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UNIVERSITE MONTPELLIER I CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE MASTER II DROIT PRIVE ECONOMIQUE L’INDEMNISATION DE LA RUPTURE BRUTALE DE RELATIONS COMMERCIALES ETABLIES Par Najat Abarkan Sous la direction de Monsieur Daniel Mainguy, Professeur à la faculté de droit de Montpellier et directeur du Master 2 Droit privé économique ANNEE UNIVERSITAIRE 2013/2014

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UNIVERSITE MONTPELLIER I

CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE

MASTER II DROIT PRIVE ECONOMIQUE

L’INDEMNISATION DE LA RUPTURE

BRUTALE DE RELATIONS COMMERCIALES ETABLIES

Par Najat Abarkan

Sous la direction de Monsieur Daniel Mainguy, Professeur à la faculté de droit de Montpellier et directeur du Master 2 Droit privé économique

ANNEE UNIVERSITAIRE 2013/2014

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REMERCIEMENTS

Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à :

Monsieur Daniel Mainguy, professeur à la faculté de droit de Montpellier et directeur du master 2 Droit Privé Economique, pour avoir contribué à la réalisation de ce mémoire et pour me permettre de suivre ce parcours exceptionnel avec ses riches enseignements.

Monsieur Malo Depincé, Maître de conférences à la faculté de droit de Montpellier et directeur du master 2 consommation et concurrence, pour l’ensemble de ses enseignements.

L’ensemble de l’équipe pédagogique du CDCM, pour leur soutien et l’ensemble de leurs enseignements.

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Liste des abréaviations

A

aff : affaire

al. : Alinéa

AJD : Actualité juridique Dalloz

Arr : Arrêté

Art : Article (d'un code)

B

BO : Bulletin officiel

BOCCRF : Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et la répression des

fraudes

Bull. civ. : Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation

C

c/ : contre

CA : Cour d'appel

Cah. dr. entr. : Cahiers de droit de l'entreprise

Cass : Cour de cassation

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Cass. ass. plén. : Arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de Cassation

Cass. ch. mixte : Arrêt de la chambre mixte de la Cour de Cassation

Cass. ch. réun. : Arrêt rendu par les chambres réunies de la Cour de Cassation.

D

D : Dalloz, Recueil Dalloz-Sirey

D. aff. : Recueil Dalloz, édition « affaires » (1995-1999)

déc. : decision

J

JCP : Semaine juridique (JurisClasseur périodique : générale, entreprises, commerce et

industrie, sociale,...)

N

n. : note

not. : notamment

R

RDC : Revue des contrats

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RDC : Revue trimestrielle de droit civil

règl. : règlement

RIDE : Revue internationale de droit économique

RTD Civ. : Revue trimestrielle de droit civil

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Sommaire Partie I : Le mécanisme juridique de l’indemnisation de la rupture brutale des relations

commerciales établies

Titre 1 : La détermination de la notion de rupture brutale de relation commerciale

établie

Chapitre 1 : La définition de la relation commerciale établie  

Chapitre 2 : La rupture brutale de la relation commerciale établie  

Titre 2 Les enjeux de la détermination du préavis

Chapitre 1 La nécessité du préavis  

Chapitre 2 La necessité d’un préavis raisonnable

Partie 2 : La sanction de la rupture brutale de relation commerciale établie

Titre 1 : L’indemnisation des conséquences de la rupture

Chapitre 1 Préjudice et responsabilité  

Chapitre 2 Le calcul de l’indemnité en fonction du préjudice et la mise en œuvre de

la responsabilité  

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Titre 2 : Une analyse de la portée de la sanction et solutions alternatives

Chapitre 1 L’analyse de la portée de la sanction  

Chapitre 2 Des solutions alternatives  

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Introduction

« Qui trop embrasse mal étreint »,

Ce proverbe français datant du XIVème siècle décrit exactement le regard que nous

pouvons porter aujourd’hui au mécanisme d’indemnisation de la rupture brutale des

relations commerciales établies. Il ressort clairement de cette notion que le législateur

s’est perdu en ne se focalisant pas sur leur but principal : le respect du droit de la

concurrence, à vouloir trop en faire les finalités du texte se sont perdus.

L’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dispose :

« I. Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le

fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au

répertoire des métiers :

5°- De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans

préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la

durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des

accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de

produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle

qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A

défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour

chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai

minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales,

notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas

obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie

de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation

commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée

minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du

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présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et

d'au moins un an dans les autres cas ».

Ce délit civil réprimant l'absence voire l'insuffisance de préavis était sanctionnée avant

l'adoption de ce texte sur le fondement des articles 1134 et 1135, voire 1382 du code

civil.

Introduit par la loi Galland1 dans l’optique très précise de dissuader les distributeurs de

recourir au déréférencement abusif à l’encontre de leurs fournisseurs, l’article L. 442-6,

I, 5° du Code de commerce est devenu la pierre angulaire de la rupture de relations

commerciales établies. Seulement entre l’esprit et la lettre du texte il y a très souvent

une différence est nous en avons ici un très bon exemple, car le texte ne sanctionne pas

seulement se déréférencement, nous choisirons donc de ne pas le traiter dans ce

mémoire, pour rester dans une optique de vision générale.

La loi NRE2 tentera d’améliorer le dispositif, en vain, le contentieux soulève toujours

autant de questionnement.

Le droit de la concurrence, a jugé opportun d'accompagner ce mouvement initié par le

droit commun des contrats en réglementant, spécifiquement, la rupture des relations

commerciales établies.

En effet, la généralité de l’obligation ainsi posée a pourtant permis d’en étendre

l’application à toute relation commerciale présentant un minimum de légalité, et de

sanctionner quiconque tente de mettre un terme « brutalement » à une relation

Commerciale.

Notre raisonnement est à différencier de celui concernant la rupture abusive de la

relation commerciale car si la rupture brutale de la relation commerciale établie peut

résulter des deux à la fois, elle demeure également sanctionnable du fait de sa brutalité

seule.

La mise en œuvre de cet article, fait intervenir plusieurs notions, plusieurs composantes,

1 Loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales. 2Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques

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qui ont toutes été débattues par la jurisprudence et la doctrine, la plupart d’entre elles

faisant l’objet de solutions jurisprudentielles qui peuvent souvent manquer de cohérence

et plus ou moins stable.

Ce contentieux de plus en plus retentissant, devient d’autant plus attrayant du fait de

l’importance du montant des sanctions prononcé sur le fondement de l’article L442-6 I

5° du code de commerce, des dommages et intérêts octroyés à la victime et pouvant

atteindre des sommes faramineuses.

La question de la rupture des relations commerciales établies est, assurément, de celles

qui ont l'art d'attirer à elle tous les regards. Plus encore, selon Denis Mazeaud, elle

constitue un « prisme au travers duquel il serait possible de discerner les tendances

lourdes de l'évolution du droit des contrats » au nombre desquelles l'empiètement des

droits spéciaux et notamment celui de la concurrence sur le droit commun des contrats3,

le phénomène de la « processualisation du contrat »4 par le biais du contrôle de l'abus.

A priori rien ne pouvait laisser présager un tel regain d'intérêt pour une question somme

toute classique : la cessation des relations d'affaires. En effet, quoique extrêmement

conflictuelle, cette dernière paraît, tout naturellement, devoir se rattacher à celle plus

vaste de la rupture des contrats, autrement dit comme nous le dit Denis Mazeaud, à un

« long fleuve tranquille», tant le régime juridique afférent paraît solidement établi.

Face un contrat à durée déterminée, toute rupture unilatérale avant l’expiration du terme

serait prohibée. Et face à un contrat à durée indéterminée, toute rupture unilatérale serait

autorisée à tout moment du fait de la prohibition des engagements perpétuels.

Toutefois, par le biais du contrôle de l'abus, la jurisprudence a entendu encadrer les

conditions de mise en oeuvre de ce droit. Elle a notamment exigé de celui qui souhaite

rompre unilatéralement un contrat à durée indéterminée qu'il avertisse de son intention

son cocontractant.

3. not. M. Chagny, Droit de la concurrence et droit commun des obligations, coll. Nouvelle bibliothèque des thèses, Dalloz, 2004, n° 32 ; B. Fages et J. Mestre, L'emprise du droit de la concurrence sur le contrat, cette Revue 1998. 71 ; L. Idot, L'empiètement du droit de la concurrence sur le droit du contrat, RDCO 3/2004. 861 et 882. 4. L. Cadiet, Les jeux du contrat et du procès, Mélanges Farjat, éd. Frison-Roche, 1999, p. 23 ; Une justice contractuelle l'autre, Etudes Ghestin, LGDJ, 2001, p. 177.

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Si l'existence de dispositions propres aux courants d'affaires est sans doute satisfaisante

sur le principe, un examen plus approfondi dudit article pourrait être de nature à réfréner

quelque peu l'enthousiasme. Assurément c’est par les partenaires évincés que ce texte

est le plus plébiscité et il fait couler beaucoup d’encre, nous l’avons bien compris.

D’après le professeur Daniel Mainguy, la mauvaise qualité de sa rédaction et la très

grande amplitude de son champ potentiel d'application5 expliqueraient pour partie cela.

La première impression laissée par cette notion est bien que nous renonçons à une

notion juridique bien définie, celle de contrat, au profit d'une notion plus incertaine celle

de la relation commerciale établie. Nous verrons que les relations commerciales établies

ne sont pas, en effet, nécessairement contractuelles. Bien que s'inscrivant résolument

dans le temps, les parties ne conviennent pas systématiquement de leur durée.

A une époque où le droit des affaires se diversifie à l'infini, on ne saurait pour

l'appréhender au mieux se limiter à l'étude de la Jurisprudence à notre disposition. Il

apparaît, en effet, plus intéressant dans le cadre de ces regards critiques portés sur la

rupture brutale des relations commerciales établies de tenter de dépasser « les enjeux

pratiques » certes considérables de ce texte pour tenter de mettre en exergue ses ressorts

théoriques6.

Loin de se limiter à la seule considération de l'obligation de préavis, l’analyse des abus

de brusque rupture de relations commerciales établies s’envisage au niveau de

l’indemnisation qui est l’enjeu principal et le meilleur moyen de prévention , donc 5D. Mainguy, Les mystères de la rupture brutale de relations commerciales établies, JCP E 2003, n° 51, 1792 6J. Mestre et B. Fages, RTD. civ. 2004

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concrètement :

Comment les juges évaluent le ou les préjudices issus d’une rupture brutale de relations

commerciales établies ?

Avant de nous intéresser directement à l’indemnisation de la rupture brutale ( Partie 2),

une compréhension de la notion de rupture brutale de relations commerciales établies

est inévitable (partie 1).

 

 

 

 

 

 

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Partie   I  :   Le  mécanisme   juridique   de  

l’indemnisation  de  la  rupture  brutale  

des  relations  commerciales  établies  

Pour tenter de comprendre l’indemnisation de rupture brutale de relations

commerciales établie il convient dans un premier temps de définir la notion même de

rupture brutale de relation commerciale établie, nous verrons ensuite quels sont les

enjeux de la détermination du préavis

Titre   1  :   La   détermination   de   la   notion   de   rupture   brutale   de  

relation  commerciale  établie  

Divisons la notion en deux partie d’analyse, dans un premier temps voyons la

définition de la relation commerciale établie ensuite intéressons nous à la notion de

rupture brutale de celle-ci.

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Chapitre  1  :  La  définition  de  la  relation  commerciale  établie  

Opérons là encore une analyse en deux temps, nous allons définir la relation

commerciale et le caractère établi de celle-ci, la détermination de ce caractère qui a fait

couler beaucoup d’encre...

Section 1 Une relation commerciale

Ce caractère commercial s’apprécie en fonctions des parties à la relation commerciale

(§1) mais aussi en fonction de l’objet de cette relation (§2).

§1 Le caractère commercial quant aux parties

Le champ d’application des dispositions concernant la rupture brutale concerne

tout professionnel qui entretient une relation commerciale, formalisée par écrit ou non,

qu’il s’agisse d’achat et de vente de produits ou de fourniture de prestations de services,

est concerné par les dispositions de l’article L442-6 I 5° du Code de commerce.

Toutefois, la Cour de cassation ne semble pas réserver cette notion aux seuls

professionnels qui ont un objet commercial et exercent une activité commerciale stricto

sensu. En effet, elle a admis que des mutuelles d’assurance, qui pourtant ont un objet

non commercial (art. L. 322-26- 1 al. 1 du Code des assurances), pouvaient être

sanctionnées sur le terrain de l’article L. 442-6, I 5° du Code de commerce en cas de

rupture brutale de contrats avec leurs partenaires au motif qu’elles interviennent dans le

secteur concurrentiel et procèdent à une activité de service7.

De façon plus anecdotique, et un peu curieusement, la Cour de cassation a indirectement

admis qu’un comité d’entreprise pouvait tomber sous le coup des dispositions

7Cass. com., 14sept.2010, n°09-14.322, Bull. civ. IV, n°135. Saisie dans cette affaire d’un litige relatif à la rupture de conventions d’agrément conclues par deux mutuelles d’assurance avec un réparateur automobile, elle a jugé que « le régime juridique des sociétés d’assurances mutuelles, comme le caractère non lucratif de leur activité, ne sont pas de nature à les exclure du champ d’application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence dès lors qu’elles procèdent à une activité de service ». La Cour d’appel de Riom dans une décision du 23 février 2011, n°10/01169 opposant également une mutuelle d’assurance à une société d’expertise automobile a confirmé cette solution.

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précitées8. Or, un comité d’entreprise n’est pas un commerçant qui peut développer une

activité commerciale.

Cependant, c’est l’auteur de la rupture dont traite le texte, la victime est ignorée par

celui-ci. Il s’agit de la personne qui entretient une relation commerciale avec un

producteur, un commerçant, un industriel ou un artisan, auteur de la rupture, c’est-à-dire

une personne qui a noué une relation d’affaires. La jurisprudence de la cour de cassation

vient remédier à cela le 6 février 2007 ou elle précise dans un arrêt que « l’article L442-

6 I 5° du Code de commerce peut être mis en œuvre quel que soit le statut juridique de

la victime du comportement incriminé ».9

En l’espèce il s’agissaitd’une association, celle-ci s’était déjà vu appliquer les

dispositions spécifiques à la rupture brutale par un arrêt de la Cour d’appel de

Montpellier du 24 janvier 2006.10 Cette extension jurisprudentielle se voit justifié par

une partie de la doctrine qui estime que « dès lors qu’il n’y aurait pas de partage des

bénéfices, rien ne s’opposerait à ce qu’une association puisse être qualifiée de

commerçante et entretenir ainsi des relations commerciales »11. La solution est

différente quand l’association est l’auteur de la rupture, elle se voit refuser l’application

de l’article L442-6 du Code de commerce, le tribunal de grande instance de paris avait

jugé en ce sens dans une décision du 20 septembre 200612.

La cour de cassation a exclue du champ d’application des dispositions légales sur la

rupture brutale des professions libérales comme les médecins13, car leurs relations ne

sont en aucun cas des relations commerciales, ou les notaires14 à qui il est interdit

d’effectuer des opérations de commerce.

8Cass. Com., 3 avril 2013, n°12-17.163, F-D. Cet arrêt toutefois n’a pas été publié au bulletin. Il est donc à considérer avec une certaine mesure, d’autant que c’est pour manque de base légale que l’arrêt d’appel a été cassé. En l’espèce, la Cour de cassation a reproché à la cour d’appel de ne pas avoir vérifié si un comité d’entreprise qui avait conclu un protocole d’accord avec une société commerciale pour gérer un parc de distributeurs de boissons avait respecté un prévis suffisant. 9Cass. com., 6 févr.2007, nº 03-20.463, Bull.2007, IV, nº 20. 10CA Montpellier, 24 janv. 2006, SAS Zuegg France c/ Association Les œuvres de plein air roussillonnais. 11Regnault S., Guide de la rupture des relations commerciales établies, RLDC n°45, janvier 2008, p.75 12TGI Paris, 20 sept. 2006, RG nº 05/09633, Mlle Véronique X c/ UFC-Que Choisir. 13Cass. com., 23 Oct. 2007, nº 06-16.774: JurisData nº 2007-041012 14Cass. com., 20 janv. 2009: D. 2009. AJ. 369, obs. Chevrier

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§2 Le caractère commercial quant à l’objet

A la différence du contrat ou de la convention, la notion de relations

commerciales n’apparaît pas d’emblée juridique15.

D’un point de vue économique, la relation peut être définie comme un courant

étroit et continu appelé aussi courant d’affaires (national et international) appliqué à des

achats de produits ou services, dans un cadre contractuel ou non.La jurisprudence est

même passée outre la qualification juridique que les parties ont pu donner à leurs

relations, lorsque ces relations changent régulièrement de nature, pour considérer celles-

ci dans leur ensemble comme ne formant qu’une seule relation commerciale établie.

Dépassant le cadre des relations fournisseur/distributeur stricto sensu, la jurisprudence a

donné au texte de l’article L422-6 I 5° du Code de commerce une portée très large et

variée, à un point tel que l’on a considéré sa localisation au sein des règles intéressant la

concurrence comme « totalement inadaptée »16.

Les relations peuvent alors être contractuelles ou non, précontractuelles17 ou

post-contractuelle1819.Il peut s’agir de relation à durée déterminée ou pas.Des contrats

successifs qui ont un objet identique, peuvent constituer des relations commerciales au

sens de l’article L 442-6 I du code de commerce20, enfin les relations peuvent être

formalisées par écrit ou non.

Sont donc concernées toutes les relations commerciales qui peuvent porter tant sur la

fourniture de produits que les prestations de services21, même celles faites pour les

besoins de la société cliente22.

Ainsi, la juridiction suprême a cassé l’arrêt d’appel qui avait retenu que les prestations 15 M. Malaurie-Vignal, Précision sur la notion de relation commercial établie, note ss.Versailles, 24 Mars 2005, SAS British America, Tobacco, CCC juill.2005,n°7, comm.133. 16 Droit de la ditribution, chronique rédigée par D. Mainguy, J.L Respaud , S. Destours, JCP E,n°20, 1638. 17Cass. Com, 5 mai 2009, Jurisdata n° 2009-048176 ; contrats,conc. Consom. 2009, comm 191, note N. Mathey 18 Cass. Com, 24 nov.2009, n° 07-19.248; Contrats, conc.consom. 2010 comm. 94 note N. Mathey 19CA Caen, 2 juin 2005 20 Cass. Com . 15 sept.2009 : Juridata² n° 2009-049448, Contrats, conc.consom. 2009, comm. 265, note N.Mathey 21CA Nîmes, 15 sept.2005, n° 03/00560; Cass.com., 23 avr. 2003: Bull. civ. IV, n° 57 22Cass. com., 23 avr. 2003, nº 01-11.664

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réalisées par un architecte, issues d’une création purement intellectuelle et exclusive de

toute acquisition antérieure en vue de la revendre, constituaient une activité par essence

civile et ne relevaient pas des relations commerciales établies23.

