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Horizons africains - choiseul.infochoiseul.info/wp-content/uploads/2014/02/Gambotti-Géoéconomie-68.pdf · Pascal CHABOISSEAU Les investissements chinois en Europe Jacques GRAVEREAU

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Robert DUSSEY

Henri LACHMANN

Jean-François CIRELLI

Eric WOERTH

20 euros

ApartésJean-François CIRELLIOù va l’Europe de l’énergie ?

Éric WOERTHFiscalité et compétitivité

Henri LACHMANNComment freiner la désindustrialisation ?

Pascal CHABOISSEAULe marché des télécoms en France

Jean-François DI MEGLIO & Jacques GRAVEREAULes investissements chinois en Europe

Village globalMickaël R. ROUDAUTKaboul-Paris : voyage d’un gramme d’héroïne

Barthélémy COURMONTChine - Taiwan : ennemis un peu, partenaires beaucoup

Rodolphe GREGGIO & Benoît MAFFÉIRente pétrolière et crise économique

Paulo Roberto DE ALMEIDAGéoéconomie du Brésil, un géant empêtré ?

Jean-François BOUCHARDBCE, le nouvel empereur de l’Europe

Horizons africainsEmmanuel NIAMIEN N’GORANRéconciliation, justice et croissance économique en Côte d’Ivoire

Robert DUSSEYLa piraterie maritime : quels enjeux pour le Golfe de Guinée ?

Claude JAMATIL’Afrique et l’eau

Silver MUGISHAL’amélioration des services de l’eau en faveur des pauvres dans les pays émergents

N°68 | Janvier - Février 2014

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ApartésOù va l’Europe de l’énergie

Jean-François CIRELLI

Fiscalité et compétitivité Éric WOERTH

Comment freiner la désindustrialisation ? Henri LACHMANN

Le marché des télécoms en FrancePascal CHABOISSEAU

Les investissements chinois en Europe Jacques GRAVEREAU & Jean-François DI MEGLIO

Village globalKaboul-Paris : voyage d’un gramme d’héroïne

Mickaël R. ROUDAUT

Chine-Taïwan : ennemis un peu, partenaires beaucoup Barthélémy COURMONT

Rente pétrolière et crise économiqueRodolphe GREGGIO & Benoît MAFFÉI

Géoéconomie du Brésil : un géant empêtré ? Paulo Roberto DE ALMEIDA

BCE, le nouvel empereur de l’Europe Jean-François BOUCHARD

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Horizons africainsGabon, pays émergentChristian GAMBOTTI

La piraterie maritime : quels enjeux pour le golfe de Guinée ? Robert DUSSEY

L’Afrique et l’eau Claude JAMATI

L’amélioration des services de l’eau en faveur des pauvres dans les pays émergentsSilver MUGISHA

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Gabon, pays émergentLes ambitions du Plan stratégique Gabon émergent 2025

Christian GAMBOTTI

Spécialiste de l’Afrique subsaharienne, directeur de la collection «L’Afrique en marche » (éditions Alpharès), Christian Gambotti est également le conseiller spécial du président de l’Institut Choiseul.

Dans une Afrique en marche, le Gabon, avec d’importantes ressources naturelles - pétrole, bois, manganèse, terres rares,

est un pays prospère, dont le PIB, entre 2010 et 2012, a augmenté de 6 %. Selon, l’ONU, le pays possède l’indice de développement humain le plus élevé du continent. Il dispose aussi du deuxième revenu par habitant, derrière la Guinée équatoriale. Élu président de la République le 3 septembre 2009, Ali Bongo Ondimba sait que derrière ces données plutôt flatteuses se cache une réalité sociale beaucoup plus difficile pour la population gabonaise qui reste majoritairement très pauvre. C’est dans ce contexte qu’est lancé, à l’initiative du président de la République, le Plan stratégique Gabon émergent 2025 (PSGE), dont l’objectif est de moderniser l’économie gabonaise, la diversifier, et permettre à chaque Gabonais d’accéder à un niveau de vie décent.

Vœux pieu ou réalité ? Le temps de l’Afrique est arrivé, c’est une évidence. Le Gabon devra choisir : rester un « petit » pays obscur, sans perspectives d’avenir pour la population, ou devenir un modèle de développement économique et social dans un Afrique, qui est, pour tous les observateurs, un continent d’avenir ? Ali Bongo

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Ondimba choisira-t-il de rester dans l’anonymat des chefs d’États sans ambition pour leur pays ou voudra-t-il devenir l’une des grandes voix dont l’Afrique a besoin ? Le temps de la décolonisation, de l’indépendance politique et de la Guerre froide est terminé, la puissance est aujourd’hui économique. Le Gabon dispose des atouts nécessaires pour devenir un pays émergé. C’est désormais une question de volonté politique.

Le PSGE (Plan stratégique Gabon émergent)

Dès son arrivée au pouvoir, en 2009, le président Ali Bongo Ondimba établit « un programme ambitieux de réformes économiques en vue d’une prospérité future ». Sont alors tracées les grandes « orientations stratégiques 2011-2016 », avec, comme ligne d’horizon, 2025, date à laquelle le Gabon sera devenu un pays émergé. Le pari est ambitieux, mais réaliste et réalisable, tant le Gabon est un pays qui dispose des richesses naturelles qui doivent lui permettre d’atteindre cet objectif : pétrole, or, diamants, manganèse, minerai de fer, bois, mais aussi un formidable écosystème avec 22 millions d’hectares de forêts, 13 parcs nationaux et 800 kilomètres de littoral maritime ; à tout cela s’ajoute les millions d’hectares de terres agricoles largement sous-exploitées, le Gabon étant actuellement incapable de garantir sa sécurité alimentaire. Chaque année, plus de 100 milliards de Francs CFA de denrées alimentaires sont importés. Le Programme agricole de sécurité alimentaire de croissance (PASAC) vise à redynamiser le secteur agricole, en particulier en développant, à côté des cultures vivrières traditionnelles, une culture intensive.

L’agriculture est définie, dans les grandes orientations stratégiques, comme un axe prioritaire. L’ambition est de porter sa contribution au PIB, qui est de 5 % actuellement, à 20 %. Si, pour un pays, la puissance est désormais économique, il ne peut y avoir d’économie forte sans une agriculture forte, un secteur stratégique pourvoyeur d’emplois, garant de la sécurité et de l’indépendance alimentaires. Importer des produits alimentaires financés par les revenus de la

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manne pétrolière, du manganèse ou du bois, est une solution de facilité, toujours provisoire, qui s’inscrit dans une logique à courte vue. Sortir des logiques à courte vue pour s’installer dans une vision prospective du développement est une nécessité pour tous les États avec, comme difficulté, l’accélération d’une économie mondialisée et financiarisée qui compromet, dans son fonctionnement et ses objectifs - la rentabilité maximale, le profit à court terme, le projet d’un développement durable et solidaire. Au Gabon, plus du quart de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté et il n’existe pas, véritablement, de classe moyenne capable de doper la consommation de masse. La croissance, qui reste faible pour un État africain, ne peut ni générer suffisamment d’emplois, ni réduire la pauvreté. Le paradoxe est donc le suivant : d’un côté, des indices - le revenu par habitant et l’indice de développement humain, qui donnent du Gabon l’image d’un pays prospère ; de l’autre, une économie qui s’essouffle, des finances publiques dégradées, un retard dans le développement social et humain. Dans le document publié en 2012, « Plan stratégique Gabon émergent », on peut lire : « Le Gabon est confronté au paradoxe socio-économique d’appartenir de par son PIB par tête au groupe des Pays à revenus intermédiaires (PRI) tout en s’apparentant de par ses indicateurs sociaux au groupe des Pays les moins avancés (PMA). Environ un quart de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté, tandis que les conditions sociales étaient préoccupantes pour les couches vulnérables (veuves, orphelins, filles-mères, handicapés…) ».

Les trois piliers du PSGE : un « Gabon industriel », un « Gabon vert » et un « Gabon des services »

En définissant, comme piliers du PSGE, un « Gabon industriel », un « Gabon vert » et un « Gabon des services », les dirigeants gabonais semblent ne vouloir oublier aucun secteur stratégique afin d’assurer la marche vers l’émergence.

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Le « Gabon industriel »

Le « Gabon industriel » reste à construire avec le passage d’une économie de la rente que procurent les revenus du pétrole à une économie diversifiée, performante et compétitive. S’en remettre uniquement à une relance du secteur pétrolier à travers l’exploration de l’offshore profond serait une erreur. Le prix du baril, avec l’exploitation partout sur la planète, du pétrole de schiste, va être divisé par deux. Le PSGE part du constat suivant : « L’émergence ne deviendra une réalité que si le Gabon réussit la mutation d’une économie de rente reposant sur les matières premières (hydrocarbures, bois, mines) vers une économie à valeur ajoutée et diversifiée ».

En s’appuyant sur le secteur des hydrocarbures, le pétrole restant le « carburant » de l’émergence, il s’agit, pour l’État gabonais, de trouver d’autres vecteurs de croissance en bâtissant des industries pour la transformation, au Gabon, des ressources naturelles. Dans le secteur pétrolier, a été créée la Gabon Oil Company (GOC). Dans la filière bois, il est interdit, depuis le 1er avril 2010, d’exporter les grumes, c’est-à-dire le bois non transformé. Une filière de transformation du bois est déjà opérationnelle. Des industries de soutien, comme le BTP, sont développées. Diversification et valeur ajoutée sont les deux piliers du « Gabon industriel ».

Le « Gabon vert »

Le développement durable, pilier du « Gabon vert », « passe par la valorisation des richesses du sol gabonais, en particulier son patrimoine forestier et son exceptionnelle biodiversité ». Le Gabon est pleinement engagé dans la gestion durable de sa forêt, tout en voulant devenir un leader mondial du bois tropical. Il s’agit aussi de promouvoir, avec la création de « pôles agricoles » et le développement des ressources halieutiques, une véritable « économie verte », capable de garantir la sécurité alimentaire du pays. Les treize parcs nationaux, créés en 2002, doivent permettre de développer une économie de l’éco-tourisme. Le Gabon veut devenir « une destination de référence en matière de tourisme durable ». Le « Gabon vert » est déjà une réalité.

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Comment accepter, pour les États africains, qu’ils ne puissent pas, lors des Sommets mondiaux sur le climat ou la protection de l’environnement, faire entendre leur voix ? En 2009, le Sommet de Copenhague sur le climat s’est montré particulièrement décevant pour l’Afrique.

Le « Gabon des services »

L’économie de la connaissance suppose la valorisation du capital humain à travers un système éducatif performant dans le domaine de la formation initiale et celui de la formation professionnelle. Parmi les handicaps du Gabon, figure le faible niveau de qualification de ceux qui arrivent sur le marché du travail ou qui ont un emploi. Les entreprises ne trouvent pas le personnel dont elles ont besoin, ce qui les conduit à ne pas investir dans le pays. Secteur stratégique, l’éducation doit être privilégiée, le Gabon ambitionnant de devenir, en particulier dans l’économie numérique et la finance, « un pôle régional de services à valeur ajoutée ».

La marche vers l’émergence

Sur le papier, le PSGE, avec ses orientations stratégiques 2011-1016, fonctionne admirablement. 2016 est d’ailleurs l’année de l’élection présidentielle. Aujourd’hui, il n’est pas sûr que la population gabonaise soit totalement convaincue des résultats de ce Plan stratégique pour la période 2011-2014. Il reste deux ans au président Ali Bongo Ondimba pour convaincre.

Dans les années 1973, le Gabon avait déjà connu un véritable « miracle économique » avec la flambée du prix du baril de pétrole. Le président Omar Bongo avait alors choisi de mener une politique d’infrastructures économiques de grande envergure. Après une décennie de prospérité, le « miracle gabonais » s’est essoufflé pour déboucher sur une croissance « molle » de l’ordre de 2 %, ce qui est insuffisant pour générer des emplois et réduire la pauvreté. Les revenus du pétrole, qui représentent 46 % du PIB et 59 % des

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recettes de l’État, ont plongé le Gabon dans une économie de la rente mortifère. Quarante ans plus tard, dans le contexte nouveau de la mondialisation des échanges, au cœur d’une Afrique obligée d’aller plus vite sur les chemins du développement, Ali Bongo Odimba est confronté au défi qui consiste à redynamiser l’économie gabonaise, afin d’« impulser de façon définitive la marche vers l’émergence » et aller vers « la prospérité partagée ». C’est donc une véritable révolution culturelle, à l’intérieur de laquelle démocratie politique et démocratie économique sont étroitement liées, que propose le Plan stratégique Gabon émergent.

Conçu comme un instrument de modernisation qui contribue à réduire l’inégalité des niveaux de vie avec les pays africains émergés, mais aussi avec les pays développés, le PSGE se heurte aux difficultés que rencontrent toutes les jeunes démocraties africaines pour appliquer les principes de bonne gouvernance. Les décisions se concentrent encore sur la tête de l’État, les institutions restent faibles, la société civile organisée ne joue pas pleinement son rôle de contrepouvoir. Dans une Afrique qui, indéniablement, avance, la démocratie politique et la démocratie économique ont encore des progrès à faire. Aujourd’hui, les décisions des bailleurs de fonds sont largement conditionnées par l’application des principes de bonne gouvernance.

Pays doté d’immenses ressources naturelles, le Gabon peut devenir le champ d’expérimentation de cette Afrique en marche, s’il est capable de « moderniser l’administration, de consolider les règles de l’État de droit », comme le requiert le PSGE. Il est précisé dans le document de présentation du PSGE que « l’administration gabonaise apparaît pléthorique, coûteuse et peu efficace. Avec ses 70 000 agents (un agent pour vingt habitants), elle constitue une des administrations les plus étoffées au monde au regard de la population prise en charge. De même, avec un budget de fonctionnement annuel d’environ 800 milliards de Francs CFA, elle coûte cher ».

Le Secrétaire général du gouvernement, Pacôme Moubelet-Boubeya, appelé à coordonner le suivi et l’évaluation du PSGE,

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considère que le rêve de demain, pour les jeunes gabonais, ne doit plus être simplement de devenir fonctionnaires, mais aussi capitaines d’industrie. Un État ne peut pas se passer, dans tous les domaines, d’une administration compétente et performante pour appliquer les règles et faciliter les démarches, afin de répondre aux attentes des citoyens et des entrepreneurs. Or, l’administration est souvent pléthorique, bureaucratique et peu performante, sans que cela ne soit la faute des fonctionnaires. Il appartient à l’État de relever le niveau de qualification de son administration.

Les mutations que promeut le PSGE touchent le secteur public et le secteur privé, car il existe, entre ces deux secteurs, un lien consubstantiel. Le « Gabon industriel » ne peut réussir sans une transformation du système éducatif appelé à former les « intelligences » dont le pays a besoin. L’appropriation des ressources naturelles par des investisseurs extérieurs dont le Gabon est victime, le pays ne possédant pas les industries pour la transformation de ces ressources, s’explique, pour une large part, par les insuffisances du système éducatif encore incapable d’élever, quantitativement et qualitativement, les niveaux de qualification.

Le secteur privé et l’administration ont besoin des compétences qui vont permettre la réalisation du PSGE, ce qui suppose la valorisation du capital humain. L’éducation est la pierre angulaire du développement et de la valorisation du capital humain.

Volonté politique, obstacles au développement et lutte contre le temps

Volonté politique

Les deux chances du Gabon sont les suivantes : le pays est doté d’immenses ressources naturelles et tout reste à faire. Sa prospérité n’est que relative. Le pétrole et le bois sont exportés à l’état brut, sans véritable plus-value pour l’économie nationale, sans générer les emplois dont le pays a besoin. Mais, rien n’est possible sans volonté politique.

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Il est de bon ton de dire aujourd’hui que le vrai pouvoir ne se situe plus dans la sphère politique, qu’il se situe dans la finance, l’économie, l’argent. Le vrai pouvoir ne se situe pas non plus dans les dictatures militaires telles que l’Afrique a pu les connaître. Dans les États démocratiques, le destin du pays dépend encore largement de la volonté de ses dirigeants de mieux contrôler les leviers de commande de l’économie et de la finance en décidant des grandes orientations stratégiques et de la redistribution des richesses. En 1960, la France se donne les moyens de devenir un grand pays industriel, à travers un État-stratège, par la seule volonté du Général de Gaulle. La même année, le rapport Rueff-Armand, qui fait suite au plan de stabilisation Pinay-Rueff de 1958, s’inquiète de la rigidité de l’économie française, de l’inadaptation de l’administration et de la qualité de l’enseignement. Si le rapport Armand-Rueff, un rapport visionnaire, n’est pas resté à l’état d’utopie, c’est qu’il existait, chez de Gaulle, une véritable volonté politique de moderniser la France et son économie.

D’un côté, le Plan Rueff-Armand dans une France à reconstruire, de l’autre le PSGE dans un Gabon inscrit dans une marche vers l’émergence. Dans les deux cas, des pays où tout est à faire : le parallèle est évident. Le Gabon a connu dans les années 1960 une première indépendance, l’indépendance politique, certes nécessaire mais encore insuffisante pour lui permettre de s’affranchir de la tutelle des anciennes puissances. Il connaît aujourd’hui une deuxième indépendance, l’indépendance économique, avec des ressources qui lui assurent les moyens de son développement, mais aussi de son indépendance politique.

Ali Bongo Ondimba devra choisir : soit il maintient, par manque de volonté politique, le Gabon dans le groupe des Pays les moins avancés, PMA), soit il fait du pays, à travers une volonté politique sans failles, un modèle de développement économique et social pour toute l’Afrique.

« Petit » pays par le nombre de sa population, le Gabon est un « grand » pays par ses ressources et sa capacité d’influence. Des « petits » pays comme la Suisse, le Luxembourg, le Qatar,

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comptent aujourd’hui parmi les pays les plus développés et les plus influents du monde. Leur puissance, qui est économique, se nourrit justement d’une diplomatie économique qui permet de rayonner à l’international.

Les obstacles au développement

Les obstacles au développement du pays sont nombreux : la faiblesse des ressources financières de l’État avec la stagnation des revenus du pétrole, une dette trop importante - les caisses de l’État sont vides , et, paradoxalement, un État dont les dépenses restent trop élevées ; une fiscalité dissuasive qui rend le territoire moins attractif pour les investisseurs étrangers ; des infrastructures, dont le réseau routier, inadaptées qui ne permettent pas d’exploiter pleinement les ressources du pays (de nouveaux gisements vitaux pour l’économie du pays se situent dans des régions éloignées, sans routes ni voies ferrées pour y accéder) ; les lourdeurs administratives ; une main d’œuvre peu qualifiée ; l’étroitesse du marché avec une population peu nombreuse ; les principes de bonne gouvernance qui ne sont pas pleinement appliqués, etc. À cela s’ajoutent les menaces qui pèsent sur l’Afrique. En particulier toutes les menaces transversales comme le changement climatique ou le terrorisme.

Comment faire du Gabon un pays émergé en 2025, si tous ces obstacles ne sont pas surmontés dans un délai très court ? Déjà, se profile, pour Ali Bongo Ondimba, l’échéance électorale de 2016. Saura-t-il s’entourer des femmes et des hommes qui pourront l’accompagner, de 2014 à 2016, sur les chemins de l’émergence ? La réponse lui appartient, mais un autre obstacle se dresse devant lui : la lutte contre le temps.

La lutte contre le temps

Les quatre années qui se sont écoulées depuis l’élection d’Ali Bongo Ondimba n’ont pas donné aux yeux de la population les résultats escomptés. Même si dans la déclaration qui a suivi son élection, le président Ali Bongo a pu dire, « Nous ne sommes pas à la recherche

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de solutions rapides, ou de retour sur investissement à court terme », en réalité le temps presse. Les partenariats stratégiques sont longs à mettre en œuvre, les résultats ne profitent pas immédiatement à la population. Les grandes entreprises internationales qui exploitent les ressources du Gabon ne font pas vivre la majorité de la population, qui doit se contenter des « petits » métiers traditionnels pour survivre. En même temps, le Gabon doit avancer plus vite sur les chemins du développement sans détruire son environnement, en particulier la forêt et le littoral. Appartenant au bassin du Congo, qui représente le deuxième poumon de la planète, le Gabon doit répondre aux impératifs de l’industrialisation et préserver son patrimoine forestier, ce qui est l’un des objectifs du « Gabon vert ».

Face à une population avide de croissance et de consommation, les décisions prises dans le cadre des grandes orientations stratégiques, ne peuvent plus attendre. Les choix qui sont décrits par le PSGE ne doivent pas rester de simples slogans, ce qui suppose une forte croissance, un développement durable et solidaire.

Dans un délai très court, le Gabon doit passer d’une économie dirigée à une économie ouverte aux échanges mondiaux de capitaux, de marchandises et de services. C’est le chemin que semble avoir choisi Ali Bongo Ondimba. Ce qui est particulièrement rare en Afrique, le gouvernement est devenu la source d’information la plus visible, en attendant d’être la plus crédible, sur l’avenir du Gabon. La politique de communication de l’État gabonais est efficace.

La vision d’un Gabon émergent trace un cap, définit un objectif à atteindre. Il reste à passer des mots aux actes, c’est-à-dire de la « pensée magique » à l’économie réelle. Si le Gabon peut apparaître pour les investisseurs comme un chantier où tout est à faire, la population ne doit pas être oubliée, ce qui suppose le renforcement de deux secteurs sinistrés, la santé et l’éducation, et la mise en œuvre de politiques qui conduisent vers l’emploi, le logement, la sécurité alimentaire et la protection des populations vulnérables. Le Gabon ne doit pas devenir, à travers le PSGE, un pays riche avec une population pauvre.

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Le rayonnement internationalL’intégration régionale

En Afrique, l’intégration régionale est encore insuffisante. L’exemple de l’Union Européenne montre que les échanges commerciaux entre les pays membres de l’UE (commerce intra-UE) sont deux fois supérieurs aux exportations vers d’autres pays (commerce extra-UE). À l’intérieur de la CEEAC (Communauté économique des États d’Afrique centrale), bien moins avancée que la CEA (Communauté Est africaine), les échanges sont encore trop peu nombreux. Les réponses au développement économique de l’Afrique demandent aussi que soient mises en œuvre des réponses africaines. Il appartient au Gabon d’être l’un des moteurs de l’intégration régionale.

L’activité diplomatique

Historiquement, le Gabon entretient avec la France, qui représente 75 % des investissements étrangers, des relations privilégiées. Dès son élection, Ali Bongo a déployé une intense activité diplomatique, envoyant ainsi un message clair : le Gabon s’ouvre aux échanges internationaux. Tout en maintenant des relations privilégiées avec la France, dans un rapport gagnant-gagnant, le Gabon doit se tourner vers d’autres investisseurs.

La France, qui a pu laisser entendre qu’elle se désintéressait de l’Afrique à travers l’action de quelques ministres de la Coopération, dont la seule ambition était de mettre fin à une hypothétique « françafrique », commence à comprendre que l’Afrique est, dans son ensemble, un continent d’avenir, avec un espace francophone, qui représente, pour elle, un formidable vecteur de croissance.

À la diplomatie traditionnelle, fondée sur la puissance militaire, se substitue désormais une diplomatie économique et culturelle, vecteur d’une nouvelle puissance tournée vers un développement économique et social, durable et solidaire, garant d’une paix durable.

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Réhabiliter l’action du politique et l’idée d’une destinée collective

Selon le président Ali Bongo, le PSGE contribue à « réhabiliter la volonté politique et l’ambition dans la pensée collective gabonaise ». L’Occident souffre aujourd’hui d’une dévalorisation de l’action politique, l’Afrique doit encore faire un effort pour rendre la parole politique crédible. L’émergence ne doit pas rester un slogan. Les populations, qui ne sont plus dupes de la « pensée magique » et des promesses de la classe politique, entendent les mots, mais elles jugent les actes. L’idée d’une destinée collective tend à disparaître de notre paysage mental. Il appartient aux hommes politiques de réhabiliter cette idée.

Résumé

Dès son élection, en 2009, le président de la République Ali Bongo Ondimba a lancé un Plan stratégique Gabon émergent 2025 (PSGE) dont les trois piliers sont le « Gabon industriel », le « Gabon vert » et le « Gabon des services ». L’objectif est de diversifier l’économie gabonaise pour sortir de l’économie de la rente que représentent encore les revenus du pétrole. La marche vers l’émergence est engagée. Mais le temps presse avec l’échéance électorale de 2016. La population, avide de croissance et de consommation, attend encore les résultats du PSGE, comme elle attend un meilleur partage des fruits de la croissance. Déjà, le mérite du PSGE aura été de rendre visible, sur la scène internationale, l’action des dirigeants gabonais. Mais il faut passer des slogans mobilisateurs aux actes, ce qui est une manière de réhabiliter l’action politique et l’idée d’une destinée collective.

Abstract

Soon his election in 2009, President Ali Bongo Ondimba has launched a Strategic Plan Emerging Gabon 2025 (PSGE) whose three pillars are «industrial Gabon», the «Green Gabon» and «Gabon services.» The aim is to diversify Gabon’s economy to put it out of the economy of the pension that oil revenues still represent. The walk to emergence is committed. But time is running with the presidential election of 2016. Population, eager for growth and consumption, is still awaiting results of PSGE as she looks better sharing of the fruits of growth. Already, the merit of PSGE has been to make visible on the international scene the action of Gabonese leaders. But we must pass from slogans to acts, which is a way to rehabilitate the political action and the idea of a collective destiny.

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