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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIX - n° 4 - avril 2015 100 100 dossier d d d do o do d d d d d d d d d d d d d d d d ss ss ss s ss s s s s s s i ie ie ie i i ie e e r r r Infections virales et endocrinopathies Points forts Highlights » La présence de virus différents dans des tissus thyroïdiens provenant de pathologies thyroïdiennes diverses font penser que plusieurs virus sont des candidats potentiellement impliqués, mais que leur rôle pathogène est probablement conditionné par la présence d’un terrain génétique prédisposant. » Les patients infectés par le VIH ont des anomalies thyroïdiennes de profil hypothyroïdie fruste ou basse T4. Elles sont moins fréquentes avec les nouveaux antiviraux qu’antérieurement ; il n’y a pas de stigmates d’auto-immunité et, de ce fait, cela oriente vers une entité plutôt iatrogène. Des données plus récentes montrent cependant la présence de ces anomalies chez des patients naïfs de traitement. La maladie de Basedow comme symptôme d’un “immune reconstitution syndrome” reste un risque chez les patients VIH lymphopéniques avant traitement. » Le virus de l’hépatite C (VHC) se réplique dans les thyrocytes, et la thyroïde est potentiellement un réservoir extrahépatique du virus. La thyroïdite auto-immune avec hypothyroïdie est une complication de l’infection virale elle-même et non pas seulement du traitement antiviral par interféron alpha (IFNα). La thyroïdite subaiguë est, elle, iatrogène secondairement aux traitements par IFNα. Des gènes prédisposant à ces thyroïdites auto-immunes virales ont été identifiés. » Les entérovirus, en particulier le CBV4 diabétogène, sont capables de se répliquer et de persister sous forme d’ARN dans les thyrocytes. Il n’a pas été mis en évidence de présence in situ plus fréquente dans les biopsies de thyroïde de patients atteints de thyroïdites. L’érythrovirus B19 est présent dans les tissus thyroïdiens des thyroïdes et des maladies de Basedow, mais il n’y a pas de preuve de son implication spécifique dans l’étiopathogénie de ces maladies. Mots-clés : Virus – Thyroïdite – Auto-immunité – Basedow – Infection virale. Different viruses have been found in various thyroid biopsies. Different viruses are then possibly involved in the onset of thyroiditis; however onset of thyroiditis is certainly depending on the patient’s genetic background. Patients infected by the HIV have subclinical hypothyroidism or low fT4, especially when they are treated with some old antiviral treatments. There’s no autoimmunity leading to the hypothesis on a iatrogenic effect. Graves’ disease is observed in patients with severe lymphopenia before treatment and is part of the « immune reconstitution syndrome ». VHC can infect thyrocytes and thyroid could constitute an extrahepatic reservoir for HCV viral replication. Subacute thyroiditis is due to IFN treatment but HCV infection of thyrocytes might play a role in thyroid autoimmunity. Part of its genetic background has been identified. Enteroviruses, especially the diabetogenic CBV4, can replicate in thyroid cells and can persist, with predominance of viral negative RNA strands. Enterovirus-RNA can be detected in thyroid biopsies from patients with various thyroid diseases, but it’s not more frequent in thyroiditis. The presence of erythrovirus B19 is observed in biopsies of different thyroid disease including Graves’ disease. There is, however, no proof of a relationship between its presence and thyroiditis. Keywords: Virus – Thyroiditis – Autoimmunity – Graves’ disease – Viral infection. * Service d'endocrinologie- diabétologie-nutrition, CHU d'Amiens. directe de virus dans le tissu thyroïdien est difficile, les thyroïdites subaiguës ne relevant pas d’un traitement chirurgical. Plusieurs virus ont été impliqués et il est probable que différents virus soient responsables de thyroïdites sur un terrain génétique prédisposé. Les L es infections virales sont classiquement mises en cause dans la survenue des thyroïdites subai- guës. Curieusement, dans cette situation où le mécanisme est a priori direct, les données à haut niveau de preuve sont peu nombreuses. Bien sûr la recherche Infections virales : une implication réelle dans la survenue des thyroïdites ? Viral infections: are they real players in thyroiditis? Rachel Desailloud*

Infections virales : une implication réelle dans la survenue des … · es infections virales sont classiquement mises en cause dans la survenue des thyroïdites subai-guës. Curieusement,

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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIX - n° 4 - avril 2015100100

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Infections virales et endocrinopathies

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» La présence de virus différents dans des tissus thyroïdiens provenant de pathologies thyroïdiennes diverses font penser que plusieurs virus sont des candidats potentiellement impliqués, mais que leur rôle pathogène est probablement conditionné par la présence d’un terrain génétique prédisposant.

» Les patients infectés par le VIH ont des anomalies thyroïdiennes de profil hypothyroïdie fruste ou basse T4. Elles sont moins fréquentes avec les nouveaux antiviraux qu’antérieurement ; il n’y a pas de stigmates d’auto-immunité et, de ce fait, cela oriente vers une entité plutôt iatrogène. Des données plus récentes montrent cependant la présence de ces anomalies chez des patients naïfs de traitement. La maladie de Basedow comme symptôme d’un “immune reconstitution syndrome” reste un risque chez les patients VIH lymphopéniques avant traitement.

» Le virus de l’hépatite C (VHC) se réplique dans les thyrocytes, et la thyroïde est potentiellement un réservoir extrahépatique du virus. La thyroïdite auto-immune avec hypothyroïdie est une complication de l’infection virale elle-même et non pas seulement du traitement antiviral par interféron alpha (IFNα). La thyroïdite subaiguë est, elle, iatrogène secondairement aux traitements par IFNαα. Des gènes prédisposant à ces thyroïdites auto-immunes virales ont été identifi és.

» Les entérovirus, en particulier le CBV4 diabétogène, sont capables de se répliquer et de persister sous forme d’ARN dans les thyrocytes. Il n’a pas été mis en évidence de présence in situ plus fréquente dans les biopsies de thyroïde de patients atteints de thyroïdites. L’érythrovirus B19 est présent dans les tissus thyroïdiens des thyroïdes et des maladies de Basedow, mais il n’y a pas de preuve de son implication spécifi que dans l’étiopathogénie de ces maladies.

Mots-clés : Virus – Thyroïdite – Auto-immunité – Basedow – Infection virale.

Diff erent viruses have been found in various thyroid biopsies. Diff erent viruses are then possibly involved in the onset of thyroiditis; however onset of thyroiditis is certainly depending on the patient’s genetic background.

Patients infected by the HIV have subclinical hypothyroidism or low fT4, especially when they are treated with some old antiviral treatments. There’s no autoimmunity leading to the hypothesis on a iatrogenic eff ect. Graves’ disease is observed in patients with severe lymphopenia before treatment and is part of the « immune reconstitution syndrome ».

VHC can infect thyrocytes and thyroid could constitute an extrahepatic reservoir for HCV viral replication. Subacute thyroiditis is due to IFN treatment but HCV infection of thyrocytes might play a role in thyroid autoimmunity. Part of its genetic background has been identifi ed.

Enteroviruses, especially the diabetogenic CBV4, can replicate in thyroid cells and can persist, with predominance of viral negative RNA strands. Enterovirus-RNA can be detected in thyroid biopsies from patients with various thyroid diseases, but it’s not more frequent in thyroiditis. The presence of erythrovirus B19 is observed in biopsies of diff erent thyroid disease including Graves’ disease. There is, however, no proof of a relationship between its presence and thyroiditis.

Keywords: Virus – Thyroiditis – Autoimmunity – Graves’ disease – Viral infection.

* Service d'endocrinologie-diabétologie-nutrition,

CHU d'Amiens.

directe de virus dans le tissu thyroïdien est diffi cile, les thyroïdites subaiguës ne relevant pas d’un traitement chirurgical. Plusieurs virus ont été impliqués et il est probable que diff érents virus soient responsables de thyroïdites sur un terrain génétique prédisposé. Les

L es infections virales sont classiquement mises en cause dans la survenue des thyroïdites subai-guës. Curieusement, dans cette situation où le

mécanisme est a priori direct, les données à haut niveau de preuve sont peu nombreuses. Bien sûr la recherche

Infections virales : une implication réelle dans la survenue des thyroïdites ?Viral infections: are they real players in thyroiditis?Rachel Desailloud*

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infections virales sont aussi les principaux facteurs envi-ronnementaux suspectés de déclencher des maladies auto-immunes dont les thyroïdites lymphocytaires chro-niques. Cependant l’identifi cation précise des virus impliqués reste à établir. La revue de la littérature fait état de plusieurs virus possiblement en cause (1, 2).

Les infections virales chroniques caractérisées

Infection par le virus de l’immunodéfi cience humaine (VIH)Depuis l’apparition des antirétroviraux de haute effi ca-cité (HAART [Highly Active Antiretroviral Therapy]) dans le traitement du VIH et, donc depuis l’augmentation de la survie des patients, plusieurs études ont mis en évidence une majoration de la prévalence de bilans thyroïdiens compatibles avec une hypothyroïdie de profi l fruste (3). Ces hypothyroïdies frustes ont une prévalence d’environ 3 à 12 % des patients VIH+ en fonction des études et touchent une population essen-tiellement masculine. Cette prévalence est supérieure à celle de la population générale, qui est d’environ 2 % chez l’homme et jusqu'à 10 % chez la femme selon l’âge.En 2001, nous avons mené une étude nommée THYVI regroupant 350 patients infectés par le VIH, dans 5 centres hospitaliers de Picardie (4). Nous avons observé l’augmentation de la prévalence des profi ls d’hypothy-roïdies frustes mais aussi des basses T4, confirmées par la technique de dialyse à l’équilibre. Les facteurs associés à ces anomalies étaient la prise des antiviraux, particulièrement la prise de stavudine et la gravité de l’infection, elle-même exprimée par le taux de CD4 bas. D’autres études retrouvent des résultats concordants. Les causes de ces profi ls d’hypothyroïdie fruste ont été débattues dans la littérature. L’origine auto-immune, clas-sique dans cette situation, n’a pas été mise en évidence. En eff et, les anticorps antipero xydases (AC anti-TPO) sont rarement retrouvés (5). C’est ce qu’avait montré une 2e étude faite dans notre population picarde avec l’absence de marqueurs d’auto-immunité thyroïdienne (comportant la recherche d’AC anti-TPO, Tg, R-TSH) [6]. La persistance des anomalies thyroïdiennes est observée chez des patients restant sous ces mêmes traitements (7).Les traitements antiviraux ont évolué depuis 10 ans et la prescription de stavudine est quasiment inexistante actuellement ; les patients antérieurement traités par stavudine sont sous d’autres traitements. Nous avons donc décidé récemment de faire un état des lieux chez les patients suivis au CHU d’Amiens en incluant ceux ayant participé à l’étude de 2001 : les dysthyroïdies

n’ont pas évolué vers des hypothyroïdies franches et la plupart des anomalies existantes ont disparu (données en cours de publication). Ces données nous ont fait conclure à des anomalies fonctionnelles iatrogènes.Cependant plus récemment, des études se sont penchées sur les patients naïfs de traitement et ont montré le même type d’anomalies thyroïdiennes sans auto-immunité asso-ciée ; profi l d’hypothyroïdie fruste (de 6 % à 53 %), basse T4 (environ 15 %) ; ces anomalies sont le plus souvent associées à un taux de CD4 bas, mais les données ne sont pas toutes concordantes (8). Ces données plus récentes questionnent l’étiopathogénie des anomalies thyroïdiennes observées. La présence de séquences compatibles avec la présence de VIH1 dans des thyrocytes de patients atteints de la maladie de Basedow opérés a été évoquée, mais plutôt attribuée à d’autres rétrovirus, le statut VIH des patients en question n’étant pas concordant (9). Aucune autre étude n’a cherché à observer la présence du VIH dans les thyrocytes.Autre entité de dysthyroïdie, la maladie de Basedow, est décrite dans cette population de patients infec-tés par le VIH. L’infection VIH est responsable d’une lymphopénie touchant les CD4 ; les patients traités par antiviraux restaurent leur taux de lymphocytes, la maladie est de fait liée à ce rebond immunitaire et est considérée par les Anglo-Saxons comme un “IRD” (immune reconstitution disease).

Infection par le virus de l’hépatite virale C (VHC)Trois pour cent de la population mondiale souff re de l’hé-patite C. Les thyroïdites auto-immunes sont plus fréquentes chez les patients ayant un VHC que dans une population appariée et, ce, avant traitement. La première étude pros-pective montre que 9 femmes sur 29 (mais 0 hommes sur 43) ont des Ac antithyroïdiens et 2, une hypothyroïdie ; chez ces 9 femmes, la virémie VHC est détectable. Cela est signifi cativement diff érent de la population contrôle constituée de patients ayant une hépatite B (10). L’étude “avant traitement” est importante puisque le traitement par interféron alpha (IFNα) du VHC est lui aussi responsable de thyroïdites ; ces thyroïdites sous traitement peuvent être auto-immunes (chez 7 à 15 % des patient traités) ou subaiguës (chez 1 à 40 % environ des patients traités). Il n’y a pas de maladie de Basedow induite décrite.

Comment expliquer l’interaction infection VHC et thyroïdite auto-immune ?Le récepteur du VHC appelé CD81 est exprimé sur les thyro cytes. Lorsque les thyrocytes sont cultivés en présence de la protéine d’enveloppe E2, cette der-nière s’accroche au récepteur et induit la production d’interleukin e 8 (IL-8), cytokine pro-inflammatoire,

Infections virales : une implication réelle dans la survenue des thyroïdites ?

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Infections virales et endocrinopathies

et peut donc être à l’origine de processus infl ammatoires et donc de thyroïdites. Contrairement aux expériences sur les hépatocytes, les thyrocytes ne présentent pas de mécanisme d’apoptose (11).L’infection d’une lignée thyroïdienne ML1 par le VHC montre que la production de virions est eff ective avec là encore production d’IL-8, et que ces virions sont capables d’infecter d’autres cellules ; cette réplication est signifi cativement atténuée par l’IFNα. La thyroïde est donc potentiellement un réservoir extrahépatique de la réplication du VHC (12).L’ensemble des patients ne développant pas de thyroï-dites, une interaction gène-environnement est classique-ment suspectée : 3 locus ont été identifi és en utilisant entre autres techniques l’analyse du transcriptome des gènes “uprégulés” par l’IFNα ; ces locus sont ceux de SP100/110/140 (2q37.1) impliqué par ailleurs dans la cirrhose biliaire, HLA (6p21.3) et TAP1 (“transporter associated with Ag processing” [6p21.3]) qui ne sont pas les gènes classiquement associés aux thyroïdites (13). Du fait de ces diff érentes données d'études, des recom-mandations de pratique clinique ont été proposées pour le suivi des patients infectés par le VHC : TSH et anticorps antithyroïdiens avant traitement et TSH à 2-3 mois puis tous les 6 mois.

Les infections virales non caractérisées

En niveau fort de preuve (c’est-à-dire présence de virus dans le tissu), des données sont disponibles :– pour le rétrovirus HFV et le virus des oreillons pour les thyroïdites subaiguës ; – pour des rétrovirus HTLV-1, HFV et SV40 pour la mala-die de Basedow ;– pour diff érentes classes de virus HTLV-1, entérovirus, virus de la rubéole et des oreillons, HSV, EBV et parvo-virus pour les thyroïdites d’Hashimoto. Ces données ne prouvent pas l’implication des virus dans l’étiopathogénie de ces maladies.Concernant notre expérience, la recherche orientée par des arguments physiopathologiques, cliniques ou épidémiologiques a conduit à étudier l’implication des entérovirus et des érythrovirus (ex-parvovirus) dans la survenue des thyroïdites.

Les entérovirusLe rôle des entérovirus et notamment celui des Coxsackievirus B4 dans la pathogenèse du diabète de type 1 est fortement suspecté. Il est aussi fréquent d’observer chez les patients diabétiques de type 1 une thyroïdite lymphocytaire chronique. Dans ce contexte,

nous avons émis l’hypothèse d’un facteur commun à l’auto-immunité pancréatique et thyroïdienne. Nous avons montré pour la première fois que l’ARN entérovi-ral est présent dans des prélèvements péri-opératoires de tissus thyroïdiens mais nous n’avons pas montré de relation avec la présence d’un infi ltrat lymphocytaire ou d’anticorps antithyroïdiens (14). Parallèlement, nous avons montré pour la première fois que l’infection de thyrocytes en culture est possible avec le virus CBV4. Le virus se multiplie dans une lignée de thyrocytes et persiste dans ces thyrocytes pendant au moins 21 jours (durée de l’étude) ; cette persistance est sous forme d’ARN sans production de virions actifs (15). L’étude du rôle du Coxsackievirus et surtout de ses eff ets dans les cellules thyroïdiennes est encore à poursuivre.

Érythrovirus (ex-parvovirus)Ils sont aussi suspectés comme étant des facteurs favorisant certaines maladies auto-immunes comme les cytopénies auto-immunes, la polyarthrite rhuma-toïde, etc. Il a été publié que l’érythrovirus B19 était possiblement impliqué dans les thyroïdites : le génome parvoviral est présent dans le tissu thyroïdien de thy-roïdites d’Hashimoto opérées et plus précisément au sein même des thyrocytes (16). Nous nous sommes alors intéressés aux maladies de Basedow. La recherche en immunohistochimie de parvovirus et de génome parvoviral a été réalisée sur des prélèvements de thyroïdes de patients basedowiens opérés. La pré-sence d’une immunofi xation pour la protéine VP2 était observée chez 10 % des patients basedowiens et 27 % des patients porteurs d’un goitre multinodu-laire, cette diff érence n’étant pas signifi cative (17). La revue de la littérature montre que l’érythrovirus B19 est présent in situ dans diff érents types de maladies thyroïdiennes, mais sans preuve spécifi que de son implication. L’hypothèse reste celle d’un facteur d’envi-ronnement qui, chez certains sujets génétiquement prédisposés, devient le facteur déclenchant (18).

La problématique “infection virale et thyroïdites”

Les niveaux de preuve sont classiquement faibles quand ils sont épidémiologiques ou sérologiques, intermé-diaires quand ils sont liés à la présence de génome viral circulant et forts quand il y a présence de génome viral dans le tissu thyroïdien. La “réputation” de maladie virale ou post-virale vient des données cliniques et épidé-miologiques, et les études les plus fréquentes sont des études sérologiques avec mise en évidence d’une séro-

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conversion concomitante de la thyroïdite. Les niveaux de preuve classiques peuvent cependant être discutés pour l’auto-immunité : le processus auto-immun peut en eff et être d’origine centrale, déclenché par l’infec-tion thymique et non pas directement par l’infection d’organe. Pour aborder le problème de l’identifi cation virale dans le cadre des thyroïdites auto-immunes, des précautions préalables pour l’interprétation des don-nées doivent aussi être précisées. Les études sont transversales et non longitudinales, or le processus auto-immun a démarré plusieurs mois, voire années, avant l’étude. L’infection a priori causale survient bien avant la maladie auto-immune. Lorsque la maladie auto-immune est diagnostiquée, l’infection aiguë est guérie. L’exemple type est la rubéole congénitale et le developpement d’une auto-immunité dans la vie adulte (fi gure) [19, 20]. S’il n’y a pas d’infection chronique ou persistante, il est possible de ne pas trouver de “preuve” du virus impliqué. À l’inverse, celles qui objectivent la présence d’un virus doivent être interprétées avec prudence, aucune étude ne pouvant affi rmer formellement la responsabilité du virus. La présence virale peut :– être un simple témoin de la présence d’un “passager innocent” : il est maintenant connu que de nombreux virus sont présents dans l’organisme sans être patho-gènes. La caractérisation de ces virus constitue le virome à l’image du microbiote pour les bactéries ; – correspondre aussi à une infection postérieure au déclenchement de la maladie auto-immune.Pour les infections chroniques disposant de traitement antiviraux (VIH, VHC, VHB), la iatrogénicité des antiviraux doit être discutée. Les études faites avant traitement ont une meilleure valeur mais, la maladie auto-immune étant postérieure à l’infection, il est possible qu’elle n’ait pas eu le temps d’être diagnostiquée avant la mise sous traitement.

Comment choisir les virus à tester ?

Deux attitudes théoriques peuvent être discutées : – faire une recherche orientée par des arguments physiopathologiques, cliniques ou épidémiologiques (exemples de l’entérovirus et de l’érythrovirus) ;– faire une recherche globale des différents virus de manière comparable au “genome wide scan” des généti-ciens. Cependant, cette attitude n’était jusqu’à maintenant pas rentable et fastidieuse. Les techniques de recherche actuelle qui permettent l’identifi cation du virome vont probablement permettre d’identifi er ces virus.Plusieurs virus sont certainement impliqués dans la physiopathologie des thyroïdites subaiguës ou auto-immunes possiblement capables de déclencher une réponse infl ammatoire ou auto-immune. La présence de la plupart de ces virus dans des tissus thyroïdiens contrôles est encore une fois en faveur d’un rôle patho-gène sur un terrain génétique prédisposant. ■

Figure. La survenue de l’auto-immunité peut être decalée de l’infection dans le temps ; le modèle de la rubéole est un exemple particulièrement marquant, avec la survenue diff érée de maladies auto-immunes au cours de la vie adulte.

Infection parla rubéole in utero

Rubéole congénitale

… maladieauto-immune

Infection Symptomatique ou non

Infection guérie …

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R é f é r e n c e s

Infections virales : une implication réelle dans la survenue des thyroïdites ?

L’auteur n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts.