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IInnttrroodduuccttiioonn
2
Les infections nosocomiales occupent une place prépondérante et
constituent par leur fréquence, leur gravité sur le plan clinique (morbidité et
mortalité), et leurs conséquences économiques, une priorité en matière de santé
publique. Une infection nosocomiale (du grec nosos : maladie, et komein :
prendre soin de) est une atteinte localisée ou systémique résultant d’une réaction
de l’organisme à la présence d’un agent infectieux ou de sa toxine, sans preuve
que l’infection était présente ou en cours d’incubation au moment de
l’admission du patient. Les infections bactériennes sont nosocomiales
lorsqu’elles se déclarent plus de 48 heures après l’admission du patient. Comme
tous les êtres vivants, les bactéries doivent s’adapter à un environnement qui
leur est de plus en plus hostile. En effet, la promiscuité, la circulation des
patients et la pression de sélection imposée par l’antibiothérapie favorisent la
dissémination dans l’environnement des bactéries multirésistantes (BMR). La
lutte contre les infections nosocomiales nécessite l’adoption d’une stratégie
susceptible de prévenir et de limiter la diffusion de ces infections en empêchant
la transmission manuportée des BMR. Cette démarche associe principalement
l’hygiène du milieu hospitalier, l’hygiène de personnel soignant notamment le
lavage des mains, ainsi que le dépistage des porteurs, plus ou moins
systématique, des précautions d’isolement et l’optimisation de l’antibiothérapie.
Les patients porteurs de BMR constituent un réservoir à partir duquel ces
bactéries peuvent disséminer.
3
Le dépistage des BMR permet d’identifier ces patients et de prendre des
précautions d’isolements afin d’éviter les infections croisées et les épidémies de
BMR. Dans le cadre de la prévention des infections à bactéries multirésistantes,
le Laboratoire de Microbiologie de l’Hôpital Universitaire International Cheikh
Zaïd de Rabat en collaboration avec le Comité de Lute contre les Infections
Nosocomiales (CLIN), mène une étude prospective et continue depuis 16 janvier
2008 dont le but est d’évaluer la prévalence du portage de bactéries
multirésistantes chez les patients à l’admission en réanimation. Dans ce travail
nous présentons les résultats de 9 mois (du 16 janvier 2008 au 16 octobre 2008).
4
I. DEFINITION DE LA MULTIRESISTANCE BACTERIENNE
1. Définition des bactéries multirésistantes
Les bactéries sont dites multirésistantes aux antibiotiques lorsque, du fait
de l'accumulation de résistances acquises à plusieurs familles d’antibiotiques,
elles ne sont plus sensibles qu'à un petit nombre d'antibiotiques utilisables en
thérapeutique. La multirésistance est une étape vers l’impasse thérapeutique.
Elle concerne les bactéries des infections communautaires (ex. : pneumocoques,
bacilles de la tuberculose) et les bactéries des infections nosocomiales (IN). La
lutte contre les BMR à l’hôpital, qui s'intègre dans une politique globale de
prévention des IN et de maîtrise de la résistance aux antibiotiques, est une
priorité qui implique toute la communauté hospitalière et fait partie des
indicateurs d'activité et de qualité, et des référentiels d'accréditation des
établissements de santé [1,2].
2. Le choix des bactéries multirésistantes ciblées
Le choix des BMR ciblées par le programme de surveillance et de
prévention des infections nosocomiales est propre à chaque institution. En
raison de leur fréquence élevée, de leur potentiel pathogène, de leur caractère
commensal qui expose au risque de diffusion hors de l’hôpital, de leur caractère
clonal ou du caractère aisément transférable des mécanismes de résistance
impliqués, les Staphylocoques aureus résistants à la méthicilline (SARM), les
Staphylocoques à coagulase négative résistants à la méthicilline et les
entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre étendu (BLSE) sont les
plus importants et les plus ciblées dans le programme de lute contre les
infections à BMR adopté par le laboratoire de microbiologie de l’hôpital
Universitaire International Cheikh Zaïd de Rabat. Ce programme cible aussi des
5
autres BMR nosocomiales qui ne présentent pas toutes ces caractéristiques
dont : Enterobacter hyperproducteurs de céphalosporinase, Pseudomonas
aeruginosa multirésistant ; résistantes aux bêtalactamines (ticarcilline,
ceftazidime et/ou imipénème), Acinetobacter baumannii multirésistant ;
résistant à la Ticarcilline, Ceftazidime et Céftriaxone.
II. MECANISME DE LA MULITRÉSISTANCE (Tableau I, page10)
La multirésistance bactérienne résulte de l'accumulation de résistances à un
nombre important d'antibiotiques appartenant à des familles variées, ayant donc
des mécanismes d'action très divers. On distingue les mécanismes biochimiques
(inactivation enzymatique, imperméabilité membranaire, modification de la
cible bactérienne de l’antibiotique et l’efflux d’antibiotique) et les mécanismes
génétiques (chromosomiques, extrachromosomiques, plasmidiques ou via des
transposons et des intégrons) [3,4]. Pour définir des stratégies de lutte efficace
contre la multirésistance, il est indispensable de comprendre les grands principes
des mécanismes de résistances chez les BMR ciblées dans notre étude.
1. Mécanismes biochimiques de la résistance bactérienne [5]
Les bactéries développent des résistances aux antibiotiques grâce à des
mécanismes utilisés seuls ou en association, schématiquement classés en quatre
groupes.
a) Inactivation enzymatique
L’inactivation enzymatique est un mode de résistance acquis et
particulièrement fréquent dans le cas des bêtalactamines.
6
b) Imperméabilité membranaire
Les mutations peuvent entraîner la perte de certaines porines, et de ce fait
entraver le passage intracellulaire de certains antibiotiques.
c) Modification de la cible bactérienne de l’antibiotique
Pour qu’un antibiotique soit efficace, il faut qu’il se fixe sur une cible après
sa pénétration dans la bactérie. Si cette cible est remplacée ou modifiée de telle
manière que l’antibiotique ne puisse plus s’y fixer, la bactérie acquiert une
résistance qui s’étend à toute une famille d’antibiotiques (Figure1). Plusieurs
cibles peuvent être modifiées :
Modification de la cible ribosomale;
Altération de la synthèse des acides aminés ;
Modification des PLP (protéines liant la pénicilline).
Exemple : chez le Staphylocoque aureus et le Staphylocoque à coagulase
négative, la résistance à l’oxacilline (ou résistance à la méticilline) traduit la
présence d’une cible des bêtalactamines nouvelle et insensible à ces
antibiotiques, la protéine de liaison aux pénicillines PLP2a, codée par le gène
mecA (Figure 1).
7
Figure 1 : Mécanisme de résistance de Staphylocoque aureus aux
bêtalactamines [6]
d) Efflux d’antibiotique
C’est un mécanisme de rejet ou d’excrétion dans le milieu extracellulaire
des molécules d’antibiotiques ayant pénétré à l’intérieur de la bactérie.
2. Support génétique de la résistance bactérienne: [7]
La résistance aux antibiotiques est liée à une information portée par le code
génétique de la bactérie. Le support de cette information peut être le
chromosome bactérien, un plasmide ou un élément transposable. Sur le plan
génétique, la résistance acquise peut survenir par mutation ponctuelle, par
remaniement du génome ou par acquisition de matériel génétique étranger. Il
existe deux supports essentiels.
8
a) Résistance chromosomique [8]
La résistance médiée par le chromosome bactérien, peut être due à une
mutation spontanée ou à une recombinaison.
Mutation : le terme de mutation désigne tout changement du
matériel héréditaire survenant dans la séquence des acides nucléiques de la
bactérie. Les mutations sont dans la majorité des cas spontanées mais elles
peuvent également être induites par exposition à des agents mutagènes.
Recombinaison : consiste en un transfert de fragments d’un
endroit du chromosome bactérien à un autre. Si ces fragments sont incorporés à
des endroits bien précis, ils sont appelés « intégrons », s’ils se déplacent
librement, il s’agit de « transposons ».
La résistance chromosomique, compte pour 10 à 20% des
résistances cliniques observées chez les bactéries. Elle possède toutes les
propriétés des mutations à savoir :
rareté : le taux de mutation au sein d’une population bactérienne
se situe entre 10-6
à 10-8
;
spontanéité et indépendance : la mutation est indépendante de
l’antibiotique qui n’agit que comme agent révélateur. Elle peut survenir à
n’importe quel moment ;
stabilité : la mutation est un caractère stable, le retour à l’état
sensible de la bactérie ne peut se faire qu’à la faveur d’une mutation reverse ;
transmission héréditaire verticale aboutit à la résistance de la
population descendante.
9
b) Résistance extrachromosomique [9]
La résistance peut provenir de l’acquisition d’un ADN étranger par le biais
de plasmides, bactériophages ou transposons. On parle alors de transfert
horizontal de gènes de résistance et les mécanismes utilisés sont la conjugaison,
la transduction et la transformation. Le phénomène a été mis en évidence pour la
première fois au Japon en 1958 par Akiba et Ochiai, qui ont montré que des
Colibacilles multirésistants pouvaient transmettre dans le tube digestif de
l’homme leur résistance à des Shigelles sensibles. La résistance
extrachromosomique constitue la plus fréquente des résistances observées en
clinique chez les bactéries. Elle se caractérise, contrairement à la résistance par
mutation, par son caractère fréquemment multiple d’emblée et par son aspect
souvent épidémique.
c)Les éléments génétiques mobiles [10-12]
Plasmides
Ce sont des molécules d’ADN bicaténaire, circulaire, extrachromosomique,
peuvent être constitués de 10 à 100 paires de bases d’ADN. Ils peuvent donner
une réplication autonome, transmissible de façon stable au cours des
générations, ils sont non indispensables aux grandes fonctions vitales de la
bactérie. Les plasmides sont responsables de la grande majorité des résistances à
un ou plusieurs antibiotiques de famille différentes. Ils peuvent établir une
connexion entre une cellule donatrice et une cellule réceptrice, et être transférés
en même temps qu’ils sont répliqués dans la cellule donatrice où ils demeurent.
Transposons
Les transposons sont des éléments génétiques mobiles incapables de se
répliquer par eux-mêmes, mais qui peuvent passer d’un chromosome à un autre,
ou d’un chromosome à un plasmide et inversement. Les transposons, vecteurs de
10
gènes de résistance entre plasmides, participent à la résistance par additions
successives de gènes. Après transfert plasmidique, une bactérie peut donc
acquérir simultanément de nombreuses informations de résistance. Ces
fragments sont fréquents par conjugaison chez les bacilles à Gram négatif,
principaux vecteurs de la résistance.
Intégrons
C’est une unité mobile plus petite que le transposon, qui contient un ou
plusieurs gènes de résistance « cassettes » et comporte tous les éléments
nécessaires à la capture de gènes mobiles (système de recombinaison site-
spécifique).
Le tableau n°I reprend les 4 principaux mécanismes de la résistance acquise.
