InraMagazine2oct2007

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INRAN2 - OCTOBRE 2007

Agriculture Alimentation Environnement

magazine

La recherche agronomique au cur des enjeux de dveloppement

HORIZONS Le Premier Ministre encourage la recherche agronomique

RECHERCHES Une charte contre la sharka

DOSSIER La recherche du bien-tre animal

EDITO

03 HORIZONSVisite du Premier Ministre Europe : 7e PCRD Prospective sur la PAC

Chers lecteurs,es recherches conduites aujourdhui lInra sont plus que jamais interpelles par les problmatiques de lenvironnement : celles concernant les changements climatiques et ladaptation des mthodes de production agricole, le maintien de la biodiversit et la prise en compte de ressources naturelles limites, limpact des conditions de vie et denvironnement sur la sant humaine ou la gestion durable des territoires. Prendre en compte la fois le dveloppement durable, le besoin dune production suffisante et saine et la comptitivit des entreprises agricoles et alimentaires devient un objectif qui enveloppe nos questions de recherches. Certes, ce concept de dveloppement durable cache parfois des entendements multiples : les termes dveloppement et durable ne sont-ils pas de nature antinomique ?

06 RECHERCHES& INNOVATIONSRchauffement climatique et pucerons Une charte contre la sharka Une souris pour tudier la fertilit mle Prairies permanentes et environnement Notre mmoire des aliments

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HORIZONS

sommaire

13 DOSSIERLa recherche du bien-tre animal

Nest-il pas nanmoins une opportunit et un dfi pour nous tous et loccasion de sinterroger sur les interventions de lhomme dans la nature ? La prise de responsabilit laquelle il nous appelle incite mobiliser les comptences scientifiques de nos chercheurs et celles de nos partenaires pour mieux comprendre le jeu interactif entre lensemble des composantes de systmes agrocologiques complexes. Dvelopper de nouvelles connaissances, mettre en place des approches sollicitant plusieurs regards disciplinaires, penser de nouveaux chemins dinnovation, favoriser leur transfert, constitueront plus que jamais les rponses privilgier, en remettant lagronomie au cur de lagriculture. Enfin, dialoguer pour construire des questions de recherche avec lensemble des parties prenantes doit devenir notre posture. Cest lorientation qui sest progressivement installe dans les groupes de travail du Grenelle de lenvironnement dans lesquels nous sommes impliqus. Cest aussi le sens de la dclaration du Premier Ministre Grignon : un encouragement explicite ladresse de lInra soutenir par ses travaux lengagement de la Nation dans une croissance verte .

Le Premier Ministreencourage la recherche

MARION GUILLOU, FRANOIS FILLON ET VALRIE PCRESSE lors de la prsentation des travaux sur la production intgre du bl.

agronomiqueLors de sa venue, le jeudi 13 septembre, sur le site Inra AgroParisTech de Grignon, le Premier Ministre a clairement affirm son soutien et celui du Gouvernement aux organismes de recherche finalise au cur de la relation entre le savant et le politique, entre le savoir et laction, entre celui qui propose des choix et celui qui les met en uvre . Cette affirmation de la place privilgie de la recherche finalise est novatrice.

Lrepres Budget 2008 +1,8 Milliards deuros pour lenseignement suprieur et la recherche autonomie des universits et partenariat avec les organismes de recherche rforme du crdit impt recherche.

25 REPORTAGEUnit Environnement et grandes cultures Colloque GIS prions Colloque Labels et marques

Marion Guillou,prsidente-directrice gnrale de lInra

29 IMPRESSIONS 34 REGARDLaurier Inra jeune chercheur

INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE 147 rue de l'Universit 75338 Paris Cedex 07

www.inra.frDirectrice de la publication : Marion Guillou. Directeur ditorial : Pierre Establet. Rdacteurs en chef : Michel Zelvelder, Catherine Donnars. Rdaction : Magali Sarazin, Pascale Mollier, Frdrique Chabrol, Patricia Lveill. Conception : Citizen Press - 01 53 00 10 00. Photothque : Jean-Marie Bossennec, Julien Lanson, Christophe Matre. Maquette : Patricia Perrot. Impression : Caractre. Dpt lgal : octobre 2007. ISSN : 1958-3923

36 AGENDA

a visite du Premier Ministre est la premire dune des deux ttes de lexcutif sur un site de lInra, depuis linauguration en 1988 du btiment des Biotechnologies du Centre de Jouy-en-Josas par Franois Mitterrand. Sadressant aux chercheurs, ingnieurs et techniciens de lInra, mais aussi aux tudiants dAgroParisTech, le Premier Ministre a soulign que les missions de lInra se situaient larticulation des grands dfis plantaires, comme lnergie, le changement climatique, la protection de lenvironnement, la valorisation des territoires, la scurit sanitaire, la nutrition et la qualit de lalimentation humaine Il souhaite que la recherche traduise ces chantiers en avances grce lexcellence et la pertinence des rsultats scientifiques et en clairages, nces-

saires pour les dcideurs comme les citoyens, en se fondant sur lengagement des chercheurs dans lexpertise. Puis, le Premier Ministre a insist sur le dialogue entre la recherche fondamentale, investissement pour demain, et la recherche applique, validant les avances scientifiques travers les innovations. Je soutiendrai vigoureusement le mtier de la recherche finalise et de lexpertise technique au service des politiques publiques. Qui dit soutien la recherche finalise, dit soutien aux organismes qui la mettent en uvre. Bien sr, il faudra rflchir la cohrence des primtres daction de nos organismes. Il faudra amliorer leur fonctionnement, permettre une coopration efficace entre tous les acteurs, notamment les universits a plaid Franois Fillon.

A propos de la gestion du travail scientifique, il a ajout : Nous sommes l au cur de la modernisation ncessaire de notre systme de recherche : simplifier le cadre administratif pour faciliter la vie quotidienne des chercheurs, offrir plus de ractivit, plus de souplesse dans la gestion des laboratoires pour travailler en partenariat avec lentreprise ou ltranger. Pour lInra, cette visite est un message clair sur la reconnaissance de la qualit du travail et de limportance des missions de linstitut, une affirmation motivante la veille du dbat sur la recherche. Pierre Establet

+dinfos

Osur le Web : www.premier.ministre.gouv.fr

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I NRA MAGAZINE N2 OCTOBRE 2007

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Inra / Christophe Matre

HORIZONS

en bref

LEurope de la

Une prospective sur la PAC

OBiotechnologiesvgtales : lInra sengageLe Conseil dadministration a adopt le 27 juin une dclaration de principes sur sa politique scientifique en matire de biotechnologies vgtales dont les OGM. L'Inra y prcise ses mthodes de travail et ses engagements en tant quinstitut de recherche finalise au service de la socit. Il sengage galement ouvrir le dialogue, en interne comme lexterne, sur les avantages et les risques des biotechnologies vgtales.

bio-conomieLes rponses au premier appel doffres du 7e programme-cadre europen de recherche sont connues. Christian Patermann, principal instigateur du volet II alimentation, agriculture, pches et biotechnologies de ce programme nous fait part de sa vision de la recherche agronomique europenne.

LCHRISTIAN PATERMANN Directeur du programme Biotechnology, Agriculture & Food la Direction gnrale de la Recherche de la Commission europenne

Quels sont les points forts du 7e programme-cadre de la recherche europenne ? Christian Patermann : La grande nouveaut tient dans le concept de bioconomie base sur lacquisition de connaissances (Knowledge Based Bio Economy, KBBE). La recherche agronomique sinscrit pleinement dans ce concept, cest ce qui fait sa grande modernit. Ses connaissances ne viennent pas seulement de lagriculture conventionnelle mais intgrent les bio et nanotechnologies, les nouvelles technologies de la communication (NTIC), les connaissances nouvelles sur la chimie organique, linformatique, etc. Les chercheurs dcouvrent en ce moment ce qui se joue aux chelles micro et nanoscopiques ; ils produisent des connaissances sur lintrieur de la plante, sur le mtabolisme cellulaire, sur les protines qui constituent une grande usine dans la cellule... Cet intrieur nous offre les potentiels dont la recherche agronomique navait jamais rv ! Reste comprendre comment ces nouvelles connaissances peuvent tre interprtes et traduites en outils daide la dcision dans un systme agricole dsormais multifonctionnel. Le budget du

7e programme cadre allou au volet II alimentation, agriculture, pche et biotechnologies slve 2 milliards deuros, ce qui est relativement faible au regard des volets sant, communication, transport... La recherche agronomique nest pas considre comme une priorit europenne de premier rang. Je lexplique par labondance alimentaire qui masque limportance du secteur agricole. Mais la donne volue mesure que lon entrevoit la concurrence entre les 4 F de food, feed, fuel, fiber (alimentation humaine, alimentation animale, carburant, fibres). Cependant, savez-vous que sur la prochaine priode 2007-2013 (la mme que le 7e programme cadre), les fonds structurels, rgionaux et de cohsion vont consacrer 10% de leur montant (310 milliards deuros) aux infrastructures de recherche ? Avec un cofinancement allant de 20 50%, ces fonds quivalent au montant du 7e programme cadre : de lordre de 53 54 millions deuros. Quattendez-vous des grands instituts comme lInra ? CP : Dabord de prendre des fonctions de leaders, de coordinateurs de consortiums pour attaquer de grands problmes scientifiques quun seul institut ou pays ne peut seul rsoudre. Ensuite, jattends quils donnent lexemple de la modernisation. Et ils peuvent le faire rapidement car ils ont les ressources financires, institutionnelles et en personnel pour ouvrir les portes sur dautres disciplines. Je suis plutt satisfait de la participation de l'Inra dans le premier appel propositions du 7e programme cadre. Comment situez-vous lEurope de la recherche sur lchiquier international ? CP : Les chercheurs europens ne sont pas mauvais du tout car ils sont

Rsultats du 1er appel doffres KBBELInra coordonnera cinq projets du volet Knowledge Based Bio Economy (KBBE). Ils portent sur la gnomique du bl, la slection des espces forestires, la matrise de la propagation du virus de la Sharka sur les arbres fruitiers, la slection des peupliers pour la production de biomasse et ltude de la concurrence entre filires alimentaires et non alimentaires des produits agricoles. Par ailleurs, lInra est partenaire de neuf autres projets : parois vgtales, pathognes vgtaux, excrtion dazote chez les ruminants, ingnierie alimentaire, additifs et colorants, slection molculaire des plantes, systmes agricoles non alimentaires, enzymes lipidiques et politiques agricoles.

