ; Chio étant alors la seule terre qui produise lemastic, il assure ainsi à sa famille le monopole d’une seconde et précieuse épice. Il retourne ensuite à Gênes où il devientconnétable de la Commune en 1306 avant de mourir en 1307 dans la maison qu’il s’était fait construire au bord de la mer :demeure si grandiose que la Commune y loge Marguerite de Flandre, femme de l’empereur Henri 7 lors de son passage à Gênesquelques années plus tard. Comme Benedetto Zaccaria, les hommes d’affaires génois comme les Pessagno, les Uso Di Marefournissent des amiraux aux rois d’Angleterre, les Spinola des navires au roi d’Aragon. Ces entreprises guerrières se terminenttoujours avec des avantages économiques : parts importantes sur les butins capturés, concessions de fiefs, base commercialesnouvelles. Mais Benedetto Zaccaria mène ses affaires sans se soucier du tort qu’elles pourraient produire par répercussion surGênes. Et c’est là un trait qui caractérise l'ensemble des hommes d’affaires génois. Par ailleurs, les familles qui sont devenuespuissantes et très fortunées se disputent la domination politique sur la commune de Gênes. Autour d’elles et de leurs allianceschangeantes se forment des factions antagonistes ; ces partis cherchent appui à l’extérieur dans les groupements politiques quidivisent l’Italie et qui se réclament l’un du pape, l’autre de l’empereur, guelfes et gibelins. Ainsi s’opposent à Gênes les Fieschi etles Grimaldi guelfes (pape) d’une part, les Doria et les Spinola gibelins (empereur) d’autre part. Le parti vainqueur bannit sesadversaires de la cité. C’est ainsi que tout au long du 14°, une partie de la population de Gênes vit à l’extérieur de la cité. Bien deshommes d’affaires vendent en outre leurs services au roi de france ou au roi d’Angleterre. Certains s’installent à proximité deGênes, attendant un revirement de situation pour fondre sur la cité, comme les Grimaldi à Monaco. D’autres vont se réfugier dansdes colonies florissantes d’orient et de la mer Noire, comme à Caffa. Mais la part croissante des exilés dans ces colonies tendent àrendre celles-ci indépendantes de la métropole. C’est ainsi que pendant que Gênes mène contre Venise une longue lutte, sonempire colonial se disloque et les rivalités internes l’affaiblissent, et lui font courir le risque de la perte de l’autonomie : en 1316,Gênes se donne à Robert d’Anjou et au pape ; de 1353 à 1356, elle reconnaît pour seigneur Giovanni Visconti et entre dans l’Etat

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que celui-ci constitue autour de Milan. En revanche, les hommes d’affaires de la « porte du monde entier » qu’est Gênes, soumis àla concurrence permanente, innovent en de nombreux domaines, et c’est ainsi que l’on assiste à des décennies de 1275 à 1325 ;les hommes de mer génois constituent les premiers portulans ; ils innovent dans l’assurance maritime. A la fin du 13°, ils greffentsur le contrat de change maritime une vente avec faculté de rachat. C’est Benedetto et son fils Paléologue Zaccaria qui mettent enplace ce système les premiers, pour un voyage d’Aigues-Mortes à Bruges en 1298. les Zaccaria vendent alors à 2 hommesd’affaires génois, Enrico Suppa et Baliano Grilli, une cargaison d’alun avec promesse de la racheter à un prix fixé d’avance àBruges : ce qui leur permet de ne pas courir le risque maritime tout en préservant leur monopole sur l’alun, empêchant qu’un autreacheteur puisse se proposer… cette opération comporte aussi une opération retour, dont tous les risques sont assumés par EnricoSuppa et Baliano Grilli, lesquels peuvent néanmoins en espérer un profit de 26% de leur mise de départ. Ce système est ensuiteabandonné pour un autre, le paiement d’une prime à l’assureur, mis en place par un autre homme d’affaire génois, LeonardoCattaneo, qui en 1350 assure une cargaison de céréales à destination de Tunis, moyennant le paiement d’une prime de 18%.L’assurance à prime était née, qui allait révolutionner le commerce international, et une nouvelle activité spécialisée s’ouvre auxcapitalistes. Des capitalistes de moyenne importance n’hésitent plus non plus à s’associer pour constituer comme dans lescompagnies des villes de l’intérieur, un capital social plus important. Ainsi en 1308, plusieurs membres des familles Grilli etContardi fondent une société au capital de 9 450 livres génoises, que l’un d’eux, Parcivallo Grilli, exploite pendant 2 ans, à l’issuedesquels le bénéfice ou les pertes sont répartis entre les participants au prorata du capital investi. C’est déjà le schéma générald’une société en commandite. De grandes entreprises s’organisent sous la forme d’associations étendues et durables, non pluspour une seule mais pour plusieurs opérations, et qui ne se consacrent pas toutes exclusivement au commerce, quoique celui-cireste prépondérant : certaines se tournent vers l’industrie et surtout vers les activités financières, spécialité au 13° des placentinsde Gênes. Ainsi apparaissent au 14° des banquiers génois de grande importance, brassant des sommes énormes ; ainsi le livre decaisse de la banque de moyenne importance de Battista Lomellini, la « Giovanni de Bracelli et Compagnie », mentionne pourl’année 1386 des opérations au comptant pour un total de 1 041 725 livres génoises ; et il faut y ajouter le montant des opérationsà échéance. Pour ces banquiers, les affaires financières l’emportent maintenant sur les affaires commerciales maritimes. En 1346,le gouvernement de la commune de Gênes envoie une flotte attaquer les banquiers génois exilés installés à Monaco, quil’inquiètent. De grandes entreprises à la fois commerciales, industrielles et financières se constituent, les maones ou « maona »,d’un mot arabe signifiant « indemnités ». Les principales maones étaient constituées de porteurs de la dette publique de l’Etatgénois, qui s’associaient pour affermer les impôts, dont les produits étaient consacrés au remboursement de cette dette et aupaiement des intérêts ; la cessibilité des parts donna aux maones les caractères précurseurs des sociétés par action actuelles.C’est sur cette bas qu’est constituée en 1407, par fusion de 2 « compare » et de la maone de Chypre, la Casa di San Giorgio quise double au 15° de la plus importante banque de Gênes et peut être de l’occident. Ces grandes entreprises qui affermaientl’impôt, administraient la dette publique et exploitaient les colonies, et dont les parts comme les intérêts afférents étaienttransmissibles, nécessitaient une organisation rigoureuse. Et il est probable, comme le soutiennent certains historiens, que ce sontles génois qui pour les besoin de gestion de ces entreprises, ont inventé la comptabilité en partie double, mais laquelle s’appelait àGênes à l’époque « alla veneziana », car les vénitiens l’ont d’avantage utilisée. On a retrouvé un livre de compte génois de 1340tenu en partie double.

Dernier tiers du 13° - 14° siècle – Venise : A Venise se manifeste dans la période d’expansion de la fin du 13° et du début du 14°,un esprit d’entreprise vivace. Marco Polo qui en est le plus remarquable exemple, est un homme d’affaire vénitien, qui avait peut-être un peu plus de curiosité et d’entregent que la plupart de ses compatriotes. Mais c’est surtout avec des intentions mercantilesqu’il gagne par l’Asie centrale, les bords de l’océan pacifique et de l’océan indien, ouvrant ainsi toute l’Asie à la connaissance et autrafic occidental. Il est le fils et le neveu d’hommes d’affaires vénitiens établis à Constantinople puis à Soldaia ; après son retour en1295, il fait personnellement du commerce à Venise. Il est par ailleurs très vraisemblable qui ait fait des affaires lors de son voyageen extrême-orient. Son père et son oncle avaient déjà visité la capitale des tartares occidentaux, Upsenskoe, au confluent de laVolga et de la Kama, puis Boukhara, capitale des tartares orientaux, et entreprennent avec Marco Polo en 1271 un nouveauvoyage, alors qu’il a 14 ans ; il est chargé de tenir le carnet de route de l’expédition qui va en particulier porter un message du papeau grand Koubilaï Khan. Il rédige ce carnet dans le français des marchands qu’il a appris à l’école publique de Venise ; il y fait unefiche sur chacune des villes traversées ; avec exactitude, il y note la religion des habitants, les traits particuliers de leurs mœurs,les produits de la région, et les choses dont on fait le commerce dans la ville, leur qualité, les itinéraires de ces marchandises et lesmarchés sur lesquelles elles se vendent, s’échangent, les places où elles sont produites éventuellement ; il en indique égalementles prix. Il applaudit les rois hospitaliers aux marchands ; il décrit ainsi avec enthousiasme Kambalouc, Chinsai, Zaïtoun, prodigieuxmarchés où les marchandises affluent par les ports dans des entrepôts autour desquels grouillent les foules de consommateurs etd’artisans. Dans cette période, les bénéfices et les fortunes s’accroissent fortement à Venise avec les affaires : les principalesfamilles en, arrivent ainsi à posséder leurs galères en propre, malgré l’existence de la flotte de l’Etat vénitien. L’homme d’affaire quiquitte Venise pour l’orient dans le cadre d’une opération reçoit en moyenne à chaque voyage 8 fois la valeur de son apportpersonnel à celle-ci. Mais les plus fortunés évitent de plus en plus de se déplacer et de voyager, et délèguent les opérations àd’autres associés. La plupart des grandes familles de l’aristocratie marchande vénitiennes ont des membres des parents ou deshôtes dans les principales places commerciales d’orient, de Constantinople à Alexandrie. Par ailleurs beaucoup possèdent des fiefsobtenus soit de la République de Venise, soit de l’empereur, soit des princes locaux, dans les îles de la mer Egée, en Chyprecomme Federigo Corner, homme le plus riche de Venise en 1379, en Crète, en Morée ; il en retirent des produits agricoles, enparticulier le sucre de canne, et des produits de la mer, comme le sel, qu’ils revendent en Orient, à Venise, en Occident. Cespossessions foncières sont une base essentielle de leur activité économique ; elles permettent aux membres de la famille, au coursde leurs voyages, de se reposer sans rentrer à Venise, en même temps qu’elles sont des éléments importants de la puissanceinternational de la République. Les procédés de crédit en place à Venise au 14° sont moins évolués que ceux de Gênes à la mêmeépoque. Mais Venise a créé les premières banques véritables : les changeurs de la place du Rialto en viennent à pratiquerprogressivement les règlements de comptes entre leurs clients déposants par virement (giro). Les déposants ne leur confient pasde fonds avec l’espoir de tirer un intérêt de ce dépôt, comme c’est le cas dans les compagnies dans villes de l’intérieur. Ils veulentsimplement constituer une réserve en lieu sûr. L’on entend et l’on voit de moins en moins sur les bancs de ses banquiers sonner ettrébucher les espèces d’or et d’argent ; ces bancs sont désormais qualifiés de « banchi di scritta » : ils tiennent en effet leurscomptes en monnaie fictive et fixe, la monnaie de banque. Les versements entre hommes d’affaires se font par virement. Ainsi dela liquidation de l’héritage des riches commerçants. Le découvert est accepté pour les clients solvables ; ainsi à la mort de PietroSoranzo son compte courant est débiteur de 670 ducats au comptoir des frères Zancani et de 56 à celui de Bartolomeo Michiel.Les banchi di scritta qui facilitent énormément la circulation monétaire sont les premières banques de dépôt véritables, d’oùdécoule toute une branche des banques modernes. Au-delà des virements qui développent le caractère fictif de la monnaie, lapossibilité du découvert permet aux déposants de disposer de sommes qu’ils ne possèdent pas, aussi ces banques sont ellessurveillées de prêt par les autorités de la ville. L’Etat leur emprunte d’ailleurs lui-même régulièrement des sommes importantes et

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rembourse ses créanciers par l’ouverture de crédit en leur faveur sur les livres d’un banquier. Aussi naît l’idée de fonder unebanque d’Etat : le projet est proposé en 1356 et en 1374, mais n’aboutit pas. La comptabilité joue un rôle important,malheureusement toutes les archives privées vénitiennes de l’époque semblent irrémédiablement perdues…Malgré la faiblessedes documents privés qui ont été jusqu’à présent portés à la connaissance du public, les archives publiques et les renseignementsfournis par les chroniqueurs permettent de se faire une idée de l’existence des hommes d’affaires vénitiens. Dès qu’ils ont fini leursétudes de grammaire et d’abaque (arithmétique), ils entrent tous jeunes dans la vie des affaires. Ils commencent dans desfonctions assez modestes à l’armée ou sur les galères de l’Etat, et y acquièrent la familiarité avec la mer et l’expérience ducommerce et des divers marchés. Puis leurs pères les envoient en pays lointain, sur la galère familiale pour accompagner descargaisons en orient et en occident, jusqu’à la mer noire ou la manche, pour le compte de la famille ou de personne qui leur avaitconfié des capitaux ; vers 40 ans, les hommes d'affaires vénitiens se fixent définitivement, les uns à l’étranger (surtoutConstantinople, Candie), les autres à Venise (les plus nombreux) pour occuper des charges publiques et accroître la puissance dela famille. La vie publique occupe alors la majeure partie de leur existence : ils siègent aux conseils, aux commissions, exercent lesmagistratures, voire accèdent au dogat ; certaines de ces charges comme la prise à ferme et le commandement des galèresmarchandes de l’Etat, les ambassades, le gouvernement des colonies, le rectorat des villes soumises, les ramènent sur la mer et àl’étranger, leur apporte des honneurs, et leur permettent notamment de continuer un fructueux trafic au service de leurs intérêtsparticuliers. De même les charges publiques qui les maintiennent à Venise leur permettent de servir leurs intérêts capitalistes. Parexemple, ils continuent à conclure dans le cadre de l’Etat des colleganza au profit de parents, de voisins, d’alliés, de proches. Parailleurs, ces fonctions publiques leur permettent d’avoir une excellente connaissance de la conjoncture, notamment des cours desmarchandises sur les différentes places. Beaucoup se spécialisent dans le commerce d’un produit : les épices pour TommasoSanudo, le sel pour Tommaso Zane. D’autres plus rares ont une activité assez générale et universelle : c’est le cas de PietroSoranzo, un des plus grands hommes d'affaires vénitiens du 14°. Dans la première partie de sa vie, Soranzo parcourt l’orient auservice de ses parents et en faisant des affaires pour son compte personnel. Il y acquiert le sens des affaires et une connaissancede la mer qui le fait remarquer : la république lui confie le poste de capitaine à Trévise, puis le commandement des galèresvénitiennes pendant la défense de Candie. Ce rôle militaire ne l’empêche pas de développer son activité commerciale que nousrévèle son testament. Il est en relation d’affaire avec l’orient, l’Europe centrale et l’occident. D’orient il importe des épices (poivre,noix de muscade, sucre, girofle), de la cire, du miel, des matières tinctoriales, de la soie (réexpédiée en Italie, en Allemagne et enFlandre) ; il importait de l’or de Russie (commerce encore très rare), et des peaux qu’il fait apprêter dans un atelier qu’il possède àla Giudecca ; il exporte en orient des draps et toiles d’occident et les métaux d’Europe centrale (étain, cuivre, fer) ; son entrepôtrenferme à sa mort 17 tonnes de fer. Il avait des correspondants commissionnaires à Bruges, à Coron, Famagouste ; il s’associait àdes membres de sa famille (son frère) ou d’autres hommes d'affaires, comme Giovanni de Conti avec lequel il conclue unecolleganza au capital de 4 149 ducats pour un voyage à la Tana qui rapporte que 5% de bénéfice net. Aucune activité financière nese développe vraiment dans la cité des doges, qui répugnent à prêter aux rois étrangers ; les prêts à l’Etat sont plus rares à Venisequ’ailleurs. la tradition commerciale y est quasiment exclusive, et c’est seulement pour ses besoins que se développe l’activitébancaire. De grands commerçants issus de la noblesse font des affaires dont le montant s’élève au total à des chiffres important.Toute la noblesse et une partie de la bourgeoisie s’adonnent au commerce, mais en s’appuyant étroitement sur l’Etat. L’Etat, parson grand Conseil, en 1283, rend ainsi obligatoire l’acquisition en commun du coton, des tissus et du poivre à Acre et Alexandriepour maintenir de bas prix d’achat. Souvent sur les places orientales, un seul marchand vénitien mandataire de tous les autresachète de grandes quantités de produits. Ces faits dénotent un sens de l’intérêt général qui n’existe pas dans la plupart des citésitaliennes. Il n’empêche que la société vénitienne reste stratifiée et que les luttes de classe la traverse ; ainsi, les grandscommerçants s’emparent du pouvoir politique dans les années 1275-1299 : la fermeture du grand conseil établit à la tête de l’Etatune aristocratie étroitement définie d’environ 200 familles. Et ces grands commerçants, maîtres du pouvoir ont tendance à en userpour favoriser leurs affaires : c’est ainsi qu’en 1356 les Conseils résistent à la protestation de la masse des petits marchands contrele monopole de l’exportation du coton, du sucre et du sel de Chypre obtenu du roi de ce pays par les Corner et quelques grandesfamilles. Ce qui par contre est exceptionnel à Venise, c’est la cohésion interne des classes dominantes ; elles recherchentvolontiers les charges publiques parfois très onéreuses (ce qui en leur en garanti le monopole), et s’efforcent aussi d’empêchertoute division de la société vénitienne, les exils et les troubles ; par ailleurs, cette caste sait aussi parfois restreindre ses propresappétits en fonction des enjeux.

