539
AVERTISSEMENT Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la communauté universitaire élargie. Il est soumis à la propriété intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pénale. Contact : [email protected] LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

Il est soumis à la propriété intellectuelle de l'auteur ...docnum.univ-lorraine.fr/public/DDOC_T_2012_0226_DOUCHE.pdf · La sanction de la violation du droit de la consommation

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  • AVERTISSEMENT

    Ce document est le fruit d'un long travail approuv par le jury de soutenance et mis disposition de l'ensemble de la communaut universitaire largie. Il est soumis la proprit intellectuelle de l'auteur. Ceci implique une obligation de citation et de rfrencement lors de lutilisation de ce document. D'autre part, toute contrefaon, plagiat, reproduction illicite encourt une poursuite pnale. Contact : [email protected]

    LIENS Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Proprit Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10 http://www.cfcopies.com/V2/leg/leg_droi.php http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

  • Universit de Lorraine

    Facult de Droit, Sciences Economiques et Gestion

    Ecole doctorale Sciences Juridiques, Politiques, Economiques et de Gestion

    Institut Franois Gny CERCLAB

    La sanction de la violation du droit de la

    consommation dans les contrats de

    consommation

    Thse

    En vue de lobtention du grade de

    Docteur en Droit

    (Doctorat nouveau rgime Droit priv)

    Prsente et soutenue publiquement le 30 novembre 2012 par

    Nathalie DOUCHE-DOYETTE

    Jury de soutenance

    Monsieur Jean-Michel GASSER,

    Matre de Confrences, Habilit Diriger des Recherches lUniversit de Lorraine.

    Monsieur Olivier GOUT,

    Professeur lUniversit Jean Moulin Lyon 3, (Prsident).

    Monsieur Xavier HENRY,

    Professeur lUniversit de Lorraine, (Directeur de thse).

    Madame Elise POILLOT,

    Professeur en Droit civil, Universit du Luxembourg, (Rapporteur).

    Madame Natacha SAUPHANOR-BROUILLAUD,

    Professeur lUniversit de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, (Rapporteur).

  • 3

    LISTE DU CORPS ENSEIGNANT

    de la Facult de Droit,Sciences Economiques & Gestion

    Anne Universitaire 2012-2013

    DOYEN M. Eric GERMAIN

    DOYENS HONORAIRES MM. TALLON, GROSS, JAQUET, CRIQUI,

    CACHARD

    PROFESSEURS EMERITES M. VITU, Professeur de Droit Pnal

    M. CHARPENTIER, Professeur de Droit Public

    M. JAQUET, Professeur de Droit Public

    M. COUDERT, Professeur d'Histoire du Droit

    Mme GAY, Professeur dHistoire du Droit

    M. BORELLA, Professeur de Droit Public

    Mme MARRAUD, Professeur de Droit Priv

    M. GROSS rd, Professeur de Droit Priv

    M. DUGAS DE LA BOISSONNY Christian,

    Professeur dHistoire du Droit

    M. Christian GOSSEREZ, Professeur de Droit

    Public

    M. GRY Yves, Professeur de Droit Public

    PROFESSEURS

    M. SEUROT Franois Professeur de Sciences conomiques

    M. SEUVIC Jean-Franois Professeur de Droit Priv

    M. MOUTON Jean-Denis Professeur de Droit Public

    M. JACQUOT Franois Professeur de Droit Priv

    M. CRIQUI Etienne Professeur de Science Politique

    M. PIERR-CAPS Stphane Professeur de Droit Public

    M. GARTNER Fabrice Professeur de Droit Public

    M. EBOUE Chicot Professeur de Sciences Economiques

    M. MAZIAU Nicolas (dtachement) Professeur de Droit Public

    M. DEREU Yves Professeur de Droit Priv

    M. BISMANS Francis Professeur de Sciences Economiques

    M. ASTAING Antoine Professeur d'Histoire du Droit

    M. STASIAK Frdric Professeur de Droit Priv

    M. CACHARD Olivier Professeur de Droit Priv

    M. LAMBERT Thierry Professeur de Droit Priv

  • 4

    M. HENRY Xavier Professeur de Droit Priv

    M. TAFFOREAU Patrick Professeur de Droit Priv

    M. PETIT Yves Professeur de Droit Public

    M. FOURMENT Franois Professeur de Droit Priv

    Mme PEGUERA POCH Marta Professeur dHistoire du Droit

    M. LAFFAILLE Franck Professeur de Droit Public

    M. FARDET Christophe Professeur de Droit Public

    M. VAUTROT-SCHWARZ Charles Professeur de Droit Public

    M. FONTAINE Franois Professeur de Sciences Economiques

    M. GEA Frdric Professeur de Droit Priv

    M. AZOMAHOU Thophile Professeur de Sciences Economiques

    Mme DUMAS Christelle Professeur de Sciences Economiques

    M. JACQUEMET Nicolas Professeur de Sciences Economiques

    M. RENAUDIE Olivier Professeur de Droit Public

    MATRE DE CONFERENCES

    M. BOURGAUX Claude Matre de Confrences de Droit Priv

    M. PELLISSIER Dominique Matre de Confrences de Sciences conomiques

    M. GERMAIN Eric Matre de Confrences de Droit Public

    M. LUISIN Bernard Matre de Confrences de Droit Public

    Mme MANSUY Francine Matre de Confrences de Droit Priv

    Mme TILLEMENT Genevive Matre de Confrences de Droit Priv

    Mme GANZER Annette Matre de Confrences de Droit Priv

    M. OLIVIER Laurent Matre de Confrences de Science Politique

    M. DIELLER Bernard Matre de Confrences de Sciences conomiques

    M. GUIGOU Jean-Daniel (dtachement) Matre de Confrences de Sciences conomiques

    M. GASSER Jean-Michel Matre de Confrences de Droit Priv

    M. AIMAR Thierry Matre de Confrences de Sciences Economiques

    Mme KUHN Nicole Matre de Confrences de Droit Public

    Mme DAVID-BALESTRIERO Vronique Matre de Confrences de Droit Priv

    Mme ETIENNOT Pascale Matre de Confrences de Droit Priv

    Mlle BARBIER Madeleine Matre de Confrences dHistoire du Droit

    M. ANDOLFATTO Dominique Matre de Confrences de Science Politique

    Mme DEFFAINS Nathalie Matre de Confrences de Droit Public

    Mme SIERPINSKI Batyah Matre de Confrences de Droit Public

    M. MOINE Andr Matre de Confrences de Droit Public

    Mlle LEBEL Christine Matre de Confrences de Droit Priv

    Mlle LE GUELLAFF Florence Matre de Confrences dHistoire du Droit

    M. EVRARD Sbastien Matre de Confrences dHistoire du Droit

    M. FENOGLIO Philippe Matre de Confrences de Sciences Economiques

    Mme BOURREAU DUBOIS Ccile Matre de Confrences de Sciences Economiques

    Mlle GARDIN Alexia Matre de Confrences de Droit Priv

    M. KLOTGEN Paul Matre de Confrences de Droit Priv

  • 5

    Mme DERDAELE Elodie Matre de Confrences de Droit Public

    M. DAMAS Nicolas Matre de Confrences de Droit Priv

    M. GICQUEL Jean-Franois Matre de Confrences d'Histoire du Droit

    Mme LELIEVRE Valrie Matre de Confrences de Sciences Economiques

    M. PREVOT Jean-Luc Matre de Confrences de Sciences Economiques

    Mme CHAUPAIN-GUILLOT Sabine Matre de Confrences de Sciences Economiques

    Mlle PIERRE Nathalie Matre de Confrences de Droit Priv

    M. PIERRARD Didier Matre de Confrences de Droit Public

    Mme HOUIN-BRESSAND Caroline Matre de Confrences de Droit Priv

    Mlle BLAIRON Katia Matre de Confrences de Droit Public

    M. FEREY Samuel Matre de Confrences de Sciences Economiques

    M. MULLER Franois Matre de Confrences de Droit Public

    Melle ABALLEA Armelle Matre de Confrences de Droit Public

    M. THIERRY Jean-Baptiste Matre de Confrences de Droit Priv

    Mlle DUBUY Mlanie Matre de Confrences de Droit Public

    Mme NAU Liliane Matre de Confrences de Droit Priv

    Mme SACHS Tatiana Matre de Confrences de Droit Priv

    Mme BOUGHANMI Afef Matre de Confrences de Sciences Economiques

    Mme HELSTROFFER Jenny Matre de Confrences de Sciences Economiques

    Mlle MARTI Galle Matre de Confrences de Droit Public

    Mme MICHEL-CLUPOT Muriel Matre de Confrences de Gestion

    M. RESTOUT Romain Matre de Confrences de Sciences Economiques

    M. DAMETTE Olivier Matre de Confrences de Sciences Economiques

    M. DURAND Frdric Matre de Confrences de Droit priv

    M. LOVAT Bruno PRAG de Mathmatiques

    MATRE DE CONFERENCES en langue anglaise

    M. ECKERSLEY David

    MATRE DE CONFERENCES ASSOCIES

    M. FERRY Frdric Matre de Confrences associ de Droit Priv

    Mme MOUKHA Stphanie Matre de Confrences associ de Droit Priv

    M. GAUDEL Pierre-Jean Matre de Confrences associ de Droit Public

    M. GUENOT Jacques Matre de Confrences associ de Droit Priv

    M. GREGOIRE Christian Matre de Confrences associ de Sciences

    Economiques

    M. CHRISTIENNE Jean-Philippe Matre de Confrences associ de Droit Priv

    ASSISTANTS PRAG

    Mme DIEHL Christel PRAG dAnglais

    M. PERRIN Yves PRAG dEconomie et Gestion

  • 7

    Par ces quelques lignes, je dsire exprimer ma reconnaissance et ma profonde

    gratitude toutes les personnes qui ont contribues, par leur aide, par leur soutien ou

    simplement par leur patience, la ralisation de ce travail.

    Je remercie tout particulirement Monsieur Henry, qui ma encourage dans le

    choix de raliser une thse, pour ses prcieux conseils et sa grande disponibilit.

    Je remercie spcialement mes parents et Pierre, pour tout ce quils mont apport

    pendant ces annes.

