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32 | La Lettre du Pneumologue Vol. XV - n° 1-2 - janvier-février-mars-avril 2012 IMAGERIE Imagerie typique et atypique de la tuberculose bronchopulmonaire M.F. Carette*, L. Mizouni*, A. El Amri*, J. Korzek*, A. Khalil* L’imagerie diagnostique de la tuberculose bronchopulmonaire est dominée par la radiographie du thorax, très évocatrice dans les formes typiques. La tomodensitométrie volumique (TDMV) du thorax prend de plus en plus de place, car elle améliore l’approche sémiologique et le suivi des lésions et, dans certains cas, apporte une aide au diagnostic histologique et bactériologique. Elle est en première ligne, sous forme d’angio-TDMV (ATDMV), en cas de complication grave telle que l’hémoptysie, avant d’envisager un traitement par radiologie interventionnelle, ce qui permet de choisir entre artérioembolisation bronchique ou vaso-occlusion artérielle pulmonaire. P arallèlement à l’aspect radiologique, que nous allons développer, il faut tenir compte d’un certain nombre de données cliniques et épidé- miologiques et de certaines modifications récentes (1). On sait que : la tuberculose peut être cliniquement latente ; les symptômes évocateurs associent : une toux sèche ou productive de crachats hémoptoïques, une fébricule vespérale, une asthénie, un amaigrissement, une anorexie, des sueurs nocturnes, une aménorrhée, parfois, chez la femme. Des formes pneumoniques peuvent s’associer à une hyperthermie importante ; des formes miliaires peuvent se compliquer de dyspnée voire d’insuffi- sance respiratoire aiguë (2). La complication majeure la plus fréquente est l’hémoptysie. La contagiosité interhumaine importante de Mycobacterium tuber- culosis impose un diagnostic le plus précoce possible pour isoler les patients bacillifères non traités. L’ima- gerie aide notablement à cette prise en charge. Les patients jeunes, non immunisés et les patients fragi- lisés (sujets âgés, diabétiques, malnutris, insuffisants rénaux, cancéreux) ou immunodéprimés (patients VIH+, greffés d’organes, sous immunosuppres- seurs) sont les plus exposés. L’aspect radiologique est fonction non seulement du délai d’exposition qui fait classiquement distinguer la primo-infection tuberculeuse, ou primo-invasion tuberculeuse, de la tuberculose postprimaire, mais encore du terrain sous-jacent et de sa capacité à réagir à l’infection (en fonction de l’ethnie, du type et du degré de l’im- munodépression), de la sensibilité du germe, avec l’apparition de M. tuberculosis multirésistants (MDR) et, enfin, du type de dissémination, bronchogène ou hématogène. Nous envisagerons successivement : la sémiologie radiologique analytique de base (tableau I) ; les “grands tableaux” de la tuberculose thoracique, sous-tendus en partie par l’aspect immun ou non du terrain (tableau II), avec : # l’imagerie typique de la tuberculose postprimaire (TPP) de l’adulte “commun”, d’ethnie blanche et non immunodéprimé, # l’imagerie de la primo-infection ou primo-invasion, # l’influence du terrain (ethnie noire, VIH, autres types d’immunodépression), # les aspects évolutifs et séquellaires ; l’intérêt de la radiologie dans la complication majeure qu’est l’hémoptysie. Sémiologie radiologique analytique de base (tableau I) La “caverne” tuberculeuse La “caverne” tuberculeuse concerne deux tiers des patients atteints de tuberculose postprimaire ou “immune” (tableau II) ; elle est visible sur les radiogra- phies de 20 à 45 % d’entre eux (3) ; elle est parfois mise en évidence uniquement par l’examen TDM : M. Azencot a ainsi détecté 42 cas par TDM alors que seuls 27 cas avaient été mis en évidence par les méthodes classiques, dans son étude menée en 1993 (p > 0,01) [4]. C’est une image cavitaire (figure 1), de taille variable, siégeant au sein d’un infiltrat alvéolaire ou d’un macronodule, habituellement au niveau des segments apicaux et dorsaux des lobes supérieurs (67 %) ou au niveau des * Service de radiologie, hôpital Tenon, AP-HP, Paris.

Imagerie typique et atypique de la tuberculose ...une bronche de drainage (figure 2a), mieux visible en TDM (figure 2b), surtout en minIP (figure 2c), et un niveau hydroaérique n’est

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32 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XV - n° 1-2 - janvier-février-mars-avril 2012

IMAGERIE

Imagerie typique et atypique de la tuberculose bronchopulmonaireM.F. Carette*, L. Mizouni*, A. El Amri*, J. Korzek*, A. Khalil*

L’imagerie diagnostique de la tuberculose bronchopulmonaire est dominée par la radiographie du thorax, très évocatrice dans les formes typiques. La tomodensitométrie volumique (TDMV) du thorax prend de plus en plus de place, car elle améliore l’approche sémiologique et le suivi des lésions et, dans certains cas, apporte une aide au diagnostic histologique et bactériologique. Elle est en première ligne, sous forme d’angio-TDMV (ATDMV), en cas de complication grave telle que l’hémoptysie, avant d’envisager un traitement par radiologie interventionnelle, ce qui permet de choisir entre artérioembolisation bronchique ou vaso-occlusion artérielle pulmonaire.