Dernier tiers du 13° - 14° siècle – Florence : cette période est aussi à Florence celle de l’épanouissement d’une classe de riches etpuissants hommes d'affaires ; la victoire de Charles d’Anjou a fait du groupe d’hommes d'affaires de Florence et de Sienne qui lesoutenaient, une puissance économique internationale. Les hommes d'affaires guelfes florentins rentrés à Florence et devenuschefs politiques de leur ville développent rapidement, malgré les rivalités de famille, leur activité dans toutes les régions de lachrétienté. Et le déclin puis l’effondrement, avec la faillite des Bonsignori en 1298, de l’économie siennoise leur laisse laprépondérance dans la banque et le commerce mondial. Ils ont l’appui du Saint-Siège et du roi de Sicile, les deux autres membresde l’alliance guelfe. Ils continuent à se grouper en sociétés (compagnies) à nombreux associés, rassemblant d’immenses capitauxsociaux ; ce sont des sociétés en nom collectif, dont les associés sont responsables envers les tiers et sur leurs biens propres etde façon illimitée, des dettes éventuelles de la compagnie. La raison sociale réside théoriquement dans l’énumération de tous lesassociés. Dans la pratique elle ne mentionne effectivement que le ou les noms des principaux associés, ou des plus puissants, oudes descendants des fondateurs : par exemple »Compagnia di Dardano degli Acciaiuoli e compagni ». le contrat stipule que lacompagnie sera dissoute lorsque la majorité des associés en feront la demande. En général, la plupart des associés fondent aulendemain de cette dissolution une nouvelle compagnie, ayant souvent la même raison sociale et continue les mêmes activités. Lenom de change ainsi qu’avec l’effacement de la domination d’une famille, ou son extinction. Parmi les familles de cette aristocratiemarchande, les Frescobaldi, les Bardi, les descendants de Caroccio degli Alberti. C’est en fait cette complexe succession decompagnies ayant la même raison sociale et marquées par une famille puissante que le langage commun désigne sous le termede « Compagnie des Frescobaldi », « Compagnie des Bardi », « compagnie des Alberti antichi ». le nombre d’hommes d'affairesqui se groupent ainsi dans ces compagnies est très variable de l’une à l’autre ; bien des compagnies de comptent que 4 ou 5associés, mais les plus importantes en regroupent en général de 10 à 20, parfois 25. tous ces associés sont égaux entre eux, etleur droits ne se comptent pas en fonction de leur part, mais selon le principe « un homme une voix ». Ils doivent s’engager à nefaire partie d’aucune autre compagnie ; les plus âgés ou les ignorants se bornent au rôle de capitalistes inactifs et s’en remettent àl’activité de parents et compaings du soin de faire fructifier leurs fonds. La plupart des associés consacrent l’essentiel de leurtemps à la compagnie ; certains restent au siège à Florence, où réside généralement le directeur général, les autres, répartis dansle monde, fournissent le plus grand nombre de directeurs de succursales ; quelques-uns sont chargés de missions spéciales,comme inspecter une succursale ou visiter un marché ou un client important. Tous les associés peuvent exprimer leur opinion surla marche de la compagnie et participent aux délibérations, prises à la majorité des voix voire à l’unanimité après épuisement desdébats contradictoires ; mais les décisions restent suggérées par le directeur général à qui l’appui des membres de sa famille, qui

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constituaient le plus souvent la majorité des associés, assurait une grande liberté d’action. Le directeur général exerceeffectivement un rôle prépondérant : ainsi chez les Peruzzi, le directeur général n’est remplacé qu’à sa mort. D’autres hommesd'affaires qui ne possèdent pas un capital suffisant ou n’ont pas encore assez d’expérience pour entrer dans une compagnie à titred’associé, la servent comme facteur, terme qui englobe tous les agents régulièrement rétribués des compagnies ; ceux-ci peuventêtre très nombreux : 100 à 120 simultanément chez les Bardi et les Peruzzi. Mais il existe parmi eux une épaisse hiérarchie, dessimples employés et manutentionnaires, des notaires et des scribes, des caissiers, des directeurs de succursales, ou des agentsimportants spécialisés dans telle ou telle branche du commerce. Ils touchent d’importantes rémunérations : alors qu’un commis deboutique ne reçoit que 7 florins par an au maximum, un agent de valeur atteint 100 florins par an en fin de carrière, un directeur desuccursale 200, le caissier principal et le secrétaire général 300. ces agents qui n’ont pourtant pas le statut d’associé se voientcontraint de renoncent à tout commerce pour leur propre intérêt hors de la compagnie. Parfois la constitution de nouvellessociétés provoque des ruptures dans les plus puissantes et anciens : ainsi quand les agents de la compagnie des Peruzzi, lafamille Bonaccorsi, fondent leur propre compagnie, attirant à eux une partie des Villani et des Portinari, qui, exilés, résident enFlandre et an Angleterre. Mais ce genre de cas reste rare. Les fils des associés de la compagnie commencent leur carrièrecomme facteur attaché à une succursale, dont ils deviennent ensuite directeur, et s’il est membre d’une famille dominante de lacompagnie, il peut à son tour en devenir associé lors de son renouvellement. S’il appartient à une famille d’associés dominés, ilpeut quitter la compagnie et en fonder une autre. Les ressources de ces compagnies sont le capital social et les dépôts. Le capitalsocial ou « corpo di compagnia » est constitué par les apports des associés : les parts des associés des compagnies Peruzzisuccessives s’échelonnent entre 2 000 et 12 000 livres « a fiorino ». le capital social des grandes compagnies atteignent dessommes faramineuses : 4 compagnies des Peruzzi sur 6 dont nous connaissons le capital social en avaient un de plus de 100 000livres a fiorino ; l’une d’elle atteignit même 140 000 livres de capital social, soit près de 103 000 florins. Mais de nombreusespetites compagnies n’avaient un capital social que de 1 000 à 100 000 livres. Le bénéfice net résultant de la différence entre l’actifet le passif, dans lequel sont compris frais généraux et mauvaises créances, est réparti à la dissolution de la compagnie auprorata de la part de capital social de chacun. La richesse va à la richesse. Si l’exercice est déficitaire par contre, les associésrépartissent la perte à parts égales… la richesse reste à la richesse. Les associés de la compagnie peuvent déposer auprès d’elledes capitaux qu’ils y font fructifier, le personnel également, mais aussi de tiers ; ils rapportaient un intérêt fixe non négligeable de 7ou 8% par an. Au contraire du capital social, les associés et autres déposants pouvaient le retirer à tout moment. Les facteursétaient contraint de déposer dans la compagnie qui les employaient. Mais les dépôts faits par des tiers étaient plus conséquentsque ceux fait par le personnel, et étaient le fait de personnes de toutes nationalités, par toute la chrétienté, auprès du siège ou dessuccursales. La plupart étaient des clercs et des nobles, et déposaient des sommes qui leur rapportaient un intérêt annuel de 6 à10% selon les compagnies ; ils laissaient souvent ces fonds se capitaliser auprès de la compagnie. Ces dépôts étaientremboursables à vue. Par comparaison, le rapport moyen des immeubles à Florence atteignait 5%, si bien que tous lescapitalistes florentins préféraient placer leurs capitaux dans les compagnies. Le montant de ces dépôts n’est, et c’est surprenant,connu pour aucune compagnie : ils atteignaient probablement des sommes énormes, sans rapport avec le capital social déjàimpressionnant de ces compagnies. Ainsi, au moment de leur faillite, le roi d’Angleterre devait aux 2 compagnies des Bardi et desPeruzzi respectivement un peu moins de 900 000 et de 600 000 florins, le roi de Sicile plus de 100 000 florins chacune, et qu’audire des Villani ces sommes provenaient pour la plus grande partie de dépôts faits auprès de ces compagnies par des florentins etdes étrangers. Les Bardi closaient le bilan d’une de leurs compagnies en 1318 sur un actif total de 1 266 775 livres 11 sous, soit875 638 florins…pour ce faire une iodée de la puissance que conféraient de tels sommes, Azzone da Correggio vend parme àObizzo D’Este pour 70 000 florins en 1344, le pape Clément 6 achète Avignon à Jeanne de Naples pour 80 000 florins en 1348, leroi de france achète Montpellier en 1349 pour 120 000 écus, soit 133 000 florins. Si l’on se rappelle que les compagnies avaie,ntun capital social rarement supérieur à 100 000 florins, on constate l’importance des sommes déposées, que ce soit par les famillespossédantes de la compagnie ou par des déposants tiers. Florence est le lieu où sont installés les sièges de compagnies, le cœurde vastes toiles d’araignées que chaque compagnie constituait. Chaque compagnie possédait à Florence plusieurs magasins,comptoirs et dépôts au magasin principal des Peruzzi, des Alberti, des Bardi, des Acciaiuoli se trouvent les services centraux de lacompagnie, dirigés par le directeur général, le caissier principal et le secrétaire général, assistés par plusieurs comptables etnotaires. Des hommes de peine roulent les marchandises que les employés vendent aux chalands ; ces magasins occupent devastes espaces au rez-de-chaussée de plusieurs immeubles. Ils sont généralement très obscurs, éclairés par la seule lumière derues étroites bordées d’immeubles de plusieurs étages. Mais les objets qui y sont entreposés et vendus sont d’une grande variété.C’est ce qui distingue le fondaco des grandes compagnies de la bottega du revendeur au détail. Mais le fondaco ne reçoit qu’unepartie des marchandises, tandis que d’autres restent stockés dans les entrepôts de la compagnie, à mesure des ventes ; lenombre de succursales à l’étranger varie selon les compagnies, mais peuvent aller jusqu’à 20 environ. Il existe 10 centrescommerciaux dans lesquels les principales compagnies florentines avaient toutes une succursale : 6 en Italie (Barletta, Bologne,Gênes, Naples, Pérouse, Venise), 4 au-delà des Alpes (Avignon à l’époque des papes, Bruges, Londres et Paris) ; en dehors deces 10 grands points cardinaux du commerce florentin, on trouve plusieurs succursales florentines dans la péninsule et les îlesitaliennes (Bénévent, Cagliari, Macerata, Milan, Palerme, Pise, Plaisance, Rome), dans les pays ibériques (Barcelone, Majorque,Séville), sur la côte africaine (Tunis), en Orient (Kyllène alias Morée, Famagouste, Rhodes). Autour des directeurs des succursales(qui peuvent être associés ou seulement facteurs, mais fondés de pouvoir de la compagnie localement), souvent assistés de 2 co-directeurs, se presse souvent la colonie florentine de la place, dont le directeur de la compagnie est fréquemment le consul : ainsià Naples, de Bencivenna Tornaquinci Bonsostegni, représentant des Bardi, et à Paris en 1325 des représentants des Peruzzi etdes Scali. Les associés prennent de garde de ne pas laisser trop longtemps à un même poste un directeur de succursale, et de lemuter, pour éviter des ententes personnelles avec la clientèle locale. Une exception est faite à ce principe quand un directeur desuccursale mène une politique favorable à la croissance du groupe : ainsi de Francesco di Monte degli Acciaiuoli qui représenteles Acciaiuoli à Avignon pendant la majeure partie de sa carrière, de 1333 à 1344 ; de Tommaso di Mone degli Alberti, directeur dela succursale des Alberti antichi auprès de la Curie de 1364 à 1373. Certaines petites et moyennes compagnies florentines sespécialisent dans une activité, comme la Compagnie des Gianfigliazzi qui dans les années 1283-1325 prête aux souverains, auxseigneurs, aux villes et aux particuliers dans tout le sud-est de la france, spécialement en Dauphiné et en Provence. LesGianfigliazzi jouent auprès des dauphins et du comte de Provence, roi de Sicile, le rôle de banquier que joue dans les mêmesannées un autre homme d'affaires florentin, Scaglia Tiffi, à la cour du comte de Bourgogne. D’autres se tournent vers l’affinage etle commerce des draps, comme c’est le cas de la compagnie des Del Bene qui importe des draps de Flandre, les fait teindre etaffiner et les revend en Italie ; mais les Del Bene achètent aussi du vin à Naples pour le revendre à Florence. La marquedistinctive des grandes compagnies est autant leur capital que le fait de n’être pas spécialisées ; leurs associés sont tout à la foisdes industriels, des commerçants et des banquiers. L’organisation corporative de Florence le leur permet, car si les compagniesne doivent relever que d’un seul art (la plupart dépendent de l’Arte di Calimala, celui du grand commerce ou négoce), les hommesd’affaires peuvent s’inscrire personnellement à plusieurs arts simultanément . L’étendue des produits que concerne leur commerceest illustré par un manuel rédigé par un grand facteur des Bardi, Francesco di Balduccio Pegolotti. Ils s’intéressent entre autre au

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commerce des esclaves, à celui des reliques (fausses !) ou des objets d’art, pour lesquels ils se tiennent au courant destendances du moment. L’étendue de leurs implantations leur permet de choisir, selon les époques, les placements les pluslucratifs. Cependant, toutes ces compagnies, quelque soit leur puissance, n’étaient pas en mesure de posséder leur propre flotte,train de chariots et cavalerie : elles devaient donc louer les services de compagnies de porteurs, d’armateurs et de voituriers.Florence dispose de débouchés assez incertains sur la mer par Porto Pisano, le port de Pise souvent hostile, ou par Talamone,sur le territoire de Sienne. Mais c’est surtout à des vaisseaux génois que les compagnies florentines confient leurs marchandises.Les marchandises dont elles font le trafic peuvent se distinguer en 4 catégories : denrées alimentaires (céréales, huiles, vins, sel,fruit, miel, fromages provenant en grande partie de Sicile et de Trinacrie, et exportés par Naples ou par les ports des Pouillescomme Barletta, Bari, Manfredonia) ; objets vestimentaires (achat de matières brutes, laines d’Angleterre, toisons d’agneaux deBourgogne, d’Espagne, de Provence et de Barbarie, cuirs d’Espagne, fourrures et pelleteries de Pologne ; ou sous forme ouvrée :draps de Flandre, de Brabant, de France, toiles de France ; les matières premières sont travaillées à Florence dans les ateliers del’Arte della Lana ; les draps sont pour une part transformés et affinés dans ceux de l’Arte di Calimala ; une partie est ensuite mêmeréexportée en Flandre, ou en France grâce à leur qualité) ; produits exotiques (soies et soieries de Perse et de Chine, bijoux etobjets précieux comme les perles et l’or, les épices comme le coton, le sucre, l’alun, les matières tinctoriales pour la draperie, lepoivre, les aromates, tous achetés en orient et revendus en occident) ; armes et métaux (étain de Cornouailles à Londres cuivrede Pologne et de Scandinavie à Bruges, plomb en Sardaigne ; armes de milan ou d’Allemagne revendue en orient ou à laCommune de Florence, et surtout au roi de Sicile, dont les compagnies florentines sont au début du 14° les seuls fournisseurs deguerre). Dans l’industrie de la draperie, les compagnies florentines avaient fini par constituer un monopole ; cette activité relève del’Arte di Calimala ; en 1336-1338, parmi les 20 compagnies florentines de l’Arte di Calimala citées par Villani, se trouvent lesprincipales compagnies de Florence. Le commerce conduit les grandes compagnies à pratiquer le change et la banque ; ellesavaient en effet des créances et des dettes dans toutes les monnaies du monde méditerranéen et occidental. Ainsi, à Avignon, lesespèces extrêmement variées qu’encaisse la chambre apostolique sont pour la plupart changées aux succursales locales desBardi, des Peruzzi, des Acciaiuoli, puis des Alberti ; les commissions sur le portage et le change qu’elles font payer à leurs clientsleurs rapportent d’importants bénéfices, surtout quand les opérations des compagnies leur permettaient de rendre ce service sansportage ni change. Les compagnies se disputaient la clientèle de la chambre apostolique et le transfert des fonds pontificaux quele développement de la fiscalité, c'est-à-dire de l’exploitation, par les papes d’Avignon rendait considérable au 14° ; les papes dontles collecteurs encaissaient des revenus dans toute la chrétienté, ne font de grandes dépenses qu’en Italie et à Avignon, ce quirend le mouvement de fond complémentaire, car géographiquement inverse de celui des compagnies. Cette situationcomplémentaire est idéale pour faire des transfert de fonds pour les deux parties ; seules les compagnies florentines ont assez depuissance pour rendre se service aux papes au 14° ; le pape s’adressait aux plus puissantes d’entre elles, les Bardi, les Peruzzi,les Acciaiuoli, les Bonaccorsi pendant la première moitié du 14°, les Alberti antichi, les Alberti nuovi et les Soderini pendant la 2°moitié du 14° ; les Guardi tentent aussi mais sans succès, en jetant le discrédit sur les Alberti antichi en 1370-1371, d’attirer à euxla si profitable clientèle pontificale… des crédits (prêts) étaient accordés aux papes, aux princes, aux villes, aux ordres religieux ,aux particuliers clercs ou laïcs par les compagnies florentines. Ces prêts sont souvent importants : les Frescobaldi, de 1280 à1310, prêtent plus de 122 000 livres sterling aux rois d’Angleterre Edouard 1 et Edouard 2 ; des dettes énormes sont contractéespar Edouard 2 et Edouard 3, ainsi que par les rois de Sicile auprès des Bardi et des Peruzzi. Les mêmes réclament avecinsistance au début du pontificat de Jean 22 à l’ordre de l’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem, des créances de 133 000 florins pourles Bardi et de 191 000 florins pour les Peruzzi. Les Alberti antichi prêtent à Grégoire 11 plus de 40 000 florins en 4 ans de 1372 à1376. Les conditions varient aussi selon les emprunteurs : les rois d’Angleterre ne paient ainsi aucun intérêt pour les sommesprêtées par les compagnies, mais exemptaient celles-ci d’impôts pour leurs biens sis dans le royaume d’Angleterre et de droits dedouane pour les laines qu’elles exportent ; ils leurs font aussi assez souvent cadeau de sommes importantes. Ces avantages sontdifficiles à chiffrer mais représentent des rémunérations importantes du capital misé. Les rois de Sicile également donnent encontrepartie aux compagnies des revenus de leur royaume et des exonérations de taxes pour l’exportation des denrées qui y sontproduites contre leurs prêts (céréales importées à Florence). Les rois vont parfois jusqu’à engager les joyaux de la couronne. Avecles particuliers, les compagnies prêtent mais ne manquent jamais de prendre des gages, en général en bien-fonds, au moyend’une vente fictive. Les gages des princes et des villes sont ordinairement des revenus que les compagnies doivent percevoir pourse rembourser, avec leur autorisation (ferme, c'est-à-dire impôts) ; elles s’instituent ainsi agents financiers des princes et des cités.C’est ainsi que les Franzesi perçoivent pour le compte de Philippe le Bel toute une série de revenus, et les Scali en 1322, pour lecompte de Philippe le Long, 7 000 livres tournois et 24 000 livres parisis des droits d’exportation de Toulouse, des revenus dessalines de Carcassonne et de la décime des provinces ecclésiastiques de Toulouse, Narbonne et Bordeaux. L’exemple le plusfrappant est celui des Frescobaldi à qui Edouard 1 et Edouard 2 concèdent successivement la ferme des mines d’argent duDevon, la recette des comtés de Ponthieu et de Montreuil, la perception des revenus royaux en Irlande, l’exploitation du service de« l’Exchange » qui assurait l’échange et la frappe des monnaies dans le royaume d’Angleterre, les recettes des revenus du duchéde Guyenne et la charge de connétable de Bordeaux dont fut investi le directeur de la compagnie, Amerigo Frescobaldi, enfin laperception des droits de douane sur les importations dans les ports anglais. Les Frescobaldi se trouvaient ainsi possesseurs d’unvéritable monopole des revenus de l’Etat anglais. Les chefs de ces compagnies devenaient ainsi les conseillers des rois : c’est lerôle que joue auprès de Philippe le Bel Biscio et Musciatto de Franzesi (alias Biche et Mouche), et auprès d’Edouard 1 BertoFrescobaldi, paré du titre honorifique de conseiller de la Couronne. Il en va de même parfois pour des hommes d'affaires dontl’appartenance à une compagnie n’est pas assurée, tel ce Conte Gualterotti, florentin établi à Gand dès 1313 au moins, peut-êtrefacteur des Bardi, qui après avoir été « hôtelier », courtier et prêteur, devient officier de la ville de Gand, comme receveur, puis ducomte de Flandre en qualité de receveur, conseiller et chancelier. D’autres activités annexes à celles de la banque sont aussipratiquées par les compagnies florentines : l’assurance, la frappe de monnaie, le service postal, la fourniture d’information. Lesgrandes compagnies assurent les marchandises des particuliers ou des sociétés qui sont transportées dans des convois à leursolde : ainsi les Bardi assurent en 1320 des draps appartenant aux Del Bene, transportés avec les leurs de Flandre à Florence ; ilsprennent comme prime 8,75% du prix de revient des draps rendus à Florence. Le prestige et le bon aloi du florin vaut aux citoyensde la ville des orfèvres une grande réputation de monnayeurs ; aussi les grandes compagnies qui participent souvent à la frappedes florins sont fréquemment chargées par les souverains étrangers de la frappe de leur monnaies : ainsi les rois de franceconfient aux Franzesi puis aux Scali et aux Peruzzi la maîtrise et la frappe de quelques-unes de leurs monnaies, alors que les roisd’Angleterre font de même avec les Frescobaldi, alors que les papes, les comtes de Flandre et de Hainaut chargent égalementdes hommes d'affaires florentins et parfois siennois de la frappe de leur monnaie. C’est là une source de bénéfices sûrs etimportants, et les compagnies là encore se la disputent, rivalisant notamment pour obtenir la frappe des monnaies des angevinsde Naples. Les grandes compagnies disposaient de leur propres services de courriers ; l’exemple le plus célèbre de cesmessagers exprès est l’envoyé spécial mandaté en octobre 1338 par les Peruzzi, sur un bateau frété à dessein, de Barletta à leursuccursale de Rhodes, pour l’avertir de l’échec de la première campagne d’Edouard 3 en Flandre et permettre au directeur decette succursale de prendre toutes les mesures utiles avant que la nouvelle ne soit connue du public : on savait en effet de par le