  • 9

    La facult nentend donner ni approbation, ni improbation aux opinions mises dans la

    thse, celles-ci devant tre considres comme propres leur auteur.

  • 11

    Sommaire

    Sommaire ........................................................................................................................... 11

    Liste des abrviations ......................................................................................................... 13

    Introduction ........................................................................................................................ 15

    Partie 1. Lefficacit de la fonction rparatrice des sanctions dans les contrats de

    consommation .................................................................................................................... 53

    Titre 1. La rparation de linutilit du contrat de consommation .................................. 55

    Chapitre 1. Linefficacit des fondements actuels de la nullit du contrat de

    consommation ............................................................................................................ 59

    Chapitre 2. La restauration de lefficacit de la fonction rparatrice de la nullit des

    contrats de consommation ....................................................................................... 107

    Titre 2. La rparation de linjustice du contrat de consommation ............................... 135

    Chapitre 1. Les sanctions tendant assurer lquivalence des obligations

    essentielles des parties ............................................................................................. 137

    Chapitre 2. Les sanctions tendant assurer lquilibre des droits et obligations

    accessoires des parties ....................................................................................... 155

    Partie 2. Lefficacit de la fonction dissuasive des sanctions dans les contrats de

    consommation .................................................................................................................. 233

    Titre 1. La dissuasion, fonction principale des sanctions consumristes ..................... 237

    Chapitre 1. La peine, sanction naturellement dissuasive ........................................ 239

    Chapitre 2. La prpondrance des peines dans les sanctions consumristes ......... 265

    Titre 2. Les conditions de lefficacit dissuasive des sanctions consumristes ........... 353

    Chapitre 1. Les conditions de lefficacit dissuasive des sanctions pnales ........... 357

    Chapitre 2. Les conditions de lefficacit dissuasive des sanctions civiles ............. 397

    Conclusion gnrale ......................................................................................................... 447

    Annexe : Sanctions pnales en matire de pratiques commerciales interdites ou

    rglementes par le Code de la consommation ................................................................ 459

    Bibliographie.................................................................................................................... 487

    Table des dcisions cites ................................................................................................ 517

    Table des matires............................................................................................................ 531

  • 13

    Liste des abrviations

    AJ pnal Actualit juridique Pnal

    ANRT Atelier national de reproduction des thses

    APD Archives de philosophie du droit

    Ass. pln. Assemble plnire de la Cour de cassation

    Bdp Bibliothque de droit priv

    Bsc Bibliothque de sciences criminelles

    Bull. civ. Bulletin des arrts de la Cour de cassation (chambres civiles)

    Bull. crim. Bulletin des arrts de la Cour de cassation (chambre criminelle)

    Cah. Cons. const. Cahiers du Conseil constitutionnel

    Cah. dr. entr. Cahiers de droit de lentreprise

    CCA Commission des clauses abusives

    CCC Contrats concurrence et consommation

    Chron. Chronique

    Civ. Chambres civiles de la Cour de cassation

    CJCE Cour de justice des communauts europennes

    CJUE Cour de justice de lUnion europenne

    Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation

    Concl. Conclusions

    Cons. conc. Conseil de la concurrence

    Cons. const. Conseil constitutionnel

    Conv. EDH Convention europenne de sauvegarde des droits de lHomme

    CEDH Cour europenne des droits de lHomme

    Crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation

    D. Recueil dalloz sirey

    D. aff. Dalloz affaire

    Defrnois Rpertoire du notariat Defrnois

    Dir. Sous la direction de

    Doctr. Doctrine

    Dr. pn. Droit pnal

    ENM Ecole nationale de la magistrature

    Et al. Et autres

    GAJ civ. Grand arrts jurisprudence civile

    Gaz. Pal. Gazette du Palais

    J.-Cl. Juris-Classeur (Encyclopdies)

    JCP E Juris-Classeur priodique Edition entreprise et affaires

    JCP G Juris-Classeur priodique Edition gnrale

    JCP N Juris-Classeur priodique Edition notariale et immobilire

    LGDJ Librairie gnrale de droit et de jurisprudence

  • 14

    LPA Les petites affiches

    Ch. mixte Chambre mixte de la Cour de cassation

    Nbt Nouvelle bibliothque des thses

    no(s)

    Numro(s)

    p. Page(s)

    PUAM Presse universitaire dAix-Marseille

    PUF Presse universitaire de France

    PUN Presse universitaire de Nancy

    Rapp. ann. C. comptes Rapport annuel de la Cour des comptes

    RCA Responsabilit civile et assurance

    RD bancaire et fin. Revue de droit bancaire et financier

    RDC Revue des contrats

    RDI Revue de droit immobilier

    Recomm. Recommandation

    RED consom. Revue europenne de droit de la consommation

    Rp. civ. Dalloz Rpertoire de droit civil Dalloz

    Rp. pn. Dalloz Rpertoire de droit pnal et de procdure pnale Dalloz

    Rev. crim. et pol. tech. Revue internationale de la criminologie et de la police technique

    Rev. Lamy dr. aff. Revue Lamy droit des affaires

    Rev. Lamy dr. Conc. Revue Lamy droit de la concurrence

    RGDA Revue gnrale de droit des assurances

    RRJ Revue de la recherche juridique et de droit prospectif

    RSC Revue de science criminelle et de droit compar

    RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

    RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial

    s. suivant(es)

    t. Tome

    Trad. Traduction

    v. Voir

    V Verbo

    Vol. Volume

  • 15

    Introduction

    1. La seconde moiti du XXme sicle a t marque par lavnement de la socit de

    consommation1 et, corrlativement, par lapparition dun droit nouveau dont lobjectif est

    de protger les consommateurs : le droit de la consommation. Comme la plupart des

    droits nouveaux, il se caractrise par la finalit commune que poursuivent les normes qui

    le composent, et non par leur nature, civile, pnale, procdurale ou administrative2. En

    consquence, si les contours du droit de la consommation sont mal dfinis, tant au regard

    des normes qui le composent, quau regard de son champ dapplication3, la finalit

    spcifique quil poursuit permet den laborer une dfinition. Le droit de la

    consommation est compos de lensemble des normes dont la fonction est de protger les

    consommateurs lorsquils se procurent des biens ou des services auprs des

    professionnels. Il sintresse principalement aux rapports quentretiennent les

    consommateurs et les professionnels. Ces rapports sont gnralement de nature

    contractuelle. Cependant, la thorie gnrale des contrats est rapidement apparue

    insuffisante pour lever les difficults engendres par ces rapports de consommation. De

    nombreuses dispositions, qui forment le droit de la consommation, ont alors t adoptes

    pour pallier les carences du droit commun et assurer une protection accrue du

    1 Lexpression sest installe aux alentours de 1970, avec plusieurs ouvrages qui emploient lexpression

    dans leur titre : J. BAUDRILLARD, La socit de consommation : ses mythes, ses structures. Paris :

    Gallimard, 1970 ; G. KATONA, La socit de consommation de masse. Paris : Hommes et techniques, 1966,

    trad. de langlais par M. Prineau ; R. RAYMOND, Eloge de la socit de consommation. Paris : Calmann

    Lvy, 1969 ; J. SAINT-GEOURS, La socit de consommation : Peut-on la rejeter ? Paris : Hachette, 1971.

    Sur la socit de consommation, v. galement : X. de la VEGA (dir.), Consommer. Comment la

    consommation a envahi nos vies. Sciences humaines, Grands dossiers, n 22, 2011. 2 J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation. 8

    me d., Paris : Dalloz, 2010, n 18.

    3 Sur le champ dapplication du droit de la consommation v. infra n

    os 20 et s.

  • La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation

    16

    consommateur lorsquil contracte avec un professionnel. Le droit de la consommation a

    fait merger un contrat nouveau : le contrat de consommation .

    2. Lclosion du droit de la consommation a engendr de nombreuses tudes. Ces

    dernires annes, les traits et manuels relatifs la matire se multiplient4. Par ailleurs, de

    nombreuses thses lui sont dj consacres. Certaines dentre elles abordent un aspect

    particulier de la protection consumriste5. Dautres, plus transversales, ont pour objet

    dtude le droit de la consommation, dans sa forme nationale ou europenne, et

    envisagent linfluence de son apparition sur lenvironnement juridique existant ou

    venir6. Mais, ce jour, aucune tude na t mene sur les sanctions de la violation de ce

    droit7. Pourtant, outre son originalit, les intrts dune tude de la sanction de la

    violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation sont nombreux.

    Avant dentrer dans le dtail de cette recherche, il semble ncessaire de prciser les

    caractristiques du droit de la consommation (I) et dindiquer les orientations suivies

    pour mener bien ltude de la sanction de la violation dans les contrats de

    consommation (II).

    4 Les ouvrages sont cits par ordre chronologique de la premire dition, date qui est indique, le cas

    chant, entre parenthses. J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation. 8me

    d., Paris :

    Dalloz, 2010, (1980) ; J. BEAUCHARD, Droit de la distribution et de la consommation. Paris : PUF, 1996 ;

    Y. PICOD et H. DAVO, Droit de la consommation. 2me

    d., Paris : Sirey : Dalloz, 2010, (2005) ; S.

    PIEDELIEVRE, Droit de la consommation. Paris : Economica, 2008 ; G. RAYMOND, Droit de la

    consommation. 2me

    d., Paris : Litec : LexisNexis, 2011, (2008) ; C. NOBLOT, Droit de la consommation.

    Paris : Montchrestien, 2012. 5 V. notamment : E. BAZIN, Le consentement du consommateur. Thse, Universit de Reims Champagne-

    Ardenne, 2000 ; H. BRICKS, Les clauses abusives. Paris : LGDJ, 1982 ; N. CHARDIN, Le contrat de

    consommation de crdit et lautonomie de la volont. Paris : LGDJ, 1988 ; A. KARIMI, Les clauses abusives

    et la thorie de labus de droit. Paris : LGDJ, 2001 ; G. ROUSSET, Linfluence du droit de la consommation

    sur le droit de la sant, Bordeaux : Les tudes hospitalires, 2009. 6 V. notamment : F. BERENGER, Le droit commun des contrats lpreuve du droit spcial de la

    consommation : renouvellement ou substitution ? Aix-en-Provence : PUAM, 2007 ; E. POILLOT, Droit

    europen de la consommation et uniformisation du droit des contrats. Paris : LGDJ, 2006 ; D. POMBIEILH,

    Lincidence du contrat de consommation sur lvolution du droit des contrats. Thse, Pau, 2002 ; N.

