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NUMÉROS 69 – 4 e TRIMESTRE 2005 INSTITUT DE L’ÉNERGIE ET DE L’ENVIRONNEMENT DE LA FRANCOPHONIE

INSTITUT DE L’ÉNERGIE ET DE … · Fanny DEMASSIEUX,Guido SONNEMANN,Raymond VAN ERMEN, Claude FUSSLER,El Habib BENESSAHRAOUI,Sibi BONFILS, Boufeldja BENABDALLAH Les enjeux de production

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NUMÉROS 69 –4e TRIMESTRE 2005

INSTITUT DE L’ÉNERGIE ET DE L’ENVIRONNEMENT DE LA FRANCOPHONIE

LEF #69 EP 02/12/05 18:15 Page 1

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INSTITUT DE L’ÉNERGIE ET DE L’ENVIRONNEMENT DE LA FRANCOPHONIE (IEPF)

Numéro 694e trimestre 2005

La revue Liaison Énergie-Francophonie est publiée trimestriellement par l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie (IEPF).L’IEPF est un organe subsidiaire de l’Agenceintergouvernementale de la Francophonie, opérateur principal de l’Organisation internationale de la Francophonie.

56, rue Saint-Pierre, 3e étageQuébec G1K 4A1 CanadaTéléphone: 1 (418) 692-5727Télécopie : 1 (418) 692-5644Courriel : [email protected] Internet : www.iepf.org

Directeur de la publication:El Habib Benessahraoui

Comité éditorial :Faouzia AbdoulhalikBoufeldja BenabdallahEl Habib Benessahraoui Sibi BonfilsSory I. DiabatéChantal GuertinLouis-Noël JailDenis L’AnglaisJean-Pierre Ndoutoum

Édition et réalisation graphique:Communications Science-Impact

Photos de la couverture:Suremballage (laitue) :Alain Dex/PubliphotoProduits en vrac :Alain Dex/PubliphotoBicyclettes : Ève-Lucie Bourque

ISSN 0840-7827

Tirage:3200 exemplaires

Dépôt légal :Bibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du Canada

Les textes et les opinions n’engagent que leurs auteurs.Les appellations, les limites, figurant sur les cartes de LEFn’impliquent de la part de l’Institut de l’énergie et del’environnement de la Francophonie aucun jugement quantau statut juridique ou autre d’un territoire quelconque, ni lareconnaissance ou l’acceptation d’une limite particulière.

Prix de l’abonnement annuel (4 numéros) :40$ CAD; 28$ USD; 30€ ; 16000 CFA;380000 Dongs vietnamiens

Poste-publications – Convention No 400347191

Imprimé au Canada

SSOOMMMMAAIIRREEMot du Directeur exécutif .................................................................. 3

El Habib BENESSAHRAOUI, Directeur exécutif de l’IEPF

Éditorial............................................................................................ 4Claude FUSSLER, Conseiller spécial du Pacte Mondial des Nations Unies et Animateur du programme de l’Union Européenne Clean, Clever and Competitive pour l’innovation et l’éco-efficacité,

Vers des modes de production et de consommation durables Avis d’un collectif d’experts internationaux.................................... 7Christian BRODHAG,Geneviève VERBRUGGE, Irène CABY,Sophie TALIÈRE,Patricia RAVET,Abdeslam DAHMAN SAÏDI,Claire SABOURIN,Alexandre EPALLE,Claude AUROI,Monique BARBUT,Fanny DEMASSIEUX,Guido SONNEMANN,Raymond VAN ERMEN,Claude FUSSLER,El Habib BENESSAHRAOUI, Sibi BONFILS,Boufeldja BENABDALLAH

Les enjeux de production et de consommation durables. Perspertivespolitiques................................................................................... 16Claude FUSSLER, Monique BARBUT, Directrice, Division Technologie,Industrie et Économie DTIE, PNUE, Christian BRODHAG, Déléguéinterministériel au Développement durable, Ministère de l’Écologie et duDéveloppement durable, France,Abdeslam Dahman SAÏDI, Institut agronomique vétérinaire Hassan II, Maroc; Farid YAKER, Coordinateur Enda Europe

L’analyse du cycle de vie des produits et services: un outil d’aide à la décision pour les décideurs publics et privés en matière de développement durable .......................................................... 24Sophie LAVALLÉE, Professeur en droit de l’environnement,Université Laval, Québec, Canada, Daniel NORMANDIN, Responsable du partenariat, du financement et des communications, CIRAIG, Montréal,Canada, Guido SONNEMANN, Programme Officer, PNUE, Paris, France

Démarches d’éco-conception en vue de la réduction des impactsenvironnementaux des produits ................................................... 29Daniel FROELICH, Responsable de recherche Éco-conception et recyclage,ENSAM, Chambéry, France

Les instruments économiques et fiscaux............................................. 33Jean-Philippe BARDE, Chef de la Division des politiques nationales OCDE, Direction de l’Environnement

Le développement durable est-il certifiable? Normes, labels, standards,référentiels: échos du terrain........................................................ 38Marie D’HUART et Serge DE BACKER,Associés CAP Conseil,Sustainable Management, Belgique

Vers une norme ISO 26000 «Responsabilité sociétale»..........................44Boufeldja BENABDALLAH, Responsable de programme Prospective, IEPF,Québec, Canada

Le consommateur éduqué par l’entreprise responsable? ...................... 45Rémi DEVEAUX, Consultant, Utopies, Cabinet de conseil en développementdurable, Paris, France

Comment sensibiliser les jeunes (15-25 ans) au développement durable?..................................................................................... 50Monica FOSSATI, Ekwo, Paris, France

Sensibiliser le citoyen-consommateur: l’exemple de la campagne«famille Durable» ....................................................................... 54Alain CHAUVEAU, Journaliste, auteur, conférencier, formateur et consultant, France

Les achats publics responsables: de la politique dans le caddie des politiques?............................................................................ 59Philippe SCHIESSER, Fondateur d’écoeff, Paris, France

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3Modes de production et de consommation durables

Le rapport sur l’évaluation des écosystèmespour le millénaire établi, pour l’ONU, sousl’autorité de plus de 1300 scientifiques des

quatre coins du monde et publié en mars 2005,dresse un bilan des plus pessimistes de l’impactdes activités humaines actuelles sur l’environne-ment mondial.

Sans tomber dans un catastrophisme qui ne peutêtre que démobilisateur, il est quand mêmepatent de constater que les signaux relatifs à lacapacité de régénération de notre planète sontau rouge.

Le découplage entre la croissance économiqueet l’utilisation des ressources est plus que jamaisnécessaire.Mais le terme d’une telle équation nese pose pas de la même manière partout, carparallèlement à une surconsommation avéréed’une partie des populations des pays les plusriches, une grande partie de l’Humanité n’a pasencore accès, ou pas suffisamment, aux produitset services correspondant à ses besoins essentiels.

Les enjeux de cette équation, qui sont aussi ceuxdu développement durable, sont démesurés.

Cependant, il faut relever une prise de cons-cience, grandissante et parfois agissante, de lanécessité d’une lutte acharnée contre la pauvretéet un développement accéléré pour les plusdémunis, en concomitance avec celle de devoirproduire et consommer autrement et plus sobre-ment pour les plus privilégiés.

Les savoirs, les connaissances techniques et lesoutils pour éclairer et accompagner une telleinflexion sont disponibles et, même, appliqués,ça et là. Des initiatives prometteuses sont dé-ployées sous la houlette d’instances gouverne-mentales, du monde de l’entreprise ou de celuide la société civile et dans différentes régions dumonde.

Le processus de Marrakech conduit par lePNUE, dans le suivi des décisions du SommetMondial pour le développement durable, connaîtune dynamique porteuse et a marqué des étapesintéressantes de collaboration multilatérale.

Mais ces acquis demeurent, relati-vement, bien limités par rapport àla trajectoire tendancielle.

Il est temps, comme le stipule l’Avisdes experts réunis par l’IEPF, depasser à l’action.

Il faut partout renforcer laprise de conscience, la rendre«active » par l’affirmation de lavolonté politique et la légitima-tion de l’action citoyenne res-ponsable au service de modes devie durables.

L’une et l’autre devront être traduites par les dis-positions législatives et réglementaires, écono-miques et fiscales nécessaires.

Cela suppose que la problématique des modes deproduction et de consommation, au-delà desdiscours, soit bien prise en compte dans les poli-tiques nationales de lutte contre la pauvreté chezles uns et dans les stratégies nationales de déve-loppement durable chez tout le monde.

L’analyse de tels enjeux et de telles perspectivespolitiques est au centre des contributions réuniesdans ce numéro sous la direction de M. Fussler,notre rédacteur en chef invité, et ce, en suivi destravaux du groupe d’experts.

Le fait que ce numéro soit édité immédiatementaprès celui consacré à la culture et au développe-ment durable n’est pas anodin. Car les approchesculturelles pour produire et pour consommer, touten valorisant la diversité culturelle, permettent,justement, d’infléchir des modes consuméristesfondés sur des besoins créés et sur des approchessouvent prédatrices.Elles conduisent, au contraire,à réconcilier l’Homme avec son terroir dans unerelation qui permet sinon d’observer les équilibresnécessaires, du moins de « respecter» la capacitéde régénération des ressources et l’esprit desolidarité sociale.

La Francophonie, pour qui la promotion de ladiversité culturelle et la solidarité sont des valeursfondamentales, est particulièrement interpelléedans ce cadre.

Titre du chapitre

3

El Habib BENESSAHRAOUI

Directeur exécutif, Institut del’énergie et de l’environnementde la Francophonie.

MMoott dduu DDiirreecctteeuurr

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4 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

En 1994,durant l’année mondialede la famille, le photographecalifornien Peter Menzel publiait

avec l’aide du Fonds des Nations Uniespour la Population un étonnant recueilde photographies de familles de 30 paysdifférents1. Chaque famille représentant

assez bien la classe moyennede son pays avait accepté desortir l’ensemble de ses biensmatériels devant son domicileet de poser ainsi pour le pho-tographe avec tous ceux quivivaient sous le même toit.Mieux que de longues statis-tiques ces portraits nous fontsaisir, au moins visuellement,les énormes enjeux de con-sommation durable. D’uncôté, le fermier malien, sesdeux épouses et leurs huitenfants; leurs biens sur le toitde la petite hutte en pisée :une bicyclette, un lit et samoustiquaire, trois chaises, descuvettes, des pilons, des jarres,une radio et, c’est pratique-ment tout.De l’autre, l’ensei-gnant koweitien, son épouse,leurs quatre enfants et deux

servantes ; l’objectif à son plus grand angleembrasse une Mercedes et trois voitures com-pactes japonaises, un sofa long de 15 mètres, destapis, de l’électroménager, deux télévisions, dumobilier de bureau,plusieurs chambres à coucher,et une profusion d’autres accessoires qui dis-paraissent pratiquement dans ce panorama desbiens du ménage.

Ce raccourci photographique n’oppose mêmepas ceux fabuleusement riches aux plus cruel-lement démunis de la planète. Mais ces portraitsde familles moyennes à travers le monde révèlentpourtant le poids de ce qu’une majorité acceptecomme le modèle le plus évolué de niveau devie et de consommation que nous offrent aujour-d’hui nos technologies de production. Nous leretrouvons du Koweït au Japon, en passant parl’Europe et l’Amérique. Il satisfait un milliardd’humains et fait rêver presque tous les autres.Les portraits des familles du Mali, de l’Inde, de laChine, du Brésil, de l’Afrique du Sud, del’Albanie et de bien d’autres pays encore noussuggèrent, en creux, cette aspiration d’au moins4 milliards d’humains à un confort matériel plusopulent avec les symboles de statut social quesont beaucoup de nos biens de consommation.Quant au milliard qui survit péniblement auxmarges de la consommation minimale, il ne peutmême pas figurer dans ces images du poids et dela disparité de notre monde matériel.

C’est l’appétit de ce monde matériel qui faittourner notre machine économique. Mais ilappauvrit et fragilise de plus en plus l’environ-nement qui supporte notre économie. Pourtant,voilà bientôt 20 ans que la Commission Mondialepour l’Environnement et le Développement, lacommission «Brundtland», a forgé la notion dedéveloppement durable comme compromis poli-tique entre ceux qui sont inquiets des impacts destechnologies et des pratiques à la base du niveau devie des pays riches et ceux qui sont soucieux depermettre aux pays pauvres d’accéder rapidementà un niveau de vie similaire. Ce développementdurable exige donc une transition vers des modesde consommation et de production compatiblesavec les capacités et les limites de notre environne-ment naturel. Maintes réunions internationalesdepuis 1987 ont reconnu et développé cetteexigence reprise aujourd’hui dans le programmedécennal du «processus de Marrakech».

ÉÉddiittoorriiaall

Claude FUSSLER

Claude FUSSLER est un spécialistede l’entreprise et du dévelop-pement durable. Il est conseillerspécial du Pacte Mondial desNations Unies et animateur duprogramme de l’Union Euro-péenne Clean, Clever and Com-petitive pour l’innovation etl’éco-efficacité. Il enseigne unemaîtrise sur la responsabilitésociale de l’entreprise à l’Institutde Formation Permanente del’Université de Barcelone etpréside le Panel DéveloppementDurable du groupe EDF.

@[email protected]

1. Peter Menzel, Material World, a global family portrait ;Sierra Club Books, 1995; ISBN: 0871564300.

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5Modes de production et de consommation durables

L’ambition des pages qui suivent est de faire, pourles acteurs de la Francophonie, le point desenjeux et des modes d’actions les plus promet-teurs. Pour cela, nous nous basons sur les conclu-sions d’un collectif d’experts internationauxréunis par l’Institut de l’énergie et de l’environ-nement de la Francophonie. Ce groupe s’estappliqué à réfléchir aux recommandations lesplus pratiques pour faire avancer le processus. Lesrecommandations essentielles contenues dansl’Avis de ces experts sont approfondies ici par unesérie d’articles écrits par les meilleurs spécialistesfrancophones du domaine concerné.

