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Imprimer cet article date de publication : mardi 25/04/2006 Portrait CARPENTIER Steve Joao Pedro Stédile, la voix des Brésiliens sans terre. Le mouvement des sans-terre commémore le « massacre d'Eldorado dos Carajas », il y a dix ans, où une manifestation réprimée par la police militaire s'était soldée par la mort de 19 paysans sans terre. Joao Pedro Stédile coordonne une série de manifestations à travers tout le pays pour dénoncer ce crime resté largement impuni. Joao Pedro Stédile, un des idéologues du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST), est devenu le poil à gratter du gouvernement Lula. Fils de petits agriculteurs, cet économiste de formation emprunte volontiers à la rhétorique marxiste pour voir aboutir un combat de trente ans : la réforme agraire. Comptant en janvier 1984 parmi les fondateurs du MST, il n'a cessé de lutter contre l'agrobusiness et les multinationales, qui ne produisent selon lui que « dollars et pauvreté ». Le mois dernier, il présidait encore à la destruction controversée, dans l'État du Rio Grande do Sul, du laboratoire de recherches de la société Aracruz Celulose, important producteur d'eucalyptus qu'il soupçonne de vouloir créer « un désert vert basé sur la monoculture ». De toutes les luttes, Joao Pedro Stédile, âgé de 53 ans, l'est encore aujourd'hui pour défendre la mémoire des 19 morts d'Eldorado dos Carajas. Le 17 avril 1996, 1 500 travailleurs ruraux du MST étaient venus dans cette petite ville du nord du pays bloquer la voie d'accès principale à Belém, capitale de l'État du Para, afin de protester contre la lenteur des pouvoirs publics à exproprier des terres agricoles. La manifestation finira dans un bain de sang et révélera au monde le combat des sans-terre brésiliens. Récemment qualifié de « cataclysme » par le président de l'époque, Fernando Henrique Cardoso, cet épisode demeure pourtant impuni. Sur les 144 policiers ayant participé à cette répression sanglante, seuls deux hauts gradés furent condamnés, et laissés en liberté. Un crime sans assassins qui, pour les ONG, pose la question de la capacité de la justice brésilienne à appliquer la loi et à protéger les droits fondamentaux. Pour rendre justice à ses morts, le MST a lancé une série d'actions dans une dizaine d'États, avec invasions symboliques de propriétés agricoles, barrages de routes, mais aussi saccages de camions de marchandises dans l'État du Pernambuco, des dérapages condamnés par la direction du mouvement. À Eldorado dos Carajas, 2 000 militants du MST sont venus symboliquement bloquer l'autoroute. Joao Pedro Stédile, présent sur les lieux, a profité de cette occasion pour annoncer la couleur : les actions pour la réforme agraire vont s'intensifier, afin de faire pression sur le président Lula en vue du scrutin présidentiel du 1er octobre prochain. STEVE CARPENTIER Sao Francisco do Sul) Page 1 of 1 - la-Croix.com 17/2/2009 http://www.la-croix.com/sdx/alc/imprimer.xsp?id=20060425-X10PORTR.xml&base=c

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date de publication : mardi 25/04/2006

Portrait

CARPENTIER Steve Joao Pedro Stédile, la voix des Brésiliens sans terre. Le mouvement des sans-terre commémore le « massacre d'Eldorado dos Carajas », il y a dix ans, où une manifestation réprimée par la police militaire s'était soldée par la mort de 19 paysans sans terre. Joao Pedro Stédile coordonne une série de manifestations à travers tout le pays pour dénoncer ce crime resté largement impuni.

Joao Pedro Stédile, un des idéologues du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST), est devenu le poil à gratter du gouvernement Lula. Fils de petits agriculteurs, cet économiste de formation emprunte volontiers à la rhétorique marxiste pour voir aboutir un combat de trente ans : la réforme agraire. Comptant en janvier 1984 parmi les fondateurs du MST, il n'a cessé de lutter contre l'agrobusiness et les multinationales, qui ne produisent selon lui que « dollars et pauvreté ». Le mois dernier, il présidait encore à la destruction controversée, dans l'État du Rio Grande do Sul, du laboratoire de recherches de la société Aracruz Celulose, important producteur d'eucalyptus qu'il soupçonne de vouloir créer « un désert vert basé sur la monoculture ».

De toutes les luttes, Joao Pedro Stédile, âgé de 53 ans, l'est encore aujourd'hui pour défendre la mémoire des 19 morts d'Eldorado dos Carajas. Le 17 avril 1996, 1 500 travailleurs ruraux du MST étaient venus dans cette petite ville du nord du pays bloquer la voie d'accès principale à Belém, capitale de l'État du Para, afin de protester contre la lenteur des pouvoirs publics à exproprier des terres agricoles. La manifestation finira dans un bain de sang et révélera au monde le combat des sans-terre brésiliens. Récemment qualifié de « cataclysme » par le président de l'époque, Fernando Henrique Cardoso, cet épisode demeure pourtant impuni. Sur les 144 policiers ayant participé à cette répression sanglante, seuls deux hauts gradés furent condamnés, et laissés en liberté. Un crime sans assassins qui, pour les ONG, pose la question de la capacité de la justice brésilienne à appliquer la loi et à protéger les droits fondamentaux.

Pour rendre justice à ses morts, le MST a lancé une série d'actions dans une dizaine d'États, avec invasions symboliques de propriétés agricoles, barrages de routes, mais aussi saccages de camions de marchandises dans l'État du Pernambuco, des dérapages condamnés par la direction du mouvement. À Eldorado dos Carajas, 2 000 militants du MST sont venus symboliquement bloquer l'autoroute. Joao Pedro Stédile, présent sur les lieux, a profité de cette occasion pour annoncer la couleur : les actions pour la réforme agraire vont s'intensifier, afin de faire pression sur le président Lula en vue du scrutin présidentiel du 1er octobre prochain.

STEVE CARPENTIER

(À Sao Francisco do Sul)

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