    RZEPECKI, Droit de la consommation et thorie gnrale du contrat. Aix en Provence : PUAM, 2002 ; N.

    SAUPHANOR, Linfluence du droit de la consommation sur le systme juridique. Paris : LGDJ, 2000. 7 Il faut toutefois cit larticle de Monsieur Calais-Auloy, qui dcrit succinctement la diversit des sanctions

    du droit de la consommation : J. CALAIS-AULOY, Les sanctions en droit de la consommation , in Les

    droits et le droit : Mlanges ddis Bernard Bouloc, Paris : Dalloz, 2006, p. 75. Il conclut cet article par le

    constat suivant : Aucune rflexion densemble na jamais t mene sur la finalit, la nature et la

    gradation des sanctions applicables en droit de la consommation. Une mise en cohrence rendrait le droit de

    la consommation plus intelligible, et permettrait sans doute quil soit mieux appliqu .

  • Introduction

    17

    I. Les caractristiques du droit de la consommation

    3. Si lide de protger lacheteur contre les ventuelles tromperies du vendeur nest

    pas nouvelle8, lexistence dun droit de la consommation, spcialement tourn vers la

    protection des consommateurs, est rcente. Le mouvement consumriste, dnonant les

    dangers de la consommation de masse pour les consommateurs, est dabord apparu aux

    Etats-Unis, dans les annes 1960. En Europe, et particulirement en France, les premires

    lois dinspiration consumriste ont vu le jour au cours des annes 1970. Ainsi, la loi

    n 72-1137 du 22 dcembre 1972 relative la protection des consommateurs en matire

    de dmarchage et de vente domicile, la loi n 73-1193 du 27 dcembre 1973

    dorientation du commerce et de lartisanat, encore appele loi Royer, qui prohibe la

    publicit trompeuse et qui cre laction en justice des associations de consommateurs

    pour la dfense de leur intrt collectif, la loi n 78-22 du 10 janvier 1978 relative

    linformation et la protection des consommateurs dans le domaine de certaines

    oprations de crdit, la loi n 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information

    des consommateurs de produits et de services et la loi n 79-596 du 13 juillet 1979

    relative l'information et la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier

    sont autant davances marquantes de cette dcennie pour la protection des

    consommateurs9. Ainsi, ds lorigine, la protection lgale du consommateur est organise

    sectoriellement, au gr des ncessits du moment, sans rechercher la systmatiser par

    ladoption dun droit cohrent et autonome. Les problmes poss par cette mthode

    lgislative sont trs vite apparus et la volont dlaborer un Code de la consommation, qui

    oprerait une refonte des dispositions protectrices des consommateurs, afin dtablir un

    vritable droit de la consommation, a t formule au dbut des annes 1980. Une

    Commission de refonte de la consommation ft spcialement cre cette fin, et elle

    formula deux propositions successives10

    . Elle proposait de refondre les lois existantes

    pour laborer, partir de la lgislation existante, des rgles nouvelles guides par des

    8 J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation. 8

    me d., Paris : Dalloz, 2010, n 1 ; G.

    RAYMOND, Droit de la consommation. 2me

    d., Paris : Litec : LexisNexis, 2011, nos

    6 et 7. 9 Ladoption de lgislations ou de rglementations destines protger les intrts des consommateurs sest

    poursuivie, et se poursuit encore. Pour un rappel des lois et dcrets intervenus en la matire jusqu 2010 v.

    J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, op. cit., n 36. 10

    J. CALAIS-AULOY (dir.), Propositions pour un nouveau droit de la consommation. Paris : La

    documentation franaise, 1985 ; Propositions pour un Code de la consommation. Paris : La documentation

    franaise, 1990

    http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=BEEF10B3F7EE6374A92152C3EF76BA42.tpdjo08v_3?cidTexte=JORFTEXT000000684045&dateTexte=20120819http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=BEEF10B3F7EE6374A92152C3EF76BA42.tpdjo08v_3?cidTexte=JORFTEXT000000684045&dateTexte=20120819http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=BEEF10B3F7EE6374A92152C3EF76BA42.tpdjo08v_3?cidTexte=JORFTEXT000000684045&dateTexte=20120819

  • La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation

    18

    principes directeurs et qui constitueraient un Code de la consommation. Mais pour des

    raisons politiques, le choix sest port sur une codification droit constant qui se contente

    de compiler les textes dj en vigueur, en les insrant dans un plan, sans en modifier la

    substance11

    . Le Code de la consommation a finalement t adopt par la loi n 93-949 du

    26 juillet 1993 relative au code de la consommation et par le dcret n 97-298 du 27 mars

    1997 relatif au code de la consommation12

    . Si ladoption du Code de la consommation

    nopre par la refonte espre13

    , elle amliore fortement laccessibilit et la lisibilit de ce

    droit. Symboliquement, ladoption dun Code de la consommation consacre lexistence

    du droit de la consommation. Ainsi, Monsieur Calais-Auloy affirme, propos du Code de

    la consommation : Un Code, un Droit 14

    .

    4. Ltude de la sanction de la violation du droit de la consommation dans les

    contrats de consommation prsuppose didentifier le droit de la consommation qui lui est

    spcialement applicable et den dgager les particularits. La principale caractristique de

    ce droit, ce qui en fait sa spcificit, est dtre un droit fonctionnel, fond sur la

    ncessaire protection des consommateurs (A). Mais il prsente dautres particularits.

    Ainsi, le droit de la consommation est un droit sous influence communautaire (B) et un

    droit enchan la notion de contrat 15

    (C).

    A. Un droit fonctionnel, fond sur la ncessaire protection des consommateurs

    5. Les tudes consacres au droit de la consommation sont unanimes : en droit

    franais, le rattachement dune norme au droit de la consommation se fait en

    11

    J. CALAIS-AULOY H. TEMPLE, op. cit., n 18. 12

    Sur le Code de la consommation, v. notamment : J. BEAUCHARD, Les principes europens du droit des

    contrats et le droit de la consommation , in Etudes de droit de la consommation : Liber amicorum Jean

    Calais-Auloy, Paris : Dalloz, 2004, p. 55 ; J. CALAIS-AULOY, Un Code, un Droit , in Aprs le Code de la

    consommation, grands problmes choisis. Paris : Litec, 1995 ; A. GUINERET BROBBELDORSMAN, Un

    exemple de codification droit constant : le code de la consommation peu protecteur pour le consommateur

    surendett , LPA, 5 juillet 2007, n 134, p. 50 ; Y. PICOD, Rflexions sur la refonte du Code de la consommation , CCC, 2008, Etude n 12. 13

    J. BEAUCHARD, art. prc., n 40 : uvre de compilation et corps de rgles ordonnes, ce Code

    nclaircit en rien et ne lve en rien les ambiguts et le manque de cohrence du droit de la consommation

    antrieur, fait de lois particulires parses, confectionnes sans plan densemble et sans unit de rdaction

    ou dinspiration . 14

    J. CALAIS-AULOY, Un Code, un Droit , in Aprs le Code de la consommation, grands problmes

    choisis. Paris : Litec, 1995. 15

    J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, op. cit., n 8.

  • Introduction

    19

    considration de la finalit pour laquelle elle a t adopte16

    . Lunit des rgles qui le

    composent rside dans leur fonction protectrice des intrts des consommateurs. En ce

    sens, il a t constat que si lon peut regrouper sous la rubrique "droit de la

    consommation" bien des rgles et des institutions, cest uniquement raison de leur

    finalit commune, la protection du consommateur 17

    , que le droit de la consommation

    est anim par une ide commune : la ncessit de protger les consommateurs contre la

    puissance de leurs partenaires conomiques 18

    ; ou encore quil est lensemble des

    dispositions dorigine lgislative, rglementaire, ou jurisprudentielle qui organise le statut

    du consommateur en tant que tel dans le but principal de protger les intrts de chaque

    consommateur 19

    .

    6. Cette dfinition fonctionnelle du droit de la consommation prsuppose que le

    consommateur ait besoin dtre protg lorsquil se procure un bien ou un service auprs

    dun professionnel. Ce besoin de protection a souvent t justifi par la faiblesse du

    consommateur, dcoulant dun dsquilibre dans les connaissances conomiques,

    techniques, juridiques ou informationnelles des parties. Ainsi, le droit de la

    consommation serait essentiellement un droit de la partie faible, les consommateurs qui

    subissent la domination de la partie forte, les professionnels 20

    . Ce serait donc la

    faiblesse, voire lincapacit21

    , du consommateur qui justifierait cette protection. Cette

    analyse contient une part de vrit. La technicit accrue des produits, la complexit de

    certaines oprations contractuelles, lobscurit des termes employs empchent les

    consommateurs de choisir les contrats les mieux adapts leurs besoins. Mais cette

    prsentation, axe principalement sur la faiblesse et lincomptence du consommateur

    confront un professionnel fort et comptent, est excessive voire caricaturale. La

    faiblesse et lincomptence nexpliquent pas tout. Dans bien des circonstances, les

    consommateurs se trouvent dans lincapacit de protger leurs intrts, quel que soit leur

    16

    E. POILLOT, op. cit., n 16 17

    M. BORYSEWICZ, Les rgles protectrices du consommateur et le droit commun des contrats : Rflexions

    propos de la loi n 78-13 du 10 janvier 1978 sur la protection et linformation des consommateurs de

    produits et de services , in Etudes offertes Pierre Kayser, Aix-en-Provence : PUAM, 1979, p. 93. 18

    J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation. 8me

    d., Paris : Dalloz, 2010, n 18. 19

    Ph. MALINVAUD, La protection des consommateurs , D., 1981, chron., p. 50. 20

    S. PIEDELIEVRE, Droit de la consommation. Paris : Economica, 2008, n 1. Lauteur ajoute toutefois que

    cette approche du droit de la consommation est sans doute rductrice . 21

    Ainsi, la formule de Carbonnier, Le consommateur est un majeur que son contrat replace en tat de

    minorit (Les obligations. 20me

    d., Paris : PUF, 1996, n 3.) est encore invoque pour justifier

    lexistence dun droit de la consommation.