Nous avons fait le tour de la question!

Les enjeux de production et de consommationdurables sont démesurés. Mais il semble aussiqu’en presque 20 ans de débats autour du déve-loppement durable nous avons collectivementfait le tour de la question. De réflexions enréunions il s’est produit une lente convergencevers l’importance de l’éco-efficacité, qui décou-ple la croissance économique de son impact surl’environnement, et vers la portée des instru-ments économiques qui réa-justent en sa faveur le cadre dumarché. Il s’est formé une re-connaissance du pouvoir despartenariats publics-privés bienfocalisés sur des projets enra-cinés localement. L’acceptationde l’obligation de développe-ment accéléré des plus démuniss’est fortifiée et aussi, avec plusde réticences encore, celle dudevoir de consommer autre-ment pour ceux qui ont lesmoyens de gérer leur compor-tement sans compromettre leur qualité de vie.Tout cela s’est accompagné du développementd’une panoplie d’outils de gestions et d’indica-teurs d’état et de progrès : les analyses d’impactet de cycle de vie, l’éco-design, les normes, lesécolabels et les certifications.

La notion de développement durable a ainsi consi-dérablement mûri. Elle est aujourd’hui adossée àun cadre d’objectifs comme ceux de Kyoto, desObjectifs de Développement du Millénaire, du

Plan de Johannesburg et du Processus deMarrakech. Sans résoudre les incertitudes et lesdésaccords politiques, le développement durable,ses indicateurs de progrès et certains points decontrôle (2012, 2015) sont maintenant mieuxdéfinis et mieux équilibrés entre les composantessociales, économiques et environnementales.Maisil s’agit bien de concevoir un modèle de croissancede la qualité de vie pour tous, de l’inclusion parl’emploi et l’activité de plus d’un milliard depauvres tout en préservant le climat, la biodiversitéet la santé de tous. Un projet global qui dépasseaujourd’hui en complexité tous ceux que noscivilisations ont déjà réussis.

Toujours trop peu et trop tard

Il y a une conviction implicite dans les pages quisuivent: on pourrait réussir.Mais de 2000 à 2005, ilest difficile de prétendre que notre trajectoire deprogrès est réellement alignée avec les enga-gements déclarés pour 2015. Alors que l’onpourrait réussir, gouvernements, entreprises etconsommateurs ont systématiquement fait troppeu et trop tard. Faire trop peu, trop tard estl’écueil banal, malheureusement omniprésent, de

toute dynamique de progrès. Ilest difficile de le contrer par unedémarche purement volontaire.Or l’initiative volontaire estjusqu’à présent le mode d’enga-gement préféré de toutes lespolitiques de développementdurable. La base logique decette approche est que les défisdu développement durable sonttrop complexes pour imposer, apriori, des solutions évidentes,qu’il faut laisser le temps àl’exploration, à l’innovation etau consensus pour départager

les meilleures approches avant de les intégreréventuellement dans un cadre plus prescriptif.

La préférence pour l’initiative volontaire est doncune préférence d’efficacité. Elle repose sur l’hy-pothèse que les valeurs morales et la capacitéinnovatrice des entrepreneurs et des autres acteursconcernés, exaltés par une saine concurrence et latransparence de leurs agissements dans un marchésans entraves, nous conduiront plus rapidement

Éditorial

De réflexions en réunions

il s’est produit une lente

convergence vers l’importance

de l’éco-efficacité, qui découple

la croissance économique de

son impact sur l’environnement,

et vers la portée des instruments

économiques qui réajustent

en sa faveur le cadre

du marché.

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et plus économiquement vers le développementdurable qu’un processus de négociations poli-tiques et réglementaires.

Mais le monde est moins parfait. Une démarcheefficace reste sans effet, faute de volontaires. Lemarché libre et transparent est une fiction. Etmême si l’on commence à comprendre la valeuréconomique de nombreuses fonctions écolo-giques comme le cycle de l’eau, la stabilité duclimat ou la biodiversité, l’élaboration d’uneéchelle de valeurs aboutit vite à un combat depouvoir entre ceux qui profitent des conventionséconomiques de ressources inépuisables et ceuxqui voudraient introduire le prix de la pénurie,de l’injustice et de la précaution. Et les premiers,en partie par l’avantage des externalités admisespar leurs conventions économiques et compta-bles, ont pu accumuler le pouvoir de maintenirces mêmes conventions.

Une démarche ouverte et apprenante

La transition vers des modes de consommationsdurables, à la portée de tous, demandera nonseulement une mise en œuvre massive et rapidede solutions déjà connues mais aussi l’adaptationdes codes et institutions du marché.On ébranleradonc l’orthodoxie néolibérale dont sont impré-gnés les dirigeants des entreprises et des gouver-nements les plus puissants de la planète.C’est là lenœud du problème. Car il s’agit bien de dépasserle credo de l’initiative volontaire qui s’enlise fauted’assez de volontaires.Mais il faut alors gagner unemajorité du corps social aux objectifs de consom-mation durable. Il faut l’appui d’une gouvernancecapable de demander des comptes et il faut aiderles mutations nécessaires tout en continuant destimuler les valeurs de l’initiative volontaire quesont l’innovation, l’esprit d’entreprise et la compé-titivité.Ce modèle post-néolibéral ne peut se fairedans la nuit, à moins d’une crise majeure. Mais ilpourrait se construire dès maintenant par unedémarche ouverte et apprenante.

C’est du moins l’une des propositions de l’Avisdu collectif d’experts : «En effet il existe aujour-d’hui pour chaque activité de la vie courante etpour chaque acte de consommation un éventailde solutions souvent évidentes et un moyend’estimer leur impact en cycle de vie ou leur

empreinte écologique.La question est de trouverles bonnes raisons pour choisir une solution audétriment de l’autre, donc de faire glisser lemarché dans la bonne direction… Cette analysepourrait se répéter pour tout le catalogue d’acti-vités de la vie courante – le tourisme, le chauffage,l’éclairage, la mobilité, etc. – avec leur éventail deproduits spécifiques dans lequel se trouventnécessairement le meilleur et le pire du point devue durabilité. À chaque fois un dialogue entrefournisseurs, consommateurs, spécialistes d’étudesd’impact et pouvoirs publics pourrait établir desscénarios plausibles pour tirer le marché vers lemeilleur et éliminer l’impact du pire. De telsscénarios de consommation durable pourraientévoluer vers des pactes de progrès et des parte-nariats entre les divers acteurs.»

Mais comme le souligne l’Avis, cette démarchen’est pas spontanée.Elle ne s’enclenchera qu’avecl’initiative et la persévérance de suffisamment depouvoirs publics et des collectivités territoriales.

L’apport de la Francophonie

Confrontés au même enjeu universel, nombred’acteurs de la Francophonie ont eu le mérited’éclairer la composante culturelle qui forme à lafois notre compréhension de l’enjeu et de sessolutions. (voir LEF 68).Avec persévérance, ils ontenrichi le pouvoir d’un modèle qui propose l’inté-gration du social, de l’économique et de l’envi-ronnement dans un langage pratiquement universel,mais qui bégaye lorsqu’il s’agit nécessairement depasser de la théorie générale à l’action locale.Cettetraduction, notre français l’offre dans la simpliciténaturelle du concept de terroir. Le terroir est eneffet cette entité géographique et culturelle où lesrelations entre les comportements de production etde consommation et les écosystèmes sont palpablesmais aussi compréhensibles dans toute leur pluralité.Il faut donc bâtir sur l’efficacité des solutions deproximité qui misent sur l’identité des consom-mateurs et le savoir des artisans,des forestiers et despaysans.Mais il faut aussi la générosité qui refuse leprotectionnisme. Il faut la curiosité ou la modestiequi permettent de renoncer à celles de nos tra-ditions qui n’ont rien de durable. Le levier desterroirs certes, mais aussi des cultures qui com-muniquent, apprennent et construisent ensembleun destin durable pour tous.

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Le Sommet Mondial pour le Développement Durable, tenu à Johannesburg en2002, a fortement réaffirmé l’importance de la transition vers des modes deconsommation et de production compatibles avec les capacités et les limites denotre environnement naturel :

Des changements fondamentaux dans la façon dont les sociétés produisent et consomment sontindispensables pour réaliser un développement durable à l’échelle mondiale.Tous les pays devraients’efforcer de promouvoir des modes de consommation et de production durables, les pays développésmontrant la voie et tous les pays en bénéficiant, compte tenu des principes de Rio, y compris le principe,parmi d’autres, de responsabilités communes mais différenciées, énoncé au principe 7 de la Déclarationde Rio sur l’environnement et le développement. Les gouvernements, les organisations internationalescompétentes, le secteur privé et tous les grands groupes ont un rôle essentiel à jouer dans l’action visantà modifier les modes de consommation et de production non durables.

Lors de ce même Sommet l’ensemble des pays participants ont demandé l’élaboration d’uncadre décennal de programmes pour appuyer des initiatives régionales et nationales pour undéveloppement économique et social cohérent avec la capacité de charge des écosystèmes. Dèsjuin 2003, des experts internationaux réunis à Marrakech ont défini les priorités au niveau globalet ont ainsi lancé le «processus de Marrakech».

Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), en collaboration avec leDépartement des Affaires Économiques et Sociales des Nations Unies (DAESNU), a organisédes consultations régionales rassemblant les gouvernements, des partenaires du secteur privé,des représentants des associations de consommateurs et des syndicats, des organisations nongouvernementales et des organisations intergouvernementales en Amérique latine, dans lesCaraïbes, dans la région Asie-Pacifique, en Afrique et en Europe, afin de mettre en place desstratégies régionales de promotion de la consommation et de la production durables. Un siteInternet du processus de Marrakech1 contient les informations et les documents clés sur lesdéveloppements régionaux et internationaux.

C’est dans ce cadre que l’Institut de l’Énergie et de l’Environnement de la Francophonie aconvié un groupe d’experts internationaux (voir encadré en page 8) pour réfléchir sur lesspécificités de l’espace francophone dans la transition vers des modes de consommation et deproduction plus durables. Ces experts se sont surtout attachés à formuler des recommandationspratiques pour les collectivités locales, les entreprises et en général pour les décideurs de tous lessecteurs sociaux.

VVeerrss ddeess mmooddeess ddee pprroodduuccttiioonn eett ddee ccoonnssoommmmaattiioonn dduurraabblleessAvis d’un collectif d’experts internationaux réunis par l’Institut de l’Énergie et de l’Environnement de la Francophonie

7Modes de production et de consommation durables

1. http://www.un.org/esa/sustdev/sdissues/consumption/Marrakech/conprod10Y.htm

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8 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

Les constats

On retrouve dans l’espace francophone unecaractéristique globale fondamentale de ce débatde consommation et de production durables :l’extrême disparité de revenus et d’accès aux biensessentiels entre les populations les plus pauvres et lesplus riches. De plus, le manque d’infrastructuresdans les pays en voie de développement amplifiesouvent des comportements de survie ravageurspour l’environnement local et la santé (défores-tation, décimation de la faune, épuisement dessources d’eau et des terres, accumulation desdéchets), alors que l’abondance d’infrastructuresdans les pays développés favorise le gaspillage, la

surconsommation et l’intensité des transports depersonnes et de marchandises.

Il ne peut donc être question de traiter les enjeuxde consommation et de production durables de lamême façon.La communauté internationale s’estfixé par les Objectifs de Développement du Millé-naire une amélioration, avant 2015,des conditionsd’au moins la moitié de la population mondialequi souffre aujourd’hui d’extrême pauvreté.L’essence même de la notion de développement durableest de défaire la pauvreté d’une manière qui necompromette pas la qualité de vie des générations actuelleset futures. Cette victoire ne pourra s’obtenir entransférant les modes de vie, les technologies et les

France

Ministère de l’Écologie et du Développement Durable

Monsieur Christian BRODHAGDélégué Interministériel au Développement Durable

Madame Geneviève VERBRUGGEChargée de mission, services des Affaires internationales

Madame Irène CABYChargée de mission Entreprises et DéveloppementDurable

Madame Sophie TALIÈREChargée de mission Relations Internationales Servicedu Développement Durable CIFAL

Madame Patricia RAVETRecherche DD orientée produitsCartes Vertes INTL

MarocMonsieur Abdeslam DAHMAN SAÏDIProfesseur, Institut agronomique vétérinaire Hassan II,Rabat

QuébecMadame Claire SABOURINCoordonnatrice des Activités de formation internationale École des Sciences de gestion, Université du Québecà Montréal

SuisseMonsieur Alexandre EPALLEResponsable du service cantonal du développementdurable Département de l’intérieur, de l’agriculture et de l’environnement – DIAE, Canton de Genève

Monsieur Claude AUROIProfesseur, Institut universitaire d’études du développement – IUED, Genève

PNUE-DTIE

Programme des Nations Unies pour l’Environnement

Madame Monique BARBUTDirectrice, Division Technologie, Industrie et Économie – DTIEMadame Fanny DEMASSIEUXAdministratrice de programme, Division Technologie,Industrie et Économie – DTIEMonsieur Guido SONNEMANNBranche Production et Consommation, DivisionTechnologie, Industrie et Économie – DTIE

Union EuropéenneMonsieur Raymond VAN ERMENDirecteur Exécutif Partenaires Européens pour l’Environnement – EPE, Bruxelles

Pacte Mondial des Nations UniesMonsieur Claude FUSSLERConseiller

AIF – IEPFInstitut de l’énergie et de l’environnement de la FrancophonieMonsieur El Habib BENESSAHRAOUIDirecteur Exécutif Monsieur Sibi BONFILSDirecteur adjointMonsieur Boufeldja BENABDALLAHResponsable du programme Prospective et mobilisa-tion de l’expertise pour le développement durable

Le groupe d’experts «Modes de production et de consommation durables»

réunis par l’IEPF à Paris les 14 et 15 décembre 2004

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9Modes de production et de consommation durables

comportements et même les conventions écono-miques des pays riches. Elle s’obtiendrait, idéale-ment, en inventant des scénarios de développe-ment qui éviteront cet usage intensif des ressourcesnaturelles qui est la norme même du modèleéconomique de l’affluence.

