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Inhibition de la dépense mais prise de risque financier, les effets para- doxaux du sentiment de privation financière Laurent Bertrandias* Maître de conférences HDR IAE, Université Toulouse1 Capitole CRM, UMR CNRS 5303 * 2 rue du Doyen Gabriel Marty 31042, Toulouse cedex Email : [email protected] Téléphone : 05 61 63 56 28

Inhibition de la dépense mais prise de risque financier ......Inhibition de la dépense mais prise de risque financier, les effets paradoxaux du senti-ment de privation financière

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Inhibition de la dépense mais prise de risque financier, les effets para-

doxaux du sentiment de privation financière

Laurent Bertrandias*

Maître de conférences HDR

IAE, Université Toulouse1 Capitole

CRM, UMR CNRS 5303

* 2 rue du Doyen Gabriel Marty 31042, Toulouse cedex

Email : [email protected]

Téléphone : 05 61 63 56 28

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Inhibition de la dépense mais prise de risque financier, les effets paradoxaux du senti-

ment de privation financière

Résumé :

Le sentiment de privation financière est l’état psychologique déplaisant qui apparait lorsque le

consommateur estime que ses ressources financières actuelles sont inférieures soit aux

ressources de personnes auxquelles il peut se comparer, soit à ses ressources antérieures. Cet

article étudie ses effets sur certaines décisions du consommateur. Les résultats sont obtenus à

partir d’une collecte longitudinale de données menée sur un échantillon d’étudiants. Ils

montrent que la privation financière déclenche à la fois un mécanisme inhibiteur de la

dépense et un mécanisme de compensation. En l’occurrence, les consommateurs

financièrement privés cherchent à améliorer leur position en prenant davantage de risque

financier.

Mots-clés : Privation financière, risque, pouvoir d’achat, anxiété, économies.

Inhibition of spending but financial risk-taking: the paradoxical effects of financial dep-

rivation

Abstract :

The object of this paper is to study the effects of financial deprivation. Consumers experience

this unpleasant psychological state when they evaluate their financial position unfavorably

because they feel financially inferior relative to referent others or because they estimate that

their resources are lower than in a salient past period. The results from a longitudinal study on

a student sample suggest that financial privation both inhibits spending and motivates a par-

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ticular compensatory mechanism: financially deprived consumers try to promptly restore their

financial situation by taking more financially risky decisions.

Key-words: financial deprivation, risk, purchasing power, anxiety, savings.

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Inhibition de la dépense mais prise de risque financier, les effets paradoxaux du senti-

ment de privation financière

Introduction

En dehors des recherches sur la pauvreté, encore peu de travaux en marketing prennent réel-

lement en compte le rôle de la situation économique, réelle ou perçue, des consommateurs. Ce

thème de recherche apparait pourtant particulièrement important dans des sociétés occiden-

tales confrontées à de sérieuses difficultés économiques, marquées par des taux de chômage

élevés et des salaires nets stagnants voire en baisse. Récemment cependant, sur le site du

Journal of Consumer Research1, une compilation de travaux relatifs à ce sujet et parus en

2012 montrait l’actualité du champ et toute la diversité thématique et méthodologique qu’il

suscite. Les travaux peuvent se situer à un niveau macroéconomique (Kamakura et Du, 2012),

méso-économique fondée sur des études anthropologiques par exemple (Peñaloza and

Barnhart, 2011) ou, plus classiquement au niveau de la prise de décision individuelle (Briers

et al., 2006 ; Karlsson et al., 2004 ; Sharma et Alter, 2012). Dans ce dernier cas, le concept de

sentiment de privation financière s’impose assez naturellement en ce qu’il définit une percep-

tion individuelle (Smith et al, 2011). Les consommateurs se sentent privés soit parce qu’ils

ont le sentiment que leur pouvoir d’achat a baissé par rapport à la période antérieure soit parce

qu’ils qu’ils jugent que leur situation financière est plus défavorable que celle de référents de

leur entourage auxquels ils trouvent légitime de se comparer. Le sentiment de privation finan-

cière est dans tous les cas source d’un mal-être (Diener et al., 2004) que les individus cher-

chent à atténuer. Les choix de consommation peuvent être utilisés dans ce but. Comprendre la

façon dont le sentiment de privation financière les modifie est alors d’un intérêt crucial pour

le marketing (Sharma et Alter, 2012), principalement peut-être parce que les jeunes généra-

1 « Financial insecurity and deprivation », Curation par Fisher E. disponible à l’adresse

http://ejcr.org/curations-2.html.