  • La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation

    20

    niveau de comptence, tant juridique que technique, et quelles que soient leurs ressources

    financires. En effet, comment ngocier les conditions dun contrat avec un ordinateur,

    une caisse automatique ou mme avec lemploy dun grand magasin qui propose un

    contrat de crdit la consommation fourni par une entreprise de crdit ?

    7. Cet exemple fait ressortir la principale cause qui justifie la protection du

    consommateur : limpossible ngociation des contrats de consommation. Labsence de

    ngociation, qui caractrise la plupart des contrats de consommation, ne trouve pas sa

    source dans lincomptence, voire lincapacit, suppose du consommateur, mais dans les

    caractristiques de lopration de consommation elle-mme. Le rle assign la volont

    ne peut plus tre celui qui tait envisag au moment de ladoption du Code civil. A cette

    poque, il tait admis que lexercice dune volont libre et claire permettait, chaque

    contractant, de sauvegarder au mieux ses intrts et de conclure des contrats quilibrs.

    Mais aujourdhui, cette impossibilit matrielle de ngocier est structurelle. Elle dcoule

    de la transformation de la socit qui a eu lieu depuis deux sicles. Ainsi, comme le

    remarque Monsieur Baillod, le passage de la socit rurale, lente, mesure, la socit

    "de consommation", ayant pour moteur la sollicitation agressive des consommateurs, ne

    sest pas fait sans dommage pour la qualit du consentement : celui-ci nest plus ce quil

    tait 22

    .

    8. Un rappel, dans les grandes lignes, des facteurs qui ont contribus lapparition

    de la socit de consommation, permet de mieux comprendre le besoin dencadrer

    spcifiquement les contrats de consommation par une lgislation protectrice des intrts

    des consommateurs. Ainsi, lmergence de la socit de consommation a t favorise par

    les progrs industriels et technologiques constants depuis le milieu du XIXme

    sicle. Les

    rvolutions industrielles de la deuxime moiti du XIXme

    sicle ont permis un

    bouleversement des mthodes de production. Au dbut du XXme

    sicle, Taylor prne

    alors lorganisation scientifique du travail par la dcomposition du processus de

    production et la spcialisation des tches. Ford approfondit cette ide. Il cre le travail

    la chane, augmente le volume de production pour amliorer la productivit et atteindre

    une production de masse, et, dans le mme temps, il augmente les salaires pour crer des

    dbouchs ses produits. Paralllement, la ncessit de trouver des dbouchs pour des

    22

    R. BAILLOD, Le droit de repentir , RTD civ., 1984, p. 228, n 1.

  • Introduction

    21

    biens produits en masse a entrain une mutation profonde des mthodes de distributions

    des produits et des mthodes de sduction des consommateurs. Les grands magasins font

    leur apparition23

    , suivis des supermarchs et des centres commerciaux. Puis, avec le

    dveloppement des moyens de communication, ce sont les ventes distances qui

    saccroissent. Pour soutenir la consommation, le crdit la consommation est encourag.

    Suivant lide dveloppe par certains conomistes que ce sont les entreprises qui

    imposent les produits aux consommateurs, et non linverse 24

    , les entreprises

    dveloppent linnovation et investissent fortement dans le marketing, aides dans cette

    voie par le dveloppement des mdias et lapparition de nouveaux moyens de

    communication, dans lobjectif de crer un besoin nouveau chez les consommateurs. Ces

    transformations, tant conomiques que sociales, ont notamment conduit la

    standardisation des produits proposs aux consommateurs, la standardisation des

    contrats et la dpersonnalisation des rapports contractuels entre consommateurs et

    professionnels. Ces facteurs expliquent limpossibilit matrielle dans laquelle se trouve

    le consommateur pour ngocier le contenu du contrat de consommation. En dfinitive, la

    possibilit pour les professionnels dimposer des contrats dsquilibrs sexplique

    davantage par les conditions dans lesquelles se droulent lopration de consommation,

    que par la faiblesse ou lincomptence du consommateur.

    9. En fonction de lexplication donne au besoin de protection des consommateurs,

    le choix des moyens permettant de raliser lquilibre des contrats de consommation

    varie. Sil est admis que le besoin de protection dcoule du dsquilibre de comptence

    entre consommateur et professionnel et donc de la mauvaise qualit du consentement du

    consommateur, la protection du consommateur peut alors tre ralise par ladoption de

    mesures permettant de garantir la qualit de son consentement. Il retrouverait alors la

    facult de veiller seul ses intrts lorsquil contracte et il pourrait refuser de contracter

    des contrats dsquilibrs son dtriment. De nombreuses dispositions consumristes,

    influant sur les contrats de consommation, se fondent sur lide de renforcer la ralit et

    lintgrit du consentement du consommateur. Ainsi, le droit de la consommation repose

    massivement sur lobligation faite aux professionnels dinformer les consommateurs sur

    23

    Lapparition des grands magasins Paris est illustre par le roman de ZOLA, Au Bonheur des Dames. 24

    J. K. GALBRAITH, Le Nouvel Etat industriel : Essai sur le systme conomique amricain. Paris :

    Gallimard, 1967.

  • La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation

    22

    les produits et les conditions des contrats quils leur proposent. De mme, les facults de

    rtractation qui leur sont parfois accordes leur permettent de se dlier sans difficults des

    contrats dont ils nont pas pu apprcier toute la porte au moment de sa conclusion.

    Mme si ces rgles sont parfois drogatoires celles dcoulant de la thorie gnrale du

    contrat, elles reposent sur une conception subjective du contrat, qui est celle de la thorie

    classique du contrat, et par l mme, elles sinscrivent dans le prolongement de la thorie

    de lautonomie de la volont25

    . Lamlioration de la comptence du consommateur et de

    la qualit de son consentement est utile pour lui permettre de djouer les techniques de

    sduction toujours plus pousses employes par les professionnels, de choisir les biens

    qui rpondent ses attentes et de refuser les contrats dont le dsquilibre est criant. Mais

    cette orientation est insuffisante parce quelle ne restaure pas leur facult de ngocier le

    contenu du contrat26

    , aussi bien sur les caractristiques du produit quils se procurent

    lorsquil est fabriqu en srie, que sur les conditions accessoires du contrat lorsquelles

    sont prrdiges et proposes par le professionnel.

    10. En revanche, si le besoin de protection des consommateurs sexplique par des

    lments extrieurs aux consommateurs et structurels lopration de consommation,

    alors la raction du droit de la consommation doit, en outre, sorganiser autour de moyens

    dont le fondement ne repose pas sur laltration du consentement du consommateur. Ils

    doivent prvenir et corriger les dsquilibres du contrat de consommation, imposs par

    les professionnels, en raison de leur emprise sur la dtermination du contenu du contrat, et

    au moyen de lutilisation de pratiques parfois dloyales destines favoriser la conclusion

    des contrats. Cette approche sinscrit alors dans le mouvement plus large de

    renouvellement des fondements du contrat. La thorie classique du contrat, issue des

    dispositions du Code civil adoptes en 1804, a son origine dans les ides de la philosophie

    individualiste du XVIIIme

    sicle et du libralisme conomique, rsumes par la clbre

    formule de Fouille Qui dit contractuel, dit juste . Dune part, lindividu, libre, ne peut

    tre soumis qu des obligations auxquelles il a accept de se soumettre. Dautre part, la

    25

    J.-P., PIZZIO, art. prc., n 8 : Le droit de la consommation sinscrit en fait dans la continuit du droit

    civil, dans la mesure o il participe, dune part la restauration du principe de lautonomie de la volont en

    restituant au consommateur son libre arbitre mme sil utilise pour y parvenir des procds exorbitants du

    droit commun, dautre part la restauration de lquilibre contractuel par llimination des clauses

    abusives . 26

    Ph. MALINVAUD, art. prc., p. 49.

  • Introduction

    23

    confrontation de deux liberts antagonistes, qui veillent chacune la prservation de leurs

    intrts, devrait ncessairement aboutir lquilibre du contrat. La volont de lindividu

    est alors rige en fondement du contrat. Le contrat est peru comme un acte

    minemment subjectif dont la force obligatoire dcoule de la seule volont des parties et

    dont le contenu ne peut tre fix que par les parties, ce qui limite lintervention du

    lgislateur dans la dtermination du contenu du contrat aux seules hypothses o lintrt

    gnral est en cause, et qui exclut toute intervention du juge. Pour expliquer les solutions

    du Code civil fondes sur la volont des parties, les auteurs de la fin du XIXme

    sicle ont

    alors formul la thorie de lautonomie de la volont qui lve la volont en vritable

    dogme27

    .