Parallèlement à l’aspect radiologique, que nous allons développer, il faut tenir compte d’un certain nombre de données cliniques et épidé-

miologiques et de certaines modifications récentes (1). On sait que :

➤ la tuberculose peut être cliniquement latente ; ➤ les symptômes évocateurs associent : une toux

sèche ou productive de crachats hémoptoïques, une fébricule vespérale, une asthénie, un amaigrissement, une anorexie, des sueurs nocturnes, une aménorrhée, parfois, chez la femme. Des formes pneumoniques peuvent s’associer à une hyperthermie importante ; des formes miliaires peuvent se compliquer de dyspnée voire d’insuffi-sance respiratoire aiguë (2). La complication majeure la plus fréquente est l’hémoptysie. La contagiosité interhumaine importante de Mycobacterium tuber-culosis impose un diagnostic le plus précoce possible pour isoler les patients bacillifères non traités. L’ima-gerie aide notablement à cette prise en charge. Les patients jeunes, non immunisés et les patients fragi-lisés (sujets âgés, diabétiques, malnutris, insuffisants rénaux, cancéreux) ou immunodéprimés (patients VIH+, greffés d’organes, sous immunosuppres-seurs) sont les plus exposés. L’aspect radiologique est fonction non seulement du délai d’exposition qui fait classiquement distinguer la primo-infection tuberculeuse, ou primo-invasion tuberculeuse, de la tuberculose postprimaire, mais encore du terrain sous-jacent et de sa capacité à réagir à l’infection (en fonction de l’ethnie, du type et du degré de l’im-munodépression), de la sensibilité du germe, avec l’apparition de M. tuberculosis multirésistants (MDR) et, enfin, du type de dissémination, bronchogène ou hématogène.

Nous envisagerons successivement : ➤ la sémiologie radiologique analytique de base

(tableau I) ; ➤ les “grands tableaux” de la tuberculose thoracique,

sous-tendus en partie par l’aspect immun ou non du terrain (tableau II), avec :

# l’imagerie typique de la tuberculose postprimaire (TPP) de l’adulte “commun”, d’ethnie blanche et non immunodéprimé,

# l’imagerie de la primo-infection ou primo-invasion, # l’influence du terrain (ethnie noire, VIH, autres types

d’immunodépression), # les aspects évolutifs et séquellaires ; ➤ l’intérêt de la radiologie dans la complication

majeure qu’est l’hémoptysie.

Sémiologie radiologique analytique de base (tableau I)

La “caverne” tuberculeuse

La “caverne” tuberculeuse concerne deux tiers des patients atteints de tuberculose postprimaire ou “immune” (tableau II) ; elle est visible sur les radiogra-phies de 20 à 45 % d’entre eux (3) ; elle est parfois mise en évidence uniquement par l’examen TDM : M. Azencot a ainsi détecté 42 cas par TDM alors que seuls 27 cas avaient été mis en évidence par les méthodes classiques, dans son étude menée en 1993 (p > 0,01) [4]. C’est une image cavitaire (figure 1), de taille variable, siégeant au sein d’un infiltrat alvéolaire ou d’un macronodule, habituellement au niveau des segments apicaux et dorsaux des lobes supérieurs (67 %) ou au niveau des

* Service de radiologie, hôpital Tenon, AP-HP,

Paris.

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Figure 1. (a) Radiographie de thorax montrant une image cavitaire apicale droite ainsi que des images micronodulaires dans la même zone. (b) Ces images sont mieux visualisées sur la coupe TDM.

a b

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Tableau I. Sémiologie radiologique de base.

“Caverne” tuberculeuseImages nodulaires• Macronodules groupés, infiltratifs• Micronodules groupés centrolobulaires• Macronodule isolé• Aspect miliaireFoyers alvéolaires

Adénopathies médiastinales ou hilairesAtteintes des séreuses• Pleurésie tuberculeuse• PéricarditeTuberculose bronchiqueFibrose et calcificationsSpondylodiscite tuberculeuse ou mal de Pott

Tableau II. Deux aspects de la tuberculose, avec opposition nosologique.

Peu/non immune Immune

Enfant Adulte

Primaire ou aspect primaire

Postprimaire ➤ Réactivation ➤ Réinfestation

Atypiques Typiques

Adénopathies Épanchements Infiltrats des bases, lobe moyen et lingulaMiliaire

Infiltrats apicaux Cavernes

segments apicaux des lobes inférieurs. Ses parois sont irrégulières ou anfractueuses. On décrit classiquement une bronche de drainage (figure 2a), mieux visible en TDM (figure 2b), surtout en minIP (figure 2c), et un niveau hydroaérique n’est présent que dans 9 à 22 % des cas (5, 6). Il peut y avoir, en fonction de l’évolu-tion, une ou plusieurs cavernes, qui peuvent alors être responsables d’une destruction importante du paren-chyme. Ces aspects cavitaires sont rares chez le sujet immunodéprimé ; chez les sujets VIH+, ils peuvent être présents au début de l’immunodépression : les cavités ont alors les mêmes caractéristiques que chez l’adulte “commun” (type caucasien, non immunodéprimé) [7, 8]. En présence d’une caverne, le diagnostic bactériolo-gique de tuberculose est aisé, l’étude de l’expectoration

étant positive dans 98 % des cas à l’examen direct. Cette présence de bacilles acido-alcoolorésistants (BAAR) est ensuite confirmée par les cultures : il s’agit alors bien de M. tuberculosis. D’autres aspects sont plus trompeurs : localisations aux bases, sous forme de petites excavations, d’un chancre de primo-infection, ou formes avec niveau liquide, par présence de caséum liquéfié ou de sang, pouvant faire évoquer un abcès à pyogène, une tumeur nécrotique, une embolie septique, une bulle surinfectée, voire une infection fongique (5). La sémiologie radiologique associée est alors très utile :

➤ une excavation apicale au sein d’une condensa-tion pneumonique signe quasiment la pneumonie tuberculeuse ;