Tableau I : Résistance acquise aux antibiotiques des bacilles Gram négatif :
Fréquence et exemples [13]
Mécanisme de résistance
support génétique Entérobactéries Pseudomonas
Inactivation enzymatique
chromosome, élément
mobile
(plasmide,
(transposon)
+++
ex.: β-lactamases
(céphalosporinase;
BLSE)
++
ex.:β-lactamases
modification de cible Chromosome
(mutation)
++
ex.: quinolones
(mutants gyrase)
++
ex.: quinolones
(mutants gyrase);
β-lactaires
défaut de pénétration Chromosome
(mutation)
+
R. croisées possibles
par altération des
porines
++
R. isolées (ex.:
carbapénèmes) ou
croisées
efflux actif Chromosome Rare
R. bas niveau
++
R. croisées
Possible
+, ++, +++ : importance en pratique médicale
BLSE : β-lactamase à spectre élargi
R : résistance
11
3. Rôle de la pression de sélection par les antibiotiques [3]
Il existe une relation très étroite entre la consommation d'antibiotiques et la
multirésistance. Un médecin prescrit un antibiotique, plutôt à large spectre (actif
sur beaucoup de germes), pour traiter, par exemple, une pneumopathie. Le
mécanisme de la pression de sélection des antibiotiques se fait dans trois étapes :
1ère
étape : dans l’intestin, on trouve les bactéries sensibles à un antibiotique,
qui sont très majoritaires, et quelques rares bactéries, de la même espèce que les
sensibles, mais multirésistantes (et résistantes à l'antibiotique). Les conditions
écologiques habituelles de ces bactéries interdisent aux multirésistantes d’être
dominantes.
2ème
étape : l’antibiotique tue toutes les bactéries sensibles mais ne tue pas les
bactéries résistantes.
3ème
étape : les bactéries résistantes se développent et deviennent
dominantes, ce qui va créer en quelques jours un réservoir de BMR dans le tube
digestif d’un malade en traitant une infection d’un autre site.
I1 ne fait pas de doute que c'est l'augmentation considérable de la pression
de sélection due à l'usage fait par l'homme des antibiotiques qui a amené à la
sélection de bactéries qui cumulent des différents mécanismes de résistance.
Cette accumulation à deux conséquences : d'abord elle remet en cause à l'heure
actuelle l'efficacité de l'antibiothérapie, notamment chez les patients les plus
fragiles, comme ceux qui sont hospitalisés dans les services de réanimation,
ensuite elle permet la sélection par un antibiotique unique de bactéries
résistantes à de multiples autres, phénomène dont on conçoit facilement les
résultats désastreux pour la thérapeutique.
12
I1 y a de multiples exemples ou la pression de sélection par les antibiotiques
a été mise directement en cause dans l'apparition de cas de colonisation ou
d'infection par des bactéries résistantes. Trois exemples sont, entre autres,
frappants. Le premier est celui de la résistance à la streptomycine qui est apparu
rapidement chez la quasi-totalité des tuberculeux traités en monothérapie
lorsque seul ce produit était disponible. Cet exemple historique, dû à un
mécanisme de modification de cible par mutation, est intéressant pour son
exemplarité et devrait amenée à une grande prudence dans l'utilisation en
monothérapie, ou en monothérapie potentielle au site de l'infection, de nouvelles
molécules, notamment de synthèse, chez les patients de réanimation porteurs
d'inoculums bactériens élevés [14]. Un deuxième exemple est constitué par la
colonisation intestinale par les entérobactéries résistantes aux céphalosporines
de troisième génération. Cet exemple est intéressant à deux titres : d'abord, il
met l'accent sur l'importance des phénomènes de sélection des bactéries
multirésistantes potentiellement pathogènes au sein des écosystèmes naturels,
même en l'absence de tout phénomène infectieux déclaré, et sur le rô1e du tube
digestif et de l'énorme masse de réserve bactérienne qu'il représente. Cet
exemple est ensuite intéressant pour la relation quasi parfaitement linéaire qu'il a
permis de mettre en évidence entre la fréquence d’apparition de la colonisation
et la durée du traitement sélecteur qui l'a précédée [15]. Cette linéarité est un
argument fort pour promouvoir une politique active de réduction de la durée des
traitements antibiotiques en réanimation, c'est-à-dire en pratique une
réévaluation critique quotidienne de l'utilité de chaque molécule prescrite.
13
Un troisième exemple est celui de la possibilité de survenue de deuxième
épisode de bactériémies à Enterobacter cloacae lorsque le premier est traité par
une molécule sélectionnant un mutant déréprimée de production de
céphalosporinase. Cet exemple est intéressant pour la complexité du mécanisme
génétique mis ainsi en jeu, aboutissant à des conséquences évidentes en clinique
pour le soin quotidien [16].
III. IMPACT ECOLOGIQUE DE LA MULTIRÉSISTANCE
La multirésistance microbienne, notamment en réanimation, est une des
conséquences de l'utilisation massive des antibiotiques depuis cinquante ans et
de l'impact qu'a cette utilisation sur les écosystèmes microbiens de l'homme, des
animaux et de l'environnement [17]. Toutefois, son existence va elle-même avoir
des conséquences écologiques importantes. Tout d'abord, il semble maintenant
établi que les services de réanimation sont les épicentres des épidémies
hospitalières de bactéries multirésistantes aux antibiotiques [18]. Dés lors, le
risque de survenue d'infections dues à de telles bactéries va induire des attitudes
de prescription empirique des antibiotiques qui vont souvent faire appel aux
dernières molécules actives, augmentant ainsi de voir survenir, dans les années
venir, une épidémie due à une souche résistante à toutes les classes de produits
disponibles. A cet égard, c'est le risque de transfert de la résistance aux
glycopeptides d'Enterococcus vers SARM qui est le plus redouté [19]. Ensuite,
les services de réanimation sont les plaques tournantes du trafic des patients à
l'intérieur d’un établissement et vers d'autres établissements. Le développement
de la multirésistance en leur sein représente donc une véritable bombe
épidémiologique à partir de laquelle des phénomènes rapides de dissémination
de certains phénotypes peuvent s'observer.
14
Enfin, on pensait classiquement que les bactéries résistantes étaient plutôt
défavorisées par rapport aux phénotypes sauvages lorsque cessait la pression de
sélection. Ceci peut être vrai pour une résistance unique, mais la multiplicité de
la résistance chez une même bactérie a pour corrolaire de démultiplier
l'efficacité de la pression de sélection, une seule molécule sélectionnant les
bactéries qui vont être résistantes à de nombreuses autres. Ceci expliquerait, par
exemple, que le portage intestinal d'entérobactéries résistantes à des
antibiotiques qui ne sont plus guère utilisés, comme les phénicolés, soit toujours
présent de façon fréquente dans la flore fécale de sujets sains vivant en France et
ce, sans changement notable depuis vingt ans [20,21].
IV. CARACTERES EPIDEMIOLOGIQUES ET FACTEURS
DE RISQUES D’ACQUISITION DES BACTERIES
MULTIRESISTANTES
1. Caractères épidémiologiques des différentes bactéries
multirésistantes
Staphylococcus aureus résistant à la méticilline :
Staphylococcus aureus est une des deux principales espèces responsables
des infections nosocomiales. Le développement incontrôlé des épidémies de
SARM et les preuves répétées de leur diffusion clonale justifient à eux seuls la
mise en place d'un programme de lutte contre les BMR. Les SARM représentent
5 à 10% des bactéries isolées des IN. Les SARM sont principalement impliquées
dans les IN cutanées, du site opératoire (30%), des voies urinaires et
respiratoires (20%) et les bactériémies (10%). Le délai moyen d'acquisition
(délai entre l'admission et le premier prélèvement à visée diagnostique positif)
est d'environ 17 jours [22]. Les SARM, résistants à toutes les bêtalactamines,
15
sont très souvent résistants aussi aux aminosides, aux macrolides et aux
fluoroquinolones. Depuis quelques années, les souches de SARM se sont
diversifiées (ex : souches de SARM sensibles à la gentamicine) ce qui ne résout
pas pour autant les problèmes thérapeutiques et ne doit en rien modifier la
stratégie de lutte contre leur diffusion. En effet, les souches de SARM sensibles
à la gentamicine, mais résistantes au moins aux fluoroquinolones ont rapidement
diffusé dans les hôpitaux français, ce qui montre bien la nécessité absolue de
lutter globalement contre le phénomène de diffusion épidémique des SARM. Le
fait que les SARM de sensibilité diminuée aux glycopeptides (GISA) aient
essentiellement été rapportés dans trois pays à forte incidence de SARM (Japon,
USA, France), justifie aussi cette attitude [23].
Entérobactéries productrices de bêtalactamase à spectre étendu
Les entérobactéries dans leur ensemble représentent 35 à 40% des bactéries
responsables d'IN. Les entérobactéries productrices de BLSE représentent
environ 1% des bactéries isolées des IN. Les infections à entérobactéries
productrices de BLSE s'observent sous la forme de cas apparemment isolés, de
cas groupés, ou de véritables épidémies. La tendance à la diffusion clonale des
entérobactéries productrices de BLSE est bien démontrée. Les entérobactéries
productrices de BLSE sont principalement impliquées dans les infections
urinaires (plus de 50%), symptomatiques ou non, les bactériémies (5 à 20%) et
les infections de plaies ou de site opératoire (10 à 20%).
16
Les souches d'entérobactéries productrices de BLSE (principalement
Klebsiella pneumoniae, mais aussi Enterobacter aerogenes, Escherichia coli,
Proteus mirabilis, Citrobacter sp.) sont résistantes à l'ensemble des
bêtalactamines (sauf les céphamycines et l'imipénème), aux aminosides et très
souvent aux fluoroquinolones [24].
Entérocoque résistant à la vancomycine (ERV)
Les entérocoques représentent 5 à 8% des bactéries responsables d'IN. Les
ERV, le plus souvent de l'espèce Enterococcus faecium, sont encore rarement
isolés en France : les ERV représentent environ 1% des souches d'entérocoques
isolées à l'hôpital et il y a environ 1% de porteurs d'ERV dans la population
générale [21]. En revanche, l'incidence de leur portage dans la communauté peut
atteindre 12 à 28% dans certains pays européens, l'alimentation étant une source
possible de contamination. Aux États-Unis, les ERV représentent plus de 15%
des souches d'entérocoques isolées en unités de soins intensifs. La sélection
d'ERV en milieu hospitalier a comme facteur de risque les traitements
antibiotiques, en particulier par glycopeptides, mais l'acquisition est aussi
possible par transmission croisée (diffusion clonale) [25].
Acinetobacter baumannii multirésistant(ABR) (résistant à la
Ticarcilline)
Les Acinetobacters baumannii représentent 2 à 4% des bactéries
responsables d'IN. Les ABR jouent un rôle croissant dans les IN dans certains
secteurs hospitaliers (unité de soins intensifs) et sont souvent à l'origine de
bouffées épidémiques dans lesquelles est impliquée la forte contamination de
l'environnement des patients porteurs. Certaines souches épidémiques résistantes
à l'imipénème conduisent à des impasses thérapeutiques [22].