    11. Mais lide que la thorie de lautonomie de la volont puisse rellement fonder la

    force obligatoire du contrat a t remise en cause. Dabord, cette thorie, si elle rvle la

    conception subjective du contrat qui prdominait alors, ne reflte pas compltement la

    ralit des solutions du Code civil. Elle a t formule, la fin du XIXme

    sicle, pour

    rvler les insuffisances de la thorie classique du droit des contrats. Pour appuyer leur

    dmonstration, les auteurs ont amplifi le rle de la volont dans lexplication des

    solutions du Code civil, quitte en aplanir les nuances ou les contradictions28

    . En ralit,

    le Code civil na jamais consacr la toute-puissance de la volont des parties un

    contrat29

    . Ensuite, les postulats sur lesquelles elle repose, et notamment la possibilit pour

    chacun dexercer une volont libre de toute contrainte, ont t remis en cause, en relevant

    justement que lautonomie de la volont ne peut conduire des contrats justes que si les

    parties disposent des mmes armes pour ngocier le contenu du contrat. Or, depuis

    ladoption du Code civil, les situations dans lesquelles une des parties est en mesure

    dimposer ces conditions en raison des contraintes qui psent sur lautre partie nont eu de

    cesse de se multiplier. Plusieurs fondements, venant complter, voire remplacer, la

    volont des parties, ont t formuls pour expliquer la force obligatoire des contrats :

    conception positive du contrat, solidarisme contractuel, conciliation par le droit objectif

    27

    V. notamment GOUNOT, Le principe de lautonomie de la volont en droit priv : contribution ltude

    critique de lindividualisme juridique. Paris : A. Rousseau, 1912. 28

    J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations : 1, Lacte juridique. 14me

    d., Paris : Sirey :

    Dalloz, 2010, nos

    104 et s. 29

    M. BORYSWICZ, art. prc., p. 93.

  • La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation

    24

    de lutile et du juste30

    . Au-del des diffrences profondes qui existent parfois entre les

    fondements proposs, une constante se dgage : le contrat nest plus apprhend comme

    un pur produit de la volont, il prend une coloration plus objective. Ainsi, des

    considrations extrieures la volont des parties doivent tre prises en compte pour

    dterminer le contenu des contrats, quelles tiennent au solidarisme social ou aux

    impratifs dutilit sociale et de justice contractuelle. Cette transformation du droit des

    contrats 31

    nest pas spcifique aux contrats de consommation. Toutefois, de nombreuses

    dispositions consumristes applicables aux contrats de consommation se rattachent une

    conception objective du contrat en ce quelles sont guides par des considrations

    extrieures la volont des parties telles que la dtermination du contenu des contrats de

    consommation par des dispositions impratives, linterprtation du contrat en faveur du

    consommateur ou lradication des clauses abusives quelle que soit laltration du

    consentement du consommateur.

    12. Ltude de la sanction des dispositions consumristes applicables aux contrats de

    consommation conforte lide selon laquelle lincomptence du consommateur nest pas

    la principale cause du dsquilibre des contrats de consommation. En effet, elle renverse

    la perspective. Plutt que de sintresser au besoin de protection, elle impose dexaminer

    le comportement du professionnel, qui conditionne lapplication des sanctions. Il apparat

    alors, que les dsquilibres ne sont pas seulement inhrents la faiblesse du

    consommateur, ou mme, aux caractristiques de lopration de consommation. Ils ont

    leur origine dans les abus, la mauvaise foi ou labsence de loyaut des comportements de

    certains professionnels qui tirent parti de lincomptence des consommateurs, et surtout,

    de limpossibilit matrielle dans laquelle ces derniers se trouvent, pour imposer la

    conclusion dun contrat non dsir ou pour proposer des contrats significativement

    dsquilibrs. A y regarder de plus prs, les obligations spcialement imposes aux

    30

    Pour une prsentation gnrale de ces diffrentes thories v. J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, op.

    cit., nos

    118 120 ; J. GHESTIN , Trait de droit civil : La formation du contrat. 3me

    d., Paris : LGDJ, 1993,

    nos

    182 et s. Plus prcisment sur le fondement positiviste du contrat : H. KELSEN, La thorie juridique de

    la convention , APD, 1940, p. 33 ; G. ROUHETTE, Droit de la consommation et thorie du contrat , in

    Etudes offertes Ren Rodire, Paris : Dalloz, 1981, p. 247 ; sur le solidarisme contractuel v. notamment

    louvrage collectif : L. GRYNBAUM et M. NICOD (dir.), Le solidarisme contractuel. Paris : Economica,

    2004 ; et sur le fondement du contrat sur la conciliation par le droit objectif de lutile et du juste : J.

    GHESTIN, op. cit., 3me

    d., Paris : LGDJ, 1993, nos

    223 282. 31

    C. THIBIERGE-GUELFUCCI, Libres propos sur la transformation du droit des contrats , RTD civ., 1997,

    p. 357.

  • Introduction

    25

    professionnels par les dispositions consumristes pourraient se fonder sur les principes de

    bonne foi ou de loyaut contractuelle32

    . Les termes employs par les dispositions

    consumristes sont rvlateurs. Par exemple, linterdiction des pratiques commerciales

    dloyales33

    , la prohibition des fraudes33

    et des falsifications33

    , linterdiction des clauses

    abusives33

    , traduisent cette ide. Ce changement de perspectives permet denvisager le

    droit de la consommation comme un lment dun droit civil professionnel qui tend

    moraliser leurs comportements lorsquils contractent avec des particuliers34

    . Cette

    moralisation des comportements des professionnels est dautant plus importante que la

    violation du droit de la consommation, compte tenu de la standardisation des contrats de

    consommation, est rpte de nombreuses fois35

    . En ce sens, Monsieur Raymond relve

    justement que bien dautres branches du droit comportent des mesures de protection et

    il ne viendrait lide personne de dire que les victimes dagissements illicites, dfinis

    dans ces diffrentes branches du droit, seraient des incapables 36

    . Il apparait alors que le

    consommateur na pas seulement besoin dtre protg de son incomptence, il doit tre

    protg de la mauvaise foi de certains professionnels. Cette justification de lencadrement

    des rapports de consommation explique pourquoi le droit de la consommation est

    galement prsent comme un lment permettant de favoriser le libre exercice de la

    concurrence en assainissant les pratiques des professionnels. Les vertus du droit de la

    consommation sur la concurrence expliquent lintervention croissante du droit

    communautaire en la matire et son influence grandissante sur les dispositions nationales.

    B. Un droit sous influence communautaire

    13. Les consommateurs occupent une place essentielle dans le fonctionnement du

    march, qui peut tre dfini comme le lieu de la confrontation dune offre et dune

    demande qui permet la fixation dun prix 37

    . Leurs dcisions individuelles composent la

    32

    J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, op. cit. 33

    Souligns par nous. 34

    D. FERRIER, Le droit de la consommation, lment dun droit civil professionnel , in Etudes de droit

    de la consommation : Liber amicorum Jean Calais-Auloy, Paris : Dalloz, 2004, p. 373. 35

    J. CALAIS-AULOY, Linfluence du droit de la consommation sur le droit des contrats , RTD civ., 1994,

    p. 140 : La consommation est un phnomne de masse : les intrts lss, petits si on les examine un un,

    sont considrables si on les prend globalement . 36

    G. RAYMOND, op. cit., n 39. 37

    G. CANIVET et C. CHAMPALAUNE, Le comportement du consommateur dans la dfinition du march ,

    in Etudes de droit de la consommation : Liber amicorum Jean Calais-Auloy, Paris : Dalloz, 2004, p. 227.

  • La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation

    26

    demande. La protection de leur consentement apparait alors comme un lment

    permettant de favoriser le jeu de la libre concurrence entre les entreprises38

    . LUnion

    europenne, dont lobjectif principal est la ralisation dun march unique concurrentiel,

    ne pouvait rester longtemps indiffrente la protection des intrts des consommateurs

    qui se dveloppait dans plusieurs lgislations de ses Etats membres. Ds 1975, le Conseil

    des ministres de la Communaut conomique europenne a adopt un programme

    daction prliminaire pour la protection et linformation des consommateurs. Depuis,

    linfluence du droit communautaire39

    dans la politique de protection des consommateurs

    et dans ladoption de dispositions spcialement consumristes na cess de croitre40

    , tel

    point que lexistence dun droit communautaire de la consommation peut tre affirme41

    .

    14. Dans un premier temps, la protection des consommateurs ne relevait pas

    directement du champ de comptence communautaire. Elle tait une comptence par

    premption42

    , cest--dire une comptence nationale dans laquelle la Communaut

    conomique europenne ne pouvait intervenir que pour le rapprochement des lgislations

    des Etats membres qui exeraient une influence directe sur ltablissement ou le

    fonctionnement du march commun43

    ou sur ltablissement ou le fonctionnement du

    38

    Ibid., p. 243 : La protection du fonctionnement libre de la concurrence repose aussi sur un choix clair

    du consommateur, sur son information prcise et exacte, sur la rglementation des signes de qualit de

    nature influencer son choix, sur la prvention des pratiques faussant son jugement, sur la prservation,

    enfin et surtout, de son libre consentement. Le droit de la consommation qui doit assurer lexpression de ce

    choix libre et clair vient ainsi conforter le droit de la concurrence dans la prservation du fonctionnement

    efficace du march . 39

    Dans cette tude, mme si lUnion europenne a remplac la Communaut conomique europenne

    depuis lentre en vigueur du Trait de Maastricht, lexpression de droit communautaire sera prfre

    celle de droit europen , pour dsigner tant le droit primaire, que driv ou jurisprudentiel, issu des

    institutions de lUnion europenne. Lexpression droit europen sera employe pour dsigner le droit de

    la Convention europenne de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales. Sur ces

    questions terminologiques v. E. POILLOT, Droit europen de la consommation et uniformisation du droit

    des contrats. Paris : LGDJ, 2006, nos

    10 15. 40

    Sur linfluence du droit communautaire dans le droit de la consommation en France, v. parmi une

    littrature abondante : J. LAFFINEUR, Lvolution du droit communautaire relatif aux contrats de

    consommation , RED consom., 2001, p. 19 ; E. POILLOT, Influence du droit de lUnion europenne et

    primaut de la loyaut : une protection incidente du consommateur ? , LPA, 24 novembre 2011, n 234, p.

    34 ; J.-P. PIZZIO, Droit communautaire de la consommation et droit franais de la consommation , in Le

    droit communautaire de la consommation, Paris : La documentation franaise, 2002, p. 187 41

    E. POILLOT, op. cit., nos

    16 et s. ; G. RAYMOND, op. cit., n 21 Contra. J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE,

    op. cit., n 43. 42

    GRARD L., Le principe de subsidiarit et le droit communautaire de la consommation , in Le droit

    communautaire de la consommation : Bilan et perspectives, Paris : La documentation franaise, 2002, p.

    141. 43

    Art. 100 du Trait instituant la Communaut conomique europenne.

  • Introduction

    27

    march intrieur44

    . Ds lors, les raisons de ladoption de rgles uniformes de protection

    des consommateurs ne pouvaient tre motives par la seule protection de leurs intrts.

    Lintervention de lUnion europenne devait trouver sa source dans lobjectif de raliser

    un march commun. La protection du consommateur ntait apprhende par le droit

    communautaire que si la disparit des lgislations nationales en ce domaine tait un

    obstacle la ralisation de cet objectif45

    . Pourtant, la Communaut europenne a fait

    preuve de volontarisme en matire de protection des consommateurs. Parfois, la

    ralisation et le bon fonctionnement du march intrieur semblaient tre un prtexte

    ladoption de mesures consumristes46

    . Ainsi, outre les rglements prcisant, de manire

    trs dtailles, les prescriptions applicables un produit ou une catgorie de produits, de

    nombreuses directives ont t adoptes sur ces fondements : la directive n 85/577/CEE

    du 20 dcembre 1985 concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats

    ngocis en dehors des tablissements commerciaux ; la directive n 87/102/CEE du 22

    dcembre 1986 relative au rapprochement des dispositions lgislatives, rglementaires et

    administratives des Etats membres en matire de crdit la consommation ; la directive

    n 90/314/CEE du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits forfait et la

    directive n 93/13/CE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats

    conclus avec les consommateurs47

    .

    15. Dans un second temps, partir de lentre en vigueur du Trait de Maastricht le

    1er

    novembre 1993, la protection des consommateurs a t leve au rang des objectifs de

    lUnion europenne. Ainsi, larticle 129 A du Trait sur lUnion europenne prvoyait

    que la communaut contribue la ralisation dun niveau lev de protection des

    consommateurs . Il a t repris, avec quelques modifications, par larticle 153 du Trait

    dAmsterdam, puis par larticle 169 du Trait de Lisbonne (Trait sur le fonctionnement

    de lUnion europenne entr en vigueur le 1er

    novembre 2009). La protection des

    44

    Art. 100 A du Trait sur lUnion europenne. 45

    T. BOURGOIGNIE, Droit et politique communautaires de la consommation : Une valuation des acquis , in Etudes de droit de la consommation : Liber amicorum Jean Calais-Auloy, Paris : Dalloz, 2004, p. 97 et

    s. ; J.-P. PIZZIO, art. prc., nos

    25 et s. 46

    L. GRARD, Le principe de subsidiarit et le droit communautaire de la consommation , in Le droit

    communautaire de la consommation : Bilan et perspectives, Paris : La documentation franaise, 2002, p.

    147. 47

    Pour une prsentation de ces directives v. T. BOURGOIGNIE, Droit et politique communautaires de la

    consommation : Une valuation des acquis , in Etudes de droit de la consommation : Liber amicorum Jean

    Calais-Auloy, Paris : Dalloz, 2004, p. 95 ; J. LAFFINEUR, Lvolution du droit communautaire relatif aux

    contrats de consommation , RED consom., 2001, p. 19.

  • La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation

    28

    consommateurs peut dsormais servir de fondement unique lintervention du lUnion

    europenne. Malgr cela, lintervention de lUnion europenne en matire de politique de

    protection est toujours justifie, au moins en partie, par la ralisation ou le bon

    fonctionnement du march commun, ce qui permet daccroitre linfluence des

    dispositions communautaires en adoptant des directives dharmonisation totale.

    16. En effet, ces dernires annes, linfluence du droit communautaire dans la

    lgislation franaise en matire de protection des consommateurs sest renforce. Dune

    part, la lgislation franaise, qui tait, par lexemple, un lment moteur de la politique de

    protection des consommateurs, tel point quil na pas t ncessaire de transposer

    certaines directives, est devenu un lment suiveur. Les directives europennes entranent

    alors des modifications importantes dans le systme juridique franais. En outre, aprs

    avoir adopt des directives sectorielles limites un contrat particulier ou une pratique

    dtermine, parfois qualifies de verticales, lorientation choisie est dadopter des

    directives transversales, parfois qualifies dhorizontales, rglementant de manire

    gnrale les pratiques commerciales des professionnels ou applicables tous les contrats

    de consommation. Lide est de renforcer la cohrence et la lisibilit des dispositions

    relatives aux contrats de consommation mises mal par laccumulation de directives

    sectorielles dans ce domaine. La directive n 2005/29/CE relative aux pratiques

    commerciales dloyales des professionnels vis--vis des consommateurs est une premire

    tape en ce sens. Le choix a t fait de dfinir de manire gnrale les pratiques

    commerciales dloyales qui sont prohibes, plutt que de dresser une liste limitative des

    pratiques interdites. Les dispositions qui en sont issues ont alors vocation se substituer

    toutes les dispositions nationales qui ont pour objet de limiter ou de prohiber les pratiques

    commerciales des professionnels vis--vis des consommateurs. Ensuite, la volont

    dadopter une directive cadre qui rviserait huit directives a t formule par la

    Commission europenne48

    . Une premire proposition de directive a t adopte le 8

    octobre 200849

    . La rvision tait limite quatre directives. La directive n 2011/83/CE

    relative aux droits des consommateurs a finalement t adopte le 25 octobre 2011. Elle

    48

    Livre vert sur la rvision de lacquis communautaire en matire de protection des consommateurs.

    COM(2006), 744 final, n 4.2. 49

    C. AUBERT de VINCELLES, Naissance dun droit communautaire de la consommation , RDC, 2009, p.

    578 ; G. PAISANT, Proposition de directive relative aux droits des consommateurs : Avantage pour les

    consommateurs ou avantage pour les professionnels ? , JCP G, 2009, p. 118.

  • Introduction

    29

    tend uniformiser lobligation prcontractuelle dinformation qui pse sur le

    professionnel avant la conclusion de tout contrat de consommation, les rgles concernant

    le droit de rtractation dans les contrats conclus distance et les contrats conclus, hors

    tablissement ainsi que certaines rgles applicables au contrat de vente.

    17. Dautre part, linfluence du droit communautaire est dautant plus grande que,

    mme si elle fait lobjet de vives critiques50

    , lharmonisation totale des lgislations des

    Etats membres simpose progressivement51

    . Les Etats ne peuvent alors ni adopter des

    lgislations nationales moins protectrices pour les consommateurs, ni adopter des

    lgislations plus protectrices pour les consommateurs. Ainsi, la Cour de justice de lUnion

    europenne, anciennement Cour de justice des communauts europennes, a dcid que la

    directive relative aux pratiques commerciales dloyales imposait une harmonisation

    complte des lgislations des Etats membres. Par ailleurs, la directive cadre n

    2011/83/CE, relative aux droits des consommateurs, consacre expressment le choix de

    lharmonisation totale. Mais concernant les sanctions, la marge de manuvre laisse aux

    Etats par les dispositions des directives communautaires est beaucoup plus grande.

    Aucune sanction uniforme nest prvue. Dans la plupart des cas, les directives

    communautaires intervenant en matire de protection des consommateurs prcisent

    simplement les lignes directrices qui doivent inspirer les lgislateurs nationaux lorsquils

    dictent des sanctions. Ces dernires doivent tre effectives, proportionnes et

    dissuasives 52

    .

    18. Si linfluence du droit communautaire en matire de lgislation consumriste est

    grandissante, le droit communautaire de la consommation se rapproche des dispositions

    internes en ce quil sapplique principalement aux relations contractuelles des

    consommateurs et des professionnels.

    50

    C. AUBERT de VINCELLES, art. prc., n 6 et s. ; J. HUET, Le scandale de lharmonisation totale , RDC,

    2011, p. 1070. 51

    Livre vert sur la rvision de lacquis communautaire en matire de protection des consommateurs.

    COM(2006), 744 final, n 4.5. 52

    Sur ces caractres v. Caractres des sanctions communautaires , in Lacquis communautaire Les

    sanctions de linexcution du contrat. Paris : Economica, 2006, p. 51.

  • La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation

    30

    C. Un droit enchan la notion de contrat 53

    19. En raison de ladoption des dispositions consumristes par des lois successives et

    sectorielles, le champ dapplication du droit de la consommation a des contours

    incertains. Il varie en fonction du domaine dans lequel intervient la protection

    consumriste. Ainsi, si le droit de la consommation est en principe applicable aux

    rapports entre consommateurs et professionnels, la loi prvoit souvent que les dispositions

    protectrices des intrts des consommateurs peuvent galement profiter galement aux

    non-professionnels. Certaines dispositions, prsentes gnralement comme faisant partie

    du droit de la consommation, et figurant dans le Code de la consommation, sappliquent

    mme au-del des rapports entre professionnels et non-professionnels. Par exemple, la

    lgislation sur les fraudes et falsifications cre par la loi du 1er

    aot 2005 sur les fraudes

    et falsifications en matire de produits ou de services, et intgre aux articles L. 213-1 et

    suivants du Code de la consommation, sapplique tous les contrats quelle que soit la

    qualit des parties.

    20. Une constante se dgage toutefois de lexamen des dispositions considres

    comme faisant partie du droit de la consommation54

    : les obligations imposes par les

    dispositions du droit de la consommation le sont, gnralement, dans un cadre

    contractuel. Ainsi, de nombreux contrats spciaux sont soumis un rgime spcifique par

    des dispositions consumristes comme par exemple le contrat de crdit conclu entre un

    consommateur et un professionnel du crdit, le contrat de fourniture dlectricit ou de

    gaz naturel, le contrat de service de communications lectroniques, ou encore, le contrat

    de jouissance dimmeuble temps partag. En dehors du Code de la consommation,

    certaines dispositions encadrent galement les contrats conclus entre professionnels et

    consommateurs. Ainsi, les contrats dassurance sont soumis aux dispositions du Code des

    assurances. De mme, les contrats de voyages forfait sont soumis au Code du tourisme.

    53

    J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation. 8me

    d., Paris : Dalloz, 2010, n 8. 54

    Le contenu du droit de la consommation est sujet discussion (J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, op. cit.,

    n 17 : une dlimitation prcise du droit de la consommation [] nest ni possible, ni utile ). Certains

    auteurs retiennent une conception trs large du droit de la consommation qui regroupait lensemble des

    dispositions dont lapplication permettait dassurer la protection des consommateurs. Cette conception, qui

    permet dinsrer dans le droit de la consommation certaines rgles de thorie gnrale des contrats comme

    la thorie des vices du consentement ou la garantie des vices cachs, ainsi que certaines incriminations

    gnrales du droit pnal spcial, est minoritaire Elle ne sera pas retenu par la suite parce quelle fait perdre

    toute spcificit la protection consumriste. Ne seront tudies que les dispositions dont linspiration

    principale est la protection des intrts des consommateurs.

  • Introduction

    31

    Ces dispositions prcisent le mode de formation des contrats ainsi que certains lments

    de leur contenu. Dans le mme ordre dide, de nombreuses dispositions, souvent

    rglementaires, dtaillent les caractristiques que doivent prsenter les produits proposs

    aux consommateurs par les professionnels. Elles participent ainsi dfinir le contenu de

    leurs obligations contractuelles et notamment le contenu de lobligation de dlivrance

    conforme. Dautres sries de rgles ont pour objet dencadrer un type de contrat. Mais

    cette fois, ce dernier se caractrise, non pas par lobjet de lobligation des parties, mais

    par les modalits de sa formation. Ainsi, les dispositions des articles L. 121-16 et suivants

    du Code de la consommation encadrent la conclusion des contrats conclus distance,

    celles des articles L. 121-21 et suivants encadrent les contrats conclus la suite dun

    dmarchage.

    21. A ct de ces lgislations qui sintressent un type particulier de contrats,

    caractriss par leur objet ou par les modalits de leur conclusion, de nombreuses

    dispositions pnales rglementent les pratiques des professionnels vis--vis des

    consommateurs, telles que la prohibition des fraudes et falsifications, ou plus

    gnralement, la prohibition des pratiques commerciales dloyales. Ltude de ces

    comportements prohibs55

    permet dtablir quils sinscrivent presque toujours dans un

    cadre contractuel, et plus prcisment, quils sont susceptibles dtre commis dans la

    phase prcontractuelle en vue dinciter les consommateurs conclure des contrats. Ces

    dispositions pnales, a priori trangres au contrat de consommation, sy rattachent parce

    que les comportements incrimins ne peuvent tre commis que dans le cadre dun rapport

    contractuel ou pour favoriser la conclusion dun contrat. Enfin, de nombreuses

    dispositions rglementent le contenu du contrat, telles que celles qui prescrivent

    linterprtation du contrat en faveur du consommateur ou encore lradication des clauses

    abusives. Il apparat alors que les dispositions dont lapplication nest pas justifie par un

    contrat, dj conclu ou simplement envisag, sont rares. Il sagit essentiellement des

    rgles relatives la scurit des personnes, qui concernent lensemble des utilisateurs,

    quels que soient leurs rapports avec le producteur. Ces questions relatives la scurit des

    personnes dpassent le strict cadre du droit de la consommation. Finalement, le droit de la

    consommation apparat dabord comme un droit contractuel. Il sagit dun droit spcial,

    55

    Sur les comportements pnalement sanctionns v. infra nos

    362 et s.

  • La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation

    32

    applicable certains contrats seulement. Pour dsigner les contrats soumis cet ensemble

    de dispositions drogatoires au droit commun, lemploi de lexpression contrat de

    consommation sest dvelopp.

    22. Pourtant, le contrat de consommation nest pas un contrat nomm. Ainsi, la notion

    de contrat de consommation nest ni dfinie, ni employe par la loi. Lexpression avait

    fait son apparition au moment de lentre en vigueur du Code de la consommation

    larticle L. 211-1 du Code de la consommation qui disposait les rgles relatives la

    garantie des vices cachs dans les contrats de consommation56

    sont fixes par les

    articles 1641 1648, premier alina, du code civil reproduits ci-aprs . Avec la

    transposition de la directive n 1999/44/CE sur certains aspects de la vente et des

    garanties des biens de consommation, par lordonnance n 2005-136 du 17 fvrier 2005,

    larticle L. 211-1 du Code de la consommation a t modifi et lexpression a disparu des

    termes de la loi. Actuellement, lexpression de contrat de consommation , au singulier

    ou au pluriel, est employe par quelques arrts57

    . Ces textes nont, daucune manire,

    pour objet de rglementer un quelconque contrat de consommation puisquils dfinissent

    les programmes denseignement ou les modalits dexamen de certaines filires. De

    mme, lexpression de contrat de consommation nest pas employe en jurisprudence58

    .

    56

    Souligns par nous. 57

    Article annexe 2 de lArrt du 28 dcembre 2011 fixant le programme dconomie-droit du cycle

    terminal de la srie sciences et technologies du management et de la gestion ; article annexe II de lArrt

    du 19 mai 2010 dfinissant la spcialit de certificat daptitude professionnelle distribution dobjets et de

    services la clientle et fixant ses conditions de dlivrance ; article annexe de lArrt du 23 juin 2009

    fixant le programme denseignement de prvention sant environnement pour les classes prparatoires au

    certificat daptitude professionnelle ; article annexe I de lArrt du 9 avril 2009 portant dfinition et fixant

    les conditions de dlivrance du brevet de technicien suprieur assistant de gestion de PME-PMI

    rfrentiel commun europen ; article annexe de lArrt du 24 juillet 2007 portant dfinition et fixant les

    conditions de dlivrance du brevet de technicien suprieur " commerce international rfrentiel commun

    europen " ; article annexe de lArrt du 14 dcembre 2004 fixant le programme de lenseignement

    dconomie-droit en classe terminale de la srie sciences et technologies de la gestion. 58

    Une recherche effectue le 28 aot 2012 sur le moteur de recherche experte dans la jurisprudence

    judiciaire propos par le site lgifrance.gouv.fr. donne un seul rsultat pour lexpression exacte contrat de

    consommation dans tout : un arrt de la premire Chambre civile du 21 mai 1997. Lexpression

    napparat pas dans le texte de larrt mais dans le titrage.

  • Introduction

    33

    Elle apparat alors comme une commodit linguistique qui sest dveloppe en doctrine59

    ,

    et qui dsigne les contrats auxquels sapplique le droit de la consommation. Pourtant,

    certains auteurs doutent de lexistence de la catgorie des contrats de consommation qui

    serait soumise un ensemble de dispositions spcifiques60

    . Son encadrement par des

    dispositions spcialement consumristes se justifie par les particularits quils prsentent.

    23. Le contrat de consommation nest pas un contrat nomm par la loi, il nest pas non

    plus un contrat spcial tel quil est envisag traditionnellement. Les contrats spciaux se

    distinguent les uns des autres et se caractrisent par lobjet des obligations des parties.

    Les diffrentes dfinitions des contrats spciaux, nomms par le Code civil, sont, ce

    titre, significatives. Elles caractrisent toutes le contrat spcial par les obligations

    principales des parties. Par exemple, larticle 1582 du Code civil dfinit la vente comme

    la convention par laquelle lun soblige livrer une chose, lautre payer le prix . De

    mme, larticle 1709 du Code civil dfinit le bail par les obligations principales des

    parties comme un contrat par lequel lune des parties soblige faire jouir lautre dune

    chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci soblige lui

    payer . La qualit des parties au contrat dcoule alors de la qualification du contrat, celui

    qui sengage transfrer la proprit dun bien contre paiement dun prix est le vendeur,

    celui qui sengage payer le prix contre la proprit dun bien est lacheteur61

    .

    24. La qualification du contrat de consommation ne peut pas soprer en rfrence aux

    obligations des parties. En effet, les contrats de consommation sont protiformes au

    59

    Ds 1974, les huissiers de justice intitulent leur congrs national le contrat de consommation : Le

    contrat de consommation : contribution ltude de la condition juridique du consommateur. Paris : LGDJ,

    1974. V. galement limportant article de Monsieur Raymond, mettant en lumire lexistence de cette

    catgorie nouvelle : G. RAYMOND, Les contrats de consommation , in Aprs le Code de la

    consommation, grands problmes choisis. Paris : Litec, 1995, p. 37. Actuellement, lexpression est

    couramment employe en doctrine, elle commence mme faire son apparition dans les index

    alphabtiques des manuels gnraux de droit des contrats ou de droit des obligations. Ainsi, lindex de

    louvrage de Madame Fabre-Magnan de 2010 renvoie aux pages 143, 200, 271 et 400 ; celui de Monsieur

    Bnabent de 2010 renvoie aux nos

    24 et 106 ; celui de Messieurs Terr, Simler et Lequette de 2009 renvoie

    aux nos

    74 et 615. 60

    V. par exemple, N. RZEPECKI, Droit de la consommation et thorie gnrale du contrat, Aix-en-

    Provence : PUAM, 2002, n 523 : Le contrat de consommation nexiste pas. []. Il ny a que des contrats

    de consommation, se ressemblant certes, mais non rductibles une mme espce, voire un mme

    genre . 61

    V. toutefois, sur la qualification du contrat de transport : X. HENRY, La technique des qualifications

    contractuelles. Thse de doctorat, Nancy, 1992, n 909 et s. Lauteur met en lumire loriginalit de

    lopration de qualification du contrat de transport qui dpend de la qualit de professionnel de lune des

    parties au contrat.

  • La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation

    34

    regard des obligations des parties. Il nexiste pas un contrat de consommation avec des

    obligations prdfinies, mais des contrats de consommation qui suivent les catgories des

    contrats spciaux dj existantes : vente, prestation de service, bail, prt Parfois, les

    dispositions consumristes spcialement applicables aux contrats de consommation

    donnent naissance des contrats nomms originaux qui ne sont pas spcialement

    rglements par des dispositions gnrales comme le contrat de jouissance dimmeuble

    temps partag, le contrat de voyage forfait ou encore le contrat de courtage

    matrimonial62

    . Si la qualification de contrat de consommation ne sopre pas au moyen

    des obligations principales, elle sopre par la qualit des parties qui lont conclu63

    . Ainsi,

    le contrat de consommation est un contrat conclu entre un professionnel et un

    consommateur64

    . La qualit des parties nest pas la consquence de la qualification de

    contrat de consommation, comme cest le cas pour les contrats spciaux, mais son

    origine. Le contrat de consommation est alors une famille de contrat , qui sinsre

    entre la thorie gnrale des contrats et celle des contrats spciaux65

    .