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Figure 2. Pneumonie tuberculeuse avec visualisation de la bronche de drainage en radiographie standard (a) et en scanner (b) chez un autre patient. (c) Cette bronche est mieux visible en minIP, ici sur un MPR coronal.

a b c

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IMAGERIEImagerie typique et atypique de la tuberculose bronchopulmonaire

➤ des micronodules flous centrolobulaires, en péri-phérie de la caverne ou en controlatéral, au niveau des segments ventraux des lobes supérieurs ou de la lingula, signent la dissémination bronchogène et donc la tuberculose.C’est dans ces formes très bacillifères que l’on observe des tuberculoses laryngées ou œsophagiennes primi-tives. Devant une telle image, le radiologue devrait faire en sorte que le patient soit pris en charge le plus vite possible afin de limiter la contamination, d’autant que certains travaux suggèrent que la présence de plus de 3 excavations pourrait être associée à une tuberculose multirésistante (9).

Les images nodulaires

Elles sont souvent évocatrices par leur localisation.Des macronodules groupés, infiltrants, au niveau des segments apicodorsaux des lobes supérieurs et au niveau des segments apicaux des lobes inférieurs, zones de croissance élective du bacille de Koch (BK) grâce à leur haute tension en O2 et à leur faible drai-nage lymphatique, sont très évocateurs. L’examen TDM peut y visualiser de petites excavations, voire quelques calcifications si les lésions sont anciennes. Le diagnostic peut être retardé par l’absence de BAAR à l’examen direct. Dans ce cas, certains font appel au test thérapeutique en attendant le résultat des cultures (10), une amélioration radiologique étant

observée au troisième mois du traitement dans 70 % des cas. Une ponction-biopsie transthoracique sous TDM à visée histologique et bactériologique peut aussi être proposée.Des micronodules groupés centrolobulaires de 2 à 4 mm de diamètre, à contour flou, sont le témoin d’une dissémination acinaire bronchogène, homo- ou contro-latérale. L’examen TDM en haute résolution (TDM-HR) en montrait déjà le caractère centrolobulaire et branché (11, 12) ; actuellement, la TDM volumique (TDMV), qui permet une imagerie en MIP, montre typiquement une image d’arbre en bourgeons très évocatrice (figure 3). Cet aspect d’arbre en bourgeons démontre la présence d’un granulome inflammatoire et d’une nécrose caséeuse remplissant et entourant les bronchioles terminales, les bronchioles respiratoires et les alvéoles. Cet aspect, non pathognomonique (13), est ici très évocateur en raison de son caractère systé-matisé ; il témoigne de l’évolutivité de la tuberculose. L’origine de cette dissémination peut être une caverne apicale, plus rarement des macronodules apicaux, ou enfin une adénopathie hilaire ou médiastinale fistulisée dans les bronches (figure 4), plus qu’une lésion bron-chique primitive (14). Leur localisation est plus volon-tiers antérieure. Leur progression en taille, en quantité et en surface, avec l’apparition d’excavations multiples, aboutit parfois, chez des malades non diagnostiqués ou indisciplinés, mais pas forcément immunodéprimés, à une image de tuberculose très destructrice, “histo-rique” (figure 5). À noter une description récente

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Figure 3. Coupe TDM axiale en MIP montrant des nodules centrolobulaires de dissémination bronchogène avec aspect d’arbre en bourgeons.

Figure 4. Coupes TDM axiales montrant (a) l’adénopathie sous-

carinaire fissurée dans le tronc intermédiaire et (b) les micronodules de

dissémination dans le lobe moyen et le segment apical

du lobe inférieur droit.

Figure 5. Reconstruction MPR coronale oblique en minIP sur une tuberculose cavitaire très délabrante et responsable d’un pneumothorax.

a b

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Figure 7. Reconstruction MPR sagittale en coupe fine (a) et en MIP (b). Seul le MIP mettait en évidence l’image de miliaire hématogène “at random” chez ce patient.

a b

Figure 6. Coupes TDM axiales montrant (a) l’excavation de l’image nodulaire et quelques micronodules de dissémination ; (b) le caractère partiellement calcifié de cette image qui correspondait à un tuberculome.

a

b

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IMAGERIEImagerie typique et atypique de la tuberculose bronchopulmonaire

tuberculiniques positifs peuvent orienter vers un nodule caséeux ou un tuberculome. L’examen TDMV peut démontrer que ce nodule solitaire est en réalité entouré de quelques micronodules centrolobulaires, et ce sont ces micronodules qui permettront d’évoquer la tuberculose. Ailleurs, l’examen des coupes fines passant par le centre du nodule aidera au diagnostic :

➤ d’une lésion caséeuse : caractère nécrotique (examen injecté) ou excavé du nodule ;

➤ d’une lésion ancienne : nodule totalement calcifié ; ➤ d’un tuberculome (figure 6) : nodule partiellement

