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Centre de Prospective et de Veille Scientifique Direction de la Recherche et des Affaires Scientifiques et techniques Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement n° 57 INÉGALITÉS ET INTERCOMMUNALITÉ EN ILE-DE-FRANCE Pour une territorialisation stratégique de l’action publique

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Centre de Prospective et de Veille Scientifique Direction de la Recherche et des Affaires Scientifiques et techniquesMinistère de l’Equipement, des Transports et du Logement n° 57

INÉGALITÉS ET INTERCOMMUNALITÉEN ILE-DE-FRANCEPour une territorialisation stratégique de l’action publique

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Octobre 2001 – n° 57

Consacré depuis plus d’une dizaine d’années à la veille internationale, 2001 PLUS regroupe désormais, sous un labelcommun deux séries de publications distinctes : “Veille internationale” et “Synthèse de recherches”.La série “Veille internationale” vise à alimenter le débat public sur les villes, l’habitat, les transports ou l’équipementà partir d’une analyse des expériences, des politiques ou des innovations développées à l’étranger, que ce soit enEurope ou dans le reste du monde.La série “synthèse et recherches” s’est fixée comme objectif de présenter, sous le même format (50 pages environ) des“états de lieux” des recherches menées récemment en France, également dans le champ Équipement-logement-trans-ports-environnement. Chaque numéro est centré sur un thème spécifique.

Documents disponibles :

01/04 Planification spatiale et aménagement du territoire aux Pays-Bas (J.C. Boyer – 1988)05 Les politiques urbaines du Royaume-Uni depuis 10 ans (H. Huntzinger – 1989)06 La fiscalité locale sur les entreprises aux Royaume-Uni et en Allemagne (H. Huntzinger – 1989)07 La Hollande en 2015 : résumé officiel du 4e rapport sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire

(Ministère du Logement, de l’Urbanisme et de l’Environnement – 1988)08 Télétopia : la ville et les systèmes d’information au Japon (R. Piorunski – 1989)09 Prospective de l’exploitation de la route (A. Vivet – 1989)10 Urbanisme et économie en RFA (H. Huntzinger – 1989)11 Les acteurs du génie urbain : évolution internationale (G. Mercadal – 1989)12 Acteurs sociaux et mutations urbaines (A. Touraine – 1987)13 Influences de la grande vitesse sur la restructuration de l’espace européen (A. Bieber – 1989)14 Comment décongestionner les axes routiers de la Randstad Holland ? (J.C. Boyer – 1990)15 Les quatre révolutions logistiques (Ake Andersson – 1986)

16/17 Le transport dans les années 90 : la formation de l’Europe (T. Bendixson – 1989)18 Les technologies de l’information et la ville dans l’Europe de 1992 (M.E. Hepworth – 1990)19 Consultation publique et aménagement du territoire aux Pays-Bas (J.C. Boyer – 1990)

20/21 NUMÉRO SPÉCIAL : La métropole parisienne : système productif et organisation de l’espace (Equipe “Strates” Félix Damette et Pierre Beckouche – 1990)

22 La réforme anglaise de la planification spatiale : étude du plan de développement unitaire de Birmingham (Alain Motte 1990)

23 Allemagne : structures temporelles et développement urbain (DIFU)24 Suède : la vie dans les métropoles : des chances à saisir, des difficultés à surmonter.

Quelles politiques mettre en œuvre ? (H. Huntzinger – 1991)25 Réserver l’habitat social aux ménages à faibles revenus aux Pays-Bas (J.C. Boyer – 1991)26 La recherche urbaine en Allemagne (H. Huntzinger – 1992)27 Le syndrome NIMBY (Michaël Dear – 1993)28 L’urbanisme souterrain au Japon (André Guillenne – 1993)29 Les infrastructures à l’horizon 2000 (Barrie Stevens, Wolfgang Michalski) (1993)30 L’aménagement du territoire en Allemagne (Ministère fédéral de l’aménagement du territoire – 1993)31 Compétitivité, innovation et territoire. Le débat aux Etats-Unis (Michaël Storper – 1993)32 Télétravail et transports, une étude de l’administration américaine (1994)33 Le gouvernement des aires métropolitains dans les pays industrialisés (1994)34 Entre économie et territoire : des règles de quartier, creuset de lien civil (1994)35 Les corridors de développement dans la Zone Asie Pacifique (1994)36 La réforme « Next Steps » au Royaume-Uni décentraliser et responsabiliser l’administration (1995)37 L’évaluation environnementale au Québec : procédures, évolution et portée (1995)38 Le véhicule électrique à l’horizon 2004 : Controverses en Californie, prémices d’une bataille mondiale (1996)39 Le développement des infrastructures dans la zone Asie-Pacifique : mythes et réalités (1996)40 « Lebensraum Stadt » « La ville, espace de vie », Mobilité et communication

dans les grandes villes allemandes en 2020 : deux scénarios (1997)41 Une voie ferrée pour les marchandises : débats autour de la Betuwelijn aux Pays-Bas (1997)42 La prospective urbaine aux Etats-Unis ou les enjeux de la civilisation suburbaine (1997)43 La lutte contre l’exclusion dans les quartiers en difficulté : l’expérience britannique (Alan Mac Gregor – 1997)44 Les politiques du logement en Europe (Anne-Marie Fribourg – 1998)45 Prospective de la mobilité en Europe : Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Suisse (Eric Huntzinger – 1998)46 Aménagement de l'espace et gestion des risques aux Pays-Bas (J.-R. Barthélémy, Ph. Blancher, Cl. Marris – 1998)47 Radioscopie de l'ingénierie-conseil de transport et de circulation en Europe (Eric Baye – 1999)48 Mobilité et vie quotidienne : synthèse et questions de recherches (Vincent Kaufmann – 1999)49 Maîtriser l'étalement urbain : une première évaluation des politiques menées dans quatre pays (Vincent Fouchier – 1999)

Voir suite des documents disponibles en 3e de couverture.

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SOMMAIRE

PRÉSENTATION 1

Chapitre I :

VERS DE NOUVEAUX MODES D'ACTION

PUBLIQUE SUR LES TERRITOIRES :

LATERRITORIALISATION STRATÉGIQUE

1. Solidarité, contractualisation, adaptation territoria-

le des politiques publiques: trois enjeux à distin-

guer, et articuler. 5

2. Ni “déconcentration” ni “priorisation” :

la territorialisation stratégique. 8

3. Le “référentiel” francilien. 8

Chapitre II :

LASOLIDARITÉ ENTRE LES TERRITOIRES

FRANCILIENS

1. Principaux résultats de l'étude. 11

2. Retour sur les politiques de solidarité territoriale

en Ile-de-France. 18

3. Exception ou spécificité francilienne ? 19

Chapitre III

LACOOPÉRATION INTERCOMMUNALE

EN ILE-DE-FRANCE

1. L'exception francilienne. 21

2. Faiblesse de l'intercommunalité forte,

force de l'intercommunalité faible. 23

3. Des situations contingentes, mais des effets

d'apprentissage réels. 28

Chapitre IV

ENJEUX TERRITORIAUX ETACTION

DE L'ETAT EN ILE-DE-FRANCE

PROPOSITION D'UN RÉFÉRENTIEL

TERRITORIAL

1. Reformulation des enjeux territoriaux

de l'Ile-de-France. 31

2. Un référentiel territorial pour l'action publique

en Ile-de-France. 36

ANNEXE

Découpages et regroupements territoriaux :

les géographie problématiques

de l'intercommunalité de projet. 41

P R É S E N TAT I O N

Comme le numéro 55, qui portait sur la réforme régiona-le en Angleterre et en Italie, cette nouvelle synthèse de2001 Plus est consacrée aux transformations de l’actionpublique à l’échelle des territoires. Mais il s’agit, cettefois-ci, d’un territoire très particulier – l’Ile-de-France,avec ses 11 millions d’habitants, une densité dix foissupérieure à la moyenne française, un des niveaux dedéveloppement parmi les plus élevés d’Europe, maisaussi de très profondes inégalités entre groupes sociauxou entre communes...

L’“exception” de la région parisienne est interrogée ici àtravers une question d’actualité qui est celle de la mise enoeuvre opératoire des deux lois de juin et juillet 1999 sur“le renforcement de la coopération intercommunale” (“loiCHEVENEMENT”) et “l’Aménagement durable du terri -toire” (“loi VOYNET”). Comme on le sait, ces deuxtextes complétés, en décembre 2000, par la loi “Solidaritéet renouvellement urbain” définissent une nouvelle orga-nisation des territoires à l’échelle intercommunale quis’inscrit dans une triple perspective : une perspectivesociale de redistribution et de solidarité fiscale et finan-cière entre communes riches et communes pauvres ; uneperspective économique de mise en cohérence des straté-gies de développement aux “échelles pertinentes” ; etenfin une perspective institutionnelle de modernisationdes formes d’interventions de l’Etat sur le territoire, inté-grant à la fois plus de décentralisation et plus de contrac-tualisation. Dans quelle mesure ces objectifs sont-ilsadaptés à la spécificité politique, économique et socialed’une région aussi complexe que l’Ile-de-France ? C’estla question précise, posée par la préfecture de Région, àlaquelle s’efforcent de répondre les trois équipes derecherche du LATTS (Ecole Nationale des Ponts etChaussées), de l’OEIL (Université Paris 12) etd’ACADIE.

Pour les chercheurs consultés “il est vain d’espérer unseul principe de découpage pertinent et universel qui per -mettrait d’assurer à la fois plus de cohésion sociale, plusde cohérence économique, une légitimité politique renfor -cée et une meilleure efficacité des politiques publiques àl’échelle locale”. Parmi les nombreuses raisons invo-quées pour justifier ce scepticisme, plusieurs remettent encause certains des postulats implicites sur lesquels repo-sent les deux lois de 1999. Ainsi, nous montrent lesauteurs, n’y a-t-il pas de lien direct entre la réduction desinégalités et la lutte contre l’exclusion ou la pauvreté ; eton ne peut donc s’attendre à ce qu’une plus grande soli-darité fiscale entre communes conduise “automatique-ment” à une prise en charge plus efficace des problèmesde ségrégation, de marginalisation, de chômage, ou depauvreté qui touchent une partie de la population franci-lienne. Il n’y a pas, non plus, de cohérence économiqueévidente à associer entre elles les communes les plusproches : et c’est sans doute à l’échelle de l’ensemble de

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la région qu’il faudrait rechercher de nouvelleslogiques de développement. Enfin, les auteurs s’in-terrogent sur l’efficacité et les limites d’une territo-rialisation des politiques qui passerait essentielle-ment par la déconcentration, la contractualisation, etla définition de “zones d’action” prioritaires – maisne remetteraient pas fondamentalement en cause lespolitiques sectorielles existantes.

Comme on le verra, tous ces arguments, accompa-gnés d’un ensemble très impressionnant d’analyses,ne conduisent pas les chercheurs à tirer une conclu-sion définitive – et négative – sur “l’applicabilité” deslois CHEVENEMENT E T V O Y N E T à l’Ile-de-France. Une évaluation faite sur le passé montred’ailleurs que l’intercommunalité y a connu des déve-loppements multiples – sous des formes, il est vrai,relativement “faibles”. Simplement, les opportunitésinstitutionnelles ouvertes par ces deux lois ne doiventêtre considérées que comme un des éléments d’unedémarche plus globale de “territorialisation straté-g i q u e” de l’action publique – dont les auteurs, dessi-nent en conclusion, quelques axes : mieux distinguerspatialement les démarches de solidarité, de contrac-tualisation, et d’adaptation des politiques publiques –pour ensuite mieux les articuler; réformer en profon-

deur les politiques sectorielles (“école, logement,sécurité, santé”) qui sont une des clés de cette inté-g r a t i o n ; et enfin assurer une véritable “dialectique” –“un aller-retour permanent” entre des projets locauxresitués dans une vision plus globale, et des politiquesnationales ou régionales explicitant clairement leursenjeux spatiaux. Il est finalement proposé d’appuyercette “territorialisation stratégique” sur un “r é f é re n-tiel territorial”, défini par ses promoteurs comme“un v a d e - m e c u m pour l’exercice de reformulation –en situation – des objectifs de l’Etat”.

Toutes ces recommandations et ces réflexions serontsans doute utiles au moment s’engagent de nouveauxtravaux sur le schéma directeur de la région Ile-de-France. Mais leur portée dépasse très certainement lecadre étroit de cette région “d’exception”. Et tous leslecteurs intéressés à l’aménagement du territoire, audéveloppement local ou à la réforme de l’Etatdevraient pouvoir en tirer des analyses ou des orien-tations pour l’action extrêmement stimulantes.

Jacques THEYSResponsable du Centre de Prospective

et de Veille Scientifique

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INÉGALITÉS ET INTERCOMMUNALITÉ EN ILE-DE-FRANCE

Pour une territorialisation stratégique de l'action publique (*)

(*) Daniel Behar, Emre Korsu, Laurent Davezies, Jean-Marc Offner, Pierre Beckouche, Géraldine Pflieger &Marie Pouplet.

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AVERTISSEMENT

Les analyses présentées dans ce document sont le résultat d’une réflexion collective de troiséquipes entreprise à la demande de la préfecture d’Ile-de-France. Ces trois équipes sontAcadie (réseau Reflex) ; le LATTS (Ecole Nationale des Ponts et chaussées, CNRS, univer-sité Paris XII, université de Marne-la-Vallée) et l’Œil (Institut d’Urbanisme de Paris – uni-versité Paris XII).

• Le chapitre I constitue la synthèse de l’ensemble de ces travaux, rédigée pour l’essentielpar Daniel Behar (Acadie, professeur associé à l’université Paris XII).

• Le chapitre II rend compte d’analyses développées principalement par Emre Korsu (cher-cheur à l’Œil) avec Daniel Behar (Acadie, professeur associe à l’Institut d’Urbanisme deParis – université Paris XII) et Laurent Davezies (l’Œil, professeur à l’Institut d’Urbanismede Paris – Université Paris XII).

• Le chapitre III ainsi que l’annexe “Découpages et regroupements territoriaux : les géogra-phies problématiques de l’intercommunalité de projet” ont été prépares par Jean Marc Offner(Directeur de recherche, LATTS, professeur à l’Ecole Nationale des Ponts et chaussées),avec l’aide de Marie Pouplet (doctorante au LATTS).

• Le chapitre IV a été prépare par Pierre Beckouche (l’Œil, professeur à l’université Paris I)avec l’aide de Géraldine Pflieger (doctorante).

Les rapports complets dont sont tirées ces synthèses sont disponibles auprès des auteurs :– Acadie : [email protected] ;– LATTS : [email protected] ;– Œil : Institut d’Urbanisme de Paris, [email protected].

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Les trois études commandées en fin 1998 par la pré-fecture d’Ile-de-france au groupement A C A D I E -LATTS-OEIL visaient a répondre à l’interrogations u i v a n t e : comment la “Loi Voynet” et la “loiChevènement” peuvent être appliquées à l’Ile-de-France, territoire complexe, “exceptionnel” dit-onparfois eu égard à la dimension de cette régionurbaine ? La question, en particulier, était de savoirsi l’on pouvait à travers un découpage géographiquecommun de l’espace régional, unifier les trois enjeuxde ces lois :

– celui de la solidarité terr i t o r i a l e (loi Chevènement),à travers une moins grande fragmentation des financescomme des politiques publiques locales ;

– celui d’un élargissement de la contractualisationÉtat/collectivités locales (loi Voynet), avec uneextension de l’expérience contractuelle État-Régionsdes vingt dernières années à un traitement coopératifdes territoires urbains ;

– et enfin, celui d’une modernisation de la gestionpublique, et plus précisément d’une meilleure adap-tation des politiques sectorielles de l’État (et d’autrescollectivités publiques) aux réalités territorialeslocales (loi Voynet).

Trois enjeux différents mais qui, pris ensemble, don-nent corps à la notion de ce qu’il est désormaisconvenu de nommer “territorialisation de l’actionpublique”. Pour éclairer les conditions de leur arti-culation dans le cas du territoire francilien, on a pro-cède à trois investigations :

– l’une relative aux rapports entre solidarité fiscalelocale et solidarité sociale, la question posée étant :ces deux solidarités sont-elles géographiquementéquivalentes ? (Chapitre II) ;

– l’autre relative à l’intercommunalité (état des lieuxet potentiel d’évolution) (Chapitre III) ;

– la dernière relative aux enjeux territoriaux propresà l’Ile-de-France auxquels sont confrontées les poli-tiques publiques, notamment celles de l’Ét a t(Chapitre IV) ;

Ces approches ne constituent qu’une vue partielle dela territorialisation. Elles reflètent davantage l’hété-rogénéité, dans l’urgence du calendrier, de questionsposées par la commande politique qu’une vision

exhaustive de la question. Le processus est encoreneuf, les ajustements à opérer par les acteurs publics,dans leurs analyses comme leurs actions, demandentdu temps. Pour autant, la confrontation de ces troispremières approches permet d’esquisser un “chemincritique” pour la territorialisation.

1. Solidarité, contractualisation, adaptation terri-toriale des politiques publiques : trois enjeux àdistinguer, et articuler

La notion de territorialisation agrège ces trois enjeux(solidarité, contractualisation politique, adaptationdes politiques sectorielles). Elle amène spontanémentà l’idée, souhaitable, d’une coïncidence spatiale entreles trois démarches. Il s’agirait dès lors de rechercherle bon périmètre, tel qu’il corresponde à la fois :

– à une légitimité politique, c’est-à-dire à un décou-page en territoires susceptibles d’être portes par uneintercommunalité politique ;

– à une pertinence du point de vue de la solidarité ter-ritoriale, c’est à dire un territoire efficace en terme deredistribution, associant communes riches et com-munes pauvres ;

– à une pertinence socio-économique pour la gestionpublique, c’est à dire à un territoire cohérent, parhomogénéité (profil social, histoire, ...) ou par com-plémentarité de ses éléments constitutifs (emploi,logement, commerce, equipements publics ...) ;

Or, il ressort des trois études qu’en Ile-de-France,comme probablement ailleurs, cette coïncidence géo-graphique est impossible ; il est vain d’espérer unseul principe de découpage, pertinent et universel,qui, à l’échelle régionale et nationale, permettrait uneréalisation simultanée des trois objectifs de la nou-velle action publique territoriale. Cela pour au moinsquatre raisons.

• La première raison est que ce qu’on appelle la“cohésion”. En Ile-de-France comme ailleurs, cen’est pas une question univoque, car elle comporteau moins deux versants : celui de l’inégalité et celuide la pauvreté, plus distincts que l’on ne le croithabituellement, particulièrement sur le plan spatial,et qu’il convient de traiter par des politiquespubliques elles aussi distinctes. L’étude présentée au

Chapitre I

VERS DE NOUVEAUX MODES D'ACTION PUBLIQUE SUR LESTERRITOIRES : LA TERRITORIALISATION STRATÉGIQUE

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chapitre II montre que lorsqu’on compare les com-munes de la région sur une période donnée, la pau-vreté augmente quand les disparités diminuent, eti n v e r s e m e n t ! Autrement dit, l’inégalité est une desfacettes du développement, qu’il soit local, régionalou national, la croissance comme la récession aff e c-tant relativement davantage les couches sociales etles espaces les plus riches.

Cela signifie qu’il est improbable qu’une politiques’attaquant à l’inégalité touche, comme sur u n etable de billard, la pauvreté (ou le contraire ) . P a railleurs, on observe que les zones les plus aff e c t é e spar la pauvreté ne sont pas celles où elle augmente leplus vite. Une diffusion spatiale de la pauvreté peut àla fois être une bonne nouvelle sur le front de la guer-re aux inégalités spatiales, et une nouvelle alarmantesur celui de la lutte contre la pauvreté. Les méca-nismes de la géographie de la pauvreté renvoient auxcomportements des ménages (localisation résidentiel-le, impact de la bi-activité des ménages sur la ségré-gation résidentielle, effets d’accélération répulsive dusystème scolaire public, ...). Les mécanismes explica-tifs de l’inégalité socio-spatiale dépassent de loin lecas des plus pauvres et se forment sur l’ensemble duspectre social et spatial de la région. Pour bien fairecomprendre la différence de nature entre les deuxphénomènes, on peut donner l’exemple des secteursles plus affectés de la Seine-Saint-Denis, dont lacaractéristique la plus frappante est, au fond, moins las u r-représentation de catégories sociales les plusbasses, que la sous-représentation des catégoriesmoyennes et supérieures. Traiter exclusivement lapauvreté dans ces zones alors que ce dont elles souf-frent est la fuite et l’absence de classes moyennes etsupérieures, revient à lutter contre un résultat sanss’attaquer à la cause.

• La deuxième raison est que la question de la redis-tribution des ressources financières publiques ne sepose pas de manière adéquate à l’échelle locale. Lasolidarité redistributive, celle qui intéresse la fiscali-té locale, ne saurait avoir comme enjeu la constitu-tion de regroupements intercommunaux de solidaritéfinancière locale, car l’enjeu de la redistribution se lità une autre échelle : celle de la région (mécanismesde péréquation notamment), voire celle de la nation.L’étude montre que la géographie francilienne deszones de basse et de haute pression fiscale ne per-met pas d’associer harmonieusement, par zonesentières, des communes riches à des communespauvres.

Sur le plan géographique tout d’abord : marier com-munes riches et communes pauvres ne peut passerque par l’association de communes non limitropheset souvent distantes de plusieurs dizaines de kilo-mètres. Ensuite, la notion usuelle de communesriches ou de communes pauvres, comporte plusieurscomposantes, notamment une composante sociale etune composante fiscale. Contrairement à ce qu’onpense souvent, les communes socialement pauvresne sont pas toujours pauvres sur le plan fiscal : les

communes dans lesquelles vivent les 20 % de lapopulation francilienne la plus pauvre du point devue du revenu des habitants, disposent en fait de res-sources financières publiques locales par habitantlargement supérieures à la moyenne francilienne : (i)parce qu’elles disposent de bases de taxe profession-nelle (TP) par habitant proches de la moyenne fran-cilienne ; (ii) parce qu’elles fixent des taux de TPbeaucoup plus élevés que la moyenne francilienne,sans que les bases les fuient, fait établi en théorie etempiriquement ; (iii) parce qu’elles “bénéficient”,par le chaînage des taux de la fiscalité locale, de tauxde taxe d’habitation élevés ; (iv) parce qu’elles reçoi-vent, en tant que communes socialement pauvres, desdotations de l’État par habitant supérieures à lamoyenne. Contrairement à ce qu’on entend générale-ment dire, le système financier public n’aggrave pasles inégalités socio-spatiales, il les réduit, pas assezpeut-être, c’est un autre débat, mais il les réduit. Ladistinction entre richesse sociale et richesse fiscaleest d’importance pour la nouvelle politique de redis-tribution locale imaginée par la loi Chevènement :une association de communes, à quelque échelle quece soit en Ile-de-France, qui marie communes socia-lement riches et pauvres à des fins de redistributionfiscale, peut, dans nombre de cas, aboutir à uneréduction des ressources publiques locales des com-munes socialement pauvres au profit des communessocialement riches !

• La troisième raison est que les enjeux d’une poli-tique d’aménagement d’une aire métropolitaine nes’expriment pas en termes de sous-territoire slocaux juxtaposés, “d’aires locales” dont l’échelleserait celle des intercommunalités. Le référentielterritorial esquissé dans cette étude montre que lesdiagnostics, les enjeux et les cibles des politiquespubliques dessinent moins des périmètres que deslignes de force et de tension du système territorial,notamment entre l’Est et l’Ouest, entre départements,entre zone dense et zone peu dense ; bref à deséchelles variables mais qui, en tout cas, ne se rédui-sent pas à un “local” homogène qui serait établi unefois pour toutes. L’indicateur communal agrégé (cf.cartes page suivante) montre tout à la fois une forted i fférenciation des situations socio-économiquescommunales, en même temps qu’une homogénéitéde vastes sous-ensembles du territoire francilieninterdisant l’espoir d’une unique convention deregroupement intercommunal. Comme l’indiquentdu reste le chapitre III et l’annexe I, les conventionsou critères “substantiels” de l’intégration territorialepeuvent aussi bien relever de la ressemblance des ter-ritoires communaux que de leur complémentarité.

• Enfin, la quatrième raison est que le fondementpolitique des regroupements intercommunaux n’aque rarement à voir avec une pertinence socio-économique objective. Dans bien des cas de regrou-pements de communes contiguës, l’adéquation entreles objectifs poursuivis par le législateur et ceux por-tés par les élus locaux concernés, reste à prouver. Carle chapitre III montre que les regroupement inter-

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communaux s’organisent généralement sur des basesde connivence politique beaucoup plus souventqu’en référence à un périmètre analytiquement perti-nent.

Conclusion n° 1 : distinguer.

Engager un processus de territorialisation, c’est doncd’abord distinguer spatialement ces trois démarcheshabituellement confondues : solidarité, contractuali-sation politique, adaptation des politiques secto-rielles.

Conclusion n° 2 : articuler

S’il est de les distinguer géographiquement, l’enjeuconsiste alors à articuler ces trois démarches. De cepoint de vue, c’est l’adaptation des politiques sec-torielles, en dépit du fait qu’elle puisse apparaîtrecomme secondaire voire comme asservie au deuxautres démarches, qui peut, au contraire, offrir leprincipe d’articulation générale. Du point de vuedes objectifs de solidarité, ce sont en effet les poli-tiques sectorielles de l’État, définies nationalisent ourégionalement, qui ont la responsabilité de la solida-rité redistributive, tout en les effets pervers d’uneredistribution menée localement (comme la théoriedu fédéralisme fiscal mais aussi le simple bon senspermettent de la comprendre). C’est bien dans ledomaine de l’action publique sectorielle que les dis-parités socio-spatiales semblent, à la lumière desétudes disponibles, les plus accusées (école, loge-ment social, sécurité, santé, …). Du point de vue dela contractualisation politique, la contractualisationentre autorités locales et État ne peut prendre de senspour les premières que si le second est capable d’al-ler au-delà de l’actuel fléchage local de ses créditsd’investissement. Pour les collectivités locales, lavaleur ajoutée de la contractualisation tiendra à lacapacité de l’État à mener ses politiques sectoriellesdans un double souci de cohérence transversale, àl’échelle de la région, et d’adaptation aux situations.Faute de quoi, on en restera à “l’intercommunalitécalculette” qu’évoque l’annexe I.

2. Ni “déconcentration” ni “priorisation” :la territorialisation stratégique

Pour l’instant, la territorialisation des politiquespubliques reste un concept flou, peu ou mal comprispar les acteurs. On hésite entre deux logiques égale-ment insuffisantes. Premièrement, la territorialisation n’est pas qu’unedéconcentration à proximité. Pour beaucoup, particu-lièrement au sein des services de l’État, la territoriali-sation des politiques constituerait un exercice dedéconcentration de la gestion administrative et finan-cière. Cette déconcentration au plus près du terraininduirait mécaniquement une plus grande adaptationdes actions aux réalités locales. Cette interprétationpeut conduire à une logique de découpage exhaustifpérimèrent la totalité du territoire francilien. Cetteapproche ne reviendrait qu’a habiller d’un nouveau

vocable une pratique déjà largement engagée : lespolitiques sectorielles de l’État comme l’emploi,l’éducation, la culture ou le logement sont de plus enplus déconcentrées et “coproduites” avec les collec-tivités locales ; ce qui ne signifie pour autant pas queleurs contenus soient reformulés en fonction desenjeux locaux.

Deuxièmement, la territorialisation ne se réduit pas àune priorisation, elle ne saurait être la gestion despriorités territoriales de l’État. Là encore, la priorisa-tion des objectifs de l’État est déjà effective, particu-lièrement dans le cadre de la politique de la ville avecson concept de géographie prioritaire. Dans cetteacception, il s’agirait non plus de découper l’intégra-lité du territoire francilien en multiples périmètrespertinents, mais de n’en définir que quelques uns,définis comme prioritaires. La territorialisation auraitdes lors pour but de permettre au niveau local (lespréfets de département par exemple) de repérer despriorités pour l’action publique et de les faire recon-naître par les niveaux supérieurs. Certes, à certainségards, il s’agit d’une logique légitime ; mais ellecantonne la territorialisation à un rôle ponctuel.L’expérience de la politique de la ville a montré lesdistorsions – avec leur cortège de ressentiments poli-tiques – que peut produire une application mécaniqued’un principe de discrimination territoriale.

Ces deux acceptions de la territorialisation, décon-centration et priorisation, sont alternatives et s’oppo-sent. Surtout, elles ne renouvellent en rien l’actionpublique qu’attend le législateur. L’enjeu de la terri-torialisation est de les dépasser dans le cadre d’unprojet territorial : la “territorialisation stratégique”consisterait dans l’aller-retour (i) d’une vision quiresitue les fonctions du local dans le système territo-rial dont il fait partie, (ii) et d’un projet qui reformu-le les objectifs généraux des politiques publiquesdans une situation spatialement donnée.

Pour assurer cet interface (dans les deux sens) entrele local et le global, pour construire un projet territo-rial, il est nécessaire d’élaborer un référentiel territo-rial qui remplisse cette double fonction ascendante –situer une situation locale dans son contexte territo-rial au sens large – et descendante – spatialiser lespolitiques sectorielles globales.

Conclusion n° 3 : être stratège

Pour constituer un principe d’articulation entre lesdémarches hétérogènes et géographiquement dis-tinctes de solidarité et de contractualisation intercom-munale, la territorialisation des politiques publiquesdoit être “stratégique” c’est à dire dépasser leslogiques habituelles de rapprochement et/ou de prio-risation. Elle doit s’appuyer sur un référentiel territo-rial qui constituerait le v a d e - m e c u m (on n’ose pas direla bible) de l’exercice de reformulation en situationdes objectifs de l’Ét a t .

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3. Le référentiel francilien

Un référentiel francilien dérive nécessairement desgrands objectifs du schéma directeur de la région Ilede France (SDRIF), reformulés à la lumière des évo-lutions récentes, et surtout sans se limiter comme luiau seul aménagement physique de l’espace. Il doit eneffet embrasser la gamme la plus large des problèmesterritorialisables de l’action publique. Le SDRIF pro-pose une représentation catégorielle des territoiresfrancilien (zone dense vs diffuse, Est versus Ouest,pôles versuss périphéries, …). Le référentiel doitoffrir une représentation intégrée de ces enjeux.

Pour déterminer le projet territorial en Ile-de-France, onpeut identifier quatre axes, partiellement “intersectés” :

a) Valoriser la zone dense

La territorialisation de l’action de l’État ne peut avoircomme objectif une lutte contre l’étalement urbainqui opposerait la grande couronne à la petite. Elledoit plutôt articuler zones dense et diffuse, et intégrercette dernière au système métropolitain francilien.Dans cet esprit, les territoires à enjeux pour l’actionpublique, notamment dans le domaine des transportset de l’accès aux services publics (et plus générale-ment liés à la mise en œuvre des schémas de servicepublic), sont des lors les espaces à la jonction entrezones dense et peu dense, particulièrement les villesnouvelles. Par ailleurs, la valorisation de la zone cen-trale suppose une politique foncière ambitieuse,même si elle doit être coûteuse ; un changementd’échelle des moyens des politiques de lutte contreles problèmes sociaux qui s’y développent ; un déve-loppement privilégié des relations tangentielles,contrecarrant le tropisme radial auquel cèdent tropsouvent les responsables politiques.

b) Favoriser le polycentrisme

L’enjeu est aussi de garantir les potentiels d’intégra-tion territoriale de pôles choisis – parmi lesquels,mais pas seulement, les villes nouvelles – afin defournir une alternative à l’étalement urbain. Leseffets d’entraînement des pôles de développementn’étant plus mécaniques, en intensité comme enorientation géographique, une stratégie publique doits’intéresser à la connexion entre ces pôles et leurspériphéries respectives.

c) Rééquilibrer l’Est et l’Ouest

La poursuite du déséquilibre Est-Ouest dans la régionconstitue un autre enjeu pour la territorialisation despolitiques publiques. Ce déséquilibre ne peut se résu-mer en différences quantitatives (revenus desménages, valeur des facteurs de production, ...), certesréelles, mais s’exprime de plus en plus en termes struc-turels. Une orientation stratégique de la territorialisa-tion doit comprendre un effort d’adaptation et de diff é-renciation qualitative des politiques publiques menéesdans ces deux grands espaces. Les politiques publiques

doivent notamment assurer les connections au sein del’Est (par exemple entre Marne-la-Vallée et Roissy,entre la Seine-Saint-Denis et le Val d’Oise, ...) et entrel’Est et la partie centrale de l’agglomération. Plusgénéralement, et parce qu’une telle évolution ne seproduit pas spontanément, elles doivent retrouver unecontinuité entre Paris et la proche banlieue populaire.

d) Lutter contre l’exclusion

La géographie de la pauvreté est complexe, elle ne seréduit pas à une concentration dans certains quartiersrepérés ; au contraire, elle adopte des formes fortvariables dans les différents territoires franciliens.L’action publique doit donc trouver, là encore, desformes différenciées d’intervention. Une telle urgen-ce interroge d’abord les politiques sectorielles del’État (Éducation, Sécurité, Santé) ; elles doiventfaire l’objet d’une réévaluation dans leur capacitéréelle à attaquer les problèmes qu’elles visent. Lapolitique de la ville est, au premier chef, interrogéedans son aptitude à adapter différentes stratégies àdifférents contextes de problèmes urbains.

Toutes les politiques sectorielles de l’État n’entre-tiennent pas le même rapport au territoire et ne peu-vent être adaptées aux mêmes stratégies territoriales.On peut distinguer quatre familles de relations despolitiques avec le territoire, chacune demandant unemise en œuvre particulière du “référentiel” :

– Les politiques “territoriales par nature”. Il s’agitdes politiques mises en œuvre à l’échelon régional(DRE) et qui jouent directement sur l’aménagement,conformément aux engagements du SDRIF : ce sont,essentiellement celle des transports et des infrastruc-tures lourdes.

– Les politiques “égalitaires”. Elles assurent un ser-vice maillé sur l’ensemble des territoires et couvrentl’ensemble des populations. Il s’agit essentiellementde l’Education, de la santé et de l’action sociale, dela culture, la justice, la police.

– Les politiques “réactives”. Leur intensité varieavec les demandes locales ; ou bien elles jouent uneffet de levier sur des actions locales : soutien auxassociations sportives, aux initiatives de développe-ment économique, d’amélioration de l’environne-ment, de réhabilitation de l’habitat.

– Les politiques de “zonage”. Elles portent sur deszones définies du territoire. Il s’agit pour l’essentieldes ZEP et des zonages de la politique de la Ville ouencore des fonds structurels européens.

Pour chacun de ces quatre types de politiques, le che-min critique de mise en œuvre du référentiel doitprendre des formes propres :

– Les politiques “territoriales par nature” demandentà être articulées entre elles : transport collectif, équi-pements publics, urbanisation nouvelle doivent parexemple être pensés et décidés ensemble. Il en est demême pour l’urbanisation et la protection de l’envi-ronnement naturel.

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– Les politiques “égalitaires” demandent à être diffé-renciées selon les territoires. Par exemple, une poli-tique de polarisation stratégique d’équipementsmédicaux peut soutenir le développement de certainsterritoires dotés d’avantages comparatifs dans cesdomaines (exemple en Val-de-Marne) et participerainsi au rééquilibrage Est-ouest. Dans le domaine dela culture et des bibliothèques, une politique d’arma-ture urbaine hiérarchisée peut permettre à la fois unemeilleure couverture de besoins locaux spécifiques etcontribuer à la promotion de centralités dans lespôles franciliens.

– Les politiques “réactives” peuvent contribuer àarticuler la demande des acteurs locaux aux impéra-tifs du référentiel. Au delà d’un simple accompagne-ment de projets locaux, ces politiques peuvent aussistimuler, dans des territoires choisis, le développe-ment de projets (jeunesse et sports, transferts de tech-nologie ...) par le biais d’un usage différencie etselon des montants variables d’engagements dans lescontrats.

– Les politiques procédant par “zonage” doiventmieux différencier les situations et les actions àentreprendre dans des territoires comparables, ou dumoins apparemment comparables parce qu’ils aurontété zonés de la même façon. Des indicateurs statis-tiques moyens peuvent dissimuler des différencesmajeures de situations (en terme de massivité, d’en-vironnement, d’histoire locale, de nature des phéno-mènes d’exclusion). Ce constat, largement partagéaujourd’hui, suppose un plus grande différenciationdes stratégies et des instruments d’intervention. Aureste, certains de ces instruments pourraient êtreexportés vers d’autres zones de la région qui ne fontpas partie de la “géographie” prioritaire.

Conclusion n° 4 : construire un “référentiel”

Le référentiel territorial n’est pas seulement un pro-gramme pour un schéma d’aménagement. Il consti-tue un guide pour la territorialisation des politiquespubliques, qui les amène à une prise en compte del’hétérogénéité de leurs rapports au territoire, etconduit à organiser pour chacune un chemin critiquede territorialisation.

Conclusion générale

La territorialisation pourrait apparaître comme unprojet contingent, qui serait l’occasion d’unifier sur leterritoire la mise en œuvre des nouveaux dispositifsd ’ o rganisation du territoire : loi Chevènement (miseen place de nouvelles intercommunalités politiques),loi Voynet (conception de projets territoriaux etcontractualisation) et volet territorial du Contrat dePlan État-Région (territorialisation des politiques del ’État). Les conclusions des analyses menées par leséquipes d’étude suggèrent que la territorialisation estplutôt un processus dans la durée, et dans la diff é r e n-ciation. Elles avancent trois idées principales : – (i) la territorialisation n’est pas un exercice dedécoupage géographique homogène et exhaustif duterritoire francilien. _ (ii) Elle apparaît en revanche comme une démarched’articulation entre des problématiques hétérogènes,comme le moyen d’intégrer des objectifs qui sont fortd i fférents (solidarité, aménagement du territoire,meilleure efficacité de la gestion locale) en les rap-portant à un référentiel unique. – (iii) La territorialisation est un processus dans ladurée qui doit viser à fournir un contenu à la solidari-té socio-territoriale (ni seulement péréquation fiscale,ni seulement réparation sociale), tout en fournissant lamatière à la contractualisation locale.

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On assiste aujourd’hui à une transformation de l’ac-tion publique autour de la question de la solidaritéterritoriale. Il s’agit de traiter les formes d’expressionterritoriale de la question sociale. À cet égard, deuxprocessus, concomitants, frappent les esprits : l’ag-gravation d’un phénomène localisé, la concentrationspatiale de la pauvreté ; et l’accentuation d’un phé-nomène plus global, la montée des inégalités socio-spatiales.

Cette concomitance conduit à rechercher un traite-ment conjoint. La stratégie des pouvoirs publicsconsiste à développer une approche locale, insistantsur le renforcement, à ce niveau local, des méca-nismes de solidarité, en particulier fiscaux. Une tellestratégie vise à répondre sur un plan territorial à laquestion sociale, et à englober la montée simultanéede la pauvreté et des inégalités. Elle se décline danstrois chantiers, ouverts en parallèle. Le premier, la loiChevènement, fixe le cadre institutionnel et fiscal decette ligne stratégique en incitant à la mise en placede pouvoirs d’agglomération. Le second, la loiVoynet, détermine le cadre politique de cettedémarche, en mettant en place une contractualisationglobale entre l’État et les collectivités locales. Letroisième prend la forme d’une relance de la poli-tique de la ville. Sont affichées d’une part uneinflexion plus locale de sa mise en œuvre (“la géo-graphie prioritaire”), d’autre part ; une insistanceparticulière sur la volonté d’en faire à la fois un dis-positif d’urgence de réponse aux dysfonctionnementsurbains localisés (la concentration de la pauvreté) ; etun processus de long terme de traitement des méca-nismes structurels de dévalorisation spatiale (l’ag-gravation des inégalités territoriales). C’est le messa-ge explicite de la circulaire du 31 décembre 1998 duPremier Ministre.

Le cadre stratégique ainsi énoncé, l’heure est à samise en œuvre. Mais celle-ci butte sur la spécificitéfrancilienne : d’un côté, les caractéristiques de l’Ile-de-France (montée des difficultés sociales associée àun sentiment d’inefficacité de l’action publique) jus-tifient l’intensification de l’action territoriale despouvoirs publics. De l’autre, la complexité territoria-le y rend délicate sa mise en œuvre, ne serait-ce

qu’en termes de “périmétrage” : quel est, en Ile-de-France, le bon périmètre pour agir à la fois sur laconcentration de la pauvreté et sur la montée desinégalités ? Quel est le périmètre pertinent de lasolidarité locale ?

Ce paradoxe est à l’origine de la présente étude. Ils’agit bien de revisiter les termes du diagnostic et dela stratégie qui fondent l’orientation politique actuel-le pour en expliciter les conditions de mise en œuvredans le contexte singulier de l’Ile-de-France. L’étudea donc porté successivement sur les enjeux – com-ment interagissent sur un plan territorial inégalités etpauvreté en Ile-de-France ? – et sur la ligne straté-gique proposée – quel est l’arrière fond des méca-nismes de péréquation par la fiscalité locale en Ile-de-France ?

I. PRINCIPAUX RÉSULTATS DE L’ÉTUDE

1.1. Inégalités et pauvreté territoriales en Ile-de-France

Deux processus distincts

Le diagnostic auquel on se réfère habituellementsuggère une interdépendance quasi-mécaniqueentre inégalités et pauvreté : un continuum corréle-rait montée des inégalités, et en bout de chaîne,concentration de la pauvreté. L’étude vient contre-dire ce diagnostic. Sur le plan territorial, pauvreté etinégalités constituent des processus distincts, à troistitres.

En premier lieu, leurs temporalité diffèrent. En Ile-de-France, entre 1984 et 1995, sur la longue période,les deux processus ont certes suivi la même courbed’évolution ; mais selon une périodisation plus cour-te, inégalités et pauvreté ont des parcours opposés :de 1984 à 1990, les inégalités se creusent pendantque la pauvreté stagne, tandis qu’à partir de 1990, lapauvreté croît alors que les inégalités territorialess’atténuent (Tableau 1).

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Chapitre II

LA SOLIDARITÉ ENTRE LES TERRITOIRES FRANCILIENS

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1. La mesure des inégalités socio-spatiales

Sous la thématique générale des inégalités socio-spatiales se cache une diversité de problématiques. Elle peutrenvoyer tour à tour : (1) à l’inégalité de la répartition des groupes sociaux au sein de la ville, aux inégali -tés de composition sociale ; (2) ou aux disparités spatiales de conditions de vie qui sont associées à la pré -cédente inégalité, aux inégalités de revenus des ménages, de consommation, de condition de logement ; (3) àl’inégale distribution des re s s o u rces ou des nuisances urbaines aux inégalités de qualité et de quantité de ser -vices publics, inégalités en terme “d’aménités naturelles”, inégalités d’exposition à différentes pollutions qui,elles aussi, peuvent pro d u i re une inégalité spatiale en termes de standard de vie ; (4) à l’inégale dotation dest e rr i t o i res de la ville en moyens d’accès aux re s s o u rces urbaines aux inégalités en termes d’accessibilité,inégalités en terme d’offre de transport public, inégalités en terme de coût de déplacement ; et enfin (5) à l’in -égale répartition des re s s o u rces et des dépenses financières publiques, aussi bien locales que nationales,e n t re terr i t o i re s .

Les travaux présentés ici se sont intéressés à trois sphères d’inégalités socio-spatiales : l’inégalité spatiale desconditions de vie, appréhendée par le revenu des ménages ; l’inégalité spatiale de la répartition des groupessociaux dans l’espace, en l’occurrence celle des populations pauvres, bénéficiaires de minima sociaux, relati -vement à celle des populations non-pauvres ; l’inégalité spatiale des ressources financières des collectivitéslocales.

La mesure de l’inégalité spatiale des revenus des ménages est analogue à celle de l’inégalité au niveau indi -viduel. L’approche spatiale traite d’ensembles d’individus regroupés sur la base d’un découpage de l’espace,de la même façon que l’approche individuelle traite des individus ou des ménages. Les indicateurs classiquesd’inégalité, indice de Gini, coefficient de variation, écart ou rapport inter-quantile, sont appliqués de maniè -re identique et estiment la dispersion du revenu moyen observé entre unités spatiales.

L’individualisation des unités spatiales dans la mesure de l’inégalité soulève la question de la pondération.L’affectation d’un poids identique à chaque ménage dans la mesure de l’inégalité inter-ménages se com -p rend aisément ; l’équivalence accordée à des unités spatiales de masses démographiques différentes dansla mesure de l’inégalité entre espaces prête davantage à débat. Chacune des deux options, pondérer/ne pasp o n d é re r, dispose d’arguments. Lorsque l’on choisit d’attribuer un poids différencié aux unités spatiales enfonction de leur taille démographique, différentes techniques peuvent être utilisées pour établir cette pon -dération. Quelques-unes ont été appliquées dans cette étude : constitution de quintiles de populations com -munales plutôt que de quintiles de communes, exclusion des communes au-dessous díun certain poids démo -g r a p h i q u e .

Dans l’analyse spatiale de l’inégalité, un autre problème de choix se pose avec la désignation de l’unité àlaquelle est ramené le revenu total de chaque unité spatiale. Il existe un certain nombre de possibilités : len o m b re d’habitants, le nombre de ménages, le nombre d’unités de consommation par ménage. Le revenu parunité de consommation du ménage est certainement un indicateur préférable. Mais souvent, il n’est pas dis -ponible à des échelles spatiales fines. Le revenu par habitant et le revenu par ménage ont chacun des atoutset des inconvénients. L’avantage d’un indicateur de revenu par ménage par rapport au revenu par habitantp rovient du fait que le revenu qui entre dans un terr i t o i re est partagé entre ménages et non entre habitants.Le revenu par habitant suppose en effet, d’une manière implicite, un partage égal du revenu entre tous leshabitants d’un terr i t o i re, ce qui n’est, bien entendu, pas le cas. Néanmoins, compte-tenu de la fonction assi -gnée à la variable “revenu” dans les analyses spatiales, synthétiser les conditions de vie des habitants d’unt e rr i t o i re, on peut penser que l’avantage relatif du revenu par habitant sur le revenu par ménage est plus déci -s i f : le revenu par habitant restitue plus strictement la condition sociale dans un espace que le revenu parménage. Ce dernier pèche par son insensibilité au nombre de personnes que fait vivre le revenu. A une mêmequantité de re s s o u rces monétaires par ménage peuvent en effet corre s p o n d re des conditions sociales dissem -blables, variant entre richesse et pauvreté, selon quelle est partagée entre deux personnes ou dix. Le re v e n upar habitant échappe à ce problème. C’est ce dernier que mobilise l’essentiel des analyses présentées ici. Ilfaut noter toutefois qu’en conséquence de la division socio-familiale de l’espace résidentiel, les personnesseules et les familles avec trois enfants ne résident pas dans les mêmes endroits, les résultats d’une analyse

Encadré : Inégalités socio-spatiales et pauvreté

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des inégalités spatiales de revenu peuvent diverger significativement selon que l’analyse se base sur l’un oul ’ a u t re des deux indicateurs.

La détermination de l’échelle spatiale de l’analyse constitue un autre point essentiel dans l’analyse spatiale del’inégalité. A chaque échelle spatiale d’analyse (région, département, canton, commune, quartier, etc.) corres -pond un niveau d’inégalité, et le niveau d’inégalité à une échelle donnée ne conditionne que faiblement celuiqu’on observe à d’autres échelles. La seule règle établie en la matière montre un renforcement des disparitésobservées avec la croissance de l’échelle : plus l’échelle d’analyse est fine, plus les disparités spatiales sontimportantes. Cette loi, valable en instantané, ne s’applique pas aux évolutions. Sur un même espace et unmême laps de temps, l’inégalité spatiale peut varier différemment à différentes échelles d’analyse. Pour cesraisons, le choix de l’échelle d’analyse est d’une importance primordiale dans l’étude des inégalités spatiales.En pratique, toutefois, l’objet de l’étude et la disponibilité des données restreignent souvent l’étendue du choix.Les analyses présentées ici ont été conduites à l’échelle de la commune.

2. L’approche de la pauvreté dans sa dimension territoriale

Il y a deux manières courantes de distinguer les ménages pauvres des autres. Dans la première approche, diteabsolue, on définit un panier de biens minimal nécessaire pour mener une existence décente dans une sociétédonnée, et on évalue la valeur monétaire de ce panier. La valeur de ce panier établit un seuil de pauvreté etles ménages dont les revenus se situent au-dessous du seuil sont considères comme des ménages pauvres. Dansla deuxième approche, dite relative, le seuil de pauvreté est déterminé relativement à la prospérité globale dela société. Conventionnellement, ce seuil relatif est fixé à la moitié du revenu médian, mais d’autres seuils sontégalement utilisés. Ces deux premières approches abordent le phénomène de la pauvreté par son expressionpurement économique, monétaire. D’autres approches, plus ambitieuses, se développent et tentent de saisir unedimension essentielle de la pauvreté : le cumul des handicaps et des privations.

L’analyse spatiale de la pauvreté comporte deux dimensions. La pre m i è re traite de la localisation des popu -lations pauvres. Cette démarche différencie les terr i t o i res en fonction du poids des populations pauvres parmileurs habitants. Les espaces sont qualifiés de plus ou moins pauvres selon que les populations pauvres sontplus ou moins représentées au sein de la population totale. La seconde dimension considère la pauvreté glo -bale des terr i t o i res. Nous l’avons vu, dans l’approche monétaire de la pauvreté au niveau individuel, lesménages sont classés selon leur niveau de revenu et un seuil absolu ou relatif permet de scinder ce classe -ment en deux groupes, distinguant les pauvres des non-pauvres. Il est possible de transposer cette méthodeau cas des terr i t o i res : les espaces peuvent être ordonnés selon le revenu moyen de leurs habitants et ceux quise situent en bas du classement, au-dessous d’un certain seuil, peuvent être considérés comme des terr i t o i re sp a u v res.

En analyse statique, il est probable que les deux analyses spatiales de la pauvreté qu’on vient d’esquisserconvergent en termes de résultats et désignent les mêmes espaces comme territoires pauvres. Plus les ménagespauvres sont nombreux dans un territoire, plus le revenu moyen des habitants a de probabilité d’y être faible,ceci à la fois par un effet mécanique, les ménages pauvres ayant les revenus les plus bas, le renforcement deleur poids dans la population tire mécaniquement le revenu moyen par le bas, et un effet “localisationnel” liéau fait que, plus les populations pauvres sont fréquentes dans un territoire, plus les ménages non-pauvres onttendance à avoir des revenus bas. En revanche, en dynamique, une divergence des résultats paraît possible.Des évolutions spatiales contrastées peuvent survenir, avec une croissance du poids des ménages pauvresaccompagnée dune amélioration du revenu moyen des habitants ou, à l’inverse, une réduction de la part desménages pauvres concomitante avec une dégradation du revenu moyen.

Les analyses présentées ici ont traité tour à tour des deux dimensions de l’approche territoriale de la pauvre -té. Dans l’analyse des interdépendances entre inégalités spatiales de revenu et pauvreté, on s’est intéressé à la“pauvreté” des territoires. L’évolution des disparités de revenu moyen entre communes a été mise en parallè -le avec l’évolution du revenu moyen dans les communes du bas de la distribution, dans les communes pauvres.En statique et en dynamique, dans l’analyse de la géographie de la pauvreté en Ile-de-France, on s’est inté -ressé à la localisation résidentielle des ménages pauvres, assimilés aux allocataires de minima sociaux. Il s’estagi d’observer si les communes les plus pauvres, c’est-à-dire celles qui concentrent les populations pauvresdans la plus grande mesure, ont également été celles où l’effectif de ménages pauvres a connu les plus fortescroissances.

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Sur le plan des causalités, les processus sont de natu-re différente. D’un côté, le creusement des inégalitésterritoriales est, en Ile-de-France, corrélé auxpériodes de croissance du développement écono-mique régional (Graphique 1). À l’inverse, lespériodes de diminution du revenu régional – de criseéconomique pourrait-on dire – sont celles de montéeen puissance de la pauvreté. Cette hétérogénéité descausalités semble confirmée par l’observation d’uneaccentuation “par le haut” des inégalités territoriales.Celles-ci sont davantage le fait d’une envolée desrevenus dans les communes riches, que d’un appau-vrissement des communes pauvres (Graphique 2).

Sur le plan géographique enfin, inégalités et pauvre-té apparaissent dissociées. Contrecoup des constatsprécédents, si la géographie de la pauvreté en Ile-de-France recoupe peu ou prou les zones bien connuesde l’Est de la région (du Val d’Oise à la Seineamont), le moteur des dynamiques d’accroissementdes inégalités de revenus est spatialement ailleurs,plutôt à l’Ouest.

Concentration du “stock” de la pauvreté/diffusiondu “flux”

Le second apport de l’étude a trait à la caractérisationde la géographie de la pauvreté en Ile-de-France(appréhendée à partir de l’analyse de la répartitiondes allocataires de minima sociaux). Là encore, lesrésultats sont moins simples qu’on le pense souvent.Si l’on observe la photographie, statique, de la pau-

vreté, le constat est double : l’hyper concentration dela majorité des allocataires sur des territoires res-treints (globalement ceux de la zone dense Est et despoches de pauvreté connues de la grande couronne)va de pair avec une forte diffusion de près d’un allo-cataire sur deux, sur l’ensemble du territoire franci-lien (Tableau 2).

Si l’on examine cette géographie de la Pauvreté fran-cilienne en dynamique, – ce que justifie une crois-sance notable (+53 % d’allocataires des minimagérés par la CAF entre 1993 et 1998) – la répartitionspatiale diffère largement. Les communes concen-trant des taux importants d’allocataires subissent uneévolution relativement modérée. La croissance laplus forte ne touche pas les communes “habituelles”mais davantage des communes socialement dans lamoyenne.

Globalement, les communes où le revenu moyen estfaible sont plutôt celles où le poids des allocatairesde minima sociaux est fort. Mais on observe aussi defaçon non négligeable des situations où un revenumoyen relativement élevé accompagne la présenced’une pauvreté (en termes de minima sociaux)“masquée” significative et, à l’inverse, des com-munes où la faiblesse du revenu moyen n’est paspour autant corrélée au marquage par une pauvreté“assistée” (Tableau 3).

Source DGI :(1) Variations en points-pourcentage pour le coefficient de variation; en pourcentage pour les revenus moyens(2) La typologie communale par profil social distingue les communes selon le revenu moyen en début de période. Les communespauvres sont celles dont le revenu moyen en 1984 est inférieur à 80% du revenu moyen régional; les communes moyennes-pauvres sont celles dont le revenu moyen est compris entre 80 % et 90% du revenu moyen régional ; les communes moyennessont celles dont le revenu moyen en 1984 est compris entre 90% et 100% du revenu moyen régional; les communes moyennes-riches sont celles dont le revenu moyen en 1984 est compris entre 100% et 120% du revenu moyen régional ; les communesriches sont celles dont le revenu moyen en 1984 est supérieur à 120% du revenu moyen régional.

Tableau 1 : L’évolution des inégalités territoriales de revenu et l’évolution du revenumoyen dans les communes selon le profil social entre 1984 et 1995 en Ile-de-France

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Graphique 1 : La variation des inégalités communales de revenu et la variation du revenu par foyer fiscal en Ile-de-France 1984-1995. Source DGI.

Graphique 2 : La variation annuelle du revenu par foyer fiscal dans les communes franciliennes de plus de 2000 habitants selon le niveau de revenu en 1984. Source DGI.

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Hétérogénéité de la géographie de la politique de laVille

De ces deux constats relatifs à la diversité de la géo-graphie francilienne de la pauvreté et à la dissocia-tion spatiale entre inégalités et pauvreté découle uneconséquence majeure. La géographie prioritaire de lapolitique de la Ville a toujours été conçue et prise encompte comme un tout, unifié par la nature commu-ne du phénomène qui la fonde : l’exclusion socio-spatiale. La diversité interne à cette géographie étaitdonc analysée comme le reflet de l’intensité relativedu phénomène d’exclusion, justifiant une hiérarchi-sation unique en son sein.

Les éléments d’analyse ici proposés viennent contre-dire cette représentation, et confirmer les observa-tions issues, via une approche très différente, del’évaluation régionale de la politique de la Ville : la

géographie de la politique de la Ville agrégé en Ile-de-France des sites relevant en réalité de processusde natures fort différentes. D’un côté, elle ne ras-semble pas l’ensemble des territoires touchés par lapauvreté, faisant l’impasse à la fois sur la “pauvretédiffuse” et sur les lieux touchés par la croissancerelative la plus forte de la pauvreté. De l’autre, autourd’un noyau dur de communes concentrant la pauvre-té absolue (tant en termes de revenus que d’alloca-taires de minima sociaux), elle agrège des situationscontrastées, davantage reflet de la montée des inéga-lités sociales.

1.2. Péréquation des ressources publiques en Ile-de-France

La deuxième partie de l’étude se concentrait surl’analyse des inégalités territoriales, particulièrement

Tableau 2 : La population bénéficiaire de minima sociaux couverte et non couverte par la politique de la ville

Source CAF 1998, CNAV 1998.

Tableau 3 : Répartition des communes (de plus de 2000 habs.) dans une typologie communale selon le revenu par foyer fiscal et le poids des Ménages allocataires de minima sociaux

Source DGI 1994, CAF 1998, CNAV 1998.(1) il s’agit de cinq minima sociaux: RMI, API, AAH, Minimum Vieillesse ; Allocation veuvage.

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sur les deux questions suivantes : les inégalitéssociales entre communes se sont-elles aggravées ?Sont-elles compensées, même en partie, par lesmécanismes financiers publics locaux ? L’objectif estde vérifier la pertinence d’un renforcement des dis-positifs de péréquation locale.

En analysant ces phénomènes “d’inégalités fiscales”selon une méthodologie particulière (arg u m e n t é edans le cadre de l’étude) qui appréhende moins lesécarts entre communes que les écarts entre popula-tions résidant dans les communes, on obtient troisrésultats principaux.

“Progressivité” des recettes de taxe professionnelle

Le raisonnement commun considère que les inégali-tés fiscales renforcent les inégalités sociales et qu’enparticulier les communes concentrant les populationsà faibles revenus disposent de faibles ressources entaxe professionnelle, que des taux élevés ne parvien-nent pas à compenser. Les réalités sont inverses. Destaux de taxe professionnelle élevés ne semblent pas

faire fuir les bases, les situations sont largement plusdiverses. Et globalement les 25 % de populationcommunale la plus pauvre (hors Paris), représentantseulement 17 % du revenu des ménages, bénéficientde 32 % du produit de la taxe professionnelle(Première ligne du tableau 4). Autrement dit, lesrecettes de taxe professionnelle sont fortement pro-gressives : elles pèsent d’autant plus lourd que lerevenu des populations considérées est faible. Il fautcertes souligner que ce constat a un revers. En raisondu chaînage des taux, les populations de ces com-munes présentant des taux élevés de taxe profession-nelle subissent par contre coup des taux de taxe d’ha-bitation tirés vers le haut.

Efficacité relative de la péréquation par les dota -tions publiques

En intégrant à l’analyse – outre les recettes des taxeslocales – le produit des dotations de l’État, le constatparaît confirmé. Ces dotations jouent dans l’en-semble le rôle péréquateur qui leur est dévolu. Lespopulations des communes les plus pauvres bénéfi-

Tableau 4 : Esquisse de structure des recettes communales. Analyse par quintiles de la population des principales communes d’Ile-de-France

Sources: revenus et fiscalité DGI 1994,1996, population INSEE RGP1990.Note: Les quintiles, ou “pseudo quintiles” , regroupent les 420 communes d’Ile-de-France dont la croissance démographique 1982-1990 estcomprise entre -20% et +20%, rangées par ordre croissant de revenu moyen 1984 par habitant 1982, et classées en cinq classes, ou cinq“pseudo-quintiles”: quatre quartiles de banlieue et Paris. Chaque quartile de banlieue comprend donc 25% de la banlieue, soit en gros 19 %de la population de l’Ile-de-France étudiée. la commune de Paris pèse à elle seule 23% de la population d’Ile-de-France étudiée. L’ensembledes communes rangées ainsi en quintiles représente 86% de la population de la région Ile-de-France.

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cient d’un effet redistributeur certain (avant dernièrecolonne du tableau 4). Les disparités socio-spa-tiales ne sont donc pas aggravées par les dispari-tés des finances publiques locales. Si on ne peutpour autant conclure quant au niveau d’adéquationdes ressources aux besoins sociaux, on peut néan-moins affirmer que la dynamique des mécanismesfinanciers publics locaux est “vertueuse”.

Limites d’une solidarité fiscale intercommunale

Le troisième constat porte sur l’hypothèse d’un ren-forcement des mécanismes de solidarité intercom-munale. En associant aux communes “pauvres”(arbitrairement, on a considéré à titre d’illustrationcelles relevant de la politique de la Ville) les com-munes immédiatement limitrophes – et quels quesoient les scénarios de péréquation étudiés – onconstate que 35 à 45 % des communes socialement“pauvres” s’appauvrissent fiscalement au jeu de lasolidarité intercommunale locale.

Au-delà du caractère arbitraire de ce travail prospec-tif, on souligne ainsi dune part que le couplage com-munal entre pauvreté “sociale” et pauvreté “fiscale”ne semble pas être la règle en Ile-de-France, etd’autre part que richesse et pauvreté sont en Ile-de-France “territorialement contagieuses”, ce qui nuit àun principe de péréquation par contiguïté.

II. RETOUR SUR LES POLITIQUESDE SOLIDARITÉ TERRITORIALEEN ILE-DE-FRANCE

Au terme de cette étude, un retour sur les orientationsaffichées par les politiques publiques en matière desolidarité territoriale conduit à raisonner non pas entermes d’adaptation des modalités de mise en œuvre(recherche des périmètres pertinents) à la spécificitéde l’Ile-de-France, mais davantage dans une logiquede reformulation en situation de ces orientations.

2.1. R e c o n s i d é re r la fonction de l’interc o m m u n a l i t ép o l i t i q u e

Au niveau national, l’injonction à l’intercommunali-té obéit à deux ressorts, assez divergents. D’un côté,l’intercommunalité est pensée en continuité de lacommune. Au nom d’une mise à hauteur de la globa-lité des phénomènes spatiaux, on s’inscrit, enquelque sorte, dans une course poursuite avec l’ex-tension urbaine, selon un mouvement homothétiquede “dilatation communale”.

Simultanément, l’intercommunalité apparaît d’unenature différente de la commune. Là où la communeest présentée comme un territoire essentiellementhomogène (socialement, économiquement), l’inter-communalité disposerait des vertus de la complé-mentarité. C’est bien à ce titre que l’intercommuna-lité est décrite comme le passage obligé pour la mixi-

té résidentielle ou la solidarité locale, selon un prin-cipe de brassage des différences sociales ou de péré-quation de ressources inégales.

En Ile-de-France, ces présupposés de l’intercommu-nalité sont invalidés. D’une part, la contiguïté spatia-le, déterminant premier de l’intercommunalité, nepermet pas, mécaniquement, une péréquation desressources, car elle associe plus souvent des com-munes similaires que contrastées. D’autre part, sevérifie particulièrement en Ile-de-France un principeuniversel : la redistribution est d’autant plus efficacequ’elle se situe à un niveau territorial élevé. C’est ceque souligne l’efficacité relative de la péréquationpar les dotations de l’État. C’est ce qui plaide –comme l’a décidé le législateur – pour une péréqua-tion davantage ciblée sur le niveau régional franci-lien que local.

Si la fonction de mutualisation et de péréquation desressources paraît en partie illusoire, il faut doncreconsidérer la fonction attendue de l’intercommuna-lité en Ile-de-France. Cela dit, cela ne signifie paspour autant que l’intercommunalité soit sans objet.Mais il faut sans doute la concevoir davantage dansle prolongement de la fonction communale. Parcequ’en Ile-de-France tous les ordres de grandeur sontdémultipliés, l’intercommunalité peut prendre sensen jouant, au sein de la métropole, le rôle qu’assuraitjusqu’à présent la commune au sein de l’aggloméra-tion. Autrement dit, l’intercommunalité peut seconstituer et fonctionner comme une “commune dila-tée”. Fondée sur un périmètre arbitraire, comme lacommune (et non sur un découpage “pertinent”), elleest à même, comme celle-ci, d’agir avant tout au nomd’un projet politique et de le porter au sein du jeucomplexe de la métropole.

2.2. Réévaluer la territorialisation des politiquesde l’État

Dans le processus de changement actuellement engestation, la territorialisation des politiques de l’Étatapparaît comme un dispositif second, qui vientcontribuer aux deux transformations majeures quesont la contractualisation globale entre État et collec-tivités territoriales (contrats d’agglomération), etl’affirmation de la solidarité intercommunale (com-munautés d’agglomération). La territorialisation despolitiques sectorielles constitue en quelque sorte la“carotte incitative” que l’État propose pour assurer lesuccès des dispositifs centraux des contrats et com-munautés d’agglomération.

En Ile-de-France, la présente étude souligne – encreux pourrait-on dire – qu’en regard de la questionde la solidarité spatiale, la territorialisation des poli-tiques de l’État constitue un enjeu en soi. En effet, si,comme on l’a montré ici, la solidarité et la péréqua-tion des ressources sont relativement assurées par lesmécanismes conçus par l’État en matière de dota-tions aux collectivités locales, la contribution de ses

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politiques sectorielles à cet objectif de solidaritélocale est nettement moins assurée. De trop raresétudes de cas confirment que c’est bien en matièred’allocation des moyens et de conception des poli-tiques de l’éducation, de la santé, du logement oude la sécurité – pour lister les principales préroga-tives de l’État – que les disparités territoriales sontles plus accusées. Dans ces secteurs, indiscutable-ment, les inégalités en matière de politiquespubliques viennent renforcer les inégalités sociales.

Au regard de ce constat, les dispositions mises enœuvre depuis une dizaine d’années au nom de la“discrimination positive territoriale” se sont révéléessoit insuffisantes, soit inefficaces, voire contre-pro-ductives car renforçant des catégorisations binaires,parfois stigmatisantes, inadaptées à la complexité dessituations locales. Autrement dit, c’est bien aujour-d’hui une différenciation en situation des politiquessectorielles de l’État qu’il faut initier, cette territoria-lisation des politiques de l’État devant accéder austatut d’objectif premier dans la recherche dunemeilleure solidarité territoriale.

2.3. Dépasser la politique de la ville

En remettant en perspective sur ces quinze dernièresannées les dynamiques des inégalités sociales et dela pauvreté en Ile-de-France, cette étude a confirméla pertinence de la politique de la Vi l l e : parce que ledécouplage entre développement économique etsolidarité est avéré, on ne peut plus compter sur lesseuls effets d’entraînement du développement pourréduire les inégalités sociales et résorber les pochesde pauvreté.

Mais elle a simultanément amplifié le doute quant àson efficacité en soulignant l’aggravation continuedes processus de fragilisation sociale. Quelle expli-cation à cette inefficacité peut-on suggérer ? Depuis15 ans, la politique de la ville repose sur un postulatd’imbrication entre les phénomènes d’inégalitéssociales et ceux de concentration de la pauvreté. Lapreuve en est qu’elle associe indifféremment un dia-gnostic relatif à la concentration spatiale de la pau-vreté – la ghettoïsation, l’accumulation territorialedes handicaps sociaux et urbanistiques – et desobjectifs portant sur la réduction des inégalitéssocio-spatiales – la mixité résidentielle, l’accessibi-lité aux aménités urbaines. Cette confusion avait unsens à l’origine de la politique de la Ville, lorsque,dans les années 80, on disposait de la lecture desenjeux des années 70 : il fallait “réparer les dégatsdu progrès”, dans une période de croissance conti-nue. Le “raccrochage” des laissés pour compte neconstituait somme toute que le segment le plus sen-sible d’une politique globale de réduction des inéga-lités. Il n’en est plus ainsi. Cette étude a montréqu’inégalités et pauvreté constituent, sur le plan ter-ritorial, des processus dissociés.

On comprend mieux alors les hésitations de la poli-tique de la ville. La géographie sur laquelle elle agit

agrège des situations face auxquelles elle prétendrépondre de façon indifférenciée. Par contrecoup,elle hésite, selon les périodes et les configurationspolitiques locales, entre une stratégie relevant plutôtd’une volonté de réduction des inégalités (interven-tion sur les mécanismes structurels de dévalorisationterritoriale) et une stratégie participant davantaged’une résorption de poches de pauvreté (concentra-tion exceptionnelle de moyens spécifiques).

Une conclusion s’impose. En tant que politique uniqueagissant simultanément sur les inégalités et la pauvre-té, la politique de la ville a, sur le plan territorial, faitson temps. Face à des situations urbaines plus com-plexes comme celle de l’Ile-de-France qui juxtaposesans les confondre inégalités et pauvreté, il faut aujour-d’hui concevoir des politiques sociales territorialesdistinctes. Comme en matière de politiques sociales, ilfaut sans doute mettre en place sur le registre territo-rial, des politiques catégorielles, ciblées, de réductiondes poches de pauvreté localises; et simultanément,des politiques, plus globales, de maîtrise des processusinégalitaires, des mécanismes structurels de valorisa-tion ou dévalorisation territoriale.

III. EXCEPTION OU SPÉCIFICITÉFRANCILIENNE ?

Les résultats de l’étude sont d’une certaine manièreparadoxaux. Répondant à une commande relative àl’adaptation à la singularité francilienne d’orienta-tions nationales en matière de solidarité territoriale,elle confirme la spécificité de cette région. Ainsi lacorrélation inverse entre inégalités territoriales derevenus et concentration de la pauvreté sur quinzeans apparaît bien comme une spécificité de l’Ile-de-France. De même, la faible pertinence des méca-nismes de péréquation à l’échelle intercommunalen’est probablement pas généralisable à toutes lesagglomérations françaises.

À l’inverse, les constats formulés invalident le statutd’exceptionnalité qu’on attribue habituellement à larégion-capitale. Ainsi, si les dynamiques des inégali-tés et de la pauvreté ici décrites paraissent spécifiquesà l’Ile-de-France, en revanche l’indépendance relativeentre ces deux phénomènes apparaît, elle, comme unprincipe universel. De même, relativiser l’impact desmécanismes de péréquation locale n’est sans doutepas réservé à l’Ile-de-France : cela concerne proba-blement également, même si c’est tout autrement,d’autres territoires en voie de métropolisation, du lit-toral méditerranéen au Nord-Pas-de-Calais.

La spécificité de l’Ile-de-France a conduit à reformu-ler en situation les énoncés relatifs à l’intercommu-nalité, à la territorialisation des politiques de l’État età la politique de la ville ; loin de revêtir un caractèreexceptionnel, propre à l’Ile-de-France, une tellereformulation devrait aujourd’hui relever de l’ordi-naire des politiques publiques.

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Chapitre III

LA COOPÉRATION INTERCOMMUNALE EN ILE-DE-FRANCE

L’exception francilienne n’épargne pas le domainedes relations intercommunales. Rôle de l’Ét a t ,maillages institutionnels supracommunaux et situa-tions municipales se conjuguent pour dessiner unpaysage spécifique de l’intercommunalité. Pourautant, des dynamiques de coopération existent et sedéveloppent, selon des logiques et des formes demise en œuvre diversifiées. L’idée convenue d’un“retard francilien” en matière d’intercommunalité nedoit pas dissimuler de réelles potentialités, d’ores etdéjà soulignées par la création des premières com-munautés d’agglomération fin 19991.

Ce chapitre dresse un État de l’intercommunalité enIle-de-France. Il envisage ensuite des stratégies depromotion de l’intercommunalité. Complémen-tairement, en annexe, un rappel est effectué des fon-dements théoriques des découpages et regroupementsterritoriaux, valables en Ile-de-France comme ailleurset trop souvent oubliés par les volontés réformatrices.

I. L’EXCEPTION FRANCILIENNE

Peu de véritable intercommunalité (entendue au sensde création d’établissements publics de coopérationintercommunale à fiscalité propre), sinon dans ledépartement “rural” de Seine-et-Marne ; un isole-ment municipal pérenne de la ville-capitale, au-delàdes appels au Grand Paris ou à quelque Haut conseilde l’agglomération parisienne (sur les ruines dudépartement de la Seine) ; tel est le constat générale-ment établi de l’intercommunalité en Ile-de-France.

Certes, la Région capitale est marquée par un centra-lisme ancien, des outils d’intervention et d’aménage-

ment du territoire spécifiques. En raison du poidsdémographique, économique et politique de l’Ile-de-France, l’État a gardé un rôle prépondérant en matiè-re de développement urbain avec, entre autres, lamaîtrise du schéma directeur régional et, tout récem-ment, du Plan de déplacements urbains. De plus, desinstitutions de premier plan gèrent, à l’échelle régio-nale, des services comme le transport collectif, l’eau,l’électricité, et réduisent d’autant le recours à lacoopération intercommunale traditionnelle. Par sur-croît, cette dernière est structurellement conflictuellevis-à-vis des départements : il existe en effet en peti-te couronne plus de conseillers généraux que de com-munes [Chauvel, 1999].

L’importance d’une partie des 1281 municipalités quicomposent l’Ile-de-France contribue à donner auxrelations intercommunales un contexte très particulier.Outre Paris, on relève vingt-cinq communes de plus de5 0 000 habitants. Proportionnellement, l’Ile-de-France compte plus de communes urbaines que lereste de la France : 46 % des communes de la régionont plus de 2 000 habitants contre 15 % pour l’en-semble du territoire national. La taille démographiquemoyenne des communes est plus importante : 6 6 0 0habitants, hors Paris, en 1990, contre 1 500 en provin-ce. En dehors de l’agglomération parisienne, on noteégalement une quarantaine d’agglomérations secon-daires, dont la population varie de 3 500 à 100 0 0 0habitants. Les économies d’échelle généralementattendues d’une démarche concertée paraissent doncréduites. Il n’est à cet égard pas étonnant de constaterque presque tous les groupements à fiscalité propre sesont développés, jusqu’en 1998, en grande couronne.

Enfin, le modèle traditionnel d’org a n i s a t i o n“centre-périphérie” est déstabilisé par l’ampleur

1 Le travail de bilan, effectué pour l’essentiel durant l’année universitaire 1998-99, ne prend pas en compte les changements intervenusdepuis la fin de l’année 1999. La lecture, aujourd’hui, de ce chapitre ne saurait néanmoins se passer d’une connaissance factuelle des trans -formations du paysage intercommunal francilien permises par la loi du 12 juillet 1999 sur le renforcement et la simplification de la coopé -ration intercommunale, dite loi Chevènement. S’agissant des communautés de communes, deux ont été créées ex nihilo : la Plaine Communeen Seine-Saint-Denis et Eaubonne-Ermont-Montlignon-Saint-Prix dans le Val d’Oise; deux autres, en Seine-et-Marne, sont des transforma -tions de districts, Dammartin-en-Goêle et le pays de l’Ourcq; enfin deux communautés de communes préexistantes ont connu une extensionde périmètre (Val-de-France) ou de compétences (Roissy-Porte de France). En ce qui concerne les communautés d’agglomération, les troispremières créations se sont effectuées dans le Val-de-Marne: Nogent-Le Perreux, le Plateau Briard et le Val-de-Bièvre. Il existe début 2001neuf communautés d’agglomération en Ile-de-France. dès lors, si l’intercommunalité rurale continue à dominer, une mutation s’est effec -tuée: des groupements à fiscalité propre voient le jour en petite couronne [IAURIF, 2000].

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Depuis les débuts de l'intercommunalité en 1890, la panoplie des dispositifs de coopération entre les communesfrançaises s'est régulièrement enrichie, par petites touches ou par transformations législatives d'ampleur.L’État tente en effet inlassablement de favoriser la solidarité intercommunale, singulièrement à coups d’inci -tations financières. Au-delà de leurs spécificités, tous les types d’établissements publics de coopération inter -communale (EPCI) obéissent aux mêmes principes juridiques de spécialité, de représentation indirecte, dedéconcentration de la création et de majorité qualifiée.

Les Syndicats

Le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique (SIVU) constitue la forme la plus ancienne de coopérationentre les communes (loi du 22 mars 1890). Le Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple (SIVOM) a poursa part été créé par une ordonnance du 5 janvier 1959. Les syndicats sont les seules structures intercommu -nales sans compétences obligatoires ni financements autonomes. Par ailleurs, une commune peut appartenir àplusieurs syndicats (contrairement aux structures à fiscalité propre). Le syndicat à la carte est une catégorieparticulière de SIVOM autorisant l’adhésion d’une commune pour une partie seulement des compétences glo -bales du syndicat (loi du 5 janvier 1988).

Les EPCI à fiscalité propre

Sans entrer dans des descriptions souvent compliquées concernant les modalités de création et de retrait, ladéfinition des périmètres, les mécanismes de fonctionnement, les transferts de compétences et les ressourcesfinancières, il est possible de classer les diverses EPCI à fiscalité propre par niveau d’intégration croissant(tant en ce qui concerne la fiscalité que les compétences attribuées).Le District existe depuis 1959 en zone urbaine et 1970 en zone rurale. Des compétences obligatoires lui sonttransférées. La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération inter -communale, dite loi Chevènement, supprime les districts au profit des communautés d’agglomération.Les communautés de communes, créées par la loi du 6 février 1992, dite loi ATR (administration territorialede la République), ont été pensées pour les zones rurales et les petites villes. Elles exercent deux blocs de com -pétences obligatoires : l’aménagement de l’espace, développement économique, ainsi qu’un autre bloc de com -pétence optionnel. L’établissement d’une taxe professionnelle de zone est rendue possible. Cette formule aconnu un réel succès.Les communautés de villes , dont la loi ATR est également l’origine, concernent les agglomérations. Les dis -positions afférentes, proches de celles des communautés de communes, sont cependant moins souples. Seulescinq communautés de ville ont vu le jour, dont la disparition est programmée par la loi Chevènement, toujoursau profit des communautés d’agglomération.Les communautés d’agglomération constituent l’innovation majeure de la loi Chevènement. Elles sont sou -mises à la taxe professionnelle unique. Elles doivent exercer obligatoirement quatre compétences (développe -ment économique, aménagement communautaire, habitat, politique de la ville) plus au moins trois autres com -pétences optionnelles. Depuis le 1er janvier 2000, le succès de cette nouvelle formule ne se dément pas.L’objectif de relance de la coopération intercommunale dans les agglomérations, suite à l’échec de la loi ATRen la matière, a été atteint.Les communautés urbaines ont été organisées par la loi du 31 décembre 1966. Quatre ont été instaurées d’of -fice par l’État (Bordeaux, Lille, Lyon, Strasbourg). Elles disposent de nombreuses compétences obligatoires.La loi Chevènement de 1999 les réserve désormais aux agglomérations de plus de 500 000 habitants.Ainsi s’esquisse pour les EPCI à fiscalité propre une architecture liée à la taille des regroupements : commu -nauté de communes pour les petites villes, communauté d’agglomération pour les villes moyennes et grandes,communauté urbaine pour les plus grandes métropoles, même si ponctuellement les vicissitudes de l’histoireinfirment ce schéma. En région Ile-de-France, c’est une autre affaire.

Les structures “hybrides”

Le Syndicat d’agglomération nouvelle (SAN) ressemble en bien des points aux autres syndicats mais il possè -de une fiscalité propre. Les SAN ont été institués par la loi du 13 juillet 1983 reformant la loi du 10 juillet 1970sur les agglomérations nouvelles. Les villes nouvelles devraient progressivement rentrer dans le droit communen utilisant la structure de la communauté d’agglomération.Le Syndicat mixte associe des communes et des EPIC (syndicats mixtes “fermés”), voire d’autres collectivitésterritoriales (départements, régions) ou d’autres personnes morales de droit public telles que les chambres decommerce (syndicats mixtes “ouverts”). Ils ont vu le jour grâce à un décret du 20 mai 1955. Les impératifsd’une gouvernance la fois partenariale et “multi-échelles” leur réservent un avenir certain.Les réflexions sur les modifications à apporter à ce paysage institutionnel vont déjà bon train, en particulierdepuis les propositions de la commission Mauroy sur “l’acte II de la décentralisation”. Il sera question dansles mois à venir de démocratisation des institutions intercommunales, peut-être également de droit à l’expéri -mentation et de fin de l’uniformité chère à la France jacobine.

Encadré : Le paysage institutionnel de l’intercommunalité …

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Tableau 5 : Nature des structures intercommunales en Ile-de-France (reconstitution à partirde données 1998, sans prise en compte des ententes interdépartementales,“syndicats à la carte”ª et structures dont le siège est le département)

Tableau 6 : Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)

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croissante des données socio-économiques “indiff é-rentes” à la ville-centre. L’étalement urbain franci-lien laisse peu de place à ce type de relations. Ladensité de proche couronne empêche d’isoler despolarités organisatrices et d’en délimiter les terri-toires d’influence. Les interdépendances se réorien-tent et les logiques de polarisation se diversifient[ B é h a r, Estèbe, 1999].

Ainsi s’explique-t-on que le nombre de groupementsà fiscalité propre plaçait en 1998 l’Ile-de-France auseizième rang des régions françaises. Doit-on endéduire que l’Ile-de-France manque de dynamismeintercommunal ? De nombreuses études ayant établides bilans de l’intercommunalité ont abouti à cetteconclusion. Cette analyse n’est pas fausse, mais ellepèche par omission, en réduisant la notion de coopé-ration à un seul type d’intercommunalité. Se voulantexhaustives, les études ont en effet majoritairementchoisi comme objet d’analyse les établissementpublics de coopération intercommunale (EPCI) à fis-calité propre, ignorant de fait le millier de structuressouples. Or, il existe de très nombreuses instancesintercommunales, dont les effets d’apprentissagesont réels et permettent d’envisager des stratégies derenforcement de ces coopérations. Telle est l’idéeprincipale avancée dans ce chapitre.

II. FAIBLESSE DEL’INTERCOMMUNALITÉ FORTEFORCE DEL’INTERCOMMUNALITÉ FAIBLE

Faudrait-il fournir une preuve de l’exception franci-lienne en matière d’intercommunalité que la diff i-culté à rassembler les données afférentes suff i r a i t .Ces problèmes méthodologiques devraient êtreréglées par la constitution d’une base de donnéesinformatisée ad hoc (contrat d’objectif Ét a t - I A U-RIF). La présente analyse n’ayant pu en disposer, cesont les listes fournies par les préfectures, org a n i s é e sde façon hétérogène, qui ont été utilisées ainsi quedes enquêtes monographiques [Pouplet, Off n e r,1 9 9 9 ]

2.1. Une information lacunaire

Les Commissions Départementales de coopérationIntercommunale, mises en place par la loi du6 février 1992 relative à l’administration territorialede la République, n’ont pas constitué la source d’in-formations espérée. Ces CDCI devaient recensertoutes les structures existantes, élaborer des schémasdépartementaux contenant des propositions de créa-tions d’organismes ou de modifications des péri-

mètres et des compétences des établissements pré-existants. Les commissions devaient également for-muler un avis sur tout projet de création de structureintercommunale. Les entretiens menés auprès desConseils Généraux et des Préfectures rejoignent lesconclusions de D. Gaxie [1997], L. Filippi et P.-M.Hascal [1997] à : ils soulignent, plusieurs annéesaprès la mise en place des Commissions, la modestiede leur action. Ces instances ont fait peu de proposi-tions novatrices. Elles ont estimé qu’il convenait plu-tôt de laisser aux élus le soin de négocier librementles conditions de leur coopération. Pour la grandecouronne, trois départements ont établi un schéma :les Yvelines, le Val d’Oise et la Seine-et-Marne. Dansle Val-de-Marne, la Commission n’en a pas élaboré.Dans les Hauts-de-Seine, la CDCI ne fonctionne paset n’a rédigé qu’une liste de groupements des collec-tivités territoriales. En Seine-Saint-Denis, la CDCIest également embryonnaire.

2.2. Des structures intercommunales pléthoriques

Dans le cadre d’une étude de l’IAURIF [1998] surles districts et communautés de communes d’Ile-de-France, A. Parnaix précisait que un français sur deuxhabitait dans une commune membre d’une structureintercommunale à fiscalité propre, mais seulementun sur dix en Ile-de-France. Si la coopération inter-communale à fiscalité propre reste faible en Ile-de-France, le poids des districts et des communautés decommunes n’y est pas négligeable : leur populationest d’environ 525 000 habitants, dans plus de 250communes (1998). Une commune francilienne surcinq est adhérente à une communauté ou à un districtcontre trois pour l’ensemble de la France. On dénom-brait ainsi, fin 1998, 43 structures à fiscalité propre :7 syndicats d’agglomération nouvelle, 22 districts et14 communautés de communes.

La formule du district permettait une accumulationprogressive de nouvelles compétences, au rythme dudéveloppement de la structure, sans cadre contrai-gnant. C’est ce qui l’a rendue attractive jusqu’en1992. Depuis la loi ATR, seuls deux nouveaux dis-tricts ont été créés (le district du Bocage et celui de laBrie boisée).

S’agissant des communautés de communes, l’Ile-de-France arrive derrière les autres régions. Mais cetteforme de coopération, relativement souple, est appa-rue visiblement attractive auprès de beaucoupd’élus : huit ont été créées ces quatre dernièresannées – dont une en proche couronne – alors qu’iln’en existait que six en 1994. Certes, il y a parfois del’opportunisme. En Essonne par exemple, le princi-pal objectif d’une communauté de communes fut

2 Ces 1071 organismes se composent de 921 SIVU, 71 SIVOM (et syndicats à la carte) et 75 syndicats mixtes.3 Seuls trois SIVU ont récemment disparu d’après les informations fournies par les préfectures : un SIVU dans les Hauts-de-Seine et deuxdans les Yvelines; d’autres syndicats ont disparu précédemment mais aucune liste exhaustive n’est disponible.

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Graphiques 3 et 4 : compétences des structures souples : SIVU, SIVOM, Syndicats mixtes en petite et grande couronne (reconstitution à partir de données 1998)

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4 La constitution des EPCI s’est échelonnée dans le temps depuis 1892, année où le premier syndicat encore en activité, le SyndicatIntercommunal de la Maison de Retraite de Pantin, a été créé.5 Données ne concernant que la Seine-Saint-Denis, les Hauts-de-Seine, le Val d’Oise et l’Essonne.

l’établissement d’une taxe professionnelle de zonepour permettre l’implantation de nouvelles unités deproduction d’une entreprise : la société risquait departir s’il ne lui était pas proposé un taux de taxe pro-fessionnelle intéressant. D’autres tentatives se sontsoldées par des échecs, soit parce que la structure àfiscalité propre était jugée trop rigide (projet de PNRdu Gatinais français), soit en raison de divergencespolitiques. Pour leur part, communautés de villes etcommunautés urbaines n’ont jamais sérieusementfiguré à l’agenda politique francilien.Bref, dans la région la plus urbanisée de France, lesétablissements à fiscalité propre sont peu prisés. Enrevanche, on y trouve deux fois plus de structures decoopération légères par commune que dans le restede la France. La quasi totalité du territoire francilienest concernée par des regroupements communaux detype SIVU, SIVOM ou Syndicat mixte. La réactuali-sation des données permettait de dénombrer, fin1998, 1 071 syndicats intercommunaux2, soit 84 syn-dicats pour 100 communes, alors que la proportionn’était que de 50 pour le reste de la France.

Au total, 1 114 structures franciliennes ont été crééeset existent encore aujourd’hui3, soit environ 87 EPCIpour 100 communes. Fait à souligner, plusqu’ailleurs sur le territoire français, les élus franci-liens sont favorables au maintien de deux types d’ou-tils, l’un à fiscalité propre et l’autre sans. Le pour-centage des communes favorables au maintien d’uneintercommunalité sans fiscalité propre croît avec lataille des communes. Cela confirme la préférenceglobale pour des structures souples, puisqu’un véri-table plébiscite de la région parisienne est enregistreavec 83 % d’avis favorables contre 70 % pour lereste de la France. (Tableaux 5 et 6)

Les ambitions de création de structures à fiscalitépropre n’entament en rien la dynamique francilienneen faveur des structures souples : les SIVU restents u r-représentés, formant plus de 80 % des EPCI dela région. Par ailleurs, la formule des syndicatsmixtes connaît un engouement, non seulement enpetite couronne (particulièrement dans les Hauts-de-Seine) mais également en grande couronne. La pré-sence des départements dans ces syndicats peut secomprendre comme une façon pour les Conseilsgénéraux de se positionner comme “intercesseurs”territoriaux.

2.3. Compétences anciennes, préoccupations nouvelles

Pour l’analyse, les domaines d’intervention ont étéregroupés en 14 rubriques de compétences(Graphiques 3 et 4). La très grande majorité desorganismes “souples” ont été créés pour une actionunique. Les SIVOM et syndicats mixtes ont été clas-

sés en fonction de leur domaine d’intervention prin-cipal. Trois domaines regroupent 60 % des syndicatsintercommunaux : l’eau, l’assainissement et l’hy-d r a u l i q u e ; les compétences en matière scolaire(ramassage) ; les équipements publics (gestion, réali-sation et entretien). D’autres compétences sont sou-vent présentes : l’aménagement et l’urbanisme,l’énergie, la collecte et le traitement des orduresménagères, le transport, le sport et les activités sani-taires et socioculturelles. Se superposant aux syndicats existants, de nouvellesstructures se créent qui correspondent à des tâchesinédites ou actualisées : énergie, environnement, ges-tion de personnel. La mise en place de puissants syn-dicats d’électricité tel celui des Yvelines ou la créationde syndicats à vocation environnementale, comme leSIVOM “solidarité” et environnement de Seine-et-Marne, témoignent de cette nouvelle dynamique.

Ponctuellement mais significativement, il convientaussi de signaler l’intéressante stratégie du SIPPE-REC, Syndicat intercommunal de la périphérie deParis pour l’électricité et les réseaux de communica-tion, créé en 1924 en tant qu’autorité concédante pourla distribution publique d’électricité : il regroupe 80communes de la petite couronne, et exerce pour cellesqui le souhaitent une nouvelle compétence depuis1997 en matière de réseaux urbains de télécommuni-cations et vidéocommunications. Les structures inter-communales ont également pour vocation de moder-niser des équipements anciens notamment dans ledomaine de l’eau, de l’assainissement ou des déchetsurbains – cas du SITDUVM dans le Va l - d e - M a r n e .

Les études plus fines menées sur les compétences desstructures intégrées révèlent que les activités tradi-tionnelles, principalement des compétences deréseaux (eau, assainissement, etc.) sont exercées parles trois quarts des EPCI. La réalisation et la gestiondes équipements constituent également une compé-tence fortement représentée. La place de l’aide socia-le ou celle de l’environnement se révèle significative.En revanche, l’intercommunalité tournée vers le pro-jet est nettement moins développée. Les districts sontmoins actifs dans les nouveaux pôles de compétencestels l’urbanisme, le logement et le développementéconomique. Quoi qu’il en soit, ils ont su diversifierleurs actions puisqu’ils exercent en général quatre oucinq compétences. Ceux assurant moins de compé-tences (environ le tiers des districts) font souventfigure de gros SIVOM à fiscalité propre.

Les communautés de communes concernent pourl’essentiel des petites communes ou des communesrurales. Les deux compétences obligatoires, l’aména-gement et le développement économique, rencon-trent un succès inégal : si toutes les communautés decommunes ont mis en œuvre la compétence de déve-

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loppement économique, l’aménagement de l’espacen’a pas autant de succès. Comme on sait, la commu-nauté doit choisir une troisième compétence obliga-toire entre l’environnement, le logement, la voirie,les équipements culturels, sportifs ou scolaires. Laplupart des groupements ont choisi de développerdes activités tournées vers l’environnement et l’amé-lioration du cadre de vie. Une partie intervient dansla réalisation et la gestion d’équipements publics et amis en commun l’entretien de la voirie. Mais par des-sus tout, les profils restent très différents d’une com-munauté de communes à une autre. En milieu rural,la GERBE (communauté de communes de la GuildeEconomique Rurale de la Brie Est) est tournée versl’intercommunalité de gestion, quand le cœur duPays de France mène une importante politique envi-ronnementale. Les communautés de communes plusrécemment créées sont, quant à elles, davantageorientées vers des actions dans le domaine écono-mique. Et il faut compter avec les nombreuses spéci-ficité territoriales : ainsi, Roissy Porte de Franceexerce de nombreuses compétences car elle bénéfi-cie, au moins financièrement, des retombées écono-miques de l’aéroport.

Les structures intercommunales continuent doncd’exercer des compétences traditionnelles, en parti-culier de réseaux. Mais, souples ou intégrées, elles sevoient investies de rôles nouveaux en corrélationavec les préoccupations émergeantes, notammentdans le domaine du développement économique, del’aménagement et de l’environnement, même sitoutes les compétences transférées ne sont pas auto-matiquement exercées. Le choix des compétencesdéléguées ne relève donc pas d’un système figé.

2.4. Des créations soutenues de structuressouples

Les structures intercommunales d’Ile-de-Francesont anciennes4. Seule une minorité des structures àfiscalité propre ont été instaurées postérieurement àla loi ATR de 1992. Les données comparatives entrel’Ile-de-France et la France entière fournies par l’as-sociation des Districts et communautés de Francesont révélatrices. En 1997, 81 % des structures inter-communales françaises se sont créées après la loiATR alors qu’en Ile-de-France ces créations neconcernent que 28 % des groupements. Quatorzecommunautés de communes ont été mises en placesur le territoire francilien depuis la loi ATR ; cesstructures représentaient en 1999 le tiers des EPCI àfiscalité propre.

En revanche, les regroupements intercommunaux àcaractère plus souple sont récents et dynamiques.

Plus des deux tiers des syndicats ont été créés entre1960 et 19925. Au cours des années 1960, les com-munes se fédèrent en syndicats pour la réalisationd’équipements communs. Ce phénomène est lié àl’explosion démographique de la décennie et auxbesoins d’équipements urbains qui en découlent. Leregroupement était financièrement indispensable àde nombreuses communes. Depuis le début desannées quatre-vingt-dix, le rythme de création n’apas fléchi, bien au contraire. Les structures crééesentre 1992 et fin 1998 représentent près de 20 % dutotal des syndicats existants en Ile-de-France, enproche comme en grande couronne.

2.5. Taille des groupements, géographie :une hétérogénéité croissante

Les groupements franciliens sont démographique-ment petits : ils comptent moins d’habitants (19 500)qu’au niveau national (22 000). Avant la mise enplace des communautés d’agglomération, et si l’onexcepte le cas des villes nouvelles qui ont vocation àaccueillir une part élevée de la population francilien-ne, sept structures franciliennes à fiscalité propre surdix peuvent être considérées comme rurales. Quatrecatégories de groupements peuvent être distinguées :– (i) les EPCI formés par des petites communes fédé-rées autour d’un pôle d’importance locale (Bray-sur-Seine, La Ferté-sous-Jouarre) ; situés assez loin deParis, ils sont typiques du monde rural et ne regrou-pent qu’entre 2 000 et 4 000 habitants. – (ii) Ceux, également ruraux, qui assemblent descommunes d’importance comparable, en général depetite taille (District de la Brie boisée) ; il s’agit soitde petites communes qui craignent pour leur avenir,soit de membres plus importants (Canton deLimours). – (iii) Les structures constituées à partir d’un grandpôle urbain tel Melun ou Mantes ; importantes entermes de population (plus de 80 000 habitants), ellestentent de promouvoir une logique d’agglomération.– (iv) Outre ces trois catégories déjà isolées dansl’étude de L. Filippi et P.-M. Hascal, il faut évoquerles récentes communautés de communes créées dansla zone dense et, depuis la loi Chevènement, les com-munautés d’agglomération (Val de France, Clichy-Montfermeil et Corbeil-Le Coudray) ; ces structuresregroupent de deux à dix communes, soit moins quela moyenne des EPCI à fiscalité propre, mais englo-bent de 50 000 à 200 000 habitants – une populationnettement supérieure à la moyenne.

Les groupements “souples” présentent eux aussi tousles cas de figure. Les cas étudiés mettent en exerguequelques extrêmes parmi les créations récentes. Lesyndicat intercommunal d’électricité des vallées de

6 Les départements les plus intercommunalisés, relativement à leur nombre de communes, sont le Val d’Oise (98 EPCI pour 100 communes)en grande couronne et le Val-de-Marne en proche couronne (84 EPCI pour 100 communes, chiffres 1998).7 Les départements de grande couronne sont largement couverts; en proche couronne, il n’existe qu’un seul schéma directeur: le Val-de-Seine (Hauts-de-Seine).

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la Vaucouleur, de la Vauldre et de la Seine aval(Yvelines) regroupe 72 communes et 205 000 habi-tants. Dans le même domaine de compétence, le syn-dicat de Milly-la-Forêt et sa région ne compte que sixcommunes et 8 600 habitants ! Dans le domaine del’eau ou des ordures ménagères, les syndicats sontsouvent très puissants ; à l’opposé, les besoinsd’équipement créés par l’urbanisation suscitent denombreuses structures de solidarité ponctuelle.Quant aux récents syndicats mixtes mis en place dansles Hauts-de-Seine, ils concernent généralement unecommune et le département avec un objet limite à unseul quartier urbain.Au total, et à l’exception de syndicats d’électricité par-ticulièrement importants mais peu représentatifs, lesSIVU récemment créés mobilisent en moyenne quatrecommunes en grande couronne et deux en proche cou-ronne. Comme pour les structures à fiscalité propre, lessyndicats intercommunaux de proche couronne regrou-pent peu de communes mais une population importan-te. Qu’il s’agisse des structures souples ou Intégrées,c’est donc l’hétérogénéité de taille qui prédomine.

L’analyse géographique des structures intercommu-nales renforce le trait. La thématique de l’intercom-munalité liée à une commune-centre, comme on latrouve autour de Mantes ou Melun, reste peu repré-sentée. Au départ conçu pour résoudre les problèmesd’une ville-centre et répondre à l’extension urbaine,le district s’est ensuite bien adapté au monde rural –d’où le fait que beaucoup de districts sont localisésaux franges de l’Ile-de-France. À l’origine inventéespour le milieu rural, les communautés de communesont également été utilisées en milieu très urbanisé ; lastructure reste cependant plus répandue en milieurural ou faiblement urbanisé. Les SIVU, SIVOM etsyndicats mixtes concernent, pour leur part, la quasitotalité du territoire francilien. Les structures crééesdepuis 1995, de forme intégrée ou non, couvrent unelarge part du territoire de grande couronne et la quasitotalité du département du Val-de-Marne6. La majori-té des nouveaux SIVU et SIVOM ont tendance à sedévelopper en continuité les uns des autres quand cen’est pas les uns sur les autres ; les effets de conta-gion et les chevauchements des périmètres se renfor-cent donc encore avec la dynamique récente.

III. DES SITUATIONS CONTIN-GENTES MAIS DES EFFETSD’APPRENTISSAGE RÉELS

Une telle diversité des EPCI empêche de mettre enévidence des compétences motrices, des territoiresprivilégiés ou des configurations géopolitiques spé-cifiques. D’où l’intérêt de rechercher d’autres leviersde rapprochements entre communes, au-delà desseules instances intercommunales formelles. Car desespaces de concertation existent en dehors de cesr e g r o u p e m e n t s : les Syndicats intercommunauxd’études et de programmation, les contrats régionauxet contrats de plan, ou encore les Plans de déplace-

ments urbains locaux.

3.1. Des coopérations port e u s e sd ’ i n t e rc o m u n a l i t é ?

Commençons par les syndicats intercommunauxd’études et de programmation. Sur les 51 schémasdirecteurs locaux d’Ile-de-France, 18 sont devenusopposables après l’élaboration du SDRIF, 33 étaienten cours de procédure fin 1999 (soit en révision, soiten élaboration)7. Le SIEP recouvre un périmètredevant correspondre à une communauté d’intérêts.D’une manière générale, l’élaboration du schémadirecteur a permis aux communes de se découvrir desproblèmes mais aussi des objectifs partagés suscep-tibles de les conduire vers des projets communs. Ellea d’ores et déjà mené à la création de structures inter-communales plus durables comme le District duPlateau de Saclay ou les communautés de communesde la région provinoise. Le SEPPY ( S y n d i c a td’études et de programmation du Pays d’Yvelines) aégalement évolué pour former aujourd’hui un syndi-cat stable et dynamique.

Des zones d’ombre ternissent le tableau. CertainsS I E P couvrent le périmètre d’autres structures,comme des cantons, dans le cadre desquelles s’exer-ce une intercommunalité plus affirmée. Au sein duSIEP de la Bassée-Montois (Seine-et-Marne) parexemple, les préoccupations des deux cantonsconcernés ne sont pas toujours les mêmes. Parailleurs, de l’avis de certains élus, ce sont les petitescommunes qui freinent l’évolution de la structure,répondant ainsi à la crainte de se faire englober pardes communes plus importantes. Par ailleurs encore,plusieurs SIEPdu Val d’Oise et de l’Essonne créés en1990 et 1991 ont été contactés dans le but de savoirsi le syndicat paraissait porteur d’un regroupementplus pérenne. Les réponses sont ambivalentes. Aucundes SIEP étudiés n’a encore disparu ; ils ont étémaintenus tels quels pour le suivi du schéma direc-teur local ou pour la poursuite de son élaboration encas d’annulation. La présence des SIEP aurait pu êtrel’occasion pour les élus de se rapprocher et de s’in-vestir dans un travail commun. Mais dans la plupartdes cas, les communes ont manifesté peu d’intérêt àl’égard de la mise en place d’une intercommunalitéde projet dynamique et on peut présager la dispari-tion prochaine de certains syndicats d’études. La pré-paration du SDL, parfois forcée, n’est alors qu’uneoccasion furtive de coopération. Ce constat est parti-culièrement visible en milieu périurbain où les terri-toires des SIEP englobent des réalités diverses. Uncontre exemple pourrait être celui du SIEP NordCentre-Essonne qui sert aujourd’hui à l’élaborationdu Plan de Déplacements Urbains. Une seule com-mune, sur les quatorze concernées au départ, s’estretirée.

En ce qui concerne la contractualisation, l’enquêteAndersen menée auprès des communes de France etpubliée en avril 1999, révèle que 61 % des communesestiment que l’évolution du paysage intercommunal

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doit être encouragée par le biais de la contractualisa-tion avec l’État ou la Région. Depuis la décentralisa-tion, la contractualisation a connu un fort développe-ment. La région Ile-de-France a mis en place deuxtypes de contrats avec les EPCI : d’une part, lescontrats régionaux et ruraux qui visent à promouvoirune vision globale et cohérente de l’aménagement,d’autre part les contrats sectoriels qui portent sur despolitiques particulières. À la différence de la provin-ce, les contrats peuvent être passés aussi bien avec lesstructures intercommunales qu’avec les communes.Cependant, les avantages financiers accordés à l’in-tercommunalité n’auront en fait pas suffis à susciterun recours important au cadre intercommunal.

Le principe de la contractualisation a également étéintroduit dans le cadre du contrat de plan État-Région1994-1998 et généralement favorisé par les ConseilsGénéraux, même si ces derniers ont des opinions etdes pratiques fort hétérogènes vis-à-vis de l’inter-communalité. Là encore, c’est un jugement ambiva-lent qui s’impose, les démarches de contractualisa-tion intercommunale (charte d’environnement parexemple) s’interprètent soit comme un encourage-ment au renforcement de la coopération (effet d’ap-prentissage, par le développement des relations etdes habitudes de travail en commun) soit comme unpalliatif (l’intercommunalité légère exonérant lescommunes d’une démarche plus ambitieuse de créa-tion d’une structure intercommunale intégrée).

Les comités locaux du PDU d’Ile-de-France peu-vent-ils être des vecteurs d’intercommunalité ? Laloi sur l’air stipule que, dans le cas de l’Ile-de-France, le Plan de déplacements urbains a la Régionpour périmètre et l’État pour maître d’ouvrage.Cependant, compte tenu de la multiplicité d’échellesgéographiques en jeu, des instances départementalesde concertation ont été mises en place. À l’écheloninférieur, les communes ont été invitées par les pré-fets à se regrouper pour élaborer, dans le cadre decomités locaux, les dispositions locales du PDU. Cesinstances peuvent se constituer à des degrés d’insti-tutionnalisation variables : des plus informelles(“secteurs de réflexions intercommunales mis enplace par l’administration”) aux plus structurées(création d’un syndicat intercommunal). D’aucunsiront jusqu’à imaginer que ces regroupements setransforment à terme en autorités organisatrices destransports collectifs de second rang, en articulationavec le Syndicat des transports parisiens, devenuSyndicat des Transports d’Ile-de-France. La loi du 13décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvel-lement urbains (loi SRU) rend effectif ce dispositif.

L’on en dénombrait environ 25 fin 1999. En grandecouronne, ces comités locaux se sont presque tous

appuyés sur des SIEP, sur des villes nouvelles (ouleurs différents “secteurs”) ou sur des aggloméra-tions déjà constituées (Mantois, Versailles, ...). Enpetite couronne en revanche, la création de ces comi-tés s’est pour l’essentiel effectuée en congruenceavec le développement d’intercommunalités nais-santes. Le cas du “Val-de-Bièvre” apparaît à cetégard exemplaire. C’est d’abord à l’occasion de lasignature avec l’État d’une charte intercommunaled’environnement que les communes de Cachan,Fresnes et L’Hay-les-Roses se sont associées (1995),bientôt rejointes par Arcueil (1996). Ces quatre villesont alors décidé de s’organiser en SIVOM pour l’en-vironnement en Val-de-Bièvre (SIEVB, 1998) et deprendre les compétences d’un comité local du PDU.En décembre 1999, le préfet du Val-de-Marne signaitl’arrêté donnant naissance à la communauté d’agglo-mération du Val-de-Bièvre associant sept communes,les quatre du précèdent SIVOM et les villes deGentilly, du Kremlin-Bicêtre et de Villejuif.

3.2. Renforcement ou prolifération ?

Le renforcement de l’intégration entre communes estsouvent le produit d’une histoire cumulative. Aprèss’être rapprochés pour des raisons ponctuelles etavoir appris à travailler ensemble, les élus sontmieux disposés à l’idée de franchir des seuils supplé-mentaires. La délégation devient rapidement unesolution de facilité : un problème difficile est ainsisouvent confié au groupement de coopération. Lagestion des équipements lourds, comme ceux de ladistribution de l’eau ou le traitement des orduresménagères, échappe alors aux communes. Dans cettelogique, on voit des syndicats se transformer en dis-trict ou en communauté de communes au fur et àmesure de la délégation de compétences nouvelles.

De fait, certaines structures intercommunales à fisca-lité propre existantes en Ile-de-France ont été crééesà partir d’un organisme antérieur. L’étude des mono-graphies établies par A. Parnaix (IAURIF) montreque dans plus de 40 % des cas, les établissements àfiscalité propre ont été précédés par un SIVU ou unSIVOM. Mais la majorité des EPCI à fiscalité propresont constitués ex nihilo. Les communautés de com-munes ont donc bien correspondu à un nouveau typed’intercommunalité, notamment orienté vers le déve-loppement économique, qui n’aurait su trouver sesfondements dans des syndicats intercommunaux tra-ditionnellement plutôt voués à l’exercice de compé-tences techniques.

Les évolutions enregistrées, ou à venir, de ces syndi-cats créés après 1995 sont diverses. Certains ne sontpas pérennes, d’autres n’ont pas vocation à dispa-raître mais restent relativement inertes. Des syndicats

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tel le SITDUVM (S.I. de traitement des déchetsurbains du Val-de-Marne) ont élargi leurs activitéstout en restant dans le même domaine, alors qued’autres ont élargi les types de compétences.

Les structures intercommunales voient fréquemmentleur composition évoluer du fait de nouvelles adhé-sions ou, plus rarement, du départ de communesmembres. C’est vrai des structures à fiscalité proprecomme des SIVU et SIVOM. Le cas du S.I. d’électri-cité du nord des Yvelines est éloquent : constitué de12 communes en décembre 1995, il en compteaujourd’hui 72 et devrait s’agrandir encore. C’est direque le pouvoir d’attraction des EPCI peut être fort. A upassage, remarquons que l’adhésion d’une communepeut casser la logique du périmètre prédéfini ... ce qui“interpelle” d’autant la notion de périmètre pertinent !Ce phénomène est plus marqué encore pour les EPCIà fiscalité propre. Ces établissements ont souvent laprétention de constituer un “bassin de vie” ; or leurimportance démographique est en général modérée etla cohérence de leur territoire est plutôt politico-insti-tutionnelle que socio-économique : les structuresdépassent rarement le strict cadre du canton. La perti-nence des découpages est donc discutable.

Par ailleurs, il faut parfois parler de prolifération plu-tôt que d’attraction. Ce mécanisme touche principa-lement les structures à compétence unique puisquechaque nouvelle préoccupation ou enjeu commun àplusieurs communes entraîne l’élaboration d’unenouvelle structure. Les syndicats se créent, se cumu-lent mais se dissolvent rarement. Ainsi dansl’Essonne il n’est pas rare d’enregistrer des com-munes appartenant à treize syndicats différents. Dansle Val-de-Marne, les listes des groupements fourniespar la préfecture mettent en évidence le même phé-nomène : les communes peuvent appartenir jusqu’àdouze syndicats ; en moyenne, elles adhèrent à huitstructures à la fois (Données 1998). Avec de telscomportements, le paysage de l’intercommunalitédevient complexe, les structures se chevauchent sansse superposer.

Mais une opération de cristallisation peut aussi avoirlieu. Le cas de ce département du Val-de-Marne est àce titre digne d’intérêt, compte tenu du nombre d’ins-tances intercommunales souples par commune – desept à onze pour les villes de la nouvelle communau-té d’agglomération du Val-de-Biévre. Or, ce départe-ment a vu se constituer de nombreux comités locauxdu PDU et détient le record, en Ile-de-France, de lacréation de communautés d’agglomération. Certesles facteurs explicatifs sont nombreux, liés entreautres aux doctrines et pratiques des collectivités ter-ritoriales comme des représentants de l’État. Mais onne peut s’empêcher d’avancer l’hypothèse d’une effi-cacité de la densité des liens faibles (les coopérationsintercommunales souples) à fabriquer des liens forts(les EPCI intégrés).

3.3. Une stratégie : de l’effet d’aubaine à l’effet

d’ambiance

L’étude des dynamiques intercommunales en Ile-de-France amène à conclure à l’absence de logiqueunique de regroupement. C’est l’hétérogénéité desdynamiques qui prédomine. Dans ces conditions,les efforts de l’État pour promouvoir, par la loiChevènement, l’intercommunalité intégrée, ont àprendre en compte cette irréductible spécificité fran-cilienne en ne négligeant pas la valorisation des dis-positifs de coopération légers, soit qu’ils s’avèrentcorrespondre à la nécessité de développer des rela-tions intercommunales à géométrie variable, soitqu’ils constituent une étape nécessaire pour atteindrela masse critique.

En ce qui concerne la création des communautésd’agglomération en Ile-de-France, il convient naturel-lement d’en anticiper au mieux les dérives poten-t i e l l e s : – (i) l ’ i n t e rcommunalité “calculette”, privilégiantl ’ e ffet d’aubaine de la dotation supplémentaire deDGF au détriment de coopérations plus substantielles.Le risque est d’autant plus réel que les compétencesobligatoires des EPCI sont moins stratégiques qu’enprovince, compte tenu du poids d’instances régio-nales dans les domaines concernés. – (ii) L’ a u t o - l é g i t i m a t i o n, qui favorise la prise enc h a rge et la mise en scène par l’instance intercommu-nale de thématiques non encore appropriées par leso rganismes technico-politiques préexistants. Ce peutêtre une chance (territoires “d’émergence” pour despréoccupations nouvelles et importantes) ou uneimpasse. – (iii) L’ i n t e rcommunalité “bicyclette” – favorisantce mode de déplacement non encore “parrainé” parquiconque en Ile-de-France, sinon la ville de Paris etla RAT P, autorisant l’élaboration de projets à la bonneéchelle des regroupements – a probablement de beauxjours devant elle. – (iv) L’ i n t ro v e r s i o n, effet pervers classique de toutdécoupage resserrant les liens au sein du regroupe-ment mais les distendant avec l’extérieur. Cette situa-tion serait particulièrement mal venue en Ile-de-France, alors que la territorialisation de l’actionpublique implique une multiplicité de partenariats detous ordres et échelles.

Il semble important de développer un “effet d’am-biance”, conjonction de la création des communau-tés d’agglomération, et du contrat de plan État-Région. Les premières permettent la réflexion intros-pective (par exemple à l’occasion de “diagnosticspartagés”) nécessaire pour transformer les EPCI enacteurs de l’aménagement et du développement. Lesecond fournit le cadre d’une négociation extravertie,surtout lors du suivi du contrat et de ses volets terri-toriaux. Des dispositifs de suivi, en cohérence avec lalogique contractuelle du CPER, devraient se révélernon seulement utiles à l’évaluation des actions, maisaussi indispensables à la synergie entre les diversprojets et programmes des politiques publiques terri-torialisées. Pour ce faire, l’État comme les collectivi-

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tés locales doivent disposer d’une expertise ad hoc.

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8 Travaux de l’équipe Strates-Ladyss sur la géographie économique et sociale de la région parisienne; de l’Institut d’Urbanisme de Paris surles quadrants de la région parisienne; d’Edmond Préteceille sur les inégalités en Ile-de-France; d’Acadie sur les inégalités socio-spatiales.

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Ce quatrième chapitre s’appuie sur les enjeux identi-fiés par le SDRIF et les documents d’orientation stra-tégique dans le cadre de la préparation du contrat deplan. Il les reformule à la lueur des évolutions géo-graphiques récentes et de précédents travaux8. Lebesoin de reformulation vient de ce que les préconi-sations du SDRIF étaient, comme c’est normal, foca-lisées sur l’aménagement urbain. Or, l’actionpublique en Ile-de-France s’oriente vers une “gestionterritoriale” qui dépasse l’aménagement au sensstrict, et conduit à mieux articuler l’aménagement etles autres politiques sectorielles de l’État : ce qu’onappelle “territorialisation”.

Afin de parvenir à une vision commune de ce quepourrait être une telle territorialisation, on proposeici un “référentiel territorial”ª. Il n’est surtout pasla somme définitive des questions territoriales franci-liennes, mais une contribution à un protocole deconcertation dans un contexte territorial délicat. Ladifférenciation croissante, à toutes les échelles, del’espace francilien, pose, en effet, plusieurs difficul-tés à l’action de l’État dans la région, puisqu’il doittenir compte de réalités et de populations locales deplus en plus spécifiques, tout en conservant sa mis-sion de cohérence générale. Sur le plan spatial, l’ac-tion publique doit, à la fois, s’adapter à des réalitéslocales et conserver l’objectif de cohérence à l’échel-le de l’ensemble régional ; le bon fonctionnementd’ensemble d’une des principales régions métropoli-taines du globe restant évidemment un objectif cen-tral de l’action de l’État. Sur le plan social, l’actionpublique doit, à la fois, tenir compte de la particula-rité croissante des publics et conserver l’égalité detraitement qui est à la base de sa culture comme de samission. La territorialisation consiste à trouver ledosage.

Le présent texte apporte des éléments de diagnosticsur les principaux enjeux de l’espace régional, enmême temps qu’il adresse des questions aux poli-tiques publiques. C’est à cette condition qu’il peutconstituer le socle d’une vision partagée des enjeuxdu territoire francilien.

I. REFORMULATION DES ENJEUX TER-RITORIAUX DE L’ILE-DE-FRANCE

1.1. La différenciation croissante du territoirefrancilien

Durant les quinze dernières années la différenciationde l’espace social régional s’est intensifiée, que cesoit à l’échelle des quartiers, des communes ou àcelle d’ensembles plus vastes. On peut évoquer plu-sieurs transformations conjointes :

– l’apparition d’un vaste noyau Nord (Plaine Saint-Denis/boucle des Hauts-de-Seine/Sud du Va ld’Oise), dont la massivité dépasse de loin l’échellede “quartiers” ; mais aussi, côté Ouest, d’un vastenoyau de communes très riches. Il n’y a pas de ghet-tos sociaux en Ile-de-France : même dans les ban-lieues populaires, la diversité socioprofessionnellereste plus grande que dans les banlieues des … États-Unis, et il en va de même de l’origine nationale despopulations. Cela dit, on verra qu’on pourrait parlerde ghettos de riches pour les communes de proche etmoyenne banlieue Ouest :

– l’accentuation de l’opposition Est/Ouest en prochecouronne. La construction du logement social depuis1990 continue, en valeur absolue, à privilégier leNord et l’Est ;

– le développement de stratégies résidentielles socia-lement sélectives dans des pôles urbains secondaires(villes nouvelles, villes de la périphérie de l’Ile-de-France), et à des échelles de plus en plus fines ;

– la poursuite de l’embourgeoisement de Paris,même si c’est à un rythme lent dans ses arrondisse-ments du nord-est ;

– l’émergence d’une nouvelle dynamique ségrégati-ve selon la distance au centre. Les coûts immobilierschassent les grandes familles populaires de la zonecentrale (Paris et très proche couronne) – sans dureste que cela leur soit si favorable financièrement dufait de coûts de transport accrus [Polacchini etOrfeuil 1998]. L’importance du parc social dans lazone centrale freine cette évolution, qui paraît plus

Chapitre IV

ENJEUX TERRITORIAUX ET ACTION DE L’ÉTAT EN ILE-DE-FRANCEProposition d’un référentiel territorial

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nette pour les classes moyennes que pour les couchesles plus populaires [Beckouche 2000], mais le pro-cessus mérite d’être pris en considération.

Les disparités sont plus fortes encore dans le domai-ne économique. Le tableau 7 donne un aperçu desdisparités territoriales des secteurs d’étude duSDRIF. Ce découpage en une centaine de zones rendcompte de manière assez commode des différentssous-ensembles composant la région. Il évite de des-cendre au niveau le plus fin, celui de la commune,dont les trop grandes différences intrinsèques (taille,situation dans l’espace métropolitain, orientationrésidentielle ou économique) compliquent l’interpré-tation des disparités de développement. Les écarts dedéveloppement économique (bases de TP par habi-tant et taux d’encadrement de l’emploi) sont plusamples que les écarts de niveau social (revenus)(Tableau 7).

La raison tient à la forte polarisation de l’emploidans l’espace régional. Les disparités spatiales entermes de bases de T P par habitant sont élevées,même si elles ne se sont pas accusées dans la pério-de considérée. En revanche le niveau de qualifica-tion de l’emploi signale des contenus de développe-ment de plus en plus inégalement repartis dans l’es-pace francilien.

Afin de partir d’un diagnostic socio-économiquepartagé du territoire francilien, on s’est livré à unecartographie sommaire de la “santé sociale” et de la“santé économique” du territoire francilien, sur unepériode assez longue (années quatre-vingt et pre-mière moitié des années quatre-vingt-dix) pour pou-voir être considérée comme significative des ten-dances à l’œuvre. L’idée était de pouvoir confronter,même de manière rustique, deux images rarementcombinées dans les analyses courantes, le chapitre II

ayant bien montré les inconvénients de la confusionentre richesse sociale et richesse fiscale communale. Mais même de manière sommaire, distinguer lescommunes “qui vont bien” et les communes “qui vontmal” ne va pas de soi. Il faut prendre en compte à lafois le stock et le flux (par exemple les bases T P e tl’évolution de ces bases) ; tenir compte à la fois de laperformance économique et du profil social. Onconnaît la géographie sociale de l’Ile-de-France, tellequ’elle est dessinée par les communes en Zone d’ur-banisation sensible ou par le niveau moyen des reve-nus des ménages. On connaît moins la géographie dudéveloppement économique. Ce qui manque surtoutest une géographie croisant développement social etdéveloppement économique. L’Ile-de-France comptedes communes riches à la fois socialement et écono-miquement, des communes populaires qui se sontappauvries économiquement (ce qui est le cas descommunes les plus pauvres dans leur ensemble, cfTableau 8), mais aussi certaines communes popu-laires qui se sont développées économiquement (cfsupra chapitre II). Des travaux précédents [PRIF etD ATAR 1999] signalent que la particularité de laproche banlieue Nord tient précisément à cette juxta-position de communes socialement aussi pauvresl’une que l’autre mais inégalement dynamiques sur leplan économique. Un trait caractéristique de la Seine-Saint-Denis est de disposer de pôles d’emploi dyna-miques mais dont les populations locales ne profitentpas assez, et même de moins en moins (voir le cas dupôle de Roissy, Tableau 9).

On a donc élaboré trois typologies différentes de latrame communale francilienne, la première sociale,la deuxième économique, la troisième croisant lesdeux précédentes. Sur le plan social9, le type“pauvre” est concentré en proche banlieue Nord et enSeine amont, selon une géographie attendue. Lesbordures seine-et-marnaises font également partie de

Tableau 7 : Évolution des disparités sociales et économiques dans l’espace francilienCoefficient de variation des bases de taxe professionnelle, du taux d’encadrement de l’emploi, et des revenus des foyersfiscaux, des secteurs d’étude du SDRIF(a).

(a) la DREIF a découpe l’Ile-de-France en 94 secteurs d’étude. Pour le présent calcul on a regroupe les trois secteurs de Paris enun seul, et on n’a pas tenu compte de sept secteurs petits ou posant des problèmes de statistiques: secteur 4 de Marne-la-Vallée,Jablines, Bassée-Montois, Lommoye, Verneuil, St Chéron, Mereville. (b) bases brutes de taxe professionnelle 1981 et 1992 (années économiques réelles) par habitant 1982 et 1990. Source: DGI etInsee/Sirius. (c) Part des cadres dans l’emploi au lieu de travail en 1984 et 1995, hors établissements de moins de 20 salariés et hors secteurpublic. Source ESE/Insee. (d) revenus moyens des foyers fiscaux, FF 94. Source: DGI-Insee/Dreif.

9 Les indicateurs utilisés sont la part des allocataires du RMI (1995) dans la population résidente de 25-60 ans (RP1990) ; les revenus fis -caux moyens des ménages (1984-1994); la part des cadres dans la population active résidente (1982-1990); existence d’une Zone d’urba -nisation sensible ou non.

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Tableau 8 : Profil social et dynamisme de l’emploi (a) des communes d’Ile-de-France(a) emploi s salariés privés, au lieu de travail. (b) Paris serait situé dans le 9ème décile.

Source : Unedic, DGI, Insee/calcul Sirius.

Sources: Insee-RP1990 ; AdP(enquêtes) pour 1995. Voir la carte communale en annexe II.1.8, source Mission Roissy.

Tableau 9 : Résidence des employés de la plate-forme de Roissy-Charles-de-Gaulle, 1990-1995(Ile-de-France + Oise = 100 %)

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10 Préteceille [1998] relève par ailleurs un effet comme de contagion de cette géographie sociale: entre 1982 et 1990, les communes de pro -fil socioprofessionnel moyen-supérieur ont eu tendance à se rapprocher du profil supérieur quand elles se trouvent à proximité géographiquede ces communes cossues de l’Ouest francilien.11 Les indicateurs sont l’évolution de l’emploi salarié privé (1982-1996, source Unedic); les bases brutes de taxe professionnelle par habi -tant (1982-1994); la part des cadres dans l’emploi au lieu de travail (1982-1990).12 Une analyse plus fine encore identifie le groupe de communes les plus mal placées à la fois sur le plan social et sur le plan économique :Gennevilliers, Argenteuil, Stains, Drancy, Sevran, Noisy-le-Sec, Romainville, Clichy-sous-Bois, Vitry, Villeneuve-le-Roi, Porcheville,Aubergenville, et quelques petites communes des marges seine-et-marnaises. A l’opposé, les communes cumulant le profil social le plus élevéet le développement économique qualitativement le plus favorable dessinent une zone assez compacte entre Saclay, Saint-Cloud et Saint-Nom-la-Bretèche [Beckouche et Pflieger 1999].

la géographie des difficultés sociales. Les types“riche”ª et “très riche” occupent la banlieue Ouest etSud-ouest, avec une forte concentration spatiale dudernier type. En Ile-de-France, les ghettos sociaux setrouvent davantage chez les riches que chez lespauvres, et le trait s’est plutôt renforcé dans lesannées quatre-vingt10. Les autres zones “riches” setrouvent à Fontainebleau et dans ses bordures Nord,dans la vallée de Montmorency, et dans certains seg-ments de la moyenne banlieue Est (sud-est du Val-de-Marne et Est de Marne-la-Vallée, seule zone derésidence des cadres supérieurs en moyenne banlieueEst). Les villes nouvelles présentent des profils par-ticuliers par rapport à leur environnement. À certainségards, Sénart et Evry sont les zones de pauvretérelativement à leur environnement proche(Fontainebleau et la banlieue de Melun, la rive droi-te de la Seine en amont de Draveil, le pourtour sud-occidental de la ville nouvelle d’Evry). C’est surtoutle cas de la moitié Ouest de Saint-Quentin-en-Yvelines, que prolongent les communes deMaurepas, Coignères, Plaisir, Les Clayes-sous-Bois,Bois d’Arcy. À Marne-la-Vallée, la moitié Ouest,populaire, s’oppose à la moitié Est plus riche.

Sur le plan économique, l’analyse factorielle11 dis-tingue cinq types. Les communes au niveau écono-mique très élevé (fortes bases de TP, haut niveau dequalification de l’emploi, bonne croissance de l’em-ploi) sont caractéristiques de la zone centrale : Pariset ses communes limitrophes, la proche et moyennebanlieue Ouest de Saint-Germain-en-Laye àMarcoussis en passant par Versailles et le plateau deSaclay. Le type suivant se caractérise par un très fortdéveloppement économique, tant quantitatif (vivecroissance des bases et de l’emploi) que qualitatif(élévation des qualifications de l’emploi). Ses locali-sations consacrent également la moyenne banlieueOuest, ainsi que les pôles économiques de la région :Cergy-Pontoise, Roissy et ses environs seine-et-mar-nais, Marne-la-Vallée, Evry, une partie de Sénart. Lescommunes du type suivant connaissent le mêmedéveloppement quantitatif mais sur une base peu oupas qualifiée. On a là la couronne d’extension immé-diatement située au-delà des limites de l’aggloméra-tion parisienne. Le quatrième type est constitué decommunes présentant un profil moyen ; c’est l’es-sentiel de l’agglomération parisienne hors zone cen-trale et hors banlieue Ouest. Enfin le type des com-munes en difficulté économique est plus dispersé. Onle trouve tant en zone centrale (Vitry, Noisy-le-Sec,Romainville, Le Bourget, Drancy, Stains,

Épinay/Seine, Gennevilliers, Clamart ...) que le longde Seine aval, dans le centre de l’Essonne (Bruyères-le-Chatel) et dans un vaste arc de cercle seine-et-marnais qui commence du côté de Milly-la-Forêtpour aboutir dans les environs de Meaux, en passantpar ceux de Nemours, Provins et Coulommiers.

La carte suivante (Carte 3) présente une géographiesynthétique du développement communal en neufgrands types. La proche et moyenne banlieue Ouest,ainsi que Paris ressortent gagnantes. La proche ban-lieue Nord et Est présente deux profils : soit des com-munes socialement pauvres et économiquement endifficulté, soit des communes socialement pauvresmais économiquement dynamiques12. La proche ban-lieue sud-est (Val-de-Marne) présente une plus gran-de diversité de situations, ce qui suggère qu’il s’agitd’une des zones de la région qui se prête le mieux àune stratégie de maintien de la mixité urbaine. Lacarte montre aussi que le profil socio-économique deMarne-la-Vallée est dérogatoire à son environnementSeine-et-Marne. On observera par ailleurs la mar-queterie des situations dans la Seine Aval ou dans leVal d’Oise dans la zone de Cergy-Pontoise. Uneautre zone à forts contrastes, mais plutôt tirée par lehaut, est l’ensemble Montereau-Fontainebleau-Melun.

Cette géographie atteste donc à la fois une micro-dif-férenciation, qui serait du reste plus poussée encoresi on disposait de données infracommunales et deséléments d’homogénéité spatiale : la banlieue chic, laproche banlieue Nord, la spécificité des villes nou-velles dans leur environnement, ... Le découpage del’espace régional, notamment à fins de mutualisa-tion des ressources fiscales, se heurte donc à cettedifficulté d’une différenciation croissante de l’es-pace à la fois à l’échelle fine (celle des communes)et à l’échelle de vastes sous-ensembles aux perfor-mances socio-économiques tranchées. C o m m el’indiquait le chapitre II, la mutualisation des res-sources n’a pas du tout le même contenu selon qu’onse trouve en banlieue chic ou en banlieue populaire.C’est ainsi qu’aux Mureaux, à Gennevilliers,Sarcelles, Aulnay-sous-Bois, Bobigny, Saint-Denis,Créteil ou Vitry-sur-Seine, la mutualisation des basesde TP avec les communes limitrophes conduirait àune base par habitant inférieure à ce qu’elle est dansla commune centrale [Béhar, Davezies et Korsu1999].

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13 Ce triptyque: services de proximité-services publics locaux-navettes, est à la base du travail initié par la direction générale de l’INSEEsur les solidarités fonctionnelles locales.

1.2. L’impossible découpage de l’espace régional

Muni de cette trame communale synthétique, on peutmieux caractériser les différents sous-ensembles del’espace régional. Mais on ne saurait, pour autant, selivrer à l’impossible exercice consistant à découperl’espace francilien une fois pour toutes. Parmi l’en-semble des raisons de cette impossibilité, listées enannexe, on insiste ici sur la difficulté inhérente auxéchelles : l’organisation de l’espace métropolitaindistingue et articule plusieurs échelles. On peut,pour simplifier, les réduire à trois principales.

a) Les “aires locales”, définies par exemple par lesnotions de pôles ou d’aire d’influence. Elles sont dessi-nées par les services de proximité, les services publicslocaux, l’aire d’influence des pôles d’emploi (part desactifs résidents d’une commune allant travailler danstel pôle d’emploi)1 3. C’est aussi l’échelle (mais pas for-cement dans le même découpage!) des projets nés desregroupements intercommunaux locaux. b) Les “systèmes d’échelle métropolitaine” d e s s i-nent des espaces continus ou discontinus, en général lelong d’axes de transport, donc à dominante radiale,découpant l’Ile-de-France en vastes quadrants. Ilsassocient souvent les pôles majeurs à la zone centraledense de la région, et sont donc trans-départementaux.Il peut s’agir à nouveau de services à la population,mais pour ceux de grande envergure (universités,hôpitaux, hypermarchés ...). Il peut s’agir à nouveau

de navettes, mais cette fois-ci en termes d’aire derecrutement des pôles d’emploi c’est-à-dire du lieu derésidence des actifs en valeur absolue. Il s’agit enfindes trajectoires de desserrement des établissements, lelong des axes de communication ; ou de desserrementdes habitants (migrations résidentielles), que ce soit àpartir de la zone dense ou à partir des villes nouvelles.

c) Le “système régional” est constitué par de macro-découpages associant de vastes zones complémen-taires. Chacune de ces zones n’a pas de sens en elle-même, et se comprend dans son articulation auxautres. Soit qu’il s’agisse d’une division spatiale del’activité économique, qui dessine des aires de spé-cialisation fonctionnelle comme l’aire logistique del’arc nord-est, l’aire de concentration des servicesd’expertise dans le centre des affaires à Paris Ouest etdans le centre des Hauts-de-Seine), ou encore l’aireconceptionnelle de la banlieue sud-ouest [Damette,Beckouche, Vire 1997]. Soit qu’il s’agisse de la dis-tinction de deux grandes zones, la zone urbaine dense,o rganisée par le réseau de transports collectifs, et lazone peu dense, celle de la voiture. Soit encore qu’ils’agisse de la partition sociale de l’espace résidentielfrancilien. Cette cartographie n’est pas construite surle mode pôles/aires d’influence, mais sur une divisionde l’espace régional dans sa globalité. Le système régional se définit également par sonunité, c’est-à-dire par le fait qu’on ne saurait le

Carte 3 : Typologie communale du développement social et économique

Source : OEIL

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14 On s’est intéressé à la façon dont La Poste et France Télécom, deux entreprises de réseaux culturellement proches de l’administration publique,dont elles sont issues, découpaient le terr i t o i re francilien [Beckouche et Pflieger 1999]. Pour compléter avec le cas d’une entreprise totalement pri -vée, on a choisi une banque (Société Générale), car son implantation nécessairement exhaustive dans la région implique une réflexion sur sa terr i -torialisation. Les quelques interviews menées apportent les enseignements suivants. (i) Ces entreprises s’affranchissent peu à peu d’une org a n i s a -tion qui portait la marque de la trame administrative, en régions et départements. Elles se rapprochent de découpages plus conformes au marc h éc ’ e s t - à - d i re plus conformes à la différenciation fonctionnelle de l’espace francilien. Dans cette aire métropolitaine, la trame départementale perdc l a i rement de sa pertinence. (ii) Leur dispositif ne se limite pas à ces découpages de base: il met également en œuvre des éléments de logique métro -politaine. L’ o rganisation de chacune des trois entreprises considérées retient l’Ile-de-france comme une échelle de référence. (iii) Ces tendances sontd’intensité inégale selon les cas: elles sont très claires pour la Société Générale, elle guident la réorganisation en cours à France Télécom, et appa -raissent à peine à La Poste. En revanche cette dernière reste part i c u l i è rement sensible aux impératifs de la géographie prioritaire .

découper. Le meilleur exemple est donné par le mar-ché du travail de Paris intra-muros. même à proximi-té immédiate d’un pôle d’emploi important, les actifsqui résident en banlieue vont souvent davantage tra-vailler à Paris. Cette influence parisienne s’est rédui-te avec l’émergence de ces pôles de banlieue ; maiselle reste considérable, et elle s’est plutôt élargie ensuperficie, coiffant la plus grande partie de l’espacefrancilien et débordant largement sur le départementde l’Oise.

Au total on le voit, autant les systèmes locaux peu-vent être circonscrits (et pas de manière univoque),autant les systèmes d’échelle métropolitaine et plusencore le système régional font appel à une cartogra-phie aux contours flous et intersectés. Cette com-plexité ne condamne évidemment pas la territoriali-sation de l’action publique. Mais cela suppose :

– d’identifier des destins communs qui peuvent asso-cier plusieurs communes en un territoire dont lescontours seront variables, même si l’on peut approxi-mativement le consolider ;

– d’accepter une spatialisation discontinue le caséchéant (ce qui est peu dans la tradition administrative) ;

– de considérer la territorialisation de l’actionpublique bien au-delà des seuls contrats, qui sontune approche parmi d’autres. Notamment un desimpératifs pour les instances d’envergure régionale,préfecture d’Ile-de-France et Conseil régional, estd’articuler des territoires spécifiques mais insuff i-samment reliés les uns aux autres. Au sein de larégion, on pourrait identifier un certain nombre deterritoires à enjeux au titre de cette nécessaireconnexion. Les portes de Paris (lien Paris/trèsproche banlieue), la Plaine de France (de part etd’autre de l’A1), la Seine amont (rive gauche/rivedroite et banlieue/Paris) en feraient certainementpartie. Cet enjeu de connexion territoriale se lit à uneéchelle trans-départementale – ce qui n’est pas nonplus dans la tradition administrative1 4. Il conduit uneprise en compte de territoires plus vastes que ceuxde la contractualisation ;

– de veiller à ce que le périmètre des futurs contratsd’agglomération ne soit pas corseté par ceux descontrats de Ville, qui doivent être définis plus tôt etqui risquent donc de l’être sur des périmètres limi-tés. La question se pose notamment pour les villesnouvelles.

II. UN RÉFÉRENTIEL TERRITORIALPOUR L’ACTION PUBLIQUE ENILE-DE-FRANCE

On reprend ici, en les reformulant à la lueur des évo-lutions récentes, les grandes orientations de l’État surle territoire francilien telles qu’elles sont données parle SDRIF et les documents consacrés à la stratégie del ’État en Ile-de-France dans le cadre de la préparationdu Contrat de plan. Elles sont au nombre de quatre :

– la valorisation de la zone dense et la lutte contrel’étalement urbain ;

– le polycentrisme (desserrement de Paris et armaturede la banlieue, polarisation et lutte contre l’étalement) ;

– le rééquilibrage entre l’est et l’Ouest de l’agglomé-ration parisienne ;

– la lutte contre les inégalités et l’exclusion socio-spatiales.

Pour chacun d’elles, on assortit le constat des enjeuxterritoriaux de questions adressées aux politiquespubliques.

2.1. Valorisation de la zone dense et lutte contrel’étalement

Une nécessaire revalorisation de l’espace dense

Les différentes motivations du SDRIF à valoriser lazone centrale sont renforcées par les évolutionsrécentes. La lutte contre la pollution de l’air (loi surl’air) conduit à limiter l’augmentation des déplace-ments ; les questions sociales prennent un tour urgentdans la zone centrale ; des études récentes sur le coûtde l’éloignement lié au poste transport des ménages,confortent l’idée d’une ségrégation socio-résidentiel-le en fonction de la distance au centre de l’agglomé-ration parisienne. Les enjeux de valorisation de l’es-pace déjà construit sont mis en avant par le souci dereconstruire la ville sur la ville.

Une zone dense difficile à découper

Le découpage de l’espace est plus aisé en zone peudense, et valorise donc mieux les pôles ainsi mis enévidence que dans la zone dense. Dans cette derniè-re, l’intrication des espaces fait que l’on déterminedifficilement des lignes de forces et des pôles dontles contours seraient indiscutables ; les découpagessont donc à géométrie variable :

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15 Produits fiscaux et dotations de l’État, cf. [Béhar, Davezies et Korsu 1999].

– tantôt à l’échelle de quelques communes ;

– tantôt à l’échelle de l’ensemble de Paris et des deuxou trois premiers rangs de communes (la “zonemétro”, celle des fortes densités en emploi, c’est-à-dire l’aire d’extension parisienne par-delà le périphé-rique ce que l’on pourrait appeler la zone centrale).La très proche banlieue est associée au marché dutravail de Paris, dans les deux sens : les arrondisse-ments périphériques recrutent une partie de leursactifs dans les communes limitrophes ; la carte dulieu de travail des parisiens qui ne travaillent pas àParis désigne elle aussi la très proche couronne, avecune forte sur-représentation de la couronne de com-munes limitrophes, notamment de l’Ouest. Le débor-dement de l’influence parisienne par-delà le périphé-rique ne se réduit pas à l’Ouest : le desserrement desentreprises parisiennes, y compris dans les activitésprestigieuses, concerne aussi les communes limi-trophes du Val-de-Marne et de Seine-Saint-Denis.Enfin le marché du travail des salariés les moins qua-lifiés associe également fortement Paris à la prochebanlieue Nord.

– tantôt encore à l’échelle de l’ensemble de la zoned e n s e : proche couronne et prolongements versVersailles-Saint Quentin, la vallée de l’Yvette et leplateau de Saclay, la vallée de la Seine jusqu’à Evry-Corbeil, Marne-la-Vallée ...

De fortes différences entre zones dense et peu dense

La distinction entre zone dense et zone moins dense,soit, grossièrement, entre proche et grande cou-ronnes, reste fondamentale dans l’espace francilien.C’est vrai :

– pour l’organisation de l’espace (imbrication en zonedense, distribution plus lisible en zone peu dense) ;

– pour la mobilité (distances courtes et TC en zonedense, déplacements plus longs, en voiture, et dansdes directions variées en zone peu dense) ;

– pour la densité d’emplois et notamment desemplois les plus stratégiques (qui restent concentrésà Paris et en proche couronne) ;

– pour le type de population (âgée et faite deménages de petite taille ici, de grands ménages là) ;

– pour l’assistance aux populations les plus en diffi-culté, plutôt concentrées dans la zone dense ;

– pour les services publics (un tiers sont en grande cou-ronne alors qu’elle regroupe plus de 40 % de la popu-lation et que la croissance démographique y est la plusélevée, Tableau 10). Cela focalise les esprits sur lesous-équipement de la grande couronne. L’ o b j e c t i fd’égalité dans le service rendu pousse à développer engrande couronne des services sous-représentés. Maisl’objectif de lutte contre l’étalement et de valorisationde la zone centrale pousserait plutôt à mettre l’accentsur l’accessibilité aux services de la zone centrale ;

– pour les ressources financières publiques15, lescommunes de la proche couronne étant mieux dotéesque les autres.

Les questions aux politiques publiques sont les sui-vantes :

– Comment articuler (et non opposer) les deuxzones ? La lutte contre l’étalement ne doit pas oppo-ser la ville dite “émergente” et la petite couronne,mais au contraire les articuler. Beaucoup des terri-toires à enjeux de la région sont situés à la jonctionde ces deux zones. Il y a donc là une difficulté : ledécoupage départemental et les réalités géogra-phiques conduisent à différencier les deux zones,quand l’efficacité du système métropolitain, notam-ment en termes de transports, requiert plutôt de lesassocier. Dans ce cadre, les pôles majeurs de moyen-ne banlieue et notamment les villes nouvelles occu-pent une place déterminante. Ces questions concer-nent particulièrement le système de transport (articu-lation voiture/TC) et l’accès aux services publics.

(a) ingénieurs et cadres des fonctions de commandement et de conception du système productif (industrie, BTP, transports, com -merce de gros, services aux entreprises, activités financières...). (b) emplois publics de la sécurité, de la justice, de la santé, du social, de la culture, des loisirs, et de la formation.

Source Insee: (Recensements pour 1982 et 1990, ELPpour la population 1996, estimations Insee pour l’emploi 1997, Insee/traite -ment Strates-Ladyss pour l’emploi des services publics).

Tableau 10 : Part (%) dans l’emploi et la population francilienne de Paris et de sa banlieue

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– Comment valoriser la zone centrale ? L’ampleurdes problèmes fonciers suggère une politique fonciè-re ambitieuse mais coûteuse. L’ampleur des pro-blèmes sociaux actuels demande des mécanismesfinanciers publics spécifiques. Les carences des rela-tions tangentielles de banlieue à banlieue demandentun volontarisme politique fort pour contrecarrer untropisme radial qui demeure puissant auprès des élus(voir le débat sur la priorité entre extension de lazone métro et Grand tram).

2.2. Polycentrisme

La polarisation, une réalité géographique fortedans l’espace francilien

L’espace est de moins en moins homogène, parce quela polarisation est une tendance lourde de la localisa-tion des activités (emplois et services). Et parce queles partis de l’aménagement régional depuis trente ansont accentué le trait en favorisant l’émergence d’unedemi-douzaine de pôles majeurs en proche banlieue(La Défense) mais surtout en moyenne banlieue: lesvilles nouvelles, Roissy, l’ensemble Massy-Saclay.

Des pôles différenciés

Les pôles d’emploi sont au nombre d’une quarantai-ne en Ile-de-France. Au-delà des pôles promus parl’aménagement régional, l’Ile-de-France compte eneffet des concentrations d’emplois dans la prochebanlieue de tradition industrielle, en banlieue Ouest,dans la grande couronne (les villes-centres tradition-nelles de la périphérie francilienne). Ces pôles ontdes capacités d’entraînement territorial très diffé-rentes, que ce soit en matière de développement éco-nomique, de chalandise d’équipements ou de bassinsd’habitat. Certains pôles d’emploi ne sont pas vérita-blement des centres urbains ; certains centres urbainssont des pôles d’emploi peu actifs. Voir les pôlescomme autant de centres organisant une aire d’in-fluence périphérique locale, donc autour desquels onpourrait définir un découpage géographique, ne cor-respond pas à la réalité. L’imbrication de l’aire d’in-fluence des pôles en proche couronne ajoute à lacomplexité.

Des pôles hiérarchisés

La hiérarchisation des pôles, réalisée sous l’effet dujeu du marché ou de l’aménagement régional, est unedonnée essentielle du territoire francilien. Un petitnombre de pôles (les pôles dits majeurs auxquels onpourrait rajouter d’autres pôles émergeant en ban-lieue Ouest comme à Boulogne-Issy) sortentgagnants des transformations économiques de l’es-pace régional depuis une vingtaine d’années. Enrevanche, de nombreux pôles de la banlieue de tradi-tion industrielle, ou des centres urbains traditionnelsde la périphérie francilienne, ressortent perdants.

Paris constitue un cas à part. Sa dimension et ses dis-parités internes font qu’on peut difficilement le

considérer comme un pôle homogène. D’un autrecôté, l’ensemble fonctionne à certains égards commeun pôle au sein de l’espace francilien. Son poids dansles emplois stratégiques ou les grands équipementspublics recule très rapidement pour ce qui concernel’emploi mais il reste considérable. Le desserrementdes entreprises parisiennes continue d’alimenter unebonne part du développement de la proche banlieue.Enfin la concurrence des pôles qui ont émergé enbanlieue ne saurait faire oublier que Paris demeurel’espace qui conserve les meilleurs atouts de déve-loppement (prestige, variété des activités, présencede services d’expertise, excellence des moyens detransport et notamment accès aux transports ferrés etaériens internationaux).

Une précédente étude pour la DREIF avait dresséune typologie des pôles en huit catégories, variant enfonction du degré de présence des métiers et secteursstratégiques. Le résultat est limpide : les pôles direc-tionnels du système productif (ceux de la banlieueOuest pour l’essentiel), les villes nouvelles et Roissycréent des emplois, les autres pôles en perdent oustagnent [Damette, Beckouche et Vire 1997].

Les pôles majeurs, lieux de l’articulation deséchelles

Les villes nouvelles et les autres pôles majeurs sontpar excellence des lieux d’articulation des échelles. ÀC e rgy par exemple se jouent des enjeux de proximité(sur le Vexin mais aussi sur la vallée de la Seine côtéYvelines), de lien aux autres pôles (Roissy, Saint-Q u e n t i n - e n - Yvelines avec le futur bouclage de la fran-cilienne, mais aussi Paris évidemment), et deconnexion au système économique de la vallée del’Oise. D’une manière générale, l’impact territorial despôles majeurs associe plusieurs niveaux d’échelles:

– l’influence sur l’environnement immédiat ;

– la connexion à Paris (le fondement de l’aménage-ment régional, notamment via le RER) ;

– les connexions aux autres pôles (déterminantesdans le cas des relations de Marne-la-Vallée à Roissypar exemple) ;

– leur rôle dans le fonctionnement des vastes qua-drants radiaux qui partent de Paris et passent par cespôles majeurs pour se poursuivre très loin en grandebanlieue (axe de la Seine jusqu’à Vernon, système del’A4 via jusqu’à Meaux, axe de l’A1 via Roissy jus-qu’à l’Oise, etc) ;

– la connexion de l’Ile-de-France aux capitales régio-nales du Bassin parisien, qui passe souvent par cespôles majeurs.

• Questions aux politiques publiques

– Faut-il encore conforter ces pôles, lesquels en par-ticulier ?

– Les villes nouvelles ne devraient-elles pas êtreinvesties d’un rôle renouvelé, par exemple en matièred’articulation entre politiques d’emploi et formationprofessionnelle, formation initiale, et transports ?

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– Comment, en allant au-delà de la seule politiqued’aménagement urbain, améliorer les effets d’inté-gration territoriale de ces pôles ? Cela à l’échellelocale (améliorer les relations avec l’environnementproche, éviter les effets de débordement qui bénéfi-cient à des communes proches d’un pôle qui ne sup-portent pas le coût des équipements) ; et à l’échellemétropolitaine.

2.3. Rééquilibrage Est/Ouest

Un déséquilibre quantitatif ...

Le déséquilibre entre l’Est et l’Ouest de l’agglomé-ration parisienne est avéré, qu’on le mesure entermes de création d’emplois, de qualifications del’emploi, de taux de T P, de problèmes sociaux, etc.L’évolution récente accentue les disparités, que cesoit sur le plan économique ou sur le plan social. Àtitre d’illustration, c’est en moyenne banlieue Nord(Sud du Val d’Oise) et Est (bordure occidentale de laSeine-et-Marne et vallée de la Seine) que l’évolutiondes allocataires des minimas sociaux alloués par laCAF (RMI, AAH, API) a le taux de croissance leplus grand dans les années quatre-vingt-dix. Lesindicateurs qui ont valeur prospective à titresd i v e r s : le retard scolaire des enfants, la présenced’établissements de formation bilingues donc l’at-traction pour les cadres étrangers, le câblage com-munal en haut débit, etc.) suggèrent la poursuite dece déséquilibre.

... mais aussi qualitatif

Le rapport des pôles à leur environnement n’est pas lemême à l’Ouest, où il faut parler d’interdépendance,et à l’Est, où leur effet d’entraînement est plus faible.En effet, les marchés du travail de ces pôles s’inter-pénètrent largement à l’Ouest ; ils associent Paris,proche banlieue et moyenne voire grande banlieue.En à l’Est, ces marchés du travail se juxtaposent plusqu’ils ne se chevauchent ; ils sont de petite dimensionce qui veut dire que leur aire de recrutement local estassez limitée (les populations locales vont en eff e td’abord et avant tout travailler à Paris intra-muros 1 6) .Le diagnostic vaut y compris pour Roissy et Marne-l a - Vallée, qui sont pourtant avec Paris les pôles à par-tir lesquels cette banlieue joue son redéveloppement.

Les déplacements des établissements au sein de l’es-pace urbain confirment cette différence. À l’Ouest, ily a une forte continuité entre Paris, les Hauts-de-Seine et leurs prolongements en grande couronne(selon des quadrants privilégiés ; vallée de la Seineaval, Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, vallée del’Yvette). À l’Est en revanche, le desserrement desétablissements est plus rare et moins contigu ; l’at-traction de la banlieue Ouest n’y est pas négligeable.Le desserrement des entreprises vers l’Est se joue entermes de concurrence (entre Val-de-Marne et Seine-et-Marne pour la logistique, entre Seine-et-Marne etfranges franciliennes où les collectivités aident lesentreprises candidates au desserrement), alorsl’Ouest il se joue en termes de concurrence et decomplémentarité.

Source: E.S.E. (Insee), établissements > 20 salariés, secteur marchand

Graphique 5 : Évolution de la part des ingénieurs-cadres dans l’emploi : des disparités territorialesaccrues (Secteurs d’étude du Sdrif, 1984-1995)

16 Il y a encore vingt ans, c’était l’inverse: la banlieue Ouest allait travailler à Paris, alors que ses usines rendaient la banlieue Nord et Estplus autonome. Cette dissymétrie intéresse aussi les villes nouvelles: Marne-la-Vallée est celle qui envoie la plus grande proportion de sesrésidents travailler à Paris [SGVN 1995].

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L’intégration sociale de ces pôles économiques estégalement différente. C’est à l’Est qu’elle pose le plusde problèmes. Par exemple, les jeunes peu qualifiésdu Nord de la Seine-Saint-Denis ont du mal à accéderaux emplois qui se développent à Roissy. Or la ban-lieue Nord et Est est celle dans laquelle la juxtaposi-tion entre des pôles d’emploi dynamiques et despopulations locales en difficulté est la plus fréquente.

Déséquilibre Est-Ouest et ressources financièrespubliques

Contrairement à ce qu’on pense souvent, le systèmefinancier public n’accentue pas le déséquilibre Est-Ouest. Les taux de taxe professionnelle ne sont pasdissuasifs pour le développement de la base dans laprésente décennie. Les explications sont les sui-vantes : (i) il y a internalisation de fait du taux de TPdans les prix fonciers locaux ; (ii) le rôle supplétif del’État dans le versement de la TP au-delà de 4 % dela valeur ajoutée, c’est-à-dire dans les communes àtaux élevé, limite les effets de ces taux élevés sur lesentreprise ; (iii) la banlieue Nord et Est reste attracti-ve pour les investissements industriels relativementlourds, qui ne peuvent pas toujours trouver accueil enbanlieue Ouest. Par ailleurs, si l’on ajoute aux quatreimpôts locaux les dotations de l’État aux collectivitéslocales, on obtient des ressources financièrespubliques qui ne sont pas plus faibles à l’Est qu’àl’Ouest (cf supra chapitre II). Cependant, plusieurséléments tempèrent ce résultat :

– le chaînage des taux fait que la pression fiscale surles ménages à travers la taxe d’habitation est plusforte à l’Est qu’à l’Ouest. Les habitants ressentent,même si c’est indirectement, les effets du différentieldes taux de T P entre l’Est et l’Ouest [Béhar,Davezies et Korsu 1999].

– il n’est pas commode d’évaluer le niveau desbesoins de ressources financiers ; ceux des com-munes de l’Est sont certainement importants.

– la distinction entre un développement plutôt capi-talistique à l’Est et à plus forte composante d’em-plois qualifiés à l’Ouest suggère que les fondamen-taux économiques restent plus favorables à l’Ouest.

• Les questions aux politiques publiques sont lessuivantes :

– Comment différencier les politiques publiquesen fonction des dynamiques territoriales propresà l’Ouest et à l’Est francilien ? Le fonctionnementde l’Est et de l’Ouest est qualitativement diffèrent, enproche couronne comme en grande couronne. Lerééquilibrage par l’aménagement a jusqu’ici pris untour surtout quantitatif ; comment passer à une ges-tion territoriale, plus qualitative ?

– Passer d’une conception d’aménagement à une ges-tion du territoire renouvelle en particulier la vocationdes villes nouvelles. L’amélioration de leurconnexion et influence sur les autres espaces de larégion, se pose en termes différents à l’Ouest et àl’Est. Cela justifie-t-il un traitement spécifique de

l’État pour les deux villes nouvelles de l’Est, Marne-la-Vallée et Sénart, voire Evry ? Sénart peut-elle etdoit-elle devenir, comme les autres villes nouvelles,un pôle majeur, afin de contribuer au développementde l’Est francilien ?

– Dans un souci de valorisation du pôle de Roissy,comment connecter, dans l’ensemble de la Plaine deFrance, les deux départements de Seine-Saint-Denis etde l’Est du Val d’Oise, dont la coupure est accentuéepar le tracé de l’A1 ? Comment améliorer les eff e t sd’entraînement de Marne-la-Vallée et du pôle deRoissy sur la proche banlieue Nord et Est? Commentarticuler Marne-la-Vallée et Meaux dont plusieurs desfonctions de centralité sont menacées par le projet decentre urbain du secteur IV de la ville nouvelle ?

– Comment améliorer l’articulation de Paris et de laproche banlieue populaire ?

2.4. Lutte contre les inégalités et l’exclusionsocio-spatiales, promotion de la mixité

Inégalités spatiales et pauvreté : deux géographesdifférentes

Les inégalités socio-spatiales, telles qu’elles peuventêtre renseignées par les indicateurs synthétiquescomme les catégories socioprofessionnelles ou lesrevenus fiscaux moyens des ménages, disent peu dechoses des problèmes de pauvreté. Les allocatairesdu RMI, par exemple, sont concentrés dans les com-munes dont les revenus fiscaux sont faibles, mais passeulement. Nombre de communes à revenus moyensvoire élevés, Paris en particulier, en accueillent uneforte proportion.

P a u v r e t é : des géographies différentes selon lesi n d i c a t e u r s

La géographie des problèmes sociaux ne se réduitpas à la proche banlieue Nord. Elle prend des formesspécifiques en grande couronne, dans les villes nou-velles, dans la vallée de la Seine aval (juxtapositionde zones pauvres et cossues), etc. Selon les indica-teurs considérés, cette géographie change. Il y a biensûr de fortes ressemblances, mais pas de recouvre-ment total. Même en matière de pauvreté, on ne peutpas se limiter au RMI. Selon les indicateurs considé-rés, différentes actions publiques se dessinent sur leterritoire francilien :

– Zones Urbaines Sensibles. Ici l’entrée est compo-site puisqu’elle comporte des aspects urbanistiques,de pauvreté, et de structure démographique (poids desjeunes). Une minorité des pauvres d’Ile-de-France estappréhendée par la géographie dite prioritaire.

– Échec scolaire. C’est un indicateur à la fois pros-pectif (puisqu’il porte sur les très jeunes) et sensible(car l’école et le collège sont devenus des moteurs dela ségrégation socio-résidentielle). Ici, la massivitéspatiale de la zone scolaire du noyau Nord prend uneimportance déterminante compte tenu des difficultés

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pour les parents des couches moyennes ou supé-rieures à y mener des stratégies de dérogation à lacarte scolaire.

– Allocataires du RMI. C’est l’indicateur de basedes problèmes d’insertion et de pauvreté. Mais iln’épuise pas toutes les situations : le minimumvieillesse concerne 42 000 bénéficiaires en Ile-de-France (décembre 1996), ce qui n’est pas négligeablepar rapport aux 170 000 allocataires du RMI. La géo-graphie des autres minima sociaux (ASV, AAH etASS pour les chômeurs en fin de droits) reste à faire.

– Précarité de l’emploi. On est ici dans le monde despersonnes insérées dans le marché de l’emploi, et nonplus de l’assistance. Les différentes formes de laflexibilité dessinent une des géographie pertinentesdes problèmes socio-économiques. Elle désigne, unefois encore, la proche banlieue Nord, mais aussi Paris.

– Santé publique. L’action publique se focalise sur lesproblèmes d’ordre public et de sécurité, de chômage etd’insertion. À ce titre, c’est bien normal, la prochebanlieue Nord se présente comme une zone d’inter-vention prioritaire. Mais l’anomie de certains jeunes

de grande banlieue (suicide, alcoolisme, consomma-tion de stupéfiants, détresse ...), dont le mode de viefamiliale est notamment perturbé par les longuesmigrations pendulaires de leurs parents, signale unefragilité sociale émergente pas suffisamment prise encompte. La Seine-et-Marne en est le territoire type.

• Questions aux politiques publiques :

– Comment tenir compte des réalités territorialesvariées des différentes expressions de la pauvreté,actuelle et émergente ?

– Avant (ou à côté) d’articuler les politiques secto-rielles sur une base territoriale, ne faut-il pas mieuxcomprendre les impacts spatiaux des politiques secto-rielles, notamment l’éducation (ce qui pose en particu-lier le problème d’une évaluation complète des ZEP) ?

– Comment sortir de l’ambiguïté de la politique de laville, dont le diagnostic est relatif à la concentrationde la pauvreté, mais dont les objectifs sont relatifs àla réduction des inégalités socio-spatiales ?

C’est à partir de l’ensemble de ces questions poséesaux politiques que pourrait être redéfinie une nou -velle stratégie de territorialisation de l’actionpublique adaptée aux fortes spécificités de l’Ile-de-France.

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Couper, coller. La géographie administrative remplitune double fonction : assembler et disjoindre.Découper le territoire, c’est à la fois permettre unedivision opératoire du travail politico-administratif etfaciliter la coordination entre les unités de base desarchitectures institutionnelles. Cette double injonc-tion suffit à souligner l’ambition mais aussi l’ambi-guïté de l’exercice. Les récentes lois Chevènement etVoynet encouragent des intégrations territoriales ded i fférentes sortes, facilitent la consolidation desregroupements tout en préservant la souplesse, maisne prennent pas explicitement en considération lanouvelle donne des organisations spatiales contem-poraines, particulièrement visible en Ile-de-France :interdépendances territoriales discontinues (l’écono-mie d’“archipel”) ; territoires “mille-feuilles”, fonc-tionnant selon une multiplicité d’échelles. Chacunespère faire à la fois simple et juste, comme si le“design institutionnel” pouvait s’affranchir de lacomplexité croissante de la société et de ses terri-toires. La multiplicité voire l’antagonisme des objec-tifs de promotion de l’intercommunalité militentpour le respect d’une diversité similaire des formesde construction et de “montée en généralité” de lacoopération.

Les critères de l’intégration territoriale

Il existe trois catégories de critères susceptibles de légi-timer la forme d’un regroupement territorial, en l’oc-currence intercommunal. Les deux premiers sont d’or-dre substantiel : ils se rapportent aux caractéristiquesintrinsèques des territoires. Le troisième est d’ordreprocédural et voit dans la coopération intercommunaleune ressource politique dans le jeu électoral.

L’intensité des re s s e m b l a n c e s , que ce soit aux plansgéographique, économique ou social, constitue un pre-mier critère. On parlera d’homogénéité, voire de com-mune identité. Ce critère vise les attributs des lieux,dans leur situation actuelle ou anticipée (prévue, espé-rée, voulue ...). Si l’on s’intéresse aux frontières, c’estla question des discontinuités spatiales qui retiendral’attention. Plus les territoires contigus seront simi-laires, plus les discontinuités apparaîtront faibles.

L’intensité des flux, autrement dit les liens d’échan-ge, offrent un deuxième critère de regroupement,

qualifié alors parfois d’aire fonctionnelle, tels lesbassins d’emplois ou les bassins de vie (respective-ment structurés par les déplacements domicile-tra-vail et l’accessibilité aux équipements d’usage quoti-dien). Un constat de polarisation répond à ce critèred’intensité des flux qui peut néanmoins égalements’observer en l’absence d’un rapport centre/périphé-rie. En termes de frontières, l’intensité des fluximplique un “effet-barrière”ª faible.

Plusieurs notions cherchent métaphoriquement àdésigner ces modes de regroupements. Il faut souli-gner que des expressions comme “destin commun”,“affinité”, “communauté d’intérêt”, “solidarité”, nerendent pas compte de cette dualité des critères sub-stantiels de l’intégration territoriale. L’affinité pen-cherait plutôt du côté de l’intensité des ressem-blances ; la communauté d’intérêts vers l’intensitédes flux, de même que la cohésion (terme utilisé parla rhétorique des “pays”) ... Quant à la solidarité,selon les occurrences, elle désignera les liens entreéléments semblables d’un même groupe ou les com-plémentarités d’individus (de territoires) différents.

L’intercommunalité comme ressource politique –troisième critère – pourrait prêter à dénonciationcomme effet pervers des coopérations intercommu-nales. Mais le territoire est inhérent à la représenta-tion politique, tout découpage influence le jeu élec-toral : “l’intercommunalité” s’insère dans le jeu bienétabli de la concurrence entre les grands élus qui, parlà même, voient dans cette coopération intercommu-nale un moyen supplémentaire pour accumuler desressources nécessaires à leur implantation territorialeau détriment de celle des concurrents (...). Le résultatde cet usage de la coopération n’est pas sans para-doxe : il isole des entités territoriales, certes pluslarges que celles des communes, pour dessiner unecarte politique locale orientée par le souci d’élusdominants de se placer au centre de ces nouveauxterritoires [Massardier, 1997]. Les rationalités,contingentes, des élus locaux prennent en compte desparamètres liés aux découpages préexistants, en par-ticulier ceux des circonscriptions électorales. Ellesparticipent à la fabrication des “grands” élus. “Lesstratégies de regroupement affinitaires produisentparfois des configurations territoriales surprenantesqui peuvent évoquer les salamandres et autres “ger -

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A N N E X ED É C O U PAGES ET REGROUPEMENTS T E R R I TO R I A U X :

LES GÉOGRAPHIES PROBLÉMATIQUES DE L’INTERCOMMUNALITÉ DE PROJET

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ry m a n d e r i n g” [du nom du gouverneur duMassachusetts Gerry qui, pour accroître les chancesde son parti, s’était livré au début du XIXème siècle àdes opérations sophistiquées de découpage des cir-conscriptions]. Des communes se retrouvent isolées(...). L’un de ces critères tacites est souvent celui deshabitudes et des routines associées aux découpagespréexistants, dont l’efficacité se trouve éventuelle-ment redoublée par les efforts d’un élu soucieux defaire correspondre le périmètre de l’EPCI avec celuide sa circonscription [Gaxie, 1997].

Les ambitions de l’intégration territoriale

L’intégration territoriale poursuit trois objectifs : larationalisation de la géographie administrative à finde contractualisation ; l’adaptation des cadres institu-tionnels aux réalités socio-économiques à fin d’effi-cacité ; le développement de projets territorialisés àfin de mobilisation des acteurs. Le mot d’ordre desrapports Auroux et Chérèque : “un territoire, un pro-jet, une stratégie, un contrat les résume en postulantleur convergence. La définition légale des “pays”comme des “agglomérations” fait de même.L’analyse dément cet optimisme. On propose ici troisarchétypes, trois formes épurées d’intégration territo-riale, dont les complémentarités et les antagonismessont ensuite précises.

1) Des regroupements intercommunaux consoli-dés. La consolidation, en matière d’intercommunali-té, fait référence à la pérennité des institutions et à lamultiplicité de leurs vocations (compétence généra-liste). L’hétérogénéité croissante des territoires com-mande une adaptation fine de l’action publique auxspécificité locales, et donne lieu à une multiplicationde périmètres locaux. Or l’État comme les Régionsont besoin d’interlocuteurs stables et compétents, ausens juridique du terme, pour valider leursdémarches contractuelles. Le citoyen recherche luiaussi une réduction de l’opacité de structures inter-communales dont l’enchevêtrement nuit à la démo-cratie locale, au-delà de la seule question de l’élec-tion au suffrage direct. La lisibilité des politiques etl’affichage des responsabilités passent par la mise enscène de ces partenaires consolidés, au bon nombreet à la bonne taille. Au regard de cette finalité, ce sontmoins les critères de découpage que le produit final– les EPCI – qui importent. Cet intérêt intrinsèquedes regroupements se retrouve dans l’objectif de sim-plification de la carte administrative par harmonisa-tion des découpages, en vue de faciliter la territoria-lisation des politiques sectorielles de l’État.

2) Des territoires pertinents. Gérer les problèmes àla bonne échelle ! Les anglo-saxons emploient l’ex-pression “issue area”. Cette ambition de “l’optimumdimensionnel” aboutit à formaliser une multiplicitéde territoires en fonction de la question traitée, qu’ils’agisse d’espaces fonctionnels de la demande (lescomportements des ménages ou des entreprises, sin-gulièrement en termes de mobilité) ou des espaces de

l’offre (services en réseaux en particulier). La conci-liation d’espaces techniques de mise en œuvre desdécisions et d’espaces politiques de délibération etsanction, passe par la fragmentation. L’exemple amé-ricain – application de la théorie du Public Choice –est à cet égard éclairant.

Personne ne nie la diversité de échelles géogra-phiques auxquelles se posent les problèmes urbains.On reconnaît au contraire “la pluralité et de la diver -sité, particulièrement celles des niveaux de pilotagedes territoires en fonction des objets considérés : onne conduit pas l’emploi, l’environnement, le patri -moine, avec des outils standardises, homothétiques”[Voynet, 1999]. Les plus optimistes croient néan-moins en un territoire optimal, par exemple les airesurbaines de l’Insee, a priori pertinentes pour les poli-tiques du transport, de l’habitat, du développementéconomique. Mais il s’agit au mieux d’un compro-mis, l’ensemble des politiques publiques territorialesn’ayant pas vocation à se subsumer dans l’aire urbai-ne ou un quelconque autre espace fonctionnel. “Lathéorie pure (...) plaide pour une taille optimale dif-férente en fonction de l’importance des externalitésgénérées par un service public particulier. L’exempled’une cantine scolaire et d’un opéra suffira à fairecomprendre que la théorie réclame des collectivitéslocales à géométrie variable, suivant la nature dubien public fourni. La complexité d’une telle organi-sation néglige évidemment les coûts de prise de déci-sion dans cet écheveau de collectivités locales àvocations spécifiques, et il est normal de “consoli-der” la fourniture de plusieurs services publicslocaux sous la responsabilité d’une juridictionunique. La taille de cette juridiction ne peut êtreconsidérée comme optimale pour aucun des servicespublics pris en particulier [Trannoy, 1997].

Dès lors, dans cette catégorie de l’intercommunalitépar les territoires pertinents, reste l’intercommunali-té dite de gestion : exploitation des “tuyaux” detoutes sortes d’une part, afin de rationaliser l’offre deservices et de profiter d’économies d’échelles ;accompagnement et valorisation de projets secto-riels, sous forme de zonage quasi-opérationnel.

3) Des réseaux d’acteurs et d’action publique. Àl’intercommunalité de gestion, juristes et écono-mistes opposent l’intercommunalité de projet, char-gée de mobiliser les acteurs locaux de tous ordresautour d’enjeux partagés. La première “rassemblel’intercommunalité de services publics et de péré-quation”, qui vise à rationaliser l’offre de servicespublics locaux et les conditions de son financementpour davantage d’efficacité et de transparence. Larationalité d’ensemble du système est principalementéconomique et le comportement de chaque collecti-vité impliquée est dicté d’abord par la recherche d’unsurplus individualisé des avantages sur les coûtsengendrés par la participation à l’intercommunalité.Les maîtres mots seront, dans ce cas, l’exploitationdes économies d’échelle (par réduction des coûts

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fixes unitaires), l’accès à une gamme plus étendued’équipements. L’intercommunalité de projet se veutd’emblée plus large : “ elle implique au minimum lamise en commun de réflexions sur l’avenir d’unespace territorial, sur les stratégies de développementpossibles et souhaitables, ce qui correspond à l’inter-communalité d’étude et de concertation. C’est sur cetespace où l’incertitude a été volontairement réduitede façon coopérative, que peuvent alors s’inscriredes “projets”, et notamment des projets de dévelop-pement local” [Gilbert, 1997]. Dans le modèle dudéveloppement local, le territoire est contexte maisaussi outil de coordination. Il facilite les synergies auprofit de démarches globales et cohérentes. straté-gique, le projet réduit les incertitudes en mutualisantles risques.

Quant à l’ambition du développement durable, ellepose une belle énigme au planificateur. Mais commetoute idée neuve, le développement durable a besoinde parrains, de porte-parole spécifiques, donc de “ter-ritoires d’émergence”, à l’instar des périmètres detransport urbain lorsqu’il s’est agi de promouvoir lerenouveau du transport collectif dans les années 70.

Contradictions et complémentarités

Comme l’a montre l’évaluation des exercices de pré-figurations des “pays”, la barque des ambitions dereforme du paysage institutionnel apparaît trop char-gée. Car s’il y a complémentarité entre certains desobjectifs énoncés, les contradictions sont plus nom-breuses encore. Ainsi, les “territoires pertinents s’op-posent à l’intercommunalité consolidée : la notionmême d’optimum dimensionnel (territoire pertinent)implique une intercommunalité à géométrie variablequi entre en contradiction avec celle de compétencegénérale (intercommunalité consolidée)”. L’ i d é ed’optimum dimensionnel n’est viable que si l’onen tire toutes les conséquences, c’est-à-dire si l’onrompt radicalement avec l’idée et la tradition decollectivités à vocation générale. [Mény, 1990].

Pour cause de différence de temporalité, l’intercom-munalité consolidée (donc pérenne) s’oppose encoreaux territoires pertinents. On imagine mal réviser undécoupage intercommunal en fonction du phasage demise en œuvre d’une ligne de tramway, de l’exten-sion d’un réseau d’assainissement, de la restructura-tion des bassins de chalandise par ouverture d’unnouvel hypermarché ou de l’allongement des dépla-cements domicile-travail. Pour des raisons simi-laires, l’intercommunalité consolidée s’oppose aussiaux réseaux d’acteurs et d’action publique, qu’ilsconcernent un nouvel enjeu, qui par définitionimplique un nouvel espace (territoire d’émergence :une intercommunalité rigide sera peu à même d’inté-grer des préoccupations naissantes), ou une inter-communalité de projet, la notion même de projetimpliquant une limitation dans le temps.L’intercommunalité consolidée s’oppose également àl’intercommunalité de solidarité, car elle produit deseffets d’exclusion : plus forte est l’intégration, plus

forte est la coupure. L’intercommunalité de solidari-té se voit également mise à mal par l’intercommuna-lité de projet, qui sélectionne ses bénéficiaires tout enjouant la carte de la concurrence. Elle produit, logi-quement, des délaissés : “un peu de découpage créede la sociabilité et de la solidarité, beaucoup dedécoupage les assassine” [Vannier, 1998].

Des complémentarités subsistent, malgré tout.L’intercommunalité consolidée crée de nouveauxpartenaires pour la contractualisation tout en partici-pant à la simplification des découpages. Inter-communalité de tuyaux et valorisation des projetssectoriels font bon ménage. Sous certaines condi-tions, les mêmes tuyaux et projets sectoriels peuventnourrir une intercommunalité de projet. Enfin, l’in-tercommunalité de solidarité n’a de chance de voir lejour qu’à condition de s’appuyer sur les interdépen-dances préexistantes des territoires pertinents. Ledépassement de ces contradictions comme la valori-sation de ces complémentarités passent par une hié-rarchisation des objectifs de l’intégration territorialeselon les caractéristiques des situations locales.

Trois dynamiques d’intégration

La résolution de ces difficultés peut emprunter troisvoies :

1) Des dynamiques territoriales aux réseaux d’ac-tion : la prise de conscience. intensité des ressem-blances ou intensité des flux croissantes constituentdes dynamiques territoriales observées. Les ressem-blances peuvent se rapporter à une caractéristiquenaturelle (une vallée ...), à un type d’urbanisme, àune catégorie de population, etc. Les flux peuventconcerner des bassins d’emplois, mais aussi des tra-jets de rabattement à un noeud d’interconnexion, etc.Lorsque la dynamique territoriale révèle une intensi-té de flux entre des territoires hétérogènes (singuliè-rement par leur niveau de richesse), il y a une poten-tialité de transformation de cette dynamique en inter-communalité de solidarité, alors susceptible de setransformer en intercommunalité de projet.

2) Du projet à l’institution : la montée en généra-lité. La dynamique de projet ne se transforme pasautomatiquement en intercommunalité consolidée. Ilfaut que s’effectue une “montée en généralité”, pourque la coopération ne se cantonne pas au domaine ouproblème qui a fait émerger le projet. Ce processusde globalisation dépend de la nature du projet initial,en particulier du rôle qu’y tient la proximité géogra-phique (donc les relations entre les communes), maisaussi de phénomènes éventuels de conquête de lea-dership politiques.

3) De l’intercommunalité sectorielle à l’intercom-munalité consolidée : la construction politique. Uneintercommunalité de gestion préexistante ou lamutualisation d’un projet sectoriel (une ligne detramway ...) peuvent constituer l’occasion d’un jeupolitique mettant en exergue un “destin commun”, se

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traduisant par l’élaboration conjointe d’une inter-communalité consolidée et de ce qui s’appellera alorsun projet de territoire. Il s’agit d’une constructionpolitique, en ce que les dynamiques territoriales nepréexistent pas au renforcement de la coopérationintercommunale mais en sont plutôt le produit.L’ e ffet d’opportunité (intercommunalité favoriséepar une “carotte” financière étatique) crée alors, souscertaines conditions, une autre sorte de montée engénéralité. De fait, c’est bien par un tel processus queles communes (au périmètre souvent arbitraire ouhistoriquement obsolète, particulièrement en petitecouronne) et les départements ont en Ile-de-Franceacquis légitimité et efficacité politique.

La formalisation de ces processus d’intégration terri-toriale ne s’inscrit pas dans les attendus les plus cou-ramment énoncés des encouragements à l’intercom-munalité comprise comme première phase à la dispa-rition du niveau communal (à l’instar d’une régiona-lisation qui signerait le dépérissement progressif dudépartement).

Il est au contraire possible de défendre l’idée que,“entre le “vieux” (la commune, le département),et le “neuf” (l’agglomération, les territoires deprojet), le modèle politique de régulation territo-riale du XXIe siècle articulera durablement lesniveaux distincts de la gouvernance et du gouver-nement public” [Estèbe et Béhar, 1999].

Ce plaidoyer pour une raisonnable impertinence desgéographes intercommunales ne doit pas être com-pris comme un relativisme laxiste considèrant a prio-ri tout type de rapprochement entre municipalitéscomme digne d’intérêts et de subsides. Il s’agit seu-lement d’admettre qu’un même modèle organisation-nel ne peut répondre à toutes les singularités territo-riales et qu’une même procédure, utilisée de manièretrop standardisée, ne saurait faire fructifier au mieuxles rapprochements intercommunaux. Ces dyna-miques existent en Ile-de-France. Il serait paradoxalque les tentatives actuelles de promotion de la coopé-ration les méconnaissent au profit de l’impositiond’un modèle.

Dynamiques territoriales Dynamiques Intercom.(intensité dedes flux Intercom. projet consolidéeou des ressemblances) de

solidarité

PRISE DE CONSCIENCE MONTÉE EN GÉNÉRALITÉ

Intercom. consolidéeIntercom. de “tuyaux” DynamiqueValorisation de de projetprojets sectoriels de territoire

Réseaux d’acteurs

CONSTRUCTION POLITIQUE MONTÉE EN GÉNÉRALITÉ

Encadré : Les dynamiques de l’intégration territoriale

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Comité de rédaction de la série “Synthèses et re c h e rc h e s ” : Maurice Abeille (CERTU), Hélène Abel-Michel (DRAST), MichelBonetti (CSTB), Gérard Brun (DRAST), Bernard Duhem, Jean Frebault (CGPC), Jean Pierre Giblin (DRAST), Marie Hélène Massot(INRETS), André Pény (DRAST), Michel Rousset (CERTU), Franck Scherrer (Institut d'Urbanisme de Ly o n ) .

Comité de rédaction de la série “Veille internationale” : François Ascher (PCA), Bernard Barraqué (LATTS-ENPC), PhilippeBlancher (Economie et Humaniste), Jean-Claude Boyer (Université de Paris VIII), Dominique Drouet (RDI), Yves Geffrin (DRAST),Cynthia Ghorra Gobin (IEP-Paris), Philippe Haeringer (IRD), Hervé Huntzinger (TETRA), Claude Lamure (INRETS), Jean-FrançoisLangumier (COFRUAT), Vincent Renard (Ecole Polytechnique), Franck Scherrer (Institut d’urbanisme de Ly o n ) .

D i re c t e u r de la publication : Jacques Theys, Responsable du Centre de Prospective et de Veille Scientifique. Rédaction, corre s p o n-dance, contacts : Marie-José Roussel, adresse : ministère de l'Equipement, DRAST, Tour Pascal B, 92055 La Défense cedex 04, E - M a i l : m a r i e - j o s e . r o u s s e l @ e q u i p e m e n t . g o u v. f r, tél. 01 40 8163 72. Secrétariat de rédaction et diff u s i o n : Monique Cavagnara.Conception, réalisation, impre s s i o n : Le Clavier. Achevé d’imprimer 4e trimestre 2001, dépôt légal n° 282. ISSN 1268-8533.

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Octobre 2001 – n° 57

Suite des documents disponibles :

50 L’économie invertie : mégapolisation, pauvreté majoritaire et nouvelle économie urbaine (Philippe Haeringer – 1999)51 L’évolution récente de l’ingénierie routière en Europe : une comparaison Royaume-Uni–Pays-Bas (Claude Vauclare – 2000)52 Ville et emploi, enseignement d’un programme de recherche (Evelyne Perrin – Nicole Rousier – 2000)53 Le financement de l’aménagement – réflexions à partir de quelques exemples étrangers : Allemagne, Pays-Bas, Royaume-

Uni, États-Unis (Vincent Renard – 2000)54 Les commissaires enquêteurs et l’interêt général (Xavier Piechaczyk – Laboratoire Rives – ENTPE – 2001)55 L’Etat et ses territoires en Europe : les réformes régionales en Angleterre et en Italie (LATTS – Christian Levefvre, 2001)56 La politique de la ville – une comparaison entre les USA et la France. Mixité sociale et développement communautaire

(Jacques Donzelot, Catherine Mével – mai 2001)

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