beaucoup plus ouverts lintgration entre connaissances de diffrents ordres. Cest pourquoi je pense que nous avons un petit avantage, en Europe, sur les Etats-Unis ou lAsie dont les recherches sont mono-orientes par les disciplines scientifiques. Ce sont les Europens qui ont invent les principes de la multidisciplinarit, de lintgration des connaissances et le concept de bio-conomie fonde sur la connaissance. Lexcellence scientifique par discipline est une condition pralable, mais il faut considrer un problme dans une chane de questionnements et ce nest pas facile car on manque encore de mthodologies et dindicateurs dvaluation cohrents. Cependant, malgr la stratgie de Lisbonne, chaque anne 100 milliards de dollars sparent le budget amricain des budgets europens consacrs la recherche. La contribution de la Commission europenne joue financirement un rle mineur : environ 8% des dpenses de recherche de lUnion. Mais si lon regarde son apport aux projets de recherche, elle pse de lordre de 20%. Propos recueillis par Catherine Donnars et Emmanuelle Klein

a prochaine chance de rforme de la Politique agricole commune est fixe 2013, mais ds 2008, les ngociations vont commencer. LInstitut en partenariat avec le Crdit agricole et Groupama, a conclu une rflexion prospective pour outiller lEtat et les parties prenantes de cette ngociation. Les scnarios sappuient sur des hypothses de variations du contexte de la demande en produits agricoles (croissance mondiale, nergie, environnement) crois avec des hypothses dvolution des outils de rgulation international (OMC) et europen (PAC). A partir de l, trois scnarios ont t construits. Des modlisations conomiques et des simulations comptables ont valu leurs impacts en termes quantitatifs, tandis que des panels de spcialistes de divers horizons, les ont apprcis de manire qualitative. En rsum, dans le scnario, dit le pas , la croissance conomique mondiale est ralentie et la PAC inchange. Lavenir du secteur des grandes cultures dpend fortement de la politique de promotion des biocarburants et celui des productions animales de la politique aux frontires de lUnion. Le scnario tendanciel appel le trot

supprime les instruments de rgulation des marchs communautaires, ce qui fragilise les productions dherbivores en dehors dune politique environnementale visant le maintien de llevage extensif dans les zones dfavorises. Dans le troisime scnario, le galop , la croissance mondiale renforce a un impact positif sur la production agricole europenne et franaise, les productions sont cependant diversement affectes. Prenant en considration nombreux facteurs de changement, les rsultats de cette prospective court terme renseignent de multiples dimensions gnrales ou prcises du devenir de lagriculture franaise et europenne. Les conomistes pointent le rle cl des prix agricoles dans une conjoncture la hausse ainsi que linconnue sur le poids quauront les biocarburants. Mais surtout, ils invitent tre vigilant sur llevage bovin et ovin viande, qui souffre dans tous les scnarios envisags et est mme menac dans certaines rgions, moins dun soutien fort de la PAC.Colloque : Rsultats de la prospective Agriculture 2013 Jeudi 4 octobre 2007 - Les salons de lAveyron 17 rue de lAubrac - 75012 Paris.

ONouveau pleagro-alimentaireAgrimip innovation, nouveau ple de comptitivit (MidiPyrnes) consacr l'agroalimentaire et l'agro-industriel implique lInra de Toulouse.

OLaboratoire d'analysesvgtales accrditLe laboratoire d'analyses vgtales Usrave (Bordeaux) spcialis dans l'analyse des lments minraux, vient dtre accrdit par le comit franais d'accrditation. Celle-ci porte notamment sur l'analyse des lments traces chez les arbres forestiers et fruitiers, ainsi que chez les crales, les gramines et les lgumes. www.bordeaux.inra.fr/usrave

+dinfosOcontact : christine.jez@ paris.inra.fr

LInra lance les Carrefours de linnovation agronomique

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+dinfos

OLivre vert : lEspace europen de la recherche : nouvelles perspectives 4/4/2007 - (com2007) 161 final http://ec.europa.eu/research/era/pdf/er a_gp_final_fr.pdf OBourse Marie Curie : http://cordis.europa.eu/improving/ fellowships/home.htm O7e programme-cadre : http://cordis.europa.eu/fp7/dc/index.htm Volet II-KBBE : http://ec.europa.eu/ research/biosociety/index_en/html OWeb Inra : www.inra.fr/les_partenariats/ collaborations_et_partenaires/europe

Inra lance le 22 novembre 2007 le premier Carrefour de l'innovation agronomique (Ciag). Ce nouveau rendez-vous semestriel a pour but de favoriser le transfert des rsultats des recherches de lInra qui sont sources dinnovations, en les faisant connatre aux professionnels de lagriculture. Lenjeu est de contribuer rpondre aux nouveaux dfis de lagriculture, besoins alimentaires et non alimentaires croissants et respect de lenvironnement, et de proposer des voies nouvelles pour une agriculture comptitive et durable explique Christian Huyghe, responsable lInra de la manifestation. Les innovations reprsentent un levier central du dveloppement conomique en agriculture. La premire dition concerne la pro-

tection intgre des cultures, en arboriculture et en viticulture. Des chercheurs de lInra prsenteront des rsultats de recherche obtenus dans ce domaine. Les instituts techniques concerns par ces deux filires prciseront les opportunits et les freins lis la mise en uvre de ces innovations. Ce thme sera dclin pour les grandes cultures lors dune dition ultrieure des Ciag. Les participants (entre libre sur inscription) questionneront ces avances scientifiques, pour mieux se les approprier ! A lissue du Carrefour, des synthses documentes seront mises en ligne et accessibles tous.Colloque : 22 novembre 2007 Salle Eurosites Rpublique 8 bis, rue de la Fontaine au Roi 75011 Paris

OCooprationavec l'AlgrieL'Inra et le Cirad ont sign le 12 juillet un accord de coopration avec l'Institut national de recherche agronomique d'Algrie (Inraa) et l'Institut national de recherche forestire algrien (INRF).

OCooprationavec la PologneLInra signe le 28 septembre, Varsovie, un accord de coopration avec le ministre polonais de la Science et de lEducation suprieure.

+dinfosOcontact :

Christian Huyghe, christian.huyghe @lusignan.inra.fr

+dinfoswww.inra.fr

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RECHERCHES

gupes, ou pour les champignons entomopathognes avec lesquels ils constituent de vritables cosystmes. Un quilibre semble donc stre cr entre les pucerons et leurs ennemis naturels, qui subissent eux aussi linfluence du rchauffement climatique, mme si les chercheurs souponnent que tt ou tard, la dsynchronisation de leurs dveloppements respectifs pourrait le modifier. Sur le plan de la biodiversit, le bilan montre que certaines espces ont disparu mais que beaucoup dautres sont apparues au gr des changes internationaux (denres, plantes dornements, passagers) tandis que les espces rares ont vu leur nombre augmenter. La rcente hausse de la temprature aurait par ailleurs favoris linstallation de ces dernires. Un dveloppement de plus en plus prcoce Le deuxime effet particulirement visible concerne les tapes du dveloppement des pucerons, qui commencent de plus en plus tt. Cest le cas de Myzus persicae, puceron vert du pcher, qui se nourrit dun grand nombre de plantes sauvages et cultives et transmet de nombreux virus vgtaux. A la station exprimentale de Rothamsted (Angleterre), ses migrations de printemps sont de plus en plus prcoces. Elles se produisaient vers le 24 mai dans les annes 1960, elles ont lieu aujourdhui vers le 7 mai. Dans le mme temps, les tempratures moyennes de janvier et fvrier sont passes de 3,3 4,6C. Ce phnomne est gnralisable un grand nombre despces lchelle europenne, prcise Maurice Hull, et si lon se rfre aux prvisions actuelles du

Inra / Serge Carre

& INNOVATIONS

FORME AILE du puceron cendr du chou.

Portrait des puceronsPuceron des crales, puceron noir de la fve, puceron du tilleul, puceron vert du pcher, puceron cendr du chou... tous se nourrissent de la sve des plantes. Preuve de leur passage, ils laissent une couche poisseuse et gluante sur les feuilles quils visitent : lexcs de sucre quils rejettent, ou miellat , dont les fourmis sont friandes. Pour lanecdote, le miel de sapin provient de ce miellat dpos sur les branches des sapins. Cette couche favorise le dveloppement de champignons qui entravent la photosynthse et la transpiration de la plante. Consquence : les feuilles senroulent sur elles-mmes, se desschent et chutent prmaturment, la plante stiole. Le puceron peut aussi provoquer des dgts indirects, en transmettant des virus pathognes pour les plantes, pouvant entraner la perte complte de rcoltes.

Le rchauffement climatique diversifieles

PUCERONS du pois sur luzerne. Les individus adultes sont en phase d'alimentation avec le stylet plant dans la tige.

puceronsoutre, son temps de gnration est trs court : un puceron donne vie 18 gnrations par an alors quun papillon ne se multiplie quune ou deux fois. Si les tempratures augmentent de 2 C, les pucerons passent 23 gnrations par an. Avec une fcondit moyenne de 40 larves par pucerons et par gnration, on multiplie alors le nombre dindividus potentiels par cent millions ! prcise Maurice Hull. Pourtant, les observations du rseau EXAMINE montrent quen France le nombre de pucerons est rest stable pendant les trente dernires annes ; seul le nombre despces a augment de 20 %. Explication : les pucerons, qui se nourrissent de la sve des plantes, reprsentent euxmmes une source alimentaire trs importante pour de nombreux prdateurs directs, coccinelles, petites

On sattend ce que le rchauffement climatique entrane une baisse de la biodiversit. Ce ne sera probablement pas le cas pour les populations de pucerons, dont le nombre despces a augment en France de 20 % en trente ans, sans toutefois compter plus dindividus au total. Cest ce que rvlent les travaux de Maurice Hull, chercheur de lInra Rennes.

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ous avez limpression que les pucerons pullulent davantage sur votre rosier favori ? Livrez-vous ce petit exercice : identifiez laquelle des 700 espces europennes, parmi les 4400 du groupe des pucerons, sest invite et rpertoriez tous les insectes anne aprs anne. Cest ce genre de comptage quont fait Maurice Hull et les scientifiques du rseau EXAMINE pendant 40 ans, au moyen de 70 piges insectes installs dans 19 pays europens. Ces piges aspirent tous les insectes la hauteur de 12 m, essentiellement des pucerons ails qui migrent pour salimenter et se reproduire. Les pucerons reprsentent un intrt majeur, explique Maurice Hull. Dune part, ils font partie des principaux ravageurs des cultures des zones

tempres de lhmisphre nord. Toute nouvelle connaissance permet donc damliorer les modles davertissement agricoles. Dautre part, ils constituent une ressource alimentaire importante des cosystmes. Et surtout, ils ragissent trs rapidement aux augmentations de temprature : leur vitesse de dveloppement et leur fcondit en dpendent directement. Les tempratures influent sur la reproduction des pucerons Comme pour tous les insectes, le dveloppement du puceron est li la temprature. Il est actif et se multiplie partir de 4 C, une temprature extrmement basse par rapport aux autres insectes. Il spanouit pleinement entre 20 et 22 C mais pas au-del de 30 35 C, do sa prfrence pour les zones tempres. En

Groupe dexperts intergouvernemental sur lvolution du climat (GIEC), la prcocit devrait gagner encore un mois dici le milieu du XXIe sicle ! Aujourdhui, les chercheurs tudient dautres effets du rchauffement climatique sur les pucerons, notamment sur leurs modes de reproduction, sexue et asexue, quils combinent au cours de lanne. Les pucerons vontils privilgier la reproduction asexue, ou parthnogense, grce laquelle une femelle pond des clones, larves immdiatement viables, qui leur assurent une multiplication rapide ? Et cela au dtriment dune reproduction sexue, o les ufs, rsistants au froid, sont immobiliss trois mois durant mais qui leur permet de gnrer de nouvelles combinaisons gntiques ? En dautres termes, les chercheurs veulent vrifier si, lchelle de quelques dizaines dannes, des changements volutifs aussi importants sont possibles. Magali SarazinCOLONIE DE PUCERONS (Myzus persicae) sur de jeunes germes de pomme de terre.

repres+dinfos

Une espcevgtale sur

quatre est attaquepar les pucerons, pratiquement toutes les plantes dintrt agricole.

Laboratoire Biologie des organismes et des populations applique la protection des plantes (Inra-AgroCampus Rennes) : http://w3.rennes.inra.fr/umrbio3p/ equipes/insectes/insectes.htm Osur le web : La complexe vie amoureuse des pucerons en vido : http://www.rennes.inra.fr/la_science_ et_vous/zoom_sur/fiches_et_dossiers_ thematiques/resistance_des_plantes_ aux_bio_agresseurs/la_complexe_vie_ amoureuse_des_pucerons EXploitation of Aphid Monitoring systems IN Europe (EXAMINE) : http://www.rothamsted.bbsrc.ac.uk/ examine/ Orfrences : Pucerons, les connatre pour mieux les combattre , dossier de Biofutur, n 279, juillet-aot 2007. Cocu N., Rounsevell M.D.A., Harrington R., Pearson R.G., Hull M., The response of the aphid Myzus persicae to scenarios of climate and land use change. Global Change Biology (sous presse). Harrington, R. Clark, S.J., Welham, S.J., Verrier, P.J., Denholm, C.H., Hull, M., Maurice, D., Rounsevell, M.D.A., Cocu, N. and EU EXAMINE Consortium. Environmental change and the phenology of European aphids. Global Change Biology (sous presse). Ocontact : Maurice Hull [email protected]

Inra / Yvon Robert

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RECHERCHES

en bref

& INNOVATIONS

Une charte pour renforcer la lutte contre

la sharkaUne charte nationale de prvention et de lutte contre la sharka, maladie virale qui atteint les arbres fruitiers noyaux, sera signe le 3 octobre 2007 par lInra, le ministre de lAgriculture et de la Pche, et Viniflhor*, ainsi que par les organisations professionnelles et interprofessionnelles qui souhaiteront y adhrer. Franois Houllier, directeur scientifique de lInra et Thierry Candresse, virologiste au centre Inra de Bordeaux, nous prsentent cette charte.

sont par exemple les virus du rhume ou de la poliomylite. Ils stockent leurs informations gntiques sur une molcule dARN et non dADN. Le virus de la sharka se transmet darbre en arbre, via les pucerons ou par la diffusion de plants et de porte-greffes (1) dj infects. En France, les travaux de l'Inra ont permis d'identifier une vingtaine despces de pucerons vecteurs et de prciser leur importance respective. Outre les feuilles, les fruits infects sont eux aussi source de virus pour les pucerons, cest pourquoi leur commercialisation est interdite. Quelle est la contribution scientifique de lInra ? T. C. : Avec ses partenaires, lInra a identifi cinq des six souches du virus connues. Cette connaissance est dterminante pour la fiabilit des mthodes de dtection de la maladie mises au point par lInra. La dtection est dautant plus importante que certaines varits de Prunus infectes ne manifestent que des symptmes trs fugaces. Ces varits dites tolrantes peuvent constituer de redoutables rservoirs de la maladie. La rpartition irrgulire du virus dans la plante a conduit lInra augmenter la sensibilit des tests dun facteur 2000 depuis les annes 1980, afin de dtecter des quantits infimes du virus, tout en amliorant la rapidit des tests. Les rsultats sont aujourdhui disponibles en un jour, contre deux mois auparavant. Une des principales contraintes de ces techniques de diagnostic reste cependant leur cot car un test ne peut coter aussi cher quun plant ! Lanalyse des conditions de dissmination du virus a par ailleurs permis dtablir quun isolement de l'ordre du kilomtre met normalement labri des contaminations par les pucerons et a permis de valider la stratgie de lutte par arrachage. Peut-on attendre de ces travaux une alternative larrachage ? T. C. : Oui, mais moyen ou long terme. LInra dveloppe aussi des varits fruitires rsistantes. Pour l'abricotier, par exemple, des croisements pourraient runir dans une mme varit des proprits agronomiques dadaptation aux conditions franaises de production et une rsistance issue des quelques varits rsistantes dorigine nord-amricaine. Dans le cas du pcher, on ne connat pas de varit rsistante : les programmes visent alors lobtention dhybrides avec dautres espces. Les chercheurs comptent sur la slection assiste par marqueurs molculaires, une biotechnologie applique au vgtal pour faciliter et acclrer les longs programmes de slection ncessaires. Un autre programme, dvelopp l'Inra de Bordeaux et soutenu par Viniflhor, consiste rechercher des gnes de rsistance chez Arabidopsis thaliana, une plante modle que les chercheurs connaissent bien, puis identifier des gnes similaires parmi la diversit gntique naturelle ou dans des banques de gnes mutants de Prunus. L encore, les biotechnologies, en loccurrence le criblage haut dbit de ces mutants, nous permettront de gagner du temps. F. H. : LInra prpare le lancement dun nouveau projet europen, baptis SharCo pour Sharka Containment . Il vient dtre slectionn par le 7e programme cadre de recherche (2). Impliquant onze partenaires internationaux et coordonn par lInra, il intgre toutes ces dimensions la fois, pidmiologique, virologique et gntique, et devrait dboucher sur des avances pratiques dans la lutte contre la sharka dans les diffrents pays europens. Propos recueillis par M. S.

OSquenagedu gnome de la vigneLes scientifiques du Genoscope, de l'Inra et de plusieurs Universits ainsi que de l'Istituto di Genomica Applicata (IGA) en Italie, ont obtenu une squence de haute qualit de Vitis vinifera. Le dtail de ces rsultats est publi dans l'dition en ligne de Nature du 26-08-07.

Inra / Thierry Candresse

OSquenage d'unpathogne des poissonsDes chercheurs ont squenc le gnome d'une bactrie, Flavobacterium psychrophilum, responsable d'infections mortelles dans les levages de salmonids. Dtail dans Nature Biotechnology 24-06-07

est combattue en France depuis 1970 et dans les rgions o larrachage prcoce est appliqu systmatiquement (Gard, Sud Ouest, etc.) on arrive contenir le virus, voire le faire reculer. On la aussi constat en Suisse, pays qui a russi radiquer la maladie. En mme temps, le virus continue sa progression mondiale : il est apparu en 1999 en Amrique et en 2006 en Asie. Aujourdhui, de trs rares exceptions prs, la sharka npargne plus aucun grand pays producteur. Qui est linitiative de cette charte ? F. H. : La charte rsulte dune concertation initie par la Direction gnrale de lAlimentation du ministre de lAgriculture, lInra et Viniflhor, sur la base de leurs expertises respectives. Elle a ensuite t soumise aux principales organisations professionnelles concernes. Elle repose sur lengagement volontaire de chacune de ces organisations, qui peut dcider ou non de ladopter. La charte inclut lorganisation de la prvention, la lutte oprationnelle contre la maladie et la mise en place dun rseau de surveillance pidmiologique. Des arrts ministriels viendront complter ce dispositif. Que sait-on aujourdhui de cette maladie ? T. C. : : La sharka, aussi appele variole du prunier est provoque par le virus Plum Pox, du genre des Potyvirus, qui comprend le plus grand nombre de virus vgtaux dcrits et est certainement lorigine des dgts les plus importants aux cultures. Ce sont des virus ARN, comme le

FRUITS ABMS par la sharka.

OModle conomiquercompensL'American agricultural Economic Association a remis le prix Quality of Research Discovery Award Arnaud Reynaud, chercheur Toulouse pour avoir mis au point, en collaboration avec l'universit de Californie, un modle conomique d'aide la dcision dans la gestion des ressources naturelles face un risque.

BSIP

Inra / Thierry Candresse

(1) Les plants sont greffs sur un porte-greffe dune varit diffrente pour cumuler les avantages de deux varits. (2) Voir article en page 4.

OUne horlogedans les antennesUne horloge circadienne a t localise dans les antennes des papillons noctuelles, gros ravageurs des cultures. Les chercheurs tudient son influence sur le comportement sexuel des femelles et sur la perception des odeurs chez les mles, dans la perspective de contribuer des mthodes de pigeage ou de confusion sexuelle.

TACHES sur les feuilles d'un prunier causs par le virus de la sharka.