calcifié.Ce dernier correspond à une lésion de 2 à 4 cm de diamètre dont les calcifications peuvent être centrales, linéaires, irrégulières ou stratifiées. Des formes kystiques ont été décrites (16), de même que des aspects avec un halo périnodulaire. Cet aspect restant rare, il doit en premier lieu évoquer d’autres pathologies (17). Devant un nodule nécrotique, une IRM, en montrant un hyposignal T2 de la zone nécrotique, peut donner un élément clé en faveur du caractère caséeux de cette nécrose (18). Devant un nodule solide, la tomographie par émission de positons (TEP) au fluorodésoxyglu-cose (FDG) ne permet pas de différencier un nodule tuberculeux d’un nodule malin, même dans les pays d’endémie (19), que ce soit sur la mesure de la SUVmax ou sur la variation de SUV sur 2 acquisitions succes-sives. L’IRM de diffusion est encore à l’étude dans ce domaine (20, 21). La ponction transthoracique sous TDM, bien qu’invasive, reste le moyen le plus sûr pour faire le diagnostic d’une lésion caséeuse évolutive ou d’un tuberculome, permettant ainsi la mise en route du traitement.Un aspect miliaire correspond à une dissémination hématogène à partir d’une lésion focale rompue dans le flux sanguin ou dans le flux lymphatique et source d’embolies bactériennes, massives et répétées. La radiologie standard permet de faire le diagnostic avec une sensibilité de 59 à 69 %, une spécificité de 97 à 100 % et un excellent agrément interobservateur (22). Elle met en évidence une dissémination bilatérale et homogène de nodules d’une taille inférieure à 3 mm, avec une apparente prédominance aux bases et une meilleure visualisation de profil par un effet de somma-tion. La TDM-HR (23, 24) peut visualiser une miliaire non visible en radiographie standard (22), mais elle permet surtout de montrer une répartition bilatérale et homogène, “at random”, d’innombrables images micronodulaires, tant au niveau centrolobulaire qu’au

de “cluster de micronodules” comme on peut en voir dans la sarcoïdose (sarcoid galaxy sign) [15].Un macronodule isolé pose les problèmes diagnos-tiques habituels du nodule pulmonaire solitaire (NPS). Le jeune âge du malade, l’absence de facteur de risque de cancer, le caractère apical de la lésion, des tests

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Figure 8. Reconstruction MPR coronale montrant une

caverne apicale droite avec dissémination bronchogène,

mais aussi un aspect de miliaire diffuse hématogène.

Figure 9. Reconstruction MPR sagittale en coupe fine (même patient que pour la figure 2b) sur une pneumonie tuberculeuse. Aspect en ailes d’oiseau.

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niveau septal ou sous-pleural. Ces images, de 1 à 3 mm, ont des contours nets et ne sont pas confluentes. Actuellement, la TDMV avec reconstruction en MIP parvient à mettre en évidence une miliaire non encore visible sur la radiographie standard et difficilement identifiable sur les coupes fines en mode moyenné (figures 7a et 7b). Cette miliaire hématogène peut s’associer à d’autres images radiologiques : un épan-chement pleural, des adénopathies ou un foyer de dissémination bronchogène (figure 8). La fréquence de cette tuberculose miliaire est variable en fonction du terrain ; elle représente à peine 2 % des tubercu-loses, mais elle est plus fréquente au décours immé-diat d’une primo-infection (2 à 6 %), chez le patient VIH+ (7) ou immuno déprimé. Cette miliaire peut se compliquer d’une insuffisance respiratoire aiguë par œdème lésionnel avec coagulation intravasculaire disséminée (2-25) ; dans ce cas, l’aspect miliaire s’as-socie à des plages de verre dépoli extensives (27). Le traitement permet la disparition des images miliaires, en général sans que celles-ci se calcifient.

Les foyers alvéolaires

Ils correspondent soit à des images non systématisées, de type bronchopneumonique, soit à des foyers systé-matisés, réalisant de véritables pneumonies.

➤ Le tableau clinique de la “pneumonie tubercu-leuse”, en dehors de l’altération de l’état général et

des hémoptysies, est voisin de celui de la pneumonie franche lobaire aiguë. La mise en évidence d’une exca-vation ayant les caractéristiques d’une caverne, au sein de cette pneumopathie alvéolaire, est très évocatrice (figures 2a et 2b, p. 34). Cette pneumonie survient à n’importe quel stade de l’évolution de la tuberculose. Chez l’adulte sain, elle siège toujours au niveau des lobes supérieurs, plus souvent le droit, touchant les segments dorsaux et ventraux, épargnant le segment apical, donnant un aspect en ailes d’oiseau de profil (figure 9). Chez le sujet atteint de sida, on voit appa-raître des foyers pneumoniques aux bases dans des proportions identiques aux atteintes des lobes supé-rieurs, le plus souvent sans excavation.

➤ La bronchopneumonie tuberculeuse correspond à une dissémination lobulaire ; sa forme aiguë était autrefois appelée “phtisie galopante”.

➤ Ailleurs, tout foyer alvéolaire chronique, quelle que soit sa localisation, doit faire évoquer la tubercu-lose, au même titre que les diagnostics classiques de pneumonie chronique à germe banal ou à mycobac-térie, de lymphome, de cancer bronchioloalvéolaire, de sarcoïdose ou de pneumopathie organisée.

Les adénopathies médiastinales ou hilaires

Elles caractérisent la tuberculose de primo-infec-tion, ou tuberculose primaire, mais correspondent

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Figure 10. Coupes TDM axiales montrant une adénopathie hilaire droite nécrotique, hypodense au temps tissulaire de l’injection.

Figure 11. Coupes TDM axiales en fenêtre osseuse

montrant un complexe gangliopulmonaire

calcifié, séquellaire.

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IMAGERIEImagerie typique et atypique de la tuberculose bronchopulmonaire

aussi aux formes atypiques de tuberculose post-primaire. Elles sont mieux mises en évidence par la TDM que par la radiographie standard (28) et ont souvent comme caractéristique, dès qu’elles ont un certain volume (2 cm de diamètre), d’avoir un aspect nécrotique, avec une hypodensité centrale et un rehaussement périphérique (29). Pour démontrer ce caractère nécrotique en TDMV, il est nécessaire d’injecter du produit de contraste en 2 phases : la première phase permet une imprégnation tissulaire, la seconde phase, l’acquisition d’un temps vasculaire sur la seule acquisition retardée qui est programmée (figure 10). Ce caractère nécrotique, sans être patho-gnomonique, est très évocateur de la tuberculose sur certains terrains ; on peut cependant aussi le voir dans l’histoplasmose, les lymphomes hodgkiniens, même avant chimiothérapie, ou les métastases de cancer du testicule. Un hyposignal T2 en IRM, au niveau de cette zone de nécrose, est aussi évocateur (18). La TDM peut guider une ponction à visée diagnostique, mais l’écho endoscopie prend actuellement le pas sur le scanner pour les ponctions des adénopathies au

contact de l’arbre trachéobronchique. Les adénopa-thies sont plus rarement excavées (figure 4, p. 35), ce qui témoigne d’une rupture dans l’œsophage (30) ou dans une bronche adjacente, souvent siège d’une image de dissémination acinaire ; la bactériologie est alors plus souvent positive. Lors de leur guérison sous traitement, les adénopathies régressent de taille, se fibrosent et se calcifient de façon globale en 6 mois à 2 ans.

➤ Dans la tuberculose primaire, les adénopa-thies étaient plus volontiers unilatérales droites (31), siégeant dans le territoire de drainage du chancre d’inoculation (nodule parenchymateux), formant le complexe gangliopulmonaire dont l’image ulté-rieure, calcifiée, témoignera de cette primo-infection (figure 11). Leur caractère compressif ou la fistulisation dans les bronches de ces adénopathies rend compte des troubles de ventilation qui les accompagnent et, à un stade tardif, de séquelles bronchiques à type de sténoses, de dilatations des bronches (DDB) ou de broncholithiases. Le syndrome du lobe moyen, ou syndrome de Brock, associe dilatation des bronches et atélectasie de ce lobe ; son identification doit se faire par une TDMV sans injection, à la recherche non seulement des DDB du lobe moyen, mais surtout de calcifications ganglionnaires à proximité de l’origine de la bronche lobaire moyenne. Ailleurs, ces adénopathies sont responsables de compressions du médiastin, de la trachée, de l’œsophage, de la veine cave supérieure, des veines pulmonaires, dans le cadre d’une médiastinite aiguë ou fibreuse séquellaire (32, 33).

➤ Dans la tuberculose postprimaire, de telles adénopathies restent rares chez l’adulte sain cauca-sien (34), chez lequel elles orientent, en association avec une lésion excavée, vers une tumeur nécro-tique (5). En revanche, elles sont très fréquentes en France chez le sujet VIH+ ou l’Africain noir (4) ; les hispaniques et les Indiens seraient également prédis-posés (7).

Les atteintes des séreuses

Elles sont dominées par les atteintes pleurales.Le pneumothorax simple est classique au cours de la tuberculose ; il représente entre 5 et 6 % des tubercu-loses postprimaires (35, 36), et la tuberculose peut encore être l’étiologie majeure des pneumothorax dans des pays d’endémie comme le Sénégal (37). Le pneumothorax simple touche essentiellement des patients jeunes (moins de 30 ans), ayant des

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Figure 12. Reconstruction MPR coronale montrant en minIP la fistule bronchopleurale ayant permis l’aspergillisation de la cavité. Sur cette figure, on visualise aussi les bronchectasies séquellaires sur un poumon sous-jacent détruit.

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excavations (38, 39), mais aussi des patients ayant une tuberculose très destructrice (14 %) [figure 5, p. 35] (40). Il est parfois révélateur chez le sujet VIH+, chez qui il doit faire aussi rechercher une pneumo-cystose ou un emphysème précoce. La rupture d’une caverne dans la plèvre peut aussi être responsable d’un pyopneumo thorax tuberculeux qui s’accom-pagne en règle d’un choc. Le pneumothorax peut être compressif si des brides apicales maintiennent la brèche béante ou que celle-ci fait clapet. La pleurésie tuberculeuse fait suite à une tuberculose primaire ou postprimaire. Elle n’est souvent qu’une réaction inflammatoire à des lésions sous-pleurales que l’examen TDM peut mettre en évidence (41) et même voir apparaître ou évoluer durant les 3 premiers mois de traitement avant de régresser (42). Le diagnostic peut être difficile en cas d’épanchement pleural isolé ; il s’agit le plus souvent d’un épanchement unilatéral, de petite ou de moyenne abondance, très vertical sur la radiographie du thorax car inflammatoire, sérofibrineux et lymphocytaire. La présence de BK y est fort rare. L’examen TDM peut être évocateur en montrant un épaississement pleural régulier et légèrement rétrac-tile, source d’une hypertrophie de la graisse sous-pleu-rale donnant un aspect en double bande (43). On a décrit l’intérêt du dosage de l’adénosine désaminase (ADA) ou de l’interféron γ dans le liquide pleural (1, 44). Le diagnostic repose encore le plus souvent sur plusieurs biopsies pleurales réalisées à l’aveugle ou sous thoracoscopie.

L’empyème tuberculeux est le plus souvent chronique fibrosant, conduisant à la décortication (45). L’empyème tuberculeux de nécessité venant se fistu-liser à la peau, mais aussi à l’œsophage, au péricarde, au rétropéritoine, dans le flanc, voire dans l’aine, est devenu exceptionnel (46) ; un cas a récemment été décrit au Japon après drainage d’une pleurésie tuber-culeuse (47). L’empyème tuberculeux chronique post-thérapeutique est une forme particulière, qui doit être soulignée. Il prend l’aspect d’une cavité liquidienne souvent rétractile, entourée d’une coque fibreuse plus ou moins calcifiée. Le poumon sous-jacent est en règle le siège de séquelles rétractiles plus ou moins calcifiées. Le scanner volumique est particulièrement utile en cas de complication à ce niveau, en règle marqué par l’apparition d’un niveau hydroaérique. Celui-ci témoigne d’une surinfection à germes banaux, d’une récidive tuberculeuse ou d’une aspergillisation (figure 12). Des reconstitutions en minIP mettent particulièrement bien en évidence les fistules, bronchopleurales ou bronchocavitaires. Ailleurs, en l’absence de niveau liquide, l’injection permettra de mettre en évidence une masse tissulaire lenticulaire (60 %) ou en forme de croissant (20 %), à la limite de l’empyème, sur le versant costal (50 %) ou dans l’angle costophrénique (30 %), ce qui doit faire évoquer un lymphome (48). La péricardite, recherchée devant un élargissement de la silhouette cardiaque, peut être réactionnelle ou due à la rupture d’un ganglion mammaire interne. Son aspect peut être liquidien, diagnostiqué par écho-graphie, posant alors le problème de son diagnostic étiologique. Parfois l’aspect peut être pseudotumoral ; la TDMV prend alors tout son intérêt en montrant des adénopathies nécrotiques associées. Elle évolue dans 10 % des cas vers la péricardite constrictive, calcifiée dans 3 % des cas (49). Ces calcifications sont au mieux visibles au niveau du péricarde inférieur, sur le cliché de profil ; la TDM les montre très bien.

La tuberculose bronchique

Elle est devenue rare avec le BCG. Elle a pour origine principale l’action directe de l’atteinte ganglionnaire satellite du chancre d’inoculation avec, successive-ment, inflammation, compression, puis fistulisation. La prédominance unilatérale droite de l’atteinte ganglionnaire explique l’atteinte préférentielle des bronches ventrale du lobe supérieur droit et lobaire moyenne, atteinte responsable ultérieurement de

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Figure 13. Reconstruction MPR coronale montrant

une broncholithiase au niveau de la bronche lobaire supérieure

droite et au niveau de la culminale.

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IMAGERIEImagerie typique et atypique de la tuberculose bronchopulmonaire

la maladie du hile avec collapsus et dilatations bronchiques de ces 2 territoires. La calcification des ganglions fistulisés peut être responsable d’une bron-cholithiase (figure 13). L’aspect aigu sus-décrit peut actuellement être vu chez l’Africain noir ou chez le sujet VIH+ au cours d’une tuberculose postprimaire. En dehors de ces 2 populations, la tuberculose bron-chique primitive proximale et isolée est rare ; elle est sans traduction radiologique standard initiale, mais elle est trahie par la présence de BAAR à l’examen direct. L’atteinte endobronchique inflammatoire puis ulcérée peut prendre une forme pseudotumorale (tuberculome bronchique) parfois responsable d’un collapsus. L’étude en TDMV peut montrer un nodule ou une masse endobronchique, une compression bron-chique par une masse péribronchique ou hilaire (50). Le résultat histologique reste souvent une heureuse surprise. Pour certains, cette tuberculose bronchique serait plus fréquente en cas de tuberculose des bases et en ferait la gravité (51). La tuberculose bronchique distale est en rapport direct avec la tuberculose paren-chymateuse ; elle touche la bronche de drainage et est aussi responsable d’un épaississement pariétal, d’une sténose, voire d’une obstruction de la bronche, source d’une rétraction avec sclérose et dilatations bronchiques en amont ; ces images sont visibles en TDM (52, 53). L’atteinte d’une bronche souche peut être responsable de la destruction de tout un poumon qui apparaît rétracté, siège de cavités et de dilatations bronchiques. Ce poumon est alors vascularisé par des artères systémiques, bronchiques ou non, responsables

d’un shunt à contre-courant dans l’artère pulmonaire homolatérale et sources d’hémoptysies (54).

Fibrose et calcifications

La fibrose et les calcifications sont caractéristiques de la tuberculose séquellaire. La rétraction des lésions apicales est responsable d’une désaxation vers le haut des axes bronchovasculaires, d’une distension des bases et d’un épaississement de la coiffe apicale par épaississement de la plèvre et augmentation de la graisse sous-pleurale (55), maintenant parfaitement visible en TDM en reconstruction sagittale. Les séquelles pleurales se traduisent par un comble-ment du cul-de-sac pleural et un épaississement de la plèvre mieux visible dans la région axillaire, souvent calcifié de façon hétérogène, se projetant sous une forme losangique en radiographie standard. Fibrose et charge calcique apparaissent de façon précoce ; aussi, le caractère rétractile d’un foyer alvéolaire avec ébauche de bronchectasies, sauf irradiation, est-il un signe en faveur de la tuberculose, de même que la charge calcique se traduisant par une densité supé-rieure à 70 unités Hounsfield (UH) au sein d’un nodule apical, avant injection. C’est le caractère totalement rétractile ou calcifié d’une lésion, sans lésion alvéolaire au contact, qui va permettre de poser le diagnostic de tuberculose séquellaire.

Spondylodiscite tuberculeuse ou mal de Pott

Cette localisation de la tuberculose s’accompagne d’un abcès dans 88 % des cas, visible à l’étage thoracique dans la moitié des cas (56). Si l’examen d’élection est l’IRM, il faut la rechercher systématiquement sur certains terrains (chez les Africains noirs essentielle-ment), tant sur la radiographie du thorax (anormale dans 75 % des cas) que sur le scanner ; en effet, dans la moitié des cas, ce dernier met en évidence une atteinte antérieure de 2 vertèbres dorsales contiguës avec destruction du disque intermédiaire (49) et/ou l’image d’un fuseau paravertébral. Cet abcès pottique peut s’accompagner d’une réaction pleurale, se rompre dans la plèvre ou être responsable d’une compression trachéale ou œsophagienne, voire d’une fistule. C’est l’IRM qui recherchera une épidurite ou d’autres loca-lisations rachidiennes. Les autres atteintes osseuses peuvent être également costales ou sternales.

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IMAGERIE

Les grands tableaux de la tuberculose thoracique

Tuberculose postprimaire de l’adulte “commun” : aspect typique, très évocateur

C’est un aspect chronique, nodulaire apical (91 %) ou “ulcérocaséeux” (45 %), associant une ou plusieurs cavernes apicales, des macronodules apicaux et des micronodules de dissémination bronchogène (21 %). La tendance rétractile atteint 41 % des cas (34). Les adénopathies de grosse taille sont rares (5 % des cas) [34, 35], les épanchements pleuraux sont possibles (18 %), de même qu’une miliaire ou un mal de Pott. Moins typiques sont les images de pneumo-nies, toujours apicales, en règle excavées, et les images nodulaires des tuberculomes.

Imagerie de la primo-infection tuberculeuse

La tuberculose de primo-invasion est exceptionnelle chez l’enfant dans les pays développés ; elle est décrite chez l’adulte (57, 58). Le diagnostic est fondé sur le virage des tests tuberculiniques. La radiographie du thorax, normale dans 15 % des cas (35), montre ailleurs un nodule, excavé ou non, dit “chancre d’inoculation”, le plus souvent droit et lobaire inférieur chez l’adulte, lobaire supérieur chez l’enfant. Une adénopathie satellite est décelable dans 35 % (34, 35) à 92 % des cas (31) en radiographie standard, également le plus souvent droite (31), latérotrachéale et/ ou hilaire, parfois compressive et évolutive en début de traite-ment (59). Une étude récente (18) a montré que chez l’enfant, les zones nécrotiques en TDM apparaissaient en hyposignal T2 et STIR (Short inversion Time Inversion Recovery) en IRM, ce qui peut évoquer une caséifi-cation. Les lésions observées étaient, dans les 6 cas décrits, des adénopathies et des foyers de condensation parenchymateuse, sièges de nécrose ; dans un tiers des cas, il s’agissait de nodules. Dans les suites immédiates de cette primo-infection tuberculeuse peuvent survenir une tuberculose miliaire (6 %), une pleurésie (24 %) ou une péricardite, une méningite, un mal de Pott. Cette tuberculose primaire peut devenir chronique et évoluer vers une tuberculose postprimaire avec apparition de localisations pulmonaires apicales excavées (29 %), une tuberculose, rénale ou génitale, chez la femme.

Influence du terrain

◆ La tuberculose de l’Africain noir Elle ressemble dans 60 % des cas à une tuberculose primaire, mais il a été démontré qu’il s’agit, dans plus de 72 % des cas, d’une forme postprimaire. L’apparte-nance du malade à l’ethnie Sarakolé (Mali, Mauritanie, Sénégal) serait déterminante dans le tableau observé, de même que la présence de l’HLA-BW 15 chez l’Amé-ricain noir (60). La traduction la plus fréquente de cette tuberculose est la présence d’adénopathies médiastinales et hilaires, le plus souvent visibles sur la radiographie standard, et nécrotiques au scanner avec prise de contraste en périphérie. Nous avons vu les complications œsophagiennes ou bronchiques. Elles peuvent être isolées ou associées à une pneumonie, une tuberculose miliaire ou des épanchements pleu-raux. L’atteinte rachidienne, très fréquente, doit y être recherchée de principe. Les rechutes, évaluées à 10 à 15 %, sont souvent graves ; les résistances primaires sont aussi importantes.

◆ La tuberculose du sujet VIH+Elle prend elle aussi souvent l’aspect d’une tuberculose primaire (61, 62). Elle toucherait 6 à 25 % des sujets VIH+, essentiellement les Haïtiens, les Zaïrois, les Maghrébins et les toxicomanes (63-68). La tuberculose est 7 fois plus fréquente chez le sujet VIH+ que dans la population générale ; la survenue de la tuberculose thoracique correspond souvent à l’apparition du déficit immunitaire et fait classer le patient au stade de sida. L’aspect est fonction du taux de CD4 (69). Le tableau peut être typique, avec nodules apicaux et excavations à un stade de déficit mineur (CD4 > 350/mm3), l’intra-dermoréaction est alors positive dans les deux tiers des cas (66). La chute des CD4, diminuant l’activité du macrophage, entrave la formation du granulome. Ainsi, avec des CD4 à 150/ mm3, la tuberculose est atypique, avec des localisations aux bases en particu-lier. L’intradermoréaction n’est positive que dans 30 % des cas ; avec moins de 100 CD4/ mm3, le tableau est celui d’une primo-invasion (7, 8), parfois à rechercher en TDM devant un tableau d’hyperthermie au long cours. Les foyers alvéolaires atteignent souvent les lobes inférieurs, et la miliaire n’est pas rare (7, 67, 70). Cette tuberculose miliaire peut s’accompagner d’une septicémie avec atteintes multiviscérales et insuffi-sance respiratoire. À titre d’exemple, chez 44 sujets VIH+ ayant la tuberculose, Y.Z. Zhang et al. visualisent, en TDM, 16 cas (36,4 %) d’adénopathie, 16 cas (36,4 %) d’opacités confluentes, 15 cas (34,1 %) de formes

I M A G E

Figure 14. Radiographie de thorax montrant une plastie par billes de l’hémichamp thoracique droit.