17
Pseudomonas aeruginosa multirésistant [26]
Les Pseudomonas aeruginosa représentent 10 à 11% des bactéries
responsables d'IN. Les souches de Pseudomonas aeruginosa résistantes aux
bêtalactamines (Ticarcilline, Céftazidime ou Imipénème), qui ont tendance à
être résistantes aussi aux aminosides et aux fluoroquinolones, devront faire
l'objet d'une stratégie spécifique, notamment une politique de prescription
raisonnée des antibiotiques pour éviter leur émergence et des mesures de
contrôle de l'environnement pour éviter leur diffusion qui se produit par petites
épidémies.
Entérobactéries résistantes aux bêtalactamines par
hyperproduction de céphalosporinase [26]
Chez certaines espèces d'entérobactéries, en particulier Enterobacter
cloacae, Enterobacter aerogenes, Serratia marcescens et Citrobacter freundii,
une proportion importante des souches (10 à 30%) sont résistantes aux
bêtalactamines par hyperproduction de céphalosporinase. Les traitements
antibiotiques favorisent l'émergence de ces souches dont le potentiel de diffusion
clonale est beaucoup plus limité que celui des souches productrices de BLSE.
18
2. Réservoirs des germes multirésistants
L’homme et l’environnement immédiat du patient sont les principaux
réservoirs des bactéries multirésistantes, les réservoirs humains les plus
importants de BMR sont le tube digestif, la peau, le tractus respiratoire et les
urines, à l’exception de Pseudomonas aeruginosa présente dans les réservoirs
aqueux de l’environnement. En portage sain, les Staphylocoques aureus
résistants à la méthicilline sont présents sur la peau et dans le nez (Tableau II).
Une durée de portage moyen de SARM dans le nez de 8,5 mois a été
rapportée [27]. Un portage dépassant trois ans a été constaté [28]. Parmi les sites
infectés, les urines pour les SARM et les entérobactéries BLSE, et les plaies
infectées pour les SARM sont des réservoirs majeurs. Le site de l’infection ou
du portage conditionne le type de précautions à appliquer. Un site digestif,
cutané ou urinaire implique l’instauration de précaution de type contact et un
site respiratoire, l’instauration de précaution de type contact et gouttelettes. La
survie dans l’environnement est variable selon les bactéries et le type de
matériaux. Elle est de 2 à 90 jours pour les entérocoques résistants à la
vancomycine et les SARM [39], d’environ deux semaines pour les
Acinetobacter. Le bacille pyocyanique et Escherichia coli peuvent survivre
quelques heures sur le formica, moins d’un mois sur le verre et plus de six mois
sur une surface sèche [30].
19
Tableau II: Les principaux sites de portage des bactéries multirésistantes [26]
3. Facteurs de risque d’acquisition des bactéries multirésistantes
Les facteurs de risque d'acquisition d'une BMR sont : la longue durée de
séjour, ratio charge de travail en soins/personnel inadéquat, établissement de
grande taille et ayant des services à risque, présence dans la même unité de
porteurs de BMR, nombre et durée des procédures invasives (sondes, et
cathéters), transports intra et extrahospitaliers répétitifs. Ces facteurs de risque
sont très intriqués.
BMR Sites de portage Contamination de
l'environnement
hospitalier
Staphylococcus aureus résistant à la
méticilline
++
nez, peau
+
Entérobactéries productrices de BLSE ++
tube digestif
-
Entérocoque résistant à la vancomycine ++
tube digestif
+
Acinetobacter baumannii résistant à la
ticarcilline
++
oropharynx, peau
tube digestif
+++
Pseudomonas aeruginosa
multirésistants
+
oropharynx
tube digestif
++
Entérobactéries hyperproductrices de
céphalosporinases
++
tube digestif
+
20
Les antibiotiques favorisent l’acquisition d’une BMR, soit en sélectionnant
un mutant au sein d’un foyer infecté à germes sensibles soit en permettant
l’émergence d’une BMR au sein d’une flore de colonisation. Une
antibiothérapie quantitativement et qualitativement inadaptée augmente le risque
de sélection d’une BMR [31].
V. LES CONSEQUENCES DE LA MULTIRÉSISTANCE
BACTERIENNE DANS UN HOPITAL
1. Morbidité et mortalité [32]
Du fait d'une virulence équivalente à celle des souches sauvages, les
bactéries multirésistantes sont responsables d'infections graves. La
multirésistance des bactéries crée un biais évident quand on veut comparer les
infections dues à ces germes par rapport à celles dues aux souches sauvages. Le
terrain sur lequel surviennent les infections à BMR est souvent plus affaibli que
celui sur lequel surviennent les infections dues aux souches sauvages, ce qui
induit un nouveau biais dans l'étude de la mortalité et de la morbidité. Des
études ont comparé la mortalité due à des septicémies à Staphylococcus aureus
résistant ou non à la méticilline, en ajustant les résultats sur les scores de gravité
[33, 34]. Le risque de décès n'était pas différent dans les deux groupes. En
revanche, une étude cas/témoins a mis en évidence une surmortalité au cours des
pneumopathies à Pseudomonas aeruginosa ou à Acinetobacter, par rapport aux
pneumopathies dues à d'autres germes, indépendamment de la gravité de l'état
des patients à l'admission [35]. Ainsi, les infections à bactéries multirésistantes
sont responsables d'une mortalité et d'une morbidité au moins équivalentes à
celles des infections à bactéries sauvages. On peut penser qu'elles induisent une
21
surmortalité du fait des problèmes thérapeutiques engendrés (donc du retard
thérapeutique dans certains cas) et du terrain sur lequel elles surviennent.
2. Coût [3 ,36]
Les infections à bactéries multirésistantes provoquent un surcout médical
qui est lié à l’augmentation de séjour à l’hôpital et aux charges dues à
l'application des mesures visant à contrôler les infections à BMR : isolement
géographique et technique, formation du personnel, examens de dépistage et
l’organisation des soins ; la connaissance d'une prévalence élevée de BMR dans
une unité influence la décision thérapeutique, décision qui peut elle-même avoir
des conséquences économiques importantes. L’antibiothérapie probabiliste ou
empirique prenant en compte l'éventualité de la présence d'une BMR
représenterait près de la moitié des coûts induits par l'antibiothérapie curative.
VI. MOYENS DE PREVENTION DE DIFFUSION DES BMR
Deux approches existent quant aux mesures préventives à adopter, aucune
n'ayant fait, actuellement, la preuve de sa supériorité [37]:
1) Stratégie horizontale
Une stratégie horizontale, surtout utilisée aux Etats-Unis, qui repose sur des
mesures systématiques, applicables à tout patient et visant à protéger les mains
du personnel contre la contamination par des bactéries pathogènes et contre le
risque de transmission virale d'origine sanguine ou humorale. Cette approche
repose sur le lavage des mains et le port de gants. Elle a l'avantage de la
simplicité et évite les coûts du dépistage puisque tout patient est considéré à
risque. Ses inconvénients sont la charge de travail induite, le coût du matériel et
une application très partielle [38].
22
2) Stratégie verticale
Elle est beaucoup plus européenne, qui définit une stratégie de prévention
adaptée à un germe particulier en fonction de son mode de transmission et de ses
réservoirs naturels. Quel que soit le choix effectué, la mise en place de mesures
préventives dans une unité de soins nécessite :
Une information de l'ensemble du personnel, qui doit prendre
conscience du problème et comprendre les enjeux de la situation ;
la rédaction des protocoles de soins écrits, spécifiques au service,
discutés en commun, où chaque catégorie professionnelle doit pouvoir
intervenir. Ces protocoles sont ensuite testés et éventuellement
modifiés pour en améliorer l'application ;
une surveillance des résultats sur les taux d'infections à bactéries
multirésistantes ;
un soutien des services financiers et administratifs pour obtenir le
matériel et les conditions de travail indispensables au respect des
protocoles [39].
Le principe général de la stratégie verticale est reposé sur : la détection des
patients porteurs de bactéries multirésistantes, leur signalisation, leur isolement
géographique quand il est possible, leur isolement technique et leur
chimiodécontamination.
a. Détection des patients porteurs de bactéries multirésistantes
Cette détection est une étape indispensable pour connaître les réservoirs et
appliquer précocement les mesures d'isolement. En effet, parmi les porteurs de
bactéries multirésistantes, seuls 30 à 50 % d'entre eux vont s'infecter, si bien
que, si le dépistage est uniquement réalisé à partir des patients infectés, plus de
23
la moitié des patients porteurs ne seront pas identifiés, ce qui contribue à
pérenniser l'épidémie. Par ailleurs, le délai entre colonisation et infection est en
moyenne de onze jours et est stable quelles que soient les bactéries
multirésistantes. La détection des porteurs sains permet ainsi d'identifier
rapidement tous les patients réservoirs [40]. Le dépistage suppose de connaître
les sites réservoirs, qui diffèrent selon les bactéries multirésistantes : le
Staphylocoque aureus résistant à la méthicilline est retrouvé principalement au
niveau des cavités nasales, de la peau et des plaies. La sensibilité de
l'écouvillonnage nasal est de 80 % ; elle passe à 90 % s'il est en outre périnéal
[41] ; les entérobactéries productrices de bétalactamases à spectre étendu et,
particulièrement, Klebsiella pneumoniae multirésistante, sont retrouvées dans le
tube digestif et sont détectées par écouvillonnage rectal [42] ; pour les autres
bactéries multirésistantes (Acinetobacter, Pseudomonas...), les réservoirs varient
: oropharynx, bronches ou peau selon les pathologies des patients. De plus, tous
ces germes sont capables de survivre dans l'environnement du patient (surfaces
sèches ou humides), ce qui constitue de nouveaux réservoirs potentiels. Pour les
SARM et Klebsiella pneumoniae multirésistante, un écouvillonnage à
l'admission est indispensable pour détecter les cas importés ; ensuite, une
surveillance hebdomadaire est recommandée pour dépister les cas acquis [43].
Ce dépistage doit être systématique pour tout patient dans un contexte
épidémique. En dehors de ce contexte (cas sporadiques), il est envisageable de le
limiter: soit aux patients hospitalisés en même temps qu'un patient colonisé ou
infecté, pour détecter une éventuelle transmission croisée ; soit aux patients à
risque à l'admission, c'est-à-dire à ceux qui sont transférés d'un autre service ou
d'un autre hôpital, qui ont été hospitalisés antérieurement (au cours des 3
dernières années) ou en long et en moyen séjour [40].
24
Ce dépistage des porteurs n'a d'intérêt que si la réponse du laboratoire est
rapide (48h) et largement divulguée dans le service.
b. Signalisation des porteurs
Elle doit être respectueuse du patient et aisément reconnue par l'ensemble
du personnel du service. Elle se fait au moyen d'un logo connu de tous au sein
du service, non explicite pour le patient ou sa famille. Cette signalisation est
recommandée sur la porte de la chambre du patient, sur le dossier médical et
infirmier, ainsi que sur les pancartes de surveillance. Le portage de bactéries
multirésistantes doit être mentionné clairement dans les comptes rendus
d'hospitalisation et lors des transferts des patients vers d'autres services ; un
contact téléphonique avant le transfert permet de prévenir le service d'accueil
avant l'arrivée du patient afin qu'il puisse organiser au mieux les mesures
d’isolement [43].
c. Isolement des patients porteurs des BMR
Isolement géographique
Il repose sur l'hospitalisation en chambre individuelle des patients
fortement disséminateurs de bactéries multirésistantes. Tout le matériel
nécessaire aux soins du malade doit être présent dans la chambre et réservé à lui
seul. Les allées et venues dans cette chambre doivent être réduites au minimum
nécessaire. Tout matériel ou déchet sortant de la chambre doit être décontaminé
ou isolé dans un conditionnement étanche dans la chambre elle-même. Au
mieux, un personnel spécifique s'occupe du patient. A la sortie du patient, la
chambre doit faire l'objet d'un ménage et d'une décontamination renforcés,
chaque surface étant soigneusement nettoyée puis décontaminée.
25
Lorsque plusieurs cas sont présents dans l'unité et que le nombre de
chambres individuelles est insuffisant, on peut regrouper les patients porteurs de
bactéries multirésistantes dans une même chambre ou dans une partie de l'unité
(sectorisation). Il est alors plus facile d'affecter un personnel spécifique pour les
soins de ces patients [44].
Isolement technique [43,44]
Il s'agit d'une série de mesures qui visent à interrompre la transmission
croisée. Tout malade hospitalisé en service de réanimation doit bénéficier d'un
isolement technique standard qui repose sur l'hygiène des mains pour réduire la
transmission manuportée [43], c'est-à-dire lavage des mains et port de gants non
stériles à usage unique lors de tout contact avec le malade ou son
environnement. Le lavage des mains doit être systématique au moins en entrant
et en sortant de la chambre du patient ; il se pratique dans la chambre, ce qui
suppose que chaque chambre soit équipée d'un lavabo dévolu uniquement à cet
usage, de distributeurs de savon, d'alcool et d'essuie-mains à usage unique. Il
s'effectue avec un savon antiseptique (chlorhexidine ou polyvidone iodée), ou
avec un savon doux liquide. Dans ce dernier cas, après séchage, il est nécessaire
d'appliquer sur les mains une solution isopropyl-alcoolique à 60 %. Ces deux
techniques semblent équivalentes pour décontaminer les mains, la seconde étant
souvent mieux tolérée au niveau cutané. Ce lavage doit durer au minimum une
minute et intéresser les mains et les poignets. Le port de tenues de travail à
manches courtes est indispensable. En plus de cet isolement technique standard,
un isolement technique spécifique est préconisé pour les patients porteurs de
bactéries multirésistantes. Son but est double : supprimer la transmission croisée
26
entre le porteur et les autres patients et limiter l'auto-infection du patient porteur
lors des soins. En dehors du lavage des mains qui doit être renforcé, les autres
mesures sont : le port de gants non stériles à usage unique, pour limiter la
contamination massive des mains lors des soins. Ces gants sont jetés dès
l'accomplissement du soin contaminant (un soin = une paire de gants). Le port
de gants ne dispense bien entendu pas du lavage des mains après le soin ; le port
de tablier ou de surblouse à usage unique, pour limiter la contamination des
tenues de travail lors des contacts rapprochés avec le malade. Les surblouses en
coton, rapidement perméables et surtout réutilisables, ne sont pas
recommandées. Seuls sont efficaces les tabliers en plastique ou les surblouses
non tissées à usage unique, le port de masque et de lunettes de protection. Le
masque est indispensable pour les soins réalisés aux patients fortement
disséminateurs de bactéries multirésistantes à partir des voies aériennes. Les
lunettes sont recommandées lors des aspirations trachéales ou en cas de risque
de projection liquidienne. Il s'agit là d'une mesure destinée à protéger le
personnel plutôt qu'à interrompre la transmission croisée, l'utilisation de matériel
individuel pour chaque patient (thermomètre, stéthoscope, brassard à tension,
oxymètre, bassin, urinoir). Ce matériel doit être soigneusement nettoyé et
décontaminé lorsqu'il sort de la chambre (eau savonneuse puis eau de Javel et/ou
décontaminant de surface) ; l'évacuation des déchets et du linge sale est faite
après emballage, dans la chambre, en sac étanche. Les urines infectées sont
recueillies dans des bocaux à usage unique et étanches. Les soins médicaux et
paramédicaux doivent toujours débuter par les patients indemnes et se terminer
par les patients porteurs de bactéries multirésistantes. Chez ces derniers, les
soins non contaminants doivent précéder les soins contaminants.
27
d. Chimiodécontamination des porteurs [45]
Il s'agit de l'administration locale, au niveau des sites réservoirs,
d'antibiotiques non absorbables, aux patients colonisés et/ou infectés. Les
indications de la chimiodécontamination restent mal précisées et elle ne
représente qu'un complément aux mesures générales énoncées ci-dessus. Elle
peut être « prophylactique », s'appliquant à tous les patients pour prévenir leur
colonisation, ou « curative », administrée uniquement aux patients porteurs de
bactéries multirésistantes, ce que préconisent les experts du jury de la
Conférence de Consensus [43]. Il est impératif de traiter les infections à
bactéries multirésistantes qui représentent une énorme charge bactérienne et un
risque de dissémination majeur. Pour les entérobactéries productrices de BLSE,
la décontamination est digestive et repose sur l'utilisation d'antibiotiques non
absorbables par la muqueuse digestive, atteignant des concentrations
intraluminales élevées. Les antibiotiques le plus souvent administrés sont la
gentamicine, la colimycine et l'érythromycine base (non absorbée par le tube
digestif, à la différence des sels d'érythromycine). Une association de deux
molécules est souvent utilisée. Cette décontamination est poursuivie pendant
toute la durée de l'hospitalisation du patient ou au moins jusqu'au troisième
écouvillonnage rectal négatif. Pour les SAMR, la décontamination doit être
nasale et cutanée. Les études relatant l'expérience de ce type de décontamination
sont beaucoup plus nombreuses que pour les entérobactéries productrices de
BLSE, mais aucune, en réanimation, n'a réussi à démontrer une réelle efficacité
[35]. Elle est considérée comme un complément des mesures d'isolement. Elle
repose sur la pommade nasale de mupirocine à 2 % (application biquotidienne
28
pendant 5 jours), associée à la toilette cutanée à la chlorhexidine [43]. Cette
pratique doit être limitée dans le temps car le risque d'apparition de souches
résistantes à ces produits existe. Au sein du personnel soignant, le portage nasal
est faible pendant les épidémies (moins de 5 %) et il est rarement utile de lui
proposer un dépistage et une décontamination. Toutefois, si malgré toutes les
mesures l'épidémie persiste, « le dépistage et la confirmation d'une
dissémination clonale à partir du personnel soignant, par typage moléculaire,
justifient une chimiodécontamination du personnel concerné» [43,46]. Celle-ci
se fera par la pommade nasale de mupirocine, sans décontamination cutanée.
Pour les autres bactéries multirésistantes, aucune chimiodécontamination ne
peut actuellement être proposée [45].
VII. LES FACTEURS INFLUENÇANT L'APPLICATION DE
CE PROGRAMME DE SURVEILLANCE
De nombreux facteurs influencent l'application de ces mesures [47] :
l'architecture du service (nombre de chambres individuelles, équipement en
lavabo et dispositifs adéquats pour le lavage des mains) ; les ressources
matérielles en savon, essuie-mains, gants, tabliers et masques, ainsi que la
gestion prévisionnelle des commandes et des stocks ; les ressources humaines.
Le manque de personnel induit une charge de travail, surtout en réanimation, qui
conduit souvent à une impossibilité réelle d'appliquer les mesures d'hygiène,
même standard. Toutefois, en dehors de ces facteurs qui nécessitent une volonté
et une implication importante de la part de l'administration hospitalière pour
accorder les budgets nécessaires aux travaux, au surcoût de matériel et de
personnel, la mise en place des protocoles de lutte contre les bactéries
multirésistantes doit obéir à un certain nombre de règles qui en faciliteront
29
l'application [48] : l'information du personnel doit permettre à chaque catégorie
professionnelle de comprendre l'enjeu pour les patients et le service ; les
protocoles de soins doivent être adaptés à l'activité de chacun et spécifiques aux
contraintes et aux habitudes de travail de chaque service. Un programme de
prévention distribué par circulaire et rédigé par des instances extérieures n'a
aucune chance d'être correctement et durablement appliqué. Ces protocoles
doivent être expliqués régulièrement aux nouveaux venus, mais aussi rediscutés
avec ceux qui les appliquent. Ce travail collectif contribue à maintenir
l'implication et la motivation des membres d'une équipe ; le retour d'information
est indispensable pour améliorer l'application des règles.
30
MMaattéérriieellss eett
MMéétthhooddeess
31
1. Lieu et durée de l’enquête :
Il s’agit d’une étude prospective continue dont le but est le dépistage des
patients porteurs des bactéries multirésistantes à l’admission dans les sévices de
réanimation pédiatrique (10 lits) et polyvalente (8lits) de l’hôpital Universitaire
International Cheikh Zaïd de Rabat. Cette étude a débuté le 16 janvier 2008.
2. Patients :
100 patients : 59 enfants et 41 adultes admis consécutivement dans les
services réanimation (pédiatrique et polyvalente) sont inclus dans cette étude
sans critères de sélection.
3. Recueille des données :
Pour chaque malade lors de l’admission, on a rempli une fiche qui porte les
informations suivantes : le nom et prénom, le sexe, l’âge, l’origine
géographique, le service d’hospitalisation, l’hospitalisation antérieure,
l’antibiothérapie antérieure et les résultats bactériologiques des écouvillonnages
systématiques.
4. Souches bactériennes
Notre étude a été portée sur 45 souches bactériennes multirésistantes
isolées à partir des prélèvements réalisés par écouvillonnage nasal et rectal.
a) Critères d’inclusions
Sont incluses les souches de SARM, de Staphylocoques à coagulase
négative résistants à la méthicilline, d’entérobactéries productrices de BLSE,
d’Acinetobacter baumanii et de Pseudomonas aeruginosa isolées des
prélèvements à visée de dépistage qui été fait dans un délai qui ne dépassait pas
48 heures après l’admission des patients au service de réanimation.
32
b) Critères d’exclusion
Sont exclues les souches de BMR isolées de prélèvements qui ont été fait
chez des patients externes consultant à l’hôpital ou qui ont été hospitalisés plus
de 48 heures avant la réalisation des prélèvements, les souches isolées chez un
patient au niveau des deux sites de prélèvement (nasal et rectal) et qui ont été de
même espèce et de même antibiotype n’ont été comptée qu’une seule fois.
