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" Il y a trente ans que tout est révolu. Je n'ai pas réussi à oublier et je crains de n'y jamais parvenir. Certaines nuits, je m'é- veille à l'heure noire: un cauchemar m'agite. Une petite angoisse avide, un resserrement du coeur me tiennent là, immobile et songeur. J'ai mal à l'Algérie. Je pense à elle comme à un roman de mon enfan- ce morte, une disparue du temps de ma jeunesse. Je l'évoque comme une plaie inguérissable, une nostalgie perdue, une mélancolie toujours à fleur de regard, que le moindre souffle ranime. La blessure entre la France et l'Algérie se cicatrisera-t-elle un jour? "

Maurice Chevaly.

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LA CASBAH D'ALGER

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©EDITIONS AUTRES TEMPS - 1992 Tous droits de reproduction, de traduction ou d'adaptation

interdits pour tous pays.

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47. - A L G E R . - La K as bab - R u e de la M e r - R o u g e

Collect. Régenre - E. L, billi., Alger

La Casbah d'Alger au début du siècle

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Maurice CHEVALY

LA CASBAH D'ALGER

aux sources des souvenirs

Temps Mémoire Editions AUTRES TEMPS

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DU MEME AUTEUR :

- Au Petit Nice (Collectif, 1942), préface de Thyde Monnier

- Fleurs artificielles (Recueil collectif de poèmes), préface de Jean Giono : "Je n'aime pas les poètes"

- Le Chaste (Fayard, 1947) - Déodat Gridet (Fayard, 1950) - A la découverte d'un art dramatique vivant (Editions

l'Ecole, 1966) - Nouvelles de France (Revue Arcadie, mensuel) - Zidore Angelus parle (Prix de la Nouvelle et du Récit,

1971), préface de Roland Dhordain - Le Fada (Vollaire, 1973) - Giono à Manosque (Temps Parallèle, 1986 - Rééd.

1988), Prix de la Société des Gens de Lettres, 1987 - Genet - tome un : l'Amour Cannibale (Temps Parallèle,

1989), préface d'André Baudry - tome deux : l'Enfer à Fleur de Peau (Temps

Parallèle, 1989) - La Révolte des Moutons (Autres Temps, 1991)

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A Jean BRUNE, in memo riam

"Cette Haine qui ressemble à l'Amour"

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PREFACE

Des hommes et des femmes ont participé d'une manière active et souvent exemplaire à l'évolution de l'Afrique du Nord.

Français de métropole, ils ont vécu l ' Algérie, participant à sa prospérité et favorisant son ouverture au monde.

L'indépendance de l'Algérie a été douloureuse pour la plupart des Pieds-Noirs qui conservent au plus profond d'eux-mêmes le déchirement de la séparation avec ce qui fut leur terre d'élection, et pour beaucoup depuis plusieurs générations.

Ils ont droit à notre considération particulière, à notre compréhension et à notre fraternité.

Ce livre est un hommage à la mémoire de ce que fut leur histoire, au travers d'un des plus populaires quartiers d'Alger. Il était normal que l'Institution Régionale y soit associée.

Jean-Claude GAUDIN Président de la Région

Provence-Alpes-Côte d'Azur

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AFFICHES TOURISTIQUES SUR L'ALGERIE

(années 1930)

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et à ceux d'entre vous qui détiennent l'autorité" (4ème Sourate, verset 49). C'est l'équivalent de notre : "Rendez à César ce qui appartient à César".

A cause du Coran et d'un nationalisme exarcerbé par le F.L.N., les Algériens ont beaucoup supporté. Devant l'échec patent de la dictature du parti unique, l'Islam reprend ses droits. La révolution culturelle islamique, qu'elle soit sunnite ou chiite, réformiste ou intégriste, apporte des réponses spécifiques à toutes les questions. A condition, bien entendu, de considérer les problèmes selon un point de vue strictement islamique et de ne pas leur apporter les solutions matérialistes toutes faites que l'Occident, par l'intermédiaire des Etats-Unis, a la prétention d'imposer au monde entier.