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tions rencontrent des difficultés plus grandes sur le marché du travail et accèdent plus diffici-

lement à la propriété. A ce titre, elles risquent d’être fortement assujetties au sentiment de pri-

vation financière ayant souvent grandi dans des conditions économiques plus stables et plus

confortables2.

L’objet de cet article est de renforcer des connaissances encore parcellaires sur les effets par-

fois paradoxaux du sentiment de privation financière du consommateur. L’hypothèse générale

est que la privation financière est inhibante, qu’elle pousse à dépenser moins (Karlsson et al.,

2004). Mais, des travaux ont montré que les consommateurs qui se sentent privés peuvent

aussi chercher compenser ce mal-être en faisant par exemple des choix jugés typiques de con-

sommateurs possédant des ressources financières abondantes (Sharma et Alter, 2012). Dans

cet article, est défendue l’idée que la compensation peut aussi consister à privilégier des

moyens rapides d’améliorer sa situation financière à travers des choix d’épargne risqués bien

que ceux-ci puissent avoir l’effet contraire à celui attendu.

Dans une perspective exploratoire, en collectant des données auprès d’un même échantillon

étudiant lors de trois phases distinctes, l’article analyse les effets de la privation sur un effet

de type compensation, la prise de risque financier, et un effet de type inhibition, la tendance à

économiser sur les achats du quotidien.

1. Le sentiment de privation financière

1.2. Un concept relativement récent s’ancrant dans une littérature ancienne

Le sentiment de privation financière est un concept récent dont les fondements sont anciens.

En marketing, le concept est récent car il apparait en tant que tel dans une publication récente

de Sharma et Alter (2012) qui le définissent comme un état psychologique déplaisant dû à la

2 Voir par exemple le rapport d’information du sénateur Demuinck (2009) fait au nom de la mission

commune d’information (1) sur la politique en faveur des jeunes.

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perception d’un déficit de ressources financières par rapport à un référent de comparaison

saillant. Le référent de comparaison peut être une personne ou un groupe de personnes mais

aussi sa propre situation financière dans une période passée. Pour autant, la privation finan-

cière s’ancre dans une littérature abondante en économie, en psychologie et en sociologie sur

le concept de privation relative (Merton, 1957 ; Runciman, 1966 ; Pettigrew, 2002). La con-

ceptualisation de la privation relative emprunte à la théorie de la comparaison sociale (Festin-

ger, 1954) et plus particulièrement de la comparaison sociale ascendante : on se sent privé

lorsqu’on se compare à quelqu’un qui a plus ou dont on pense qu’il a plus. Ce n’est pourtant

pas une condition suffisante pour que le bien-être de l’individu soit altéré. Il faut en plus que

le différentiel perçu doit être jugé illégitime ou injuste3 (Runciman, 1966). Par exemple, un

salarié d’une entreprise pourra tout-à-fait s’accommoder d’une position hiérarchique ou fi-

nancière désavantageuse s’il l’attribue à des différences de mérite ou d’effort.

Le cadre de la privation relative est utile pour comprendre la privation financière : il est diffi-

cile de valoriser en tant que tel le niveau objectif des possessions, du patrimoine ou des reve-

nus. Ce sont les référents auxquels les individus se comparent qui donnent un véritable ordre

de grandeur. Comme le notent Sharma et Alter (2012), des millionnaires peuvent se sentir

privés tandis que des personnes objectivement pauvres peuvent théoriquement ne pas éprou-

ver un tel sentiment. De plus, des travaux récents tendent à appuyer la théorie économique

proposée par Dusenberry (1949) en montrant que les comparaisons des possessions et des re-

venus sont principalement ascendantes (Ferrer-i-Carbonel, 2005). De sorte que si l’individu

s’engage dans la comparaison, il est très probable qu’il se sente privé.

3 Certains travaux, à la suite de Runciman (1966), considèrent aussi que le différentiel doit être jugé

compensable. Pour autant, il apparait que cela revient à confondre la privation relative avec ses ef-

fets. En effet le caractère compensable est un facteur explicatif qui favoriserait la mobilisation,

l’action. Mais il est concevable de se sentir privé tout en sentant qu’il est impossible de combler

l’écart.

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1.2. Délimitation du concept

Sur le plan des points de référence envisageables, la privation financière est plus large que la

privation relative puisqu’elle peut à la fois provenir de l’appréciation de l’évolution de sa si-

tuation personnelle dans le temps et d’une comparaison interpersonnelle4. Son objet est en re-

vanche plus étroit : la privation financière ne porte que sur les ressources financières et les

possessions alors que la privation relative concerne une immense variété d’objets.

Le sentiment privation financière doit aussi être distingué de la privation objective c’est-à-dire

d’une exposition à une réelle rareté des ressources. La privation objective est traitée dans les

travaux portant sur la pauvreté (e.g. Shah, Mullainathan et Shafir, 2012). Elle constitue un an-

técédent pertinent du sentiment de privation financière parmi d’autres, contextuels ou subjec-

tifs, souvent bien plus décisifs (Diener et al., 1999). De fait, de nombreux travaux font état

d’une faible corrélation entre les revenus et le bien-être (voir Easterlin (1995) ou Ferrer-i-

Carbonel (2005) pour des revues). La privation financière n’est pas assimilable non plus au

pouvoir d’achat ou à la richesse perçus. Ces concepts sont probablement corrélés, voire intri-

qués dans une boucle de causalité (un fort pouvoir d’achat perçu étant de nature à amoindrir le

sentiment de privation financière, un fort sentiment de privation financière étant susceptible

de diminuer le pouvoir d’achat perçu). Mais l’idée de privation est indissociable d’une com-

paraison ascendante, ce n’est pas le cas du pouvoir d’achat perçu.

2. Les effets de la privation financière

Le sentiment de privation financière est un état psychologique déplaisant, aversif. Or, la pro-

babilité d’y être confronté s’accroit avec l’instabilité économique qui rend plus communes les

44 Certains rares travaux ont cependant étendu le concept de privation relative à d’autres points de réfé-

rence, notamment la comparaison de la situation présente à la situation passé, voire à état futur, un

état désiré (de la Sablonnière et Tougas, 2008 ; de la Sablonnière et al., 2009).

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baisses de revenus. A ce titre, il est important pour la recherche en marketing d’en com-

prendre les effets. Or, il existe assez peu de travaux sur les effets spécifiques de la privation

de financière. Nous mettons en évidence deux mécanismes susceptibles intervenir : un méca-

nisme d’inhibition et un mécanisme de compensation. Les deux ont cependant la même fin :

atténuer l’état psychologique désagréable associé à la privation financière.

Inhibition de la dépense - Lorsqu’un consommateur se sent privé financièrement par rapport

aux autres, un premier mécanisme d’apaisement consiste à mieux contrôler sa dépense, à pla-

nifier davantage ses achats et à repousser l’achat- de bien durables (Karlsson et al., 2005). De

même, lorsque le consommateur a le sentiment que son revenu disponible a baissé, il entre

dans un état de préoccupation qui renforce sa préférence pour des marques de distributeurs,

moins chères que les marques de producteur ou accroit sa part d’achat alimentaire dans les

enseignes de hard-discount, il tend ainsi à adopter des comportements préservant son pouvoir

d’achat résiduel (Bertrandias et Lapeyre, 2010). La privation financière semble donc inhiber

le consommateur en l’incitant à réduire sa dépense, à économiser pour atténuer les effets du

différentiel de ressources, soit par rapport au passé, soit par rapport aux autres. La réduction

de dépense n’est pas une fin en soi, elle permet de préserver un pouvoir d’achat résiduel qui

pourra être dédié à des postes de consommation qui précisément symbolisent l’absence de

privation (sorties, vacances, vêtements de marque…). Nous faisons l’hypothèse qu’à travers

ce mécanisme inhibiteur, le sentiment de privation financière accroit la tendance à réaliser des

arbitrages budgétaires, en réduisant la dépense sur ce qui pourrait être qualifié d’achats du

quotidien à très large dominante fonctionnelle, socialement peu visibles (produits alimen-

taires, d’épicerie, d’entretien de la maison) au profit d’achat à vocation plus statutaire ou hé-

donique.

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L’une des explications possibles est que le sentiment d’être privé financièrement n’est pas

seulement déplaisant, il plonge aussi le consommateur dans un état d’anxiété économique lié

par exemple au spectre du déclassement (Maurin, 2009). Des travaux montrent que la ten-

dance des chômeurs à se comparer à ce qu’ils étaient avant est source de détresse et d’anxiété

(Sheeran, Abrahams et Orbell, 1995). La perte perçue de sa capacité à dépenser projette le

consommateur dans une perspective de paupérisation et d’exclusion anxiogène qu’il cherche-

ra à retarder en adoptant des comportements économes. De plus, la comparaison sociale as-

cendante est fréquemment une source d’anxiété (e.g. Lin et Kulik, 2002) et certains socio-

logues évoque l’anxiété qui nait de la potentialité de ne pas « tenir son rang » social en

n’accédant plus aux consommations qui le définissent (Chauvel, 2006, p.65). Nous faisons

donc aussi l’hypothèse que l’anxiété liée à la situation économique joue un rôle médiateur de

la relation entre sentiment de privation financière et tendance à économiser sur les achats du

quotidien.

H1a. Le sentiment de privation financière influence positivement la tendance à économiser

sur les achats du quotidien

H1b. L’anxiété économique est un médiateur de la relation entre sentiment de privation fi-

nancière et tendance à économiser sur les achats du quotidien.

Compensation - La consommation peut jouer un rôle compensatoire pour atténuer un incon-

fort psychologique. Par exemple, un manque de pouvoir social est aversif. Les consomma-

teurs ayant un faible pouvoir vont ainsi rechercher des produits procurant un statut social car

ils véhiculent des signaux de pouvoir (Rucker et Galinsky, 2008). Bien évidement, la forme

que prend la compensation est liée à l’origine du mal-être. Sharma et Alter (2012) montrent

que les consommateurs financièrement privés recherchent des produits rares car ils sont géné-

ralement réservés à une petite partie de la population, l’accès à la rareté étant spontanément

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associé à l’aisance financière. Dès lors, entrer en possession de ces biens atténuerait l’effet

déplaisant de la privation. Plus indirectement, Briers et al. (2006) montrent que des consom-

mateurs éprouvant un désir d’argent5 compensent le manque en mangeant davantage.

Nous défendons l’idée que la privation financière appelle aussi d’autres formes de compensa-

tion Notamment, les consommateurs privés seraient davantage enclins à prendre des risques

financiers afin d’améliorer rapidement leur situation, même si cette prise de risque est de na-

ture à aggraver leur position financière. A l’appui de cette idée, des travaux montrent que la

situation de privation pousse les individus à emprunter trop et surtout à des conditions très dé-

favorables (Shah, Mullainathan et Shafir, 2012). Deux études montrent par ailleurs que les

individus qui se sentent privés ressentent davantage le besoin de parier, de participer à des

jeux d’argents (Callan et al., 2008 ; Callan, Shead et Olson, 2011). L’idée sous-jacente est que

le pari offre un moyen d’atteindre une forme de rééquilibrage financier que les individus ont

le sentiment de mériter sans pouvoir l’obtenir par des moyens conventionnels (Callan et al.,

2008). Cela s’explique par le désir de compenser un certain mal-être par des rétributions fi-

nancières immédiates (Callan, Shead et Olson, 2011). Aussi, la prise de risque financier se

rattache à un comportement compensatoire. Nous proposons ainsi l’hypothèse suivante :

H2. Le sentiment de privation financière accroit la propension à la prise de risque financière.

3. Méthodologie de la recherche

3.1. Organisation de la collecte de données

Un même échantillon de convenance de 72 étudiants de M1 Gestion a été interrogé trois fois.

Pour garantir leur implication, les données collectées devaient leur servir pour travailler sur

un projet d’analyse de données dans le cadre d’un contrôle continu de statistiques. La collecte

5 Dans leur expérimentation, les sujets se sentaient privés de l’argent qu’ils n’avaient pas gagné à une

loterie

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a été réalisée sur une durée d’un peu moins d’un mois et en trois vagues d’enquête. L’objectif

de cette approche longitudinale était d’éviter des corrélations artificielles ou trop élevées qui,

pour différentes raisons, sont fréquentes dans les designs en coupe instantanée (Lindell et

Whitney, 2001). A aucun moment les répondants n’ont été sensibilisés à l’objet de la re-

cherche. La première enquête en ligne qui s’est déroulée sur une semaine a ainsi été présentée

comme une enquête sur la sensibilité des jeunes à la mode, la deuxième était décrite comme

une étude sur les comportements d’épargne, la troisième consistait à remplir un court ques-

tionnaire lors d’un TD, dont l’objectif était de comprendre les choix de produits alimentaires.

Les variables de la recherche ont été mesurées au cours de ces trois phases (voir figure 1). Des

variables additionnelles ont été introduites avec l’objectif principal de valider les mesures de

privation financière et de tendance à économiser sur les achats du quotidien. C’est le cas du

pouvoir d’achat perçu et d’une série de choix binaires entre un produit de marque de produc-

teur et un produit premier prix. Au final, 64 étudiants ont répondu aux trois questionnaires.

L’anonymat a été préservé par l’affectation d’un numéro servant d’identifiant au répondant.

Figure 1. Organisation de la collecte de données

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3.2. Mesures utilisées6

Pour mesurer le sentiment de privation financière l’échelle de Sharma et Alter (2012) a été

utilisée. Le format de différentiel sémantique à neuf points utilisé par les auteurs a été conser-

vé. Sur les cinq items de l’échelle, celui portant sur l’évolution des possessions matérielles,

moins pertinent pour des répondants jeunes, encore non installés dans la vie, a dû être sup-

primé en raison d’une qualité d’extraction très basse. L’échelle a une fiabilité correcte (α =

0,76). Le pouvoir d’achat perçu est mesuré par quatre items créés pour cette recherche sur des

échelles de Likert à sept points (α = 0,84). Les analyses factorielles exploratoires montrent

que les indicateurs conservés relatifs aux deux concepts factorisent sur bien deux axes dis-

tincts. Une analyse factorielle confirmatoire a été utilisée pour vérifier la validité convergente

et la validité discriminante7. Les validités convergentes de la privation financière (rhô de vali-

dité convergente = 0,52) et du pouvoir d’achat perçu (0,60) sont satisfaisantes. Les deux cons-

truits latents sont corrélés (r =0,45) mais partagent moins de variance entre eux (r²=0,21)

qu’avec leurs indicateurs.

Mesures relatives au mécanisme d’inhibition

L’anxiété économique est mesurée par cinq items (α = 0,94) adaptés de l’inventaire State

Trait Anxiety Inventory (Spielberger, 1976) (α = 0,91). La tendance à économiser sur les

achats du quotidien est mesurée par quatre items créés pour cette recherche (α = 0,83). Il était

ainsi nécessaire de vérifier la capacité de cette échelle à prédire des comportements effectifs

d’économie. Dans le troisième questionnaire, après avoir demandé aux répondants d’imaginer

6 Les items utilisés sont listés dans l’annexe 1. Sauf mention contraire, tous les items sont associés à

des échelles de Likert à 7 points allant de pas-du-tout d’accord à tout-à-fait d’accord.

7 L’ajustement du modèle aux données n’est pas suffisant, certainement en raison de la petite taille de

l’échantillon et car le SMC de l’un des indicateurs de privation financière est légèrement inférieur à

0,5 ; pour ne donner que quelques indicateurs parmi les plus courants, Chi²/ddl = 2,99, RMSEA =

0,092 [0,073 ; 0,11], AGFI= 0,89 ; GFI = 0,86 ; CFI=0,91. Néanmoins, les hypothèses n’étant pas

testées par la méthode des équations structurelles, ces failles ne prêtent pas à conséquence.

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que les produits suivants, thon au naturel, cookies, essuie-tout, chocolat noir et filets de poulet

figuraient sur leur liste de course de produits pour la semaine, il leur était demandé de faire

cinq choix entre deux produits comparables de ces catégories. Il s’agissait de choisir entre un

produit premier prix Carrefour8 et un produit de marque de producteur. Les écarts de prix,

fondés sur un relevé de prix sur site de Drive de Carrefour, sont compris entre 38% et 123%

du premier prix. Cette variabilité de l’écart de prix a permis de générer de la variance dans les

réponses. Un score sur 5 correspondant au nombre de fois où le répondant a choisi le premier

prix a été créé. Il fluctue entre 0 et 5 avec une moyenne est de 2,71 et un écart-type de 1,58.

Ce score a été régressé sur la tendance à réaliser des économies. Les résultats (beta = 0,30 ;

t=2,47 p=0,016 ; R²=0,10) montrent la validité prédictive de la tendance à réaliser des écono-

mies qui conduit à privilégier des produits moins chers de qualité moindre.

Mécanisme de compensation : la prise de risque financière

Pour obtenir une mesure de la prise de risque financière, les étudiants, réunis en amphi-

théâtre, étaient d’abord soumis à un scénario leur précisant qu’ils avaient reçu le don d’une

personne de leur famille d’un montant de 10000 euros qu’ils avaient décidé de placer. Une

entrevue avec le conseiller de clientèle de leur banque les avait amenés choisir un nouveau

placement appelé « Genius ». Ils étaient alors invités à étudier la brochure commerciale du

produit. Le capital est à répartir entre deux options « Sécurité » et « Performance ». L’option

« sécurité »offre un rendement constant et sûr de 2,5%. Le rendement de l’option performance

est indexé sur la progression d’un indicateur boursier avec des plafonds compris entre -10% et

8 Le choix de cette enseigne s’explique par sa forte pénétration dans la ville de passation des question-

naires et par la présence d’un supermarché Carrefour Market à quelque centaines de mètres de

l’université.

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15%. Une distribution de probabilité de rendement apparaissait dans la brochure9. Les répon-

dants devaient alors préciser quel pourcentage de leur capital de 10000 euros ils choisissaient

de placer dans l’option performance. Ce pourcentage représente la mesure de prise de risque

utilisée. Après le choix, un tirage aléatoire d’une vignette dans une urne permettait d’obtenir

l’évolution des marchés financiers et le gain monétaire (ou la perte) réalisé(e). Pour que le de-

sign soit suffisamment crédible et incitatif, les étudiants étaient informés que le gain (la perte)

serait converti(e) en points supplémentaires sur leur note de contrôle continu selon un barème

connu avant le choix. Un étudiant ne prenant aucun risque obtenait automatiquement un ren-

dement de 2,5% converti en 0,5 point additionnel. Les répondants ont placé entre 0 et 100%

du capital sur l’option performance avec une moyenne à 44% et un écart-type à 21%.

4. Résultats

Le pouvoir d’achat perçu a été ajouté comme covariable explicative pour atténuer le risque

d’erreur de spécification et afin de contraster les effets de la privation financière, qui corres-

pond à une appréciation comparative de sa situation financière, à ceux d’un jugement non di-

rectement comparatif. Comme, la taille de l’échantillon est inférieure à 100 individus et

comme toutes les variables ne sont pas latentes, les relations entre variables ont été estimées

via un modèle d’analyse de chemins sous AMOS. Pour les quatre construits latents, les scores

factoriels ont été utilisés. Le test de la médiation repose plus spécifiquement sur l’examen de

la signification de l’effet indirect des antécédents via la génération d’échantillons par boot-

strapping (Preacher and Hayes, 2004; Zhao, Lynch et Chen, 2010). Il s’agit de vérifier que

l’intervalle de confiance à 95% ne contient pas 0.

9 L’évolution des marchés financiers est davantage incertaine que risquée, mais spécifier cette distribu-

tion proche d’une loi normale centrée sur 2,5% permettait d’obtenir les conditions d’une véritable

prise de décision risquée.

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L’ajustement du modèle aux données est bon (Chi² = 0,470 ; p=0,494 ; GFI/AGFI =

0,99/0,95 ; CFI = 1 ; SRMR = 0,017). Le modèle explique 23% de la dispersion de la ten-

dance à économiser sur les achats du quotidien et 17% de la dispersion de la prise de risque

financier. Etonnamment, l’effet du pouvoir d’achat perçu n’est significatif10

pour aucune des

variables qu’il pourrait prédire. Pour tester les hypothèses de recherche, il convient

d’examiner les effets totaux de la privation ainsi que les effets indirects. L’effet total de la

privation financière sur la tendance à économiser est significatif (Beta = 0,297; p=0,026). H1a

est donc validée. L’effet indirect de la privation financière par la médiation de l’anxiété éco-

nomique est également significatif (Beta = 0,147 ; p=0,008 ; intervalle de confiance à 95 %

sur 2000 échantillons générés par bootstrap : [0,046 ; 0,267]). H2b est ainsi validée et il faut

noter que l’effet direct de la privation financière sur la tendance à économiser est lui non si-

gnificatif (Beta = 0,153, p=0,227). L’effet de la privation financière sur la tendance à écono-

miser est donc exclusivement indirect. C’est seulement parce qu’elle est source d’anxiété éco-

nomique que la privation financière inhibe la dépense.

Par ailleurs, à la fois l’effet direct (Beta = 0,305, p = 0,019) et l’effet total (Beta= 0,384 ;

p=0,009) de la privation financière sur la prise de risque sont significatifs. Cela permet de va-

lider l’hypothèse H2. On peut noter que l’anxiété économique a aussi un effet significatif sur

la prise de risque financier (Beta = 0,22 ; p=0,074). Cela suggère qu’elle pourrait à la fois

prendre part à l’inhibition de la dépense et précipiter certains comportements de compensa-

tion. Mais, assez logiquement, l’effet indirect de la privation financière sur la prise de risque

par la médiation de l’anxiété économique n’est pas significatif (beta = 0,078 ; p= 0,221).

10 Le seuil de 10% est retenu en raison de la taille assez modeste de l’échantillon.

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Figure 2. Estimation du modèle d’analyse de chemins.

5. Discussion des résultats

Dans les mois, peut-être les années à venir, les entreprises vont devoir s’adresser à de plus en

plus de clients ressentant un sentiment aigu de privation financière. Or ce problème a peu été

étudié par la recherche en marketing qui doit davantage s’en saisir. Cet article s’efforce

d’emprunter cette voie en identifiant des effets et des mécanismes d’action du sentiment de

privation financière. Les résultats de l’étude exploratoire réalisée mettent en avant quelques

phénomènes intéressants. Sur un plan général, ils tendent à souligner que l’appréciation de sa

propre richesse ou du pouvoir d’achat semblent avoir, dans l’absolu, peu d’impact sur les

comportements de consommation. Des travaux montraient déjà que les revenus réels contri-

buaient peu à la satisfaction personnelle à l’inverse des revenus relatifs, jaugés par rapport à

ceux de personnes comparables de l’entourage (Boyce, Brown et Moore, 2010). Cette conclu-

sion parait s’étendre à la consommation : c’est bien la comparaison soit inter, soit intra-

personnelle (i.e. entre la situation économique passée et la situation économique présente) qui

produit les plus forts effets psychologiques et comportementaux.

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La privation financière est décrite comme un état déplaisant (Sharma et Alter, 2012) que les

consommateurs cherchent à atténuer. Cet article met en évidence deux mécanismes pour y

parvenir qui ont le point commun de viser l’amélioration de la position financière. Mais leur

coexistence est pourtant paradoxale. Modérer sa dépense, introduire des arbitrages plus stricts

dans la consommation permet de garder des marges de pouvoir d’achat pour des consomma-

tions hédoniques ou statutaires associées à l’aisance et à la liberté de consommer. Cet effort

offre des retours sûrs que le consommateur peut anticiper. Mais la prise d’un risque financier

semble aller à l’encontre de ce travail de gestion et de patience par une recherche aléatoire de

gains monétaires. Cela peut indiquer que le mécanisme d’arbitrage budgétaire entre catégories

de produits n’est qu’un pis-aller, un comportement mis en œuvre faute de mieux qui fonciè-

rement ne corrige pas la situation. Peu satisfait, le consommateur financièrement privé reste-

rait en quête de moyens d’amélioration. Le risque financier est une solution accessible et ra-

pide. Il serait utile de mieux analyser le rapport des consommateurs privés aux pertes poten-

tielles des placements ou jeux d’argent. La théorie suggère que la perception des pertes et des

gains est dissymétrique, les premières étant plus valorisées que les seconds (Ariely, Huber et

Wertenbroch, 2005 ; Paraschiv et Lharidon, 2008) ; il est possible que le sentiment de priva-

tion financière inverse les choses. L’ampleur des pertes potentielles devrait aussi être prise en

compte. Le recours plus fréquent aux loteries promettant des gains importants très peu pro-

bables contre des pertes probables mais minimes pourrait ainsi s’expliquer par le sentiment de

privation financière (Blalock, Just et Simon, 2007).

Cette étude a des implications pratiques de deux ordres. Sur un plan managérial, la privation

se manifeste par une insatisfaction, voire un ressentiment de ne plus accéder à des consomma-

tions que l’on pense mériter, a fortiori quand les autres y ont accès. Comprendre quelles sont

ces consommations et pourquoi elles sont si importantes est un véritable enjeu pour les

marques. Il est probable qu’en dehors de situations particulières comme les fêtes de fin

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d’années, les consommations alimentaires n’ont plus cet enjeu symbolique. Cela expliquerait

en partie le grand succès des marques de distributeurs et la difficulté pour les marques de pro-

ducteurs de maintenir des performances commerciales suffisantes en GMS (Matthews-

Lefebvre et Flores, 2012). La capacité de ces marques à recréer le désir en stimulant de nou-

veau la comparaison sociale est une voie de sortie.

En se situant sur le plan de la transformation sociale et du bien-être, ces résultats sont préoc-

cupants. Ils suggèrent par exemple que la qualité de l’alimentation devient un enjeu très se-

condaire lorsqu’on se sent privé (alors même que notre échantillon possède un niveau

d’éducation supérieur à la moyenne). Cela fait craindre des problèmes de santé publique. Ils

indiquent aussi que la rationalité des consommateurs change lorsqu’ils se sentent privés fi-

nancièrement. Cela les expose à prendre des risques susceptibles d’aggraver l’impression de

privation, voire à les plonger dans des conditions de privation objective.

Conclusion : limites et voies de recherche

Cette étude est exploratoire. Elle doit être répliquée sur un échantillon de taille plus impor-

tante et non étudiant. Les étudiants sont effet davantage susceptibles de se sentir privés car ils

sont certainement plus sujets à la comparaison sociale entre pairs, les référents de comparai-

son étant immédiatement accessibles. Ils sont aussi souvent dans une situation financière ob-

jectivement difficile. Le design longitudinal permet d’éviter de fausses corrélations mais ne

garantit pas la causalité. Il serait important de compléter cette étude par des expérimentations

manipulant la privation financière. Pour la prise de risque, les étudiants n’étaient pas réelle-

ment confronté à la perspective de perdre de l’argent mais seulement à celle de perdre des

points à un contrôle. De même, un choix d’épargne amenant une rémunération sur le long

terme était privilégié mais la performance était connue dans les minutes qui suivaient. Cela a

pu un peu biaiser les résultats. Des réplications à d’autres situations de prise financière sont

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ainsi nécessaires De façon générale, un travail est certainement à réaliser sur l’ampleur et la

nature de la perte potentielle. Enfin, la validité prédictive de l’échelle de tendance à économi-

ser sur les achats du quotidien n’a été vérifiée que sur quelques choix fictifs. Des mises en si-

tuation plus concrètes et impliquant une véritable dépense sont requises.

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Annexe 1 – Echelles de mesure utilisées

Sentiment de privation financière (Sharma et Alter, 2012), 4 items sur 5 conservés.

- En comparaison avec l'année dernière, ma capacité à dépenser de l'argent cette année

est : ( de 1, bien meilleure à 9, bien plus mauvaise)

- Comparée à ma situation financière de l’an passé, ma situation financière cette année

est : ( de 1, bien meilleure à 9, bien plus mauvaise)

- Comparée à la situation financière de la plupart de mes amis, ma situation financière

est : ( de 1, bien meilleure à 9, bien plus mauvaise)

- En comparaison de la plupart de mes amis, le niveau de mes possessions matérielles

est: de (1 bien meilleur à 9 : bien plus mauvais)

Pouvoir d’achat perçu (Likert à 7 points allant de 1 pas du tout d’accord à 7 tout à fait

d’accord).

- Mes revenus me permettent de vivre agréablement.

- Mes revenus me permettent de faire face aux imprévus

- Ma situation financière est confortable.

- Ce revenu me procure un pouvoir d’achat suffisant

Anxiété économique (Likert à 7 points allant de 1 pas du tout d’accord à 7 tout à fait

d’accord).

- Ma situation économique me rend anxieux.

- Ma situation économique m’inquiète.

- Ma situation économique me rend nerveux.

- Ma situation économique me stresse.

- Je me sens tendu à cause de ma situation économique.

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Tendance à économiser sur les achats du quotidien (Likert à 7 points allant de 1 pas du

tout d’accord à 7 tout à fait d’accord).

- C’est mieux de moins dépenser sur les achats du quotidien pour garder du pouvoir

d’achat pour des choses qui en valent vraiment la peine.

- Je suis du genre à économiser sur les achats du quotidien pour pouvoir m’offrir de

belles choses qui me plaisent (vêtements de marque, matériel informatique, hi-fi, jeux

vidéo…).

- Je considère qu’il est trop pénible de rogner sur les achats du quotidien pour se faire

plaisir plus tard (item inversé).

- Je suis du genre à économiser sur les achats du quotidien pour m’offrir de belles expé-

riences (sorties, voyage, repas au restaurant).

Annexe 2. Matrice des corrélations

(1) (2) (3) (4) (5)

Privation financière (1) 1 -0,361 ,402**

,290*

,331**

Pouvoir d'achat perçu (2) 1 -,271*

-,081 -,060

Anxiété économique (3) 1 ,459***

0,317**

Tendance à économiser (4) 1 0,251*

Prise de risque financier (5) 1

*** p<0,001 ** p<0,01; *p<0,05