* Office national interprofessionnel des fruits, des lgumes, des vins et de lhorticulture

Pourquoi lancer aujourdhui une charte pour lutter contre cette maladie ? Franois Houllier : Lide est de continuer mobiliser les arboriculteurs et les ppiniristes ainsi que les organismes impliqus dans la veille sanitaire et la recherche, pour rompre le cycle pidmique de la maladie. La sharka touche toujours des exploitations du sud de la France. Elle attaque des espces cultives du genre Prunus : les pchers, les abricotiers et les pruniers. Les symptmes sont des dfauts de coloration des feuilles et des fruits, ou des dformations des fruits, qui, pour les varits les plus sensibles, deviennent immangeables. Cette maladie, mme si elle na au-

cune incidence sur la sant humaine, met en danger la qualit et la prennit des productions fruitires et des ppinires en France. Or il nexiste pas, ce jour, de moyen de lutte chimique ou biologique. La charte rappelle donc que le seul moyen de lutter est l'utilisation de plants certifis indemnes de maladie, la surveillance rgulire des vergers et larrachage immdiat de tout arbre contamin. Thierry Candresse : Cest au prix de cette stratgie que la France ne se sort pas si mal dune maladie qui touche lensemble des pays de lEurope centrale et mditerranenne, aprs avoir t identifie pour la premire fois en 1917 en Bulgarie. La maladie

OUn portail pour lesplantes tropicales aux AntillesLe Centre de ressources biologiques (CRB) des plantes tropicales situ en Guadeloupe et Martinique regroupe six collections reprsentant 3000 varits de plantes cultives, gres par l'Inra et le Cirad. http://collections.antilles.inra.fr

+dinfos

Ocontact : Franois Houllier, directeur scientifique plante et produits du vgtal lInra [email protected] Thierry Candresse, directeur de lInstitut fdratif de recherche de Biologie vgtale intgrative (Inra-CNRS-Universits Bordeaux 1 et 2) [email protected]

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RECHERCHES

INTERVIEW

& INNOVATIONS

Une

la fertilit

souris pour tudier Inra / Marie-Anne Verny

mle

Un des prairies permanentes et de leur environnementLe 11 octobre, lObservatoire de recherches en environnement (ORE) sur les prairies permanentes sera inaugur Theix. Il permet dtudier sur une longue priode (plus de 20 ans) les interactions entre vgtation, sol et atmosphre. Jean-Franois Soussana, directeur de lUnit Agronomie de Clermont-Ferrand, nous explique lintrt dun tel dispositif.

observatoire

Dans de nombreux cas de strilit masculine, les spermatozodes sont fonctionnels mais en nombre insuffisant. LInra sest interess aux cellules de Sertoli, prsentes dans les testicules, qui contrlent le nombre de spermatozodes produits.

es chercheurs de Tours ont mis au point une ligne de souris transgniques qui leur sert de modle pour tudier le rle des gnes exprims dans les cellules de Sertoli du testicule. Plus de trente accords de transfert de ce modle ont dj t signs avec des quipes europennes, amricaines, australiennes... Pourquoi cet intrt de la part de la communaut scientifique internationale ? Parce que les cellules de Sertoli jouent un rle majeur dans la fertilit mle. Les chercheurs ont montr chez toutes les espces tudies que le nombre de spermatozodes mis est directement proportionnel au nombre de cellules de Sertoli. Situes dans les tubes sminifres, ces cellules synthtisent et scrtent des nutriments utiles la multiplication et la maturation des spermatozodes. Un moyen dtudier prcisment la fonction des gnes impliqus dans ces mcanismes est de les inhiber, uni-

L

quement dans les cellules de Sertoli, et dvaluer les consquences sur le dveloppement et les fonctions du testicule. Inhiber un gne dans un type cellulaire donn Cette approche mthodologique est difficile. En effet, toutes les cellules possdent le mme patrimoine gntique. La majorit des gnes, surtout ceux qui sont impliqus dans les fonctions de base de la cellule (division, synthse protique, mcanismes de rgulation) sont exprims dans la plupart des types cellulaires. Si lon invalide ce type de gnes dans lensemble de lorganisme, les effets peuvent retentir sur lorganisme entier sans que lon puisse distinguer le rle du gne en question dans un organe particulier. Toute la difficult consiste invalider un gne uniquement dans les cellules que lon veut tudier. Pour cela, on cre deux types de souris : dune part des souris prsentant de courtes squences de nuclotides dnommes Lox P qui encadrent le gne invalider et, dautre part, des souris qui expriment une protine, la recombinase cre, qui reconnat les sites loxP et provoque lexcision du gne compris entre ces sites (cf schma). Dans le modle cr lInra, ces dernires souris expriment la recombinase cre spcifiquement dans les cellules de Sertoli. Ainsi, lorsque lon croise les deux types de souris, leurs descendants prsentent une invalidation du gne tudi uniquement dans les cellules de Sertoli.

Grce ces modles souris trs convoits, les chercheurs de lInra ont montr le rle du rcepteur de la testostrone dans la formation des spermatozodes et limportance dun facteur de transcription (appel WT1) dans la formation du testicule. Ils tudient actuellement les gnes qui codent pour les rcepteurs des hormones thyrodiennes et pour la transferrine, une protine de transport du fer. Des retombes en levage et en mdecine humaine Ces travaux devraient trouver des applications en levage par une meilleure matrise de la production des semences des bovins, porcins et ovins. En mdecine humaine, on observe dans de nombreux pays industrialiss une baisse de la fertilit qui semble corrle avec la prsence de polluants dans notre environnement. Connatre les mcanismes de la reproduction pourrait contribuer comprendre le mode daction de ces polluants et identifier plus finement les facteurs de risques pour ajuster les mthodes de prvention. Pascale MollierLa ligne de souris est mise la disposition de la communaut scientifique internationale lEuropean Mouse Mutant Archive (EMMA), base Munich : www.emmanet.org/

Inra

Souris exprimant la protine Cre uniquement dans les cellules de Sertoli

+dinfos

Quest-ce que lObservatoire de recherche en environnement sur les prairies permanentes ? Jean-Franois Soussana : Concrtement, cet ORE est constitu dun ensemble de parcelles exprimentales, situes en moyenne montagne (Puy-de-Dme), sur les sites de Theix (3 ha) et de Laqueuille (5 ha). Gr par des agronomes et des zootechniciens, le dispositif permet dtudier les effets de la pression de pturage, du type danimaux (bovins ou ovins), de la fauche et de la fertilisation des prairies. On suit lvolution des espces vgtales en fonction des conduites agricoles. Rciproquement, on tudie les consquences de lvolution de la biodiversit sur laction des herbivores. Sept types de gestion des prairies sont ainsi compars. On observe sur chaque parcelle lvolution de la biodiversit (flore, faune et microorganismes du sol), de la valeur agronomique, des matires organiques du sol et des flux vers lenvironnement (eaux et atmosphre). A Lusignan (Poitou-Charentes), un deuxime site tudie les prairies temporaires auxquelles succdent, en rotation, des cultures annuelles. Un troisime site, install au printemps dernier Mons (Somme) porte sur la place

des cultures nergtiques annuelles ou prennes dans les systmes de culture. Ces trois sites constituent lORE Agrosystmes, cycles biogochimiques et biodiversit . Quelles sont les questions qui vous intressent particulirement ? J.-F. S. : Nous effectuons une large gamme de mesures, sur les sols (temprature et humidit, stocks de matire organique), sur lenvironnement (qualit de leau, flux de gaz effet de serre). La dynamique des matires organiques du sol nous intresse particulirement, car celles-ci gouvernent la rponse biologique long terme des cosystmes. Elle dpend de la conduite agricole des prairies : les herbivores modifient la structure de la vgtation (rase ou haute) et influencent par leurs rejets les mcanismes de recyclage de la matire organique. Nous analysons galement les consquences dapports dengrais minraux qui conditionnent la fertilit du systme. La gestion de la prairie modifie sa biodiversit qui, en retour, agit sur

VUE DES PARCELLES EXPRIMENTALES de l'ORE de Theix.

le type de services cologiques rendus, en rduisant le ruissellement et lrosion, en agissant dans la protection de la qualit des eaux et dans le maintien de stocks levs de carbone dans les sols. LORE intresse-t-il dautres quipes au-del de votre quipe clermontoise ? J.-F. S. : Chaque site est ouvert la communaut scientifique qui peut y mener des recherches sur le fonctionnement des cosystmes. Le site de Laqueuille, par exemple, est intgr des projets europens de mesure des bilans des gaz effet de serre, notamment du pigeage du carbone dans les sols.

Illustration : ????

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www.ore.fr CarboEurope IP, NitroEurope et GreenGrass, projets europens du 5e et du 6e PCRDT Ocontact : Jean-Franois Soussana, [email protected]

Ocontact : Florian Guillou,

[email protected]

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Inra

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RECHERCHES

& INNOVATIONS

Notre

mmoiredes alimentsboisson soit consomme une fois par semaine ou une fois par mois. En parallle, les chercheurs se sont attachs dterminer les facteurs qui favorisent la mmorisation dun aliment. Certains sont propres chaque aliment. Par exemple, on se souvient mieux de lintensit sucre dune crme dessert que de sa consistance, mais linverse pourra tre observ pour un autre aliment. Dautres facteurs seraient plus universels. Par exemple, on se souvient mieux des aliments que lon aime que de ceux que lon naime pas. De mme, on se souvient mieux de la nature dun arme que de son intensit. Enfin, les chercheurs (1) analysent les zones du cerveau impliques dans la reconnaissance dun aliment. Il nexiste pas un centre unique de la mmoire des aliments mais des zones diffrentes qui sactivent lors du rappel des souvenirs, des motions, ou encore des odeurs et des saveurs explique Claire Sulmont-Ross. Cette cartographie crbrale expliquera-t-elle le phnomne proustien , selon lequel la mmoire des odeurs est bien plus riche en motions que les autres mmoires ? M. S.

1 DfinitionsLe bien-tre animal est une proccupation largement partage

2 EvaluationComprendre et mesurer le bien-tre des animaux dlevage

3 Pratiques dlevageVers un standard europen de bien-tre animal

La mmoire des aliments guide de faon permanente et inconsciente nos choix alimentaires. Des chercheurs de lInra tudient les spcificits de cette mmoire, un domaine de recherche encore rcent et peu tudi dans le monde, malgr des croyances bien tablies et une littrature abondante.

Inra / Catherine Donnars

LA VIE EN ROSE Tapisserie de Dom Robert, 1972.

M(1) Collaboration entre le laboratoire Flaveur, vision et comportement du consommateur (Inra, ENESAD, universit de Bourgogne) et le laboratoire Neurosciences sensorielles, comportement, cognition (CNRS, universit Lyon I).

arcel Proust aurait-il pu reconnatre la madeleine confectionne par sa chre tante Lonie entre mille autres ? Pas sr, car les mmoires sensorielles - celles des odeurs, des saveurs, de la texture - mises en jeu lors de la consommation dun aliment seraient davantage sensibles aux diffrences quaux ressemblances. Pour valuer notre capacit reconnatre des aliments rgulirement consomms, des chercheurs de lInra ont organis une dgustation laveugle . Une centaine de personnes habitues consommer une boisson de marque y ont particip. Les chercheurs leur ont demand de retrouver leur boisson favorite parmi six chantillons de variantes proches de leur boisson habituelle ou au got lgrement diffrent. Rsultat : les dgustateurs sont plus efficaces pour

indiquer ce quils nont pas lhabitude de consommer que pour reconnatre ce quils ont lhabitude de consommer. Les chercheurs interprtent ce mcanisme comme une sorte de rflexe de survie. Tout aliment nouveau est une source de danger potentiel. Il est donc important de pouvoir le reprer avec efficacit afin de lviter, ou tout du moins de lingrer avec prudence. En ce qui concerne la mmoire visuelle ou verbale, la dtection des ressemblances est plus efficace que celle des diffrences. En revanche, la mmoire des aliments a un fonctionnement spcifique. Pour Claire Sulmont-Ross, chercheuse spcialiste de lvaluation sensorielle et des sciences du consommateur : Il ny a pas de lien entre la mmorisation de cette boisson et sa frquence de consommation. On obtient exactement le mme rsultat, que la

La recherche du bien-tre animalResponsable scientifique du dossier : Isabelle Veissier coordonnation Catherine Donnars avec la collaboration de Catherine Beaumont, Alain Boissy, Florence Burgat, Laurent Cario, Patrick Herpin et Frdric LvyI NRA MAGAZINE N1 JUIN 2007

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Orfrences : C. Sulmont-Ross, S. Issanchou & E.P. Kster (2003). Caractristiques de la mmoire des aliments : consquences sur la perception des aliments. Psychologie franaise, 48, 9-21. L. Morin-Audebrand, M. Laureati, C. Sulmont-Ross, S. Issanchou, E.P. Kster & J. Mojet Different sensory aspects of a food are not remembered with equal acuity. Food Quality and Preference (sous presse). Ocontact : Claire Sulmont-Ross, [email protected] Equipe prfrences et comportement alimentaire : formation et volution du laboratoire Flaveur, vision et comportement du consommateur Dijon

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DOSSIER13

DOSSIER

La recherche du bien-tre animal

Q

uest-ce que le bien-tre pour les animaux dlevage ? Comment lvaluer de manire rigoureuse ? Comment lInra en tant quinstitut de recherche faisant de lexprimentation animale prend-il en considration le bien-tre animal ? Quelles pratiques dlevage mettre en uvre pour le favoriser ? En abordant ces questions, ce dossier veut donner au lecteur des lments de rflexion sur ce sujet controvers. Au carrefour de proccupations socioconomiques, morales, biologiques et zootechniques, sa dfinition est loin dtre unanimement partage par les diffrents courants de pense. Le sujet

touche de prs chercheurs et techniciens qui sont galement consommateurs et citoyens et qui vivent les mmes interrogations. Introduite en France dans les annes 1980, lexpression bien-tre animal traduit le mot anglais welfare . Elle recouvre la fois la sant, le confort, ltat mental de lanimal et les mesures de protection prises pour garantir de bonnes conditions de vie aux animaux. Limportance accorde cette question devrait lui permettre de tenir un rle majeur dans la rflexion sur lavenir de llevage car elle interroge le statut de lanimal dlevage et ses relations avec lHomme.

1 Dfinitions

Le bien-tre animal est une proccupation largement partageLe bien-tre animal est une notion composite comportant une forte dimension culturelle et morale. Il questionne les recherches en sciences humaines, biologie et zootechnie.

L

es recherches sur le bien-tre des animaux dlevage se sont dveloppes alors quaugmentaient les critiques contre lintensification des systmes dlevage. Lopinion publique peroit en effet le confinement et la grande taille des lots danimaux comme tant lorigine dune souffrance physique et mentale chez les animaux. Inversement, le dveloppement des rayons ufs de poules leves en plein air dans les supermarchs illustre lattractivit des produits ayant une image favorable au bien-tre animal, mme si le terme ne fait pas encore partie du vocabulaire des consommateurs franais. Pionnires au Royaume-Uni et par-

ticulirement actives en Europe du Nord, les associations de dfense des animaux ont jou un rle moteur dans la mdiatisation du bien-tre animal. En France, lassociation de Protection mondiale des animaux de ferme (PMAF) ne en 1994 a dnonc les pratiques nfastes au bien-tre animal en levage industriel. Le dbat est particulirement tendu avec les reprsentants du monde de llevage et les scientifiques sont souvent interpells pour confirmer ou infirmer des lments du dbat. Si, par tradition, les changes sont rguliers entre la recherche agronomique et les instituts techniques, ils sont moins habituels avec les associations de protection animale. Le 4 juillet dernier, le

rseau de recherche Agri bien-tre animal (1) anim par lInra et qui compte aujourdhui 130 chercheurs (appartenant lInra, au CNRS, des universits, des instituts professionnels et associations) a invit les associations PMAF, Stop Gavage, OABA (Oeuvre d'assistance aux btes d'abattoir) et la Ligue franaise des droits de l'animal prsenter leurs attentes envers la recherche. Elles ont notamment interrog les chercheurs sur leurs approches qui, de leur point de vue, sappliquent surtout aux systmes dlevage intensifs et ont demand des travaux de recherche sur le bien-tre animal dans les systmes extensifs, reconnaissant les problmes spcifiques qui sy posent.

Des consommateurs sensibiliss Au del de ces engagements militants, llevage des animaux destins la consommation constitue un sujet dactualit largement mdiatis. Une enqute sociologique reprsentative mene par Arouna Ouedraogo en 1998 a montr que 72% des individus sont sensibles aux questions de bien-tre animal. Des entretiens plus approfondis ont soulign que le dbat mobilise surtout les classes moyennes urbaines. Les opinions varient selon les catgories sociales, lge, les lieux de rsidence. Elles sont motives par une mfiance envers lalimentation industrielle juge moins sre (la crise de la vache folle ayant marqu les esprits) et de moins bonne qualit ; par une mise en cause thique condamnant les conditions de vie des animaux ; ou par une approche citoyenne sur les droits des animaux. LEurobaromtre de la Commission europenne a valu priodiquement les attitudes envers le bien-tre animal lors dactes dachat : la France se situe dans la moyenne avec, en 2005, prs de la moiti des personnes qui pense aux conditions dlevage en achetant de la viande. Selon Jean-Pierre Poulain, socioanthropologue luniversit de Toulouse-le-Mirail, les consommateurs de viande se partagent entre les mangeurs sereins dont une partie associe la viande au plaisir, les mangeurs contraints, les inquiets et les vgtariens qui la viande rpugne principalement pour des raisons morales. Ces derniers reprsentent 1% de la population franaise. La prise en compte du point de vue des consommateurs se traduit dans les projets de recherche qui considrent de plus en plus le bien-tre animal depuis llevage jusqu ltiquette du produit fini. Un vaste projet europen, Welfare Quality (Integration of animal welfare in the food quality chain : from public concern to improved welfare and transparent quality - voir partie 3) illustre cette volution : il explore les critres et les moyens ncessaires pour certifier au consommateur le respect dun niveau de bien-tre animal. Une telle spcification existe dj au Royaume-Uni. En France, le Label rouge qui garantit une qualit suprieure inclut ga-

Inra / Michel Meuret

lement dans son cahier des charges des pratiques favorables au bien-tre animal. La rglementation europenne La rglementation sur le bien-tre animal poursuit un objectif constant dans son application en levage : davantage de surface par animal, un logement collectif, plus de libert de mouvement (les systmes dattache ont t exclus pour les porcs et les veaux ; ils sont remis en question pour les bovins adultes), un environnement plus diversifi, une alimentation plus conforme aux besoins physiologiques et comportementaux, la limitation des pratiques douloureuses Depuis le 1er janvier 2007, lapplication de la rglementation sur le bien-tre conditionne loctroi des aides europennes aux levages bovin et porcin. La prise en compte du bien-tre animal dans le droit a pour origine la condamnation de la cruaut envers les animaux, institue par la loi Grammont de 1850. Fondement de lactuelle lgislation, la loi Nature de

UN LEVEUR 1976 reconnat pour la premire fois monte que tout animal tant un tre sensirgulirement en alpage ble doit tre plac par son propritaire senqurir du bon dans des conditions compatibles avec tat gnral les impratifs biologiques de son espce de ses gnisses, futures vaches () et vise leur viter des souflaitires. frances lors des manipulations inhrentes aux diverses techniques d'levage, de parcage, de transport et d'abattage . Depuis, la protection des animaux est prise en charge par deux instances europennes. Le Conseil de lEurope tablit des recommandations couvrant aujourdhui presque toutes les espces domestiques, y compris les poissons, et conseille les Etats signataires sur les mesures prendre. LUnion europenne, elle, adopte des directives (qui font force de loi) labores par la direction gnrale de la sant et de la protection des consommateurs (DG-Sanco). Chaque dossier est tay par lexpertise scientifique de lAutorit europenne de scurit des aliments (AESA) qui implique rgulirement des chercheurs de lInra. Des rapports scientifiques ont ainsi t produits sur le transport des animaux (1992, 1999, 2002), labattage 2

Cinq prceptesLe Farm Animal Welfare Council (1993) a dfini cinq prceptes ou liberts (traduction du terme anglais free voulant dire absence de ) ncessaires au bien-tre dun animal domestique : absence de faim et soif ; absence dinconfort ; absence de douleur, blessure et maladie ; possibilit dexprimer le comportement normal ; absence de peur et de dtresse. Ces cinq liberts sont souvent reprises dans la rglementation.

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2 (1996), llevage des veaux (1995), des poules pondeuses (1996), des porcs (1997), le gavage des palmipdes (1998), les poulets de chair (2000), les bovins en engraissement (2001). Les fondements moraux du bien-tre animal Pour Raphal Larrre, sociologue, la prise en compte du bien-tre animal par le droit prend sa source dans lutilitarisme, thorie morale construite la charnire des XVIIIe et XIXe sicles selon laquelle tout traitement des animaux, en levage, exprimentation ou dressage, est moralement dfendable si laugmentation totale de bientre qui en rsulte excde la quantit de souffrance quil inflige . Un acte, qui pourrait paratre condamnable, se justifie donc si les consquences en sont suffisamment bnfiques. Il a fallu attendre la fin du XXe sicle pour quun philosophe australien, Peter Singer intgre de manire impartiale les intrts des animaux dans lvaluation des consquences de nos actions. Cela conduit Peter Singer condamner tout

traitement des animaux que lon estimerait inadmissible sil tait appliqu lhomme prcise-t-il. Pour Florence Burgat, philosophe, le bien-tre animal ne peut se limiter uniquement la satisfaction des besoins fondamentaux : Comment ne pas remarquer que le bien-tre - tat du corps et de l'esprit dans lequel on sent qu'on est bien (Littr) - n'a rien voir avec la simple absence de maux ou encore l'adaptation une situation a priori peu enviable ? interroge-t-elle, Il dsigne un tat d'quilibre et la jouissance de cet tat. Aussi l'absence de souffrances est-elle la condition ncessaire mais non suffisante du bientre. La philosophe estime que le bien-tre pour les animaux d'levage constitue une exigence qui se comprend au regard du fondement de la morale. En effet, explique-t-elle, aux cts d'une tradition qui voit dans le fait de possder la raison et la libert (au sens de l'autonomie de la volont) les marques de l'minente dignit mtaphysique de l'Homme, s'en dessine une autre qui, donnant la priorit la

sensibilit, tend la considration morale au-del des bornes de l'humanit. En quoi en effet, la raison et la libert sont-elles pertinentes pour fonder des droits moraux ? La sensibilit, cette capacit ptir, ouvre la voie une morale au sein de laquelle les hommes, s'prouvant d'abord comme des tres souffrants, avant de se penser comme des tres sociaux, voient dans les animaux leurs semblables, du fait d'une commune vulnrabilit. . Cette rflexion suscite dbats entre chercheurs, mme si les travaux actuels sur les motions (voir chapitre 2) dcoulent de la reconnaissance de la sensibilit chez les animaux. Controverse entre coles de pense Le bien-tre animal fait en effet lobjet, au mme titre que tout concept scientifique, dune rflexion pistmologique, cest--dire ltude critique des sciences, selon leurs origine, valeur et porte. Le philosophe des sciences part ainsi des dfinitions du bien-tre qui ont cours dans la communaut scientifique pour mettre au jour la conception du comportement animal sousjacente. Lapproche behavioriste qui a forg le concept de comportement est aujourdhui critique du fait de sa conception morcele du comportement, lequel ne serait quune suite de postures isolables. Or en se bornant tudier de brves squences comportementales, a-t-on encore affaire un comportement ? Les approches adoptes actuellement par une partie des thologistes et des biologistes, apprhendent le comportement plus globalement comme une relation dialectique avec le milieu. Ils ont adopt de manire assez consensuelle la dfinition de B.O. Hughes (1976) pour qui le bien-tre est un tat dharmonie entre lanimal et son environnement aboutissant la complte sant mentale et physique. Mais cette dfinition ne prcise pas pleinement la notion dharmonie. Inra / Christophe Matre

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Comprendre et mesurer le bien-tre des animaux dlevageBiologistes et thologistes prcisent le contenu physiologique, comportemental et psychologique du bien-tre animal. Ils valuent son niveau entre deux extrmes - lharmonie et le mal-tre - lharmonie entre les besoins de lanimal et son environnement et les difficults perues par lanimal lorsque son environnement sloigne des conditions idales.

2 Evaluation

C

Inra / Cyril Agreil

BREBIS mangeant des brasses de gent (Drme).

(1) Le rseau Agri bien-tre animal a t cr en 1998 par Robert Dantzer, chercheur neurobiologiste Inra dans une unit mixte Inra/Inserm. Ses membres changent lors de sminaires. Les comptes-rendus sont disponibles sur le site (cf + dinfos).

oncrtement, la recherche dispose dune panoplie dindicateurs pour mesurer le bien-tre animal. Les besoins ou les attentes des animaux sont souvent identifis par des tests de prfrence o lanimal a le choix entre plusieurs alternatives, ou peut agir pour obtenir un objet prfr. Toutefois, ces tests sont parfois difficiles exploiter en particulier quand lanimal peut ne pas comprendre la

question qui lui est soumise, telles les poules pour qui appuyer sur un bouton pour accrotre la taille de leur cage na pas forcment de sens ! Ltat de mal-tre dun animal est, lui, apprci travers le comportement, la physiologie et ltat gnral (croissance, tat sanitaire). La premire rponse dun animal face un vnement extrieur est gnralement comportementale. Devant un prdateur par exemple, lanimal at-

taque, fuit ou simmobilise. Quand lenvironnement ambiant est trs appauvri, lanimal peut adopter une gestuelle strotype ou encore devenir apathique. Cela sobserve par exemple chez les truies en cases qui mordillent les barres de leurs stalles et ne ragissent plus aux stimuli extrieurs (par exemple de leau verse sur leur dos). La physiologie permet dapprcier un stress. Acclration cardiaque et production de

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ELEVAGE DE DINDONS unit exprimentale (Tours)

La notion de bien-tre animal vient dune part de lindustrialisation de llevage, et dautre part du statut de lanimal en tant qutre sensible

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DOSSIER

2 corticodes sont typiques dune rponse de stress aigu. Il est galement possible de dtecter un stress par une baisse de production, une moindre croissance des animaux ou des difficults de reproduction. Certaines pathologies qui nuisent au bien-tre peuvent tre associes de fortes performances de production, telles les boiteries et mammites plus frquentes chez les vaches laitires trs productrices ou les dformations articulaires et boiteries chez les poulets de chair croissance trs rapide. En aucun cas, un seul indicateur ne peut rendre compte dun tat de bientre : cest la rponse de lanimal dans sa globalit qui permet de comprendre comment il peroit la situation.

Des approches combines : Lapproche adaptative De fait, trois approches du bien-tre animal coexistent. Les physiologistes et gnticiens sappuient principalement sur une approche adaptative qui postule que lanimal ne souffre que sil narrive pas sadapter au milieu dans lequel il vit. Le niveau de bien-tre se mesure alors par une gamme dindicateurs physiologiques, principalement lis au stress. Lapproche adaptative a conduit slectionner des animaux ayant des facults dadaptation leves par rapport aux objectifs de production que lon se fixe, ce qui fait dbat en soi. Une critique faite cette approche porte par ailleurs sur la limite

entre des consquences normales dune adaptation (comportement et/ou biologie) et ce qui relverait de lanormal . Par exemple, la slection de la race bovine BlancBleu-Belge pour la conformation avantageuse de son arrire-train (correspondant aux morceaux nobles des viandes) interdit la femelle tout vlage par les voies naturelles : le recours la csarienne, mme non douloureuse, peut tre jug comme une atteinte lintgrit de lanimal, incapable de se reproduire sans une intervention chirurgicale. Lapproche comportementale Lthologie, science des comportements, privilgie quant elle lide que lanimal doit pouvoir exprimer le rpertoire comportemental propre son espce dans une situation naturelle . Cette approche amne considrer les systmes extensifs et de plein air comme plus respectueux du bien-tre de lanimal. Elle a par ailleurs incit le lgislateur introduire dans la rglementation, la possibilit pour les poules pondeuses de gratter le sol et pour les porcs, de fouir. Une critique adresse cette approche tient au fait que le comportement naturel nest pas forcment synonyme de bien-tre : ainsi fouir chez le porc semble relever plus de lopportunisme que dun besoin comportemental ressenti par lanimal. Depuis quelques annes, ces deux approches se rejoignent dans de nombreux travaux de recherche : les objectifs de slection slargissent aux capacits comportementales et immunitaires des animaux. Ainsi, alors que les pratiques traditionnelles dlevage des ruminants plaaient l'homme dans lenvironnement proche des animaux, ces derniers sont de plus en plus levs en stabulation libre ou en plein air rduisant les contacts avec lleveur. Dans ces conditions, la survie du nouveau-n dans les levages extensifs dpend fortement de la relation de la mre envers le jeune. Ce comportement maternel fait partie de lhritage gntique, de mme que la ractivit motionnelle qui conditionne les ractions de peur de lani-

Dtecter le temprament des chevauxLorsque lon pratique lquitation de loisir, on apprcie que son cheval soit calme et ne manifeste gure de ractions de peur qui lui ferait faire des carts ou semballer Une tude soutenue par les Haras nationaux et conduite par lInra a permis de concevoir des tests pour valuer le temprament du cheval. Une dizaine de tests ont t valids comme celui, fort simple o le comportement de lanimal est observ en prsence dun homme immobile la porte de son box, ou se dirigeant vers lanimal pour lui mettre un licol. Lobservateur prend en compte le temps ncessaire pour toucher lpaule, toucher la tte, mettre le licol. Un test de sensibilit tactile est ralis laide dun filament pos sur le garrot : les chevaux sensibles frmissent systmatiquement. Bien que simples mettre en uvre, chaque dtail de ces tests a son importance et conditionne leur russite. Ces tests rvlent laptitude du cheval tre mont. De plus, les chercheurs ont montr que le temprament du poulain pouvait tre prdit ds lge de huit mois. Ce travail a abouti un modle de caractrisation du temprament du cheval, le premier au niveau mondial.Ocontact : [email protected] Unit mixte de recherche Physiologie de la reproduction et des comportements Inra-CNRS-Haras Nationaux-Universit de Tours

mal et contribue plus ou moins la facilit dintervention de lleveur. Les tudes menes sur la rsistance aux maladies en augmentant les moyens de dfense naturels de lanimal favorise galement llevage en plein air en permettant une moindre prsence de lleveur. Il existe par ailleurs des diffrences entre races d'une mme espce. Les bovins laitiers acceptent mieux la proximit de lhomme que les bovins viande levs dans les mmes conditions. A lunit exprimentale de la Fage, thologues et gnticiens ont compar le

comportement de moutons de races diffrentes levs dans les mmes conditions de plein air du plateau du Larzac : en plein air, les moutons de race Romanov sont plus craintifs que ceux de race Lacaune, la race locale. Ltude des croisements de premire et seconde gnration a permis dvaluer le caractre hritable de leur ractivit lhomme. En complment de lapproche gntique, la familiarisation des animaux la prsence humaine savre ncessaire pour rduire les ractions de fuite, que ce soit chez les bovins, chvres, moutons ou porcs. Des contacts rguliers vont permettre au soigneur dinstaller une relation positive avec ses animaux susceptible de les calmer en situation de stress. Plus rcemment, les chercheurs se sont intresss la variabilit gntique des capacits comportementales. La gnomique, tude de lensemble des gnes, vise approfondir l'tude de cette variabilit. Dans le cadre du projet europen Sabre, des zones du gnome impliques dans la sensibilit la peur ont ainsi t identifies chez la caille.

Lapproche de la sensibilit des animaux Enfin, la troisime approche, plus rcente, se centre sur la sensibilit des animaux. Le bien-tre y est dfini comme un tat mental qui rsulte de labsence dmotions ngatives (peur, douleur, frustration), voire de la prsence dmotions positives (plaisir). Cet tat mental subjectif et propre chaque animal dpend de la faon dont ce dernier peroit son environnement. En ralit, cette approche croise les deux autres approches : les rponses au stress ayant pour point de dpart une motion ; un animal ne pouvant satisfaire un comportement propre son espce, en retire une certaine frustration. Des travaux essaient ainsi de mieux comprendre les relations entre motions et cognition chez diverses espces danimaux dlevage. Lapport de la psychologie Tandis que lhomme peut exprimer par des mots son exprience motionnelle, les motions que peut ressentir un animal restent difficiles dcrypter. Les recherches en cours sappuient sur les thories de lva- 2

Inra / Christophe Matre

LA LANSADE sur le site de lInra Tours.

BASSIN DELEVAGE de truites - Les poissons dlevage sont soumis de nombreux stress lis aux manipulations (tri...) et des variations souvent non matrises du milieu.

Inra / Gilles Vasseur-Delaitre

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POULES EN CAGE DE CONTRLE individuel de ponte.

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Inra / Jean Weber

DOSSIER

Les conditions de vie des animaux utiliss pour la rechercheDans un institut de recherche comme lInra, les recherches sur le bien-tre animal se doivent daborder les conditions de vie et dutilisation des animaux vivants dans les protocoles exprimentaux. Raymond Nowak, chercheur CNRS dans une unit mixte de lInra, Tours, pose les questions ainsi : la qute du savoir justifie-t-elle deffectuer des expriences qui sont susceptibles de causer la douleur et/ou la dtresse des animaux ? Quelles sont les limites acceptables de lexprimentation animale ? Doit-on traiter toutes les espces de la mme manire ? Une fois lexprimentation ralise, les animaux doivent-ils tre euthanasis ou recueillis dans un lieu protg pour y finir leurs jours ? Selon R. Nowak, ces questions nont pas encore de rponses collectives, ni lchelle europenne, ni lchelle nationale, ni lInra. Mais le cadre de rflexion des scientifiques sen est imprgn. Lors de la conception dune exprience, le chercheur se doit dvaluer sa validit et la lgitimit de ce quelle implique pour lanimal. La validit repose sur la rigueur scientifique, le nombre dobservations, leur pertinence, lexactitude des mesures, les limites des outils technologiques. La lgitimit, elle, se fonde sur une valuation morale de lintrt dune exprience au regard des contraintes pour lanimal par rapport aux rsultats escompts.

form lexprimentation animale et le chercheur reoit une autorisation renouvelable tous les 5 ans. Ces formations portent sur la biologie des espces, les pratiques exprimentales, la rglementation et lthique. Qua-

Quels types danimaux sont concerns ? H. J. : Des espces modles (souris, rats, cobayes, poissons) et des espces dlevage (lapins, volailles, porcs, moutons, chvres, vaches, chevaux, pois-

Cest le cas dune partie des recherches en slection animale, de ltude de certains facteurs de production en conditions relles dlevage, de la conception ou de ltude comparative de systmes dlevage Nanmoins certaines contraintes spcifiques demeurent. Par exemple, bien que recommandes en levage, la litire sur paille pour les porcs ou les volires pour les poules ne sont pas toujours adaptes aux besoins exprimentaux. Quelles sont les tendances ?

de llaboration des protocoles exprimentaux contribuent galement crer des prototypes exprimentaux plus adapts. O se discutent les questions thiques ? P. H. : Les Comits rgionaux dthique sur lexprimentation animale (Creea) peuvent tre consults sur lacceptabilit thique des protocoles envisags ; 25 agents de lInra participent une vingtaine de ces comits. Par ailleurs nous sommes reprsents dans la Commission nationale de l'exprimentation animale, le Comit national de rflexion thique sur l'exprimentation animale et le Comit consultatif national d'thique. H. J. : En interne, les animaliers changent sur leurs pratiques dans le cadre dune cellule nationale et de cellules locales. P. H. : Pour amliorer le suivi rgulier des habilitations et de la rglementation et assurer une liaison avec les services vtrinaires et ceux des ministres de lAgriculture et de la Recherche, ainsi quavec les bureaux de lexprimentation animale des autres organismes (Inserm, CNRS, CEA), lInra se dote dun bureau de lexprimentation animale, dont lanimation a t confie Herv Juin.

P. H. : Lincitation au recours des mthodes de recherche alternatives lexprimentation et une vigilance par rapport au nombre danimaux ncessaires pour une exprience font voluer nos pratiques. En aot 2007, un congrs international a rassembl plus de 900 personnes Tokyo pour rflchir sur les mthodes substitutives lexprimentation, autour notamment du concept des 3 R (reduction, refinement, replacement ) qui appelle rduire le nombre danimaux utiliss, amliorer les conditions exprimentales et utiliser des mthodes alternatives. H. J. : Limagerie et la pose de puces lectroniques ont par exemple rduit les interventions sur lorganisme des animaux. Par ailleurs, les runions entre chercheurs et animaliers au moment

OQUESTIONS

Herv Juin, DIRECTEUR DE LUNIT EXPRIMENTALE EN LEVAGE ALTERNATIF ET SANT DES MONOGASTRIQUES AU MAGNERAUD (POITOU-CHARENTES) et Patrick Herpin, DIRECTEUR SCIENTIFIQUE ADJOINT DE LA DIRECTIONSCIENTIFIQUE ANIMAUX ET PRODUITS ANIMAUX

Pourquoi lInra a-t-il besoin dexprimenter sur des animaux vivants ?

Patrick Herpin : Le but desrecherches est de mieux comprendre les mcanismes dlaboration du vivant pour mieux les matriser par des techniques dlevage appropries. Pour y parvenir, le recours des alternatives lexprimentation - biologie molculaire, cultures cellulaires, modlisation, observations comportementales - est

de plus en plus frquent. Cependant, mme sil sagit de valider des hypothses tablies sur modles ou de prlever des chantillons biologiques, il faut placer ces animaux dans des environnements prcis et raliser des expriences comparatives pouvant comporter des contraintes diverses pour les animaux : restriction alimentaire, cathtrisation, reproduction de maladies... Par ailleurs, nous exprimentons aussi sur des ani-

maux de laboratoire et sur certains animaux porteurs de spcificits gntiques qui peuvent tre dune grande utilit comme modles de pathologie ou pour la nutrition humaine. Dans quel cadre sinscrit lexprimentation animale ? Herv Juin : La directive europenne exprimentation animale stipule que premirement lutilisation danimaux des fins scientifiques doit tre faite

dans des tablissements agrs. LInra dispose ainsi dinstallations ddies lexprimentation ce qui est dailleurs prcieux pour observer des animaux sur de longues priodes (jusqu une quinzaine dannes dans le cas de la gntique bovine). Deuximement, les conditions dentretien des animaux doivent leur garantir de bonnes conditions de vie. Troisimement, lensemble du personnel, de lanimalier au chercheur, doit tre

Rodolphe Marics

CHRISTELLE CORNE animalire la station exprimentale de Saint-Gilles (35).

trimement, les animaux doivent tre issus dtablissements dclars garantissant leur qualit sanitaire, gntique et zootechnique.

sons) qui peuvent tre ellesmmes utilises comme modles (porcs, volailles) de lhomme. Une part importante de lactivit exprimentale sur les animaux de ferme nentre cependant pas dans le champ de la directive exprimentation animale mais relve de la rglementation relative llevage.

Propos recueillis par Laurent Cario

MOUTONS, CROQUIS Dom Robert, 1978. Les chercheurs ont identifi les diffrentes postures des oreilles chez les ovins dans des situations motionnelles. Les oreilles dans le plan correspondent au niveau de base ; les oreilles vers lavant (le pavillon est ouvert), montrent lattention porte un vnement, une prparation laction ; les oreilles dissymtriques traduisent un effort de localisation, dinformation sur lvnement ; les oreilles en arrire signifient que lanimal a peur.

2 luation dveloppes en psychologie cognitive, qui apportent un nouvel clairage sur le concept de bien-tre animal. Daprs ces thories, les situations gnratrices dmotions sont values par lindividu selon leur caractre soudain, nouveau, prvisible, agrable, selon leur pertinence par rapport aux attentes de lindividu, selon la possibilit qua ce dernier dagir sur la situation... La combinaison de ces caractristiques entrane des motions spcifiques. Par exemple, un vnement nouveau et imprvisible provoque la peur lorsquil est incontrlable, mais la colre lorsque lindividu peut le contrler. Depuis quelques annes,

une vingtaine de chercheurs Inra et universitaires travaillent sur ce sujet et ont montr que, quelle que soit lespce (tudes sur ovins, caprins, porcins ou cailles), lanimal se montre sensible aux situations tudies. Par exemple, le mouton sursaute et augmente fortement sa frquence cardiaque face un vnement soudain. Les ractions sont exacerbes lorsque lvnement est, en plus, nouveau ou imprvisible ; en outre, la position de ses oreilles varie selon le caractre nouveau, soudain ou contrlable de lvnement auquel il est expos, limage des expressions faciales de surprise ou de peur chez lHomme.

En complment des tudes comportementales, les chercheurs amorcent une approche neurobiologique des motions. Une premire tude a t ralise sur les cailles et les ovins afin de comparer les zones crbrales qui sont impliques dans les rponses motionnelles la nouveaut. Les chercheurs sinterrogent galement sur les liens entre laccumulation dmotions et un tat plus durable de bien-tre ou de mal-tre. Associs cette approche, dautres travaux sintressent aux prdispositions ragir motionnellement plus ou moins fortement, tel lexemple du temprament du cheval (encadr page VI).

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I NRA MAGAZINE N2 OCTOBRE 2007

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DOSSIER

3 Pratiques dlevage

Vers un standard europen de bien-tre animalLa Commission europenne a propos un plan dactions 2006-2010 pour la protection des animaux. Il vise renforcer les normes minimales, sensibiliser les leveurs et promouvoir les initiatives internationales en faveur du bien-tre animal. Dans ce contexte, lide dun tiquetage europen spcifique au bien-tre animal fait son chemin.

S

Quatre profils dleveursLInstitut de llevage a dress une typologie des leveurs selon leurs perceptions de lanimal. Les leveurs pour lanimal qui nauraient pas pu concevoir leur vie sans animaux et qui entretiennent une relation affective avec ceux-ci. Les leveurs avec lanimal bien que considrant lanimal comme un tre sensible avec lequel ils communiquent, ne sattachent pas leurs animaux pris individuellement. Pour les leveurs pour la technique , la relation lanimal passe aprs une passion pour les aspects techniques de leur profession. Enfin les leveurs malgr lanimal ont choisi leur mtier pour des raisons conomiques. Pour eux, la communication avec lanimal est une simple ncessit technique. Par ailleurs, lenqute a montr que lapplication de normes de bien-tre animal a parfois t loccasion dune volution profonde dans les reprsentations des leveurs sur leur mtier. Ainsi certains leveurs de veaux de boucherie soulignent que, grce lobligation du logement des veaux en groupe, ils sont passs dun statut douvrier un statut dleveur, ce qui donne plus de sens leur mtier et leur apporte plus de satisfaction. Pendant 25 ans on tait comme une machine. Le boulot ctait 4-5 heures mettre du lait dans des seaux. Autant tre avec les veaux pendant ce temps. Les veaux sont contents, cest une qualit de travail pour lleveur comme pour les btes Et puis on est fiers douvrir notre levage, de montrer ce quon fait .Ocontacts :

Anne-Charlotte Docks et Florence KlingEveillard, Institut de llevage

Diagnostic et prconisations La contribution de la recherche sur le bien-tre animal dans les levages tient dans le diagnostic quelle peut porter sur telle et telle modalit dlevage et dans les solutions techniques quelle exprimente. Les travaux sur les pratiques dlevage des veaux de boucherie tmoignent de cette contribution. Dans les annes 1980-1990, la majeure partie des veaux de boucherie tait loge dans des cases individuelles troites et nourrie exclusivement de lait, pour conserver la blancheur de la viande. Les veaux ne pouvaient quasiment pas bouger et les contacts entre veaux taient absents. Les animaux passaient une large partie de leur temps dans des activits orales de substitution telles que le lchage ou le mordillement de leurs cases. Les recherches ont dabord dtermin la surface ncessaire lanimal pour quil puisse se reposer correctement. Dautres tudes ont montr quun milieu de vie

Exemple de recherche sur le bien-tre des poulets de chairMenes lInra dans le cadre du projet Welfare Quality, les recherches sur le bien-tre et le comportement des poulets de chair ont permis dtablir un protocole dvaluation en ferme du bien-tre partir dune liste de mesures sur animaux. Ce protocole pourrait tre utilis dans les contrles rglementaires qui ne tiennent compte aujourdhui que de deux lments : la mortalit et les lsions cutanes des pattes. Par ailleurs, une tude sintresse de nouveaux modes de distribution des aliments qui permettraient de stimuler les dplacements, rduisant ainsi les troubles locomoteurs frquents chez les poulets. Des tudes supplmentaires sont ralises avec lItavi et lAfssa.Ocontacts : [email protected] [email protected] Unit mixte Physiologie de la reproduction et des comportements

mes de recherche ou partenaires professionnels issus de 13 pays europens et 4 dAmrique latine. Il est pilot par trois organismes : l'Animal science group (Pays-Bas), l'Universit de Cardiff (Royaume-Uni), et lInra (France). Les travaux portent sur les bovins, les porcs et les volailles. Quatre angles dapproche constituent la matrice du projet. Le premier tudie les attitudes et attentes sociales en matire de bien-tre animal dans 7 pays (France, Hongrie, Italie, Norvge, Pays-Bas, Royaume-Uni, Sude) et value le march actuel et potentiel des produits certifis bien-tre animal . Le deuxime vise llaboration de systmes dvaluation du bien-tre des animaux la ferme. Le

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BAZADAISES dans une stabulation.

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Inra / Christophe Matre

elon beaucoup dobservateurs, lamlioration du bien-tre animal remet le mtier dleveur au cur du systme de production. L'homme peut tre peru par lanimal comme un danger, un objet neutre, une source de nourriture ou d'eau, voire un partenaire social. Si la perception de lhomme par lanimal dpend, on la vu prcdemment, pour partie de facteurs gntiques, les leveurs se comportant amicalement avec leurs animaux sont gnralement galement plus attentifs aux conditions de vie des animaux. Jocelyne

Porcher, spcialiste des relations entre lhomme et lanimal, fut une des premires pointer que le mal-tre des animaux en levage intensif, porcin notamment, pouvait tre reli celui des leveurs dont les conditions de travail ont accru les cadences et diminu les liens avec l'animal. Ce regard sur lleveur a fait rcemment lobjet dune vaste enqute mene par lInstitut de llevage (encadr). Par ailleurs, si bien-tre animal et productivit font a priori mauvais mnage, des exemples contraires existent aussi. Les tudes conomiques sont cependant encore trop partiel-

les pour tirer un bilan des diffrentes pratiques. Opposer levage industriel et traditionnel sur le bien-tre serait galement faux : ainsi le gavage des canards ou des oies est une pratique traditionnelle, les veaux de boucherie taient autrefois attachs trs court dans le noir avec une muselire De fait, toutes les formes dlevage sont concernes, y compris llevage extensif o les problmes de bien-tre animal se posent en termes de mortalit, de suivi sanitaire, dabri, de protection contre les prdateurs.

appauvri rend les animaux hyper-ractifs. De mme, les activits de substitution sont lies au mode dalimentation. Les chercheurs ont alors test lapport dun aliment solide. Ils ont galement mis en vidence leffet bnfique de contacts rguliers et doux de la part de lleveur. Ces rsultats ont, entre autres, guid la directive europenne de 1991 (rvise en 1995). Actuellement, les veaux de boucherie sont logs en groupe (au moins partir de lge de deux mois), la surface par animal a augment de 50 %, et un aliment solide leur est distribu. Si des points peuvent tre amliors, les conditions actuelles de vie des veaux de boucherie ont peu voir avec ce quelles taient il y a une quinzaine dannes ! Autre exemple : lpointage des dents des porcelets. Les travaux montrent que cette mutilation couramment pratique provoque des abcs dentaires alors que labsence dpointage naugmente pas significativement les blessures aux mamelles ou entre porcelets. Vers un systme global dvaluation et dinformation La recherche franchit une nouvelle tape en considrant de manire globale le bien-tre dun animal depuis son levage jusqu sa consommation. Le projet europen de recherche, Welfare Quality, tudie la faisabilit de la mise en place de protocoles dvaluation standards du bien-tre animal dans les fermes et les abattoirs. Soutenu par la Commission europenne dans le cadre de son 6e Programme cadre de recherche, ce projet implique 45 organis-

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Le projet

Welfare Quality tudie un systme global de garantie du bien-tre animal PORCELETS LARGE WHITE au sevrage

une unitO INRA DE VERSAILLES-GRIGNON

Lunit mixte de recherche

Inra / Gilles Vasseur-Delaitre

Environnementet Inra / Christophe Matre

Exemple de recherche : La relation mre-jeune chez les porcinsLes relations entre la truie et ses porcelets illustrent la diversit des indicateurs de bien-tre. Alors que la laie construit un nid et allaite ses petits trois mois, dans les levages, les truies sont loges en cases sur sol de caillebotis et allaitent pendant un mois. Les tudes montrent que plus le sevrage est prcoce, plus les troubles comportementaux et zootechniques sont forts. Par ailleurs, les leveurs oprent souvent des changes de porcelets entre portes afin d'uniformiser la taille des portes. Des recherches montrent combien cette pratique peut entraner un stress la fois chez les porcelets et la truie. Enfin, dautres travaux comparent la mortalit nonatale entre diffrents types de logement des truies : rduite en cases, plus frquente dans des systmes de logement avec des truies en libert, elle peut toucher de 10 20 % des porcelets dans les levages en plein air.Ocontact : [email protected] Unit mixte Systme dlevage, nutrition animale et humaine

Tapisserie La vie en rose et croquis de Dom Robert, avec laimable autorisation des Editions de lAbbaye dEn Calcat.

grandes culturesPlateau technique Les chercheurs observent, mesurent et analysent le comportement de la parcelle : consommation en eau, photosynthse, flux gazeux entre le sol, la plante et latmosphre, composition des sols, rendements... Dun projet de recherche lautre, la parcelle est devenue un plateau technique de terrain bien quip, explique Pierre Cellier, chercheur bioclimatologue qui nous guide dun instrument lautre. Cette plateforme exprimentale permet des partenaires scientifiques dy greffer diffrentes expriences sur la qualit de lair ou leffet de serre. On accumule ainsi les connaissances sur la pollution. Elles entrent dans une base de donnes europenne sur les grandes cultures en situation priurbaine. Un point essentiel de la mthode est deffectuer les mesures dans latmosphre et en parallle sur la vgtation et dans les sols. Depuis 2002, lInra analyse ainsi leffet des dpts dozone sur la vgtation (projet BioPollAtm). En absorbant des polluants gazeux et en recevant, par dpt, des particules ou lozone, les plantes dpolluent latmosphre, mais en perturbant la photosynthse cela peut compromettre leur productivit , souligne Pierre Cellier. Depuis 2004, le site compte 2

+dinfos

2 troisime valide des solutions pratiques des problmes rencontrs en levage. Le dernier conoit un systme dinformation en direction des consommateurs et de transfert des connaissances aux utilisateurs. Un des dfis de Welfare Quality revient intgrer les diffrents critres dapprciation du bien-tre des animaux pour passer une valuation globale. La principale difficult rside dans labsence deffet compensatoire entre critres. Ainsi les diffrents experts interrogs (chercheurs et acteurs du domaine) saccordent pour considrer que la bonne sant ne compense pas labsence de possibilit dexprimer les comportements normaux et vice et versa. Ce dossier illustre combien le bientre animal est un concept composite car il voque des tats mentaux difficilement accessibles lhomme

et renvoie diffrentes rfrences culturelle, thique, biologique, zootechnique, socioconomique Le chercheur tche alors dintgrer dans une approche de plus en plus globale les diffrents lments qui contribuent au bien-tre animal. De nombreuses questions restent encore lucider et discuter. Cependant, le bien-tre animal semble devoir jouer un rle central dans la rflexion sur lvolution des systmes dlevage car le respect dun niveau de bien-tre dtermine la fois lacceptabilit des pratiques dlevage, la reconnaissance du mtier dleveur et la valeur des produits animaux consomms. Le bien-tre animal se situe ainsi la confluence de deux tendances sociologiques et morales, dune part lleveur qui mnage les ressources et respecte ses animaux et dautre part le consommateur plus soucieux de limiter sa consommation carne, sans oublier le droit des animaux.

repres

23 15

L

chercheurs enseignants chercheurs

15 ingnieurs 20 thsards 22techniciens

16

personnels dappui la recherche

a parcelle de bl domine le vaste plateau de Grignon. Au loin, on voit Paris et son halo de pollution. Plant au milieu du champ, un mt capte, quelques mtres au-dessus de nous, les composants de lair : le dioxyde de carbone, les diffrents oxydes dazote, lammoniac, lozone... Au sol, cinq botes mtalliques sans fond, ouvrent et ferment rgulirement leur couvercle pour piger les biogaz mis par la parcelle. Des cbles souterrains transportent les donnes jusqu des ordinateurs installs dans un laboratoire de terrain proximit. Voici invente lexprimentation au champ haut dbit ! Les donnes

arrivent intervalles de quelques centimes de seconde quelques minutes selon les types de mesures. Situe au cur de la ferme exprimentale de Grignon, exploitation rattache lcole dagronomie AgroParisTech (ex-INA P-G), cette parcelle exprimentale de 20 ha reprsente un cas dcole de lagriculture priurbaine. Lorsque le vent est douest, lair y est propre . Lorsque quil tourne au nord/est, il ramne les panaches de pollution de la capitale, avec son cortge de gaz effet de serre, mais aussi de particules et de composs organiques volatils. Le rayonnement solaire favorise alors les ractions chimiques produisant lozone.

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Orevues : Bien-tre animal, INRA Productions animales, Numro spcial fvrier 2007, Editions Quae. La revue INRA Productions animales publie rgulirement des articles sur le bientre animal. Lanimal dans nos socits, F. Burgat, Problmes politiques et sociaux n 896, Documentation franaise, 2004. Ethique et exprimentation animale, R. Larrre, Nature, Sciences, Socit n 10/1, 2002. Olivres : Lhomme, le mangeur, lanimal, qui nourrit lautre ?, sous la dir. de JP Poulain, cahier de lOcha, 2007. Bien-tre et travail en levage, J. Porcher, Editions Inra, Educagri 2004. Les veaux de boucherie, concilier bientre animal et production, Isabelle Veissier , ditions In