Le "socialisme algérien", comme les autres, a fait long feu. Son discours mythique s'est vite heurté aux dures réalités. D'une part, l'Algérie demeure un pays essentiellement agricole, et l'on sait l'échec complet du marxisme en ce qui concerne l'agriculture. Par ailleurs, au moins quatre raisons principales opposent fondamentalement marxisme et Islam :

- le marxisme est purement matérialiste et athée (religion = opium du peuple),

- il impose la lutte des classes, alors que l'Islam n'exclut personne de la communauté des croyants, de même que les autres religions monothéistes,

- il suppose l'internationale des opprimés ("Prolétaires de tous les pays, unissez-vous") et le mondialisme (pays, races, frontières, plus rien ne compte, sauf les classes sociales) alors que, pour l'Islam, l'union des croyants ne tient pas compte de la répartition des biens de ce monde,

- enfin, la possession des moyens de production n'est pas l'élément fondamental de la société islamique qui la subordonne à la sainteté, à la famille, au devoir, à la morale...

C 'est que, nous l'avons dit, l'Islam n'est pas seulement une grande religion, mais aussi un mode de vie qui renforce le sentiment d ' appartenance à une communauté (oumma). Ceux qui sont nés ou qui ont vécu longtemps là-bas le savent bien : le Coran, la charia forment un tout d'où l'économique et le social ne sont pas absents. Un équilibre, difficile mais non irréalisable,

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peut être trouvé en associant l'héritage de l'Islam, dans toute sa dimension sociale, avec une conception libérale.

En jetant au cachot Cheikh Abassi Madani et son second Ali Bel-Hadj, en leur accordant la couronne des héros et la palme des martyrs, le F.L.N. joue un jeu dangereux et abat, peut-être, sa dernière carte.

L'Algérie, qui espérait des lendemains qui chantent et qui, pour cela, a consenti tant de sacrifices, après trente ans d'expérience socialiste se retrouve avec une classe dirigeante de nantis et de privilégiés, mais une agriculture ruinée, une économie à la dérive, une société qui se cherche, le mécontentement et la colère qui grondent, 200.000 jeunes de plus sur le marché du travail et un PNB inférieur de 1 % chaque année et, malgré toutes les richesses potentielles et les ressources inexploitées dont elle dispose, une migration massive vers la France.

Avec la perte de ses départements algériens, la République française n'est plus une et indivisible. Non seulement elle s'est mutilée, mais elle s'est engagée dans un dangereux processus de désagrégation. Devenue un pays comme un autre, la France perdrait définitivement son rayonnement mondial et l'espoir d'un grand dessein sans lesquels, selon le père Hugo, le monde se sent orphelin, s'il ne lui restait l'Europe en dernier recours. Mais, à la moindre faute, elle risque d'y sacrifier ce qu'il lui reste d'identité et d'indépendance.

A la lumière de ces conséquences désastreuses pour les deux pays, il apparaît clairement que la guerre franco-algérienne fut une guerre de dupes où tout le monde fut trompé, berné, floué, vendu, manipulé, trahi par tout le monde.

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I V

CHRONIQUE D'UNE MORT ANNONCEE

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S I L ' A L G E R I E E T A I T R E S T E E

F R A N C A I S E . . .

1) ... nous aurions évité une guerre, à la fois civile et militaire, de sept ans et quatre mois.

Pour des opérations engagées du 1er novembre 1954 au 19 mars 1962 avec un effectif de 2.000.000 d'hommes, voici les chiffres officiels des victimes pour les forces de l'ordre :

Morts : 23.716 pour l'armée de terre - 898 pour l'armée de l'air.

Blessés : 64.985 pour les trois armées. Disparus ou prisonniers : 1.000 pour les trois armées.

Pertes civiles :

- Tués européens : 2.788 (beaucoup plus selon les Associations de rapatriés).

- Tués musulmans : 16.378 (chiffre inclus dans le total général avancé par le F.L.N.).

- Disparus européens : 3.018 (beaucoup plus selon les Pieds-Noirs. Considérant que le nombre de tués et de disparus, pour Oran seulement, atteint et peut-être dépasse ce chiffre, il apparaît clairement qu'il s'agit là d'une estimation fortement minorée. Le total de 10.000, avancé par les Associations de rapatriés, semble, hélas, plus près de la réalité).