L’article L. 442-6, I, 5° s’applique aussi bien aux relations industrielles qu’aux activités

commerciales24. On l’a vu s’appliquer pour un contrat de transport25, pour les rapports

entre un annonceur et une agence de publicité26, et aux relations entretenues avec les

sociétés de presse pour des demandes d’insertions d’annonces publicitaires27.

Cela dit, interrogeons-nous maintenant sur la détermination du caractère établie de la

relation. Le caractèreétablie de la relation appelle, à lui seul, quelques précisions, car en

son absence la relation commerciale ne saurait bénéficier du régime de protection de

l’article L442-6 I 5° du code de commerce.

Section 2 Une relation commerciale établie

Les juridictions ont pris en considération différents critères pour établir le caractère

établie de la relation commerciale .Les deux principaux critères dégagés par la

jurisprudence sont la durée et l’intensité, un débat porte aussi sur le critère de la

stabilité. Ainsi dans un premier temps nous étudieront le caractère principale : la durée

de la relation commerciale (§1) ensuite l’intensité et la stabilité de la relation (§2).

§1Le critère principal du caractère établie : la durée de la relation

commerciale

Le critère de la durée des relations est sans doute celui qui a été le plus retenu par la

jurisprudence, sans pour autant obtenir critère précis et fixe. Même si la durée assimile

la nature d’établie d’une relation à son ancienneté, les juridictions ont néanmoins rendu

des décisionsdifférentes à cet égard. 23Cass. com., 16 déc. 2008, n° 07-18.050 24CA Lyon, 15 mars 2002 25CA Besançon, 20 nov. 2005 : JCP E 2006, n° 11 p. 523 ; CA Aix-en-Provence, 4 janv. 2007 : RD transp. 2007, n° 99, obs. Paulin; CA Paris, 18 janv. 2007: ibid., n° 100 ; Com., 6 mars 2007, RD transp. 2007, n° 98, obs. Paulin. 26CA Paris, 11 janv. 2008 : Gaz. Pal. 2008. 2001 27CA Paris, 29 févr. 2008 : RJDA 2008, n° 858

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Ainsi si des relations trentenaires28 ou d’une dizaine d’années29, ou également de cinq à

six ans30, paraissent tout à fait établies, les juges ont pu, sans trop d’hésitation faire

appliquer l’article concernant la rupture brutale de la relation commerciales ayant une

durée de deux ans31 ou même à peine un an et demi32.

La tendance jurisprudentiel semble refuser de qualifier une relation inférieur à six mois

d’établie33. Les motivations apportées à ces solutions restent peu convaincantes pour la

doctrine qui considère que la relation établie doit s’étendre tant de celle qui s’étend sur

une période de temps non négligeable que de celle qui a vocation à perdurer34.

Aussi, et toujours dans l’analyse du critère de la durée, il fut jugé que l’article L. 442-6,

I, 5° s’applique indifféremment à des relations à durée déterminée ou indéterminée, la

durée déterminée n’étant pas un obstacle à ce qu’une relation commerciale puisse être

établie35.Ceci étant dit l’absence de clause de reconduction dans un contrat à durée

déterminée,écarte la qualification de relation commerciale établie. Dans une espèce où

la relation était fondée sur des contrats annuels régulièrement renouvelés depuis dix ans,

le tribunal de commerce de Nanterre a considéré que les parties entretenaient une

relation commerciale établie à durée indéterminée et que le non renouvellement (sans

préavis) du contrat constituait une rupture brutale de cette relation commerciale36.

Le point de départ de la relation commerciale est quant à lui globalement reconnu par la

jurisprudence comme se situant à l’origine de la relation commerciale, indépendamment

des différentes formes que cette relation a pu emprunter. Ainsi, la Cour de Cassation

28CA Paris, 12 sept. 2001, VP Electronique c/ EAO-SECME ; T. com. Paris, 2 avr. 1999, Esmar c/ Galeries Lafayette 29Cass. com., 23 avr. 200 3, n° 01-11.664 ; Cass. com., 3 déc. 2002, n° 99-19.822 ; Cass. com., 6 mai 2002, n° 99-14 .093 ; CA Lyon, 15 mars 2002, Paul Boye Diffusion c/ Distribution Casino France 30Cass. com., 25 févr. 2003, n° 00-22.666 et n° 01-16.657, DHN c/ Beaubour ; CA Douai, 5 déc. 2002, Promiles c/ Norcolor ; Cass. com., 3 déc. 2002, n° 00-16.818 ; T. com. Paris, 21 mai 2001, Geral c/ Ivresse 31T. com. Roubaix-Tourcoing, 14 déc. 2000, Novy Planification Différée c/ Auchan ; T. com. Epernay, 8 déc. 1998, Tir Groupé c/ Chèque Lire 32T. com. Evry, 3 oct. 2001, Pharma-Lab c/ Pfizer 33CA Aix-en-Provence, 19 nov. 2004, précité. En l’espèce, le préavis respecté par l’auteur de la rupture a été jugé suffisant.CA Versailles, 21 mars 2002, Coopérative des Pharmaciens d’Ile-de-France c/ Warner Lambert 34V. en ce sens, M. Pédamon, Nouvelles règles relatives à la rupture des relations commerciales établies, Lamy dr. éco. déc. 2001, n° 146, p. 1 s.,spéc. p. 3 ; A. Grizaut, Rupture brutale des relations commerciales établies, réflexions sur les premiers cas d'application de l'article L. 442-6, I, 5°, in Contrats de distribution l'équilibre enfin trouvé ?, Dr. et patr. juin 2003, n° 116, p. 71 s 35CA Versailles, 24 mars 2005, Contrats, conc.,consom. 2005, comm. 133 36T.com. Nanterre, 3 mars 2000, Kiasma c/ CIM et Continent Hypermarchés

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précise-t-elle qu’il convient de prendre en compte des relations contractuelles

antérieures à la relation commerciale rompue dans l’appréciation du caractère « établi »

ou non de la relation commerciale litigieuse (Cass. Com. 2001). Cela signifie par

exemple qu’il conviendra de prendre en compte l’intégralité de la relation en cas de

reprise d’un contrat par avenant et non uniquement la durée de la relation à compter de

cette reprise (Cass. Com. 2008).

La durée constitue, donc, le critère naturel37(Il a pu être observé que même en l'absence

de tout contrat, une relation commerciale régulière qui aura duré au moins 6 mois

pourra être considérée comme établie) de la relation commerciale établie, mais pas

exclusif.

La stabilité et l’intensité de la relation doivent également être prises en

considération.

§2 L’intensité et la stabilité de la relation commerciale

L’intensité est le critère économique de celle-ci qui consiste à ne prendre en

compte, pour l’appréciation du caractère établi ou non de la relation commerciale, que

les relations suivies et régulières. Tel est le cas lorsque les partenaires ont entretenu des

relations d’affairesqui « s’inscrivent dans la durée comme dans la continuité et (…)

présentent une certaineintensitéafin d’être établies »38.

Pour relever l’intensité d’une relation le juge s’intéressera aux détails pratiques de

celle-ci, surtout en l’absence de contrat écrit, tels historique des échanges et

l’importance des investissements, les chiffres d’affaires réalisés et leurs évolutions, les

objectifs atteints... Par exemple la cour de cassation a estimé qu’une relation résultant de

« contrats indépendants », conclus par une entreprise « qui n’avait pas passé d’accord-

cadre » avec son partenaire et « ne lui avait pas garanti de chiffre d’affaires ou

d’exclusivité », ne pouvait être qualifiée de relation commerciale établie39. Il a

37V. en ce sens, M. Thill-Tayara et F. Herrenscmidt, Panorama de jurisprudence : la rupture des relations commerciales établies, un exercice périlleux, Lamy dr. aff., sept. 2003, p. 5, spéc. p. 6 38CA Versailles 20 février 2003 n° 2001-1170 39Cass. Com. 16 décembre 2008 n° 07-15.589

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également été jugé que ni une opération ponctuelle40, ni des relations qualifiées

« d’intermittentes » au regard faible du nombre de jours de formation assurés par la

victime de la rupture41, ne pouvaient caractériser une relation commerciale établie.

La Cour de cassation a aussi considéré qu’une succession de cinq commandes

passées sur six mois ne caractérisent que des relations« ponctuelles et non suivies » et

que « les démarches accomplies dans le cadredesnégociations, ne caractérisent pas des

relations commerciales établies, mais simplement de longs pourparlers … »42. Cette

solution nous laisse perplexe dans la mesure où elle vient contredire les arrêts rendus,

notamment par la cour d’appel de Caen, qui avaient considérés que l’article L442-6 I 5°

du code de commerce avait vocation à s’appliquer à toute relation commerciale, qu’elle

soit précontractuelle, contractuelle ou post-contractuelle43. Alors finalement les

dispositions sur la rupture brutale s’appliquent ou non à une relation

précontractuelle ?Concernant l’arrêt précité il faut distinguer les pourparlers menés en

vue de conclure un accord, et les commandes intervenus entre temps et constituant

chacune et séparément un contrat. Donc les pourparlers ne peuvent être qualifiés de

relation commerciale, seules les commandes peuvent l’être. En ce sens c’est la cour

d’appel de Caen qui semble s’être mal exprimé.

Nous pouvons nous demander s’il est raisonnable d’imposer aux parties en simples

négociations, ou entretenant un courant d’affaires épisodique, de notifier par écrit leur

volonté de mettre un terme à leurs relations et de respecter un délai de préavis

« suffisant » dont la durée subjective et discutable ? Il semble légitime de défendre le

respect d’un principe de loyauté en droit des affaires dans la mesure où cela ne devienne

pas une entrave à l’initiative économique.

Bien qu’il soit souvent discuté, une partie de la doctrine considère que la durée

et l’intensité suffisent pour déterminer le caractère établie d’une relation commerciale44,

le critère de la stabilité de la relation commerciale et d’autant plus souvent avancé.Ce

40CA Versailles, 2 déc. 2004, SA générale importation électronique et de distribution audio manufactures c/ SA groupement Édouard Leclerc Galec 41TGI Paris, 18 mai 2006, RG n° 04/17965, Évidence Théâtre c/ Forma CE 42Cass. Com. 25 avril 2006, n° 02-19.577 43CA Caen, 2 juin 2005, précité. 44D.Mainguy et JL. Respaud note précitée.

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critère se situe au niveau de l’intention des parties et se fonde sur les définitions de la

relation commerciale établie données par les cours d’appel de Versailles et Lyon dans

leurs arrêts rendus respectivement le 20 février et le 10 avril 2003. Il s’agit pour la

première de relations qui s’inscrivent « dans la durée comme dans la continuité », pour

la seconde il s’agit de relations d’affaires « stables suivies et anciennes »45. Pour

l’application de ce critère les juges regarderont si la relation commerciale visée avait ou

non vocation à perdurer. Ainsi, la jurisprudence considère qu’en l’absence de clause de

tacite reconduction dans un contrat à durée déterminée, la probabilité des éventuels

renouvellements est trop faible pour qu’il y ait « stabilité » ; il n’y aura pas relation

commerciale établie (CA Paris, 2008). La Cour de cassation a aussijugé que cinq

commandes passées sur une période de 6 mois dans le cadre de pourparlers, fussent-ils

longs, devaient s'analyser comme des relations commerciales non stables46. Il convient

de relever que certaines juridictions se sont tout de même affranchies de cette exigence

de stabilité. Ainsi la cour d'appel d'Aix-en-Provence a-t-elle considéré que des relations

commerciales même établies de façon très brève entraient dans le champ de l'art. L.

442-6, I, 5°, c. com. au motif que cette disposition n'imposait aucune durée minimale47.

La prise en compte de la durée effective de la relation, et non plus simplement

de la durée convenue au terme d’un contrat, marque la volonté du législateur de

reconnaître des effets juridiques à des relations, certes, moins formalisées, mais

courantes dans la pratique des affaires.

Après avoir étudié les critères définissant les caractères « établi et commercial »

de la relation, étudions le caractère brutale de la rupture.

45CA Versailles, 20 févr. 2003, RG n° 01/01170, Domelektrika c/ Moulinex et CA Lyon, 10 avr. 2003, Sté PN Gerolymatos SA c/ Sté Aventis Pasteur MSD SNC 46. Com. 25 avr. 2006, note D. Mainguy et J.-L. Respaud, JCP E 2007, n° 1348, p. 24 47CA Aix-en -Provence, 28 mai 2004, SARL Production c/ SAS M6 Interactions

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Chapitre  2  :  La  rupture  brutale  de  la  relation  commerciale  établie  

Après avoir définit le caractère brutale de la relation commerciale établie (section 1)

nous verrons les différents cas de rupture (section 2).

Section 1 Définition de la rupture brutale de la relation

commerciale établie

Le caractère brutal (§1) est essentiel nous le verrons dans un premier temps avant de

différencier la rupture brutale et la rupture abusive (§2)

§1 La notion de brutalité

Le cœur de ce dispositif, mis en place par l’article L 442-6 I 5°, réside par la notion de

brutalité. Ce terme désigne ce qui est soudain et violent, souvent rude. Elle peut être

objective désignant une caractéristique d’un évènement, ou subjective, visant alors le

comportement violent d’une personne. En matière de rupture de relations commerciales

établies la brutalité se distingue de l’abus (cf §2 la notion de rupture abusive) : elle est

entendu de manière plus objective. Selon le droit commun la rupture brutale est une

rupture « soudaine, imprévisible et violente »48. Selon Nicolas Mathey,« Une dose de

subjectivité est tout de même réintroduite lorsqu'il faut apprécier le caractère

imprévisible de la rupture ». Et c'est là que les choses se compliquent tant en pratique

qu'en théorie.La difficulté vient du fait que la relation commerciale dépasse la notion

formelle de contratet, comme nous l’avons vu, peut être constituée d'une succession de

contrats à durée déterminée ayant un objet similaire49. Par conséquent, si la survenance

du terme d'un contrat met régulièrement fin au contrat, elle n'entraîne pas pour autant

l'extinction sans brutalité de la relation commerciale. L'exigence d'un préavis écrit d'une

durée raisonnable s'impose alors indépendamment d'un éventuel préavis

conventionnel50. Autrement dit, le non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée

48CA Montpellier, 11 août 1999 : RJDA 11/99, n° 1176 ; CDE 1999, n° 5, p. 19, Mainguy ; D. affaires 1999, act. jurispr. p. 28. - CA Rouen, 30 mai 2002 : JurisData n° 2002-184180 49Cass. com., 15 sept. 2009, n° 08-19.200 : Bull. civ. 2009, IV, n° 110 ;JurisData n° 2009-049448 ; Contrats, conc. consomm. 2009, comm. 265, note NM ; D. 2009, p. 2277, obs. E. Chevrier ; Contrats, conc. consomm. 2011, p. 540, obs. D. Ferrier. - V. également M. Malaurie-Vignal, Droit de la distribution : Sirey 2012, 2e éd., n° 683 50Cass. com., 16 janv. 1996, n° 93-16.257

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à son échéance n'est pas nécessairement exempt de brutalité(cf section 2 les différents

cas de rupture du contrat).

Dans une affaire tranchée le 20 novembre 2012 par la Cour de cassation, la question

était précisément celle-ci : dans quelle mesure le non-renouvellement d'un contrat à

durée déterminée peut-il être considéré comme brutal ? La Cour de cassation a rejeté le

pourvoi dirigé contre la décision qui avait écarté le grief de brutalité. En effet, la rupture

n'avait pas été brutale dès lors qu'il résultait des faits de l'espèce que la rupture n'avait

été ni imprévisible, ni soudaine, ni violente. Un préavis de neuf mois avait d'ailleurs été

accordé. Si l'appréciation des circonstances de fait relève du pouvoir des juges du fond,

on constate que la Cour de cassation opère tout de même un contrôle de la motivation.

Plusieurs éléments de la décision d'appel sont ainsi relevés par la Cour : elle relève en

particulier l'évolution des relations commerciales entre les parties qui a abouti, dans son

dernier état, à la conclusion d'un contrat à durée déterminée non renouvelable par tacite

reconduction. Pour la Cour de cassation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision

en faisant ressortir que le demandeur, dont le contrat venait à échéance, ne pouvait

raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l'avenir.

Autrement dit, la relation commerciale était marquée d'une certaine précarité. Il n'était

pas contesté pourtant qu'elle soit établie : la discussion portait sur la brutalité et non sur

l'existence de la relation. Ce faisant, cette décision soulève à nouveau la question de la

précarité dans les relations commerciales.

La précarité est une notion aussi ambiguë que celle de brutalité. Elle peut porter sur la

relation elle-même et conduire à considérer que celle-ci n'est pas suffisamment établie :

si la relation est précaire, sa rupture ne peut être sanctionnée sur le fondement de

l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Ce raisonnement se retrouve dans un

nombre significatif de décisions émanant aussi bien de juges du fond que de la Cour de

cassation. Une cour d'appel a ainsi jugé que « la qualification du contrat, dit de sous-

occupation précaire et la limitation de sa durée à trois années attiraient clairement

l'attention de la société (preneuse) sur le caractère temporaire, voire fragile, des

relations nouées »51. La Cour de cassation a, quant à elle, cassé pour défaut de base

légale un arrêt qui avait retenu l'existence d'une relation commerciale établie, sans 51CA Lyon, 15 mars 2007 : JurisData n° 2007-344473 ; Contrats, conc. consom. 2008, comm. 11, obs. N. M.

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rechercher si eu égard à la nature de leur prestation de conception et réalisation de

programmes télévisuels les sociétés pouvaient légitimement s'attendre à la stabilité de

leur relation52. La Cour de cassation avait clairement exposé sa doctrine dans son

rapport annuel pour 2008, à propos d'un arrêt du 16 décembre 200853 : pour être établie,

la relation commerciale doit ainsi revêtir un caractère suivi, stable et habituel de sorte

que la victime de la rupture « pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une

certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial »54.Ce n'est pas en

ce sens que la précarité est envisagée en l'espèce. C'est là que réside l'originalité de

l'arrêt, qui n'est toutefois pas destiné à recevoir les honneurs d'une publication au

Bulletin civil. En effet, la précarité peut aussi bien être considérée comme étant de

nature à exclure la brutalité même en présence d'une relation par ailleurs suffisamment

établie. Les deux démarches semblent toutefois largement équivalentes en pratique dans

la mesure, notamment, où la victime de la rupture devra en toute hypothèse établir tant

l'existence de la relation commerciale établie que la brutalité de la rupture. Malgré tout,

la démarche retenue en l'espèce semble préférable car elle est source d'une plus grande

souplesse. En effet, plutôt qu'une alternative existence/absence de relation commerciale

établie, la prise en compte de la précarité dans le cadre de l'appréciation de la brutalité

permet de moduler la solution en fonction du préavis accordé. Ainsi, en l'espèce, la

rupture a-t-elle pu être jugée non brutale car son auteur avait concédé un préavis de neuf

mois. La solution aurait certainement été différente si aucun préavis n'avait été

accordé.Dans la pratique, il est donc possible d'entretenir, voire d'instaurer une certaine

précarité au sein de la relation commerciale. Pour une partie de la doctrine, certaines

relations commerciales ou du moins certaines prestations seraient par nature marquées

par la précarité55. Cette idée d'une précarité inhérente à la relation commerciale a été

justement contestée au regard de la jurisprudence actuelle par M. Chantepie56.

L'essentiel réside bien davantage, comme le rappelle clairement l'arrêt commenté, dans

l'anticipation raisonnable de la victime de la rupture. Autrement dit, il faut que les 52Cass. com., 18 mai 2010 : Bull. civ. 2010, IV, n° 89 ; D. 2011, p. 547, obs. D. Ferrier 53Cass. com., 16 déc. 2008 : Bull. civ. 2008, IV, n° 207 ; JurisData n° 2008-042299 ; Contrats, conc. consom. 2009, comm. 73, note N. M 54C. Cass., rapp. annuel 2008, p. 307. - Sur la notion d'anticipation L.-M. Augagneur, L'anticipation raisonnable de la rupture des relations commerciales. À propos d'un non-revirement de la Cour de cassation : JCP E 2009, 1969 55M. Oudin, Rupture brutale des relations commerciales établies : le juge et les attentes légitimes des parties : RJDA 2011, p. 3 56G. Chantepie, La précarité des relations commerciales : Contrats, conc. consom. 2012, étude 11

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circonstances ne soient pas de nature à laisser croire à la pérennité de la relation. Si le

seul fait que la relation soit constituée d'une succession de contrats à durée déterminée

ne suffit pas à créer la précarité, que faut-il de plus ? La prise en compte, en l'espèce, de

l'évolution de la forme de la relation n'est sans doute pas décisive car elle est ambiguë :

peut-on vraiment trouver un indice de précarité dans le passage d'une relation informelle

à une succession de contrats à durée déterminée en passant par un contrat à durée

indéterminée ? La relation semble au contraire avoir gagné en intensité. Il faut dès lors

compléter cette première analyse. Le raisonnement devient plus convaincant lorsqu'on

constate que le dernier contrat était d'une durée de deux ans non renouvelable par tacite

reconduction. Cette dernière précision est certainement décisive. Elle ouvre une

perspective intéressante pour ceux qui cherchent à limiter le risque de rupture brutale.

Même s'il s'agit d'un élément de fait propre à l'espèce, et alors que l'arrêt ne sera pas

publié, la stipulation d'un terme ferme avec exclusion de la tacite reconduction devrait

être un indice fort de la précarité de la relation. Cela ne doit toutefois pas inciter la

partie qui souhaite rompre à attendre passivement le terme du contrat : dès lors qu'il y a

bien une relation commerciale établie, bien que marquée d'une certaine précarité, il

conviendra de respecter un préavis raisonnable qui sera simplement plus court que le

préavis ordinaire. En l'espèce, un préavis de neuf mois a été considéré comme suffisant

pour une relation de vingt ans alors qu'il aurait sans doute été jugé insuffisant en

d'autres circonstances. La démarche adoptée dans cette affaire semble donc des plus

pertinentes. Il reste à voir si elle sera reprise dans d'autres décisions afin de faire

jurisprudence.

Un arrêt rendu par la chambre commerciale de la cour de cassation le 9 mars 201057, a

retenu notre attention, là encore cette solution est purement factuelle et n’aurait

surement pas était la même avec des faits différents. En l’espèce ayant fait ressortir que

l’auteur de la rupture avait proposé à son fournisseur de maintenir avec lui sa relation

commerciale pendant la période de préavis lui permettant de mettre en œuvre, dès le

début de cette période, une solution de remplacement , peu important que cette solution

de remplacement nécessite la définition d’une nouvelle relation contractuelle entre les

parties, la cour d’appel de Douai, qui a pris en compte la durée de la relation

57 Cass.com., 9 mars 2010, n°08-21.055

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commerciale établie, a pu juger qu’il n’y avait pas rupture brutale d’une relation

commerciale.

§2 Rupture brutale et rupture abusive

Gérard Cornu définit l’abus comme étant l’ « exploitation outrancière d’une situation de

fait ; mise à profit de position de force souvent au détriment d’intérêt plus vulnérable ».

Selon le professeur D.Ferrier :il y a trois situations dans lesquelles une rupture serait

qualifiée d’abusive : quand elle serait constitutive d’une faute délictuelle, d’une pratique

anticoncurrentielle ou encore d’une pratique restrictive de concurrence.

D’abord, la rupture de la relation commerciale est abusive lorsqu’elle est dictée par la

volonté de nuire58: c’est larupture constitutive d’une faute délictuelle.

Ensuite la rupture constitutive d’une pratique anticoncurrentielle : La rupture d’une

relation établie peut être condamnée au titre de l’abus de domination59 ou de l’abus de

l’état de dépendance économique60 lorsqu’elle intervient « au seul motif que le

partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ». Quatre

conditions doivent donc être réunies pour l’application du dispositif : En premier lieu

une atteinte à la concurrence non pas limitée à l’activité du partenaire mais sur le

marché. Ensuite, l’existence de relations commerciales antérieures et continues. Le

dispositif ne vise pas uniquement la résiliation d’un contrat, mais de manière plus large,

la fin d’une relation « établie » ; il appartient au juge d’apprécier la stabilité du courant

d’affaires entre les partenaires61.Aussi, la motivation de la décision de mettre fin à ces

relations commerciales, celle-ci doit être exclusivement fondée sur le refus du partenaire

de consentir un avantage injustifié, c'est-à-dire sans contrepartie normale62. Enfin, l’état

de dépendance économique de la victime par rapport à l’auteur de la rupture. En

principe cet état est subi mais il peut être voulu par une partie qui s’est elle-même placé

58 CA versailles 10 juin 1999 : D.affaires 1999, 1248 59 Article L420-2, al 1er du Code de commerce 60 Article L420-2, al 2 du Code de commerce 61 CA Montpellier, 11 Août 1999 : D.2001, somm. 298, obs. D.F. 62 Cons. Con., n°04-D-26, 30 juin 2004 : BOCC 8 nov. 2004 ; Rev. Lamy con. 2005 , n°1, p38, obs. V. Selinsky

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dans cette situation de dépendance, dans ce dernier cas la jurisprudence ne fait pas

toujours jouer la protection63.

Il y a enfin, la rupture constitutive d’une pratique restrictive de concurrence. En

l’absence d’atteinte à la concurrence sur le marché, la rupture abusive de relations

établies peut encore être sanctionnée par application de l’article L442-6-1 4° du code de

commerce qui vise le fait d’obtenir ou tenter d’obtenir sous la menace de la rupture,

totale ou partielle, de la relation commerciale, un avantage quelconque. Il semble tout

de même que ce dispositif ne soit pas d’une grande aide au fournisseur qui serait soumis

à la puissance d’achat d’un distributeur, compte tenu de la discrétion du fournisseur

victime d’une telle pratique comme du distributeur qui en serait l’auteur.

Toutes ces définitionsrestent tout de même floues au vu de la définition de la rupture

brutale. Car en suivant ce raisonnement nous pouvons aussi arriver à la conclusion

qu’une rupture brutale peut être abusive, en cumulant les différents critères... l’exemple

de la dépendance économique en est le meilleur exemple : un fournisseur peut très bien

rompre brutalement (sans préavis écrit raisonnable) sa relation avec un distributeur en

état de dépendance économique.

La limite entre ces deux « modes » de rupture reste floue par moment mais ce sont deux

caractère qui peuvent être cumulatifs, cependant nous allons tout de même axer notre

analyse sur la rupture brutale des relations commerciales établies

63 Pour la protection : Cons. Conc, n°04-D-26, 30 juin 2004 , Contre la protection : Cass.com., 10 dec. 1996

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Section 2 Les différents cas de rupture de relation commerciale établie

Voyons en deux temps les différents cas de la rupture brutale des relations

commerciales établies.

§1 Résiliation d’un contrat à durée indéterminée et non reconduction d’un

contrat à durée déterminée

En vertu du principe français de prohibition des relations perpétuelles, un contrat à

durée indéterminée, conclu oralement ou par écrit, peut a priori être résilié à tout

moment. Toutefois afin d’éviter que la résiliation dudit contrat intervienne en temps

inopportun, l’article L. 442-6 I n° 5 du Code de commerce dispose que la rupture d’une

relation commerciale établie s’effectue obligatoirement par écrit, en tenant compte

d’une durée minimale de préavis. Tout manquement à ces obligations donne droit pour

l’autre partie à des dommages et intérêts. La durée du délai de préavis est fonction de la

durée totale de la relation commerciale et doit être déterminée en référence aux usages

commerciaux et à d’éventuels accords commerciaux (cf. le point IV 2 pour plus de

précisions).

Outre la résiliation d’un contrat à durée indéterminée, l’article L. 442-6 I n° 5 du Code

de commerce s’applique également en cas de non renouvellement d’un contrat à durée

déterminée arrivé à expiration. Dans l’hypothèse où un contrat à durée déterminée64 a

fait l’objet de renouvellements successifs, le refus de le renouveler une nouvelle fois est

constitutif d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie si le cocontractant

pouvait légitimement croire que le contrat serait reconduit. Il est peu important à cet

égard que le contrat contienne une clause de reconduction tacite.

64 Casss Com. 4/01/94

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§2 Interruption totale ou partielle des commandes et modification

unilatérale des conditions commerciales

L’article L. 442-6 I n° 5 du Code de commerce s’applique également aux relations

commerciales non formalisées par un contrat écrit mais qui résultent d’un simple

courant d’affaires entre les partenaires commerciaux. Même en l’absence de contrat

cadre, le changement soudain de fournisseur par l’acheteur est ainsi susceptible de

caractériser une rupture brutale de la relation commerciale. Aux termes de la loi, ce

principe ne vaut pas uniquement en cas de rupture totale mais également en cas de «

rupture partielle » et par conséquent de simple réduction du nombre de commandes.

Dans un arrêt du 26 février 2008, la Cour d’appel de Douai a ainsi condamné un client

qui avait soudainement réduit ses commandes de 60% à verser des dommages-intérêts

au fournisseur victime de cette baisse de commandes. Ce cas présentait toutefois la

particularité que le chiffre d’affaire de ce fournisseur était presque exclusivement réalisé

grâce aux commandes dudit client.

La rupture brutale résultera non seulement de l’interruption totale des relations mais

également de leur diminution, qualifiée de « rupture partielle » (au sens de l’article).

La rupture est partielle lorsqu’une partie seulement de la gamme des produits du

fournisseur, généralement les moins connus ou les plus concurrencés, fait l’objet d’un

déréférencement, ou lorsque le montant des achats diminue fortement, voire lorsque les

modalités de paiement sont modifiées au désavantage de l’autre partie65.

Encore faut’ il pour être condamnable, que la mesure de réduction ne soit pas justifié

par un contexte économiquedéfavorable : baisse des commande en aval, baisse des

fournitures en amont, mais la jurisprudence apprécie restrictivement ces justifications66.

Enfin, une modification significative de ses conditions commerciales (telle une

augmentation substantielle des prix de vente) imposée unilatéralement par un

cocontractant est également susceptible de caractériser une rupture brutale d’une

relation commerciale.

65 CA Paris 11 octobre 2006 et CA Reims 6 novembre 2006 66Rapport CEPC avis n°10-04, 10 février 2010

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Titre    2  Les  enjeux  de  la  détermination  du  préavis  

Il conviendra de voir dans un premier temps la nécessité du préavis, et la nécessité d’un

préavis raisonnable ensuite.

Chapitre  1  La  nécessité  du  préavis  

Dans un premier temps voyons le rôle du préavis (section 1), analysons ensuite les

conditions du comportement fautif (section 2)

Section 1 : Le rôle du préavis

Nous verrons d’abord qu’il s’agit de respecter le principe de prohibition des

engagements perpétuels appliqué à relation commerciale établie (§1) et nous verrons les

autres fonctions (§2).

§1 Le respect du principe de prohibition des engagements perpétuels

appliqué à la relation commerciale établie

La rupture en elle-même n’est pas sanctionnée, on sanctionne ici le non-respect des

conditionsde celle-ci. Sanctionner la rupture contreviendrait à l’application du principe

de prohibition des engagements perpétuels.

En droit des contrats, les engagements à durée indéterminée peuvent être rompus

unilatéralement à tout moment : c’est l’application du principe de prohibition des

engagements perpétuels. Une partie à un contrat ne pouvant être engagée pour une durée

indéfinie, si aucun terme contractuel n’est fixé, elle doit pouvoir se libérer à tout

moment.

Cette rupture n’a pas à être motivée, mais doit simplement avoir été annoncée à

l’avance à l’autre partie au contrat. Il faut donc respecter un délai de préavis. C’est ce

mécanisme du droit des obligations que le législateur a décidé d’étendre, non plus

seulement aux contrats, mais de façon plus générale « aux relations commerciales

établies » par le biais de l’article L.442-6-I-5°du Code de Commerce.

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L’article dispose que « le fait… de rompre brutalement, même partiellement, une

relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation

commerciale...» engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparation.

En d’autres termes, comme en droit commun, celui qui veut mettre fin à des relations

commerciales suivies doit en aviser son partenaire en respectant un préavis d’autant plus

long que la relation aura duré plusieurs années.

Ce texte permet cependant une bien meilleure protection que le droit commun des

contrats en raison de son champ d’application beaucoup plus large.En effet, « la

relation commerciale suivie »est une notion plus économique que juridique qui ne se

limite pas à l’existence d’un contrat.

§2 La fonction du préavis

Le préavis (écrit et raisonnable) est donc la solution pour éviter toute sanction pour

rupture brutale de relation commerciale établie mais nous pouvons malgré tout nous

demander s’il n’y a pas d’autre enjeux.

Son rôle principal est bien évidemment celui d’informer, avertir l’autre partie à la

relation que celle-ci va prendre fin (totalement ou partiellement). L’enjeu de la durée est

de permettre à la partie qui subit la rupture d’avoir un temps nécessaire pour « organiser

sa reconversion67 », sans toutefois aller jusqu’à une obligation d’assistance à la

reconversion68.

Comme nous le verrons plus loin dans notre raisonnement il y a deux cas d’exonération

de ce préavis ces deux cas sont des motifs de rupture sans la contrainte de la possible

sanction. Alors dans ce cas pourquoi le préavis ne serait pas un motif de rupture. La

rupture n’a pas à être motivée mais on peut se demander si finalement le préavis ne

remplacerait pas le motif ?

67 Cass com 6 mai 2002 n°99-14.093 68 J.L Respaud, Préavis, assistance et reconversion du distributeur évincé, Cah. Dr. Entre. 2002, p 19

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Section 2 Les conditions du comportement fautif

Après avoir analysé le respect des conditions de la rupture (§1) nous verrons les causes

d’exonération (§2)

§1Le respect des conditions de la rupture

Pour ne pas être sanctionné la rupture doit respecter plusieurs exigences il faut

un préavis, il faut que ce préavis soit raisonnable et nécessairement sous forme écrite.

Les deux premiers critères feront l’objet d’une analyse plus précise dans la seconde

partie de ce premier titre.

La rupture doit être notifiée par écrit et la brutalité pourra découler du non-

respect de cette exigence de forme.

Dans un arrêt récent du 24 septembre 2013, la chambre commerciale de la Cour de

cassation réaffirme l’exigence d’un préavis écrit en cas de rupture de relations

commerciales établies69. En l’espèce, la société X, en relations d’affaires avec la société

Y depuis 2004, lui a notifié verbalement la rupture de relations commerciales en

septembre 2008, celle-ci étant intervenue de manière effective début 2009. Invoquant le

caractère brutal de cette rupture, la société Y assigne la société X en réparation de son

préjudice. La Cour d’appel de Lyon a estimé que la société X avait engagé sa

responsabilité en rompant brutalement la relation commerciale la liant à la société Y.

Selon la société X, en considérant que la rupture revêtait un caractère fautif après avoir

néanmoins constaté qu’en septembre 2008, elle avait annoncé verbalement à la société

Y la fin de leurs relations, ce dont il résultait que la rupture de leurs relations à la fin du

mois de mars 2009 avait été précédée d’un préavis de six mois, la Cour d’appel de Lyon

n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et, en conséquence, violé

l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Or, selon la Cour de cassation, en

constatant que les relations commerciales avaient été rompues à l’initiative de la société

X sans préavis écrit et en relevant que ni la prétendue annonce faite verbalement en

septembre 2008, ni le ralentissement des commandes ne pouvaient pallier cette carence,

69Cass. com., 24-9-2013 n°12-24538

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la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que la rupture de relations commerciales avait

été opérée sans préavis.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation estime que l’abus de la rupture des relations

commerciales établies ne résulte pas des motifs ayant déterminé la rupture mais des

circonstances l’ayant entourée. Il en résulte qu’en estimant que l’absence de préavis

écrit vaut absence de préavis, la Cour de cassation considère que l’absence d’écrit

constitue un indice du caractère brutal de la rupture.

De même le préavis doit être sans équivoque, et doit permettre de bien

déterminer le moment de la rupture. L'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de

réception n'est pas obligatoire et une simple correspondance, dès lors qu'elle indique de

manière claire et non équivoque70 la fin des relations entre les parties, suffit71. L’envoi

d’une lettre recommandée avec accusé de réception reste tout de même la forme la plus

usitée. La cour d’appel de Paris dans un arrêt du 3 février 2010 précise aussi qu’aucun

préavis de fait ne peut être admis72.

L’importance du caractère écrit du préavis est donc interprétée comme un élément

constitutif de fond et non plus comme une simple exigence formelle. L’importance de la

forme est donc réduite pour rechercher son fond dans tous document qui représenterait

la volonté d’une des parties à mettre fin à sa relation commerciale avec son partenaire. Il

a donc été admis par la cour de cassation, dans un arrêt du 20 février 200773, que la

notification d’un appel d’offre « vaut manifestation de l’intention de ne pas poursuivre

les relations contractuelles dans les conditions antérieur et (...) fait ainsi courir le délai

du préavis ». La cour d’appel de Lyon vient préciser dans un arrêt du 8 juillet 2008

qu’encore « faut-il que l’annonce soit écrite et suffisamment explicite pour traduire

l’intention de ne pas poursuivre les relations »74.

70CA Nancy, 11 févr. 2004, SARL Icare c/ SA Perrier Vittel France. 71Cour d'appel de Montpellier, 21 septembre 2004, JurisData n° 2004-267461. 72CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 3 févr. 2010, SARL Leader meubles c/ Sté Distribution Casino France : JurisData n° 2010-004324 73Cass. com., 20 févr. 2007, n° 04-14.445; Cass. com., 6 juin 2001, n° 99-20.831, Bull. civ. IV, n° 112. 74 CA Lyon, 3 juill. 2008 : JCP E 2008, n° 51-52, p. 27.

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§2 Les causes d’exonération justifiant la rupture sans préavis

L’article L. 442-6 I n° 5 du Code de commerce prévoit seulement deux hypothèses dans

lesquelles un partenaire commercial est autorisé à rompre une relation commerciale sans

respecter un quelconque délai de préavis : en cas de force majeure, d’une part, et en cas

d’inexécution par l'autre partie de ses obligations, d’autre part.

Toujours difficile à prouver la force majeure est une cause qui justifie la rupture d’une

relation commerciale établie. Selon la jurisprudence française, un cas de force majeure

suppose la survenance d’un événement imprévisible, irrésistible et extérieur, c’est-à-

dire, non imputable au partenaire commercial auteur de la rupture. Dans la pratique,

force est de constater que les tribunaux français ont une interprétation stricte de cette

notion et n’admettent que très rarement qu’un évènement soit constitutif d’un cas de

force majeure. Ainsi, la cour d’appel de Caen a souligné la nécessité du caractère

« subit » dont devrait se doter un contexte jugé « délicat, difficile ou morose »

qu’expérimenterait une relation commerciale, en vue de pouvoir la rompre sans préavis

écrit75. En suivant ce même raisonnement, les contraintes du marchés, les évolutions et

les difficultés que pourrait rencontrer une entreprise, et qui la forcerait à modifier sa

politique afin d’assurer sa pérennité, ne sauraient l’exonérer de son obligation au respect

d’un préavis suffisant au profit de son partenaire. La cour de Versailles a souligné que

« ce souci légitime ne le dispenserait pas de respecter l’obligation légale qui lui était

impartie par l’article L442-6 du code de commerce envers son ancien partenaire »76.

D’autre part, certaines activités nécessitent de par leur nature, une grande malléabilitéet

se voient imposer un rythme beaucoup plus instable que d’autres secteurs. Ainsi

lesdistributeurs du secteur de l’électronique par exemple, est sujet à des contraintes

variées tel le besoin permanent d’innovation et par conséquent des cycles de production

plus raccourcis, pour ne pas se voir abandonné par une clientèle de plus enplus

exigeante et volatile. Leur imposer le respect d’un préavis qui peut s’avérer êtreplus ou

moins long et par conséquent encombrant pourrait facilement leur devenirpréjudiciable.

Le fait, pour eux, de s’en défaire, réside en ce qu’ils apportent la preuveque l’évolution 75CA Caen, 2 juin 2005, précité. 76CA Versailles, 18 mai 2006, RG n° 04/08829, Viastel c/ Maille du Pevele. La Société Viastel ayant été condamnée au paiement de la somme de 988.335,67 euros de dommages intérêts du fait de l’absence de préavis écrit, évalué à un an pour une relation ayant durée quatorze ans.

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de la demande, qui les oblige à changer fréquemment de partenaire est un évènement

extérieur, irrésistible et imprévisible. La responsabilité résultant delà violation de

l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce étant délictuelle, cescritères doivent être

appréciés au jour de la rupture, celle-ci étant le faitdommageable. Même à cette date, il

est acceptable de considérer que l’évolution de lademande peut revêtir un caractère

imprévisible surtout que celle-ci peut résulter debrusques changements économiques

étrangers à la connaissance de l’auteur de la rupture. Reste bien sûr à pouvoir rapporter

la preuve de ces éléments et de distinguer ce qui résulte du comportement de l’auteur de

la rupture et ce qui lui est étranger, ce qui n’est pas la moins pénible des tâches. La

référence à la force majeure a donc donné lieu à quelques décisions assez restrictives

notamment au regard des circonstances économiques77.

Le second cas exonératoire de responsabilité, à savoir l’inexécution par l'autre partie de

ses obligations, est plus fréquemment admise par les juridictions françaises. Il convient

toutefois d’observer que tout manquement de son cocontractant à ses obligations n’est

pas susceptible de justifier une résiliation sans préavis. Le manquement doit au contraire

présenter une certaine gravité. Tel est par exemple le cas, selon la jurisprudence de la

Cour d’appel de Pau, lorsque le cocontractant s’est, à plusieurs reprises, abstenu de

respecter les délais de paiement78.

Si l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce sanctionne le fait de rompre

brutalement une relation commerciale établie, ce texte ne fait pas obstacle à la faculté de

résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en

cas de force majeure. Les décisions relatives à la faute justifiant une dispense de

préavis, voire une simple réduction79, semblent tout aussi rares. La notion d'inexécution

n'a guère fait l'objet de précision jurisprudentielle majeure. Le texte lui-même ne fournit

aucune indication sur la nature ou la gravité de la faute80.

77CA Chambéry, 8 juill. 2010, RG n° 09/0191 : Contrats, conc. consom. 2010, comm. 248, note N. M. - V. L.-M. Augagneur, La répercussion d'une baisse d'activité sur les fournisseurs et sous-traitants constitue-t-elle une rupture partielle des relations commerciales établies ?. - Ou comment la crise révèle un cas d'imprévision : JCP E 2009, 1446 78CA Pau, 31 mars 2009 79CA Paris, 18 mai 2011, SAS Bang &Olufsen France c/ SA Claudnat : JurisData n° 2011-009310 ; V. comm.156 80V. not. J.-L. Fourgoux, Transparence et pratiques restrictives de concurrence. Règles de fond : J.-Cl. Commercial, Fasc. 281

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Concernant la rupture sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses

obligations, l'article L. 442-6, I, 5°, ne précise ni la nature, ni le degré de gravité de

l'inexécution contractuelle. De manière générale, la jurisprudence tend à exiger un

certain degré de gravité de la faute81. Sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du

Code de commerce, les juridictions du fond ont parfois admis que la faute d'une partie

justifiait la résiliation du contrat sans préavis par le cocontractant82. L'inexécution doit

être suffisamment caractérisée soit qu'elle soit grave, soit qu'il s'agisse de manquements

de moindre gravité mais répétés et persistants malgré une ou plusieurs mises en garde

préalables du partenaire contractuel, de nature à justifier la rupture des relations

commerciales83. Encore faut-il que la faute d'une partie ne soit pas provoquée par son

cocontractant. Comme dans bien d'autres situations, le contractant qui prétend invoquer

les manquements de l'autre partie sera bien avisé de constituer un dossier suffisamment

étoffé pour emporter la conviction du juge en cas de litige. Les manquements invoqués

a posteriori par l'auteur de la rupture sans véritable élément de preuve ne sont guère

retenus par les magistrats. La victoire de l'un ou l'autre plaideur sera souvent liée à

l'issue du combat probatoire.

Si la portée exacte de l'exigence d'écrit peut être finalement précisée tout comme les

causes d’exonération, la détermination de la durée du préavis exigible s'avère toujours

aussi délicate. Ce préavis doit être « raisonnable » voilà un critère flou qu’il convient de

préciser.

 

81Cass. com., 8 juin 1999 : RJDA 8-9/1999, n° 917, rendu sur le fondement du droit commun. - V. not. J.-L. Fourgoux, préc., n° 47 82CA Aix-en-Provence, 19 nov. 2004 : JurisData n° 2004-262144 : une inexécution partielle a pu justifier une rupture sans préavis 83CA Nîmes, JurisData n° 200313 nov. 2003 : -231301

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Chapitre  2  La  nécessité  d’un  préavis  raisonnable  

La notion de raisonnable en droit des affaires reste incertaine84 mais tentons d’en

analyser la jurisprudence tout de même.

Après avoir vue la prééminence du critère de la durée (section1) nous verrons que même

si c’est le critère essentiel il n’est pas exclusif (section 2)

Section 1 : La nécessité d’un préavis raisonnable : la prééminence

du critère de la durée

Voyons le caractère raisonnable du préavis (§1) et le critère de la durée de la relation

commerciale établie (§2)

§1 Un préavis « raisonnable »

La cour d'appel de Rennes a jugé qu'en l'absence de durée de préavis contractuel ou

réglementaire à respecter, le délai raisonnable doit être déterminé au regard de la durée

et de l'intensité de la relation commerciale ainsi que des difficultés que le cocontractant

était supposé rencontrer pour nouer de nouvelles relations avec d'autres partenaires

économiques opérant sur le marché considéré. Compte tenu de l'ancienneté des relations

commerciales (7 ans), de l'importance du développement donné par le distributeur à la

diffusion des produits du fabricant (914539 euros de chiffre d'affaires), de la part de

marché représentée par les produits dans l'activité du distributeur (36 %) et du délai

nécessaire pour retrouver un fournisseur équivalent, la cour d'appel de Rennes a jugé

que l'auteur de la rupture aurait dû respecter un délai de préavis de six mois. Dans une

autre affaire soumise à la cour d'appel de Versailles, les magistrats ont jugé que la

84 Daniel MAINGUY : Le « raisonnable » en droit (des affaires)

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rupture n'était pas brutale dans la mesure où le fournisseur avait respecté un délai de

préavis de plus d'un an, ce qui permettait au distributeur d'écouler son stock.

Ces décisions posent la question de l'appréciation du délai de préavis. Le texte impose

de tenir compte de la durée de la relation commerciale pour déterminer la durée du

préavis raisonnable. Faut-il pour autant en faire le critère exclusif ? La rédaction du

texte et son caractère d'ordre public pourraient inviter à faire de la durée de la relation

contractuelle l'unique critère de détermination du délai de préavis. Cette opinion semble

assez répandue chez les praticiens85. Elle est toutefois un peu étroite. Il convient d'abord

de tenir compte d'un éventuel préavis contractuel. Les magistrats se reconnaissent

cependant la liberté d'apprécier le caractère suffisant du préavis sans être contraints par

les prévisions du contrat86. Dans la mesure où l'article L. 442-6, I, 5° est un texte d'ordre

public, le contrat perd de sa vigueur et ne peut lier les juges. Quels sont les autres

éléments que le juge peut prendre en compte ? Si l'importance de l'activité du

distributeur n'est guère pertinente, le degré de dépendance, les difficultés d'écoulement

du stock87 et les perspectives de reconversion peuvent être retenus de même que la

nature des produits.

Il serait opportun que la Cour de cassation vienne préciser que la référence à la durée de

la relation commerciale ne doit pas conduire à une interprétation étroite, voire

restrictive, de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Une interprétation réaliste

et concrète du texte doit être ouverte à d'autres éléments d'appréciation. Il restera alors à

harmoniser un peu la pratique jurisprudentielle qui fait apparaître une très grande

diversité selon les juridictions88.

85C. Bourgeon, Van Eeckhout, La durée du préavis et rupture de relation commerciale établie : RDCO 2005, p. 491 86Cass. com., 16 janv. 1996, n° 93-16.257. - V. la critique d'A. Pinna, La mesure du préjudice contractuel : LGDJ coll. Bibl. dr. priv. 2007, préface P.-Y. Gautier, t. 491, n° 275 87Cass. com., 8 janv. 2002 : Bull. civ. 2002, IV, n° 1, en dehors du cadre de l'article L. 442-6, I, 5° 88M. Béhar-Touchais obs. sur CA Paris, 20 oct. 2005 et T. com. Paris, 13 juin 2005 : RDCO 2006, p. 431

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§2 La durée de la relation commerciale comme critère principale

permettant la détermination d’un préavis suffisant

L’article L442-6 I 5° veut désormais que l’on apprécie le préavis « Tenant compte de la

durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis

déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de

distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le

produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des

arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits,

fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et

encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction

de leur duré (...). »

Le facteur principal d’appréciation est la durée totale de la relation

commerciale89. Le simple respect du préavis contractuellement prévu ou celui fixé par

les usages ou un accord professionnel ne garantit nullement, nous l’auront compris,

l’auteur de la rupture contre une sanction pour rupture brutale des relations

commerciales. Notons que ces accords interprofessionnels restent rarissimes, il en existe

très peu.

Examinons la durée de la relation commerciale et durée de prévis fixé dans le

contrat : L'arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 octobre 201390 constitue une de ces

décisions surprenantes qui interdisent à la routine de s'installer. En l'espèce, un

concessionnaire avait conclu un contrat permettant à une société de s'approvisionner en

pièces de rechange et d'assurer la vente de véhicules neufs. Les circonstances de la

rupture qui a suivi quelques temps après manquent de clarté mais il semble que la

société ait tenté de faire peser sur le concessionnaire une rupture qui, en réalité, lui était

imputable. Le concessionnaire a d'ailleurs obtenu des juges du fond la condamnation de

son partenaire sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

89Cass Com. 5/01/93 90Cass. com., 22 oct. 2013, n° 12-19.500, F-P+B, SARL Vista automobiles c/ SA JP Froment : JurisData

n° 2013-023271

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Cependant, il ne s'en est pas trouvé satisfait car les juges du fond ont considéré que le

préavis raisonnable qui aurait dû être respecté au regard de la brève durée de la relation

commerciale aurait dû être de six mois. Cela ne susciterait guère de commentaire si le

contrat n'avait prévu un préavis conventionnel de 24 mois. Le concessionnaire victime

de la rupture reprochait pour l'essentiel aux juges du fond d'avoir méconnu la force

obligatoire des conventions en ne faisant pas appliquer le préavis convenu entre les

parties.

On pourrait penser, a priori, que lorsqu'un délai de préavis est contractuellement fixé, il

ne devrait pas pouvoir être remis en cause par les tribunaux, mais ce serait négliger le

fait que l'article L. 442-6, I, 5° est un texte d'ordre public. On comprend dès lors que les

magistrats se soient reconnu la liberté d'apprécier le caractère suffisant du préavis sans

être contraints par les prévisions du contrat91. La même idée justifie que l'existence

d'usages professionnels ne s'impose pas aux juges92. L'arrêt commenté se place

naturellement dans ce courant lorsqu'il rappelle que « l'existence d'un délai de préavis

contractuel ne dispense pas la juridiction d'examiner si ce délai de préavis tient compte

de la durée de la relation commerciale et d'autres circonstances au moment de la

notification de la rupture » ; la formule tend à devenir classique. Toutefois, d'ordinaire,

les juges se libèrent des prévisions contractuelles pour retenir un préavis plus long que

celui fixé par les parties, ce qui a pour effet d'assurer une meilleure protection de la

victime de la rupture. De manière bien plus originale ici, la Cour de cassation approuve

la cour d'appel d'avoir écarté les dispositions du contrat afin de retenir une durée de

préavis plus courte ! Les circonstances de l'espèce, et notamment, conformément à la

lettre de l'article L. 442-6, I, 5°, à la durée très brève de la relation (à peine 20 mois), ont

pu justifier que le préavis raisonnable soit fixé à 6 mois au lieu des 24 mois

conventionnellement prévus !

La surprise passée, il convient de s'interroger sur le bien-fondé de la solution. En effet,

la solution était loin d'être évidentea priori dans la mesure où la Cour de cassation

adopte une solution défavorable à la victime de la rupture, ce dont elle n'avait guère

l'habitude. Le fait que les dispositions en cause soient d'ordre public n'impliquait pas 91Cass. com., 16 janv. 1996, n° 93-16.257. - V. la critique d'A. Pinna, La mesure du préjudice contractuel : LGDJ coll. Bibl. dr. priv. 2007, préface P.-Y. Gautier, t. 491, n° 275 92Cass. com., 3 mai 2012, n° 11-10.544 : JurisData n° 2012-009119 ; Contrats, conc. consom. 2012, comm. 174, note N. M.

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nécessairement une telle solution. L'ordre public pourrait constituer une protection

minimale à laquelle les parties ne pourraient déroger que dans un sens favorable à la

victime de la rupture. Ce serait une forme d'ordre public de protection fonctionnant à

sens unique. C'est ainsi qu'en droit de l'agence commerciale, les dispositions d'ordre

public de l'article L. 134-12 du Code de commerce n'interdisent pas de prévoir une

indemnité de fin de contrat conventionnelle dès lors qu'elle est supérieure au préjudice

subi par l'agent. Ce n'est manifestement pas la conception que la Cour de cassation se

fait des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce. La solution retenue en

l'espèce permet d'éviter les discussions sur le caractère plus ou moins favorable de la

clause de préavis conventionnel et d'assurer de ce fait une plus grande efficacité au

dispositif légal. Elle conduit à donner une grande portée à l'ordre public garanti par

l'article L. 442-6 du Code de commerce tout en l'orientant davantage vers l'ordre public

de direction que vers l'ordre public de protection. L'arrêt commenté illustre ainsi

l'ambiguïté du droit des pratiques restrictives et notamment des dispositions

sanctionnant la rupture brutale de relations commerciales établies.On peut, en outre,

relever que dès lors que la demande est fondée sur la rupture brutale de la relation

commerciale, et non sur la rupture irrégulière du contrat, les dispositions du contrat

deviennent un simple élément d'appréciation du préavis raisonnable, non contraignant

pour les tribunaux. Cela conduit alors à s'interroger sur la solution qui aurait été retenue

si la demande avait été fondée sur la rupture irrégulière du contrat et non pas sur la

rupture brutale de la relation. Si le concessionnaire avait plaidé sur le terrain de la

rupture fautive voire abusive, il aurait peut-être reçu meilleur accueil.

Cependant certaines décisions sont, pour le moins, déroutantes. Ainsi, les juges ont pu

retenir un préavis tantôt de trois mois93 tantôt de vingt-quatre94 pour une relation ayant

duré dix ans, alors même qu'un préavis de seulement six mois avait été accordé en

présence d'une relation de 61 ans d'âge95. Force est, donc, de constater face à ces

importantes divergences d'appréciation d’autres critères sont prit en compte.

93Douai, 5 sept. 2000, RJ com. 2002. 33. 94Com. 23 avr. 2003, n° 01-11.664 95S. Regnault, Guide de la rupture des relations commerciales établies, Dr. et patr. 2007, n ° 163, p. 48-59.

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Section 2La durée de la relation commerciale un critère

prédominant pour la détermination du délai de préavis mais pas

exclusif.

La durée n’est donc pas le critère exclusif (§1) permettant le calcul du préavis (§2)

§1 La prise en compte d’autres critères

Avant la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques96, qui a

modifié le texte de l’article sanctionnant la rupture de la relation commerciale établie,

l’ancien texte voulait que l’on apprécie le préavis au regard « des relations

commerciales antérieurs et non pas uniquement « en tenant compte de la durée de la

relation commerciale » comme le dit le nouveau texte.

Sous l’ancien texte la Jurisprudence a dégagé plusieurs critères lui permettant

d’examiner le préavis octroyé par l’auteur de la rupture à son partenaire. Ainsi étaient

pris en considération : la nature de l’activité des parties, l’importance de leurs relations,

la progression du chiffre d’affaires la situation de dépendance économique ou encore

l’existence de clause de non concurrence... Cependant nous l’auront bien compris, les

juridictions, toutesconfondues, ont continué à appliquer les « anciens » critères, pour

juger le préavis de la rupture suffisant ou pas. D’autres paramètres entrent donc en

compte tels que la qualité de la relation, le temps nécessaire à l’écoulement des stocks,

l’objet de l’activité, l’état de dépendance économique, les investissements réalisés, la

notoriété du produit, le volume des affaires traité et leurs progression... En définitive

c’est en combinant ces différents critères qu’est déterminé la durée du préavis. Cette

façon d’apprécier la durée d’un préavis raisonnable semble de toute évidence être la

plus approprié dans la mesure où, par exemple, le temps nécessaire à la reconversion,

que doit favoriser le préavis, varie nécessairement en fonction d’autres données comme

le type de contrat, ou même son importance au sein de l’activité.

96Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques

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Maintenant voyons la prise en compte de la dépendance économique : Dans un

arrêt du 6 novembre 2012, la Cour de cassation vient rappeler quelques principes

fondamentaux relatifs à la détermination du préavis raisonnable au sens de l'article L.

442-6, I, 5° du Code de commerce. Elle rappelle, d'une part, que la durée du préavis doit

être appréciée au regard de la durée de la relation commerciale et des autres

circonstances au moment de la notification de la rupture97. Parmi les autres

circonstances de l'espèce, outre une durée de près de quinze ans, la cour d'appel a pu

relever que la part moyenne de chiffre d'affaires réalisé par le distributeur avec les

produits de son fournisseur représentait près de 80 % durant la période de 2006 à 2008.

La dépendance économique était donc importante. Elle est prise en compte notamment

parce qu'elle rend plus difficile la reconversion de l'entreprise. Pourtant en l'espèce, cela

n'avait pas été le cas dans la mesure où la victime de la rupture avait pu reprendre,

quelque mois à peine après la notification de la rupture, mais avant l'expiration du

préavis, le panneau d'une marque concurrente en procédant à l'acquisition d'un autre

fonds de commerce. Cela peut paraître sévère a priori. Toutefois, il faut relever que

cette reconversion a dû passer par l'acquisition d'un fonds de commerce. Il ne s'agissait

pas d'un simple redéploiement des actifs. On comprend alors que le préavis de sept mois

qui avait été accordé ait été jugé insuffisant, un préavis de vingt mois aurait été

nécessaire. En effet la dépendance économique de l’une des partie joue un rôle

important car le reconversion de celle-ci va nécessairement être plus longue et nécessité

un préavis plus long , le critère de la durée de la relation de peu pas être prit en compte

seul.

Ensuite examinons la prise en compte de la présence de clause de non

concurrence : Certains réseaux de distribution utilisent des formes originales

d'organisation. La technique de la location gérance est une de ces formes un peu

particulières d'organisation. Un arrêt rendu par la cour de cassation98 nous en expose un

exemple,en l’espèce, un contrat de location-gérance avait été conclu avec pour objet un 97Cass. com., 2 déc. 2008, n° 08-10.731 et n° 08-10.732 : JurisData n° 2008-046098 ; JurisData n° 2008-046129 ; JCP E 2009, 1479, obs. D. Mainguy. - Cass. com., 2 nov. 2011, n° 10-25.323 : JurisData n° 2011-023979 ; Contrats, conc. consom. 2012, comm. 11, note N. M. - Cass. com., 3 mai 2012, n° 11-10.544 : JurisData n° 2012-009119 ; Contrats, conc. consom. 2012, comm. 174, note N. M. ; JCP G 2012, 867, note S. Le Gach-Pech 98 CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 4 déc. 2013, n° 12/01163, Oumedjbeur c/ SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher : JurisData n° 2013-028311

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fonds de commerce de produits de beauté, d'hygiène et de soins esthétiques. Le

propriétaire du fonds a rompu le contrat, avec un préavis de 6 mois, en invoquant des

fautes de gestion du locataire-gérant et différents manquements contractuels. La cour

d'appel de Paris a toutefois jugé que l'absence de motifs et l'insuffisance de la durée de

préavis caractérisaient une rupture brutale de la relation commerciale. De manière fort

sévère, la cour a considéré que, compte tenu de la durée de ces relations de 9 ans et de la

présence d'une clause de non-concurrence sur toute la commune pendant un an, l'auteur

de la rupture devait être condamné à payer à la victime l'équivalent d'un an de la perte

de marge brute. Le propriétaire du fond aurait ainsi dû respecter un préavis de 18 mois

pour une durée de relation de 9 ans ! La solution s'explique sans doute par la présence

de la clause de non-concurrence. Au regard des faits et de la jurisprudence actuelle, elle

reste toutefois extrêmement sévère.

Même si le critère objectif de la durée est incontournable il gagne à être épaulé par

d’autres qui bien que plus subjectifs seraient mieux identifiés. En définitive, peut être

faut-il voir le critère de la durée permettrait de déterminer une durée de préavis

minimum à respecter : une sorte de durée plancher de préavis, par la suite ré ajustable

avec les autres critères.

§2 Le calcul du préavis

L’appréciation souveraine des juges du fond est très casuistique : en principe, la durée

du préavis doit être d’un mois par année de relation.

Cette règle moyenne d’un mois de préavis pour une année de relation semble

convenable, mis à part, en effet, les situations faisant intervenir plusieurs critères

d’appréciations du préavis, qui font généralement l’objet d’une réflexion plus

approfondie. En tout les cas elle permet de fixer un point de départ à la réflexion.

La durée du préavis est doublée lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture

de produits sous marque de distributeurs (par rapport à la durée du préavis qui serait

applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur). La jurisprudence

considère que constituent des facteurs aggravants dans l’appréciation de la durée du

préavis qui aurait dû être accordée au partenaire évincé : la dépendance économique de

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celui-ci et la croyance légitime du partenaire quant à la continuation des relations

commerciales.

Le conflit de la Jurisprudence automobile : calcul du préavis et délai raccourci :

La cour de cassation a jugé que le calcul de la durée du préavis pourrait être revu

dans certains cas, elle à jugé que la nécessité d'une réorganisation rapide du

réseau de distribution d'un constructeur automobile peut justifier la résiliation de

l'accord de distribution avec un préavis d'un an au lieu de deux ans, peu important

que l'urgence soit en partie due au retard pris par le constructeur dans la mise en

conformité de ses contrats avec un nouveau règlement d'exemption.

Par cinq arrêts de rejet du 25 septembre 201299, la chambre commerciale de la Cour de

cassation a mis un terme à une série d'affaires, ayant donné lieu à une première série de

cassations, mettant en cause le même constructeur de véhicules utilitaires100. Dans ces

affaires, un concédant prétendait résilier, avec préavis abrégé d'un an, les contrats à

durée indéterminée de concession exclusive qui le liaient à ses concessionnaires en

invoquant la nécessité de restructurer son réseau de distribution à la suite de l'entrée en

vigueur du règlement CE n° 1400/2002, de la Commission, du 31 juillet 2002. Plusieurs

concessionnaires ont contesté les modalités de résiliation de leurs contrats. Les juges du

fond ont dans un premier temps rejeté les prétentions mais leurs décisions ont été

cassées car leurs motifs sont apparus insuffisants à la Cour de cassation pour

caractériser la nécessité d'une réorganisation rapide du réseau en cause. Affinant la

motivation de leur décision, les juges de renvoi ont à nouveau débouté les

concessionnaires qui se sont à nouveau pourvus en cassation mais sans succès cette

fois.Cette série de litiges soulevait la question de savoir si l'entrée en vigueur du

nouveau règlement n° 1400/2002 rendait nécessaire, à elle seule, la réorganisation du 99Cass. com., 25 sept. 2012, n° 11-20.711, F-D, Garage Arnoux c/ Daf Trucks France : JurisData n° 2012-021739 Cass. com., 25 sept. 2012, n° 11-20.712, F-D, Garage Pierre Desbois c/ Daf Trucks France : JurisData n° 2012-025234 Cass. com., 25 sept. 2012, n° 11-20.713, F-D, sté Armor véhicules industriels c/ Daf Trucks France : JurisData n° 2012-025324 Cass. com., 25 sept. 2012, n° 11-21.604, F-D, Garage Hébert c/ Daf Trucks France : JurisData n° 2012-025326 Cass. com., 25 sept. 2012, n° 11-30.518, F-D, Établissement J. Duflot c/ Daf Trucks France : JurisData n° 2012-025327 100Cass. com., 15 déc. 2009, n° 08-20.987, F-D, SARL Armor véhicules industriels (AVI) c/ SARL DAF Trucks France : JurisData n° 2009-050900 ; JCP E 2010, 1265, note M. Malaurie-Vignal ; Contrats, conc. consom. 2010, comm. 70, note N. M. - CA Paris, 11 mai 2011, n° 10/03073 : RDLC, n° 3, p. 123, note N. Eréséo

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réseau permettant la mise en oeuvre de la résiliation extraordinaire avec préavis réduit à

un an conformément à l'article 5 du règlement n° 1475/95 du 28 juin 1995101. Pour la

Cour de justice, suivie par la Cour de cassation sur ce point, l'entrée en vigueur du

nouveau règlement n'est pas à elle seule de nature à rendre nécessaire la réorganisation

du réseau102. Cependant, une réorganisation substantielle peut résulter de la

modification des clauses d'un accord de distribution à la suite de l'entrée en vigueur d'un

nouveau règlement d'exemption103. Encore faut-il que la résiliation extraordinaire soit

justifiée de manière plausible par des motifs d'efficacité économique et par une certaine

urgence. C'est en particulier sur ce dernier point que la motivation des premiers juges

d'appel avait péché. En 2009, la Cour de cassation avait ainsi affirmé, suivant à nouveau

en cela la jurisprudence de la Cour de justice, que « pour apprécier la nécessité d'une

réorganisation rapide du réseau, il est pertinent de tenir compte des éventuelles

conséquences économiques défavorables que serait susceptible de subir un fournisseur

dans l'hypothèse où ce dernier procéderait à une résiliation de l'accord de distribution

avec un préavis de deux ans, au lieu d'un préavis abrégé d'un an ». Les arrêts d'appel

avaient été cassés pour ne pas avoir suffisamment caractérisé cette urgence de la

réorganisation. C'est naturellement sur ce point que les juges du fond ont complété la

motivation des premiers juges.

Le nouveau pourvoi est logiquement rejeté dans la mesure où la preuve de la nécessité

d'une réorganisation rapide du réseau était désormais clairement établie. Parmi les

éléments caractérisant l'urgence de la réorganisation, la Cour de cassation en relève

principalement trois dans la décision des juges de renvoi. Tout d'abord, si le concédant

était en retard dans la mise en conformité de ses contrats avec le nouveau règlement, il

faut également reconnaître que cette mise en conformité restait nécessaire. En réalité,

suivant la cour d'appel, le retard rendait d'autant plus urgente la réorganisation du

réseau. La nécessité de réorganiser son réseau est appréciée objectivement et non en

fonction du comportement du concédant. Ensuite, les juges d'appel ont relevé que des

concurrents avaient déjà réorganisé leur réseau. Enfin, l'absence de réorganisation du

101 V. Ph. le Tourneau et M. Zoïa, Concession exclusive. Effets. Rupture : J.-Cl. Contrats-Distributions, Fasc. 1035, n° 208. - V. également Comm. CE, règl. n° 1400/2002, 31 juill. 2002, art. 3.5 102CJCE, 7 sept. 2006, aff. C-125/05, Vulcan Silkeborg : JCP G 2007, I, 104, n° 1, obs. M. Chagny ; RDC 2/2007, p. 325, obs. L. Idot. - Cass. com., 29 janv. 2008 : JurisData n° 2008-042631 ; Bull. civ. 2008, IV, n° 19 ; Contrats, conc. consom. 2008, comm. 69, note N. M.). 103CJCE, 30 nov. 2006, aff. C-376/05 et C-377/05, Brünsteiner c/ BMW, notamment § 35

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réseau aurait eu pour effet de créer une distorsion dans le jeu de la concurrence et de

porter atteinte à la cohérence et à l'efficacité de la réorganisation engagée. Ces éléments

de fait placent clairement la solution sous le sceau du droit de la concurrence. Cette

démarche justifie précisément l'approche objective adoptée en l'espèce. Après tout,

l'objectif était bien de garantir le bon fonctionnement du marché de la distribution

automobile, au besoin en protégeant les concessionnaires. Il aurait été paradoxal que

l'interprétation du règlement engendre une distorsion de concurrence en suscitant des

rigidités faisant obstacle à la réorganisation des réseaux. Sans doute est-il apparu à

l'expérience qu'une réglementation particulière de la distribution automobile ne se

justifiait pas. Toutefois, il n'était pas nécessaire que l'application du texte renforce les

effets négatifs d'une réglementation peu pertinente.Ces décisions ne seront pas publiées

au Bulletin civil mais elles présentent un réel intérêt en montrant qu'un contrôle léger de

la décision de réorganisation est possible : tout en réaffirmant la nécessaire liberté du

constructeur d'adapter la structure de son réseau, la Cour de cassation introduit un

contrôle minimum de la motivation qui peut être aussi bien économique que

juridique.Pour l'avenir, il conviendra d'être prudent. En effet, si le règlement de 2002

contient une disposition similaire à celle du règlement de 1995, il n'est pas évident que

l'adoption du nouveau texte puisse fonder une résiliation extraordinaire. Pourtant, en

pratique, il semble bien que les avantages de la soumission au droit commun des

restrictions verticales soient de nature à impliquer une nouvelle restructuration si ce

n'est des réseaux, du moins des contrats104. Doctrine et pratique s'accordaient

notamment pour recommander une résiliation ordinaire, avec un préavis de deux ans, à

effet du 1er juin 2013, date d'entrée en vigueur des nouvelles règles. La question du

préavis en cas de résiliation resurgira alors certainement mais sur un autre terrain : celui

de la rupture brutale de relations commerciales établies105.

Les solutions sont donc éparses et variés, il n’y a de règles de base pour le calcul

du préavis sachant que le débat reste toujours ouvert sur les critères au regard desquels

les juges l’apprécieront. Si les avocats tentent, en toute prévoyance à cet égard, et non

104 V. L. et J. Vogel, Le nouveau droit de la distribution automobile : Rev. Lamy dr. aff. sept. 2010, n° 52, p. 40 105CA Versailles, 4 sept. 2012 : comm. 278

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sans peine, de trouver des méthodes de calcul plus ou moins sûres, les juges par contre

ne semblent pas aller dans la même voie et se contentent en générale de constater

l’insuffisance du préavis (pour les raisons que nous avons étudié précédemment) sans

proposer un préavis de « solution ».

 

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Partie   2  :   La   sanction   de   la   rupture  

brutale   de   relation   commerciale  

établie  

Dans un premier titre nous verrons concrètement ce qui est indemnisé, nous tenterons

ensuite une rapide analyse de la portée de ces solutions.

Titre  1  :  L’indemnisation  des  conséquences  de  la  rupture  

Dans un chapitre premier nous définirons les notions de préjudice et responsabilité nous

verrons ensuite comment les juges calculent l’indemnité à allouer.

Chapitre  1  Préjudice  et  responsabilité  

Dans un premier temps définissons la préjudice (section 1) pour analyser la

responsabilité mis en cause (section 2).

Section 1 : La notion de préjudice en droit français

Le Code civil ne contient aucune définition du préjudice. Le préjudice est

traditionnellement défini comme étant l’atteinte à un intérêt. Il y a souvent une

confusion entre le dommage et le préjudice. Mais le dommage désigne à proprement

parler la lésion subie, qui s’apprécie au siège de cette lésion, tandis que le préjudic²e est

l’effet de ce dommage106.Le préjudice peut être subi par une personne physique ou par

une personne morale. En droit français, tout préjudice est réparable pourvu qu’il soit

direct et certain. Le principe est celui de la réparation intégrale du préjudice. Le

préjudice subi par une personne physique peut résulter d'une atteinte à son intégrité

physique ou à ses biens, son patrimoine. Il peut résulter d'une atteinte à ses sentiments.

106 Philipe Letourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz 2012, p 523, n°1305

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Le préjudice fait naitre un droit à réparation suivant les règles du droit de la

responsabilité. Le droit commun en matière de droit à réparation du préjudice résulte

des dispositions législatives suivantes : les articles 1146 et 1147 du Code civil pour

la responsabilité contractuelle et les articles 1382, 1383 pour la responsabilité

délictuelle et quasi-délictuelle (responsabilité extracontractuelle)

Le principe de la réparation intégrale est applicable aux divers régimes de

responsabilité, la responsabilité contractuelle et laresponsabilité délictuelle.

Le principe de la réparation intégrale commande d’abandonner au juge du fond

l’essentiel des questions relatives à l’indemnisation des dommages107. On a souligné

que si le contrôle de la Cour de cassation va croissant, il se limite à la suffisance des

motifs ; pour le reste, les juges du fond sont libres, qu’il s’agisse de la sélection des

chefs de préjudice ou de la méthode d’évaluation. De nombreux arrêts utilisent la

formule suivante : « le juge justifie l’existence du dommage par la seule évaluation

qu’il en fait sans être tenu de préciser les éléments ayant servi à en déterminer le

montant » ou encore : « les juges du fond apprécient souverainement les divers chefs de

préjudice qu’ils retiennent et les modalités propres à en assurer

la réparation intégrale ».

La question qui se pose à ce stade est celle de savoir qu’elle régime de responsabilité va

s’appliquer pour l’indemnisation du préjudice issu d’une rupture brutale de relation

commerciale établie.

107Cass. crim.8 mars 2005 : Il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe, et dont elles doivent rechercher l'étendue dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation

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Section 2 La responsabilité mis en cause

La jurisprudence s’est montrée hésitante quant au point de savoir si l’action en

responsabilité engagée sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de

commerce était de nature délictuelle ou contractuelle. Alors nous verrons dans un

premier temps que la jurisprudence semble trancher pour la responsabilité délictuelle

(§1) nous verrons ensuite le responsabilité prise en compte au niveau internationale

(§2).

§1 La nature de l’action : une responsabilité délictuelle

Cette problématique a repris toute son ampleur suite à deux arrêts rendus

respectivement le 6 février 2007 par la chambre commerciale108 et le 6 mars 2007 par la

1ère chambre civile109 de la cour de cassation.

La chambre commerciale a censuré les juges du fond qui avaient fait application de la

clause attributive de juridiction convenue entre les parties, et ce aux termes d’un

attendu très général qui indique que « le fait pour tout producteur, commerçant,

industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement,

même partiellement, une relation commerciale établie, (…) engage la responsabilité

délictuelle de son auteur ». Notons que cette solution fut rendue dans le cadre d’un litige

interne.

La 1ère chambre civile quant à elle, se prononçant de manière non explicite et dans un

contexte international, a approuvé les juges du fond qui avaient fait application d’une

clause attributive de juridiction au profit du tribunal allemand désigné, pour connaître

d’une action en rupture de relations commerciales établie intentée par un distributeur

français. Ce caractère contractuel de l’action se verra confirmer par la 1ère chambre

civile, faisant application de la convention de Rome afin de déterminer la loi applicable

au litige, dans des arrêts du 26 septembre 2007 et 22 octobre 2008110. La chambre

108Cass. com., 6 févr. 2007, n° 04-13.178 109civ., 6 mars 2007, n° 06-10.946 110Cass. 1e civ., 26 sept. 2007, confirmée par la suite par la même chambre par l’arrêt du 22 octobre 2008, n° 07-15.823

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commerciale à son tour va reconfirmer sa position par plusieurs arrêts récents, elle

tranche donc en faveur du principe de responsabilité délictuelle, même lorsque la

rupture s’inscrit dans un cadre contractuel111.

De toute évidence la majorité de la doctrine se rallie à la chambre commerciale de la

cour de cassation et cela pour plusieurs raisons :

Dans un premier temps pour la lettre même de l’article L442-6 I 5°, ainsi l’on a

considéré que l’utilisation par la législateur de l’adjectif « brutal » induit à la

qualification délictuelle car il opère une distinction avec le caractère « abusif » de la

rupture prévue à l’article 1147 du code civil relevant de la responsabilité contractuelle.

Aussi, comme nous l’avons vu dans notre titre 1er, la notion de relation commerciale

établie dépasse le cadre contractuelle de la relation, comme le dit J-S Borghetti,

enseignant chercheur à l’université Panthéon-Assas, c’est comme si le législateur avait

jugé la notion de contrat « non pertinente » dans l’application de l’article. Certains

auteurs ont pu considérerqu’une telle solution n’avait été adoptée que dans la mesureoù

l’action avait été engagée sur le seul fondement de l’articleL. 442-6, I, 5° du Code de

commerce. Ils en déduisent qu’uneaction fondée sur l’inexécution du contrat, et

notamment le non-respectdu préavis contractuel, permettrait de rendre efficacesles

dispositions contractuelles112. Mais cette solution à vocation a indemniser le caractère

brutal de la rupture et non pas à réparer le dommage né de l’inexécution ou de la

violation du contrat.

Il est à noter toutefois que par un arrêt récent la 1ère Chambrecivile de la Cour de

cassation a considéré que :« la clause compromissoire visant tout litige ou différend né

ducontrat ou en relation avec celui-ci n’était pas manifestementinapplicable dès lors que

la demande du cocontractantprésentait un lien avec le contrat puisqu’elle se

rapportaitnotamment aux conditions dans lesquelles il y avait été mis finet aux

conséquences en ayant résulté (…) peu important que desdispositions d’ordre public

régissent le fond du litige dès lorsque le recours à l’arbitrage n’est pas exclu du seul fait

que desdispositions impératives, fussent-elles constitutives d’une loi de police, sont

111Cass. com., 6 févr.2007, n° 03-20.463, Bull. civ. IV, n° 20 ,Cass. com., 13 janv.2009, n° 08-13.971, Bull. civ. IV, n° 3 et Cass. Com ,18 janv. 2011, n°10-11.885 112D. Mazeaud, 1er juillet 2009, n° 3,p. 1016

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applicables. »113. Ainsi, même si la jurisprudence semble se prononcer en faveurdu

principe de responsabilité délictuelle, cela ne suffit paspour considérer que cette action

soit totalement indépendantedu contrat et que la clause compromissoire puisse être

privéed’effets.En effet, en vertu du principe compétence-compétence, ilappartient à

l’arbitre de se prononcer sur sa propre compétence.Or, le droit de l’arbitrage a une

conception extensive de la notiond’action née du contrat.

Par ailleurs, il semble que l’action en responsabilité revêteun caractère délictuel

lorsqu’il s’agit d’un litige interne, etun caractère contractuel lorsque le litige revêt un

caractèreinternational, comme dans l’espèce ci-dessus où il s’agissait d’unarbitrage

international. En droit interne l’article L442-6 I 5° du code de commerce est bien une

disposition d’ordre public et les parties ne peuvent y déroger mais en droit international

les intérêts en cause dépassent les seules contingences française.

La qualification de responsabilité délictuelle opportune semble susceptible de se révéler

artificielle. Ceci s’explique par le fait que dans la pratique souvent lors d’une rupture

brutale de relation commerciale un contrat est bel et bien rompu et pour les spécialistes

du droit des contrats il parait invraisemblable que cette rupture du contrat ne soit pas

sanctionné114.

Enfin déterminons quel est le tribunal compétent : S'agissant de la responsabilité civile

délictuelle, aux termes de l'article 46 du Nouveau Code de procédure civile, le

demandeur peut saisir soit la juridiction du lieu où le défendeur a son domicile ou siège

social, soit celle du lieu du fait dommageable115 , soit celle dans le ressort de laquelle le

dommage a été subi. Le décret n°2009-1384 du 11 novembre 2009 fixe le siège et le

ressort des juridictions commerciales compétentes pour les commerçants et artisans et

pour les autres professionnels et prévoit la compétence de la cour d'appel de Paris pour

les décisions rendues par ces juridictions (voir liste des juridictions dans document

annexe).

113Civ. 1ère, 8 juil. 2010, n° 07-17.788, 114D.Mainguy, Responsabilité du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies : une controverse jurisprudentielle à résoudre. 115Cass Com, 6 octobre 2005, n° 03-20.187 « Ainsi, lorsque le dommage équivaut à la cessation d'activité suite aux difficultés financières issues de la rupture brutale des relations commerciales, le lieu où il a été subi est celui où s’exerçait l'activité qui a pris fin et non le lieu où la décision de rupture a été prise »

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§2La responsabilité prise en compte au niveau internationale

La responsabilité délictuelle nous l’avons oppose toujours deux courant doctrinaux et

deux chambre de la cour de cassation,

Mais la question que nous n’avons pas évoqué précédemment et qui trouve sa place à ce

niveau du raisonnement, visiblement la jurisprudence à tranché pour la responsabilité

délictuelle, qu’elle est alors l’incidence de cette qualification au niveau international ?

Les dispositions de l’article L442-6 I 5° du code de commerce sont-elles en mesurent

de s’appliquer à une rupture brutale de relation commerciale au niveau international ?

prenons un exemple simple : une série de contrat entre un fournisseur européen et un

distributeur français (auteur de la rupture), les contrats ne comportant ni précision sur la

loi applicable ni clause attributive de juridiction, l’obligation principale est exécutée en

France. Quel droit s’applique ?

Dans un premier temps il faut déterminer le juge compétent, cette question est réglé par

le règlement Bruxelles 1116 relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et

l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Dans son article 2 le

règlement prévoit la règle en vertu de laquelle, en principe, la juridiction compétente est

celle ou le défendeur à son domicile, peu important sa nationalité.

Lerèglement « Bruxelles I » prévoit également des règles de compétences spéciales

alternatives à la règle de compétence générale :

En matière contractuelle : le demandeur à une option de compétence entre le juge du

domicile du défendeur et « le juge du lieu ou l’obligation qui sert de base à la demande

a été ou doit être exécutée », étant précisé que ce lieu est, pour la vente de marchandise

celui où« les marchandises ont été ou aurait dû être livrée »117.

En matière délictuelle une option de compétence est également prévue : le juge

compétent est soit le juge du domicile du défendeur, soit « le tribunal du lieu ou le fait

116 Regl. Cons. CE n°44/2001 , 22 déc 2000 117 Regl. Cons. CE n°44/2001 , 22 déc 2000 art 5-1

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dommageable s’est produit ou risque de se produire »118, étant précisé que la notion de

« fait dommageable » recouvre, selon les cas, la faute commise ou le dommage subi.

La nature délictuelle ou contractuelle de la responsabilité encourue en cas de rupture

brutale de relation commerciale, variant selon les chambres de la cour de cassation, on

arrive donc à des solutions différentes.

Ainsi en droit européen et surtout par la consécration des règlements « Rome I 119» et

« Rome II 120» des définitions autonomes de la CJCE, il nous semble que la

responsabilité encourue pour rupture brutale de relations commerciales établies est de

nature contractuelles, ce qui implique que le juge du lieu ou l’obligation qui sert de base

à la demande a été ou doit être exécutée est compétent.

Il est néanmoins nécessaire de noter que dans un arrêt du 21 octobre 2008121 ou la

chambre commerciale devait statuer sur un litige opposant un fournisseur Allemand à

un distributeur français, elle rappelle la nature délictuelle de l’action faisant application

de l’article 5-3 du règlement « Bruxelles I » donnant compétence au tribunal du lie ou le

fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ». Si en l’espèce le juge

compétent s’est avéré être la cour même (donc le juge français puisque le fait

dommageable s’était produit ne France), il en serait autrement si le fait dommageable se

produit dans un état étranger, ainsi le juge français se déclarerait incompétent. La

solution serait donc différente que le litige est soumis à la première chambre civile et la

chambre commerciale.

Dans la première hypothèse, l’obligation servant de base à la demande, devant être

exécuté en France, le juge français sera compétent en la matière.

Dans la deuxième hypothèse, le fait dommageable s’étant produit dans un autre pays

européen, le juge français, s’il est saisi, se déclarerait incompétent au profit de l’autre

juge compétent.

118 Regl. Cons. CE n°44/2001 , 22 déc 2000 art 5-3 119Le règlement « Rome I » sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Règl. Parl. et Cons. CE on 593/2008, 17 juin 2008, JOUE 4 juill., no L 477 et entrant en vigueur le 17 décembre 2009). 120Le règlement « Rome II » sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Règl. Parl. et Cons. CE no 864/2007, 11 juill. 2007, JOUE 31 juill., no L 199 et entrant en vigueur le 11 janvier 2009). 121Cass. Com. 21 oct 2008, n° 07-12.336

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Les situations clairement distinguées il s’agit donc de déterminer la loi applicable à

chaque situation :

Si le litige est porté devant la 1ère chambre civile de la Cour de cassation la

responsabilité encourue sur le fondement de l’article L442-6 est considéré de nature

contractuelle par la Cour. Ainsi cette dernière va faire application des règle de conflits

de lois applicable aux obligations contractuelles, et plus particulièrement celle prévu par

le règlement« Rome I « sur la loi applicable aux obligations contractuelles en vertu de

laquelle la loi applicable au contrat de vente de biens est celle du pays dans lequel le

vendeur à sa résidence habituelle. Ainsi dans notre cas d’espèce, le vendeur étant le

fournisseur étrange, la loi du pays concerné sera applicable.

Si par contre le juge de ce pays européen se retrouvait compétent, nous voyons mal en

pratique, qu’un juge étranger donne effet à l’art L442-6 I 5°, surtout que la convention

de Rome n’a fait de l’application d’une loi de police étrangère qu’une simple faculté (en

supposant que ce soit une loi de police).

Après avoir fait une mise au point sur la nature de la responsabilité et ses conséquences,

il nous faut maintenant étudier la question de l’indemnisation du préjudice causé par la

rupture brutale

 

 

 

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Chapitre  2  Le  calcul  de  l’indemnité  en  fonction  du  préjudice  et  la  mise  

en  œuvre  de  la  responsabilité  

Il convient de se poser la question de savoir finalement : « qu’indemnise t’on ? » donc

quel est le préjudice indemnisable (section 1) ensuite le calcul de l’indemnité découlant

du préjudice (section 2).

Section 1 Le préjudice indemnisable

Il s’agit du préjudice issu de la brutalité (§1) et nous verrons l’admission du préjudice

par ricochet (§2).

§1 Un préjudice issu de la Brutalité de la rupture

Un arrêt de la Cour de Cassation rappelle le principe selon lequel l’indemnisation du

préjudice doit être « la conséquence directe de la brutalité de la rupture des relations

contractuelles ». Même plus tôt, les juges du fond avaient précisé que l’on ne pouvait «

obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non

du préjudice découlant de la rupture elle-même »122. La précision est nette : le dommage

réparable doit résulter de la brutalité de la rupture en tant que telle, non pas de la rupture

elle-même. Toutefois, il n’est pas exclu que les deux indemnisations puissent être

confondues123.

§2 L’admission du préjudice par ricochet

Les entreprises sont souvent liées par une forme de solidarité économique qui se

manifeste aussi bien dans les périodes fastes que dans les situations de crise. Il n'est pas

rare que les difficultés d'une entreprise rejaillissent sur plusieurs de ses partenaires. Les

faillites en chaîne ne sont pas une découverte récente et la question de la prise en

compte d’un préjudice par ricochet se pose donc !

122 CA Douai, 15 mai 2001, PBC c/ Auchan précité; CA Douai, 5 déc. 2002, Castorama c/ Rousseau et Manupex 123TGI Paris, 6 avr. 2006, RG n° 04/08877, Mme Sandra X c/ SA Confections Sèvres Vendée.

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Le préjudice par ricochet est un préjudice subi par des personnes autres que la victime

directe qui sont des proches de la victime (famille ou employeur par exemple). Dans un

arrêt d’assemblée plénière de la cour de cassation de 2006 celle-ci nous dit : « un tiers à

un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un

manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. », et

bien que dans un arrêt du 3 novembre 2004, la Cour de cassation ait jugé qu'un

revendeur ne pouvait se plaindre de la rupture brutale de la relation commerciale liant

son cocontractant, importateur en France des produits qu'il distribuait, et le fabricant124,

elle a adopté une position contraire en 2011125 et ce principe s’est vu appliquer au

contentieux de la rupture brutale de relations commerciales établies: « un tiers peut

invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la rupture brutale d’une

relation commerciale dès lors que ce manquement lui a causé un préjudice ».

Un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 27 février 2014 se place clairement dans

cette nouvelle ligne jurisprudentielle.Dans cette affaire, une société ayant pour activité

l'édition de journaux et magazines spécialisés dans le domaine de l'éducation, confiait

l'impression de certains de ses titres à un imprimeur qui sous-traitait lui-même une

partie de ses travaux auprès d'une société belge. Après avoir décidé de changer

d'imprimeur, l'éditeur s'est vu assigné par l'imprimeur et le sous-traitant qui prétendaient

avoir été victimes d'une rupture brutale de leurs relations commerciales. En l'espèce,

l'intérêt de l'arrêt résidait essentiellement dans la solution apportée à l'action du sous-

traitant : alors que les premiers juges avaient déclaré un peu hâtivement son action

irrecevable en l'absence de relation d'affaires avec l'éditeur, la cour de Paris considère,

au contraire, que l'action relevant de la responsabilité civile délictuelle, la preuve d'une

relation d'affaires ou d'un rapport contractuel entre les parties n'était pas nécessaire.Sur

le fond, la cour d'appel se situe dans le prolongement direct de la jurisprudence récente

de la Cour de cassation en matière de préjudice par ricochet en matière de rupture

brutale de relations commerciales établies. Elle considère qu'alors même que le sous-

traitant « n'entretenait pas de relations commerciales directes » avec l'éditeur, celui-ci

pouvait invoquer la rupture brutale de la relation commerciale existant entre l'éditeur et 124Cass. com., 3 nov. 2004, n° 02-17.078 : StéRonyl c/ StéBreitling France 125 Cass. com., 6 sept.2011, n° 10-11.975 : JurisData n° 2011-018085 ; JCP E 2011, 1788, note D. de Lammerville ; JCP G 2012, I, 530, obs. Ph. Stoffel-Munck ; Contrats conc. consom. 2011, comm. 258, note N. Mathey ; RTD civ. 2011, p. 763, obs. B. Fages

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l'imprimeur. En effet, la rupture de cette relation est intervenue sans respecter un préavis

qui aurait permis à l'imprimeur de laisser lui-même à son sous-traitant un délai

nécessaire pour se réorganiser. Trois brèves observations s'imposent ici.

Nicolas Mathey nous précise que si l'origine de la responsabilité se trouve bien dans la

rupture brutale d'une relation commerciale établie, il faut précisé que le fondement de la

responsabilité envers le sous-traitant réside dans l'article 1382 du Code civil et non dans

l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, ce qui n'implique guère de différence de

régime dans la mesure où il s'agit toujours de responsabilité civile délictuelle. Bien que

la formule retenue par la chambre commerciale de la Cour de cassation soit une

évidente adaptation de celle forgée par l'Assemblée plénière, les questions sont sans

doute moins proches qu'on ne le pense. Il est permis de soutenir que l'intérêt protégé par

l'article L. 442-6, I, 5° n'est pas uniquement l'intérêt du partenaire et victime directe de

l'auteur de la rupture ; s'agissant d'une disposition de droit de la concurrence, c'est le

bon fonctionnement du marché qui est protégé et il n'est peut-être pas artificiel d'y

intégrer le sous-traitant, dont les intérêts sont solidaires de ceux du contractant direct.

Quant à la réparation du préjudice, le sous-traitant a obtenu la réparation de la perte de

marge brute d'une manière assez classique. En revanche, il n'a pas obtenu

l'indemnisation des coûts impliqués par des licenciements dont il n'est pas parvenu à

établir qu'ils avaient été la conséquence de la rupture de la relation commerciale avec

l'éditeur. Il n'a pas eu davantage de succès dans sa demande en réparation de la part non

amortie de matériel acquis pour son exploitation car il n'est pas parvenu à établir qu'il

s'agissait d'un actif spécifique.

Le cas d'espèce soumis à la cour d'appel de Paris peut enfin être mis en relation avec

une autre décision récente qui a écarté la responsabilité pour rupture brutale lorsque la

rupture d'une relation non délibérée est imposée par les circonstances126. La décision

commentée ici ouvre une alternative : il reste possible à la victime de rechercher

l'opérateur qui se trouve à l'origine de la rupture. Il faudra toutefois être prudent dans

l'analyse des causalités et dans l'évaluation des préjudices.

126 Cass. com., 12 févr. 2013, n° 12-11.709 :JurisData n° 2013-022144 ; Contrats, conc. consom. 2013, comm. 79, note N. M

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Section 2 le calcul de l’indemnité découlant du préjudice

Avant tout il faut noter qu’il revient à la victime d’apporter la preuve du préjudice

occasionné par la rupture brutale de la relation commerciale établie127. Ensuite quelle

est la règle de calcul de l’indemnité (§1) ce qui nous emmène à évoquer l’hypothèse

d’une indemnité de cessation de relation (§2).

§1 La règle de calcul de l’indemnité

La règle de calcul du préjudice subi du fait de la brutalité de la rupture a été très

clairement posée par la cour d’appel d’Amiens du 30 novembre 2001. Selon la cour,

l’évaluation du préjudice doit être appréciée au regard de la marge bénéficiaire brute

que la victime de la rupture aurait été en droit d'escompter en l'absence de rupture des

relations commerciales. La cour précise également que l’assiette retenue à cette fin doit

être la moyenne du chiffre d’affaires hors taxes réalisé au cours des trois années

précédant la rupture, afin d’en dégager une marge brute annuelle moyenne

représentative de l’activité perdue, et déterminer par conséquent la marge brute qui

aurait été réalisée pendant la durée de préavis qui aurait dû être respecté128. Une autre

méthode de calcul, poursuivant le même raisonnement, veut que l’on multiplie la

période de préavis qui aurait dû être accordé (évalué en nombre de mois) par la

moyenne de la marge mensuelle réalisée l’année précédant la rupture129. Remarquons

également que tout évènement affectant à la baisse la marge brute en cours de préavis,

sera pris en compte lors du calcul de l’indemnisation, en vue de la minorer.

S'il existe une homogénéité en jurisprudence s'agissant de l'évaluation de cette première

partie du préjudice, des difficultés peuvent survenir lorsqu'il s'agit d'indemniser la

victime au-delà de la perte des gains escomptés130. Car, si l'indemnisation allouée sur le

fondement de l'article L. 442-6, I, 5°, n'a pas pour finalité de compenser le préjudice

découlant de la rupture elle-même, elle englobe les pertes économiques résultant de la

brutalité de la rupture. Toutefois, force est de constater que la jurisprudence entend 127 JM Meffre et N Kouchnir-Cargill ,pratique,distribution, rupture brutale des relations commerciales établies : mode d’emploi : Dr et patrimoine 2004 n°122, p34. 128 CA Amiens, 30 nov.2001 129 CA Paris, 12 sept 2001 130Pour une « typologie des préjudices indemnisables », V. A. Juaristi et A. De Brosses, Le préjudice lié à la rupture fautive de relations commerciales, ainsi que la jurisprudence citée par ces auteurs, Dr. et patr. juin 2003, n° 116, p. 60, spéc. p. 62.

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retenir une conception restrictive de cette seconde partie du préjudice. Le préjudice,

dont il est fait grief, doit résulter directement et exclusivement de la brutalité de la

rupture. Ainsi, à la perte de marge résultant de l'absence de préavis, il a pu être ajouté au

titre du préjudice réparable le coût des emballages estampillés avec la marque du réseau

et que le fournisseur n'avait pu écouler pendant la durée du préavis131.En revanche, le

préjudice d'image parce qu'il découle de la rupture elle-même et non pas tant de son

caractère brutal est insusceptible d'être réparé sur le fondement de l'article L. 442-6, I,

5°132. Cette solution doit être pleinement approuvée dans la mesure où seule la perte du

client est susceptible d'altérer l'image et non pas tant l'absence de préavis.

Les investissements consentis par la victime de la rupture ne sont pas,

systématiquement, pris en compte au titre de l'indemnisation. Ainsi, ils ne l'ont pas été

au motif qu'ils avaient été réalisés aux risques et périls de la victime elle-même, à une

époque où son chiffre d'affaires diminuait et où elle n'avait aucune assurance de pouvoir

amortir leur coût133. Dans une autre espèce, il a, en revanche, été jugé qu'il convenait de

condamner l'initiateur de la rupture, jugée brutale, à prendre en charge la part non

amortie du coût de logiciels spécifiquement conçus par lui134.

Les préjudices liés à la réduction des salariés135, à une procédure collective, à la perte

d'un fonds de commerce paraissent insusceptibles d'indemnisation au titre de la brutalité

de la rupture car ils résultent davantage de la rupture elle-même. Pourtant assez

paradoxalement, l'initiateur de la rupture a dû supporter le coût de la fermeture des

locaux ainsi que celui de la mise au rebut de matières spécifiques à l'auteur de la

rupture136. De façon tout aussi contestable, il a été tenu compte de l'état de dépendance

économique ou de l'existence ou non de solutions alternatives pour l'entreprise victime

de la rupture. Ainsi les solutions retenues dans ces deux espèces montrent non

seulement combien il est parfois délicat de faire la part des choses entre la réparation du

préjudice consécutif à la rupture et celui résultant de la rupture elle-même mais encore

plus largement combien le risque de confusion est fréquent en pratique. Ainsi, il n'est

pas rare que soient retenus au titre de l'indemnisation des pertes subies, le coût des

131 CA Angers, 24 janv. 2006, Sté Garem c/ SA Adic. 132CA Paris, 11 avr. 2002, SA Guerlain c/ SA Confection Ideas Studio 133Cass Com. 20 févr. 2007. 134CA Douai, 15 mars 2001, PBC c/ Auchan ; confirmé par Com. 23 avr. 2003, n° 01-11.664 135CA Riom, 10 nov. 2004, SA LPR c/ SA Combronde Logistic 136CA Douai, 15 mars 2001, précité

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licenciements, la reprise des stocks, les pertes d'exploitation, les frais d'études, la

fermeture des locaux, l'atteinte à l'image, le préjudice moral, la désorganisation de

l'entreprise.

Il convient, enfin, d'observer qu'en vertu de l'article L. 442-6, 3°, du code de commerce,

le juge pourra prononcer, à l'encontre de l'auteur de la rupture brutale, une amende

civile pouvant aller jusqu'à 2 millions d'euros, et cela même malgré l'inertie de la

victime, en effet depuis 2001, la loi NRE a octroyé au ministère de l'Economie et des

Finances ainsi qu'au Conseil de la concurrence le pouvoir d'intervenir dans une instance

en responsabilité contre l'auteur de la rupture fautive137. Il ne saurait, toutefois, s'agir là

d'une réparation stricto sensu mais davantage d'une pénalité supplémentaire destinée à

dissuader toute velléité de rupture, ostensiblement opportuniste, des relations

commerciales établies.

La cessation d'une relation commerciale établie peut priver celui à qui elle est

imposée de l'essentiel de ses revenus. En imposant à l'initiateur de la rupture le respect

d'un préavis, le législateur tente d'en atténuer les possibles effets néfastes. Ce préavis ne

serait pas respecté, ou manifestement insuffisant, il fixe, au moyen de l'article L. 442-6,

I, 5°, le cadre de la réparation des préjudices nés de la rupture brutale. Une telle

initiative peut, néanmoins, apparaître dérisoire lorsque la pérennité de l'activité est

sérieusement menacée. Dès lors ne conviendrait-il pas d'admettre, dans certaines

hypothèses, une indemnité de cessation de relation ?

137Sur cette question, V. Béhar-Touchais, L'amende est-elle un substitut satisfaisant à l'absence des dommages et intérêts punitifs ?, LPA 2002, n° 232, p. 36 ; M. Chagny, La notion de dommages-intérêts punitifs et ses répercussions sur le droit de la concurrence, JCP 2002. I. 149.

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§2 L’idée d’une indemnité de cessation de relation

Le préavis permet donc à la victime de la rupture brutale d’organiser sa reconversion.

Mais cela n’assure en rien la durabilité de son activité. De toute évidence les magistrats

on conscience de cette réalité économique et essaient de prendre en compte cela lors du

calcul du préjudice, nous l’avons vu ils n’hésitent plus à indemniser toutes sortes de

préjudices.

Cette idée d’indemnisation de cessation de paiement contredit le respect au droit de

rompre le contrat et l’objectif même du texte qui n’est pas de dissuader de la rupture

mais en atténuer les conséquences.

Une indemnité de cessation servirait alors de compensation pour la victime puisque la

rupture à forcement un coût et surement aussi pour l’initiateur de la rupture dans

l’hypothèse ou il perdrait plus d’argent qu’il n’en gagne en continuant une relation

commerciale qui ne lui est plus rentable. Cela nous renvoi à l’idée de la violation

efficace que nous étudierons incessamment sous peu.

Cette hypothèse a été soulevée en matière de concession exclusive, les juges ont

considéré que le concessionnaire n'a pas droit à l'obtention d'une indemnité de fin de

contrat car il n'existe pas entre lui et le concédant de mandat d'intérêt commun. Le

mandat d'intérêt commun est celui dans lequel mandant et mandataire sont liés par une

convergence d'intérêt. La notion est surtout utilisée pour l'agent commercial, car la

collaboration entre son mandant et lui contribue au progrès de l'entreprise en créant et

développant une clientèle commune ainsi que le chiffre d'affaire. En revanche,le

concessionnaire dispose, évidemment, d'actions en versement de dommages et intérêts

en cas de rupture abusive de son contrat. La doctrine est de toute évidence divisé quant

à cette solution.

Certains sont d’accord avec cette solution, ils considèrent donc que contrairement au

mandataire, le concessionnaireest titulaire de sa clientèle il n’y a pas de clientèle

commune,à la fin du contrat le concessionnaire conserve le bénéfice de sa clientèle. En

effet, la clientèle se divise en deux : celle attachée à la marque ira vers le concédant, et

celle attachée au concessionnaire continuera de s'adresser à lui.

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D’autres au contraire sont opposés à ce refus, ils considèrent qu’il y a bien une « co-

titularité économique de la valeur d’exploitation représentée par la clientèle »138, Ripert

invoquait « l’œuvre commune de constitution de clientèle ».

Cette indemnité de cessation supposerait que soit retenue une interprétation plus stricte

de la notion de relations commerciales établies car le dédommagement ne pourraitêtre

alloué qu'en présence d'hypothèses où la relation de clientèle est véritablement stable,

continue et d'une certaine importance quantitative. Pour l'instant, et comme tous deux

qui s’estiment victime d’une rupture brutale de relation commerciale établie, le

concessionnaire ne peut que solliciter le contrôle du juge et plus encore par sa

bienveillance des dommages et intérêts.

138 G Blanluet, essai sur la notion de propriété en droit économique français, thèse Paris II 1998

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Titre   2  :   Une   analyse   de   la   portée   de   la   sanction   et   solutions  

alternatives  

Choisissons d’analyser seulement quelques points de la portée de la sanction, ensuite

évoquons des solutions alternatives

Chapitre  1  L’analyse  de  la  portée  de  la  sanction  

Le mode d’évaluation est ‘il efficace ? (Section 1) ensuite évoquons l’efficientebreach

theory of contract (Section 2).

Section 1 : L’efficacité du mode d’évualition de l’indémnité

L’évaluation du préjudicequi prend en compte la marge brut peut être revue à la

baisse, notamment en présence d'événements, qui auraient eu pour effet d'entraîner une

diminution de la marge brute pendant le cours de préavis, comme, par exemple, une

baisse de l'activité dans le secteur considéré. L'attitude de la victime pourra également,

dans certaines hypothèses, entraîner une minoration de son droit à réparation.

L'obligation faite à la victime de minimiser son propre dommage est motivée par le

souci, de faire pénétrer dans le droit des contrats, une obligation d'efficience

économique. Pleinement consacrée en Common Law par le biais de la théorie dite de la

mitigation of damages, par la Convention de Vienne sur les contrats de vente

internationale de marchandises, cette théorie peine à s'affirmer chez nous et ceci peut

s’expliquer en partie par le fait que le droit français ne reconnaît que le principe de la

réparation intégrale139. Ce principe est de toute évidence mis à mal, dans plusieurs

espèces intéressant l'article L. 442-6, I, 5°. Ainsi, le montant des dommages-intérêts

versés au titre de la rupture brutale ont-ils été pondérés au regard des avertissements

reçus par la victime. Pareilles mises en garde auraient dû l'inciter à diversifier sa

clientèle. Ainsi encore, considérant qu'une société victime d'une rupture brutale avait 139 C. André, L’obligation de minimiser le dommage en droit interne, D. 2002. Jur. 307

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délibérément pris des risques en ne diversifiant pas suffisamment son activité, les juges

ont pris l'initiative d'amputer son droit à réparation et cela même en l'absence de

signalement préalable140. Plus généralement, la jurisprudence estime que l'acceptation

des risques que traduit l'absence de diversification et d'anticipation d'une rupture doit

s'analyser comme une faute de la victime dont il doit être tenue compte lors de

l'évaluation de son préjudice. Ainsi, l'acceptation d'une situation de dépendance, comme

le fait de réaliser 90 % de son chiffre d'affaires avec un seul client a-t-elle été jugée, en

elle-même, fautive141. Cet état de dépendance n'avait pas, en effet, été imposé par

l'initiateur de la rupture en vertu d'une exclusivité contractuelle de facto.

Section 2: efficient breach theory of contract

Théorie selon laquelle, si une partie trouve un intérêt à manquer ses obligations

contractuelles, il est économiquement judicieux de le lui permettre, moyennant une

indemnisation de son partenaire. Cette théorie nous permet donc de rompre notre

engagement quand cela nous est profitable financièrement, mais ce n’est pas moral !

L’intérêt économique de toutes entreprises semble être prioritaire et cela àtout prix !

Expliquons nous : il n’est nullement contradictoire d’admettre le principe d’une rupture

tout en étant conscient que cela à un coût, en ce sens nous ne prendrions plus en compte

la manière de rompre mais le prix de la rupture.

La meilleure illustration est celle selon laquelle le coût de la rupture serait largement

plus supportable que la non rentabilité de la relation. Ou encore, l’intérêt de rompre un

contrat initiale pour en conclure un second plus avantageux avec un tiers, le coût de la

rupture est ainsi contrebalancé par l’avantage tiré de la nouvelle relation.

Enfin un des intérêts d’une prise en compte de cette théorie c’est qu’elle permettrait de

prendre en compte l’économie du contrat.

140 CA Douai 15 mars 2001 141 CA Paris 20 mars 2003

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Toutefois, aux yeux des juristes français, il s’agit d’une règle contrevenant au principe

moral de la parole donnée... Ce raisonnement est relatif car bien que ce principe moral

soit tout à fait honorable toute relation peut avoir une fin, du moins, heureusement que

les parties ne sont pas liées indéfiniment et le préavis est la pour contrebalancer le poids

de cette parole donnée.

Pour terminer face à la multiplication du contentieux portons un dernier effort de

réflexion sur les possibles alternatives qui permettraient une amélioration de la gestion

de la rupture.

Chapitre  2  Des  solutions  alternatives  

Evoquons le sujet sensible du maintien forcé du contrat (section 1) ensuite les

hypothèses de sanction administrative ou pénales (section 2).

Section 1 Le maintien forcé du contrat

La sanction d’une rupture brutale des relations commerciales peut ‘elle se traduire par

une obligation de reprendre cette relation ?

D’une part la réponse est simple : c’est impossible en droit des affaires de manière

général le maintien forcé d’une relation n’est pas envisageable142 du moins pas de

manière définitive, un maintien forcé provisoire est tout de même envisageable.

Dans un arrêt du 3 mai 2012 la cour de cassation143 ordonne le maintien forcé de la

relation commerciale. En l’espèce une société, seul fournisseur d’ammoniac anhydre en

France, informe ses clients par courrier du 25 février 2010 de la décision prise par son

142 En vertu de différents principes, notamment le principe de la liberté contractuelle 143 Cour de cassation 3 mai 2012 n°10-28366

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assemblée générale de dissoudre la société à compter du 1er juillet 2010 et de la liquider

amiablement. Pour nombre de ses clients dont c’est le seul fournisseur, cela équivaut à

une rupture brutale de relations commerciales. Ils saisissent le juge des référés pour lui

demander d’ordonner la poursuite des relations et obtiennent gain de cause. Le juge des

référés condamne la société à poursuivre les relations commerciales et de maintenir ses

prestations jusqu’en juin 2012. La Cour d’appel confirme l’Ordonnance, et la Cour de

cassation approuve. Elle approuve la Cour d’Appel pour avoir jugé que la société

Ammoniac agricole mal fondée à invoquer son auto-liquidation, le fait qu'elle n'aurait

plus de personnel qualifié, sa prétendue absence de matériel spécialisé, et encore moins

le coût allégué d'un tel maintien, puisqu'elle est seule à l'origine de ces mesures et

qu'elle n'ignorait pas que le délai de préavis par elle donné était manifestement

insuffisant.

La Cour de cassation relève également que la rapidité, voire la précipitation de toutes

ses décisions concomitantes au préavis démontre que celles-ci visaient à auto-justifier

une future impossibilité d'exécuter, que la société Ammoniac agricole disposait encore

peu de temps auparavant de toutes les structures nécessaires à l'exécution de ses

obligations et que son affirmation selon laquelle elle sera dans l'impossibilité d'exécuter

est erronée.

En conséquence, poursuit la Cour suprême, la Cour d'appel, qui a fait ressortir que la

dissolution et la liquidation précipitée de la société constituaient de sa part une

manœuvre délibérée destinée à lui permettre de se soustraire à ses obligations résultant

des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, a pu statuer comme elle a

fait, c'est-à-dire ordonner le maintien des relations. Cette décision illustre un exemple

d’abus de droit. En effet toute société est parfaitement en droit de décider une

dissolution suivie d’une liquidation. Mais ce droit dégénère en abus lorsqu’il est mis en

œuvre dans le seul but de détourner la loi. En l’espèce, la dissolution constituait pour la

société le moyen d’échapper aux dispositions relatives à la rupture brutale des relations

commerciales. Et c’est donc en toute logique que le juge a imposé la poursuite des

relations d’une durée suffisamment longue pour être en rapport avec la durée des

relations qui avait été de l’ordre d’une quarantaine d’années. La liquidation amiable est

à plus tard, le temps pour les clients de trouver les moyens de se retourner. Cette

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décision est originale et en tous cas pragmatique. Tout ne se résoudrait donc pas en

dommages et intérêts.

Plutôt que de solliciter une réparation par équivalent des préjudices subis du fait

de la rupture brutale, la victime pourrait être tentée d'agir devant le juge des référés pour

obtenir, au besoin sous astreinte, une réparation en nature.

Ce mode de réparation permettrait non seulement le respect des prévisions initiales,

mais encore la préservation de la force du lien contractuel.

Or, de tels atouts sont selon J. Mestre144, à l'évidence, appréciables à un moment où

tend à se développer, dans notre droit, une faculté de résiliation unilatérale pour

comportement gravement répréhensible injustifié le juge ordonnerai donc un maintien

forcé du contrat.

En présence d'une rupture brutale d'une relation commerciale établie, la décision du juge

des référés pourrait essentiellement consister à proroger cette relation d'une durée

permettant de garantir le respect d'un délai de préavis suffisant145. Plus rarement sans

doute, une « condamnation à livrer sous astreinte »146 pourrait être envisagée.

D’après Karine Le Couviour, en pratique, le maintien du contrat, ordonné à titre

provisoire, par le juge des référés devrait, surtout, permettre à la victime de la rupture de

se positionner dans la perspective d'un accord transactionnel de fin de relations. Cette

hypothèse étant d'autant plus probable, que la rupture brutale pourrait avoir déjà,

largement érodée, la confiance nécessaire à toute poursuite de relations commerciales.