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monde combien les Peruzzi étaient engagés avec le roi d’Angleterre et un échec de celui-ci pouvait ébranler la confiance del’opinion dans la solidité des Peruzzi : les déposants risquaient d’être pris de panique et de courir aux guichets de la succursalelocale pour exiger le remboursement immédiat de leur dépôt. Pour diminuer les frais de portage de leurs courriers, les compagniesproposaient aussi à leur clientèle ce service moyennant paiement : c’est ainsi qu’une part importante du courrier des papes et deleurs fonctionnaires répartis dans toute la chrétienté était remise aux compagnies qui possédaient seules un réseau de courriersaussi étendue que celle-ci. Les papes ne confiaient leurs courriers qu’aux compagnies qui leur servaient de banquier. Les fraisn’étaient facturés à la papauté, à la chambre apostolique, qu’en cas de courrier exprès. Dans ce cas, ces frais s’élevaient à 15florins en moyenne pour aller de Florence ou de Paris à Avignon et inversement. Dans la 2° moitié du 14°, une 12aine decompagnies florentines de moyenne importance s’unir pour organiser à frais communs une entreprise postale, qu’ils appelèrent laScarsella du nom de la sacoche où étaient conservés les plis pendant le voyage. Ce service emportait les lettres des compagniesassociées mais aussi celle de toute personne souhaitant leur en confier. Nul organisme privé ou public au 14° n’est mieuxrenseigné sur ce qui se passe dans toute l’Europe que les compagnies commerciales les plus puissantes ; elles ont dessuccursales dans les principaux centres économiques, qui sont aussi des centres politiques : Paris, Londres, Avignon, Bruges,Barcelone, Venise, Gênes ; elles y sont au contact direct des autocrates et de leur cour. Par ailleurs, elles entretiennent une foulede correspondants dans nombre de petits centres secondaires ; les renseignements recueillis sont soigneusement transmis parles succursales au siège social à Florence, où le directeur sait à tout moment ce qui se passe dans le monde entier. Or lescompagnies ne se bornent pas à recueillir ces nouvelles, elles en sollicitent l’envoi, leurs affaires dépendant étroitement desconditions politiques et économiques des régions où elles commercent. Les évènements politiques ont des répercussions sur leschanges, les prix, le crédit des villes et des princes ; les mouvements de troupes font la vente ou la mévente ; les guerres etsoulèvements gênent, arrêtent ou rendent périlleux les déplacements des hommes ou le transport des marchandises. Des faillitesou des crises commerciales peuvent en résulter aussi bien que des bénéfices et des fortunes. Les hommes d’affaires toscans setrouvent parmi les personnages les mieux renseignés de la chrétienté. Ils finissent par devenir les agents de renseignement desrois de france, d’Angleterre, de la papauté : ils vont cette fois à la pêche au renseignement pour le compte des têtes couronnées,en pays ennemis, par le biais d’une autre succursale ou de correspondants locaux. Ce qui ne manque pas d’attirer parfoisquelques ennuis à ceux qui se livrent à cet espionnage. Ces services restent gratuits. Une nouvelle étape est franchie lorsque ledirecteur général de la compagnie des Alberti antichi reçoit de Clément 6 en 1348 la mission de lui procurer toutes les informationsque pourront recueillir ses associés et facteurs, dans les plus brefs délais, sans hésiter à envoyer des messages spéciaux. Lacompagnie des Alberti an,tichi joue ainsi le rôle de véritable agence de renseignement de la papauté, pendant toute la période oùLouis de Hongrie occupe le royaume de Naples, vassal du saint-Siège. Ces hommes d’affaires ont par là un poids politique tout àfait considérable… par malheur, les archives florentines des 13-14° siècle ont presque totalement disparu… il ne subsiste quequelques livres de comptes, notamment des Peruzzi. La plus ancienne lettre de change florentine connue date de 1291 ; le billet yest aussi utilisé ; ils permettent aux compagnies de se procurer des espèces sans mouvement de fonds. La technique descomptes en partie double est connue et appliquée à Sienne par la compagnie des Ugolini dès le début de la seconde moitié du13°, et est appliquée par les compagnies florentines dès la fin du même siècle, comme le montre la comptabilité de la compagniede Ranieri Fini dans son livre des Foires de Champagne ; la maîtrise de cette technique à Florence dès cette époque est éclairéepar les archives Datini. Il est cependant difficile d’évaluer les bénéfices que ces compagnies tiraient de leurs activités. Pour ladraperie française et flamande, les bénéfices sont à minima de 12%, et plus pour les plus grosses compagnies ; idem pour lesépices orientales et objets précieux ; les prêts bancaires pour des débiteurs florentins, faciles à poursuivre en justice, courent de 7à 15%, alors que les dépôts sont rétribués de 6 à 10%. Par contre les prêts à des étrangers atteignent parfois 35% d’intérêts… lestransferts de fonds pour le compte de clients varient de 1 à 5% ; les bénéfices du change, manuel ou tiré, sont impossibles àévaluer…les activités financières et bancaires sont de loin les plus avantageuses. Les dividendes distribués aux associés« actionnaires » des 4 compagnie »s Peruzzi qui se succèdent de 1300 à 1324 correspondent à une rémunération du capital de15.4%, puis 20%, puis 14.5%, puis 16% par an. Celles des Alberti qui se sont succédées de 1322 à 1329 atteignent 11.9% puis16.5% par an. Par contre la rémunération du capital de la compagnie de Rosso d’Ubertino degli Strozzi varie de 300 à 1000%entre 1330 et 1340…une partie des bénéfices ainsi constitués par les associés sont réinvestis dans la compagnie, mais une autrepartie est investie en emprunts publics, dont l’intérêt court de 5 à 15%, quand leur achat se fait en période de crise, où le cours del’emprunt est au plus bas… les hommes d'affaires enrichis construisent de grandes demeures pour leur famille, véritables palaisoù les princes descendent à leur passage à Florence, tel Robert d’Anjou chez les Peruzzi. Ces demeures sont richementmeublées, surtout à partir de la 2° moitié du 14° ; ils fondent aussi des monastères, des chapelles et élèvent des tombeaux auxmembres de leur famille ; ils s’adressent aux artistes réputés : les Bardi et les Peruzzi à Giotto, pour décorer leurs chapelles deSanta Croce, Nicola Acciaiuoli à Orcagna pour sculpter les tombeaux de sa famille dans la chapelle de la chartreuse d’Ema qu’il afondé. Ils deviennent ainsi des mécènes. Mais ils investissent la majeure partie de leurs bénéfices dans l’acquisition de maisons àFlorence et de bien-fonds dans les campagnes voisines ; souvent, ces demeures provenaient de gages pour des prêts que lesemprunteurs n’avaient pas pu honorer, les bien-fonds mis en gage devenant la propriété des hommes d'affaires ; mais ils faisaientaussi des investissements immobiliers à Florence, tendant à s’approprier des pans entier d’un quartier de la ville, avec un doubleobjectif : d’une part, les revenus en étaient stables, contrairement aux opérations commerciales ; valeur refuge donc ; d’autre part,ces palais, maisons, villas campagnardes et grands domaines manifestent de façon concrète leur puissance aux yeux du publicdes déposants, dont les capitaux constituent la base de la fortune des compagnies. Cependant, les compagnies ne font pastoujours des bénéfices, en tout cas si l’on s’en tient aux écritures : en 1335, la liquidation d’une compagnie des Peruzzi faitapparaître une perte de 15.5% du capital social, partagée dans ce cas entre les associés au prorata de leurs apports. Il arrive quedes compagnies se trouvent en cessation de paiement et fasse faillite. Ces situations sont plus fréquentes dans les petites etmoyennes compagnies, plus fragiles « face aux aléas de la conjoncture ». pour les grandes compagnies, c’est plutôt le fait depillages, d’acte de piraterie, de mesures fiscales prises par un roi contre les marchands étrangers, ou e mesures de rétorsion d’unprince après qu’une grande compagnie le finançant aie refusé de continuer. Une compagnie ne peut refuser de prêter à desprinces qui par représailles peuvent décider de l’expulser de leurs Etats, où elle a accumulé des créances, où le commerce estprofitable et qui produisent des objets dont le trafic est jalousé. Inéluctablement, les compagnies deviennent solidaires des princesauxquels elles accordent des prêts ; en 1297, les Frescobaldi, qui ont consenti à Edouard 1 un prêt pour solder les mercenairesbourguignons destinés à une campagne contre le roi de france se solde, après l’échec de cette campagne, par une ruée desdéposants aux guichets de la compagnie. Idem en 1342 lorsqu’à la nouvelle que Florence allait abandonner l’alliance guelfe tousles déposants napolitains des compagnies florentines se précipitent sur leurs guichets et génèrent ainsi leur faillite en chaîne…cescompagnies n’ont pas une liquidité suffisante, face à leurs investissements, pour faire face à un rush des déposants, dont lesfonds représentent la plus grande partie des capitaux de la compagnie. Et comme les dépôts sont acceptés à vue et non à terme,le rush est inévitable. Au lendemain de la victoire de Charles d’Anjou en 1266-1267, les hommes d'affaires florentins et siennoisqui l’ont soutenu regagnent leur cité ; Charles d’Anjou concède à leur compagnies l’exploitation du royaume de Sicile ; le pape leurdonne sa clientèle ; c’est l’heure de la prospérité pour l’alliance guelfe. Mais toutes ces compagnies guelfes ne sont pas

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florentines, et ces dernières doivent parfois s’effacer devant plus puissantes qu’elles : les compagnies des cités voisines que sontSienne, Lucques, Pistoia. Ce n’est qu’après la faillite des Bonsignori de Sienne « Rothschild du 13° » selon le mot de Chiaudano,en 1298, après celle des Ricciardi de Lucques en 1300 et celle des Ammanati et des Chiarenti de Pistoia les années suivantesque les compagnies florentines ont le champ libre. Encore les élues furent-elles triées sur le volet ; parmi les compagnies quiavaient prospéré à Florence depuis 1270, une rivalité est née ; cette concurrence les amène à constituer autour de leursprincipaux adversaires, les Spini et les Cerchi, deux groupes opposés qui sont l’âme des factions politiques des Noirs (guelfespartisans de la rupture totale avec les gibelins) et des Blancs (guelfes partisans de la réconciliation avec les gibelins) dont lesluttes déchirent Florence de 1300 à 1302. la défaite et l’exil des blancs entraîne la ruine des compagnies où prédominaient leursfamilles, entre autres celle des Portinari, la famille de Béatrice, dont les membres se réfugient pour la plupart à Bruges. Cesrivalités coïncident avec des difficultés dans le commerce extérieur ; mais elles portent en elles-mêmes un coup dur contre lecommerce florentin ; ainsi les sociétés guelfes « noires » elles aussi sont ébranlées et les faillites successives de plusieursdizaines de grandes compagnies jalonnent les 25 premières années du 14° : pour ne citer que les plus importantes, les Mozzi fontfaillite en 1301-1302, les Franzesi en 1307, les Pulci et Rimbertini en 1309, les Frescobaldi en 1312 ; cette série culmine en 1326avec l’écroulement de la plus puissante et de la plus ancienne des compagnies florentine de l’heure, celle des Scali. Villaniconsidère que la faillite des Scali fut plus dommageable à Florence que la défaite d’Altopascio l’année précédente. Outre la perteconsidérable d’argent qui en résulte pour les florentins, ceux-ci risquent de voir les déposants étrangers, sous l’impression decette faillite, marquer de la défiance envers leurs compagnies. 1326 marque effectivement un tournant majeur dans l’histoire del’économie florentine. Les jeunes compagnies qui occupent désormais le premier plan, les Bardi, Peruzzi, Acciaiuoli, au lieu de sefaire concurrence, s’entendent entre elles, ce qui caractérise la nouvelle génération florentine, à l’inverse des compagnies de lagénération précédente, qui toutes se faisaient concurrence et ont disparu. Florence étant désormais absolument guelfe avec lavictoire des guelfes noirs, les luttes intérieures n’ont plus de prétextes dérivatifs et sont ouvertement sociales, les grandes famillesd’affaire se trouvant évidemment toujours du même côté du manche. Ainsi peut se développer autour des Bardi, Peruzzi etAcciaiuoli, « colonnes de la chrétienté », un groupe commercial et financier d’une puissance inouïe ; ces compagnies sont liéesentre elles et surtout à la plupart des sociétés de la cité de moyenne importance par un réseau dense d’affaires, de dettes et decréances, qui structure une violente hiérarchie…mais ce régime de la « solidarité » ne donne pas de meilleur résultat en termes destabilité que celui de la concurrence : les faillites n’en sont rendues que plus simultanées après un bref intermède. Florence,épuisée par les deux guerres précédentes et par la guerre franco-anglaise qui ruine tout commerce en Europe du nord, traverseavec la guerre contre Pise pour la possession de Lucques, en 1341, un grave malaise économique et financier : une imprudentedémarche de la seigneurie auprès des seigneurs gibelins et de Louis de Bavière fait croire à Robert d’Anjou et aux napolitainsqu’elle veut quitter l’alliance guelfe dont elle est un des piliers ; les capitalistes du royaume de Sicile, qui avaient tous leurs fondsen dépôt dans les compagnies florentines, se précipitent avec indignation sur les guichets…les compagnies moyennes n’étant passoutenues par les grandes, soucieuse de leur propre maintient, tombent les premières ; mais les créances qu’elles ont les unesenvers les autres les y entraînent en chapelets ! ainsi font successivement faillite en 1342 les Dell Antella, les Cocchi, lesPerondoli, les Bonaccorsi, les Corsini, les Da Uzzano et les Castellani. Les énormes prêts consentis au roi d’Angleterre par lesBardi et les Peruzzi, gelées par les défaites de celui-ci, les empêche de faire face à la demande de retrait des déposants. Parsolidarité, ces deux-ci entraînent dans leur chute les Acciaiuoli, eux aussi très engagés dans le royaume de Sicile, s’ils ne l’étaientpas en Angleterre. Les Peruzzi et Acciaiuoli font faillite en 1343 peu après l’échec d’une tentative de gouvernement des Magnats,auxquels appartenaient les Bardi, dont les 3 compagnies attendaient le salut par un moratoire… Les Bardi, qui étaient les pluspuissants, ne déposent le bilan qu’en 1346. ne restent plus à Florence que des compagnies encore modestes, d’origine plusrécente, et moins imprudemment engagées ; le marasme est en outre entretenu par la Peste Noire qui ravage l’occident de 1348 à1350 ; ce n’est qu’au bout d’une quinzaine d’années à partir de 1360 qu’elles atteignent à leur tour une grande puissance : lesStrozzi, les Médicis, les Guardi, les Soderini, les Ricci remplacent alors dans la chrétienté les compagnies disparues. Au premierplan se trouve une compagnie constituée par une branche de la famille des Alberti, les Alberti antichi, qui obtient l’exclusivité de laclientèle de la papauté, et tient vraiment à elle seule la place des 3 grandes Bardi, Peruzzi, Acciaiuoli d’avant 1346 ; mais toutesces compagnies rivalisent à la fois sur le plan économique et politique ; les Alberti antichi écrasent les Guardi et les contraignent àla faillite en 1370-1371 ; leurs chefs aspirent à une grande puissance dans l’Etat et s’opposent au parti des Albizzi et des Ricci : ilssont vaincus politiquement et leur échec politique entraîne le déclin progressif de la compagnie. Les compagnies florentines étantétroitement engagées dans la vie de leur cité et dans celle de l’Europe entière, le moindre évènement politique en Europe a desrépercussions à Florence, et inversement. Il n’y a pas à Florence l’esprit d’individualisme de Gênes ; ici, tout repose sur la familleet sur l’autorité du siège central de la compagnie. Toutes les compagnies florentines et même toscanes ont pour noyau une familleet ses satellites ou « vassaux » ; un des chefs de cette famille est le directeur général de la compagnie ; ; les armes imprimées surles marchandises et les livres sont le plus souvent celles de la famille : le lion des Acciaiuoli, les losanges des Bardi, les 3 poiresdes Peruzzi. Si la famille dirigeante de la compagnie a besoin de nouveaux capitaux ou veut étendre les affaires de la compagnie,ce sont le plus souvent des groupes familiaux annexes, satellites, cousins, qui lui apportent leur concours, en richesse ou encompétences : ainsi les Scali sont associés pendant plusieurs décades dans leur compagnie aux Amieri et aux Pietri ; à côté desPeruzzi, lorsque ceux-ci en ont besoin, entrent dans la dernière compagnie portant leur nom en 1335 9 membres de la familleSoderini ; ces familles sont très nombreuses au 14° : de chaque mariage naissent en moyenne 8 à 10 enfants ; c’est ce qui assurele maintient de la prépondérance de la famille dirigeante. Les Bardi ont toujours fourni les 2/3 des associés des compagnies qu’ilsconstituaient ; les Peruzzi qui ouvrent par nécessité leur dernière compagnie à des familles « étrangères », compte néanmoinstoujours 11 associés sur 22 et 14 facteurs de leur famille, soit 25 personnes, quand les Soderini leurs alliés tiennent la secondeplace avec 9 associés. Mais les antagonismes au sein d’une même famille existent : il arrive ainsi que deux branches nes’entendent pas, et le chiffre important de leur effectif leur permet de se dissocier et de donner naissance à 2 compagniesdistinctes de la même famille ; c’est le cas entre autres des Cerchi bianchi et des Cerchi neri au moment des convulsionspolitiques ; c’est le cas également des Alberti dont les deux branches constituent des compagnies séparées en 1346, entre antichiet nuovi ; mais dans les deux cas, le nombre et les capitaux des membres des compagnies-filles de ces scissions leur permet dedominer et de diriger sans conteste. Le crédit de la compagnie repose par ailleurs sur l’élévation de certains membres de la familledominante, comme l’élévation à l’épiscopat, très courue : Angelo Acciaiuoli devient ainsi évêque de Florence, Bartolo Bardi estévêque de Spolète. Ces familles d’hommes d'affaires diffèrent par contre entre elles par leurs origines : certaines descendentd’anciens nobles installés à Florence dès le 13°, les autres de familles citadines enrichies peu à peu du commerce ; ces deuxgroupes se fondent pourtant au 13°, quand des familles d’hommes d'affaires roturiers obtiennent d’être faits chevaliers ; lachevalerie et la richesse définissent dès lors une catégorie prépondérante des familles d’hommes d'affaires que l’on appelle les« Magnats » : les Pulci, les Cerchi, les Frescobaldi, les Bardi en font partie ; ils sont en fait les plus anciens riches de la cité. Lesnouvelles familles se réclament au contraire du peuple et s’affirment « popolane » en face des « magnats », sur le plan politique ;mais tentés elles aussi par les privilèges sociaux, beaucoup de leurs membres recherchent les éperons d’or de chevalier et le titrede messer au cours du 14°, tels les directeurs successifs de la compagnie Peruzzi, sans pour autant que leur famille soit réputée

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noble, la liste des magnats ayant été close en 1293. Mais la réputation de noblesse à laquelle ils tenaient tant, et de façon siexclusive, valu au magnats d’être systématiquement écartés du pouvoir. Ces familles d’hommes d’affaires sont nombreuses àFlorence ; lors du traité conclu avec Pise en 1369, la république florentine obtient la franchise d’entrée à Pise pour lesmarchandises de 108 compagnies énumérées dans ce traité. Or certaines compagnies n’y figurent pas, et plusieurs familles sonten fait associées au sein de certaines de celles qui sont citées ; on peut à cette époque évaluer le nombre de familles d’hommesd'affaires florentines à 150 à 200 familles, sensiblement le même qu’à Venise ; soit 1000 à 1500 hommes d’affaires actif sur unepopulation réduite après la Peste Noire à 50 000 habitants. En y ajoutant femmes, enfants et vieillards, les familles d’hommesd'affaires constituent environ 10% de la population florentine ; et ils occupent dans la vie culturelle, intellectuelle, économique etpolitique de la ville une place dominante, monopolistique. L’historiographie de Florence au 14° est elle-même le fait quasi-exclusifdes hommes d’affaire : Dino Compagni, Giovanni et Matteo Villani, Giovanni Frescobaldi, Donnato Velluti, Marchionne di CopoStefani sont tous des hommes d'affaires. Même des hommes de lettre après Dante participent à cet esprit ; Boccace, fils d’unfacteur des Bardi, Boccacio di Chelino, né à Paris pendant le séjour qu’y fait son père à la succursale de la compagnie, traînéensuite par son père derrière les livres de compte de la succursale de Naples, conserve la marque de son milieu d’origine. Depuisl’établissement de la prédominance guelfe à Florence, les hommes d'affaires sont au pouvoir. Ce sont d’abord les magnats quidominent ; puis en 1293, les ordonnances de justice expulsent à jamais les magnats du pouvoir et donnent la prépondérance au« peuple gras », c'est-à-dire la partie la plus récemment enrichie du monde des affaires, qui ne s’est pas encore unie à l’anciennenoblesse. Cette prépondérance est obtenue par l’intermédiaire des arts ; la structure corporative est en effet essentielle àFlorence, base même de la constitution. Il y a 21 arts, dont 7, les arts majeurs, groupent tous les membres des grandesentreprises commerciales et industrielles dont les débouchés sont en grande partie extérieurs à la ville ; des 14 autres arts fontpartie les chefs d’ateliers et artisans qui fabriquent des produits de consommation locale. Le système politique de la cité consistee,n une participation des représentants de ces arts, dans des proportions définies, aux charges publiques principales et surtout aucollège des prieurs. Le dosage est fait de telle sorte que parmi eux, l’Arte di Calimala, art du grand commerce ou négoce, atoujours la prédominance ; c’est une ploutocratie. Francesco di Balduccio Pegolotti est un des commerçants les plus consommésde la Florence du Trecento ; facteur des Bardi, il réside de 1310 à 1342 au service de la compagnie à Anvers, à Londres commedirecteur de succursale, en France, en Chypre et en Petite Arménie, où il obtient des rois des privilèges douaniers pour lacompagnie qu’il sert ; il tient par la suite à exercer à Florence toutes les charges publiques, toutes les magistratures ; dans lesintervalles de ses voyages, il est dans le cadre du sesto d’Oltrarno, la rive gauche, où il habite comme les Bardi, en 1331-1332,gonfalonier de compagnie, puis en 1340 membre du collège des Buonomini, en 1340-1341 à nouveau gonfalonier de compagnie ;puis quand il se retire définitivement à Florence, il devient en 1346 prieur pour le quartier de Santo Spirito, lui aussi quartier del’Oltrano, et gonfalonier de justice, plus haute magistrature de la Commune. Si nombre de ces hommes d'affaires cherchent àobtenir les éperons de chevalier et y parviennent, c’est surtout le titre qu’ils cherchent ; ils ne seraient pas capable d’allercombattre sur les champs de batailles où les milices florentines affrontent constamment leurs adversaires des villes voisines qu’ils’agit de subjuguer. Au temps de l’expédition de Charles d’Anjou, des chevaliers, anciens nobles devenus hommes d'affaires,trouvent encore naturel comme les siennois Noto Salimbene et Pietro de Tolomei qui se couvrent de gloire à Tagliacozzo, dequitter leur comptoir pour boucler leur armure. Après la victoire, quand le peuple gras est assuré au pouvoir, on ne trouve plus àFlorence un seul homme d'affaires qui se révèle chef de guerre ; les hommes d'affaires florentins n’ont aucune aptitude militaire.Ce sont des hommes de comptoir et de conseils uniquement. En face de la menace que fait peser sur Florence le seigneur deLucques, Castruccio Castracani, lui pourtant également descendant de marchands, à la fin du premier quart du 14°, ils ne trouventpas une meilleure riposte que d’aliéner la liberté de la ville au profit du roi de Sicile qui la défendra. Ils s’empressent de solder destroupes de mercenaires et bientôt s’en remettent aux chefs des compagnies de soldats de la conduite des opérations ; ils nepaient jamais de leur personne : c’est avec leur bourse et non avec leur bras qu’ils font la guerre. Par contre, l’idée de la guerre neles rebute pas loin de là, et ils se font une haute idée de la domination que leur ville doit exercer sur toute la Toscane, cherchantnotamment à s’assurer un libre débouché sur la mer. Lucques et Florence se disputent le port de Pise. Il s’ensuite de perpétuelsconflits armés, compliqués par es coalitions d’intérêts de toutes les puissances de l’Italie septentrionale, que le gouvernement deshommes d’affaire n’hésite pas à déclencher ou accepter ; ils mènent une politique agressive et belliqueuse. Ils font aussi la guerreavec leur tête, et incluent des clauses commerciales dans tous les traités politiques et cherchent à abattre leurs ennemis par desarmes économiques et financières pendant plus de 100 ans, Florence qui bénéficie de l’exclusivité de la clientèle pontificale etexploite le royaume de Sicile, reste totalement fidèle à l’alliance guelfe ; au milieu du 14°, celle-ci est même soutenue et guidéepar un membre d’une des familles de l’aristocratie marchande les plus puissantes de Florence, Nicola Acciaiuoli, devenu grandsénéchal du royaume de Sicile et conseiller de la reine Jeanne 1. En politique intérieure, ces hommes d'affaires réorganisent lesrecettes en les fondant beaucoup moins sur l’impôt direct, qui les concernait, que sur l’impôt indirect, supporté par la masse desconsommateurs, et sur l’emprunt, auquel ils souscrivent pour ramasser les intérêts que celui-ci procure. Ils modifient à leuravantage le rapport de l’or et de l’argent à Florence, en le fixant à un chiffre si faible qu’ils peuvent faire de substantiels bénéficesen exportant l’argent de Florence en france où sa valeur est relativement plus élevée ; et à ce taux, le paiement des salaires desouvriers du textile leur est extrêmement léger ; les ouvriers, dont le chiffre même du salaire était fixé par les seuls patrons, nepeuvent protester puisqu’ils ne font pas partie d’arts constitués…Ils n’ont aucune place dans la pseudo « démocratie » florentine,et les statuts de la commune leur interdisent de s’unir, de former des groupements dont l’action risquerait de leur procurer dehauts salaires préjudiciables aux hommes d'affaires en faisant monter le coût des objets manufacturés. C’est donc un régime declasse qui est ainsi établi : le peuple gras, les hommes d'affaires oppriment sans vergogne les ouvriers ; ceux-ci n’ont de recourspossible que dans la révolte contre une législation faite par et pour leurs adversaires et patrons ; enhardis par l’extrême mortalitécausée par la Peste noire et la hausse des salaire qu’elle a généré, les ouvriers du textile, les Ciompi, se soulèvent en 1378 sousla direction du cardeur Michele di Lando et imposent leur participation au pouvoir par la création de nouveaux arts qu’ilsconstituent exclusivement. Mais le peuple gras a tôt fait de rétablir sa dictature quelques années plus tard. Puis cette oligarchie estmenacée par un autre danger : certaines familles depuis longtemps, plus ambitieuses et cherchant à rétablir leurs affairescompromises, songent à dominer l’Etat ; déjà les Bardi, quand leur compagnie chancelait, avaient tenté en 1342-1343, decontrôler le gouvernement pour prendre les mesures qui devaient les sauver ainsi que les compagnies alliées des Peruzzi et desAcciaiuoli. Dans le dernier quart du 14°, ce sont deux groupes de familles d’hommes d'affaires, les Ricci et les Alberti d’une part,les Albizzi de l’autre, qui derrière Benedetto di Nerozzo degli Alberti et Maso degli Albizzi, se disputent la prépondérance politiquesur la ville ; la victoire politique des Albizzi entraîne le lent déclin de la compagnie, pourtant très puissante, des Alberti antichi, saufen Angleterre jusqu’au milieu du 15°. C’est dans cette compagnie des Alberti antichi, au moment de son apogée, avant que seschefs ne nourrissent d’ambitions politiques, que l'on trouve en Niccolo di Jacopo degli Alberti un des rares hommes d'affairesflorentins du 14° dont il soit possible d’évoquer la figure en détail ; il a la part belle dès sa naissance : il naît dans une familled’hommes d'affaires qui constitue depuis le début du siècle la compagnie de moyenne importance des Alberti ; son père Jacopodegli Alberti, y joue un rôle de plus en plus important et en devient le codirecteur avec son frère Caroccio degli Alberti en 1342. lacompagnie n’est pas entraînée dans le krach des compagnies florentines de 1342 à 1346 ; elle subsiste et ses associés, qui ont

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une solide expérience des affaires, se trouvent alors dans une situation privilégiée ; Jacopo degli Alberti se sent capable de dirigerseul la compagnie et de lui faire prendre la place des colosses qui se sont effondrés. : lors du départ de son frère Caroccio degliAlberti en 1346, il continue seul à maintenir la vieille compagnie qui porte désormais le nom des Alberti antichi. Son fils Niccolo diJacopo degli Alberti y occupe d’abord des positions subalternes dans les succursales : il va à la succursale d’Avignon en 1359 etc’est peut-être par son action que les Alberti antichi deviennent à partir de 1362 les principaux fournisseurs et banquiers du saint-siège. En quelques années, leur compagnie est la plus puissante de Florence et n’hésite pas à abattre la concurrence, qui commeles Guardi, cherche à lui disputer l’exclusivité de la clientèle pontificale. La compagnie des Alberti antichi a des succursales àLondres, Bruges, Paris, Avignon, Barcelone, Venise, Gênes, Bologne, Pérouse, Rome, Viterbe, Naples et Barletta. En 1369,Niccolo en devient codirecteur avec son cousin Benedetto di Nerozzo degli Alberti ; en 1372, Niccolo di Jacopo degli Albertisemble en être le seul directeur et le reste au moins jusqu’en 1375 ; il ne confine pas son activité au commerce et à la banque : ilest naturellement membre de l'Arte de Calimala et à ce titre peut jouer un rôle politique : il est prieur dès 1355. il adopte alors unepolitique favorable au maintient de l’alliance guelfe, base de la fortune de la compagnie banquier du pape, et à l’acquisition parFlorence d’un accès direct à la mer ; c’est lorsqu’il est gonfalonier de justice en 1363 que grâce à son énergie, Florence remportela victoire sur Pise ; il est fait chevalier en récompense et est un des syndics élus en 1364 pour traiter de la paix avec les pisans :le traité, qui n’est conclu qu’en 1369, assure aux commerçants florentins la franchise douanière et la liberté d’accès à PortoPisano. Il est par ailleurs membre de toutes les ambassades que la république envoie au pape pour lui demander une grâce ous’excuser de le soutenir mollement dans la guerre contre les Visconti ; en 1360, il avait obtenu la levée de l’interdit un instant jetésur la ville auprès de la papauté ; il devient ainsi vite un des capitaines de la Parte Guelfa. Niccolo di Jacopo degli Albertiaccumule de la sorte une immense fortune, évaluée à 340 000 florins, la plus grosse fortune que l’on ait vu à Florence jusqu’alors.Il en utilise une partie pour se loger et pour se procurer des jouissances exquises : il fait construire pour lui un superbe palais etacquiert près de Florence une magnifique villa où il fait pousser les plantes de tous les pays. D’après son descendant LeoneBattista Alberti, il aime les contempler ; on désigne cette villa par le nom de Villa del Paradiso, paradis sur terre. Il assure une partbien plus limitée de sa fortune aux « bonnes œuvres » ; comme tous les hommes d'affaires, il fait des dons à Santa Croce, l’églisedes franciscains ; il refait faire depuis les fondations l’église San Marcellino à Ripoli. Il fonde pour les pauvres femmes âgées etveuves un hospice à Orbatello, multiplie les aumônes. Aussi à sa mort en 1377, 500 pauvres suivent ses obsèques grandioses,évaluées à 3 000 florins…

Dernier tiers du 13° - 14° siècle – autres centres de Toscane et de l’intérieur : les astésans et leurs émules de Chieri se consacrentdepuis le début du 14° à peu près exclusivement au prêt sur gage. Tout au long du 14°, leurs « casane » se multiplient dans lePiémont, la Savoie, le Dauphiné, les Bourgogne et les Pays-Bas, jusque dans les plus modestes bourgades où ils s’imposent à lapopulation rurale. Certaines établies dans des grandes villes sont très importantes, comme celles de Bruges appelée « les grandscahorsins » et « le Paon » ; mais les propriétaires de ces établissements qui font leur métier de prêt de consommation condamnépar l’Eglise sont haïs par les plus pauvres, qui viennent y déposer en gage jusqu’à leurs outils et vêtements ; aussi sont-ils tenus àl’écart de la ville, bien qu’on ne puisse se passer de leurs coûteux services. Leurs casanes sont placées dans les faubourgs, ils neparticipent pas aux processions et cortèges où les colonies génoise, florentine, lucquoise paradent à des places d’honneur et dansde somptueux costumes. Quelques familles possèdent plusieurs casanes sises dans des villes différentes et jouent de ce fait unrôle assez important grâce aux liens qui unissent entre elles leurs entreprises : tels les Asinardi, les Rotari (qu’on appelle en franceet en Flandre les « Asiniers » et les « Royers »), les Malabayla, les Provana. Bien souvent il leur pèse de ne se limiter qu’au prêtsur gage, et ils reviennent à certains commerces exercés par leurs prédécesseurs, comme celui de la laine. Le réseau des casanesdes grandes familles d’Asti qui pratiquent un peu partout le change et le prêt paraissent susceptible de soutenir une activitébancaire internationale. Lorsqu’en 1342, le pape Clément 6, inquiet de la crise qui secoue les compagnies florentines qui luiservent alors de banquiers, les abandonne, aggravant et accélérant ainsi le marasme, c’est à une grande famille d’Asti, celle desMalabayla, qu’il s’adresse pour les remplacer. Jacopo et Antonio Malabayla, les chefs de la société, sont des hommes habiles,mais ils entreprennent là une opération disproportionnée avec les structures et la puissance de la société de sa famille. Au départ,elle ne dispose en effet de correspondants qu’à Bruges et Londres, alors qu’elle est censée remplacer auprès du pape l’activité des4 compagnies florentines les plus puissantes. Mais le pape qui se refuse à s’adresser aux compagnies des villes gibelines que sontPise, Sienne et Lucques, vient à son secours : il fait savoir que les Malabayla ont l’exclusivité de sa clientèle et il leur ménage unevéritable publicité pour que d’importants personnages s’adressent à eux et leur permettent de développer leurs opérations,accroître leurs revenus et étendre leur rayon d’action. Mais dès que Florence fut remise de son krach, le pape s’adresse à nouveauà ses compagnies (en particulier les Alberti antichi) et laisse les Malabayla à leur sort. Mais le souvenir des astésans reste à lachambre apostolique lorsqu’en 1376, la guerre ayant éclaté entre Florence et le saint-siège, il faut brusquement remplacer lescompagnies florentines par d’autres banquiers : parmi ceux à qui le pape s’adresse alors figurent les Provana d’Asti, à côté desdiverses compagnies lucquoises, Interminelli, Guinigi, Rapondi. Ainsi les lombards d’Asti dont le 14° est la véritable périoded’expansion de leurs casanes gardent ils le goût des grandes affaires et n’hésitent pas à les entreprendre lorsqu’elles seprésentent. Pise comme Florence a été transformée au 13° par l’essor de la draperie, dont les négociants, groupés dans « l’art dela laine », se taillent une place si considérable dans la cité qu’ils la dirigent de 1260 à 1280dfs le cadre du régime du Popolo. Maisla destruction de la flotte pisane par les génois en 1284 entraîne le déclin de la cité. Les drapiers, en favorisant la concentration àl’intérieur des murs des ateliers dépendant d’eux accentuent le mouvement d’émigration des paysans et des pêcheurs du contado ;Pise, faute de gens de mer, ne peut plus reconstituer sa flotte, base de sa puissance, et affaiblie, ne peut concurrencer Gênes etrésiste mal en Toscane même à la concurrence de Lucques, proche et constante ennemie, et surtout à l’hégémonie de Florence.Depuis 1275 environ, les draps florentins pénètrent sur le marché pisan, et la défaite de 1284 fait tomber Pise dans l’orbite deFlorence. Toutes les grandes compagnies commerciales et bancaires de Florence de la fin du 13 et du début du 14° ont dessuccursales importantes à Pise. Cependant l’industrie drapière reste active et pour l’alimenter comme pour écouler sa production,Pise malgré la perte de la Sardaigne en 1324 demeure en relation avec tous les ports et place commerciales de cette rive dubassin occidental de la méditerranée. L’effondrement des colosses de Florence en 1342-1346 redonne de l’allant aux sociétéspisanes, et à Pise, qui manifeste cette ultime phase d’expansion par la prise de Lucques en 1342. 47 organismes pisans pratiquentla banque au cours de ce demi siècle ; la plupart semblent de faible importance, mais certains sont assez considérables commeceux des Dell Agnello, des Agliata, des Aiutamicristo, des Rau, des Rosso. Toutes ces familles étaient montées au premier rang dela société avec le commerce de la laine, dont elles tirent leur origine, et l’établissement du régime du Popolo à la fin du 13° ; unedes principales, celles des Borromeo, a d’abord eu son siège à San Miniato al Tedesco, dans le val d’Arno, berceau de la famille ;vers 1390, les Borromeo s’installent à Pise ; leur compagnie à bientôt des filiales à Gênes, à Venise, à Milan ; l’un des chefs de lafiliale milanaise, Giovanni Borromeo, épouse une milanaise, obtient la citoyenneté milanaise et rompt peu à peu tout lien avec lasociété mère de Pise ; la compagnie indépendante qu’il créé à Milan deviendra une des principales entreprises commerciales etbancaires de cette ville au 15°. Peu à peu, l’économie florentine rétablit son influence sur Pise ; à partir de 1390, cette influencedevient étouffante : chaque grande compagnie florentine possède à nouveau une filiale à Pise. De ces filiales, celle de Francesco

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di Marco Datini, de Prato, est la mieux connue grâce à la richesse des archives conservées dans l’hôpital qu’il avait fondé.Francesco di Marco Datini n’est pas un florentin de Florence : il est né en 1335 à Prato, petite cité entrée dans la sujétion politiqueà Florence, mais dont l’activité économique diffère de cette de sa métropole : on y confectionne en effet surtout des tissus de laine :l’arte di calimala n’y a pas d’équivalent et l’arte della lana y est prédominant. Par ailleurs, les affaires de Prato se font plutôt àFlorence. Francesco di Marco Datini créé ainsi d’importants établissements à Florence même, et il y réside ; il s’inscrit dans les artsflorentins de la soie et du change, obtient la citoyenneté florentine, épouse une florentine, mais ne possède jamais de maison àFlorence : c’est à Prato qu’est sa demeure et que vit sa femme. Il n’appartient pas à une grande famille de grands hommesd'affaires ; son père, membre de l’art des taverniers, n’est pas pour autant sans fortune, mais exerce un commerce local. A 13 ansFrancesco di Marco Datini perd à peu près toute sa famille : père, mère, sœur, un de ses deux frères et 3 sur 4 des exécuteurstestamentaires de son père sont enlevés par la peste noire de 1348 ; son tuteur, qui ne pense qu’à l’arte della lana, lui fait faire àFlorence apprentissage et éducation dans diverses boutiques ; il y prend sans doute le goût du négoce et part à 15 ans à Avignon ;il y fait son apprentissage d’homme d'affaires auprès d’un des nombreux commerçants florentins installés dans la cité des papes ; ilfonde dès 1363 grâce à la fortune paternelle qui lui est revenue quasi-intégralement, et en association avec un de sescompatriotes, une compagnie qui rapporte en 6 mois 200 florins de bénéfice à chacun des deux fondateurs ; il s’associe alors avecplusieurs hommes d'affaires florentins dans des sociétés diverses qu’il dirige simultanément. L’expulsion des florentins d’Avignonquand éclate la guerre des 8 saints en 1376 entre Florence et le pape, lui permet de faire prospérer ses affaires : jouant du fait quePrato n’est pas Florence, il demeure à Avignon, y représente les intérêts de beaucoup de florentins qui ont quitté la ville et lesremplace désormais dans un certain nombre de leurs activités ; il développe grandement les commerces qu’il faisait depuis 15ans : armes, toiles, objets d’art, sel, change ; il parvient ainsi à se former une fortune. En 1383, laissant à Avignon une compagnieunique et prospère gérée par son associé, il revient au Prato ; il y développe son organisation matérielle, fonde un fondaco qu’ilgère lui-même et une compagnie affiliée à l’arte della lana, adonnée au tissage de draps, dont il confie le contrôle effectif à sontuteur ; mais le commerce général qu’il fait à Avignon et à Prato ne peut se concevoir sans des correspondants à Florence, Pise etGênes. Il fonde donc avec de lointains parents, mais surtout en prenant pour associés des facteurs de ses anciennes compagnies,des compagnies à Florence (1386 environ), Pise (1382), Gênes (jusqu’en 1400) ; enfin, il importe d’Espagne les laines qu’il faittravailler à Prato, des céréales et des fruits, il fonde à partir de 1393 des compagnies qui ont pour siège Barcelone, Valence,Majorque et Ibiza, complétant ainsi son réseau d’affaires autour de la méditerranée occidentale. Ces diverses compagnies font lecommerce international de tous les objets imaginables et pratiquent l’assurance maritime. La plupart font la banque en acceptantdes dépôts et surtout en ouvrant des crédits aux marchands locaux par l’achat de leurs lettres de change tirées sur d‘autres placesoù elles ont des correspondants. Francesco di Marco Datini est ainsi à la fois industriel, commerçant, négociant, assureur,banquier ; la structure des affaires de Francesco di Marco Datini est différente de celle des compagnies florentines : il ne s’agit pasd’une compagnie à succursales multiples, mais de 9 compagnies à sièges divers dans lesquelles il est l’associé dominant et dont lecapital « restreint » (5 à 10 000 florins) est surtout fourni par lui. Cette structure de ses affaires lui permet de les dominer sanspartage, mais c’est aussi une innovation qui permet d’éviter les chutes des compagnies, et de pouvoir refonder sa fortune sur lescompagnies restées saines en cas de faillite ou de difficulté dans l’une d’elle. Il se fait construire une magnifique demeure danslaquelle il héberge princes et ambassades de passage ; il possède des bien-fonds et une belle villa dans les environ ; il estl’homme le plus riche de Prato ; mais il refuse les charges de la ville, et se démet de celles qu’il a été obligé d’accepter à Prato etFlorence où se heurtent les factions ; il évite de s’occuper de politique ; il achète des livres, fait décorer de fresques sa maison,dépense énormément pour sa table et se marie très tard, profitant de la vie même au-delà de son mariage. Une de ses fillesillégitimes est le seul enfant qui lui reste et il la marie richement ; il meurt à 75 ans en 1410 en léguant par son testament sa fortuneestimée environ à 75 000 florins, à la commune de Prato pour y fonder un hospice destiné aux pauvres. Le lucquois Dino Rapondinous est connu par les lettres que lui adressaient rois et princes qu’il servait, ainsi que par les chroniqueurs contemporains ; ilappartient à une des plus riches familles d’hommes d'affaires de Lucques depuis la fin du 13° ; il p^rend la direction de lacompagnie familiale et en est le principal associé à la mort de son frère Guglielmo Rapondi, en 1370 ; il a pour associés ses frères,ses neveux et quelques lucquois installés en france et en Flandre ; la compagnie a des succursales à Bruges, Anvers, Paris,Avignon, Venise et sans doute dans certaines villes du bassin oriental de la méditerranée ; le siège social semble presque êtreplutôt Bruges que Lucques, où Dino Rapondi réside ordinairement. Beaucoup de membres de sa famille siègent au Conseil desAnciens de la commune de Lucques, certains sont gonfaloniers de justice, et Dino Rapondi est lui-même élu membre du Conseildes Anciens par deux fois ; mais Dino Rapondi reste surtout un lucquois de l’extérieur. Il s’est fixé en Flandres où sa famille faitdéjà depuis longtemps d’importantes affaires ; et quand la famille rivale des Guinigi emporte le pouvoir à Lucques, quand PaoloGuinigi, chef de cette famille et directeur d’une compagnie concurrente établit sa seigneurie dans la ville en 1400, les Rapondi, quiavaient tenté de s’opposer à cette ascension, sont exilés. Dino Rapondi reste en Flandre et en France où ses affaires prospèrent ;lui et ses parents ont figuré parmi les membres les plus importants de ces colonies lucquoises, auxquelles sont reconnus desprivilèges à Londres, Paris, Bruges sur le modèle de ceux accordés aux vénitiens et aux génois depuis le début du 14°. Chaque« nation », sous l’autorité d’un consul renouvelé chaque année et assisté de quelques conseillers, jouit de la personnalité civileavec sceau et armoiries, d’une juridiction propre, commerciale, civile et même criminelle, et de ressources fournies par une taxelevée sur les marchandises en provenance de la « mère-patrie » ; elle avait sa chapelle et sa loge ; le culte du crucifix miraculeux,vénéré à Lucques sous le nom de Santo Volto, donne à l’association une justification morale et religieuse des plus crédibles… onconnaît bien la colonie lucquoise de Bruges grâce au « livre de la communauté » dont les fragments retrouvés couvrent la période1377-1404. Elle avait reçu ses statuts en 1369et devait compter 46 marchands au moment où débute le registre conservé (1377) ;les compagnies les plus riches de cette colonie sont celles des Guinigi, des Rapondi et de Forteguerra di Forteguerra. L’activité deDino Rapondi est spécifiquement lucquoise ; Lucques est spécialisée dans le tissage des étoffes de soie et est au point de vueindustriel, la Constantinople de l’Occident. Le commerce de Dino Rapondi est surtout du commerce de luxe ; sa compagnie fournità la fastueuse cour aristocratique et aux cours de la fin du siècle les soieries, bijoux, pièces d’orfèvrerie et épices dont elles fontune très lourde consommation dans leur perpétuelle fête. Il les importe directement d’orient ou par Venise, ou les fait venir desateliers de Lucques ; il reprend de ses parents et prédécesseurs une certaine clientèle de princes, en particulier celle de Yolandede Flandre, comtesse de Bar, qui lui achète tous les objets de luxe dont elle a besoin et lui demande de lui procurer des fonds quilui font souvent défaut. Par cette princesse, Dino Rapondi touche à la cour de Flandre. Il entre ainsi en relation avec le futur duc,Philippe le Hardi, qu’il séduit. Celui-ci l’introduit alors auprès de son frère, Charles 5, et de la cour de France, où Rapondi connaîtles mêmes succès : le roi et ses frères, les ducs d’Anjou et de Berry, le comte de Savoie lui font de nombreuses commandes ; degrands seigneurs comme Guy de la Trémoille et Enguerran de Coucy lui confient la gestion de leur fortune. Devenu fournisseur duroi et de la cour de france, il réside davantage à Paris, dont il devient bourgeois dès 1374 ; et le rôle prépondérant que jouent enfrance au temps de Charles 6, Philippe le Hardi duc de Bourgogne et comte de Flandre à partir de 1384, puis son fils et successeurJean Sans Peur, amène Dino Rapondi à partager son temps entre Bruges et Paris, tout comme ses illustres clients… C’est à Parisqu’il demande à être enterré mais il l’est à Bruges. De fournisseur des ducs, Rapondi est devenu leur banquier ; il est chargé delever les impôts et avance au duc des sommes très importantes ; il lui procure des emprunts sur la place de Bruges. Il glisse ainsi

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peu à peu vers le rôle d’agent financier et se trouve chargé de la frappe des monnaies de Flandre ; il surveille et paie les travauxeffectués dans divers châteaux de Flandre, spécialement la construction de la citadelle de l’Ecluse ; il reçoit le titre de conseiller etde maître de l’hôtel de Philippe le Hardi et participe largement aux libéralités de ce prince. Aussi quand Jean Sans Peur est faitprisonnier par les turcs à Nicopolis, les relations commerciales de Dino Rapondi avec l’orient, les capitaux dont il pouvait disposeret la confiance du duc le désignèrent pour négocier le chiffre et le paiement de la rançon du prince et pour en rassembler lemontant. Il fit de même pour les principaux compagnons de malheur de Jean sans Peur, dont Guy de la Trémoille mort à Rhodesau sortir de sa captivité ! Il y emploie toutes ses relations dans le bassin méditerranéen ; Philippe et Jean lui témoignent leurreconnaissance par de nombreux et riches cadeaux ; surtout, ils se confient à lui et le consultent de plus en plus. A partir de 1395,le négoce n’est plus qu’un élément secondaire de son activité, d’ailleurs largement abandonnée à ses frères : il est surtout dès lorsle conseiller financier des ducs de Bourgogne et même parfois un conseiller politique de Jean Sans Peur ; aussi le sénat de Veniseou le seigneur de Milan s’adressent à lui lorsqu’ils veulent obtenir des mesures de faveur du roi de france ou du duc deBourgogne ; son hôtel de Paris, qui témoigne de son train de vie, est célèbre et Guillebert de Metz le cite comme une des plusluxueuses demeures de la capitale.

Dernier tiers du 13° - 14° siècle – avènement de la Renaissance : le premier caractère frappant de cette période est le nombrecroissant d’hommes d’affaires. La population des 4 grandes villes commerçantes italiennes (Gênes, Florence, Venise, Milan)atteignent 50 à 100 000 habitants avant 1348. La liste des associés et facteurs des Bardi et des Peruzzi actuellement connus pourla période de 1310-1345 comprend 346 noms pour les Bardi, 142 noms pour les Peruzzi. Lorsque la paix est rétablie entre Pise etFlorence en 1369, Florence remet à Pise la liste des membres de l’arte di calimala qui doivent être exemptés par le traité de paixde droits de douane : 800 noms sont cités dans ce cadre, alors même que certaines compagnies n’y sont pas citées. Tous ceshommes d'affaires italiens, dont une partie pratique l’usure, l’intérêt, la banque, le change, sont chrétiens ; on ne trouve parmi euxaucun juif ; les juifs jouent dans de très nombreuses bourgades le rôle de simples prêteurs locaux, et avaient été amenés à sespécialiser dans cette activité indispensable par l’interdiction faire par l’Eglise aux chrétiens de se livrer à la pratique du prêt àintérêt, alors que de nombreux hommes d'affaires italiens le pratiquaient. Le fait que les prêteurs juifs exigeaient un intérêt parfoisélevé de 25 à 50% pour leurs prêts, les faisaient qualifier d’usuriers. Mais aucun d’eux n’est associé comme le sont les hommesd'affaires italiens chrétiens au grand négoce international et aux hautes finances, en Italie comme en Occident en général. En lamatière, les hommes d'affaires chrétiens sont les initiateurs. Cette période est par contre celle de la sédentarisation massive deshommes d'affaires, que l’on appelle parfois « révolution commerciale des années 1275-1325 ». A Sienne, par souci de préserverleur intérêt commun, les familles d’hommes d'affaires Bonsignori, Salimbeni et Tolomei s’unissent au moment de la criseéconomique de la fin du 13° ; les hommes d'affaires italiens écrivent aussi des ouvrages servant à connaître les placescommerciales, les cours et les évènement politiques et militaires : c’est le cas de Francesco di Balduccio Pegolotti, facteur desBardi ; de Guido Monaldi ; de Giovanni Villani, associé de la compagnie des Peruzzi puis de celle des Bonaccorsi ; de Bonvesindella Riva. La concurrence et l’individualisme des compagnies s’exaspèrent à cette époque, comme le montre la pratique de lavente aux « infidèles », aux musulmans, malgré l’interdiction papale, d’armes et de fournitures de guerre dont ceux-ci userontcontre les armées chrétiennes : bois, fer, la poix, esclaves constituent des marchandises fréquentes exportées en orient, et d’autantplus recherchées que la clandestinité de leur trafic permet de les vendre plus chers ; avidité famille et individuelle aussi : lesPeruzzi qui ont soutenu en Bourgogne l’orthodoxie de Scaglia Tiffi, leur parent, accusé d’hérésie, n’hésitent pas à acquérir à vil prixles bien que celui-ci possédait à Florence lorsqu’ils sont vendus à la demande de l’Inquisition ; de nombreuses familles d’hommesd'affaires italiens se livrent volontiers à l’usure, plus profitable encore que le négoce : Bartolomeo Cocchi-Compagni accumule parl’usure une « belle » fortune à Florence dans la deuxième moitié du 14° ; ce dévorant égoïsme les conduit à des actes« barbares » : Bartolomeo Cocchi-Compagni ne paie pas la dot promise à sa fille, ne verse pas à sa femme les sommes qu’ellehérite, ne remet pas à un de ses neveux l’argent qu’il lui doit ; les Frescobaldi présentent au roi d’Angleterre un mémoire dont lasarticles sont exagérés ; Giovanni Sercambi note que d’autres trichent sur les sommes qu’ils doivent aux ouvriers de la laine ;certains facteurs de compagnies s’y mettent également : Jacopo di Bruno, surnommé « Zampaloca », facteur des Gianfigliazzi,refuse de rendre compte de son activité passée au service de la compagnie dans le Dauphiné ; le génois Daniele Fontanelladéclare au tuteur des héritiers d’un de ses commanditaires qu’il a perdu 20% du capital social alors que les bénéfices montent enréalité à 50% de celui-ci… Francesco di Marco Datini ne paie pas exactement à son personnel les salaires convenus et nerembourse pas à ses associés et à ses facteurs les sommes qu’ils ont avancées à la compagnie. Les hommes d'affaires italienspratiquent la charité, et prélèvent environ 1% du capital de leur compagnie pour les aumônes ; tous font partie de confréries : laconfrérie d’Or San Michele à Florence par exemple. Certains ne supportent cependant pas la contradiction entre leur mode de vie,leurs affaire, leur cupidité, et leur morale chrétienne ou sociale : ainsi de François d’Assise, ou de Giovanni Colombini, hommed’affaire siennois qui laisse son comptoir en 1360 et parcourant la campagne toscane en glorifiant le nom de jésus, fonde l’ordremendiant des jésuates. Ainsi certains pensent résoudre cette contradiction en applaudissant la pauvreté, et ses représentants, lesfrères mendiants !

15° siècle – conditions générales : au 15° siècle, les principales cités italiennes, places commerciales et financières, colonisent lescampagnes et organisent autour d’elles des Etats territoriaux. Les villes de moyenne importance qui tombent ainsi dans leur gironsdeviennent leurs satellites. Le nombre de grandes place demeure de 4 : Gênes, Milan, Florence, Venise. C’est dans les premièresannées du 15° que Venise entreprend de fonder un Etat de Terre Ferme où sont bientôt incluses Vérone, Padoue et Ravenne. Lelong duel qui oppose Pise et Flore,nce depuis 300 ans trouve également à cette poque son achèvement : Pise est annexée parFlorence en 1406 et disparaît du nombre des cités autonomes. Florence acquiert ainsi un accès intégral et décisif à la mer, peutconstituer sa propre flotte et se passer du service des armateurs génois. Gênes chancelle ces mêmes années ; la 6° guerre qu’ellefait à Venise s’achève en 13890 sur une défaite ; en 1402, elle perd pour un temps son autonomie politique en acceptant ladomination du roi de france ; cette période est aussi marquée part l’accroissement du rôle politique des hommes d’affaire dans lavie de leur cité et des Etats qui se forment autour d’elle ; en 1400, Lucques voit le chef de la plus riche famille marchande de laville, Paolo Guinigi, accéder à la seigneurie ; il la conserve plus de 20 ans et ses descendants lui succèdent ; bientôt à Florence, undes plus puissants hommes d’affaire de l’histoire de la cité, Côme de Médicis, attire à lui la direction politique de l’Etat florentin,direction qui passe après sa mort, comme une seigneurie, à son fils Pierre de Médicis, puis à son petit-fils Laurent de Médicis leMagnifique. Par ailleurs, les débouchés et routes commerciales tendent à se rétrécir à cette période : la chute de la dynastiemongole en Chine et son remplacement par les Ming en 1368 entraîne une réaction xénophobe : la Chine se ferme auxcommerçants italiens ; l’ère de leurs affaires va se rétrécir pendant un siècle ; la Perse se ferme à son tour ; puis se sont les sultansd’Egypte qui leur interdisent de traverser leurs Etats : il leur devient impossible de se rendre aux Indes. Les turcs progressent au15° sur le littoral de la Mer Noire où les comptoirs génois et vénitiens disparaissent les uns après les autres ; Caffa tombe en 1475,Cetatea Alba en 1484, marquant l’évincement total de la mer Noire des marins et hommes d'affaires italiens ; à la fin du 15°, aprèsla chute de Constantinople en 1453, celle de Nègre-Pont en 1470 et la prise d’Otrante en 1479, les limites extrêmes de leur trafic

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ont été ramenées des rives de l’océan pacifique à celles de la mer Egée. Il arrive encore de manière exceptionnelle qu’un génoisou un vénitien parvienne à rejoindre les Indes. Aussi les italiens font un effort industriel pour compenser cette perte : les vignes, lesplantations de cannes à sucre, l’élevage du ver à soie, se multiplient en Italie du sud, en Espagne, en Sicile ; mais ils rencontrent làla concurrence des catalans, dont les bateaux partant de Barcelone ou s’y rendant, desservent Valence et les ports barbaresques,Palma de Majorque, Naples et Palerme. Les turcs ont pris aux italiens le contrôle du commerce asiatique. Et peu à peu denouveaux concurrents apparaissent dans les ports riverais de l’océan atlantique : toute la façade occidentale de la péninsuleibérique s’anime ; la caractéristique économique du 15° est cependant l’essor industriel ; la grande industrie se développe et n’estplus limitée au tissage et aux constructions navales comme dans la période précédente ; l’extraction minière et la métallurgies’accroissent énormément à la suite de la découverte tant de gisements miniers que de toute une série de procédés techniquesnouveaux, à la suite aussi du développement des armes à feu ; d’autres industries se développent parallèlement comme lapapeterie, la tannerie et la verrerie ; la plupart des nouveaux centres industriels se trouvent en Italie du Nord et en Europecentrale : un rôle pionnier y a été joué les hommes d'affaires italiens dans l’exploitation des mines d’or de Transylvanie et desmines de sel de Pologne. Mais en fait, la plupart des activités extractives des pays germaniques sont aux mains d’hommesd'affaires allemands, avec le soutien des Etats allemands qui constituent en ce sens des monopoles, surtout quand cette activitéconcerne l’armement. Les italiens maintiennent cependant largement leur rôle de pont entre l’orient et l’occident, entre l’Europe etl’Afrique et l'Asie. Beaucoup d’entre eux contrôlent ou dirigent des ateliers de tissage ; certains s’efforcent de contrôler laproduction de matières tinctoriales ou de produits indispensables à la teinture comme l’alun. Les activités financières accroissentaussi leurs surfaces : la création de sociétés en commandite, et d’associations de créanciers à parts égales et aisément cessiblesattirent dans les affaires les capitaux des gens timorés ou moins fortunés ; l’invention du dépôt à terme permet d’éviter une partiedes krachs liés aux rushes soudains des déposants. Aux anciennes places financières fréquentées par les hommes d'affairesitaliens viennent s’en ajouter de nouvelles : Lyon, Besançon, Genève, Chambéry, où s’établissent des foires de change. La boursenaît à Anvers à la fin du 15°, nouvel organisme commercial et financier, où se rencontrent des hommes d'affaires comme auxfoires, mais en y négociant les marchandises absentes que le vendeur s’engage à livrer à l’acheteur à une certaine date.

15° siècle – Florence : Florence devient également une place maritime ; des galères florentines armées selon les normes d’unmonopole d’Etat qui se relâche progressivement, parcourent toutes les mers connues et accessibles : les unes gagnent à partir de1425 les ports anglais et néerlandais de la Manche et de la mer du Nord, alors que les autres depuis 1422 fréquentent les grandsports de la méditerranée occidentale. Les colonies pisanes qui subsistaient dans l’orient byzantin et musulman devienne descolonies florentines ; la relève est surtout sensible à Constantinople : après la conquête de la cité par Mehmet 2, les florentins quin’y avaient pas de colonie 50 ans plus tôt y sont désormais ceux des italiens dont l’activité commerciale est la plus grande nonseulement dans la capitale mais dans tous le pays dominé part les turcs ; le commerce maritime devient ainsi une activitéesse,ntielle des hommes d'affaires florentins, s’ajoutant au commerce terrestre, toujours florissant, à l’industrie et à la banque enplein essor. En 1408, la législation florentine reconnaît les sociétés en commandite. Ainsi seul le commandité, le gérant de lacompagnie, demeure responsable en cas de déboires, alors que les actionnaires ne le sont que sur les sommes qu’ils ontengagées. En 1430, on compte 22 grandes compagnies non spécialisées à base familiale, et 33 en 1469, qui fassent le commerceplus encore que la banque et ont des intérêts importants dans l’industrie, telles les compagnies des Strozzi, des Pazzi, desRucellai, des Serristori. La plus considérable est celle des Médicis que le génie de Côme de Médicis a porté au plus haut degré deprospérité que suscite sa réussite politique. A la mort de son père Giovanni d’Averardo en 1429, Côme de Médicis a 40 ans ;depuis 20 ans, il circule dans les diverses régions de l’occident avec lesquelles son père faisait des affaires. Il est parfaitement aucourant de la situation économique et politique du monde, comme de la structure et du fonctionnement des entreprises paternelles.Il hérite avec son frère Lorenzo de Médicis d’un ensemble d’affaire en expansion que Giovanni de Médicis avec son aide, avaitporté à un haut point de puissance et de prospérité. C’est un faisceau de compagnies commerciales et de sociétés industriellesorganisées selon un système de filiales, général dans le milieu toscan depuis la fin du siècle précédent. La principale de cescompagnies, que dirige Giovanni, puis Côme, a son siège à Florence. Dans chaque ville où les Médicis ont une activité importante(Bruges, Londres, Rome, Venise, Pise, Genève, Avignon), existe une compagnie particulière dont les Médicis ont plus de la moitiédu capital social, étant ainsi associés majoritaires. Toutes ces sociétés dirigées et contrôlées par les Médicis sont indépendantesentre elles. Mais dans la pratique, les Médicis les font se soutenir mutuellement, et elles usent toutes de la marque commercialedes Médicis : un cœur marqué de 3 points et surmonté d’une croix. Giovanni d’Averardo était l’homme le plus riche de Florenceaprès Palla Strozzi selon le castato ou estimation de 1427. Sa fortune est estimée à 180 000 florins ; c’est de cette fortune queCôme de Médicis reçoit la gestion ; car si elle était partagée avec Lorenzo de Médicis et lui, la confiance qu’avait en lui son frèrecadet et leur parfaite identité de vues maintinrent tous les investissements antérieurs. A la mort prématurée de Lorenzo en 1440,Côme de Médicis, tuteur de l’enfant que laissait son frère, Pier Francesco de Médicis, continue de gérer la fortune combinée desdeux branches ; et à sa majorité en 1451 Pier Francesco de Médicis laisse ses capitaux dans le système d’affaire magistralementgéré par son oncle. Une telle richesse conférait aussi à Florence une puissance politique à la famille ; Giovanni d’Averardo s’étaitprudemment tenu à l’écart des charges politiques, même s’il avait été gonfalonier de justice ; sa richesse, ses largesses avec lapopulation et la popularité dont elle jouit dans le moyen et le petit peuple pousse peu à peu la famille à s’engager plus dans la viede la cité ; cette popularité tient à la part prise par un des membres de la famille, Slavestro (de Médicis), dans l’insurrection desCiompi en 1378. Pour Florence est depuis la fin du 14° dirigée par une faction oligarchique dont les chefs, Rinaldo degli Albizzi,tend à s’appuyer sur les magnats, pourtant exclus de la vie publique depuis 1293. la masse de la population de Florence abhorrecette oligarchie politique au moment ou Côme de Médicis prend la suite e son père, et il devient ainsi l’espoir de tous lesmécontents sans cesse plus nombreux ; Rinaldo degli Albizzi s’inquiète de la menace qu’il constitue, et fait arrêter Côme deMédicis après qu ‘un gonfalonier à la dévotion de celui-ci ait été élu en 1433 ; craignant cependant une insurrection et desdifficultés à la fois intérieures et extérieures, il le fait exiler à Padoue au lieu de le faire mettre à mort. Côme de Médicis obtient des’établir à Venise, où il développe la filiale locale de la compagnie ; ses affaires continuent à prospérer dans tout l’occident ; il esttraité comme une puissa,nce par les autorités vénitiennes, qui lui réservent le meilleur accueil. Exilé, il est cependant amené à faireactivement de la politique pour revenir à Florence, et devient ainsi le chef de toute l’opposition à l’oligarchie florentine. Enseptembre 1434, les élections à la seigneurie portent ses partisans au pouvoir ; ceux-ci le rappellent, officieusement d’abord, puisofficiellement, après une tentative manquée de Rinaldo degli Albizzi pour reprendre par la force le contrôle de la ville. Côme deMédicis rentre à Florence la même année, tandis que les oligarques, y compris Palla Strozzi en sont bannis. Côme de Médicis parsa victoire, devient le maître de la cité. Il le reste 30 ans. Mais il n’exerce pas directement ce pouvoir qu’il n’a pris que presquemalgré lui. Mais les prieurs sont changés et le contrôle des magistrats spéciaux empêche les adversaires d’accéder à la seigneurie.Celle-ci fut surtout dès lors composée de petites et moyennes gens qui doivent tout à Côme de Médicis. Lui-même n’est que 3 foisgonfalonier de justice, soit 6 mois en 30 ans. Il siège dans quelques commissions, on l’appelle souvent à donner son avis auxconseils et aux prieurs ; il a la réalité du pouvoir mais ne l’occupe pas formellement. En revanche il offre à Florence uneremarquable politique extérieure, aidée par ses relations d’affaire, les renseignements sur le monde entier dont l’amenaient à

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disposer ses affaires ; le développement de la marine florentine basée à Pise, partant les relations commerciales directes deFlorence avec l’orient, suscite peu à peu une concurrence entre Florence et Venise. Côme de Médicis en a conscience, et à la mortdu dernier Visconti, ennemi juré de Florence, il réussit malgré la majorité de l’opinion, à favoriser l’ascension de Francesco Sforzaau duché de Milan et à renverser les alliances : une solide entente avec Milan remplace l'antique amitié avec une Venise devenueconcurrente et rivale. Mais ce n’est pas une géopolitique de guerre qu’il entend ainsi mettre en œuvre ; au contraire, cherchant lapaix, il s’efforce en changeant de camp opportunément, de maintenir l’équilibre des forces entre les puissances, et de se donnerpour adversaire une cité dont les velléités belliqueuses à l’encontre des autres puissances de la péninsule sont rares, c'est-à-direVenise, la cité lacustre ; les principales forces qui s’opposent alors en iota sont Venise, Florence, Naples, Milan, le pape et lesambitions françaises. Pendant ce temps, Côme de Médicis étend constamment ses affaires, créant de nouvelles sociétés, commecelle créée à Lubeck. En 1458, il est personnellement associé de 11 sociétés commerciales et industrielles différentes, à Florence,Venise, Bruges, Londres, Avignon, Genève, Milan, Lyon. Il participe aussi comme associé à 2 entreprises de tissage de laine et àune entreprise de tissage de soie. Dans la filiale de Rome, ce sont ses fils qui sont associés majoritaires et non lui-même ; elle estalors le principal banquier de la cour Pontifical installée dans la « ville éternelle » ; après la découverte en 1459 de mines d’alun deTolfa dans les états de l’Eglise, la puissance de cette filiale ne fait que s’accroître, car elle entre à titre majoritaire dans l’entreprisequi exploite ces mines, moyennant une taxe de 2 ducats par canthare sortant des greniers pontificaux de Civitavecchia. Après lamort de Côme de Médicis, cette société contrôlée par ses fils s’assure le monopole de la vente de l’alun en occident, ceci avecl’aide du pape qui excommunie les commerçants acheteurs d’alun aux infidèles…Pierre le Goutteux de Médicis, fils de Côme deMédicis, s’efforce ainsi de réaliser à son profit, comme le génois Benedetto Zaccaria 3 siècles plus tôt, le grandiose monopole d’undes produits clés de l’industrie textile dans toute la chrétienté. Et en unissant l’extraction et la vente de l’alun, le tissage des drapset l’armement des galères, il constitue une vaste intégration d’entreprises dont il est maître. Enfin Côme de Médicis, devant lesuccès des foires de Lyon, fonde en 1460 une filiale dans cette ville. Il dispose en outre de correspondants sur la plupart desplaces commerciales de l’occident, comme le commissionnaire Paolo Morelli à Southampton. Côme de Médicis place dans laplupart des filiales des directeurs issus de milieu modeste mais de capacité d’abord éprouvée, dont il a fait la fortune et qui luidoivent tout, comme Angelo Tani à Bruges. Il les flanque de jeunes gens de la famille Médicis, ses fils ou son neveu, ou descousins, qui tout en faisant leur apprentissage, contrôlent la marche de la compagnie dont ils sont associés ; il impose auxdirecteurs de compagnies de venir çà Florence tous les 2 ou 3 ans pour lui rendre des comptes. Ne pouvant tout mener de frontseul, il se décharge de la partie la moins personnelle de ces affaires sur un directeur général, Francesco Ingherami, qui résidecomme lui à Florence et participe comme associé dans plusieurs compagnies. Côme de Médicis possède au moins la moitié d’uncapital social souvent minime dans ses compagnies et d’importantes sommes en dépôt ; les bénéfices répartis entre les associéssont énormes : de 71 à 107% à Genève, 142% à Lyon ; les intérêts fixes qui rémunèrent les capitaux en dépôt varient de 8 à10%de 180 000 florins hérités de Giovanni d’Averardo en 1429, la fortune de Côme de Médicis et de son frère, puis de son neveu,passe à 235 000 florins en 1440, à 400 000 florins en 1460. ensuite les premiers signes d’un déclin apparaissent. 189 000 florinssont investis en emprunts d’Etat ; s’y ajoutent des immeubles en ville et des bien-fonds dans les environs : un palais à Florence etdes villas dans les collines voisines, à Careggi, à Cafaggiolo, où il allait se réfugier et se distraire ; le palais de via Larga ; il faitdécorer ces résidences d’œuvres d’art, constitue des collections de pierres précieuses, de médailles, de vases, de joyaux, demanuscrits, une bibliothèque. Il est très avide de culture ; il subventionne dès sa jeunesse des voyages entrepris par divershumanistes pour rechercher des manuscrits d’œuvres antiques : il soutien le studium de Florence et obtient l’accord du pape pourle transformer en université en 1428 ; il créé avec la bibliothèque de son ami Niccolo Niccoli la bibliothèque Marcienne ; il réunitautour de lui à Careggi dans les dernières années de sa vie des humanistes comme Argyropoulos et le jeune Marsile Ficin pourapprendre d’eux les idées de Platon et d’Aristote sur les grands problèmes de la vie et de la mort. Il s’entoure d’artiste dont certainssont ses amis, comme Brunelleschi, Michelozzo, Donatello ; il fait travailler pour lui une pléiade de sculpteurs florentins ou commeVan der Weyden, de passage en Italie. Il consacre aussi une part de sa fortune à de larges aumônes ; il fait construire et restaurerde nombreuses églises de Florence. Il n’aime pas en revanche le faste extérieur, et sa demeure reste d’un aspect bien plusmodeste que la plupart des maisons bourgeoises de Florence. Francesco Sassetti ne joue pas pour sa part de rôle politique ; iln’est qu’un homme d’affaire ; il passe sa vie au service des Médicis, gravissant peu à peu les échelons de la carrière qu’ils luioffrent, pour finir par diriger la compagnie des Médicis à l’époque de Laurent le Magnifique de Médicis, plus préoccupé de politiqueque d’affaires ; Francesco Sassetti est le fils d’un homme d'affaires florentin ; né en 1421, il reçoit probablement à Florence soninstruction, entre en 1440 au service de Côme de Médicis qui l’envoie comme facteur à la filiale d’Avignon ; il y montre une habiletéexceptionnelle qui le fait choisir comme associé mineur puis comme directeur de cette filiale. Peu avant 1453, il passe à la filiale deGenève comme directeur, tout en conservant des intérêts dans celle d’Avignon dont il devient un associé passif. En 1458, il rentre àFlorence et y épouse Nera de Corsi dont il a 10 enfants. Il reste désormais à Florence et y exerce toutes les magistrature jusqu’àcelle de gonfalonier de justice ; Côme de Médicis le désigne comme adjoint du directeur général de la compagnie des Médicis,Francesco Ingherami. Peu après la mort de Côme, Pierre de Médicis lui confie la succession de Francesco Ingherami à la directiongénérale, poste qu’il conserve jusqu’à sa mort. Pierre de Médicis s’entend aux affaires, mais ses charges politiques l’amènent à sedécharger de celles-ci sur Francesco Sassetti, et il n’entreprend rien sans le consulter. Laurent le Magnifique de Médicis qui luisuccède en 1469 n’a aucune aptitude particulière pour les affaires et s’en remet complètement à Francesco Sassetti qu’il appelle« notre ministre » ; Francesco Sassetti finit par disposer d’une fortune considérable, un palais à Florence, où il accueille et traite denombreux hôtes, une maison de campagne à Montughi, digne d’un prince ; il se laisse distraire par des plaisirs intellectuels que luipropose la société raffinée de Laurent le Magnifique de Médicis : il est bibliophile et s’attarde dans des lectures d’ouvrage enlangue vulgaire et en latin ; il est mécène ; mais la fréquentation de ces cercles intellectuels l’amène à se désintéresserdangereusement de l’état des filiales des Médicis, et encourt ainsi une lourde responsabilité dans leurs faillites successives : illaisse ainsi la filiale de Londres consentir des prêts excessifs à Edouard 4 en 1469, au temps de la guerre des deux roses ; ilsoutient à la filiale de Bruges le bouillant Tommaso Portinari qu’il aide à en devenir directeur ; mais Portinari se lance dans unepolitique très imprudente de prêts à Charles le Téméraire, la défaite et la mort de ce prince entraînant la ruine de la filiale queLaurent le Magnifique abandonne en 1479. La filiale de Genève, transférée à Lyon en 1466, périclite sous la mauvaise gestion deLionetto de Rossi ; Francesco Sassetti porte ainsi une grande responsabilité dans la fermeture des filiales des Médicis et de ladisparition de la compagnie des Médicis en 1494. Francesco Sassetti dispose en 1462 d’une fortune de 26 720 florins ; de 52 000florins en 1466. alors que sa fortune est transmise en indivision à ses héritier, son palais de Montughi est transmis à son fils devenuprêtre, Federico Sassetti, la législation étant toujours plus douce et les appuis plus forts pour les gens d’Eglise. Tommaso Portinarimêle une carrière d’homme d'affaires à celle de diplomate ; il descend de la famille de Béatrice, illustre famille du parti guelfeblanc, bannie de Florence en 1302en même temps que Dante. Les Portinari depuis lors avaient continué à faire du commerce horsde Florence, en représentant sur les places étrangères les grandes compagnies de leur patrie dont ils dirigent ou servent lessuccursales, plus particulièrement à Londres ou à Bruges au 14° ; Tommaso est laissé orphelin à 7 ans en 1432 par son père FolcoPortinari, qui avait dirigé une filiale des Médicis ; c’est donc à une carrière commerciale que pensent pour lui sa mère et son oncle :à 12 ans, il entre comme stagiaire à la filiale des Médicis de Bruges dont son cousin Bernardo Portinari vient de recevoir la

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direction. Il y sert sous la direction de celui-ci jusqu’en 1450, puis sous celle de Gierozzo de Pigli de 1450 à 1455, enfin sous celled’Angelo Tani ; mais il rêve de devenir comme ses frères directeur de filiale. Le départ de Tani en 1464 lui en laisse la fonction sansle titre ; il fait un voyage à Florence et obtient de devenir à la fois directeur de la filiale de Bruges et associé principal de celle deLondres en 1465. sa carrière se poursuit donc aux Pays-Bas, où nombre de ses ancêtres ont vécu, et où il connaît bien le mondecommercial et la cour du duc de Bourgogne. Bien qu’il se considère comme exilé de Florence et qu’il vienne y épouser en 1469Maria Bandini Baroncelli, il s’est habitué à la vie aux Pays-Bas ; il est devenu conseiller de Philippe le Bon en 1464. Deux factionss’opposent à la cour du duc de bourgogne : contre les Croy, les favoris, Tommaso Portinari se lie au comte de Charolais, héritier dePhilippe ; ses voyages lui permettent de favoriser les alliances de Charles et en particulier son mariage avec Marguerite d’York,sœur du roi d’Angleterre. Devenu duc en 1467, Charles le Téméraire lui conserve toute sa faveur. C’est alors une période d’apogéedont bénéficient les affaires des Médicis : leur filiale devient le principal fournisseur de la Cour de Bourgogne où elle supplante lelucquois Giovanni Arnolfini pour la vente des soieries et des étoffes précieuses ; mais cette médaille a son revers : Charlesdemande constamment à Portinari de lui consentir des prêts pour subvenir à ses énormes dépenses. Pierre de Médicis a lasagesse de s’y opposer, ce qui n’est pas le cas de Laurent de Médicis qui lui succède, et qui laisse Sassetti autoriser Portinari àprêter à Charles le Téméraire. Portinari met en place un service de transport maritime de l’Ecluse à Pise avec 3 grandes galèresconstruite pour la croisade projetée par Philippe le Bon et qu’il achète au duc ; il obtient la ferme du tonlieu de Gravelines ; ilexpédie à Florence marchandises et objets d’arts ; il devient le consul des florentins à Bruges. Mais cette prospérité n’est quepassagère ; les mécomptes de la filiale de Londres trop engagée avec le besogneux et insolvable Edouard 4, amène celle-ci àralentir son activité dès 1465 avant de disparaître en 1471 avec un passif de 50 000 florins. Ils auraient dû servir d’avertissement àTommaso Portinari ; et la malchance l’atteint alors : une des deux dernières galères de Bourgogne est capturée par un corsaire deDantzig en 1473 ; la mort de Charles le Téméraire en 1477, dont il avait soutenu la fortune avec une foi aveugle, laisse la filialecréancière sur le trésor bourguignon de 57 000 livres de gros auxquelles s’ajoutent 20 000 livres qu’il prête aussitôt à Marie et àMaximilien ; et l’ébranlement de la puissance des Médicis par la conjuration des Pazzi survenant peu après (1478) amène Laurentde Médicis à liquider la filiale brugeoise ainsi compromise (1480). Tommaso Portinari garde les créances non recouvrées ; ellesforment l’actif d’une compagnie qu’il constitue à Bruges en son nom propre. Portinari parvient à obtenir le remboursementprogressif de ses créances, s’appuyant pour cela sur la faveur des princes qu’il aide dans leurs relations mutuelles : il sertd’ambassadeur à Maximilien auprès du duc de Milan en 1487, à Laurent le Magnifique de Médicis auprès du roi d’Angleterre poursigner un traité de commerce qui installait l’étape des laines anglaises à Florence en 1490, à Philippe le Beau enfin auprès du roid’Angleterre pour la conclusion du grand entre-cours de 1496. A cette date il laisse sa compagnie à ses fils et se retire à Florence.Dans sa ville débarrassée des Médicis depuis 1494, il exerce rapidement toutes les magistratures : il est un des 16 gonfaloniersdes compagnies du peuple (1497), un des 8 de la Balia (1499), membre du tribunal des 6 de la Marchandise (1500) mais il meurten 1501 avant d’avoir pu accéder au priorat et meurt pauvre (???) ; son fils n’accepte son testament que sous bénéfice d’inventaire[ça ne veut pas dire que son père est mort pauvre !!! Simplement qu’il craint de trouver quelque dette cachée]. Les plus richesflorentins de cette époque, comme Francesco Sassetti, Tommaso Portinari, Giovanni Tornabuoni, directeurs des filiales des Médicisà Bruges et à Rome, acquièrent et font construire des palais dans la cité, des villas sur les collines voisines. Ils aspirent à y exercerdes charges municipales ; ils y fondent quelques chapelles pour accueillir la sépulture de leur famille. Les hommes d'affairesflorentins du 15° sont plus cultivés que leurs prédécesseurs. Franco Sacchetti (1335-1400) né à Raguse d’une famille d’hommesd'affaires florentins, quitte le comptoir comme naguère Boccace, pour devenir homme de lettres ; mais n’ayant pas trouvé de courpour l’entretenir, il fait une carrière de podestat. Bonaccorso Pitti compose une chronique où il relate les évènements de l’occident.Surtout, de la famille des Alberti, dont les affaires périclitent, sort Leone Battista degli Alberti, fils de Lorenzo degli Alberti, qui à lagrande fureur de ses cousins refuse de mettre ses talents aux service de la compagnie familiale et se consacre à la littérature, lamorale, l’économie, les beaux-arts, et la science. Coluccio Salutati et Leonardo Bruni mettent l’antiquité classique et le type del’homme universel à l'honneur. Nombre de ces hommes d'affaires s’adonnent aussi au mécénat ; Palla Strozzi, l’homme d’affaire leplus riche de Florence en 1427, sait le grec et entretient chez lui des pédagogues, comme Tommaso Parentucelli, futur Nicolas 5,qui implante à Rome l’humanisme florentin. Exilé à Padoue par Côme de Médicis, Palla Strozzi y emmène Filippo Lippi ; songendre Giovanni Rucellai, qui s’allie ensuite à la famille Médicis fait construire son palais par Leone Battista degli Alberti. Ilsrassemblent aussi les manuscrits des œuvres de l’antiquité dans leurs bibliothèques : leur fournisseur, le célèbre libraire florentinVespasiano da Bisticci, compose une série de biographies des hommes d’Etat et de lettre qu’il a connu et fréquentés ; il enénumère 60 dont 35 sont florentins, et parmi ces 35, 16 sont membres de grandes famille d’hommes d'affaires : Médicis, Strozzi,Pazzi, Manetti, Acciaiuoli, Rucellai, Salviati, Pandolfini, Bonsegni… ils savent aussi apprécier les œuvres d’art des pays lointains,comme ceux des peintres de Flandre, auxquels il passent commande ; Angelo Tani et Tommaso Portinari notamment le font. LesMédicis parviennent à diriger la ville de manière indirecte depuis 1434, leurs conseils se traduisant en loi, comme le fait remarquerVoltaire ; leurs adversaires en affaires deviennent leurs adversaires en politique : la crise économique de 1465 abat les Strozzi,dont certains étaient bannis depuis 1434 ; en 1466 tombe Luca Pitti, qui avait conspiré contre Pierre de Médicis ; l’échecdramatique de la conjuration des Pazzi en 1478 ruine la compagnie de ces derniers et beaucoup d’autres avec elle. Malgré lesaméliorations des techniques économiques, les difficultés structurelles réapparaissent : les fonds en dépôts restent toujours trèsimportants par rapport aux capitaux sociaux des compagnies, or ils continuent à être rémunérés à raison de 8 à 10% d’intérêt, alorsmême que les nouvelles conditions de commerce international réduisent les marges de bénéfice des compagnies ; les compagniescherchent alors de plus en plus à obtenir privilèges et facilités commerciales des princes, ce que ceux-ci monnaient contre desprêts ; à cela s’ajoute pour les Médicis le besoin de reconnaissance diplomatique, qui se monnaient également en prêts auprès desprinces ; ces derniers ne remboursent jamais complètement ces prêts et en demandent au contraire de nouveaux. Les Médicis, lesPazzi et les Strozzi sont confrontés à ce dilemme ; les grandes compagnies sont à la merci des évènements politiques ; ladévaluation de l’or entre 1470 et 1490 est défavorables aux compagnies qui tiennent leurs comptes en florins. Lorsque Pierre, filsde Laurent de Médicis et ses frères sont chassés de Florence par Charles 8, en 1494, leur compagnie s’effondre. Parmi lesfacteurs des Médicis, Vespucci a la singulière fortune de devenir l’éponyme du nouveau monde : la famille Vespucci est une grandefamille d’hommes d'affaires de Florence, étroitement liée à celle des Médicis : Guido Antonio Vespucci joue un rôle actif dans lacompagnie des Médicis et Laurent lui confie parfois d’importantes ambassades politiques par la seigneurie ; une de ses parentes,Simonetta Vespucci, aimée de Julien de Médicis, est l’une des plus belles jeunes femmes de la Florence des Médicis ; un fils deGuido Antonio Vespucci, Amerigo Vespucci, se révèle au sortir de l’école très doué pour les sciences ; tourné vers lespréoccupations pratiques du commerce d’une cité devenue depuis peu grande puissance maritime, il s’attache à l’astronomie et lacosmographie. Comme pour tous les jeunes facteurs des grandes compagnies, son tour devait venir après les premières annéesd’apprentissage, d’être envoyé au loin dans une des sociétés filiales de celle des Médicis. Il fut affecté à la filiale dite d’Espagne, àCadix d’abord, puis à Séville en 1492, l’année du premier voyage de Colomb. La science d’Amerigo Vespucci est rapidementappréciée à Séville ; lorsqu’au lendemain des premières découvertes, le pape Alexandre 6 eu partagé les terres nouvelles en deuxzones d’influence espagnole et portugaise, une série de problèmes cosmographiques essentiels se trouva posée : il s’agissait dedéterminer dans quelle hémisphère se trouvait chacune des terres nouvelles découvertes ; la compétence d’Amerigo Vespucci

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ressort du fait que le compagnon de Colomb, Juan de la Cosa, puis le roi du Portugal, lui demandent de participer aux expéditionsde reconnaissance et de découverte ; Amerigo Vespucci abandonne son comptoir de Séville pour le grand large ; il prend part à aumoins 2 voyages, organisés l’un par Juan de la Cosa et par lui-même en 1499-1500, le second par le roi du Portugal en 1501-1502. Au cours de ces voyages, il relève le tracé de la côte comprise entre l’isthme de Panama et la baie de Rio de Janeiro qu’ilbaptise ; il démontre en outre que les territoires qui limitent ces côtes ne sont pas les Indes comme le croyait Colomb, mais unnouveau système continental. Revenu à Séville, il décrit les pays qu’il a visité par des lettres à ses amis florentins Piero Soderini,gonfalonier de la république, et Lorenzo di Pier Francesco de Medici, et dresse la carte du nouveau monde tel qu’il se lereprésente. Tous le considèrent comme le meilleur connaisseur de ce nouveau continent et des copies de ses lettres aux florentinscirculent dans toute l’Europe ; Jeanne la Folle le fait « Piloto Mayor » de Castille en 1508 ; cette charge lui impose deux devoirs :celle d’examiner les navigateurs qui veulent partir vers les Indes occidentales sur leurs connaissances nautiques et de complétercelles-ci si elles étaient insuffisantes, et d’autre part d’interroger les navigateurs qui revenaient des Indes sur ce qu’ils avaient vuafin de composer la carte générale du Nouveau Monde. Son renom croissait par ailleurs dans le reste de l’Europe et il est comparépour le nouveau monde comme l’équivalent de Ptolémée, pour l’ancien monde ; un géographe qui ose cette comparaison ajoutequ’il mérite que son nom soit donné aux nouvelles terres qu’il a découvert : l’Amérique. Pour devenir « Piloto Mayor », AmerigoVespucci s’est fait castillan, alors que dans le même temps, des nouveaux florentins contribuent à l’extension du monde connu :Benedetto Dei gagne Tombouctou peu avant qu’Amerigo ne relève le littoral du Brésil. C’est à Séville que Vespucci meurt en 1512

15° siècle - Venise : l’évolution technique permet de faire naviguer des navires même en hiver, ce qui a de grandes répercussionssur le commerce international maritime ; la vitesse de rotation des capitaux est accélérée par cette disparition du temps mort. Levolume des affaires augment presque du simple au double pour la plupart des armateurs et des commerçants dont les bénéficescroissent à peu près dans la même proportion pour les affaires faites en méditerranée. Le dirigisme d’Etat s’accroît avec laconfirmation du pouvoir de l’aristocratie marchande de Venise ; un esprit strictement national et protectionniste se développe, ainsiqu’une tendance au monopole ; l’arsenal de l’Etat vénitien s’agrandit constamment et devient probablement l’entreprise industriellela plus importante de la chrétienté toute entière avec ses 1 500 à 2 000 ouvriers ; des convois sont envoyés par l’Etat vénitiens àdates strictement fixe vers le Levant et la Flandre. C’est grâce à son organisation très minutieuse et rigoureuse que Venise vapouvoir résister au 15° aux dangers qui la menace : en orient, les turcs s’emparent des Balkans, prennent Constantinople,s’approchent de tous les rivages de la mer Egée, où sont accrochées les escales vénitiennes ; en occident, les seigneurs de Milan,Visconti puis Sforza, construisent un puissant Etat continental, dans lequel Gênes, rivale de Venise se trouve même à certainsmoments englobée ; Venise risque à la fois de perdre cette source de ravitaillement et de une partie de ses débouchés ; elle nerésiste sur ces deux fronts que par une fiscalité écrasante qui lui permet de solder les armées de mercenaires qui conquièrent pourelle sur la terre ferme son Etat territorial, ce qui lui permet de contrôler la mer Egée par la l’accroissement de sa flotte. Le sénatcanalise l’initiative des individus mais ne l’étouffe pas, loin de là ; les hommes d'affaires vénitiens y trouvent une sécurité et desmoyens qu’ils bne sauraient mettre en œuvre seuls. Les hommes d'affaires vénitiens se divisent en deux catégories, lescommerçants et les financiers ; les commerçants restent les plus nombreux, et se groupent davantage entre eux qu’aux sièclesprécédents, des associations familiales apparaissent découlant de sociétés des siècles antérieurs, mais leur puissance et leurpermanence rappellent les compagnies des cilles de l’intérieur ; on les appelle des « fraterne ». elles s’appuient sur ceux desmembres de la famille qui siègent aux conseils de la république ; les plus importantes, comme celle de Francesco Balbi et de sesfrères, s’assurent les services de nombreux hommes d'affaires qui se rangent sous leur dépendance : associés subsidiaires,agents, facteurs salariés ; elles parviennent à un degré de puissance extraordinaire : celle des frères Vendramin, aux temps où l’und’eux, Andrea Vendramin, est doge, expédie chaque année un volume de marchandise équivalent à la cargaison de deux galère etd’une valeur de 400 000 ducats. Certaines sont spécialisées dans un commerce défini : ainsi les frères Soranzo se consacrentpresque exclusivement à l’importation de coton ; mais leur grandeur même les rend vulnérable : la société de Francesco Balbi quidepuis 1430 fait de la banque en même temps que le commerce, et qui avait envoyé 3 galères en Flandre la même année faitfaillite en 1443. mais nombre d’entre eux continuent çà faire des affaires de manière isolée, tout en devenant commissionnaires lesuns des autres, rôle qui permet à des hommes entreprenant mais disposant de relativement peu de moyens de se lancer dans lesaffaires ; un bon exemple est donné par Andrea Barbarigo : il est le fils d’un noble ruiné par une lourde amende infligée pourinfraction aux règlements de la navigation lors du retour des galères d’Alexandrie dont il commandait le convoi en 1417 ; son filsAndrea commence sa carrière en 1418avec la somme de 200 ducats ; il occupe d’abord plusieurs postes créés par legouvernement aristocratique pour les fils de familles nobles ruinés : arbalétrier de pont sur les galères, il fait l’apprentissage à lafois du commerce et de la navigation ; puis avocat auprès du tribunal de commerce, il apprend le droit ; en 1431, il dispose d’uncapital de 1 600 ducats qu’il investit exclusivement dans le commerce ainsi que des sommes et des marchandises qu’il emprunte àdivers prêteurs ; il se marie à Cristina Cappello en 1439 : sa femme apporte avec elle 4 000 ducat en dot ; il investit tout le capitaldu ménage dans le commerce au point qu’il lui faut parfois engager une bague pour se procurer 10 ducats. Il a descommissionnaires en Palestine, en Syrie, en Espagne, à Bruges et à Londres. Il envoie en orient des étoffes de laine et de lamonnaie ; il achète des épices à Alexandrie, du coton en Syrie, du fil d’or à Constantinople, des esclaves à Tana. Il réexpédie laplupart de ces « produits » à Bruges où il les fait vendre ; les fonds résultant de la vente sont transférés par lettre de change deBruges à Londres. A Londres, il achète du fer-blanc, de l’étain et des étoffes qu’il réexpédie en Orient avec des tissus florentins. En1443, Andrea Barbarigo, enrichi, modifie son système d’investissement : il achète une propriété sur la terre ferme et y faitconstruire une maison ; sa richesse le rend désormais indépendant des banquiers ; il laisse à sa mort en 1499 une fortune de 15000 ducats , soit 10 fois moins que celle d’un doge contemporain, mais 4 fois plus forte que le capital initial de son ménage.Certaines sociétés comme celle de Francesco Balbi se consacrent à la fois au commerce et à la banque ; mais elles restent rares ;la plupart des banquiers ne font que cette seule activité ; les méthodes de banque n’ont pas changé depuis le siècle précédent ;elles ne prêtent pas aux Etats étrangers, comme le veut la loi vénitienne, mais seulement à l’Etat vénitien. Les projets de créationd’une banque publique évoqués au 14° siècle ne se concrétiseront qu’au 16° ; le commerce vénitien atteint son apogée etcommence son déclin dans le premier tiers du 15° ; le ducat de Venise a supplanté le florin de Florence dans le rôle d’étalonmonétaire du monde méditerranéen ; tous les Etats d’orient (chrétiens comme musulmans) et les ottomans eux-mêmes après laprise de Constantinople, frappent des monnaies qui le reproduisent ou l’imitent. Le doge Tommaso Mocenigo énumère en 1423 leschiffres d’une prospérité sans précédent : environ 10.000.000 de ducats investis chaque année dans le commerce extérieur, 3 000navires de moins de 120 tonneaux exploitant 17 000 marins, 300 grandes naves de 120 à 600 tonneaux exploitant 8 000 hommesd’équipage, 45 galères exploitant 11 000 hommes d’équipage ; la flotte qui part de Venise pour Beyrouth et Alexandrie emporteavec elle 500 hommes d'affaires et 1.000.000 de ducats de marchandises et de numéraire. Venise est enfin entre 1430 et 1440 lemarché monétaire le plus important d’Europe méridionale ; les exemples du dynamisme des descendants des plus anciennesfamilles d’hommes d'affaires de Venise pullulent : le grand livre tenu par Giacomo Badoer à Constantinople de 1436 à 1440, montrel’importance économique gardée par la ville impériale à la veille de sa chute et les relations commerciales qu’un patricien vénitienpeut continuer à tisser à partir d’elle, vers la mer d’Azov et l’Anatolie aussi bien que vers la mer Egée et les balkans. Tous ces pays

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fourmillent toujours de vénitiens ; mais Badoer se tourne délibérément vers les turcs, puisqu’ils occupent certains des pays où setrouvent certains des produits expédiés à Venise et en occident, et qu’eux mêmes sont acheteurs de certains produits qu’ilimporte. Ses rapports avec les turcs de Brousse lui paraissent aussi naturels que ceux de ses compatriotes établis à Alexandrieavec les musulmans d’Egypte ; une pareille conception animait déjà les commerçants vénitiens à l’époque des croisades. Lesfrères Marco et Gerolamo Bembo dans les années 1482-1490, continuent à entretenir un facteur dans la Constantinople du sultanMehmet 2, et à acheter en Thessalie désormais ottomane, une partie du ravitaillement de Venise en céréales, en échange delaines et de draps anglais ; ils spéculent sur les grains au moment où la guerre contre Ferrare en 1483 fait augmenter leur cours àVenise. C’est la curieuse personnalité de Guglielmo Querini (vers 1400-1468) qui paraît la plus révélatrice de l’état d’esprit despatriciens ; ce descendant de vieille famille sénatoriale de médiocre fortune ne quitte jamais Venise, où il exerce de petits offices,avant de siéger à la fin de sa vie au Collegio et au Conseil des 10 ; il lui répugne tant de quitter la lagune qu’il refuse même deremplir les fonctions de podestat à Ravenne. Possesseur de domaines fonciers sur la terre ferme et en Crète, ainsi que de maisonsà Venise, il a la passion du commerce : il y investit tout l’argent que lui laissent les emprunt forcés. Il loue des magasins pourentreposer les marchan,dises, il s’associe toute sa vie durant avec des parents ou des amis qui partent au loin ; avec ses moyenslimités, il entend faire trafic de tous les produits (soie, teinture, pastel, toiles, pierres précieuses, épices, esclaves), dans toutes lesparties du monde, de Trébizonde à Londres. Ce noble de vieille souche, sédentaire endurci, ne pense qu’au commerce, et il estévident que t le monde de la petite noblesse sénatoriale qui l’entoure et dont il commandite certains membres lorsqu’ils partent auloin a les mêmes goûts et la même culture. Ce patricien casanier révèle en effet la mentalité de toute une classe, celle des hommesd'affaires qui, ayant des possibilités financières beaucoup plus limitées que d’autres, dirigent en fait Venise, car ils ont la majoritéaux conseils. Mais les vénitiens se montrent placidement inattentifs à l’émergence de nouvelles places commerciales etindustrielles en Europe de l’est et en Allemagne du sud, où des mines produisent les métaux dont l’Europe entière est affamée, etalors que bruissent les métiers à tisser et les forges d’Augsbourg, Ratisbonne et Nuremberg : les vénitiens laissentflegmatiquement allemands, florentins et milanais venir se presser pour s’approvisionner à Venise même des produits qu’ilsimportent d’Orient, ne prenant même pas la peine d’en organiser le fret vers les places commerciales d’occident ! Venisecommerce et prospère aussi bien sans les croisés qu’entourée de vacarmes guerriers ; cette impassible cité marchande,mystérieuse, légendaire, et presque interdite, est l’improbable carrefour, la Tombouctou du nord, une île au milieu des sablesmouvants des civilisations. Ain si Venise, tournée vers sa mer, continue-t-elle de négliger les régions continentales de l’Europe,laissant ses concurrentes y déverser les denrées qu’elle importe d’orient. Par ailleurs, elle est désormais, avec l’essor de Raguse,port de l’Adriatique sur le littoral des Balkans, concurrencée sur son propre terrain. Le fils de Andrea Barbarigo, Niccolo Barbarigo,recommande à son fils de ne rien investir dans le commerce, et de tout investir dans le foncier, la finance et l’industrie ; en troisgénération, l’évolution est frappante. Venise vieilli.

15° siècle - Gênes : Gênes est paradoxalement « prisonnière » du caractère individualiste dynamique des hommes d'affaires quila domine ; alors que Venise, Milan et Florence constituent de puissants Etats, Gênes déchirée par les partis reste dans ses murs ;elle en vient même à perdre régulièrement son autonomie : le siècle s’ouvre en 1396 par sa reddition au roi de france ; cettesujétion est de courte durée mais se renouvelle en 1402 jusqu’en 1411 et à nouveau de 1458 à 1461 ; Gênes connaît également lasouveraineté du duc de Milan ; les génois perdent aussi beaucoup de leurs établissements en orient face à l’expansionmusulmane : la mer noire se ferme à eux en 1475 et depuis la chute de Constantinople aux mains de Mehmet 2 en 1453, lenombre de leurs établissements dans le bassin oriental de la méditerranée diminue constamment ; l'importation des épices finitainsi par devenir un monopole vénitien ; le recul des hommes d'affaires génois est encore plus frappant en occident : à partir de1391, leurs comptoirs en Afrique du nord laissent la place aux vénitiens ; en Angleterre, les rapports avec le roi de france gênentses nationaux quand les deux royaumes sont en guerre et les florentins en profitent pour développer à leur dépens leur colonieanglaise ; la république de Gênes s’endette dans des grandes entreprises contre ses adversaires ; de plus, les hommes d'affairesgénois consentent plus volontiers des prêts à des souverains étrangers qu’à leur cité ; en 1407, plusieurs maones fusionnent enune vaste association qui groupe la plupart des porteurs de la dette publique de la république, la Casa di san Giorgio. Bientôt laCasa di san Giorgio absorbe toutes les maones qui lui restaient extérieures et finit par regrouper tous les créanciers de l’Etat ; sonbut principal est d’assurer le service des intérêts et le remboursement de la dette, activité publique s’il en est… ; mais comme autemps des maones, l’Etat charge ses créanciers de pourvoir à cette tâche, c'est-à-dire de se rembourser eux-même, tout en luipermettant de continuer à leur emprunter. Ainsi l’Etat génois abandonne à la Casa di San Giorgio l’exploitation des colonies et laferme des impôts indirects ; et quand la république a besoin d’argent c’est à ses anciens créanciers, à la Casa qu’elle s’adresse ;aussi la Casa di San Giorgio constitue-t-elle une banque dès 1408, le Banco di san Giorgio, qui permet à la république de vivregrâce aux prêts qu’elle lui consent ; mais le phénomène est étrange : les colonies, les impôts sont aux mains des porteurs de ladette publique qui les administrent en fonction de leurs propres intérêts ; ainsi l’Etat est aux mains de quelques intérêts privés, etcela transparaît nettement dans la politique douanière, les affermages d’impôts et la politique monétaires que les créa,nciers del’Etat mettent en œuvre ; ainsi en 1437, 9 hommes d'affaires génois (un Scotto, un Draperiis, un Di Marini, deux Doria, deuxGiustiniani, un Paterico et un Grillo) réussissent à obtenir la ferme de l’alun de toutes les possessions génoises ; ils y ajoutent l’alunde Thrace, et constituent ainsi grâce à leur action dans le conseil de la Casa di San Giorgio, un trust qui vend l’alun de Phocée etde Thrace dont ils dictent les prix et règlent sans doute la production, le stockage et l’importation en fonction de la demande. Cettefructueuse affaire est ruinée par la découverte des gisements d’alun de Tolfa, dans les Etats pontificaux, que raflent les Médicis. AGênes comme dans les autres cités sont frappées des pièces d’argent et d’or ; mais l’argent, mal frappé se dévalue constamment ;le Banco di San Giorgio, chargé par l’Etat de maintenir la valeur des monnaies d’argent en les prenant au cours légal, n’y parvientpas ; il suggère ainsi des dévaluations successives puis en 1447 sur la suggestion de diverses familles d’hommes d'affaires, unsstabilisation sur la base de la prépondérance franche de l’or, qui devient utilisé exclusivement pour certaines opérations debanque (paiement des lettres de change notamment) ; mais cette politique monométalliste exigeait de disposer d’une plus grandequantité d’or. Dans tous les domaines, la Casa di San Giorgio se révèle être l’instrument des sangsues de Gênes et de sescolonies, qui les vident peu à peu de leur consistance. Par ailleurs, les guerres de faction de Gênes pousse de nombreux génoishors de la cité et on les retrouve partout en Europe. En Angleterre ils sont bien reçus après la perte de la Guyenne et la fin deshostilités avec la france ; c’est surtout sous le règne d’Edouard 4 que se place l’apogée de leur activité dans les Iles britanniquesau 15° : à la faveur du traité commercial de 1466 et des privilèges annexes de 1471, les galères les amènent à Southampton avecdes cargaisons de vin doux, d’alun, de pastel, de fruits, de sucre, de carreaux d’arbalète et de poteries de Savone. On y rencontredes représentants de toutes les grandes familles d’hommes d'affaires de Gênes : Brancio et Giacomo di Marini, Edoardo et AngeloCattaneo, Benedetto et Antonio Spinelli, Rafaello Lomellini, Lodovico Grimaldi, Galeazzo de Nigri, Galeazzo Centurione. Certainsd’entre eux sont peut-être facteurs de société commerciales durables dont la structure restent méconnue ; les mêmes noms seretrouvent à Bruges et à Anvers. En france, se sont les bannis qui jouent le rôle le plus important ; la plupart d’entre euxappartiennent à la branche des Doria qui avait été chassée de Gênes en 1461 lors du soulèvement de la ville contre Charles 7 dontelle avait facilité l’établissement de la souveraineté sur la ville. Ils se sont surtout installés dans les pays méditerranéens tous

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proches de Gênes. Leur chef, Luigi Doria, se fixe à Marseille en 1462 avec la protection du roi René dont il est conseillé etchambellan ; il monte un réseau d’affaire considérable de commerce, de change et de banque ; les comptoirs et entrepôtsprincipaux en sont Marseille, Gênes, Arles, Avignon, Tarascon, Montpellier. 18 génois au moins, dont 6 Doria, membres de safamille, 2 Grimaldi, 1 Spinola et 1 Uso di Mare, y participent. Luigi Doria est de son côté lui-même commissionnaire d’hommesd'affaires génois d’Arles et de Montpellier. Il a des commanditaires : en particulier un napolitain, capitaine des gens d’arme du roi defrance, Jacques Galiota, qui lui remet 10 000 écus d’or pour les faire fructifier. Luigi Doria exporte les produits agricoles deProvence, surtout les blés, vers Gênes et les ports italiens et espagnols, et importe les épices d’orient. Il afferme les impôts desvilles et bourgades ; il tient des tables de change : dans celles d’Avignon on trouve à sa mort 153 marcs d’argent en lingots ; il prêtede l’argent à tous les seigneurs provençaux, même au roi René. Il pratique l’assurance maritime ; les profits énormes qu’il retire detoutes ces opérations lui permettent d’acquérir de beaux immeubles à Marseille, Arles et Avignon, de les meubler richement, defonder le couvent de l’observance d’Avignon et de faire de nombreux et importants legs par son testament avant de mourir en1484. dans la Catalogne et l’Aragon voisins, les hommes d'affaires génois sont légion : les relations sont constantes et multiplesentre Barcelone et Gênes et ils y sont les banquiers attitrés du roi d’Aragon ; tout se passe comme si refoulés peu à peu de l’orient,les hommes d'affaires génois se pressent vers l’occident, se jetant sur les sucres, raisins, vins, fruits, soie, que produit le petitroyaume de grenade auquel ils donnent une prospérité inespérée avant qu’il disparaisse, en organisant son commerce à partird’Almeria et de Malaga. Incapables de se maintenir en terre « infidèle », ils sont bien sûr intéressés à la Reconquista ; l’importantecolonie qu’ils forment depuis plus d’un siècle à Séville s’enfle brusquement au milieu du 15° : Imperiali, dont l’un chante en languecastillane, Cattaneo, Grimaldi, Adorno, Doria, Centurione se retrouvent à cette porte de l’océan, escale des galères qui gagnentBruges et Southampton, point de départ aussi pour d’autres destinations possibles, comme le marché de l’or et des esclavesafricain…ils s’installent aussi à Lisbonne où fermente l’esprit d’exploration et de découverte, mais aussi l'esprit de Reconquista etde revanche sur les musulmans, et la recherche de mainmise sur les produits de l’orient ; bien plus, certains génois de Lisbonnefranchissent la mer et vont s’installer derrière les découvreurs portugais en plein océan à Madère, aux Açores, où Salvago, Doria,Centurione, Spinola, Lomellini créent des établissements et des plantations de canne à sucre… mais certains hommes d'affairesgénois ne se contentent pas des épices et se mettent en quête d’or avec une ténacité douteuse ; c’est le cas de la familleCenturione qui semble avoir compté parmi les instigatrices du décret de 1447 stabilisant la monnaie génoise sur la base de l’étalonor ; l’or devient ainsi pour les génois source de richesse plus encore qu’avant ; à cette fin, les Centurione, qui semblent disposerdéjà d’importantes réserves d’or, prospectent les pays riverains de la méditerranée occidentale où ils pensent pouvoir s’enprocurer. Dans les ports d’Afrique du nord, les génois sont maintenant concurrencés par les vénitiens et par les florentins. C’estplus loin, aux marchés d’où il provient à ces ports, qu’il faut aller chercher le métal jaune : un des associés ou des représentantsdes Centurione, Antonio Malfante, gagne le Touat en cette année 1447 et s’efforce d’apprendre de quelle région provient l’or quitransite par les oasis ; sa relation, qui tranche avec les habitudes génoises du secret, nous permet de connaître sa tentative, quin’est peut-être pas isolée. Les Centurione de Séville et des Açores pensent aussi probablement gagner le pays de l’or part la mer,et peut-être même les Indes orientales ; il n’est en tout cas pas fortuit que le jeune Christophe Colomb, arrivant de gênes où il estné en 1451 après avoir servi en orient les Spinola et les Di Negro, pour se mettre au service des Centurione à Lisbonne en 1476,puis envoyé par eux acheter une cargaison de sucre à Madère en 1478, ait, après être entré par son mariage avec la fille dePerestrello en étroite relation avec le milieu des navigateurs portugais, conçu l’idée de gagner des terres transatlantiques pour s’yprocurer des métaux précieux et spécialement l’or… Après des expéditions de reconnaissance tout le long de la côte d’Afrique, quile conduisent jusqu’à Mina, la capitale de l’or de Guinée, c’est en 1492 qu’il tente le grand voyage. Colomb part comme les Vivaldi2 siècles plus tôt, presque année pour année. Christophe Colomb est vraiment le dernier homme d’affaire italien du moyen-âge etle premier homme d'affaires de la Renaissance.

Conclusion générale : les hommes d'affaires italiens du 14° ont permis l’essor de l’humanisme et constitué un large publicnécessaire à la Renaissance ; un Florentin, Cristoforo de Buondelmonti que ses affaires amènent à vivre de 1414 à 1422 dans lesîles de l’Archipel grec et en Crête goûte ces terres classiques avec les souvenirs de l’antiquité ; vers 1422 encore, un autre hommed'affaires florentin, Jacopo d’Albizzotto Guidi entreprend dans un poème de 4 800 vers en langue vulgaire, de parler du site et desconstructions de Venise, d’exposer le mode d’élection du doge, d’analyser les revenus que recueille l’Etat ; l’interaction entrehommes d'affaires et humanistes est surtout visible à Florence. Pour parvenir à contrôler le commerce maritime international etouvrir de nouvelles routes maritime, l’empire portugais à recours à des italiens comme Amerigo Vespucci, les frères Verazzano,Cabotto. Louis 11 implante en france l’industrie de la soie en important dans son royaume des ouvriers italiens. Florence cessed’envoyer des galères en Angleterre en 1480 ; en 1496, Venise interrompt ses voyages et convois vers Constantinople, Nauplie,Aigues-Mortes ; les guerres portées en Italie par les armées françaises contraignent les Etats commerciaux de Gênes, Florence,Venise et Milan à se préoccuper de conserver à grand peine et grand frais leur intégrité territoriale, alors qu’il leur faudrait setourner vers une situation économique qui réclame une action économique vigoureuse et urgente ; cette situation ne faitqu’aggraver le déclin de ces cités : en 1509, les troupes des puissances unies par la ligue de Cambrai occupent presque tout leterritoire vénitien de terre ferme ; c’est la ruine financière et commerciale pour Venise ; Venise cesse d’envoyer ses galère enAngleterre et suspend le remboursement des emprunts d’Etat. En 1522, alors que le sultan Selim s’empare de Rhodes, Gênes estmise à sac par les troupes de Charles Quint ; les galères génoises cessent à leur tour le voyage de l’Angleterre ; néanmoins, lescités se redressent : Venise développe son industrie lainière, continue au 16° à entretenir des relations commerciales avec l’orient,notamment Alexandrie. Gênes conserve une haute position bancaire ; ce sont des florentins, des lucquois, des génois qui auxfoires de Lyon ont le monopole de la vente des épices et des soieries ; les 20 premières années du 16° voient s’affirmer deschangements radicaux dans les grandes voies du trafic commercial international ; une grande période d’histoire économiques’efface ; le déclin économique de l’Italie s’amorce : elle se retrouve excentrée dans le nouveau courant des échanges ; elle estdépourvue du fer et du charbon qui jouent un rôle important dans l’industrie ; sa division politique rend les marchés étroits, alorsque les pays voisins ont de larges marchés ; les hommes d'affaires italiens désormais mal placés pour le commerce se tournentvers la finance ou leur technique leur assure nettement encore la prépondérance ; mais ils ont sur ce terrain aussi désormais desconcurrents et des rivaux ; en france ils gardent le quasi-monopole de la finance et du commerce jusqu’au 17° et concourent de cefait avec la puissance du roi, à rejeter les français vers le fonctionnarisme ( ?…) ; les anciennes familles d’hommes d'affairesitaliens s’aristocratisent dans toutes les villes et investissent de plus en plus leur fortune dans des propriétés foncières ; lesdominations politiques espagnoles créent dans la péninsule italienne une noblesse plus oisive que jamais ou terrienne.

Giovanni Rucellai, gendre de Palla Strozzi, beau-père d’un Pitti et dont le fils est fiancé à Nanina, fille de Pierre de Médicis.

Giovanni Morelli (1371-1441), homme d'affaires italien chrétien bigot, il considère la réussite dans les affaires comme un cadeaudivin et une récompense de la piété, cherchant une justification à sa cupidité, que fournira avec un « cynisme » plus rigoureuxCalvin un siècle plus tard.

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Niccolo Niccoli (1364-1437), homme d'affaires de Florence

Leone Battista (degli) Alberti (1407-1472), homme d'affaires de Florence

Les aventures de l’homme d’affaire italien Landulfo Ruffolo de Ravello (14° environ) sont racontées par Boccace.

Mona Alessandra de Strozzi, membre d’une famille d’hommes d'affaires florentins, au 15°.