- Disparus musulmans : plus de 50.000 (?). L'imprécision de ce chiffre officiel est un aveu. Ces "disparus musulmans" sont, bien entendu, des harkis. Les supplétifs dans l'armée française ont été généralement estimés à 200.000. Or, 60.000 à peine réussirent à gagner la France. On peut donc évaluer à 140.000 le nombre de "disparus", sans compter leurs familles...

Victimes du terrorisme algérien en France (chiffres officiels - "Quid" 1982) :

(du 1er janvier 1956 au 23 janvier 1962)

- 4.176 morts et 8.813 blessés (musulmans : 3.957 morts et 7.745 blessés ; métropolitains civils : 150 morts et 649 blessés;

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militaires : 16 morts et 140 blessés ; policiers : 53 morts et 279 blessés).

N.B. 1 : On ne connait pas les chiffres exacts des victimes (européennes et musulmanes) du terrorisme algérien en Algérie, non plus que le nombre des victimes de la répression anti-O. A.S. par les barbouzes et les polices parallèles. Un certain nombre d'entre elles seulement fut pris en compte dans le total des "pertes civiles" (tués et disparus européens et musulmans).

N.B. 2 : En regard de ces chiffres effrayants, on ne comprend pas pourquoi seules les victimes de la répression d'une manifestation F.L.N. (alors que la France était en guerre) eurent droit à une commémoration autorisée de quelques centaines de personnes, répercutée et valorisée par tous les média, en octobre 1991.

A.L.N. - F.L.N. :

-Morts : 141.000 (estimation française). Selon le F.L.N., les pertes totales s'élèveraient à 1.000.000. Ce chiffre fait l'amalgame des combattants (moudjahidines) avec les victimes du terrorisme F.L.N., notamment les harkis et leurs familles ("disparus"). Même ainsi, cette estimation paraît très approximative (comment les maquisards auraient-ils pu tenir des statistiques fiables ?) et fortement majorée.

En revanche, l' estimation française ne tient compte que des tués au combat. Elle aussi est très approximative.

Bilan global de la guerre : - Total des tués européens et profrançais : 47.956 (estimation

officielle) - Total des blessés : 73.798 (id.) - Total des disparus : 53.500 (id.)

- Total des tués rebelles : 141.000 (chiffre officiel français) - Total général selon le F.L.N. : 1.000.000 - Total des blessés de l'A.L.N. : inconnu.

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- Total des disparus (Européens + Harkis) : 53.500 (estimation officielle) ou 161.000 (estimation des associations de rapatriés et de harkis).

Total général des tués au cours de la guerre d'Algérie : de 188.956 à 1.047.956.

Total général des blessés : inconnu. Total général des disparus : de 53.500 à 161.000.

2) La France serait restée puissance africaine. Son territoire serait passé de 550.000 km2 à 2.881.741 km2 avec treize départements supplémentaires, pour une population de 80 millions d'habitants (l'équivalent de l'Allemagne), 2.700.000 ha de terres fertiles, de nombreuses potentialités agricoles, une industrialisation accrue, l'exploitation des ressources naturelles, notamment des hydrocarbures : gaz liquéfié d'Arzew et d'Hassi R' Mel (2 milliards de m3 de gaz, réserves estimées à 3 milliards de m3, soit 10% des réserves mondiales), pétrole saharien, mines de fer d'Ouenza, etc...

- Sur ces bases , la Communauté européenne aurait pu s'intéresser au projet de l'Eurafrique, notamment en ce qui concerne la Ruhr saharienne.

- Les Algériens de souche, devenus Français à part entière, eussent bénéficié des avantages économiques et sociaux métropolitains. Ayant du travail sur place, ils n'auraient pas eu besoin de partir.

Quant aux jeunes Français métropolitains et Pieds-Noirs, ils auraient trouvé dans ces perspectives de nombreux débouchés et un plein emploi qui auraient réduit, sinon supprimé, le chômage des jeunes.

Ayant du pétrole et des idéaux, la France aurait pris le leadership politique et économique de l'Europe à la place de l'Allemagne.

- Simultanément, l'Algérie française, devenue le plus grand et le plus important des pays africains, aurait exercé une influence prépondérante sur toute l'Afrique francophone, et sans doute pris de leadership des pays arabes auquel elle aspire vainement depuis trente ans.

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S I L E S A C C O R D S D ' E V I A N A V A I E N T E T E

R E S P E C T E S . . .

Ces accords furent un déni de justice du seul fait qu'ils furent conclus, à l'initiative du gouvernement français, entre ce gouvernement et le F.L.N. alors que :

1 - le seul F.L.N. n'avait encore aucune représentativité légale, notamment en ce qui concerne l'opinion profrançaise d'une partie non négligeable des musulmans,

2 - de son côté, le gouvernement français ne représentait que lui-même ; il n'avait fait appel, autour de la table des négociations, à aucune des autres parties directement concernées dans leur vie et dans leurs biens (Européens d'Algérie et Harkis). Les conséquences d'une telle absence furent terribles pour ceux qui furent écartés de la discussion.

Cependant, il faut considérer que ces accords, si détestables soient-ils, contenaient de nombreuses dispositions qui ne furent jamais respectées par le F.L.N.

Les accords s'articulaient autour de deux grands axes : 1 - Une déclaration générale affirmant que "l'indépendance

de l'Algérie en coopération avec la France répond aux intérêts des deux pays

2 - Deux séries de textes : - les uns concernaient la période intérimaire jusqu'à

l'organisation d'un référendum d'autodétermination en Algérie, - les autres "déclarations de garantie" et "déclarations

d'intention" précisaient les garanties dont devaient jouir, dans l'Algérie indépendante, les "citoyens de statut civil de droit commun" (sic) et définissaient les modalités d'une coopération privilégiée entre la France et l'Algérie.

Conséquences et résultats catastrophiques. On a pu dire que le F.L.N. reçut ce cadeau empoisonné, l'indépendance immédiate, par sa grande "victoire diplomatique". Les Pieds- Noirs, mieux informés ou moins naïfs que les Français de métropole, ne crurent pas une seconde aux promesses du F.L.N., d'où leur exode massif qui leur évita un sort plus épouvantable encore, et la perte de 50 milliards de bien personnels selon l'ANFANOMA. La plupart des dispositions concernant les

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intérêts français ne furent jamais appliquées. C'est ainsi que, dès 1971, les hydrocarbures étaient nationalisés et la coopération dite privilégiée en matière économique s'effondrait.

Le général Jouhaud fait les remarques suivantes à propos de la non-application de ces dispositions :

1 - concernant les intérêts de notre défense nationale : le complexe aéronaval de Mers-el-Kébir et la base aérienne de Bou- Sfer étaient concédés à la France par des baux d'une durée de quinze ans renouvelables ; ils furent abandonnés dès 1968. (Les Russes nous remplaçèrent).

De même, abandon sans contre-partie des sites sahariens servant aux essais atomiques et abandon des ressources en hydrocarbures. Ce qui fit dire à Fabre-Luce : "Le texte des accords d'Evian est une capitulation sans défaite".

2 - concernant la protection des personnes et des biens : on invitait les Français d'Algérie à perdre leur identité française pour devenir des citoyens algériens. Comment des hommes qui s'étaient tant battus pour la France, notamment entre 1940 et 1945, n'auraient-ils pas été indignés ? Pratiquement aucun n'accepta cette infamie, d'autant plus que, pour bien marquer ses préférences ou pour les humilier, le pouvoir gaulliste libéra immédiatement les détenus de confession musulmane, mais il maintint en détention les Pieds-Noirs.

Par la suite, le massacre d'Oran, les disparitions et les assassinats, le génocide des harkis rendirent ces dispositions dérisoires.

En revanche, les dispositions concernant les intérêts algériens ont toujours été respectés par la France. Les Algériens bénéficient, aujourd'hui encore, de nombreux avantages hérités des accords d'Evian qui en font des citoyens privilégiés et qui ont grandement facilité leur venue en France, au grand dam de leurs voisins Marocains et Tunisiens.

Dans ces conditions, on peut s'étonner qu'aucun gouvernement n'ait, à ce jour, dénoncé, ni même remis en cause les accords d'Evian. Le président Giscard d'Estaing fut le seul, vers 1975, à oser braver le F.L.N. pour rester fidèle à l'amitié franco-marocaine, traditionnelle depuis Lyautey.

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C O N C L U S I O N

Dans l'interview qu'il a accordée à Hugues Kéraly, le général Edmond Jouhaud, Pied-Noir, général d'aviation et dernier survivant du quarteron ayant fait le putsch d'Alger, remarque : "L'exemple du désordre actuel, dans plusieurs de nos anciennes colonies, donne à réfléchir. On aurait pu du moins agir avec plus de discernement et sans précipitation. Le temps aurait dû faire son oeuvre éducative. D'ailleurs, de nombreuses autres solutions existaient. Je citerai simplement, pour mémoire : le partage de l'Algérie préconisé par Giscard et Peyrefitte ; une formule d'autonomie interne très poussée qui me fut transmise à l'époque par Matignon ; sans oublier l'intégration elle-même, préconisée par Jacques Soustelle... " ("La France", n° 1514 du 17 au 23.4.91).

L'encre des accords n'était pas encore sèche qu'ils étaient déjà dénoncés et remis en cause par les chefs rebelles réunis à Tripoli en juin 1962 qui, les considérant comme "une plate-forme néocolonialiste", préconisaient des structures inspirées du modèle totalitaire marxiste. C'est d'ailleurs le modèle castriste que choisit Ben Bella en s'emparant du pouvoir le 26 septembre 1962 et en transformant l'Algérie en une démocratie populaire dont l'unique idéal était un anti-colonialisme primaire. Quant à Boumediene, chef d'état-major du F.L.N. en 1962, il désapprouva toujours les accords d'Evian. Il fut donc logique avec lui-même quand, après avoir aidé Ben Bella à s'emparer du pouvoir pour mieux le lui ravir par la suite, il refusa de les appliquer en ce qui concernait les obligations algériennes.

Mai - novembre 1991

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A U J O U R L E J O U R : L A D E M O C R A T I E A U B O U T D E S F U S I L S

25 janvier 1992. Je ne pensais pas, en jouant les Cassandre il y a moins de deux mois, que l'avenir me donnerait si vite raison.

Le pouvoir algérien ne reconnaît la démocratie qu'à condition qu'elle réponde à ses voeux. Comme ce n'était pas le cas, l'armée a effacé les résultats du 1er tour de scrutin obtenus lors des premières élections libres depuis trente ans. Un coup pour rien. S'étant installé par la force, le nouveau pouvoir est maintenant incapable de sortir de l'imbroglio constitutionnel qu'il a noué autrement que par la violence. Les prières du vendredi se font désormais à l'ombre de l'armée dans Alger qui enrage et dans Alger qui souffle.

On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s'asseoir dessus. Le pari tenu par la junte actuellement aux affaires, c'est que le message des électeurs n'était pas seulement religieux. Il a donc sacrifié le F.L.N., régime discrédité et méprisé à force de corruption, mais Sid Ahmed Ghozali aurait besoin d'au moins cinq ans pour réussir ce que le F.L.N. n'a pu ni voulu faire en trente ans de pouvoir absolu, alors que nous lui avions légué une Algérie prospère et équipée.

Programme minimum immédiat : construire 400.000 loge- ments, créer 10.000 emplois par an, ouvrir le marché du pétrole aux investissements étrangers pour regonfler la trésorerie, mais les banlieues brûlent, la misère, le désespoir, l'impatience ont atteint un degré tel que, selon un jeune cadre du FIS interrogé par "Libération", l'implosion populaire paraît inévitable et ne serait plus qu'une question de semaines.

En France, malaise généralisé tant chez les immigrés algériens que chez les "intellectuels" anciens porteurs de valises. Bateau ivre, le pouvoir socialiste, qui a tant soutenu le F.L.N.

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socialiste au nom de l'Internationale socialiste (par exemple en achetant le gaz saharien 30 à 40% au-dessus des cours mon- diaux), roule d'un bord à l'autre et, comme d'habitude, perd sur les deux tableaux.