    25. Pour identifier les contrats de consommation, il est donc ncessaire de prciser les

    notions de professionnels et de consommateurs. Toutefois, ni la notion de professionnel,

    ni celle de consommateur, ne sont dfinies par la loi. La notion de professionnel ne

    soulve quasiment pas de difficult, il existe un consensus pour admettre quil sagit de

    la personne physique ou morale qui agit dans le cadre dune activit habituelle et

    organise de production, de distribution ou de prestation de service 66

    . En revanche, la

    notion de consommateur est plus incertaine. La difficult de dfinir le consommateur est

    accrue par le fait que ce nest pas une qualit intrinsquement lie la personne : tre

    consommateur dans un rapport contractuel est une qualit intrinsquement relative . La

    qualit de consommateur est variable. Elle nest pas fixe une fois pour toute, elle na de

    sens quau regard dun contrat dtermin. Le consommateur se dfinit par les motivations

    62

    N. SAUPHANOR-BROUILLAUD, Le contrat de consommation et les contrats spciaux , in Des contrats

    civils et commerciaux aux contrats de consommation : Mlanges en lhonneur du Doyen Bernard Gross,

    Nancy : PUN, 2009, p. 305, nos

    6 et 7. 63

    C. NOBLOT, La qualit du contractant comme critre lgal de protection : Essai de mthodologie

    lgislative. Paris : LGDJ, 2002, nos

    31 et s. 64

    G. RAYMOND, Une catgorie nouvelle : les contrats de consommation , in Les contrats de

    consommation : Journe dtude. Paris : PUF, 2001, p. 37. 65

    D. POMBIEILH, Lincidence du contrat de consommation sur lvolution du droit des contrats. Thse, Pau,

    2002, n 842 ; N. SAUPHANOR-BROUILLAUD, art. prc., n 9. 66

    J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation. Paris : Dalloz, 2010, n 3.

  • Introduction

    35

    quil poursuit lorsquil contracte. Seule ltude de la cause subjective, de ses mobiles,

    permet de lidentifier. Ainsi, le consommateur est celui qui contracte pour la satisfaction

    de ses besoins privs, par opposition celui qui contracte pour les besoins de sa

    profession. Mais la frontire entre les deux est poreuse et la jurisprudence tend intgrer

    dans la catgorie des consommateurs certains professionnels, soumis aux mmes

    difficults que les consommateurs pour ngocier le contrat conclu. Ds lors, la notion de

    consommateur peut tre apprhende plus ou moins largement, en intgrant ou non

    certaines personnes morales dans la catgorie des consommateurs et en intgrant ou non

    certains professionnels, qui agissent en dehors de leur sphre de comptences, ou

    concluent un contrat sans rapport direct avec leur activit.

    26. La doctrine, sappuyant sur les volutions jurisprudentielles relatives cette

    question, est partage sur la question de savoir sil faut retenir une conception troite ou

    large de la notion de consommateur67

    . Sans quil soit ncessaire de revenir sur les

    diffrentes conceptions du consommateur, il faut toutefois prciser celle qui sera retenue

    dans la suite de cette tude. La notion de consommateur sera apprhende troitement

    comme la personne physique qui contracte avec un professionnel pour la satisfaction de

    ses besoins privs et familiaux. Cette conception simpose pour plusieurs raisons.

    Premirement, une conception troite du consommateur semble prfrable afin de

    maintenir la pertinence du concept et lunit de la notion de consommateur, et par

    consquent, celle de la notion de contrat de consommation. Deuximement, il ne faut pas

    confondre le problme de la dfinition du consommateur et celui du champ dapplication

    des dispositions consumristes. Ainsi, Monsieur Beauchard remarque qu il y a en effet

    bien plus quune nuance entre le fait de dire dun ct que la notion de consommateur

    comprend, sous certaines conditions, des professionnels, et de lautre ct que certaines

    rgles du droit de la consommation peuvent, par analogie, bnficier certains

    professionnels, mais en reconnaissant quils ne sont pas pour autant des

    67

    Sur la notion de consommateur, v. notamment parmi une littrature abondante : J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, op. cit., n

    os 7 et s. ; A. CATHELINEAU, La notion de consommateur en droit interne : propos

    dune drive , CCC, 1999, chron n 13 ; H. CAUSSE, De la notion de consommateur , in Aprs le

    Code de la consommation, grands problmes choisis. Paris : Litec, 1995, p. 21M. LUBY, Notion de

    consommateur : ne vous arrtez pas lapparence , CCC, 2002, chron. n 14 ; L. LANDY, Le

    consommateur europen : une notion clate , in Vers un code europen de la consommation, Bruxelles :

    Bruylant, 1998, p. 57 ; J. MEL, La notion de consommateur europen , LPA, 31 janvier 2006, n 22, p. 5 ;

    G. PAISANT, Essai sur la notion de consommateur en droit positif , JCP E, 1993, I, 267.

  • La sanction de la violation du droit de la consommation dans les contrats de consommation

    36

    consommateurs 68

    . Il est donc possible de retenir une conception troite du

    consommateur, pour lequel les dispositions du droit de la consommation seraient

    systmatiquement applicables, en laissant le soin au lgislateur dtendre, lorsque le

    besoin sen fait sentir, la protection consumriste dautres catgories de personnes, par

    exemple les non-professionnels, viss par certains textes consumristes69

    . Les non-

    professionnels pourraient tre des personnes morales comme des associations ou des

    personnes contractant pour les besoins de leur profession, mais sans rapport direct avec

    leur activit. Troisimement, une conception troite du consommateur serait plus

    conforme la dfinition qui est majoritairement retenue par les dispositions du droit

    communautaire et notamment celles de la directive dharmonisation totale n 2011/83/CE

    relative aux droits des consommateurs qui propose une dfinition uniforme de la notion

    de consommateur : le consommateur est toute personne physique qui, dans les contrats

    relevant de la prsente directive, agit des fins qui nentrent pas dans le cadre de son

    activit commerciale, industrielle, artisanale ou librale .

    27. La diversit des contrats que recouvre le concept de contrat de consommation peut

    laisser perplexe sur la possibilit den faire un objet dtude. Le risque est grand de

    dresser un catalogue de contrats spciaux, dtaillant les obligations spcifiques des parties

    et les sanctions applicables en cas dinexcution des contrats. Ce nest pas la voie qui a

    t choisie. Ltude mene sest concentre sur les problmatiques communes tous les

    contrats de consommation. Mais cette tude se heurte linexistence dune thorie

    gnrale du contrat de consommation. Ainsi, dans sa thse publie en 2002, Madame

    Rzepecki constate que si le droit de la consommation constitue un rassemblement de

    normes qui poursuivent une finalit commune, il ne se dtache pas pour autant de la

    thorie gnrale des contrats pour devenir une branche de droit part entire, dfaut

    pour lui, de constituer un ensemble cohrent de normes, applicable aux contrats de

    consommation70

    . Selon elle, labsence dune thorie gnrale du contrat de consommation

    trouve sa source moins dans le manque de spcificit des rapports de consommation

    68

    J. BEAUCHARD, Remarques sur le Code de la consommation , in Droit civil, procdure, linguistique

    juridique : crits en hommage Grard Cornu, Paris : PUF, 1994, p. 9, n 25. 69

    Sur la notion de non-professionnel v. Ch. GIAUME, Le non-professionnel est-il un consommateur ? ,

    LPA, 23 juillet 1990, p. 25 ; G. PAISANT, Retour sur la notion de non-professionnel , in Des contrats

    civils et commerciaux aux contrats de consommation : Mlanges en lhonneur au doyen Bernard Gross,

    Nancy : PUN, 2009, p. 231. 70

    N. RZEPECKI, Droit de la consommation et thorie gnrale du contrat. Aix-en-Provence : PUAM, 2002.

  • Introduction

    37

    [] que dans lattitude du lgislateur, plus proccup de rgir dans le dtail des

    oprations particulires que de sattacher la formation ambitieuse dun droit de la

    consommation 71

    . Depuis dix ans, la situation na pas volu. Les rformes sintressant

    la protection des consommateurs sont restes sectorielles et ont eu pour principale

    ambition de transposer les directives europennes adoptes en la matire72

    . La mauvaise

    qualit des transpositions, parfois opre par deux lois successives moins dun an

    dintervalle, accentue lincohrence et lillisibilit du droit de la consommation. Ce

    constat est dnonc par une doctrine unanime et de nombreux auteurs appellent de leurs

    vux une vritable refonte du droit de la consommation telle quelle a t propose ds

    1985 par la Commission de refonte du droit de la consommation. Les initiatives rcentes

    en ce sens, tant nationales73

    queuropennes74

    , sont dcevantes. Finalement, lincohrence

    du droit de la consommation nuit son application et lefficacit de la protection des

    consommateurs. Le droit de la consommation apparat alors comme un droit en recherche

    de lisibilit et de cohrence. En raison de la nature essentiellement contractuelle des

    rapports quentretiennent les consommateurs et les professionnels, cette cohrence doit

    dabord tre recherche autour dun rgime du contrat de consommation, qui fixerait les

    rgles communes qui leurs seraient applicables.

    71

    Ibid. n 560. 72

    Par exemple, la loi n 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans lconomie numrique intervient

    dans le domaine du commerce lectronique ; lordonnance n 2004-670 du 9 juillet 2004 transpose la

    directive 2001/95/CE sur la scurit gnrale des produits ; la loi n 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux

    communications lectroniques et aux services de communication audiovisuelle encadre un contrat de

    consommation particulier, le contrat de services de communication lectronique ; lordonnance n

    20056136 du 17 fvrier 2005 transpose la directive 1999/44/CE sur certains aspects de la vente et de la

    garantie des biens de consommation ; la loi n 2010-737 du 1er

    juillet 2010 portant rforme du crdit la

    consommation transposant la directive n 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les contrats de crdit aux

    consommateurs. 73

    Au niveau national, larticle 35 de la loi n 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le dveloppement de la

    concurrence au service des consommateurs autorisait le pouvoir excutif refondre, par ordonnance, le

    Code de la consommation. Il tait habilit inclure les dispositions de nature lgislative qui nont pas t

    codifies et damnager le plan du code . La comptence qui lui est attribue est donc limite. Encore une

    fois, la voie choisie ntait pas llaboration dun droit de la consommation cohrent, dont les principes

    directeurs sont dgags partir des solutions sectorielles et disparates actuelles. Lambition tait moindre :

    amliorer la codification droit constant (Y. PICOD, Rflexions sur la refonte du Code de la