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miliaires et 15 formes nodulaires, 11 cas (25,0 %) d’épanchements pleuraux, 6 cas (13,6 %) d’aspect en verre dépoli, 5 cas seulement (11,4 %) avec excavation, 5 cas pseudotumoraux, 5 cas avec images fibreuses, 2 épaississements pleuraux et 1 calcification pleu-rale (69). Lorsque l’immuno dépression est importante, la présence d’excavations apicales doit plutôt faire rechercher une pneumocystose ; le diagnostic différen-tiel des adénopathies doit inclure la mycobactériose atypique (65, 66) et la cryptococcose (68). La pratique de la TEP-18FDG chez ces patients permettrait d’évoquer la réponse au traitement antituberculeux initial ; en effet, un taux élevé de SUVmax (> 5) sur les adénopa-thies atteintes permettrait de cibler les non-répon-deurs avec une sensibilité de 88 % et une spécificité de 81 % (19) ; cette étude pilote réalisée sur 24 patients doit être confirmée par de plus grandes séries.

◆ La tuberculose chez les autres immunodéprimés et chez le sujet débilitéLes malades transplantés, atteints de collagénose, sous corticothérapie, atteints d’hémopathie lymphoïde ou de leucémie à tricholeucocytes sont particulière-ment vulnérables à la tuberculose. Un cas mortel de réactivation de tuberculose dans un poumon trans-planté a été décrit (71), faisant discuter l’intérêt d’un examen TDM avant transplantation. Les autres sujets à risque sont les diabétiques (72), les sujets âgés (73), les personnes alcooliques, les femmes enceintes, les insuffisants rénaux, les gastrectomisés, les silicotiques et les personnes atteintes d’un cancer. Chez ces sujets,

l’atteinte des segments ventraux et des bases serait plus fréquente (72, 74), restant cependant inférieure à 8 % (5) ; enfin, pour certains, la forme chez le sujet de plus de 60 ans ne serait pas différente de celle du sujet jeune (75).

La tuberculose séquellaire

Calcifications, fibrose et rétraction, destructions parenchymateuses, atteintes bronchiques, pleu-rales et médiastinales ont déjà été évoquées ; nous voudrions insister sur quelques points et, en particulier, sur l’intérêt de l’examen TDM du thorax dans le cadre du bilan d’évolutivité. En effet, cet examen permet un meilleur bilan d’extension et surtout apprécie mieux la régression des lésions sous traitement (11) ou, au contraire, leur aspect évolutif. L’image de caverne peut disparaître ou persister sous une forme détergée. C’est alors une image cavitaire à paroi fine, isolée ou au sein d’une image fibreuse, rétractile, sans image alvéolaire adjacente. Une surin-fection ou un saignement se traduisent par l’appari-tion d’un niveau liquide. L’aspergillome, complication majeure, commence par épaissir et rétracter les parois de la cavité, avant de former une opacité hétérogène stratifiée ne prenant pas le contraste, puis la clas-sique image en grelot, libre dans la cavité, comme en témoignent des coupes TDM en décubitus dorsal puis ventral. Un faux anévrisme érosif de Rasmussen donne aussi une image en grelot ; celui-ci est fixe et prend le contraste en flash au temps artériel pulmonaire. L’apparition d’un cancer sur cicatrice est possible. Les séquelles thérapeutiques. Les pneumoséreuses entretenues ou les décollements extrapleuraux étaient responsables de cavités résiduelles avec rétraction du poumon sous-jacent. La seule présence de liquide dans ces cavités, décelée par TDM, n’est nullement synonyme de complication, et la ponction est inutile voire dangereuse. Une hyperthermie ou l’apparition d’un niveau hydroaérique témoignant d’une fistule bronchopleurale nécessitent un prélè-vement à visée bactériologique (germes banaux et BK) et mycologique (Aspergillus), puis un drainage ; une thoracoplastie sera ensuite souvent nécessaire. Les plasties à billes (figure 14) peuvent se compliquer de migrations de billes. Les thoracoplasties, plus ou moins mutilantes selon le nombre de côtes intéres-sées et l’uni- ou la bilatéralité du geste, outre l’insuf-fisance respiratoire restrictive, posent un problème de stabilité rachidienne.

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IMAGERIE

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Références bibliographiques

Intérêt de la radiologie dans l’hémoptysie sur tuberculoseLes hémoptysies peuvent survenir à la phase aiguë de la tuberculose ; sauf cas graves, le traitement antituberculeux est rapidement hémostatique. Elles surviennent surtout sur séquelles fibreuses avec dila-tations bronchiques ou lors de l’aspergillisation d’une caverne détergée. Elles sont dues à une hypervascu-larisation systémique bronchique et non bronchique qui peut être mise en évidence par artériographie et être embolisée. Les hémoptysies sur anévrisme de Rasmussen sont rares mais à rechercher systémati-quement avant toute procédure interventionnelle ; l’acquisition TDMV avec injection montre en effet parfaitement l’aspect de faux anévrisme et permet d’effectuer d’emblée l’angiographie pulmonaire

pour vaso-occlusion de l’artère afférente à ce faux anévrisme (76, 77).

Conclusion

La connaissance du polymorphisme des lésions de base de la tuberculose, du caractère évocateur de leur groupement, des terrains d’élection et de l’influence de ce terrain sur la sémiologie radiologique sont autant d’atouts pour une prise en charge précoce (élabora-tion du diagnostic et instauration du traitement) de cette infection contagieuse et éminemment curable. L’examen TDM de sa principale complication, l’hémop-tysie, a également permis de modifier radicalement notre approche thérapeutique interventionnelle. ■

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