Actuellement, quels que soient les développements futurs, on peut établir le constat suivant :

- L'Algérie n'a connu un siècle de paix et de prospérité que durant l'occupation française ; la France partie, elle est retournée à ses vieux démons, comme au temps des Turcs, à la gabegie, à la corruption, à la prévarication, au bakchich, à la misère et à de nouvelles formes de lutte tribale, cette plaie de l'Afrique.

- Le F.L.N. s'est installé, en 1962, sans la légalité d'une consultation populaire, par un coup de force suivi par une série de révolutions de palais, pour finir, en 1992, par un coup de force suivi de violences. Les généraux ont provisoirement gagné. Il ne leur reste plus qu'à donner à manger aux Algériens, à ressusciter l'agriculture, à éradiquer la corruption et à se faire élire triomphalement au suffrage universel...

La plupart des vrais démocrates s'accordent à penser qu'il aurait sans doute mieux valu laisser le peuple s'exprimer libre- ment, quitte à lever l'hypothèque du FIS, ainsi que le conseillait Aït Ahmed. La solution islamiste n'eût pas été définitive, mais elle eût assuré la stabilité du pays au moins durant quelque temps. Cheikh Madani avait promis que non seulement il s'opposerait à la fuite de ses coreligionnaires mais qu'il ferait "rentrer les musulmans de France". Du point de vue économique, les barbus sont des libéraux orthodoxes. Et enfin, l'Histoire nous apprend qu'il est toujours dangereux de persécuter les gens pour leur foi religieuse. Le sang des martyrs est une semence pour l'avenir.

- Le pouvoir, en France, est gêné. Il admet du bout des lèvres qu'il n'y a pas de liberté possible pour les ennemis de la liberté (ou ceux que l'on préjuge tels), mais d'autres voix s'élèvent pour faire remarquer, avec Quintilien, que ce que certains appellent liberté, d'autres l'appellent licence, avec Whichcote qu'on n'est libre qu'autant que les autres le sont ou

Page 32: Il y a trente ans que - excerpts.numilog.comexcerpts.numilog.com/books/9782908805215.pdf · du temps de ma jeunesse. Je l'évoque comme une plaie inguérissable, une nostalgie perdue,

avec Rabindranath Tagore qu'il est aisé d'écraser, au nom de la liberté extérieure, la liberté intérieure de l'homme. Et puis, l'intolérance, l'absolutisme, la violence sexiste seraient-ils condamnables en Algérie où ils n'existent pas encore et pas condamnables ailleurs où ils existent déjà ?

Loin de ces discussions byzantines, dans les cités du mal- vivre et du désespoir où le surnombre engendre la misère, après tant de souffrances, d'amertume et de déceptions, il n'y a place que pour des certitudes.

Alors...

15 février 1992. Calme précaire. Pas de retour à la normale. L'armée sur pied de guerre. Tension. Manifestations. Barricades. Marche interdite. Interpellations. Arrestations. Des morts, des blessés... Chaque jour, les salles de rédaction bour- donnent de ces nouvelles alarmantes en provenance d'Alger. Les média répercutent. Le public commence à être blasé.

Traquenards. Accrochages. Embuscades contre les forces de l'ordre. Attentats par les maquis d'Afghans. Guet-apens dans la Casbah : 6 policiers égorgés, 8 blessés. La prière sous le signe de la violence. Bab-el-Oued fief intégriste : les "bleus" tirent sur les balcons, les gamins jouent à l'intifada et au "jeu de la mort". La fièvre gagne Constantine. A Laghouat, dans le sud du pays, 4 morts dont deux bébés "asphyxiés par des grenades lacrymo- gènes". A Batna, capitale des Aurès, à l'est du pays, là même où prit naissance le conflit franco-algérien, 6 morts et une quaran- taine de blessés dans la nuit du 4 au 5 février. La gendarmerie a découvert "des explosifs très puissants dans la mosquée du centre". Quadrillée par la police, la ville est morte.

Etat d'urgence. Dissolution ou pas dissolution ? A la date présente, le pouvoir en place avoue 55 morts, 200 blessés, plus de 5.000 arrestations selon Boudiaf, plus de 14.000 selon le FIS - dont celles de nombreux imams - entre le 6 et 13 février.

Trente ans après, tout recommencerait-il ? (A suivre)