5. Méthodes
Pour chaque patient, des prélèvements nasal et rectal par écouvillonnage
ont été réalisés systématiquement.
Au niveau nasal a été recherchée la présence d’un Staphylococcus aureus
résistant à la Méticilline, d’un Staphylocoques à coagulase négative résistants à
la méthicilline (MRSCN), d’une entérobactérie résistante aux céphalosporines
de 3eme génération (porteuse d’une céphalosporinase déréprimée ou d’une
bétalactamase à spectre élargie) ou d’un Pseudomonas aeruginosa résistant à la
Ticarcilline. Au niveau anal a été recherchée la présence d’une entérobactérie
résistante aux céphalosporines de 3eme génération ou d’un Pseudomonas
aeruginosa résistant à la Ticarcilline.
Chaque prélèvement a été cultivé sur un Bouillon cœur cervelle ou BHI
(Brain Heart Infusion).
a) Isolement sur les milieux de culture
Pour les prélèvements nasals, la culture a été faite par ensemencement
sur le milieu de Chapman (Sélectif pour les staphylocoques (hyper salifié 75
g /L de Cl) qui vont fermenter le Mannitol et acidifient le milieu, d’où virage au
jaune du milieu initialement rouge) a fin de rechercher les SARM et MRSCN et
sur le milieu Polyvitex au Chocolat (Facteur de croissance (polyvitex)
33
+chocolat) pour isoler les autres BMR (Entérobactéries, Pseudomonas
aeruginosa et Acinetobacter baumanii).
Pour les prélèvements rectaux, la culture a été réalisée sur le milieu de Mac
Conkey (Ce milieu contenait deux inhibiteurs de la flore Gram+, les sels biliaires
et le cristal violet, pH = 7,1) et le milieu de Polyvitex au Chocolat.
Les milieux ont été ensuite incubés dans l’étuve à 37°C pendant 18 à 24
heures.
b) Identification bactérienne
Elle a été réalisée selon les méthodes conventionnelles.
Les staphylocoques
Les staphylocoques sont des cocci à Gram positif, sphériques, immobiles,
de 0,5-1,5 μm de diamètre, peuvent être isolés, ou organisés en diplocoques, en
chaînettes ou en grappes. La production d’une coagulase, d’un pigment
caroténoïde jaune doré, et la présence d’une protéine A de paroi caractérisent
Staphylococcus aureus. Les autres espèces sont regroupées sous le terme de
staphylocoques à coagulase négative (SCN).
Caractère du genre
Morphologie
Après coloration de Gram, les Staphylocoques apparaissent sur microscope
électronique comme des cocci à Gram positif. Ils peuvent être isolés, en
diplocoques ou en amas. Les amas sont les plus caractéristiques du genre
staphylocoque.
34
Test de catalase
La catalase est un caractère quasi-constant chez les staphylocoques. La
mise en évidence de la catalase permet de distinguer parmi les cocci à Gram
positif les staphylocoques (catalase positive) et les streptocoques (catalase
négative).
Caractère de l’espèce
Test de coagulase
Le test mettant en évidence l’aptitude des bactéries à coaguler le plasma est
le principal test caractérisant le Staphylocoque aureus. Le test de détection
consiste à incuber pendant 4 heures à 37°C un mélange de plasma de lapin et de
la souche à tester. L’apparition d’un caillot est observée en inclinant le tube à
90°C. Le test de la coagulase permet l’identification de 99% des souches de
Staphylocoque aureus mais certaines souches ne produisaient pas de coagulase
(Staphylocoque à coagulase négative). L’identification de l’espèce est dans ce
cas réalisée par d’autres tests.
Tests d’agglutination
Plusieurs tests d’agglutination détectant un ou plusieurs antigènes ou
récepteurs de surface (récepteur pour le fibrinogène, protéine A, antigènes
capsulaires) sont commercialisés. Dans notre étude, le test « Slidex » a été
utilisé pour l’identification de Staphylocoque aureus.
Identification biochimique
La détermination de l’espèce à été réalisée à l’aide de galeries
biochimiques d’identification appelées aussi les systèmes API (Biomerieux).
Ces systèmes utilisent des tests d’acidification ou d’assimilation des sucres et
35
des tests enzymatiques. C’est des systèmes miniaturisés qui comportaient 20
microtubes contenant des substrats déshydratés, les microtubes sont inoculés par
une suspension bactérienne. Les réactions produites pendant la période
d’incubation se traduisent par des virages colorés spontanés ou révélé par
l’addition de réactifs. La lecture de ces réactions a été faite à l’aide du tableau
de lecture contenu dans le catalogue. Pour les Staphylocoques on a utilisé le
système Api 20 STAPH.
Identification des entérobactéries
L’identification a été réalisée par l’étude des caractères biochimique
Test à l’oxydase
Pour les bactéries à gram négatif, on a recherché la production de
l'enzyme oxydase, ce qui permettait d'orienter la recherche vers les genres
Pseudomonas.
Les bactéries possédant l'enzyme oxydase peuvent oxyder le N-diméthyl
paraphénylene diamine, ce qui donne des produits violacés.
Identification par une galerie biochimique de
type « API 20 E » biomerieux France
API 20 E est une Galerie de 20 microtubes prêts à l’emploi permettant de
réaliser 23 tests biochimiques afin d’identifier des bacilles Gram négatif
appartenant à la famille des Enterobacteriaceae. L’ensemencement a été fait à
l’aide de pipette pasteur. Après une incubation de 24 heures à 37°C en chambre
humide, la lecture se faisait après addition des réactifs révélateurs ; ou à l’œil nu
avec l’obtention d’un code numérique permettant l’identification de la bactérie.
36
Identification de Pseudomonas aeruginosa
L’identification a été réalisée par le test à l’oxydase (Pseudomonas
oxydase négative, Acinetobacter baumanii oxydase négative) et a été complétée
par la galerie biochimiques API 120 NE.
c) Sensibilité aux antibiotiques
La sensibilité aux antibiotiques a été étudiée par la méthode de diffusion en
gélose sur milieu isotonique de Mueller-Hinton, à l’aide de disque
d’antibiotiques : la surface de la gélose a été inondée par une suspension
bactérienne ajustée au standard Mc Farland 0,5. Les milieux ont été ensuite
incubés à 37°C pendant 18 à 24 heures. La lecture et l’interprétation de
l’antibiogramme a été faite selon les normes du comité de l’antibiogramme de
la société française de microbiologie.
Les staphylocoques
La résistance à la méthicilline a été étudiée sur milieu Müller Hinton grâce
à un disque chargé de 30µg de Céfoxitine et incubation à 37°C pendant 18 à 24
heures.
Test de synergie pour la détection des
entérobactéries productrices de BLSE
La recherche de BLSE a été faite par le test de synergie entre une
céphalosporine de 3eme génération et un inhibiteur de bêtalactamase. On a
préparé une suspension bactérienne comme pour l’antibiogramme classique
puis l’ensemencement a été fait par inondation. Un disque d’amoxicilline+acide
clavulanique a été déposé à 2,5 cm centre à centre des disques de Ceftriaxone,
Cefotaxime et de Ceftazidime (céphalosporines de troisième génération),
l’observation d’une synergie a été fiable à l’œil nu.
37
Pseudomonas aeruginosa et Acinetobacter
baumanii
L’étude de la résistance a été réalisée sur milieu Müller Hinton par diffusion des
disques, les antibiotiques testés sont : Ticarcilline, Imipenème et Céftazidime.
6. Méthodes statiques
La saisie et l’exploitation des données ont été réalisées à l’aide du
programme Microsoft Office Excel 2007. L’analyse statistique des facteurs de
risque a été effectuée au Laboratoire de Biostatistique de la Faculté de Médecine
et de Pharmacie de Rabat à l’aide du programme SPSS 15.0.
38
RRééssuullttaattss
39
Dans cette étude réalisée entre 16 janvier et 16 octobre 2008 à l’Hôpital
Universitaire International Cheikh Zaïd de Rabat, nous nous sommes intéressés
à la recherche de portage des bactéries multirésistances (les Staphylocoques
résistants à la méthicilline, les entérobactéries productrices de BLSE,
Pseudomonas aeruginosa résistantes à la Ticarcilline, la Céftazidime et/ou à
l’Imipénème et Acinetobacter baumanii résistant à la Ticarcilline et à la
Céftazidime) chez 100 patients hospitalisés dans deux unités de soins intensifs :
réanimation polyvalente (hospitalise les adultes) qui comportait 8 lits et la
réanimation pédiatrique (10 lits).
1. Répartition de la population étudiée selon l’âge et le sexe:
La population de l’étude a été composée de 100 patients ; 59 enfants dont
l’âge a été inferieur à 15 ans et 41 adultes. L’âge moyen chez les enfants a été de
47 jours soit 6,72 semaines (de 6 jours à 5ans), alors que la moyenne d’âge chez
les adultes a été de 53,2 ans (de 17 à 79 ans).
Dans la population pédiatrique, le sexe ratio a été de 0,55, alors que chez
les adultes ce ratio a été de 1,56.
Tableau III : Répartition des patients selon l’âge et le sexe.
SEXE ENFANTS ADULTES
Sexe féminin 38 16
Sexe masculin 21 25
Total 59 41
40
2. Antécédents de la population étudiée:
L’antécédent d’antibiothérapie et d’hospitalisation a été précisé chez
80/100 des patients admis aux services de réanimation (polyvalente et
pédiatrique), 20% des patients ont été transférés d’un autre hôpital ou d’une
clinique. Plus de la moitié des patients (58/100) ont déjà subi une hospitalisation
antérieure, alors que 52% des patients ont pris une antibiothérapie antérieure
(fig.2).
Figure 2 : Répartition des patients selon leurs antécédents
41
3. Portage de BMR et facteurs de risque
Parmi les 100 patients étudiés, 29 ont été porteurs d’une ou de plusieurs
BMR (soit 29% de la population étudiés).
3.1. Répartition des porteurs de BMR selon l’âge
Chez la population pédiatrique ; 17sur 59 soit 28,9 % des patients ont été
trouvés porteurs de BMR à l’admission en service de réanimation pédiatrique
dont 10 filles et 7 garçons. Les enfants dont l’âge était inferieur à un an ont été
les plus touchés (15/17). Sur les 41 patients adultes inclus dans l’étude, 12 ont
été porteurs de BMR à l’entrée en service de réanimation polyvalente soit
29,26%.
Figure 3 : Répartition des patients porteurs de BMR selon l’âge et le sexe
42
3.2. Répartition géographique des patients porteurs de BMR
Dans notre étude, 29 patients sur 100 (29%) ont été avérés porteurs de
BMR à l’admission en réanimation, 14 patients ont été originaires de Rabat-
Salé, 13 ont été venu d’autres provinces et 2 étrangers (fig. 4).
Figure 4 : Pourcentages des patients porteurs de BMR selon l’origine
géographique.
3.3. Répartition des porteurs des BMR selon les antécédents
(hospitalisation et prise d’antibiotique)
Chez les 29 patients avérés porteurs de BMR à l’admission, 82,75% ont été
traités par au moins un antibiotique au cours du mois précédant et 86% ont subi
une hospitalisation antérieure (fig. 5).
43
Figure 5 : Nombre des patients porteurs selon leurs antécédents
3.4. Répartition des patients porteurs selon le motif d’hospitalisation
Le motif d’hospitalisation le plus fréquemment retrouvé chez les patients
porteurs de BMR a été la cardiopathie (8/29), suivie par la pneumopathie
(7 cas).
Figure 6: Répartition des porteurs selon le motif d’hospitalisation.
44
3.5. Etude des facteurs de risque (tableau IV) :
L’étude statistique (Test de chi 2) a montré l’absence de relation
statistiquement significative entre l’âge, le sexe et le portage de BMR. En
revanche, une relation significative a été démontrée on ce qui concerne la prise
antérieure d’antibiotique et l’antécédent d’hospitalisation (P < 0,05).
Tableau IV : Relation entre les facteurs risques variables et le portage de
BMR en fonction de l’âge, le sexe et les antécédents des patients (annexe 1)
Variable Test de chi2
(X2)
P (degré de
signification)
Age 1,458 0,692 Non Significatif
Sexe 0,023 0,880 non significatif
Hospitalisation
antérieure
4,287 0,038 Significatif
Antibiothérapie
antérieure
6,306 0,012 Significatif
45
4. Répartition des souches de BMR isolées
4.1. Répartition des souches de BMR isolées selon les espèces
bactériennes
Au cours de notre étude, quarante cinq souches de bactéries
multirésistantes ont été isolées chez 29 patients trouvés porteurs à l’admission
aux services de réanimation. Les bactéries les plus fréquentes étaient les
entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre étendu (71%) et les
Staphylocoques à coagulase négative résistants à méthicilline (13,5%) (fig.7).
Parmi les entérobactéries productrices de BLSE isolées, Escherichia coli
représentait 53% des entérobactéries productrices de BLSE étudiées suivi de
Klebsiella pneumoniae (34,5%) et enfin Enterobacter avec 12,5%.
Figure 7 : Répartition des BMR isolées en fonction des espèces bactériennes
46
4.2. Répartition des BMR isolées selon le genre bactérien et l’âge des
porteurs (Tableau V)
Parmi les 45 souches de BMR isolées, 20 ont été retrouvées chez des
patients adultes soit (44,4%) et 25 ont été isolées chez des enfants (55,6%).
Chez les adultes, les bacilles gram négatif représentaient 92% des souches
isolées, alors que chez les enfants, ce taux a été de 80%.
Tableau V : répartition des BMR selon le genre bactérien et l’âge.
Bacilles Gram négatif Cocci Gram positif
Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage
Enfants
(<15 ans)
23 92% 2 8%
Adultes
(>15 ans)
16 80% 4 20%
Total 39 86,67% 6 13,33%
47
4.3. Répartition des BMR selon les sites de portage
Dans notre étude, 52% des souches de BMR étudiées ont été simultanément
isolées des deux sites de prélèvement utilisés (anal et nasal), 34,5% uniquement
de prélèvement anal et 13,5% de prélèvement nasal (fig.8).
Figure 8 : Répartition des BMR selon les sites anatomiques de portage
4.4. Distribution des BMR selon les sites de prélèvement et les espèces
bactériennes
Figure 9 : distribution des BMR selon le site de prélèvement et l’espèce
bactérienne
48
4.5. Répartition des BMR isolées selon les services
Figure 10 : Répartition des BMR isolées selon les services.
49
4.6. Répartition des BMR selon les antécédents des patients porteurs
La majorité des bactéries multirésistantes ont été isolées chez les patients
qui ont été déjà hospitalisés (86,6 %) et chez les patients qui ont subi une
antibiothérapie antérieure (82,2 %).
Figure 11 : Répartition des BMR selon les antécédents des patients porteurs.
50
DDiissccuussssiioonn
51
Dans de nombreux services hospitaliers, la survenue d’infections à bactéries
multirésistantes, seulement sensibles à un petit nombre de familles ou sous-
familles d’antibiotiques, est devenue une préoccupation majeure. La
multirésistance aux agents anti-infectieux n’est pas en elle-même un facteur de
virulence supplémentaire des bactéries [49]. Cependant, les infections à
bactéries multirésistantes présentent fréquemment une plus importante gravité
liée au terrain, à l’inefficacité d’un traitement probabiliste initial ou au choix
thérapeutique souvent restreint. Par ce biais, la létalité des infections à bactéries
multirésistantes est significativement plus élevée que celle d’infections
identiques à germes sensibles [50,51]. L’incidence des BMR est régulièrement
augmentée dans plusieurs pays ces dernières années [51]. Le dépistage et
l’isolement des patients porteurs de ces BMR semblent être la pierre angulaire
de la lutte contre leur diffusion. Notre objectif dans ce travail a été de déterminer
le profil des patients porteurs des BMR dans les quarante huit premières heures
après leur admission dans les services de réanimation dans notre établissement.
Des 100 patients inclus dans notre étude, 29 ont été porteurs de BMR, soit
29%, ce qui était comparable avec les prévalences de portage de BMR
rapportées par Korn et al. et Tual et al. qui ont trouvé respectivement 30% et
27,7% [52,53]. Chez la population pédiatrique (59 patients), la prévalence de
portage à l’admission en service de réanimation pédiatrique a été de 28,9% cette
pourcentage était proche de celle trouvée dans l’étude réalisée par Campeotto et
al. En 2004 qui ont été rapporté un taux de portage de BMR à l’admission de
26% [54].
52
Chez les adultes (41 patient), la prévalence de portage de BMR à l’entrée en
service de réanimation polyvalente a été de 29,26%, ce taux a été supérieur à
ceux rapportaient dans d’autres études ; ainsi, dans l’étude réalisée par Jarrige
et al. en 2001 sur un effectif de 163 patients, 9,8% ont été arrivés porteurs de
BMR à l’entrée en service de réanimation polyvalente [55]. Dans l’analyse
multicentrique réalisée par Lucet et al. Concernant 14 services de réanimation,
le portage nasal de BMR à l’admission a été de 6,9% en moyenne (de 3,9 à
20,9% selon les services) [56]. Dans une autre enquête française, la prévalence
de portage de BMR a été de 18,5% [57].
Concernant les données démographiques, dans notre série, la moyenne
d’âge de l’ensemble des patients porteurs de BMR a été de 26,95 ans (si on
analyse cette moyenne d’âge selon les sous population, chez l’enfant cette
moyenne a été de 14 semaines, alors que chez l’adulte elle a été de 51,9 ans) et
celui des patients non porteurs a été de 27,18 ans. Chez la population
pédiatrique, l’âge moyen restait inferieur à celui trouvé dans l’étude réalisée par
Campeotto et al, qui ont été rapporté une moyenne d’âge de 34,4 semaines chez
les patients porteurs et 36,4 semaines pour les non porteurs [54]. Chez les
patients adultes, la moyenne d’âge restait inferieure à celle rapportée par
Jarrige et al. en 2001 qui ont trouvé une moyenne de 62,3 ans chez les patients
porteurs et 60,9 ans chez les non porteurs [55].
La fréquence des infections et/ou colonisations par des bactéries
multirésistantes augmente et certaines d’entre elles sont préoccupantes. Pour les
prévenir ou les enrayer, il est important de connaître les facteurs de risque de
leur acquisition. Ces facteurs diffèrent notablement d’une étude à l’autre.
53
Certains de ces facteurs sont liés au patient lui-même, notamment l’âge,
les affections chroniques adjacentes (cardiopathie, diabète, insuffisance
rénale,...). D’autre sont liés à des antécédents d’antibiothérapie et
d’hospitalisation et à la nature de l’établissement fréquenté; séjour et durée
d’hospitalisation, mise en place de dispositifs invasifs, passage en chirurgie ou
en réanimation [58].
L’âge
Dans cette étude, comme dans la littérature, le sexe ne conditionnait pas le
risque de colonisation par BMR. L’âge n’a pas été corrélé statistiquement avec
le portage de BMR dans notre population. Cependant, d’autres études à effectif
plus important [55,59], permettaient de conclure à une corrélation entre l’âge et
le portage de BMR. Dans notre situation, le manque de puissance de l’étude ne
permettait pas d’obtenir de valeur statistiquement significative. Dans l’étude de
Donetti et al. et l’étude de Jarrige et al., les groupes d’âge qui représentaient un
facteur de risque significatif de portage de BMR ont été respectivement
l’âge > 60 ans et l’âge >55ans [55,59]. Dans notre travail, ce sont les patients du
groupe de 40 à 60 ans chez les adultes et le groupe de moins d’un an pour les
enfants qui ont présenté un taux de portage élevé.
54
Antibiothérapie dans les mois précédents
Elle a été observée dans notre étude que 82,75% des patients porteurs de
BMR ont pris un ou plusieurs antibiotiques dans les mois qui ont précédé leur
hospitalisation. Lors de l’analyse des facteurs de risque, nous avons trouvé que
l’exposition à un traitement antibiotique dans les mois précédents l’admission a
été corrélée de manière statistiquement significative avec le portage d’une
souche multirésistante (P = 0,012). Cependant, cette donnée n’a pas été
accessible pour environ 20% des patients. Cette variable n’était pas assez
spécifique et d’obtention trop aléatoire pour permettre à elle seule d’identifier un
sous-groupe à haut risque. Une étude réalisée par Tual et al. a démontré que le
portage des BMR a été corrélé à l’administration préalable d’antibiotiques [53].
En outre, l’étude de Jarrige et al. a montré que l’antibiothérapie anterierieure a
été corrélée significativement avec le portage de BMR et que 45,2% des patients
ont pris des antibiotiques dans les trois mois qui précédaient leur hospitalisation
[55]. Cependant, ce taux restait inferieur à celui trouvé dans notre série. Certains
auteurs ont montré que la prise récente d’antibiotique augmente la probabilité
chez un patient d’être porteur d’une BMR et que l’exposition d’une population
à un antibiotique constitue généralement la condition indispensable à la
diffusion d’une bactérie résistante à cet antibiotique [53,60]. En effet, Le risque
de devenir porteur d’une bactérie multirésistante n’est pas le même selon que
l’on se trouve au sein d’une population dans laquelle le taux de résistance est
élevé ou non, mais il dépende aussi de la probabilité de contact entre les
individus de la population, la combinaison de la pression de sélection due aux
énormes quantités d’antibiotiques utilisées chez une population et de l’efficacité
de la dissémination des bactéries résistantes entre les individus.
55
Cette diffusion est à l’ origine du développement de la résistance et par la
suite la colonisation par des BMR [61]. D’autres études ont rapportées que la
diffusion des résistances bactériennes dans une population passe nécessairement
par une colonisation des individus dont nous avons vu que l’exposition aux
antibiotiques en est le préalable et confère chez les individus exposés un
avantage écologique aux bactéries résistantes [60,62]. I1 y avait de multiples
exemples ou la pression de sélection par les antibiotiques a été mise directement
en cause dans l'apparition de cas de colonisation ou d'infection par des bactéries
résistantes. La colonisation intestinale par les entérobactéries résistantes aux
céphalosporines de troisième génération constitue un exemple intéressant qui
met l'accent sur l'importance des phénomènes de sélection des bactéries
multirésistantes potentiellement pathogènes au sein du tube digestif [63].
L’antibiothérapie peut avoir un effet protecteur sur la survenue des infections
nosocomiales précoces par diminution de la colonisation par les bacilles à Gram
négatifs, mais elle augmente le risque de sélection de bactéries résistantes [64-
66]. Ainsi, les antibiothérapies préalables multiples et la durée de
l’antibiothérapie sont des facteurs de risque indépendants de l’acquisition
(portage et infection) des BMR [67,68].
Hospitalisation antérieure
Dans notre série, l’hospitalisation dans l’année précédant l’admission a été
une donnée significativement corrélée avec la colonisation par une souche
multirésistante (P = 0,038). L’hospitalisation antérieure constitue un risque de
survenue d’infection nosocomiale confirmée par de nombreuses études [69-71].
56
Elle favorise aussi l’augmentation du risque de portage de bactéries
multirésistantes surtout chez les patients de réanimation [53]. Ce qui explique
certainement pourquoi les patients déjà hospitalisés de notre série présentaient
un portage si élevé à l’arrivée dans les services de réanimation (29% des patients
ont été porteurs de BMR dont 86% ont été déjà hospitalisés dans les mois qui
précédent l’admission en réanimation.). Ces données étaient compatibles avec
les résultats de l’étude de Jarrige et al. qui a montré que l’hospitalisation dans
les mois précédent était un facteur de risque significatif du portage BMR, et
87,5% du total des patients porteurs de BMR ont été hospitalisés pour une durée
cumulative totale supérieure à un mois dans l’année précédente [55].
Types des bactéries multirésistantes
La recrudescence des BMR en milieu hospitalier est un phénomène
mondial observé pour toutes les espèces bactériennes mais à des degrés
variables selon les pays et les services, en fonction des habitudes de prescription
et des pratiques d’hygiène [72]. Les infections nosocomiales ont été dues dans
90 % des cas à la flore microbienne portée par le patient. Les bactéries les plus
souvent en cause, par ordre décroissant, étaient: Escherichia coli,
Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa (Fig.12). Certaines de ces
bactéries posaient avant tout le problème des multirésistances aux antibiotiques,
en particulier S. aureus résistant à la méthicilline et les entérobactéries BLSE
[73].
57
Figure 12 : Principaux micro-organismes de l’infection nosocomiale [74]
Une des façons de prévenir la survenue des infections nosocomiales est le
dépistage de portage des BMR à l’admission et la mise en route des mesures
d’hygiène permettant d’éviter la dissémination de ces bactéries à l’intérieur
d’une même unité.
Dans notre étude, nous avons ciblés la majorité des bactéries
multirésistantes responsables des infections nosocomiales : Staphylocoques à
coagulase positive (S.aureus) et Staphylocoques à coagulase négative résistants
à la méticilline, les entérobactéries BLSE, Acinetobacter baumanii résistant à
la Ticarcilline et à la Céftazidime, Pseudomonas aeruginosa résistant au
bêtalactamines (Ticarcilline, Céftazidime ou imipénème).
58
Staphylococcique aureus résistant à la méthicilline (SARM)
Le SARM est toujours une des cibles privilégiées des programmes de lutte
contre les bactéries multirésistantes. Il est classé parmi les pathogènes les plus
fréquemment responsables d’infections nosocomiales (SARM représente 5 à
10% des bactéries isolées des IN) surtout chez les patients de réanimation ou de
chirurgie [23,73, 75,76]. Le portage nasal de staphylocoque jouet un rôle dans
les surinfections postopératoires, les infections en dialyse (dialyse péritonéale
continue ou hémodialyse), et d’une façon plus générale, chez les hospitalisés
ayant une pathologie chronique (diabète, cancer). [77- 80].
Dans notre étude, tous les Staphylocoques aureus isolés ont été sensibles à
la méthicilline, alors que dans des enquêtes comportant un dépistage
systématique du SARM, la prévalence lors de l’admission en réanimation variait
entre 4 et 9% selon les études [81-83]. Une étude multicentrique européenne
récente résumée dans le Tableau VI a montré que les taux de colonisation
relevés à l’admission en réanimation varient entre 3% pour le Royaume-Uni et
13,7 % pour l’Italie.
59
Tableau VI : Taux de portage de S. aureus résistant à la méticilline à
l’admission en réanimation dans plusieurs pays européens [84].
Auteurs Année de
publication
Pays Nombre de
patients
Taux de portage
à l’admission(%)
Thompson et al. [85] 2004 Grande-Bretagne 1361 8,7
Marshall et al. [86] 2003 Australie 732 6,8
H o et al. [87] 2003 Hongkong 1697 12,1
Lucet et al. [84] 2003 France 2347 6,9
Porter et al. [88] 2003 Grande-Bretagne 565 3,0
Barbarini et al. [89] 2001 Italie 292 13,7
Garrouste et al. [90] 2001 France 1044 5,1
Theaker et al. [91] 2001 Grande-Bretagne 642 3,0
Merrer et al. [92] 2000 France 691 8,9
Girou et al. [93] 1998 France 1622 9,2
Pujol et al. [94] 1996 Espagne 488 12,9
Dans notre étude, l’hospitalisation et l’antibiothérapie antérieures ont été
des facteurs de risque de portage des BMR. Plusieurs études ont montré que le
principal facteur de risque de portage de SARM en milieu communautaire ou
lors de l’admission à l’hôpital était l’existence d’une hospitalisation dans l’année
précédente [95- 97]. De même, certains auteurs ont montré que le principal
facteur de risque d’acquisition de SARM est certainement l’hospitalisation et
que l’antibiothérapie récente, le sexe masculin, les pathologies chroniques
associées et l’emploi dans un établissement de soins sont aussi des facteurs de
risque de portage de SARM [98- 100].
60
Concernant l’âge, une autre étude a montré que la prévalence du portage de
SARM diminue avec l’âge dans la population générale. Schématiquement, elle
est passée de 60 % dans la première année à 40 % entre 10 et 20 ans et à 20-30
% après 40 ans [98]. L’émergence des SARM a pour principale origine la
sélection de souches résistantes à partir de la flore endogène des patients au
cours d’un traitement comprenant un ou plusieurs antibiotiques à large spectre
[101,102]. Ces patients constituent un réservoir de SARM et la dissémination de
ce réservoir est favorisée en milieu hospitalier par l’intermédiaire des soins
(transmission croisée), en particulier lorsque des dispositifs invasifs sont mis en
place. Ainsi, les vecteurs de la transmission sont toutes les personnes en contact
avec les patients (médecins, infirmières, aide-soignants, kinésithérapeutes,
manipulateurs de radiologie). La réalisation de prélèvements de dépistage
systématique des patients porteurs à l’admission, la mise en place d’une
politique raisonnée de l’antibiothérapie et le respect des mesures barrière
destinées à réduire la transmission manuportée sont les principaux moyens de
maîtrise de la diffusion des SARM [103 ,104]. Des études récentes ont permis
de montrer l’efficacité des mesures de maîtrise de la transmission croisée par
une diminution de l’incidence des SARM à l’échelle d’un service, d’un groupe
de services à risques ou d’un établissement [105-107]. Girou et al. ont montré
dans une étude récente que le dépistage ciblé dans les services à haut risque
avait une sensibilité comparable à celle d’un dépistage généralisé à tous les
patients et un meilleur rapport efficacité/coût [108].
61
Une étude canadienne a également montré que le dépistage ciblé réalisé à
l’admission des patients à risque permettait de réaliser des économies en
réduisant la probabilité de survenue d’épidémies hospitalières [109]. Enfin, la
politique de maîtrise de l’antibiothérapie qui a été mise en place au Danemark
dans les années 1980 a été reconnue comme l’une des causes principales du
quasi disparition des SARM dans ce pays [110].
Staphylocoques à coagulase négative résistants à la méticilline
Le terme de staphylocoques à coagulase négative regroupe plusieurs
espèces du genre Staphylococcus. Le programme de prévention des infections
à BMR que nous avons adopté est diffèrent de quelques protocoles habituels
décrits dans la littérature par la prise en compte des MRSCN habituellement non
recherchés que chez les patients destinés à la chirurgie cardiovasculaire. Les
SCN sont principalement responsables d’infections nosocomiales, notamment
chez les patients hospitalisés dans les services de réanimation, de néonatalogie,
d’oncohématologie. Ils ont une prévalence de 4 à 5 % dans les infections
nosocomiales [111]. Des études françaises récentes basées sur les hémocultures
réalisées à l’hôpital indiquaient que les SCN sont la cause de 8 à 29 % des
bactériémies [112, 113]. S. aureus et les SCN se partagent avec Escherichia coli
les trois premières places dans la plupart de ces études. Staphylococcus
epidermidis est le plus fréquent des SCN isolés à l’hôpital, représentant 68 à
75% des souches en France [114-116]. La transmission est avant tout directe, à
partir d’un sujet colonisé ou d’une lésion staphylococcique ouverte (cutanée ou
muqueuse) ; elle est plus rarement indirecte (objets divers, vêtements, literie).
62
La diffusion des souches dans les services est liée à une transmission
indirecte par le personnel ou par du matériel contaminé. Le réservoir des
souches est constitué par le portage nasal, cutané et périnéal des patients [117].
Dans notre étude, la prévalence de portage de BMR à l’admission en
réanimation a été de 29% ; 45 souches bactériennes multirésistantes ont été
isolées chez 100 patients dont 13,5 % ont été des Staphylocoques à coagulase
négative résistants à la méthicilline. Tous les patients identifiés porteurs de
MRSCN (6%) ont été hospitalisés dans l’année qui précédent leurs admission
aux services de réanimation (pédiatrique et polyvalente) et 50% ont subi une
antibiothérapie antérieure. Dans ce travail, nous avons trouvé que
l’hospitalisation antérieure est le principal facteur de risque de portage de SCN
résistants à méthicilline. Dans une récente étude, Campeotto et al, ont montré
que les principaux facteurs de risque de portage de MRSCN retrouvés sont
l’hospitalisation préalable et l’utilisation probabiliste d’antibiotiques [55].
Entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre élargi
Les entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre élargi sont
responsables des infections nosocomiales (infections urinaires, infections de
plaies opératoires, bactériémies) et posent un véritable problème thérapeutique
du fait de leur multirésistance aux antibiotiques [118-122]. Les bactéries
productrices de BLSE ont montré leur capacité de dissémination en causant de
nombreuses épidémies au niveau local, régional et international, ayant
fréquemment comme foyer d’origine les services de réanimation [123]. En
effet, la dissémination des souches des entérobactéries productrices de BLSE
était un phénomène complexe qui procède trois mécanismes intriqués.
63
Le premier mécanisme est la dissémination clonale, dans laquelle une
souche productrice de BLSE peut se disséminer par contact horizontal de patient
à patient [124]. Le second mécanisme est la transmission d’un ou plusieurs
plasmides vers une autre souche (de la même espèce ou d’une espèce
différente). Le troisième mécanisme est le transfert d’éléments de résistance
présents dans des transposons ou intégrons entre différents plasmides. La
transmission peut produire des épidémies locales au niveau d’un service de
réanimation, d’un hôpital ou un centre de soins. Elle peut s’étendre au niveau
interhospitalier par le transfert de patients colonisés ou infectés [125].
La prévalence de portage des entérobactéries productrices de BLSE reste
très variable d’un pays à l’autre, et même d’un centre à l’autre. Dans notre étude
25% des patients admis en réanimation (pédiatrique et polyvalente) ont été
révélés porteurs d’entérobactéries productrices de BLSE, ce taux a été supérieur
à celui trouvé par Valverde et al. (11.8%), Lecaillon et al. (5%) et Jarrige et al.
(4,2%) [56,126 ,127]. Une enquête d'incidence du portage digestif
d'entérobactéries BLSE, réalisée en 1994 par Barbut et al. [128] ont été
rapportée que parmi 64 patients hospitalisés en service de réanimation, 5 (soit
7,8%) ont été porteurs d’une entérobactérie BLSE à l’admission. La distribution
des entérobactéries productrices de BLSE selon l’espèce s’est beaucoup
modifiée entre 1995 et 2003 : diminution de la proportion de Klebsiella
pneumoniae (de 55 à 22 %) et augmentation de celle de Escherichia coli (de 9 à
52 %), ce qui est préoccupant en raison du caractère commensal ubiquitaire de
cette dernière espèce.
64
Nous confirmions les résultats de nombreuses études qui ont montré que
Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Klebsiella oxytoca, Enterobacter
aerogenes et Proteus mirabilis sont les espèces prédominantes [129-132]. Les
entérobactéries BLSE restaient largement prédominantes dans notre étude (71%)
et ont été dominés par Escherichia coli (53%), par Klebsiella pneumoniae
(34,4%), et enfin par Enterobacter (12,5%). Concernant les souches
d’Escherichia coli BLSE qui sont de plus en plus impliquées dans les infections
tant communautaires que nosocomiales et qui constituaient un réel problème de
santé publique, la prévalence de portage dans notre étude a été de 17%, cette
proportion a été inferieure à celle rapportée par Pallecchi et al. (24 %) [133]. en
outre, nous avons rapporté une prévalence de portage de Klebsiella pneumoniae
BLSE à l’admission de 11%, ce taux a été proche ceux de l’étude tunisienne
réalisée en 2006 par Ben Jaballah et al. et de l’étude Française de Decre et al.
en 2000 [134,135]. En effet, ces deux auteurs ont trouvé que 15% des patients
étaient porteurs de Klebsiella pneumoniae BLSE à l’admission en réanimation.
Klebsiella pneumoniae est principalement isolée en milieu hospitalier, le
portage étant fortement accru chez les patients hospitalisés pendant de longues
périodes ou bénéficiant de traitements antibiotiques au long cours. Toutefois,
elle est également présente en dehors des hôpitaux, notamment chez des patients
diabétiques, fortement débilités, ou souffrant de maladies respiratoires
chroniques [4]. Klebsiella productrice de bétalactamases à spectre étendu peut
coloniser le tube digestif, les urines, le tractus respiratoire, la peau et les surfaces
inertes sèches ou sa capacité à survivre est plus importante que pour d'autres
entérobactéries [136].
65
La transmission des souches de Klebsiella pneumoniae en milieu
hospitalier est surtout manuportée [4]. La présence des facteurs de risque
connus et répondu dans la littérature chez la plupart des patients identifiés
comme porteurs d’entérobactéries productrices de BLSE à l’admission dans nos
services: hospitalisations récentes, antibiothérapie préalable et transferts d’autres
établissements (4% des patients ont été révélés porteurs d’Enterobacter BLSE
dont 50% ont été transférés d’un autre établissement) [54 ,56, 137, 138]. Ainsi
que la localisation de notre hôpital qui est entouré par de nombreux hôpitaux
universitaires et généraux pouvaient expliquer le taux élevé de portage des
entérobactéries BLSE que nous avons été rapportés dans notre étude. Une étude
récente réalisée autour d’un grand hôpital ayant une forte proportion de
Klebsiella pneumoniae BLSE a montré que plus les hôpitaux de la région
étaient éloignés de cet hôpital et moins cette proportion était importante [139].
De nombreuses études ont rapporté une association entre l’émergence des
entérobactéries productrices de BLSE et l’utilisation de certains antibiotiques
(céphalosporines de troisième génération et aminoglycosides) [140, 141]. En
général, plusieurs auteurs ont rapporté que l’acquisition de bactéries
productrices de BLSE concernait des patients gravement patients, suite à une
hospitalisation prolongée et après exposition à des dispositifs invasifs (cathéters
veineux, sonde urinaire ou tube endotrachéal). D’autres facteurs de risque sont
la malnutrition, l’hémodialyse, la nutrition parentérale totale, l’admission en
réanimation ou l’hospitalisation préalable [142,143].
66
Pseudomonas aeruginosa résistant à la Ticarcilline, la Céftazidime et/ou
Imipénème
Pseudomonas aeruginosa est le troisième germe pathogène responsable des
infections nosocomiales après Escherichia coli et Staphylococcus aureus [144].
Le taux de prévalence des infections nosocomiales en réanimation a été de 29 %
avec une prédominance de pneumopathies (33 %) [144]. cette bacterie est
responsable de 22% des infections respiratoires [144]. Le bacille pyocyanique
est une bactérie de l’environnement mais peut être commensal du tube digestif et
peut ainsi coloniser facilement un site de prélèvement. [145], il représente
habituellement une faible part de la flore de colonisation chez l’homme [146].
Pour les sujets en bonne santé, Pseudomonas aeruginosa est peu présent, avec
seulement 2 à 10 % de porteurs tandis que chez les sujets hospitalisés ce taux
peut atteindre 50 %, voire 60 % sur les plaies de brûlures ou d’escarres [145].
Dans notre série, la prévalence de portage de Pseudomonas aeruginosa
multirésistant à l’admission aux services de réanimation a été de 5%, cette
proportion restait un peu faible en comparaison avec les résultats de l’étude
réalisée par Bertrand et al. [147] qui a porté sur un effectif très important (1646
patients) et qui a rapporté que pendant 30 mois, un total de 314 patients sur
1646 patients admis en deux services de réanimation ont présenté au moins un
prélèvement positif à Pseudomonas aeruginosa, dont 166 étaient considérés
comme infectés (prélèvement à visée diagnostique positif) et 148 sur 1646 soit
8,9% ont été simplement colonisés (prélèvement à visée de dépistage positif)
[145,147].
67
Dans notre serie, tous les patients identifiés porteurs de Pseudomonas
aeruginosa multirésistant avaient des antécédents d’hospitalisation et
d’antibiothérapie. Carpentier et al. ont trouvé que le portage peut conduire à
l’infection lorsqu’il existe une forte charge bactérienne associée à des facteurs
favorisant l’expression de la virulence et que les hospitalisations itératives
nécessaires au bilan d’extension de la maladie et les antibiothérapies
probabilistes à large spectre pour traiter un épisode infectieux, est à l’origine
d’une colonisation par des bacilles naturellement résistants et aptes à acquérir de
nouvelles résistances, comme Pseudomonas aeruginosa [146]. D’autre auteurs
ont rapporté que les patients sous ventilation assistée deviennent souvent
colonisés à Pseudomonas aeruginosa et que ce risque augmente avec la durée
de ventilation [144,148, 149]. Ainsi, Thuong a rapporté d’une part, l’association
entre ventilation mécanique et acquisition du portage de Pseudomonas
aeruginosa et d’autre part, que l’utilisation d’antibiotiques inefficaces sur ce
germe augmente le risque de colonisation ou d’infection dans les unités de soins
intensifs et de réanimation [150].
Acinetobacter baumanii résistant à la Ticarcilline et la Céftazidime
Acinetobacter baumannii est un des pathogènes les plus fréquemment
responsables d’infection nosocomiale chez les patients de réanimation. Dans
l’étude de prévalence européenne EPIC, Acinetobacter baumannii est le
septième agent responsable d’infection nosocomiale [151]. Cette bactérie ne
nécessite pas de condition nutritionnelle ou de substrats particuliers pour leur
croissance, elle est capable de survivre dans des conditions rudimentaires, même
68
en présence d’antiseptiques, elle a une imperméabilité de paroi qui la rend
naturellement résistante à certains antibiotiques et elle possède une grande
diversité de plasmides qui leur donne un important potentiel d’acquisition de
résistances [152,153]. Tous ces éléments justifient la crainte que pourraient
représenter une augmentation de la fréquence de ce type d’infection et le
développement de souches particulièrement résistantes.
Dans notre étude, la prévalence de portage d’Acinetobacter baumanii a
été de (2%), ce résultat a été compatible avec les donnés de l’étude française
réalisée par Chatellier et al. dans 53 services de réanimation qui conclut à un
portage d’Acinetobacter à l’admission de 3,16% [154]. L’acquisition
(colonisation ou infection) d’une souche d’Acinetobacter baumannii peut être
expliqué par la présence de certains facteurs de risque reconnus dans la
littérature à savoir la ventilation mécanique, l’antibiothérapie large spectre, la
sévérité de la pathologie sous-jacente, la durée de séjour prolongée , la durée de
cathétérisme artériel, l’hyperalimentation, l’utilisation d’imipénème en
monothérapie, l’utilisation préalable de céphalosporine de troisième génération
[155-161].
69
CCoonncclluussiioonn
70
Nous rapportions dans cette étude un fort taux de portage de bactéries
multirésistantes (29 %) chez les patients hospitalisés en services de réanimation
(polyvalente et pédiatrique). Les bactéries multirésistantes les plus fréquentes
étaient les entérobactéries BLSE (71%). Les principaux facteurs de risque de
portage de BMR retrouvés ont été l’hospitalisation préalable et l’antibiothérapie
préalable.
A chaque fois que le laboratoire a isolé une bactérie multirésistante, le
résultat a été communiqué rapidement au CLIN qui procédé à l’application des
mesures préventives (isolement technique et géographique). En général, ce
programme aura comme avantage une diminution de diffusion des bactéries
multirésistantes en milieu hospitalier et par conséquence une diminution des
infections nosocomiales.
Les résultats de ce travail doivent être suivi par des enquêtes
épidémiologiques qui évalueront l’efficacité de ce programme de surveillance.