Ces enjeux de consommation et de production durablesse jouent simultanément sur les terrains de l’environ-nement, des comportements de société et de l’éthique.Certes c’est en abusant des ressources et desmécanismes de notre planète que nous déclen-chons des risques pour nos paysages, notre santémême et celle de nombreuses espèces vivantes.Le contexte écologique est donc primordial carc’est la base de notre alimentation et de notreéconomie. Mais les choix que nous faisons pourignorer ou transgresser les limites, accaparer unepart de nature et déplacer les risques sur autruisont des comportements de sociétés et ce sont deschoix politiques et moraux. Réciproquement, latransition vers une consommation et une produc-tion durables demande des choix éthiques et desactions collectives,non seulement au niveau inter-gouvernemental comme dans le processus deMarrakech, mais aussi au niveau personnel parune prise de conscience de notre rôle pour désta-biliser ou établir le monde que nous pensonsdésirer pour nous-mêmes, nos prochains et nosenfants.

Incontestablement, une économie qui assureraitune qualité de vie pour tous,maintenant et pourles générations à venir, dans les limites de la capa-cité de charge de nos écosystèmes, est un objectifhautement désirable ainsi qu’une juste paraphrasede nombreuses définitions du développementdurable. Mais de fait, notre économie n’assurecette qualité de vie qu’au sixième le plus riche dela population tout en dépassant déjà, selon lesétudes annuelles du WWF2, de 20% la capacitéde la biosphère à se régénérer. Nous dégradonsdonc nos forêts, nos stocks de poissons, nos ré-serves d’eau sans même pourvoir aux besoins detous et sans pouvoir faire ainsi face à la croissancede population des prochaines décennies. Cetteéconomie durable appelle donc une stratégie de décou-plage entre la croissance économique, entre la qualité devie et leurs impacts négatifs sur l’environnement.Tandis

que les indicateurs de développement et de qua-lité de vie augmentent, ceux qui mesurent ladétérioration de l’environnement devraient dimi-nuer pour revenir à ce que le WWF et nombrede scientifiques estiment être la capacité de régé-nération de notre Terre. Il faudrait donc obtenirun découplage absolu.Le découplage de l’activitéproductive de son impact sur l’environnement estmesurable. Il est reflété dans les évaluations glo-bales réunies régulièrement par l’Agence Euro-péenne pour l’Environnement3 et par le PNUE4.Par exemple, en Union Européenne, de 1995 à2001, la consommation d’eau a diminué, celle desmatières premières est restée stable, soit un décou-plage absolu. La consommation totale d’énergieet le volume des déchets d’emballage n’ont aug-menté que de 7% alors que le Produit NationalBrut augmentait de 16%, soit un découplagerelatif.Ce découplage se retrouve encore pour lesdéchets industriels toxiques, la pollution de l’eauet de l’air des villes, le dioxyde de soufre et leplomb. Il semble d’ailleurs d’autant plus accentuéqu’il existe une législation et des instrumentséconomiques pour pousser au progrès.Par contre,le transport de passagers continue à augmenter àla vitesse de l’économie tandis que le fret routieret le trafic aérien dépassent largement la croissanceéconomique. Il n’y a pas découplage mais uneaccélération des impacts sur la pollution de l’air,sur le bruit et le climat.

C’est ce qui se produit également dans les zonesde forte croissance des pays en voie de dévelop-pement. Faute d’existence ou d’accès à des tech-niques fortement découplées, leurs habitants lesplus riches adoptent les standards de consomma-tion en vogue à Paris, Genève ou Montréal. Ilsprésentent alors un modèle de succès social quistimule l’imagination et l’envie de leurs contem-porains malgré sa pression néfaste sur l’envi-ronnement local. L’enjeu du découplage est doncégalement d’anticiper les besoins des pays en voiede développement lorsque leurs progrès créentune classe moyenne impatiente de profiter de saliberté de consommer. Mais dans une largemesure, ce sont les pays riches qui ont d’ores et déjà lesmoyens d’investir dans ces efforts de découplage et quiont déjà pris relativement conscience de la néces-sité de le faire pour leur propre qualité de vie.

Vers des modes de production et de consommation durables

2. WWF’ Living Planet report : http://www.panda.org/news_facts/publications/general/livingplanet/index.cfm

3. www.eea.eu.int4. www.unep.org/geo3

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10 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

Les progrès et les échecs du découplage apportentplusieurs leçons.Lorsqu’il existe une volonté d’amé-lioration d’un système bien défini en même temps qu’unpouvoir de contrôle compétent sur ce système, desaméliorations tangibles sont au rendez-vous. Iln’est donc pas étonnant que la vaste majorité desstratégies de découplage réussisse dans le secteurde production avec des entreprises bien gérées oudans de petites unités territoriales avec une forteparticipation citoyenne et une législation stimu-lant le progrès et la transparence.Mais les objectifsde découplage, même affirmés par les stratégiesnationales de développement durable, sont illu-soires dès lors qu’il s’agit de systèmes étendus etcomplexes et de chaînes de décisions floues,incapables d’arbitrer les intérêts contradictoires etde stimuler une vision collective.

Les réussites montrent également le rôle fondamentalde l’innovation technique et sociale. Il faut en effetinventer une solution qui apporte autant, sinonplus,de services et de qualité de vie avec nettementmoins d’effets indésirables sur l’environnement etqui puisse se substituer facilement aux techniqueset pratiques courantes en séduisant leurs usagers.Ce type de dilemme tripolaire demande égalementplusieurs degrés d’innovation. La protection de lacouche d’ozone, l’élimination des carburants auplomb, la réduction substantielle des pluies acidesont toutes mis en jeu une combinaison de percéestechnologiques,des campagnes d’information ainsique des instruments économiques et législatifs pourfinalement stimuler une action collective vers ledécouplage et même l’élimination quasi complèted’une substance toxique. Il existe également unfaisceau d’études pour démontrer que ce découplagea contribué à la compétitivité des entreprises et des régionsqui l’ont mis en œuvre plutôt que de leur nuireéconomiquement.

De plus, ces réussites ainsi que d’autres efforts dedécouplage ont permis de développer une pano-plie de méthodologies d’évaluation et de misesen œuvre. Les études d’impact, de coûts/béné-fices, les analyses de cycle de vie, les protocoles deproduction propre, d’éco-conception ou d’éco-innovation, les normes de produits et de proces-sus, les écolabels, les standards de gestion ISO14000 et les lignes directrices AFNOR SD21000de stratégie de développement durable, les dia-logues et comité d’avis de parties prenantes, tous

ces outils soutiennent les initiatives volontaires detransition vers la production et la consommationdurables et le découplage en particulier. On saitdonc faire, on pourrait faire.Mais la rareté d’initiativesmarquantes et la lenteur des progrès observésdans les pays développés montrent à quel pointil est urgent de créer une dynamique d’amplifi-cation et d’accélération des expériences et desidées les plus probantes.C’est dans cette perspec-tive que s’est située la réflexion des experts réunispar l’IEPF. Ils ont ainsi tenté de dépasser ces cons-tats et de proposer des idées et des pistes d’actionspertinentes.

Propositions de pistesd’actions

La transition vers une production et une consom-mation durables met en jeu des actions com-plexes et ramifiées. Il s’agit en effet d’actions sys-témiques et il faut donc toujours veiller à créer unesynergie entre plusieurs groupes d’acteurs vers des objec-tifs communs. Il est rare qu’une recommandationpuisse être accomplie par un groupe seul sans lesupport des autres (voir tableau).

Les enjeux et les concepts du développementdurable ont été exprimés jusqu’ici essentielle-ment en anglais international.Tout en reconnais-sant l’efficacité de ce langage commun et sonutilité pour une large diffusion des concepts nou-veaux, il est important d’approprier et d’exprimer lesdébats de production et de consommation durables àtravers les valeurs de la Francophonie. Il est ainsirecommandé d’intensifier l’échange à tous lesniveaux de décideurs (tels que les réseaux univer-sitaires et l’association des maires francophones)de l’information sur les outils, les bonnes pra-tiques et les initiatives. Il faut aider à renforcer lescapacités dont les pays ont besoin pour formulerdes stratégies de développement durable, intégrerles règles internationales et adapter les initiativesles plus prometteuses. Il faut également intensifierla préparation et la capacité d’influencer lesnégociations internationales par les participantsde la Francophonie5.

5. http://www.mediaterre.org/france/rub,2,1.html ethttp://www.iepf.org/reseaux/relief_index.asp

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11Modes de production et de consommation durables

Dans le strict périmètre de leur système de pro-duction, un grand nombre d’entreprises ont dé-montré au cours des dernières années un décou-plage notoire, parfois même absolu, entre leurvolume de ventes et leur consommation d’eau,d’énergie, d’emballages et leurs rejets dans l’envi-ronnement sous diverses formes. Ce découplagefait partie d’une démarche généralement connuesous l’étiquette d’éco-efficacité.Les principes opé-rationnels de l’éco-efficacité ont été définis parune multitude de praticiens,d’expériences de ter-rain et de dialogues avec diverses parties prenantessous l’impulsion du World Business Council forSustainable Development (WBCSD6), une orga-nisation qui regroupe aujourd’hui 175 grandesmultinationales engagées pour le développementdurable. Bien que l’éco-efficacité ait souvent étéréduite à la formule simpliste «créer plus de valeuravec moins d’impact», il est essentiel de se référerà la définition complète qui est longue maisenglobe plusieurs exigences fondamentales (voirtableau, page suivante).

Les différents niveaux de complexité et d’incer-titude de cette définition impliquent que l’éco-efficacité n’est pas un état ou une qualité,mais unprocessus d’amélioration continue. Il en résulteaussi qu’elle n’est pas une approche unique.D’autres ont proposé des formulations et desprogrammes pour réaliser le développementdurable.On peut citer en particulier la ProductionPropre du PNUE. Ni l’éco-efficacité, ni laProduction Propre ne font référence au secteur, àla nationalité ou à la taille de l’entreprise. C’estqu’en fait ce sont des démarches universelles.D’une certaine manière, il est même plus facile àun artisan de la mettre en œuvre à conditiond’avoir la volonté de bien connaître l’impact deson procédé et de prendre le temps de concevoirses options de réduire ses impacts ou de chercherailleurs les expériences d’amélioration. C’est doncavant tout une question de temps, de volonté et decréativité. La complexité de la démarche augmenteen fait avec la taille et le nombre d’installationset de flux matières à gérer. Cependant, ce sontces entreprises multinationales très visibles et

Vers des modes de production et de consommation durables

Les cinq groupes d’acteurs Leurs fonctions et responsabilités majeures

La consommation dépend largement de ce qui est offert par le secteur productif ; cette offre dépend à court terme largement de l’outillage et de l’investissement productif existant; à moyen terme elle dépend de l’anticipation par le producteur des besoins et des désirs «durables» du consommateur.

En pensant entreprise, il ne faut pas négliger les petites et moyennes structures ni mêmel’artisan et le fermier.

La capitalisation boursière de l’entreprise, sa valeur à la vente ou à l’acquisition, sa facilitéd’accès au crédit dépendent de l’évaluation de ses opportunités et risques futurs par les investisseurs et leurs conseillers. Une grande partie de cette valeur est intangible; elle repose sur la confiance qu’ont ces investisseurs dans la qualité des engagements de l’entreprise avec le monde qui l’entoure.

Il revient aux acteurs financiers d’allouer les ressources qui leur sont confiées auxinvestissements les plus durables.

Sur le moyen terme, le consommateur est roi. Il peut certes être contraint par les limites de l’offre ou influencé par la publicité mais ce sont ses valeurs, sa compréhension des enjeux et son pouvoir d’achat qui prédominent sur la durée et forment les modes de consommation.

Consommateurs, entrepreneurs et responsables publics réagissent en fonction de leur prisede conscience et de leur compréhension des enjeux de développement durable. Dans ce contexte, la part scolaire et universitaire est largement supplantée par la présentationqui les atteint dans la vie courante par les divers médias.

Ils fixent la licence légale de produire, distribuer, consommer et polluer. Ce pouvoir estfonction de leur diligence et de leur intégrité à l’exercer.

Mais les modes de production et de consommation durables sont encore à inventer ; ce nesont pas encore des normes admises. Les pouvoirs publics ont ainsi la responsabilité deformuler et guider les aspirations des citoyens et de créer le cadre qui stimule les initiativesde réalisations de ces aspirations. Il leur appartient également de choisir les conditionspour transformer les initiatives réussies ou prometteuses en normes collectives. Ilsinfluencent eux-mêmes le marché par leurs investissements pour le service public et sedoivent de donner l’exemple d’achats responsables. Enfin par les infrastructures publiquesils créent les conditions de productivité des entreprises.

Les entreprises de production, de distribution et de services ainsi que leurs groupes d’intérêt comme les chambresde commerce ou d’agriculture

Le secteur financier et en particulier les banques d’investissement, les fonds de pension, les bourses et les analystesfinanciers

Les consommateurs et leurs groupementsd’intérêt, le monde associatif spécialisédans les enjeux de développementdurable et les syndicats

Les institutions d’information, de recherche, d’éducation et deformation; les entreprises d’informationet de communication

Les pouvoirs publics locaux, nationaux et internationaux

6. http://www.wbcsd.org (site en anglais)

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12 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

vulnérables à la pression publique qui se sontengagées avec le plus d’impact positif. Il faut doncrecommander l’extension de la démarche d’éco-efficacité au plus grand nombre d’entreprises detoutes tailles et de tous secteurs. Les méthodo-logies sont bien rodées et, en particulier, le PNUEet le Wuppertal Institute en Allemagne se sontefforcés de constituer une boîte à outils pour lapetite entreprise7.