Section 2 Des sanctions pénales ou administrative

Les sanctions, qu'elles soient pénales ou administratives, ont une fonction

essentiellement répressive. C'est l'intention de punir qui distingue la sanction, tout

144 J.Mestre, Rupture abusive et maintien du contrat, RDCO, 1/2005. 99. 145Ch . Bourgeaon, Rupture abusive et maintien du contrat, RDC 1/2005. 109. 146 CA Versailles 10 juin 1999

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particulièrement la sanction administrative, d'autres mesures procédant de l'autorité

publique avec lesquelles elle est quelquefois confondue, telles que des mesures de

police ou des mesures de réparation.

Sans doute la sanction a-t-elle souvent, en outre, une fonction de dissuasion, et par là de

prévention, mais ce n'est pas l'effet principalement recherché

§1 Unesanction pénale

La justice pénale à deux objectifs : réparer le préjudice de la victime et sanctionner

l'auteur de l'infraction. En sanctionnant l'auteur de l'infraction, le juge pénal « donne une

leçon » : elle permet de servir d’exemple à la société et vise à empêcher que l’auteur de

l’infraction recommence. Le droit pénal est déjà présent en droit des affaires : Le droit

pénal des affairesest l'ensemble des règles de droit concernant

les infractions susceptibles d'intervenir dans la vie des affaires, mais aussi de l'ensemble

des règles économiques qui peuvent être sanctionnées pénalement. Ainsi, il comprend

des infractions de droit commun (vol, escroquerie, abus de confiance, corruption) et des

infractions spécifiques en matière notamment: de droit des sociétés (ex: majoration des

apports en nature, abus de bien social...), de droit de la concurrence (ex: entente, abus de

position dominante...), de droit de la consommation (ex: publicité trompeuse), de droit

boursier (ex: délit d'initié). Le respect du droit pénal des affaires est assuré en partie par

les juridictions pénales et en partie par des autorités administratives indépendantes (ou

AAI): Autorité de la concurrence et Autorité des marchés financiers (AMF).

La rupture brutale est sanctionnée soit pour une absence de préavis soit pour son non

respect, en ce sens, peut-on qualifier ces comportements de contraventions, crimes ou

délits ? Et permettre ainsi une sanction pénale ?

Les infractions sont classées en trois groupes en fonction de la gravité du comportement

qu’elles révèlent. On distingue les contraventions, les délits et les crimes.

Les contraventions désignent les infractions les moins graves, qui révèlent moins une

atteinte aux normes fondamentales de l’ordre social qu’une indiscipline à l’égard des

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règles de la vie en commun. Elles sont punies de peines d’amende, et sont distinguées

en 5 classes qui détermine le montant de l’amende Les délits désignent les infractions

caractérisant une volonté de transgresser une norme sociale importante. Ils sont punis de

peines d’amendes à partir de 3 750 euros, et de peines d’emprisonnement pouvant aller

jusqu’à 10 ans pour les délits les plus graves. Les crimes constituent la catégorie formée

par les infractions les plus graves, qui manifestent une violation extrême des interdits

fondamentaux de notre société. Ils sont punis, en fonction de leur gravité, d’une peine

de réclusion pouvant aller de 15 ans à la perpétuité. Par le jeu des circonstances

aggravantes, un même type d’infraction peut basculer dans la catégorie supérieure.

Evidement les éléments constitutifs de l’infraction pénale ne sont pas établie dans notre

hypothèse. L’élémentlégal est régit par le principe de légalité des délits et des peines, en

France c’est le principe selon lequel une personne ne peut être poursuivie du chef d’une

infraction qui n’est pas prévue par un texte pénal (loi ou règlement). Ce principe permet

de limiter l’arbitraire des juges. Ensuite l’élément matériel : l’acte doit être constitué, et

enfin l’élément moral : l’intention de commettre une faute.

Sont déjà punis pénalement certaines infractions au droit de la concurrence : Les

pratiques anticoncurrentielles, les concentrations économiques prohibées, les pratiques

restrictives de concurrence (infractions relatives aux prix, les infractions relatives aux

modalités de vente...).

En ce sens la rupture constitutive d’un abus de droit peut être punit pénalement mais pas

en vertu de l’article traitant de la rupture brutale des relations commerciales établies,

souvent ce sont des articles du code de commerce qui renvoient au code pénal. La

rupture brutale n’étant pas considérée comme une volonté de nuire mais seulement

comme le non respect des règles de la rupture.

Depuis l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix, le droit pénal

des affaires connait un mouvement de dépénalisation. Le 20 février 2008 le rapport

Coulon a été remis à la Ministre de la Justice. Il préconise notamment de recentrer le

droit pénal des affaires sur les infractions les plus nuisibles à l'ordre public, de mieux

adapter la gravité des sanctions à la gravité des faits, d'en finir avec le cumul des

sanctions civiles administratives et pénales (en privilégiant les sanctions administratives

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et civiles) d'améliorer la répartition des rôles entre juridictions et autorités

administratives indépendantes et d'encourager le recours aux modes alternatifs de

poursuite notamment la transaction pénale. Ceci étant dit cela s’explique aussi par cette

volonté du législateur de ne pas pénaliser toutes fautes à tour de bras.

Les autorités administratives se sont engagées depuis quelques années à réduire de

manière significative le délai de traitement des procédures. Ce qui n'est pas le cas

du juge pénal, alors pourquoi ne pas prendre des mesures de sanctions

administratives pour sanctionner la rupture brutale des relations commerciales

établie

§2 Une sanction administrative

Le procédé de la sanction administrative est fort discuté en doctrine. Les lois de plus en

plus nombreuses ont parfois autorisé l'autorité administrative à prendre à l'égard des

administrés des mesures punitives. Ces mesures rappellent plus ou moins les sanctions

pénales. Il n'en existe pas de définition légale. Au vu de la jurisprudence

constitutionnelle, on peut définir la sanction administrative comme la sanction infligée

par une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance

publique, dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission et assortie par la

loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés

constitutionnellement garantis.

Les sanctions administratives ont toujours existé aussi dans les rapports de

l'administration avec ses agents : c'est la répression disciplinaire. Mais les sanctions

administratives sont également apparues dans les rapports de l'administration avec

les administrés, et cela depuis la IIe Guerre mondiale.

On a pu observer alors un développement des sanctions administratives en matière de

réglementation économique, d'organisation de la production, d'organisation de la

répartition, de législation des prix et de réglementation de la concurrence.

Aujourd’hui, les autorités de la concurrence nationale et européenne ne jouent que sur

un seul registre : l’amende administrative dite « sanction pécuniaire ». En droits

européen et français de la concurrence, la sanction pécuniaire couvre la quasi-totalité du

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champ. La sanction pénale est absente de l’arsenal européen et, quand elle existe en

droit national, elle n’est que rarement mise en œuvre ; enfin, peu de sanctions

professionnelles sont prononcées.

Il nous semble évident que la sanction administrative n’est pas la plus approprié, bien

qu’efficace. Ceci dit il n’est pas inapproprié de voir une sanction administrative comme

étant le dédommagement du préjudice causé à l’économie.

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Conclusion générale Les décisions relatives à la rupture brutale de relations commerciales établies ne cessent

d'alimenter la réflexion de la doctrine et de la pratique. Des questions nouvelles

surgissent constamment. Il apparait clairement que les juridictions ont trouvé matière à

discussions dans pratiquement chaque notion qui compose l’article, d’où la nécessité

d’un raisonnement décortiqué.

En définitive, le législateur pourrait s'être départi de nombre de référents déterminants

de la stabilité du régime juridique de la rupture. C'est oublier que l'une des toutes

premières finalités de la norme juridique, en matière commerciale est de garantir la

sécurité de l'entreprise.

Ainsi, l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce offre à l'examen un bilan pour le

moins contrasté. Si de par sa rédaction très large, il esquisse une « méthodologie de la

rupture » applicable à toutes les relations d'affaires, il génère dans le même temps des

excès. Le plus criant réside dans l'atteinte portée à la liberté de rompre. En effet,

l'exigence d'un préavis en présence de relations commerciales établies telle qu'elle a été

conçue par l'article L. 442-6, I, 5°, bien que n'intéressant que les modalités de la rupture

pourrait menacer à terme la faculté de rompre. Originellement destinée à encadrer la

liberté de rompre, cette disposition pourrait, si l'on n'y prenait garde, « l'asphyxier »147.

Ce risque trouverait directement son origine, dans une insuffisante lisibilité de la rupture

: son principe, son exercice et, enfin, ses conséquences seraient insuffisamment

dissociées. Ainsi des considérations d'indemnisation seraient susceptibles de venir à tout

moment gangréner le droit de rompre.

Cette analyse préalable de la rupture brutale des relations commerciales établies aura

surtout permis de mettre en évidence la forte propension de ce dispositif à engendrer du

contentieux tant les contours du délit civil de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de

commerce font l'objet d'interprétations divergentes. Dès lors, face à l'hétérogénéité des

situations visées par la notion de relations commerciales établies, un resserrement sur

certaines d'entre elles serait de toute évidence opportun. 147 Karine Le couviour

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Le rôle même de l’indemnisation s’élargit, nous l’avons vu il y a une prise en compte du

préjudice de plus en plus « laxiste », de nouveaux préjudices sont pris en compte... la

prise en compte de circonstances économiques n’était pas envisageable dans l’esprit

initial du texte, et nous voyons tout de même que cela connaît quelques progrès148.

Enin lorsque la durée du préavis est si délicate à déterminer, et que cette dernière

participe, par ailleurs, très directement au calcul du préjudice subi par la victime de la

brusque rupture, ne suggère-t-on pas, déjà, implicitement que la rupture bien que

discrétionnaire, en principe, peut avoir, en pratique, un coût ? Dès lors, puisque

l'obligation de préavis contribue, insuffisamment, à la prévention des abus de brusque

rupture, ne pourrait-on pas voir dans l'indemnisation de la victime de l'extinction subite

de la relation commerciale établie, un possible outil de prévention des abus de brusque

rupture.

148 CA aix en provence, 8ème chambre.A. 23 janv. 2014

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BIBLIOGRAPHIE

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T. com. 23 avr. 2003, n° 01-11.664 ;

Tribunal de Grande Instance

TGI Paris, 18 mai 2006, RG n° 04/17965, Évidence Théâtre c/ Forma CE ;

TGI Paris, 20 septembre2006, RG nº 05/09633, Mlle Véronique X c/ UFC-Que Choisir ;

TGI Paris, 6 avr. 2006, RG n° 04/08877, Mme Sandra X c/ SA Confections Sèvres Vendée ;

OUVRAGES

D.FERRIER ,Droit de la distribution , Nouvelle édition, 08/2014

L. Arcelin-Lecuyer , Le droit de la concurrence , Presse universitaire rennes , 08/2013

L. Vogel, Du droit commercial au droit économique, LGDJ, 09/2010

G.Cornu , Vocabulaire juridique , PUF, 2012

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RAPPORTS

Rapport CEPC avis n°10-04, 10 février 2010 ;

REGLEMENTS

Règl. Cons. CE n°44/2001 , 22 décembre 2000 ;

Règl. « Rome I » sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Règl. Parl. et Cons. CE on 593/2008, 17 juin 2008, JOUE 4 juill., no L 477 et entrant en vigueur le 17 décembre 2009) ;

REVUES

C. ANDRE, L’obligation de minimiser le dommage en droit interne, D. 2002. Jur. 307 ;

V. BEHAR-TOUCHAIS, L'amende est-elle un substitut satisfaisant à l'absence des dommages et intérêts punitifs ?, LPA 2002, n° 232, p. 36 ;

Ch . BOURGEAON, Rupture abusive et maintien du contrat, RDC 1/2005. 109 ;

C. BOURGEON, VAN EECKHOUT, La durée du préavis et rupture de relation commerciale établie ;RDCO 2005, p. 491 ;

M. CHAGNY, La notion de dommages-intérêts punitifs et ses répercussions sur le droit de la concurrence, JCP 2002. I. 149.

J.-L. FOURGOUX, Transparence et pratiques restrictives de concurrence. Règles de fond : J.-Cl. Commercial, Fasc. 281 ;

A. GRIZAUT, Rupture brutale des relations commerciales établies, réflexions sur les premiers cas d'application de l'article L. 442-6, I, 5°, in Contrats de distribution l'équilibre enfin trouvé ?, Dr. et patr. juin 2003, n° 116, p. 71 s ;

V. A. JUARISTI et A. DE BROSSES, Le préjudice lié à la rupture fautive de relations commerciales, ainsi que la jurisprudence citée par ces auteurs, Dr. et patr. juin 2003, n° 116, p. 60, spéc. p. 62 ;

M. MALAURIE-VIGNAL, Précision sur la notion de relation commercial établie, note ss.Versailles, 24 Mars 2005, SAS British America, Tobacco, CCC juill.2005,n°7, comm.133 ;

JM MEFFRE et N.KOUCHNIR-CARGILL, Pratique,distribution, rupture brutale des relations commerciales établies : mode d’emploi : Dr et patrimoine 2004 n°122, p34 ;

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83

J. MESTRE, Rupture abusive et maintien du contrat, RDCO, 1/2005. 99 ;

Ph. LETOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz 2012, p 523, n°1305 ;

PEDAMON, Nouvelles règles relatives à la rupture des relations commerciales établies, Lamy dr. éco. déc. 2001, n° 146, p. 1 s.,spéc. p. 3 ;

S. REGNAULT, Guide de la rupture des relations commerciales établies, Dr. et patr. 2007, n ° 163, p. 48-59 ;

J.L RESPAUD, Préavis, assistance et reconversion du distributeur évincé, Cah. Dr. Entre. 2002, p 19 ;

M. THILL-TAYARA et F. HERRENSCMIDT, Panorama de jurisprudence : la rupture des relations commerciales établies, un exercice périlleux, Lamy dr. aff., sept. 2003, p. 5, spéc. p. 6 ;

Ph. le TOURNEAU et M. ZOÏA, Concession exclusive. Effets. Rupture : J.-Cl. Contrats-Distributions, Fasc. 1035, n° 208 ;

J. VOGEL, Le nouveau droit de la distribution automobile : Rev. Lamy dr. aff. sept. 2010, n° 52, p. 40 ;

SITE INTERNET :

Omnidroit :

D. MAINGUY, Responsabilité du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies : une controverse jurisprudentielle à résoudre ;

THESE

G. BLANLUET, Essai sur la notion de propriété en droit économique français, thèse Paris II 1998 ;

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TABLE DES MATIERES LISTE DES ABREVIATIONS

SOMMAIRE

INTRODUCTION

Partie I : Le mécanisme juridique de l’indemnisation de la rupture brutale des relations commerciales établies ..................................................................................................... 14  

Titre 1 : La détermination de la notion de rupture brutale de relation commerciale établie .......................................................................................................................... 14  

Chapitre 1 : La définition de la relation commerciale établie ................................ 15  

Section 1 Une relation commerciale .................................................................. 15  

§1 Le caractère commercial quant aux parties ............................................... 15  

§2 Le caractère commercial quant à l’objet ................................................... 17  

Section 2 Une relation commerciale établie ....................................................... 18  

§1Le critère principal du caractère établie : la durée de la relation

commerciale .................................................................................................... 18  

§2 L’intensité et la stabilité de la relation commerciale ................................. 20  

Chapitre 2 : La rupture brutale de la relation commerciale établie ........................ 23  

Section 1 Définition de la rupture brutale de la relation commerciale établie ... 23  

§1 La notion de brutalité ................................................................................. 23  

§2 Rupture brutale et rupture abusive ............................................................. 27  

Section 2 Les différents cas de rupture de relation commerciale établie .......... 29  

§1 Résiliation d’un contrat à durée indéterminée et non reconduction d’un

contrat à durée déterminée .............................................................................. 29  

§2 Interruption totale ou partielle des commandes et modification unilatérale

des conditions commerciales .......................................................................... 30  

Titre 2 Les enjeux de la détermination du préavis ..................................................... 31  

Chapitre 1 La nécessité du préavis ......................................................................... 31  

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Section 1 : Le rôle du préavis ............................................................................. 31  

§1 Le respect du principe de prohibition des engagements perpétuels appliqué

à la relation commerciale établie .................................................................... 31  

§2 La fonction du préavis ............................................................................... 32  

Section 2 Les conditions du comportement fautif .............................................. 33  

§1Le respect des conditions de la rupture ...................................................... 33  

§2 Les causes d’exonération justifiant la rupture sans préavis ....................... 35  

Chapitre 2 La nécessité d’un préavis raisonnable .................................................. 38  

Section 1 : La nécessité d’un préavis raisonnable : la prééminence du critère de la durée ............................................................................................................... 38  

§1 Un préavis « raisonnable » ........................................................................ 38  

§2 La durée de la relation commerciale comme critère principale permettant la

détermination d’un préavis suffisant .............................................................. 40  

Section 2La durée de la relation commerciale un critère prédominant pour la détermination du délai de préavis mais pas exclusif. ......................................... 43  

§1 La prise en compte d’autres critères .......................................................... 43  

§2 Le calcul du préavis ................................................................................... 45  

Partie 2 : La sanction de la rupture brutale de relation commerciale établie .................. 50  

Titre 1 : L’indemnisation des conséquences de la rupture ......................................... 50  

Chapitre 1 Préjudice et responsabilité .................................................................... 50  

Section 1 : La notion de préjudice en droit français ........................................... 50  

Section 2 La responsabilité mis en cause ........................................................... 52  

§1 La nature de l’action : une responsabilité délictuelle ................................ 52  

§2La responsabilité prise en compte au niveau internationale ....................... 55  

Chapitre 2 Le calcul de l’indemnité en fonction du préjudice et la mise en œuvre de la responsabilité ...................................................................................................... 58  

Section 1 Le préjudice indemnisable .................................................................. 58  

§1 Un préjudice issu de la Brutalité de la rupture .......................................... 58  

§2 L’admission du préjudice par ricochet ...................................................... 58  

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Section 2 le calcul de l’indemnité découlant du préjudice ................................. 61  

§1 La règle de calcul de l’indemnité .............................................................. 61  

§2 L’idée d’une indemnité de cessation de relation ....................................... 64  

Titre 2 : Une analyse de la portée de la sanction et solutions alternatives ................. 66  

Chapitre 1 L’analyse de la portée de la sanction .................................................... 66  

Section 1 : L’efficacité du mode d’évualition de l’indémnité ............................ 66  

Section 2: efficient breach theory of contract .................................................... 67  

Chapitre 2 Des solutions alternatives ..................................................................... 68  

Section 1 Le maintien forcé du contrat ............................................................... 68  

Section 2 Des sanctions pénales ou administrative ............................................ 70  

§1 Unesanction pénale .................................................................................... 71  

§2 Une sanction administrative ...................................................................... 73  

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXE