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53 fiche pharmacothérapeutique pratique Actualités pharmaceutiques n° 511 Décembre 2011 Inhibiteurs des alphaglucosidases Série métabolisme Sulfamides hypoglycémiants Glinides Incrétines Inhibiteurs des alphaglucosidases Insulines L’arsenal thérapeutique permettant la prise en charge du diabète évolue régulièrement. Cependant, d’anciennes classes médicamenteuses restent disponibles sur le marché, même si elles sont parfois caractérisées par une efficacité modeste. C’est le cas des inhibiteurs des alphaglucosidases qui ralentissent l’absorption intestinale des glucides alimentaires complexes. L a classe des inhibiteurs des alphaglucosidases, qui présente des effets secondaires bénins, vient en complément des autres traitements pour le traitement du diabète type 2, mal contrôlé, ou lorsque des contre-indications aux traitements recommandés existent. Mode d’action – Propriétés pharmacologiques Deux inhibiteurs des alphaglucosidases sont actuel- lement commercialisés : l’acarbose (Glucor ® ) et le miglitol (Diastabol ® ). L’acarbose est un pseudo-tétrasaccharide d’ori- gine microbienne qui inhibe de façon compétitive et réversible la liaison des oligosaccharides aux alphaglucosidases intestinales. Ces enzymes, localisées au niveau de la bordure en brosse des entérocytes, sont responsables de l’hydrolyse des polysaccharides en monosaccharides absorbables tels le glucose et le fructose. Le ralentissement de la digestion, donc de l’absorption des glucides par les inhibiteurs des alphaglucosidases, permet ainsi de réduire l’hyperglycémie post-prandiale sans entraî- ner d’hyperinsulinisme ni de modification de poids (tableau 1). Il faut reconnaître que l’efficacité de cette classe médi- camenteuse sur l’équilibre glycémique est moindre qu’avec les autres antidiabétiques oraux. Le recours à cette classe est donc désormais très limité. Cependant, l’innocuité de ces molécules permet de les utiliser chez les patients présentant des contre- indications aux autres antidiabétiques oraux et pour qui l’insulinothérapie ne semble pas nécessaire (patients âgés atteints d’un diabète peu sévère…). Il est aussi possible de les associer aux autres anti- diabétiques oraux, comme traitement d’appoint chez les personnes dont l’hémoglobine glyquée (HbA1c) est proche de l’objectif thérapeutique. Indications Les inhibiteurs des alphaglucosidases sont indiqués dans le traitement du diabète de type 2, en complé- ment du régime alimentaire, en monothérapie comme en association aux autres thérapeutiques antidiabéti- ques tels les sulfamides, les biguanides ou l’insuline (tableau 2, page suivante). Ils ont une indication particulière lorsque l’hyper- glycémie est essentiellement post-prandiale. Inhibiteurs des alphaglucosidases Tableau 1 : Pharmacocinétique Biodisponibilité Très faible (1 % pour l’acarbose) Élimination Urinaire sous forme inchangée (miglitol) ou mixte urinaire/ biliaire (acarbose) Demi-vie 2 à 6 heures Les sucres complexes absorbés avec l’alimentation sont d’abord dégradés par l’amylase salivaire et pancréatique en disaccharides (saccharose, lactose, maltose), puis par les alphaglucosidases (maltase, lactase, saccharase…) en monosaccharides. Cette digestion est nécessaire, car seuls ces monosaccharides peuvent traverser la barrière intestinale, donc être absorbés. À noter

Inhibiteurs des alphaglucosidases

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pharmacothérapeutique pratique

Actualités pharmaceutiques n° 511 Décembre 2011

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Série métabolisme

Sulfamides hypoglycémiantsGlinidesIncrétinesInhibiteurs des alphaglucosidasesInsulines

L’arsenal thérapeutique

permettant la prise en charge

du diabète évolue régulièrement.

Cependant, d’anciennes classes

médicamenteuses restent disponibles

sur le marché, même si elles

sont parfois caractérisées par

une efficacité modeste.

C’est le cas des inhibiteurs

des alphaglucosidases qui

ralentissent l’absorption intestinale

des glucides alimentaires complexes.

La classe des inhibiteurs des alphaglucosidases, qui présente des effets secondaires bénins, vient en complément des autres traitements pour le

traitement du diabète type 2, mal contrôlé, ou lorsque des contre-indications aux traitements recommandés existent.

Mode d’action – Propriétés pharmacologiquesDeux inhibiteurs des alphaglucosidases sont actuel-lement commercialisés : l’acarbose (Glucor®) et le miglitol (Diastabol®). L’acarbose est un pseudo-tétrasaccharide d’ori-gine microbienne qui inhibe de façon compétitive et réversible la liaison des oligosaccharides aux alphaglucosidases intestinales. Ces enzymes, localisées au niveau de la bordure en brosse des entérocytes, sont responsables de l’hydrolyse des polysaccharides en monosaccharides absorbables tels le glucose et le fructose. Le ralentissement de la digestion, donc de l’absorption des glucides par les inhibiteurs des alphaglucosidases, permet ainsi de réduire l’hyperglycémie post-prandiale sans entraî-ner d’hyperinsulinisme ni de modification de poids (tableau 1).Il faut reconnaître que l’efficacité de cette classe médi-camenteuse sur l’équilibre glycémique est moindre

qu’avec les autres antidiabétiques oraux. Le recours à cette classe est donc désormais très limité. Cependant , l’innocuité de ces molécules permet de les utiliser chez les patients présentant des contre-indications aux autres antidiabétiques oraux et pour qui l’insulinothérapie ne semble pas nécessaire (patients âgés atteints d’un diabète peu sévère…). Il est aussi possible de les associer aux autres anti-diabétiques oraux, comme traitement d’appoint chez les personnes dont l’hémoglobine glyquée (HbA1c) est proche de l’objectif thérapeutique.

IndicationsLes inhibiteurs des alphaglucosidases sont indiqués dans le traitement du diabète de type 2, en complé-ment du régime alimentaire, en monothérapie comme en association aux autres thérapeutiques antidiabéti-ques tels les sulfamides, les biguanides ou l’insuline (tableau 2, page suivante). Ils ont une indication particulière lorsque l’hyper-glycémie est essentiellement post-prandiale.

Inhibiteurs

des alphaglucosidases

Tableau 1 : Pharmacocinétique

Biodisponibilité Très faible

(1 % pour l’acarbose)

Élimination Urinaire sous forme inchangée (miglitol) ou mixte urinaire/

biliaire (acarbose)

Demi-vie 2 à 6 heures

Les sucres complexes absorbés avec

l’alimentation sont d’abord dégradés

par l’amylase salivaire et pancréatique

en disaccharides (saccharose, lactose,

maltose), puis par les alphaglucosidases

(maltase, lactase, saccharase…)

en monosaccharides. Cette digestion

est nécessaire, car seuls ces monosaccharides

peuvent traverser la barrière intestinale,

donc être absorbés.

À noter

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Contre-indicationsLes inhibiteurs des alphaglucosidases sont contre-indiqués dans les cas suivants :– insuffisance rénale sévère (clairance à la créatinine < 25 mL/minute) ;– pathologies chroniques de l’appareil digestif asso-ciant des troubles de la digestion et de l’absorption, maladies inflammatoires chroniques des intestins, hernies intestinales majeures, antécédents de syndro-mes subocclusifs.

Précautions d’emploiL’administration des inhibiteurs des alphagluco sidases est recommandée au début des repas en raison de leur mode d’action. En cas d’hypoglycémie sous traitement il est recom-mandé d’administrer du glucose pour obtenir une augmen ta tion rapide de la glycémie (le mono-saccharide est directement absorbable par l’intestin lorsque les alphaglucosidases sont inhibées).

Grossesse et allaitement En ce qui concerne la grossesse, les études

réali sées chez l’animal n’ont pas mis en évidence d’effet tératogène. Un effet malformatif dans l’espèce humaine n’est donc pas attendu. La rééquilibration du diabète permet de normaliser le déroulement de la grossesse de cette catégorie de patientes. La prise en charge du diabète gestationnel fait appel impéra-tivement à l’insuline. Si la patiente était traitée par un inhibiteur des alphaglucosidases avant sa grossesse, il est recommandé d’arrêter le traitement et de prendre le relais avec de l’insuline dès l’instant où une gros-sesse est envisagée ou en cas de découverte fortuite d’une grossesse exposée à ce médicament. Dans ce dernier cas, la prise de ce médicament ne constitue

pas un argument systématique pour conseiller une interruption de grossesse, mais conduit à une attitude de prudence et à une surveillance prénatale orien-tée. Une surveillance néonatale de la glycémie est recommandée. En cas d’allaitement, les inhibiteurs des alpha-

glucosidases sont contre-indiqués.

Effets indésirablesLes effets indésirables des alphaglucosidases les plus fréquents (observées chez près d’un tiers des patients) concernent des affections gastro-intestinales (en rai-son de l’augmentation de la fermentation des hydrates de carbone dans le côlon) : flatulence, météorisme, dyspepsie, diarrhée, nausée, douleur abdominale, occlusion. Ces symptômes dépendent de la posolo-gie et du régime alimentaire. Généralement réversibles au cours du traitement, ils diminuent également lors-que le régime hypoglucidique prescrit est respecté. L’étalement progressif de la posologie jusqu’à la dose souhaitée permet de prévenir ou de diminuer cette symptomatologie. Si les symptômes persistent, la posologie devra être temporairement ou définitive-ment réduite. Affections hépatobiliaires

Une augmentation transitoire des enzymes hépati-ques, un ictère, et plus rarement des hépatites poten-tiellement graves peuvent être constatés. Affections de la peau et du tissu sous-cutané

Des réactions cutanées (éruption, érythème, exan-thème, urticaire) ont été observées.

Interactions médicamenteusesLors d’administrations concomitantes, les inhibiteurs des alphaglucosidases majorent l’effet des autres antidiabétiques oraux. Ainsi, en cas d’association à un sulfamide hypoglycémiant, l’abaissement de la glycé-

Les inhibiteurs des alphaglucosidases diminuent

l’hyperglycémie, mais n’induisent pas, eux-mêmes,

d’hypoglycémie. En cas d’association à un autre

antidiabétique oral ou à l’insuline, l’abaissement

de la glycémie peut nécessiter une diminution de

la posologie des médicaments associés. Les inhibiteurs

des alphaglucosidases retardant la digestion et l’absorption

du saccharose, il est donc recommandé d’administrer, en

cas d’hypoglycémie, du glucose pour obtenir une remontée

rapide de la glycémie.

À retenir

Tableau 2 : Principaux inhibiteurs

des alphaglucosidases

DCI Spécialité Présentation Posologie Demi-vie (heure)

Acarbose Glucor® + G Comprimés

à 50 mg ou

sécables à

100 mg

50 à 200 mg 3 fois par jour,

avalés avec un peu d’eau au

début des repas ou croqués

avec les premières bouchées

5 à 6

Miglitol Diastabol® Comprimés à

50 et 100 mg

50, puis 100 mg 3 fois

par jour, croqués avec

la première bouchée

de nourriture ou avalés avec

un peu de liquide au début

des repas

2 à 3

G = génériques.

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asesmie peut nécessiter une diminution de la posologie

du sulfamide afin d’éviter une hypoglycémie. De plus, les inhibiteurs d’alphaglucosidases ne doivent pas être utilisés en même temps que des adsorbants intestinaux.

AssociationsLes inhibiteurs d’alphaglucosidases peuvent être associés aux sulfamides hypoglycémiants et/ou aux biguanides en surveillant le risque d’hypoglycémie.

Modalités de prescriptionLes inhibiteurs des alphaglucosidases ne font plus partie des thérapeutiques recommandées. En moyenne, ces médicaments permettent d’abais-ser l’HbA1C de 0,5 à 1 % alors que le gain est de 1 à 2 % chez les patients traités par les sulfamides hypoglycémiants ou biguanides.

Conseils associésLes conseils associés sont ceux apportés pour le trai-tement du diabète non insulinodépendant :– équilibre alimentaire, c’est-à-dire suppression des aliments contenant des sucres rapides comme les

sodas ; restriction de l’alcool et des graisses satu-rées ; limitation du pain (150 g par jour) ; fragmentation des apports alimentaires ;– augmentation de l’activité physique ;– traitement d’une dyslipidémie (objectif : low density lipoprotein (LDL)-cholestérol < 1 g/L) ;– normalisation de l’hypertension artérielle (objectif de < 130/80 mmHg) ;– sevrage tabagique. �

Sébastien Faure

Maître de conférences des universités,

Faculté de pharmacie, Angers (49)

[email protected]

Pour en savoir plusChiasson JL, et al. Acarbose for prevention of type 2

diabetes mellitus: the STOP-NIDDM randomised trial. Lancet.

2002;359(9323):2072-7.

Jenkins DJ, et al. Scope and specificity of acarbose in slowing

carbohydrate absorption in man. Diabetes. 1981;30(11):951-4.

Retenir l’essentiel pour la pratique L’indication des inhibiteurs des alphaglucosidases est le ralentissement de l’absorption intestinale des glucides alimentaires

complexes.

Leur pouvoir hypoglycémiant est de l’ordre de - 0,5 à - 1 % d’hémoglobine glyquée (HbA1c). Ils sont principalement actifs sur

la glycémie post-prandiale.

Leur administration doit se faire en début de repas.

Les inhibiteurs des alphaglucosidases ne peuvent induire d’hypoglycémie par eux-mêmes.

En cas d’intolérance avérée à la metformine (troubles digestifs) prescrite de façon adéquate ou de contre-indication à cette molécule

(exceptionnelle dans un tel contexte), il est possible d’utiliser un inhibiteur des alphaglucosidases.

Leurs effets secondaires sont digestifs et fréquents, sans gravité, observés en moyenne chez 30 % des patients (météorisme,

flatulence, inconfort intestinal, diarrhée). Ils peuvent diminuer avec le temps. L’étalement progressif de la posologie jusqu’à la dose

souhaitée permet de prévenir ou de diminuer cette symptomatologie.

Les inhibiteurs des alphaglucosidases peuvent être associés à d’autres antidiabétiques comme les sulfamides.

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.