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LA CONSOMMATION, UN FAIT SOCIAL I – La consommation et les revenus A – La consommation contrainte par les revenus 1. D’après une telle définition de l’économie, peut-on considérer qu’un agent économique est libre de faire tout ce qu’il désire ? Quel est le rapport avec l’Ardèche ? 2. Comment (grâce à quoi) les biens les plus rares sont-ils répartis dans l’économie ? 3. Le poisson est-il un bien de luxe ? Qu’en sera-t-il dans l’avenir ? B – Une contrainte en voie de disparition ? 4. En 1950, l’automobile était un luxe, alors qu’aujourd’hui selon l’INSEE, 80,7% des ménages possèdent un véhicule. Comment un bien peut-il ainsi passer de bien de luxe à bien de consommation courante ? 5. En 1958, l’économiste John Galbraith écrit L’Ère de l’opulence, dans lequel il développe une théorie proche de celle du rattrapage. En quoi ce titre constitue-t-il un pied-de-nez à la discipline qui est la sienne ? 6. D’après les théories de Louis Chauvel sur Le Retour des classes sociales, le rattrapage et l’opulence sont- ils d’actualité ? II – Consommation et distinction La « théorie du rattrapage » veut bien reconnaître que les différentes catégories sociales n’organisent pas leur budget de la même façon. Ces différences [...] tendent à s’estomper avec le temps [...]. L’augmentation irrésistible du pouvoir d’achat des travailleurs, le resserrement de la hiérarchie des salaires, le développement de la production de masse, avec la baisse du prix de revient qu’elle entraîne, sont les plus sûrs garants d’une homogénéisation, à terme, des consommations des différentes classes sociales. Christian Baudelot, Roger Establet et Jacques Toisier, Qui travaille pour qui ?, 1979. L’économie est la science qui étudie l’allocation (c’est-à- dire la répartition et l’utilisation) des ressources rares. On qualifie des biens de « rares » lorsque leur consommation n’est pas illimitée (à l’échelle humaine) : par exemple, l’air n’est pas rare, donc ce n’est pas un bien économique, au contraire de l’eau, qui est devenue une ressource rare (et donc économique) au fil des deux derniers siècles. Une fonction de la consommation est de montrer sa position sociale. L’économiste américain Thorstein Veblen (1857-1929) a introduit dans sa Théorie de la classe de loisir (1899) la notion de « consommation ostentatoire » pour qualifier les achats qui ont pour but de permettre à l’individu de se distinguer positivement des autres membres du groupe social auquel ils appartiennent et d’imiter « le mode de vie de la strate immédiatement supérieure ». Selon Veblen, cette compétition trouve sa source dans le fait que, « dans les sociétés civilisées d’aujourd’hui, les lignes de démarcation des classes sociales se sont faites incertaines et mouvantes ». Cette diminution des distances sociales oblige les plus favorisés à trouver les moyens de se démarquer, et incite les autres à les imiter. Un achat montrera d’autant mieux les moyens financiers d’un individu qu’il sera voyant... et dépourvu d’intérêt pratique. Dans La Distinction (1979), le sociologue français Pierre Bourdieu revient sur les stratégies de distinction. Cette lutte pour le classement, selon lui, passe notamment par la consommation, qui a toujours une dimension symbolique. Il ne s’agit plus nécessairement, comme chez Veblen, de mettre en scène ses moyens financiers, mais il s’agit de stratégies plus complexes, par exemple, son bon goût ou sa culture. Arnaud Parienty, Nathan, 2000.

I – La consommation et les revenusUne fonction de la consommation est de montrer sa position sociale. L’économiste américain Thorstein Veblen (1857-1929) a L’économiste américain

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Page 1: I – La consommation et les revenusUne fonction de la consommation est de montrer sa position sociale. L’économiste américain Thorstein Veblen (1857-1929) a L’économiste américain

LA CONSOMMATION, UN FAIT SOCIAL

I – La consommation et les revenusA – La consommation contrainte par les revenus

1. D’après une telle définition de l’économie, peut-on considérer qu’un agent économique est libre de faire tout ce qu’il désire ? Quel est le rapport avec l’Ardèche ?

2. Comment (grâce à quoi) les biens les plus rares sont-ils répartis dans l’économie ?

3. Le poisson est-il un bien de luxe ? Qu’en sera-t-il dans l’avenir ?

B – Une contrainte en voie de disparition ?4. En 1950, l’automobile était un luxe, alors

qu’aujourd’hui selon l’INSEE, 80,7% des ménages possèdent un véhicule. Comment un bien peut-il ainsi passer de bien de luxe à bien de consommation courante ?

5. En 1958, l’économiste John Galbraith écrit L’Ère de l’opulence, dans lequel il développe une théorie proche de celle du rattrapage. En quoi ce titre constitue-t-il un pied-de-nez à la discipline qui est la sienne ?

6. D’après les théories de Louis Chauvel sur Le Retour des classes sociales, le rattrapage et l’opulence sont-ils d’actualité ?

II – Consommation et distinction

La « théorie du rattrapage » veut bien reconnaître que les différentes catégories sociales n’organisent pas leur budget de la même façon. Ces différences [...] tendent à s’estomper avec le temps [...]. L’augmentation irrésistible du pouvoir d’achat des travailleurs, le resserrement de la hiérarchie des salaires, le développement de la production de masse, avec la baisse du prix de revient qu’elle entraîne, sont les plus sûrs garants d’une homogénéisation, à terme, des consommations des différentes classes sociales.

Christian Baudelot, Roger Establet et Jacques Toisier, Qui travaille pour qui ?, 1979.

L’économie est la science qui étudie l’allocation (c’est-à-dire la répartition et l’utilisation) des ressources rares. On qualifie des biens de « rares » lorsque leur consommation n’est pas illimitée (à l’échelle humaine) : par exemple, l’air n’est pas rare, donc ce n’est pas un bien économique, au contraire de l’eau, qui est devenue une ressource rare (et donc économique) au fil des deux derniers siècles.

Une fonction de la consommation est de montrer sa position sociale. L’économiste américain Thorstein Veblen (1857-1929) a introduit dans sa Théorie de la classe de loisir (1899) la notion de « consommation ostentatoire » pour qualifier les achats qui ont pour but de permettre à l’individu de se distinguer positivement des autres membres du groupe social auquel ils appartiennent et d’imiter « le mode de vie de la strate immédiatement supérieure ». Selon Veblen, cette compétition trouve sa source dans le fait que, « dans les sociétés civilisées d’aujourd’hui, les lignes de démarcation des classes sociales se sont faites incertaines et mouvantes ». Cette diminution des distances sociales oblige les plus favorisés à trouver les moyens de se démarquer, et incite les autres à les imiter. Un achat montrera d’autant mieux les moyens financiers d’un individu qu’il sera voyant... et dépourvu d’intérêt pratique.

Dans La Distinction (1979), le sociologue français Pierre Bourdieu revient sur les stratégies de distinction. Cette lutte pour le classement, selon lui, passe notamment par la consommation, qui a toujours une dimension symbolique. Il ne s’agit plus nécessairement, comme chez Veblen, de mettre en scène ses moyens financiers, mais il s’agit de stratégies plus complexes, par exemple, son bon goût ou sa culture.

Arnaud Parienty, Nathan, 2000.

Page 2: I – La consommation et les revenusUne fonction de la consommation est de montrer sa position sociale. L’économiste américain Thorstein Veblen (1857-1929) a L’économiste américain

1. À l’aide du document ci-dessus, commentez l’expression française « être distingué ».2. Qu’est-ce qu’une consommation « ostentatoire » ?3. Comment devait s’habiller un bourgeois au XIXè siècle ? De qui devait-il se distinguer et à qui devait-il

ressembler ?4. L’exemple le plus répandu pour discuter des phénomènes de distinction est celui de l’habillement. Pierre

Bourdieu en développe un autre, celui du sport : essayez d’imaginer ce qu’il a décrit.5. Décrivez une consommation « distinctive » fondée plus sur le « bon goût » ou la culture que sur l’argent.