Si l’on peut recommander l’adoption de la dé-marche d’éco-efficacité sans hésiter, il ne faut passe leurrer sur son impact dans l’état actuel de sonapplication. Les meilleurs résultats sont démon-trés dans le champ du système productif strict.C’est donc une application étroite de sa défini-tion même. Or la majeure partie des impacts ontlieu dans les autres phases du cycle de vie duproduit. L’usine de lave-linge la plus éco-efficacecontribue finalement peu à l’impact de toute lafilière lave-linge. Lorsque l’on comptabilise l’im-pact des productions de métaux, de plastiques etde peintures qui constituent le lave-linge, l’eau,l’électricité et les détergents qui seront utiliséspour toutes les lessives du consommateur etl’impact de toutes les étapes de transport au longde ce cycle de vie jusqu’à la décharge du lave-linge en fin de vie l’on constate que la phasemême d’assemblage du lave-linge représentemoins de 10% de tous ces impacts. On constateles mêmes proportions pour la majeure partie denos grands produits de consommation, l’automo-bile, les aliments et boissons de grande distri-bution, l’habitat, les appareils électroménagers…

Pour que la démarche éco-efficacité accélère réellement ledécouplage entre l’usage intensif de ressources naturelleset l’assurance de notre qualité de vie, il faut la pousserfidèlement à sa définition, dans toutes les phases descycles de vie de notre confort matériel.

L’impact de l’éco-efficacité et de la productionpropre est également limité par le nombre d’en-treprises qui la mettent réellement en œuvre et lenombre d’institutions qui les encouragent et lesaident à le faire. En plus de 15 ans de dévelop-pements et de démonstrations, elles sont restéesdes initiatives volontaires.Elles n’ont séduit qu’unpetit contingent parmi les 64000 multinationaleset les millions de PME actives dans le monde.Lesinitiatives volontaires sont pourtant en faveur. Labase logique de leur crédit est que les défis dudéveloppement durable sont trop complexes pourimposer des solutions évidentes,qu’il faut laisser letemps à l’exploration, à l’innovation et au con-sensus pour départager les meilleures approchesavant de les intégrer dans un cadre prescriptif.Dans le contexte du système économique ultra-libéral prôné par certains, la préférence pour l’ini-tiative volontaire est donc une préférence d’effi-cacité. Elle repose sur l’hypothèse que les valeursmorales et la capacité innovatrice des entrepre-neurs, exaltées par une saine concurrence et latransparence de leurs agissements, nous condui-ront plus rapidement et plus économiquementvers le développement durable qu’un processusde négociations politiques et réglementaires. Eten effet, l’initiative volontaire des entreprises et lespartenariats avec des ONG et des institutionspubliques ont produit un consensus déclaratifintéressant et une boîte bien fournie en outils de

L’éco-efficacité est réalisée:

Les produits et les services éco-efficaces sont en compétition sur le prix et la qualité. Il fautqu’ils soient avantageux pour provoquer un réel progrès.

Ils doivent être conçus pour satisfaire de vrais besoins et contribuer à la qualité de vie etnon pas pour rendre la surconsommation écologiquement acceptable. Cette partie de ladéfinition est clairement un objectif de consommation durable.

On doit y lire aussi, c’était l’intention des auteurs, le souci du développement despopulations pauvres.

Leur conception doit prendre en compte la minimisation des impacts dans le contexteétendu de l’assemblage de leurs composants et l’extraction de leurs matières premières,leur distribution, leur utilisation et consommation ainsi que les résidus en fin de vie utile.

Cela implique une évaluation et une amélioration continue systémiques.

Une approche de précaution, qui prenne en compte les limites de notre planète àrégénérer ses cycles vitaux et les incertitudes de notre connaissance scientifique, est derigueur.

par la fourniture de produits et de servicesà des prix compétitifs,

qui satisfont les besoins humains etapportent la qualité de vie,

alors qu’ils réduisent progressivementleurs atteintes écologiques et leurintensité en ressources naturelles,

tout au long de leur cycle de vie,

jusqu’à un niveau au moins compatibleavec la capacité estimée de notre planèteà les supporter.

7. http://www.efficient-entrepreneur.net/index.php3?seite=99&lang=fr

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13Modes de production et de consommation durables

mise en œuvre : analyses de cycles de vie, éco-design, audit sociales, ISO 14000, bilan des gaz àeffet de serre et permis d’émettre, comité deResponsabilité Sociale, etc.

Mais le bilan de l’initiative volontaire est mince.Nous sommes en retard sur tous les objectifs dedéveloppement durable et ni l’ampleur,ni l’éner-gie, ni la vitesse des programmes en cours nepermettent d’espérer le succès. Une mobilisationvolontaire, pauvre en volontaires, ne peut avoir l’impactdésiré, elle fait trop peu, trop tard. On peut doncdouter de la capacité de l’entreprise de décider,seule,du déclenchement,des modalités et de l’am-pleur d’une initiative collective de cette impor-tance pour notre avenir. On peut surtout se de-mander quels processus,mieux conçus,pourraientà la fois stimuler l’initiative et l’innovation tout encréant un réel mouvement à l’échelle suffisantepour produire le changement.

On peut d’abord insister sur le rôle des parte-nariats publics-privés qui favorisent un équilibreentre la liberté d’action et d’innover de l’entre-prise et un cadre de concertation sur les objectifsà atteindre et les règles du jeu à respecter.De telspartenariats permettent d’allier les entreprises etde préférence leurs groupements sectoriels oules chambres de commerce aux pouvoirs publicset au mouvement associatif. Si les objectifs sontclairs, les responsabilités respectives bien définies et lefinancement suffisant, les partenariats peuvent effica-cement résoudre des questions systémiques complexes.Éco-emballage en France est un bon exemplede partenariat étendu pour réduire et revaloriserles déchets d’emballage avec une vaste parti-cipation des consommateurs et de tous lesacteurs de la chaîne. Mais il faut convenir queson initiative a été fortement encadrée par lesdécrets de 1992 sur les obligations et objectifs devalorisation des déchets d’emballage. Sur cettebase non négociable les acteurs ont donc préférés’allier pour une mise en œuvre économique.Lespouvoirs publics devraient moins hésiter pour « forcerla main» sur les enjeux de production et de consom-mation durables. Ils devraient instaurer des cadresstratégiques qui les amènent à travailler avec lesentreprises, les associations de consommateurs etd’autres parties prenantes à la réalisation d’ob-jectifs de découplage plus ambitieux.

Un autre levier d’action est l’accès au marché.Bien que l’éco-efficacité cherche la compétiti-vité, il est presque toujours difficile de rivaliseravec les solutions moins efficaces car elles béné-ficient,outre l’habitude du consommateur,du basprix des ressources qu’il faudrait économiser ouprotéger.Considérée comme bien essentiel, l’eauest généralement vendue sous son prix deréinvestissement ce qui incite la vétusté desréseaux et donc les fuites et la contamination dece bien. Les utilisateurs n’ont aucun intérêt àcourt terme de renchérir leur consommation parl’acquisition d’appareillages éco-efficaces. Il en estde même pour une majorité de biens de con-sommation.Mais dès lors que les pouvoirs publicspèsent sur les prix et, par exemple, renchérissentmalgré la protestation des automobilistes leparking en ville et soutiennent les insvestisse-ments du transport public et les réductions destarifs, les alertes à la pollution de l’air de ces villess’espacent, les embouteillages diminuent et, si l’onpouvait les compter, on constaterait un allè-gement des subventions collectives aux asthmes,aux dégâts de tôles, au nettoyage des façadesnoircies… Bien entendu, ce sont là des enfreintesau libre marché.Mais ce libre marché est basé surde si nombreuses conventions humaines qui,d’une part, allouent certains biens communs à desgroupes d’utilisateurs à des conditions régies parun jeu de taxes et d’exonérations et, d’autre part,ignorent complètement la valeur de certains bienspourtant devenus critiques comme la stabilité duclimat ou la biodiversité. Ces conventions et cesdistorsions sont si nombreuses qu’il semble bien légitimede faire jouer les instruments de prix en faveur de l’éco-efficacité afin de la soutenir dans la conquête du marché.

On devrait donc se préoccuper de l’avenir com-mercial de nombreuses innovations éco-efficacesexistantes. En effet, il existe aujourd’hui pourchaque activité de la vie courante et pour chaqueacte de consommation un éventail de solutionssouvent évidentes et un moyen d’estimer leurimpact en cycle de vie ou leur empreinteécologique.La question est de trouver les bonnesraisons pour choisir une solution au détrimentde l’autre, donc de faire glisser le marché dans labonne direction. On pourrait ainsi commencerpar les domaines où ces choix existent déjà.Dansle cas de l’éclairage intérieur, il y a la solution desampoules compactes fluorescentes qui sont cinq

Vers des modes de production et de consommation durables

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14 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

fois moins gourmandes d’électricité, 12 fois plusdurables,mais jusqu’à 20 fois plus chères au détailet 10 fois moins achetées que les traditionnellesampoules à filament.Pourtant, en moins d’un an,elles peuvent récupérer leur surcoût d’achat parl’électricité qu’elles économisent. Quels seraientdonc les catalyseurs qui feraient passer progres-sivement et sûrement l’ampoule compacte d’unepart de marché de 6% à 15% ou 30%?Comment l’introduire dès le départ dans lesquartiers en voie d’électrification dans les paysen développement? On toucherait là les scénariosde sensibilisation, d’information et d’instrumentséconomiques et réglementaires concrets qui permettraientà tous les acteurs de se concerter sur une transitionsouhaitable dans un cas aussi parlant que notreéclairage.

Cette analyse pourrait se répéter pour tout lecatalogue d’activités de la vie courante avec leuréventail de produits spécifiques dans lequel setrouvent nécessairement le meilleur et le pire dupoint de vue durabilité.À chaque fois un dialogueentre fournisseurs, consommateurs, spécialistesd’études d’impact et pouvoirs publics pourraitétablir des scénarios plausibles pour tirer le marchévers le meilleur et éliminer l’impact du pire. Detels scénarios de consommation durable pourraientévoluer vers des pactes de progrès et des partenariats entreles divers acteurs. Ils pourraient aussi faciliter l’intro-duction de mesures plus contraignantes pour éliminer lesproduits et les usages particulièrement nocifs.

S’il est aujourd’hui difficile d’envisager uneréforme totale et profonde des conventions etpratiques qui régissent nos marchés, il sembletoutefois légitime d’influencer ses règles enfaveur des entreprises innovantes dans l’éco-efficacité et des consommateurs prêts à réduireleur empreinte écologique. C’est une démarcheouverte et apprenante. Mais elle n’est pas spontanée.Il appartient aux pouvoirs publics et aux collec-tivités territoriales de l’initier et d’encadrer samise en œuvre.

Une telle démarche faciliterait l’information desconsommateurs.En l’absence d’un signal clair parle prix, les écolabels, les fiches techniques, lesarticles et les sites Internet spécialisés n’ont qu’uneinfluence marginale. Au mieux, ils confrontentles consommateurs avec un dilemme,mais l’éco-nomie ou le désir l’emportent souvent sur la

raison écologique et sociale dans la décision. Il estdifficile de vendre les valeurs de consommationdurable dans un univers publicitaire et médiatiquegénéralement aux antipodes.Mais l’on peut bâtirsur les programmes de sensibilisation des jeunescomme Jeunes Échanges8 du PNUE et del’UNESCO, ou celle des foyers de consomma-teurs comme Famille Durable9 en France, lacampagne belge « Ça passe par moi »10 ou le sitede Consodurable11 en France. Pour réussir, il fautamener les consommateurs à des mises en œuvre cultu-rellement adaptées, économiquement possibles et person-nellement valorisantes. Les scénarios de consom-mation durable présentés plus haut, seraientparticulièrement utiles pour éclairer les choix decomportement et les amener du pire au meilleurpar une démarche informée et réfléchie.

Cette démarche rappellera également les pouvoir publicsà leur rôle de consommateur avec un pouvoir d’achatqui pèse sur l’économie (8 à 25% du PNB selon lespays) et peut créer des parts de marché critiques pourles nouvelles offres éco-efficaces. L’achat « écores-ponsable» bien qu’encore marginal, est en bonnevoie avec la prise de conscience des pouvoirspublics de leur rôle de consommateur pilote etde leur obligation de mettre leurs déclarationspolitiques en cohérence avec leurs appels d’offreset leurs contrats. La réforme du code des marchéspublics décidée en France en janvier 2004 estainsi accompagnée d’une sensibilisation et d’uneconcertation des acheteurs publics afin qu’ilspuissent intégrer les critères d’éco-responsabilitédans leur sélection de fournisseurs12.

Le découplage entre notre qualité de vie et sesimpacts sur l’environnement est nécessaire maisinsuffisant pour réaliser la transition vers les modesde production et de consommation durables. Ilest nécessaire au plus vite pour la consommationdes 3 milliards et demi de personnes qui viventdans une économie monétaire avec au minimumun habitat décent, de l’eau, de l’énergie et unmoyen de locomotion par foyer,une alimentationet une scolarité suffisantes. Il est particulièrement

8. http://youthxchange.e-meta.net/9. http://www.familledurable.com/2005/00_home/00_

home.html 10. http://www.ecoconso.be/11. http://www.consodurable.org/12. http://www.ecoresponsabilite.environnement.gouv.fr/

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15Modes de production et de consommation durables

nécessaire et urgent pour le milliard d’entre eux,les plus riches, qui servent de modèles aux rêvesde progrès social du reste du monde. Mais il estinsuffisant pour ceux, les 2 milliards et demi, quisurvivent aux marges et même loin de cetteéconomie monétaire. Pour eux, il faut avant toutune consommation décente, et pour le milliard leplus démuni c’est une question de vie ou de morttous les jours.Pour les plus pauvres une consommationminimale évoluée, sans a priori d’éco-efficacité, seramoins dommageable globalement pour l’environnementque la nécessité de survivre aux dépens del’épuisement des dernières ressources naturelleslocales.

Les partenariats publics-privés pour l’accès auxbiens essentiels, aux services de santé et d’édu-cation permettent d’associer la créativité desNGO de terrain, la légitimité des pouvoirslocaux et les ressources financières et les compé-tences des entreprises intéressées au développe-ment sur le moyen terme de marchés nouveaux.Les instruments du micro-crédit ont montré leurefficacité pour déclencher le processus de déve-loppement personnel et l’affranchissement deconditions de vie inhumaines.Mais il faut égale-ment soutenir le progrès par le développementd’infrastructures et d’institutions capables deprotéger et d’accroître la valeur ajoutée parl’effort individuel. Il reste beaucoup à faire pourcréer le dialogue et les synergies entre l’investisse-ment privé et l’assistance au développement, nonpas au profit comme dans le passé de la filière desentreprises du pays donateur, mais réellement auprofit des artisans, des fermiers et des entreprisesdu pays aidé. Il reste beaucoup à faire aussi pourpermettre à ces artisans, fermiers et entreprisesde comprendre et saisir les opportunités desmarchés des pays riches de la Francophonie etd’ailleurs, celles en croissance des filières d’achatéthique et les approches éco-efficaces.

Dans cette perspective, il est particulièrementintéressant d’accentuer une approche par terroirs.Le concept de terroir est familier à la culturefrançaise et à la Francophonie. Il est le carrefourpalpable des enjeux de développement durablesdans leur diversité et des relations entre la pluralitédes comportements humains et leurs écosys-tème13. Le terroir permet donc aussi de dévelop-per des solutions adaptées qui mettent en jeu

l’exploitation des ressources au bénéfice des popu-lations locales, par des circuits courts et efficaces,grâce au savoir local. Sans figer la société dans destraditions autarciques ou destructives, les terroirspeuvent miser sur des méthodes de qualité et denormalisation telles que les Appellations d’OrigineContrôlée qui peuvent aisément intégrer desdimensions éthiques et écologiques dans leurscahiers de charges.Ces démarches construites surles spécificités du terroir d’origine et le savoir deses paysans, ses forestiers et ses artisans deviennentde véritables stratégies de valorisation et deconservation des richesses locales.

Les enjeux de production et de consommationdurables sont énormes. Les experts réunis parl’IEPF ont tenté de faire le tour des principalespistes d’action tout en reconnaissant qu’elles sontlargement une répétition de ce qui a été recom-mandé ailleurs par d’autres comités d’experts. Larépétition des mêmes constats et des mêmes idéessemble bien indiquer qu’en presque 20 ans dedébats autour du développement durable nousavons collectivement fait le tour de la question.De réunion en réunion, on a constaté une lenteconvergence vers l’importance de l’éco-efficacitéet des instruments économiques et réglemen-taires qui réajustent en sa faveur le cadre dumarché, une convergence vers le pouvoir despartenariats publics-privés bien focalisés sur desprojets enracinés localement dans des terroirs, etune convergence vers la reconnaissance de l’obli-gation de développement accéléré des plusdémunis et aussi, avec plus de réticences encore,vers le devoir de consommer et de produireautrement pour ceux qui ont les moyens de gérerleur comportement sans compromettre leurqualité de vie.Alors? La seule conversion qui resteà faire est d’essayer de passer à l’action.

Vers des modes de production et de consommation durables

13. Liaison Énergie-Francophonie, no 68, 3e trimestre 2005 ;Culture et Développement Durable ; en particulierChristian Brodhag : Consommation durable et valeursculturelles ; page 65.

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Afin d’analyser les perspectives politiques des enjeuxde production et de consommation nous avons invitétrois spécialistes dirigeants d’institutions gouvernemen-tales et non gouvernementales à débattre avec ClaudeFussler, l’éditeur de ce numéro spécial.

Monique BarbutDirectrice, Division Technologie, Industrie etÉconomie DTIE,Programme des Nations Uniespour l’[email protected]

Christian BrodhagDélégué Interministériel au DéveloppementDurable,Ministère de l’Écologie et du Dévelop-pement Durable, [email protected]

Abdeslam Dahman SaïdiProfesseur, Institut agronomique vétérinaireHassan II, [email protected] [email protected]

Farid YakerCoordinateur Enda [email protected]

Claude Fussler – Le collectif d’experts réunis parl’IEPF pour formuler l’Avis sur les voies spécifiquesau monde francophone pour une transition vers desmodes de consommation et de production durables s’estrapidement accordé sur les recommandations principales.En effet, tous les concepts, les pistes d’actions et les ins-truments d’incitation leur semblaient déjà bien définiset débattus. Par contre, ils ont déploré l’énorme déficitde mise en œuvre par les politiques. Ils ont égalementestimé que l’on attend trop des initiatives et despartenariats volontaires qui ont eu peu d’impact réeljusqu’à présent. Quant à vous, voyez-vous des raisonsd’espérer un changement dans le proche avenir?

Farid Yaker – Face aux tragédies du SIDA, descatastrophes naturelles, des conflits non résolus etde la menace terroriste, le monde a-t-il la tête àse pencher sérieusement sur la durabilité desmodes de production et de consommation? Lespays du Sud, préoccupés par la lutte contre lapauvreté et la recherche de stabilité politique,ont-ils les moyens de s’opposer à la dégradation,souvent irréversible, de leur base de ressources etde l’environnement global de la planète?

Et pourtant, il est clair que la non-prise encompte, au Nord comme au Sud, de la nécessitéde modifier en profondeur nos modes de pro-duction et de consommation (MPC) ne feraqu’exacerber les tensions et les problèmes actuelstout en accroissant les risques graves encouruspar la planète et en réduisant le patrimoine léguéaux générations futures. Il est donc nécessaire des’attaquer conjointement, et de manière déter-minée, aux déséquilibres sociopolitiques et à lanon-durabilité des modes de production et deconsommation.

Dans cette optique, les États ont un rôle essentielà jouer en réformant en profondeur le cadreréglementaire et fiscal en vue de permettre,notamment, l’internalisation des coûts environ-nementaux; en intégrant l’impératif de change-ment des MPC dans toutes leurs politiquessectorielles, en réaffectant des dépenses, notam-ment militaires, en faveur d’activités permettantde réduire l’empreinte écologique des pouvoirspublics, des entreprises et citoyens ; en adoptantde nouveaux indicateurs mesurant les niveaux dedécouplage entre PIB et croissance économique,d’une part, et exploitation des ressources natu-relles, d’autre part.

Il est tout aussi nécessaire de mettre les entre-prises face à leurs responsabilités et d’amener ces

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dernières à modifier leurs pratiques et processusde production et à s’engager sur des objectifschiffrés et vérifiables de réduction de leurs im-pacts écologiques.

Les politiques de coopération doivent égalementintégrer l’objectif de changement des MPC touten privilégiant les programmes susceptibles d’agirde manière simultanée sur les problématiquessociales et environnementales.

L’ampleur des défis auxquels nous faisons faceexige la mise en commun des énergies et l’éta-blissement de partenariats opérationnels et consé-quents entre les différentes familles d’acteursconcernés.Parmi ces acteurs, un effort particulierdoit être fourni pour permettre aux associationset ONG de jouer leur rôle d’aiguillon et de cer-tification des changements de MPC, de sensi-bilisation des décideurs et du grand public, desuivi des médias ainsi que de laboratoires d’idéeset de pratiques innovantes.

Abdeslam Dahman Saïdi – Il est difficile pourun observateur du Sud de garder un optimismeraisonnable face aux tendances actuelles, installéesdurablement par la logique de la globalisationdes échanges économiques mondiaux. DepuisJohannesburg, aucun signe tangible d’un débutde changement effectif des modes de productionet de consommation dans les pays du Nord etencore moins dans les pays du Sud n’autorise unquelconque optimisme pour l’horizon des cinqprochaines années.Bien au contraire, l’émergenceéconomique récente de la Chine (dont le systèmepolitique était, pour certains pays du Sud,porteurd’une véritable vision allant au-delà d’un déve-loppement économique «à tout prix») vient ren-forcer et alourdir encore plus cette tendanceinternationale. Ce pays ramené progressivementau respect des normes économiques dominantess’est trouvé au centre de trois flux amplificateurs:(i) la délocalisation d’une part importante de laproduction internationale appelée par la dispo-nibilité d’une main-d’œuvre qualifiée, disciplinéeet peu onéreuse, (ii) l’implantation de nouvellesunités de production multinationales destinées àla consommation interne d’un marché en pleineexpansion et (iii) le développement rapide d’unecapacité propre de production d’une performancesans précédent capable d’exporter dans le mondeentier une manufacture de qualité technologique

de plus en plus appréciée.Ceux qui prétendaientque le véritable espoir pour les pays du Sud rési-dait dans le fait que leur développement durable,partant de très bas, pouvait autoriser un greffageprogressif mais structurant de nouveaux modesde consommation et de production, doiventrevoir la simplicité et la linéarité d’une telle visionoptimiste. D’autant plus que de nombreux paysémergents rêvent devant les chiffres macro-économiques de la Chine et ne demandent pasmieux que d’enfourcher le même modèle.

Claude Fussler – Donc, votre constat rejoint celui del’Avis. Chacun a une responsabilité incontournable,urgente. Mais où est l’évidence d’une mobilisation?

Christian Brodhag – Je ne suis pas fondamen-talement optimiste car je considère que l’ampleuret la vitesse de la montée des problèmes sont biensupérieures à la vitesse de diffusion des solutions.Mais ce qui peut donner espoir c’est l’accélé-ration de la prise de conscience et l’expérienceaccumulée.

Aujourd’hui, les problématiques liées au dévelop-pement durable commencent à être largementconnues. Depuis que le changement climatiqueest observé et que la responsabilité de ce change-ment est attribuée aux activités humaines par laplupart des scientifiques compétents, la mobili-sation ne ralentit pas.Mais la prise de consciencese fait sous l’angle du catastrophisme qui n’estfinalement pas mobilisateur et a du mal à setraduire par une mise en œuvre concrète.

Autre raison d’optimisme : en une quinzained’années nous avons largement avancé dansl’identification des solutions et des acteurs surlesquels il faut faire porter la responsabilité duchangement. À Rio, la communauté interna-tionale pensait faire porter les efforts sur les Étatset les institutions multilatérales. Cinq ans après,la même communauté, tirant un premier bilan,fait aussi porter l’accent sur le rôle des entre-prises.À Johannesburg, enfin, la responsabilité desconsommateurs est identifiée et les modes deproduction et de consommation sont abordéscomme un tout.

Nous avons aussi des représentations du mondeplus mobilisatrices: l’empreinte écologique ou lanotion de services écologiques telle qu’établie parl’évaluation des écosystèmes pour le millénaire.

Les enjeux de production et de consommation durables.Perspectives politiques

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Farid Yaker – Je partage l’avis de ChristianBrodhag selon lequel nos problèmes s’accroissentplus vite que les solutions que nous tentons demettre en œuvre. J’ajouterais que les rapports deforce ne sont pas encore en faveur de ceux quiplaident pour des mesures draconiennes seules àmême de préserver notre planète. Je suis parcontre plus mitigé sur les motifs d’optimismeavancés par Christian Brodhag. Il me sembleégalement que nous ne pourrons avancer sur cesquestions si nous ne prenons pas en compte lesénormes déséquilibres Nord-Sud, d’une part, etl’influence prépondérante des multinationales,milieux financiers et autres lobbys industriels,d’autre part, qui freinent et s’opposent à la miseen œuvre de politiques, pratiques et règlementsfavorables à une remise en cause des modes deproduction et de consommation dominants.

Monique Barbut – Changer nos modes deconsommation et de production requiert unemodification des comportements tant individuelsque collectifs qui implique un travail de longuehaleine basé sur une prise de conscience desrisques d’un scénario tendanciel. La question desmodes de production et de consommationdurables ne sera pas dernière nous dans cinq ans.Cependant, de mon point de vue, la prise deconscience accrue des gouvernants, des entre-prises et des citoyens et les changements d’atti-tude que nous commençons à observer indiquentque nous sommes sur la bonne voie, bien que lechemin qui nous reste à parcourir demeure longet tortueux. Le défi qui est le nôtre aujourd’huiest de traduire de bonnes intentions en actionsconcrètes dans le cadre de projets et initiativesaux résultats tangibles et mesurables.

Farid Yaker – Mais c’est aussi, je le répète, undéfi de rééquilibrer les rapports de forces.Au Sudet à l’Est, l’appétit de consommation est énormepour les 4 milliards de personnes dont le niveaude vie est encore bien loin des standards occi-dentaux.Les gouvernements du Sud ainsi que lespopulations sont avant tout préoccupés parl’accroissement du revenu national même si cecioccasionne des choix de développement nondurables et des dégradations irréversibles despatrimoine biologique et culturel (artificialisationdu littoral, perte de terres arables, non-maîtrisede la croissance urbaine avec les conséquencesque l’on connaît sur l’accroissement des violences

urbaines, la santé, la pollution, etc.).Très souventles choix des États sont faits sans prise en comptede l’avis d’autres acteurs nationaux tels que lesONG locales qui sont souvent marginalisées,voire réprimées, et sans que les institutionsfinancières internationales et organismes decoopération ne pèsent de tout leur poids pourinfléchir les politiques publiques (ex. : exploi-tation du bois tropical, promotion du tout auto-mobile au détriment des transports publics et durail, absence de soutien aux énergies renouve-lables, etc.).

Au Nord, et malgré, il est vrai, une prise deconscience croissante, les intérêts économiques àcourte vue continuent de primer et de freiner lesévolutions nécessaires des cadres fiscaux et régle-mentaires ainsi que des modes de production etde consommation. En France, dans un pays sedisant mobilisé dans la réduction des émissionsde gaz à effet de serre, un projet de loi prévoyantde taxer les véhicules 4x4 (dont les ventes sonten nette augmentation) a été remisé en juillet2004 sous la pression du lobby automobile. Demanière plus générale, les cadres fiscaux des paysdu Nord n’intègrent toujours pas l’objectif dedécouplage, de réduction de l’empreinte écolo-gique et d’application du principe pollueurpayeur. Bien au contraire, de nombreuses sub-ventions et détaxations anti-environnementcontinuent de subsister dans les domaines dutransport aérien lui aussi en pleine expansion(kérosène), ou terrestre (diesel) de l’agricultureoù le modèle productiviste entraîne une utilisa-tion excessive de pesticides et de fertilisants, del’aide à l’irrigation qui favorise la salinisationdes sols.

Monique Barbut – Les difficultés sont nom-breuses, mais les éléments pour promouvoir uneculture de changement sont actuellement réunis.Le catastrophisme ne nous permettra pas de pro-gresser. Un optimisme béat non plus. Une pre-mière raison d’optimisme réside dans la sensibi-lisation accrue du public et des citoyens auxproblématiques de développement durable quiest, sans nul doute, l’un des moteurs de la trans-parence dont les gouvernements et les entreprisesprivées doivent désormais faire preuve.

Cette prise de conscience, largement stimuléepar les technologies de l’information et de la

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communication, rend plus difficile, pour desentreprises ou pour des pouvoirs publics,l’adoption délibérée de pratiques non durables.La dénonciation du travail des enfants sur lequelcertaines multinationales fermaient les yeux estun exemple de cette prise de conscience et de lamobilisation des consommateurs que doiventprendre en compte les entreprises et les pouvoirspublics. Les répercussions sur la santé de certainesdécisions prises dans les quarante dernières annéesau mépris de la santé humaine, comme l’amianteou le tabac, conduisent aujourd’hui à la mobi-lisation des citoyens qui demandent des comptesà leurs gouvernants ou aux entreprises.

Une deuxième raison d’optimisme s’appuie surce que j’ai pu observer dans le cadre du processusde Marrakech.Après trois premières années detravail, l’implication croissante des gouverne-ments et la véritable volonté de travailler ensem-ble au niveau international qui s’est dégagée mesemblent être une autre raison d’espérer. Lapremière phase de consultations régionales quiest maintenant achevée a montré une réelleappropriation par les gouvernements des problé-matiques de la consommation et de la productiondurables et a permis de faire de ce processus uneréalité vivante dans certains pays et dans lesdifférentes régions du monde. Toutefois, si leprocessus me semble être en place d’un point devue international, les résultats concrets ne sontpas encore au rendez-vous, et il convient main-tenant de s’y atteler sans relâche.

Pour ce faire, il faudrait que ces problématiquesne soient pas cantonnées à la seule sphère envi-ronnementale. Faire de la consommation et de laproduction durables un objectif de l’ensembledes ministères dans les pays, qui soit intégré demanière horizontale dans les objectifs nationaux,et notamment dans le cadre de stratégies natio-nales de développement durable,me semble unepriorité.Pour contribuer à cet objectif, le PNUEa engagé un projet pilote visant à intégrer laconsommation et la production durable demanière concrète dans les stratégies de réductionde la pauvreté. Par ailleurs, lors de la réuniond’octobre 2005 au Costa Rica qui nous a permisde faire le point des avancées du processus deMarrakech, un processus a été initié avec lesagences d’aide et les bailleurs bilatéraux et mul-tilatéraux visant à développer conjointement des

pistes d’action pertinentes afin d’intégrer de lamanière la plus efficace cette question cruciale.

Claude Fussler – Mais comment pourrait-on allerencore plus vite pour répondre à la fois à l’impatiencede développement du Sud mais éviter ce développementcoûte que coûte que décrit Farid Yaker?

Christian Brodhag – Il est urgent de créer unedynamique de diffusion, d’amplification etd’accélération des expériences et des idées lesplus probantes. C’est une démarche ouverte etapprenante pour laquelle le processus d’appro-priation change les valeurs et les représentations.En fait, le plus important est de changer lesreprésentations du monde et des raretés réelles,le sens qu’il faut donner au mot progrès. Ceséchanges doivent privilégier le niveau régional,entre des acteurs placés dans des situationscomparables.

Il faut passer à une prise de conscience active, quidéclenche une action aussi bien chez les déci-deurs politiques que chez les citoyens. Celaconcerne les informations mais aussi l’action.Tousles processus concrets, par exemple le tri desdéchets, ont une double vocation, celle de valo-riser la matière et celle d’engager une activitéconcrète qui facilite cette prise de conscienceactive.

Enfin, les pouvoirs publics locaux, nationaux etinternationaux sont aussi des acteurs écono-miques à la fois comme gestionnaires directs deservices publics, ou indirects en élaborant lescahiers des charges lorsqu’ils les ont délégués, etcomme consommateurs avec les marchés publics.Ce volet économique peut être un moteur depratiques et d’achats écoresponsables. Les pou-voirs publics doivent mettre en accord leur direet leur faire, et ne pas se limiter à dire le droit.

Farid Yaker – Loin de diminuer les inégalitéssociales entre le Nord et le Sud et à l’intérieurdes pays tendent également à s’accroître. Face àces défis, la voie de la conscientisation active mesemble insuffisante pour inverser les tendancesen cours. Des moyens sont à dégager et desmesures sont à prendre très rapidement pouraccroître et amplifier les mécanismes de solidaritéet de lutte contre les inégalités internes et Nord-Sud. Des dispositions fiscales et réglementairessont à prendre pour réduire nos empreintes

Les enjeux de production et de consommation durables.Perspectives politiques

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écologiques et mettre les différents acteurs (qu’ilne suffit pas d’identifier) face à leurs respon-sabilités.Parallèlement,une réflexion de fond doitnous aider à faire émerger de nouveaux modesde vie, de partage et d’utilisation des ressources,plus respectueux de l’environnement et garantsde la cohésion sociale. Il est plus que jamaisurgent de remettre en cause nos modèles pro-ductivistes mesurés par l’indicateur roi de la crois-sance économique pour mettre au cœur de nospréoccupations le bien-être des populations et lerespect de nos équilibres naturels.

Abdeslam Dahman Saïdi – Dans un contextede mondialisation, les conditions critiques pou-vant garantir un début de changement ne peuventêtre que globales et supranationales.Globales, carl’action doit être à la fois politique, économiqueet éducative. Ces actions internes doivent néces-sairement s’accompagner d’unarsenal légal international régu-lant les rapports entre pays etposant un cadre supranationalsans lequel les actions natio-nales,même globalisées, restentinefficaces.La proposition d’uneprise de conscience active, qui dé-clenche une action aussi bien chezles décideurs politiques que chez lescitoyens a montré ses limites pra-tiques,notamment dans l’affaireFrancorchamps quand, en janvier 2003, le partiVert belge vote le «non» à l’exception à la loiinterdisant la publicité du tabac proposée pourmaintenir le Grand Prix de Formule 1 deFrancorchamps. Cinq mois plus tard, Ecolo estpassé d’un score électoral de 20% réalisé en 1999à moins de 6%,ce qui a sonné la fin de sa partici-pation au Gouvernement.La suppression de cettecourse et donc d’une activité économique fonda-mentale pour une région vulnérable est l’expres-sion directe d’un lobbying international qui a euà court terme le dernier mot. Le courage d’unetelle décision sera probablement payant à longterme et c’est bien l’absence d’accords interna-tionaux relatifs à un sujet de santé publique dontl’urgence de règlement est admise par tous qui aréduit ses effets à très court terme.

Monique Barbut – Parmi les conditions criti-ques de réussite de la transformation de nos

modes de consommation et de production, c’est-à-dire des fondements de notre société, l’enjeuest bien celui de la volonté politique, sociétale etindividuelle de traduire cette prise de consciencedans la réalité par des initiatives concrètes.

Le rôle des gouvernements et des États est abso-lument crucial à cet égard, dans la mesure où illeur revient de mettre en place les dispositifslégislatifs et réglementaires indispensables à touteévolution d’ampleur.Certains pays se sont enga-gés dans des initiatives et des adaptations de leurlégislation, notamment dans le domaine du recy-clage et des déchets, et j’espère que ce mouve-ment va s’amplifier.

La deuxième condition critique réside pour moidans la modification et l’adaptation des outilséconomiques afin qu’ils puissent promouvoir ledécouplage et provoquer les changements néces-

saires, en particulier les dispo-sitifs de taxation, afin qu’ilsévoluent vers un système quiprenne en compte la durabilitéet le mode de production. Ledécalage entre le prix et le coûtd’un produit et son impactenvironnemental est en effetconsidérable. L’incitation éco-nomique à de bonnes pratiquesou la taxation de pratiques deproduction, de distribution de

produits dont la fabrication, la diffusion, leconditionnement sont effectués au mépris d’unprocessus respectueux de l’environnement cons-tituerait un pas décisif vers la modification de nosmodes de consommation et de production. Ils’agit-là pour notre système législatif et écono-mique de prendre en compte l’évolution desproblématiques de nos sociétés et de se moder-niser afin d’internaliser les priorités d’aujourd’huiet les besoins de demain.

Bien sûr, je suis convaincue que le travail dusecteur privé, des initiatives volontaires et despartenariats est indispensable, mais j’ai mis enavant ces deux priorités qui sont principalementliées à l’action des gouvernements, car, sans desdispositifs législatifs et économiques adaptés, cesinitiatives et les concepts promus par certains nepourront pas atteindre une masse critique et avoir

Le développement durable est,

bien évidemment, l’affaire de

tous, pouvoirs publics, secteur

privé, citoyens, ONG, répondant

parfaitement à l’esprit de

la responsabilité commune

et partagée mais différenciée.

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un impact suffisant sur le fonctionnement de nossociétés et sur la qualité de notre environnement.

Il n’est pas question pour moi pour autant dedédouaner les autres acteurs de leurs responsa-bilités. Le développement durable est, bien évi-demment, l’affaire de tous, pouvoirs publics,secteur privé, citoyens, ONG, répondant parfai-tement à l’esprit de la responsabilité commune etpartagée mais différenciée.Ainsi, les deux pro-chaines Commissions du développement durableen 2006 et 2007 dont l’un des thèmes est lethème du développement industriel devront êtrel’occasion de faire un premier bilan des actionsdes entreprises par rapport aux engagements prisà Johannesbourg. La préparation de rapportssectoriels que nous avons enga-gés avec les différents secteursindustriels doit permettre d’ycontribuer.

Claude Fussler – ChristianBrodhag, vous êtes l’un de ceux quia inlassablement œuvré pour uneassimilation et appropriation par laculture francophone du débat large-ment anglo-saxon de sustainabledevelopment. L’espace francophonepeut-il être la source de solutionsspécifiques? Et que recommandez-vous à ses décideurs?

Christian Brodhag – Lemérite de la proposition des experts franco-phones, c’est de ne pas faire reposer la solutionsur une hypothétique percée technologique.Méfions-nous du syndrome du père Noël: atten-dons le 25 décembre et le père Noël pourvoira ànos désirs. Même si les enfants n’y croient plusréellement, ils se plaisent à faire semblant d’ignorerque les parents achètent les cadeaux.Nos sociétésse comportent comme des enfants et se plaisent àpenser que la science et la technologie appor-teront demain des cadeaux surprises et que,donc,il n’y a pas d’efforts à faire aujourd’hui.Beaucoupde solutions sont aujourd’hui sur l’étagère. Il s’agitde techniques mais aussi de pratiques, d’outilséconomiques, de management, de systèmes d’in-formation… Il faut les évaluer et les diffuser, etcela en langue française. Un système commeMédiaterre pourrait contribuer à la diffusion desbonnes pratiques.

Une seconde recommandation est de mobiliser lacomposante culturelle de la consommation1.C’est à la communauté francophone de portercette question culturelle, comme elle l’a fait àJohannesburg. Cette approche culturelle de laconsommation peut emprunter de multiplesvoies : développer des circuits courts, des modesde développement endogènes valorisant la diver-sité culturelle et biologique, diffuser la notion deterroir et des appellations d’origines, et changerle rôle de signal social des consommations osten-tatoires les moins durables vers des consomma-tions en accord avec la nature et la quantité desressources locales. Faut-il vraiment encourager laculture du riz au Sénégal pour répondre à une

demande qui s’est construitesur des produits d’importation?Ou ne faut-il pas retrouver laconsommation de céréales tra-ditionnelles plus adaptées auxconditions climatiques localesque le riz ? Une productioninadaptée aux conditions lo-cales mobilise de façon induedes ressources et de la main-d’œuvre.

Une dernière recommandationqui est en cours de mise enplace. Les pays francophonesdoivent participer activementaux négociations internatio-nales qui établissent le cadre

d’une mondialisation maîtrisée à la fois dans lesenceintes politiques multilatérales et dans lechamp des normes comme celui de la négo-ciation de l’ISO 26000 sur la responsabilitésociétale.

Farid Yaker – La Francophonie, qui est traverséepar la fracture Nord-Sud, peut être un lieu oùs’élaborent et se mettent en œuvre des solutionslocales et globales. La Francophonie, à côtéd’autres acteurs tels que l’Union européenne,peut aider à constituer cette masse critique et àinverser le rapport de force qui permettra detransformer les engagements souvent pieux des

Les enjeux de production et de consommation durables.Perspectives politiques

La Francophonie peut constituer

un réel tremplin pour

la promotion de la consommation

et de la production durables, pour

la constitution de partenariats

Nord-Sud et Sud-Sud, dont

on sait qu’ils sont essentiels

pour la promotion

du développement durable

et le transfert de connaissances,

de technologies et la formation.

1. « Consommation durable et valeurs culturelles », parChristian BRODHAG, Liaison Énergie-Francophonie,numéro 68, Culture et développement durable, p. 65-71, http://www.iepf.org/docs/lef/LEF68.pdf

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22 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

Conférences et des négociations internationales(non contraignants contrairement à l’OMC) envoies réelles de progrès.

Monique Barbut – La première de deuxrecommandations que je souhaiterais faire auxdécideurs francophones est la suivante : si vousn’êtes pas encore impliqués dans le processus deMarrakech, faites-le. La phase de consultation etd’identification des priorités est achevée. Laréunion du Costa Rica, en octobre 2005, a misl’accent sur la nécessité de travailler concrètementdans des secteurs d’activités précis. Le change-ment de modes de consommation et de produc-tion requiert des efforts dans de multiples secteursd’activités. Pour pouvoir progresser et atteindredes résultats et susciter des dynamiques, le travaildoit être partagé et concentré par secteur d’acti-vités.Ainsi, des pays ont décidé de se mobilisersur des thèmes, en créant des groupes de travailavec d’autres gouvernements, dont l’objectif estde mettre en œuvre des projets concrets. À cetégard, des groupes ont été créés dans les do-maines suivants : modes de vie durable, produitsdurables, achats écoresponsables, et coopérationpour l’Afrique.En perspective figurent égalementles thèmes suivants : villes durables, gestion desdéchets, énergie. Libre à chaque pays de créer ungroupe sur un thème différent ou de joindre lesgroupes animés par d’autres gouvernements. En2007, à la réunion Marrakech + 4 qui se tiendraen Suède, un premier bilan sera fait des actionsmenées dans les différents secteurs d’activités.

Ma deuxième recommandation est plus concrète,elle peut être mise en œuvre dès demain à tousles niveaux, si la volonté est présente: il s’agit desachats écoresponsables. Nombre d’études etexpériences ont montré que les achats écores-ponsables peuvent être le moteur d’écoinno-vations et de progrès sociaux notables dans tousles pays du monde. Ils permettent de contribuerà la réalisation d’objectifs environnementaux,sociaux et économiques, en particulier en dyna-misant les opportunités économiques qui sontoffertes aux entreprises locales.

À l’instar de Christian Brodhag et de Farid Yaker,je suis profondément convaincue que la Franco-phonie peut constituer un réel tremplin pour lapromotion de la consommation et de la produc-tion durables, pour la constitution de partenariats

Nord-Sud et Sud-Sud, dont on sait qu’ils sontessentiels pour la promotion du développementdurable et le transfert de connaissances, de tech-nologies et la formation.Passerelle entre des paysaux développements divers,mais unis par un lienculturel, elle peut être une plateforme d’échanged’expériences et de recherches conjointes desolutions adéquates à un problème commun,mais aussi une plateforme de débats par exemplesur les réformes à entreprendre, les projetscommuns, les innovations à promouvoir ouencore sur les modes d’incitation financière à laproduction durable.

Abdeslam Dahman Saïdi – Comme mes col-lègues,Monique Barbut, Farid Yaker et ChristianBrodhag, je crois que la mobilisation autour de lacomposante culturelle de la consommation quisied le mieux à la vocation et aux choix de lafrancophonie finira par payer à long terme. Cetatout culturel de la francophonie doit être valorisépour une meilleure connaissance des milieuxendogènes et pour accentuer la circulation del’information,des expériences du Nord et du Sudet donner plus de visibilité aux solutions qui sontsur l’étagère en un support linguistique que nouspartageons tous.Par la voie culturelle les change-ments sont lents mais profonds.

Une seconde recommandation consiste à renfor-cer davantage la participation des pays franco-phones aux négociations internationales où seprofile le cadre de la mondialisation qui peutautant catalyser qu’inhiber l’efficacité des poli-tiques et des actions nationales. Cette participa-tion active doit se prolonger, à l’échelle nationaleet régionale, par une mise en œuvre effective desdécisions et processus issus de ces négociationsinternationales. La francophonie peut sérieuse-ment aider d’abord à la mise en cohérences deces politiques nationales et régionales et donner,par la suite, plus de visibilité aux expériencesréussies.

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24 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

Guido SONNEMANN Daniel NORMANDIN

Sophie LAVALLÉE est professeureen droit de l’environnement à laFaculté de Droit de l’UniversitéLaval, à Sainte-Foy (Québec),Canada, et membre du CentreInteruniversitaire de Référence surl’Analyse, l’Interprétation et laGestion du cycle de vie (CIRAIG).Daniel NORMANDIN est responsa-ble du partenariat, du financementet des communications au CIRAIG,à Montréal (Québec), Canada.Guido SONNEMANN est agent deprogramme, Branche de Produc-tion et Consommation, Division deTechnologie, Industrie et Écono-mie, Programme des Nations Uniespour l’Environnement (PNUE), Paris.

LL’’aannaallyyssee dduu ccyyccllee ddee vviiee ddeess pprroodduuiittsseett sseerrvviicceess :: uunn oouuttiill dd’’aaiiddee àà llaa ddéécciissiioonnppoouurr lleess ddéécciiddeeuurrss ppuubblliiccss eett pprriivvééss eenn mmaattiièèrree ddee ddéévveellooppppeemmeenntt dduurraabbllee

@[email protected]

La pensée cycle de vie se définit comme étant une philosophie deproduction et de consommation qui vise la prise en compte detoutes les relations (environnementales, économiques et sociales)propres à un produit ou à un service, depuis l’extraction dematières premières jusqu’à l’élimination finale, afin d’en réduirel’impact négatif sur l’environnement et la société. L’analyse ducycle de vie ou bilan écologique est une méthode scientifiqued’évaluation des impacts sur l’environnement et sur les ressourcesnaturelles d’un produit, d’un service ou d’une activité. Cette mé-thode et ses applications sont décrites dans les lignes suivantes.

Ces trois dernières décennies, gouvernements, consommateurs, industrieset autres acteurs ont développé et expérimenté plusieurs stratégies etinitiatives visant à réduire la pollution, parmi lesquelles se trouvent

notamment les systèmes de traitement d’eaux usées et des émissions gazeuses,les sites d’enfouissement confinés, les systèmes de gestion environnementale, lescampagnes de sensibilisation du public, etc.Depuis quelques années, de nouveauxoutils et approches ont vu le jour.Ces derniers visent à agir désormais non plusseulement de façon curative, comme c’était souvent le cas par le passé, maiségalement de façon préventive.

Le développement durable impose une nouvelle philosophie de production etde consommation. Poursuivant cet objectif, le Sommet mondial pour ledéveloppement durable (WSSD), tenu sous les auspices de l’ONU àJohannesburg en août 2003, a proposé l’adoption d’un plan de travail sur dixans visant à changer les modèles de consommation et de production nondurables [1]. Parmi les moyens proposés se trouve la prise d’actions en amontplutôt qu’en aval des problèmes environnementaux, en stimulant une économiebasée sur une nouvelle philosophie: la «pensée cycle de vie».

La «pensée cycle de vie»

La pensée cycle de vie se définit comme étant une philosophie de productionet de consommation qui vise la prise en compte de toutes les relations (envi-ronnementales, économiques et sociales) propres à un produit ou à un service,depuis l’extraction de matières premières jusqu’à l’élimination finale, afin d’en

Sophie LAVALLÉE

[1]. Ce n’est pas un appel de note mais un renvoi bibliographique.

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25Modes de production et de consommation durables

L’analyse du cycle de vie des produits et services : un outil d’aide à la décisionpour les décideurs publics et privés en matière de développement durable

réduire l’impact négatif sur l’environnement et lasociété.Cette philosophie s’appuie sur un «coffreà outils» appelé «gestion du cycle de vie» (GCV),lequel contient des outils dont, entre autres,«l’analyse du cycle de vie» (ACV) des produits etservices, appliquée à l’éco-labelling et à l’éco-design.Dans le cadre du présent document, nousnous attarderons principalement à l’ACV.

L’analyse du cycle de vie

L’analyse du cycle de vie ou bilan écologique estune méthode d’évaluation des impacts sur l’envi-ronnement et sur les ressources naturelles d’unproduit, d’un service ou d’une activité, de l’ex-traction des ressources naturelles jusqu’à l’éli-mination des déchets, dont le produit en fin devie. Également appelée «écobilan», cette analyseest un bilan détaillé et quantitatif des entrées etdes sorties mesurées aux frontières d’un systèmepréalablement défini [2]. En termes simples, ils’agit de dresser un bilan des matières et del’énergie utilisées durant tout le cycle de vie d’unproduit ou d’un service et de faire de même ence qui concerne les impacts.L’ACV est avant toutun outil d’aide à la décision.

Les différentes étapes qui sont prises en comptedans une ACV sont les suivantes :

– Extraction des matières premières ;

– Production ou fabrication;

– Emballage, distribution;

– Consommation, usage;

– Élimination ou recyclage;

La figure 1 résume le concept.

Les quatre phases d’une ACV

Régie par les normes de la série ISO 14040 [3],l’ACV est une approche rigoureuse qui com-porte quatre phases distinctes, soit : la définitiondes objectifs et du champ de l’étude, l’analyse del’inventaire, l’évaluation des impacts et la phased’interprétation.

La première phase, soit la définition des objectifset du champ de l’étude, a pour but de déterminerles objectifs de l’étude et de circonscrire les limitesdu champ d’étude, que l’on appellera ici « sys-tème». Un point important de cette phaseconsistera à définir «l’unité fonctionnelle» à la basede l’étude. Cette unité permet de comparerdifférents produits rendant un service similaire.Elle est définie avec précision à partir de l’objectifde l’étude,de son utilisation et de l’usage des pro-duits. Elle permet de prendre en compte à la foisune unité de produit et une unité de fonction.Unexemple d’unité fonctionnelle pourrait être « laconsommation de café de 1000 personnes durantun mois». En somme, cette première étape doitrépondre, entre autres, aux questions suivantes :

Figure 1 – Schéma conceptuel du cycle de vie d’un produit

et générationd’impactsenvironnementaux(globaux,régionaux etlocaux)

Or, à chaqueétape, il y aconsommationd’énergie et ressources nonrenouvelables

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À quoi servira l’ACV? À une comparaison deproduits? À améliorer un produit, un service ouun procédé existant ? À mettre en place unepolitique publique? Qui utilisera les résultats del’étude?

La deuxième étape, l’analyse de l’inventaire,consiste à quantifier tous les flux entrants etsortants du système à étudier, à l’aide de bases dedonnées très détaillées.Ces bases de données sontissues de sources privées, gouvernementales etuniversitaires. Certaines de ces bases sont dispo-nibles à même les logiciels commerciaux d’analysedu cycle de vie, dont les plus utilisés sont: GaBi(PE Europe GMBH,Allemagne); SimaPro (PRéConsultants, Pays-Bas) ; TEAM (Éco-Balance,France-USA); Umberto (ifu,Allemagne); KCL-ECO (KCL, Finlande).

Cette deuxième phase de l’ACV permet, entreautres, de répondre aux questions suivantes :Quelle quantité d’énergie est requise pour pro-duire, distribuer et disposer du produit? Quellessubstances sont consommées durant les étapes dela vie du produit ? Quels sont les co-produits,déchets et polluants émis dans l’environnement(eau, air et sol) ? La figure 2 schématise cettedeuxième étape.

La troisième étape consiste à évaluer les impactsdes différents flux de matières et d’énergie esti-més à la phase précédente. Il s’agit d’effectuer uneanalyse qualitative et quantitative de ces impacts.Selon la norme ISO 14042 [3], dix catégoriesd’impacts sont généralement considérées dansune ACV, soit :

– Le réchauffement de la planète (GWP) ;

– La destruction de l’ozone stratosphérique(ODP) ;

– La formation d’agent photo-oxydant (smog)(POCP) ;

– L’acidification (AP) ;

– L’eutrophisation (EP) ;

– L’impact écotoxicologique;

– L’impact toxicologique chez les humains ;

– L’utilisation des ressources abiotiques ;

– L’utilisation des ressources biotiques ;

– L’utilisation des terres.

Pour procéder à l’évaluation de ces impacts, diffé-rentes méthodes peuvent être mises à profit, tellesque IMPACT 2002+ [4] pour le contexte euro-péen ou alors TRACI [5] ou LUCAS [6], pourla prise en contexte géographique et environne-mentale des États-Unis et du Canada respecti-vement.Ces méthodes permettent de déterminerquelles sont les étapes et composantes du cycle devie d’un produit ou d’un service qui génèrent leplus d’impacts et qui requièrent le plus d’énergieet de ressources.Les résultats de cette analyse sontgénéralement présentés sous forme graphique, cequi permet de repérer rapidement les étapes ducycle de vie qui posent un problème et de con-centrer les efforts d’amélioration sur ces étapes.

Une évaluation par pondération de ces différentescatégories d’impacts est également possible etpermet d’en arriver à un indicateur général.Cecirequiert la mise à contribution de méthodes

Figure 2 – Inventaire du cycle de vie d’un produit

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27Modes de production et de consommation durables

L’analyse du cycle de vie des produits et services : un outil d’aide à la décisionpour les décideurs publics et privés en matière de développement durable

dédiées à cet effet, telles que Eco-indicator 99 [7]ou EDIP 2003 [8].

La quatrième et dernière étape de l’ACV estl’interprétation des données recueillies lors destrois étapes précédentes. En plus d’évaluer laqualité des résultats, cette étape (ISO-140433)permet l’analyse des possibilités en termes deréduction des impacts environnementaux etd’accroissement du rendement économique d’unproduit ou d’un service par une utilisation plusefficiente de l’énergie et une réduction ou unesubstitution de matières premières et secondaires.Ainsi, cette phase permet, entre autres, de répon-dre aux questions suivantes : Est-ce que la quan-tité de polluants émise dans l’environnementpeut être réduite ? Est-ce que le produit peut êtreréutilisé, recyclé ou transformé ? Est-ce quel’énergie peut être récupérée ? Est-ce que leproduit peut être fabriqué à partir de matièrespremières et secondaires moins polluantes?

Beaucoup d’entreprises considèrent l’ACV commeune façon de générer des occasions d’affaires.Ainsi, en réduisant la consommation d’énergie etde matières premières dans la fabrication d’unbien ou l’exécution d’un service, il est possibled’en réduire le coût de revient et de dégager unemarge de profits plus importante. De façonincidente, cette réduction d’énergie et de matièrespremières entraîne une réduction des impactslocaux et globaux. En somme, tout le monde ytrouve son compte, y compris l’environnement.

Applications actuelles de l’ACVdans les secteurs privé et public

Il est difficile d’effectuer un recensement completde toutes les industries ayant utilisé ou utilisantl’ACV.Une analyse de son application démontretoutefois qu’il est important d’avoir l’expertisedans l’entreprise [9]. Chose certaine, la grandeentreprise est largement en avance sur les petiteset moyennes entreprises sur ce plan, puisque laréalisation d’ACV détaillées coûte cher, nécessiteune expertise de pointe et des outils adaptés quifont souvent défaut à la PME. Cependant, la«démocratisation» rapide des outils et le dévelop-pement intensif de banques de données pourplusieurs secteurs industriels tendent à renverserla vapeur. Une étude relativement récente [10] apermis de déterminer qu’au moins 22 pays à

travers le monde ont un programme de recher-che sur les ACV. Les pays qui sont les plus actifsà cet égard sont les Pays-Bas, les pays scandinaves,l’Allemagne et le Japon.

Afin de favoriser la promotion de la pensée cyclede vie dans les pays en développement et les paysdéveloppés ainsi qu’une utilisation universelle del’ACV incluant les petites et moyennes entre-prises, le Programme des Nations Unies pourl’Environnement (PNUE), conjointement avecla Society for Environmental Toxicology and Chemistry(SETAC), a lancé l’Initiative sur le Cycle de Vie(Life Cycle Initiative) à Prague, en avril 2002.Cetteinitiative internationale, qui regroupe des gouver-nements, des entreprises, des ONG et des univer-sités des quatre coins de la planète, entendstimuler le développement et l’utilisation d’outilsACV par les entreprises et les gouvernementsainsi que l’identification des meilleures pratiqueset la propagation de l’information relative à lagestion du cycle de vie [11].

L’ACV peut servir d’assise à l’activité législativeet réglementaire des pouvoirs publics en matièrede protection environnementale, en mettant à leurdisposition des données sur les impacts réels desactivités et des produits d’une entreprise.Elle peutainsi permettre d’élaborer des normes législativeset réglementaires sur le fondement de donnéesplus holistiques que celles sur lesquelles les auto-rités publiques se fondent à l’heure actuelle12,13.

Correspondant à la vision holistique des pro-blèmes environnementaux et des correctifs quenécessite la mise en œuvre des principes du déve-loppement durable, l’ACV ouvre une nouvelleperspective pour les pouvoirs publics qui dis-posent maintenant d’un nouvel outil pour mesu-rer l’impact de leurs programmes, législations etréglementations et pour les modifier, le caséchéant, en vue d’optimiser le gain global pourl’environnement.

Conclusion

L’analyse du cycle de vie a pour objet, grâce à unematrice d’évaluation, d’analyser l’impact d’unproduit ou d’un service sur l’environnement àtous les stades de son cycle de vie. Devant l’ur-gence de changer les modes de production et deconsommation actuels pour des modes qui

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s’inscrivent dans une logique de développementdurable, l’ACV est un outil incontournable. Latendance qui s’est dessinée sur le plan interna-tional en faveur de l’utilisation de cet outil sembles’intensifier ces dernières années, notammentdepuis la création, en 2002, de l’Initiative sur leCycle de vie par ses deux partenaires fondateurs,le Programme des Nations Unies pour l’Environ-nement et la SETAC, de même que par la nor-malisation récente, en 1997, de l’approche ACVpar l’Organisation internationale de normalisation(ISO).

Une utilisation accrue de l’ACV,notamment parles PME et les pays en développement, doit tou-tefois impérativement passer par une démocra-tisation de l’ACV. Ceci implique le transfert deconnaissances, le développement et la validationd’approches simplifiées, et la mise en place debanques de données d’inventaire accessibles tou-chant l’ensemble des secteurs industriels, ce quiviendrait diminuer significativement les coûtsassociés à l’ACV.

Ce texte a permis d’illustrer brièvement en quoiles incidences de l’ACV peuvent être impor-tantes, tant pour l’amélioration continue de laperformance des produits fournis par l’industrieque pour la création de futures politiques pu-bliques et l’évaluation de celles qui existent àl’heure actuelle. Ceci ne peut être réalisé que sil’État conserve un rôle de premier plan commeagent de régulation en améliorant, s’il le faut, laqualité des textes adoptés et s’il investit les effortsindispensables à la collecte et à la diffusion desdonnées sur l’ACV pour l’implantation dudéveloppement durable.

Bibliographie

[1] UNEP,WSSD, Plan of Implementation, uneditedadvance copy, Johannesburg, 2002.

[2] L. GRISEL, L’Analyse du Cycle de Vie d’un Produitou d’un Service – Applications et Mise en Pratique,AFNOR, Saint-Denis-La Pleine, 2004.

[3] ISO 14040 (1997), Management environnemental.Analyse du cycle de vie – Principes et cadre, Orga-nisation internationale de standardisation ; ISO14041 (1998),Management environnemental.Analysedu cycle de vie – Définition de l’objectif et du champd’étude et analyse de l’inventaire,Organisation inter-nationale de standardisation; ISO 14042 (2000),

Management environnemental.Analyse du cycle de vie– Évaluation de l’impact du cycle de vie,Organisationinternationale de standardisation ; ISO 14043(2000),Management environnemental.Analyse du cyclede vie – Interprétation du cycle de vie, Organisationinternationale de standardisation.

[4] O. JOLLIET, M. MARGNI, R. CHARLES,S. HUMBERT, J. PAYET, G. REBITZER,R. ROSENBAUM, «Impact 2002+:A New LifeCycle Impact Assessment Methodology », Int JLCA 8(6) 2003, p. 324-330.

[5] J. BARE, G. NORRIS, D. PENNINGTON etT. MCKONE,«TRACI,The Tool for the Reduc-tion and Assessment of Chemical and Other Envi-ronmental Impact», J. Ind. Ecology, 6 (3-4), 2003,p. 49-78.

[6] L. TOFFOLETTO, C. BULLE, J. GODIN, C.REID et L. DESCHENES, «Development ofSite-Specific Characterisation Factors for Canada»,Int. J. LCA (soumis).

[7] M. GOEDKOOP, R. SPRIENSMA, The Eco-indicator 99, A Damage Method for Life Cycle ImpactAssessment,methodology report,Amersfoort,PRéConsultants, 2001, p. 132.

[8] M. HAUSCHILD, J. POTTING, Spatial Differen-tiation in Life Cycle Impact Assessment – The EDIP2003 Methodology, guidelines from the DanishEnvironmental Protection Agency, report Tech-nical University of Denmark, 2003, 146 p.

[9] P. FRANKL, F. RUBRIK, Life Cycle Assessment inIndustry and Business – Adoption patterns,Applicationsand Implications, Springer Verlag, Berlin, 1999.

[10] CIRAIG, Analyse environnementale du cycle de viedes produits, procédés et services: validation des processusexistants et implantation en industries, rapport d’étapeprésenté au Fonds d’action québécois pour ledéveloppement durable, 2003.

[11] UNEP-SETAC, Life Cycle Initiative, pour plusd’information, on peut consulter le lien suivant :http://www.uneptie.org/pc/sustain/lca/lcini.htm.

[12] M.A. CURRAN, «Life-Cycle Based Govern-ment Policies :A Survey», Int. J. LCA 2 (1) 1997,p. 39-43.

[13] EUROPEAN ENVIRONMENT AGENCY,Life Cycle Assessment,A guide to approaches, expe-riences and information sources, Environmental IssuesSeries, no 6, Copenhague, 1998.

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29Modes de production et de consommation durables

Daniel FROELICH a obtenu saformation d’ingénieur en phy-sique des matériaux de l’INSAde Lyon en 1981 puis son doc-torat dans le domaine de lacombustion en 1985. Après uneexpérience d’une année en tantqu’ingénieur de recherche dansle domaine de la combustionau MIT (États-Unis), il intègreRenault où il occupera les postesde Directeur Technique de l’Éco-conception et du recyclage de1990 à 1996, puis de Respon-sable de la Modélisation de laQualité de l’Air urbaine de 1996à 1998. En 1998, il devient Pro-fesseur à l’École Nationale Supé-rieure des Arts et Métiers deChambéry, en France, où iloccupe actuellement la fonctionde responsable de la rechercheet de la plateforme techno-logique dans les domaines del’éco-conception et du recyclagedes produits.

Face à un contexte mondial où l’on perçoit les limites desressources naturelles et du milieu naturel à se régénérer – alorsque le développement industriel n’est qu’émergent pour denombreux continents et qu’une large fraction de la populationmondiale vit encore en dessous du seuil de pauvreté –, il devienturgent de remettre à plat nos modes de consommation etnotamment leurs impacts sur le milieu naturel.

Si on ne peut rejeter en bloc le bien-être apporté par nos modes deconsommation, il devient néanmoins nécessaire d’adopter une attitudeconsciente et active vis-à-vis de l’environnement et du développement

durable. C’est sur ce point que l’éco-conception ou conception environne-mentale sur le cycle de vie des produits et procédés trouve son terraind’application.

Définition de l’éco-conception

L’éco-conception peut être considérée comme une démarche globale de l’entre-prise jusqu’au client final pour réduire au maximum les impacts sur l’environ-nement des produits tout en préservant les fonctionnalités et services que nousoffrent ces produits et afin de les offrir à un public de plus en plus vaste.

Elle se traduit en général par une démarche de type managériale :

– Une démarche stratégique qui consiste à fixer les grandes orientations del’entreprise en matière d’environnement produit puis à mettre en place ladynamique pour les différents acteurs, notamment pour les concepteurs ;

– Une démarche d’ingénierie innovante pour réduire l’impact environne-mental dès la conception du produit tout en garantissant au moins un mêmeniveau de performance, de qualité et de coût ;

– Une démarche commerciale permettant de rendre accessibles les fonction-nalités des produits et services à un plus grand nombre de consommateurstout en limitant les impacts environnementaux;

– Une démarche de communication interne et externe.

DDéémmaarrcchheess dd’’ééccoo--ccoonncceeppttiioonn eenn vvuuee ddee llaa rréédduuccttiioonn ddeess iimmppaaccttsseennvviirroonnnneemmeennttaauuxx ddeess pprroodduuiittss

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Daniel FROELICH

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30 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

Les démarches d’ingénieried’éco-conception

La démarche d’éco-conception peut s’effectuerde deux façons :

– dans le sens d’une rupture technologique oucommerciale ;

– dans le sens d’un progrès continu.

La rupture technologique ou commerciale

L’idée sous-jacente à cette rupture est de pro-poser la même fonctionnalité ou le même servicerendu par le produit en changeant totalement leconcept technologique ou commercial.

Rupture technologique

Objectif:Offrir la même fonctionnalité du produit,maisavec une technologie nettement différente.

En général, elle est basée sur un ou plusieurscritères environnementaux issus de l’Analyse duCycle de vie du produit.Voici quelques exemples:

La lampe à décharge à basse consommation

– Le résultat de l’ACV montre que 90 % del’impact environnemental d’une lampe à fila-ment provient de la consommation d’énergie.

– L’affichage des consommations est obligatoire(label Énergie)

• Rupture technologique pour réduire la con-sommation d’un facteur 3 à 5 d’une lampefournissant le même éclairage.

Étape une de l’éco-conception:une démarche stratégiquepréalable

Lorsque l’entreprise cherche à définir sa politiqueenvironnementale «produit», elle croise en généralles aspects suivants :

– Les impacts environnementaux globaux deson produit, en général déterminés à partird’une analyse de cycle de vie.L’éclairage portesur les points forts / faibles de son produit /procédé dans l’absolu et par rapport à ceux dela concurrence;

– Les enjeux réglementaires actuels et à venir ;

– Les risques environnementaux ou sanitairesévitables par une démarche proactive;

– Les exigences des clients sur la qualité envi-ronnementale réelle ou perçue (l’enjeu dumarché);

– La sensibilité «citoyenne» du personnel et sondegré de mobilisation pour innover dans cesens ;

– Le potentiel d’amélioration du produit enfonction des marges de manœuvres : jalon-nement des investissements, coûts ou gains deproductivité associés, voies d’améliorationexistantes, savoir-faire…

De cette démarche émergeront les grandesorientations de l’entreprise et la dynamique pourles différents acteurs de l’entreprise, dont lesconcepteurs.

On remarque que la dynamique créée pourl’environnement dépasse souvent les objectifsenvironnementaux fixés par l’entreprise.Le carac-tère transversal de cette problématique et la moti-vation souvent constatée à son égard font qu’unecommunication s’établit entre les différents acteursde l’entreprise qui en «profitent» pour régler uncertain nombre de dysfonctionnements ou pourdévelopper de meilleurs compromis.

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31Modes de production et de consommation durables

Démarches d’éco-conception en vue de la réduction des impactsenvironnementaux des produits

La radio nomade sans pile (Philips)

– Le résultat de l’ACV montre un impactimportant des piles.

– Risque de pollution des sols, d’intégration demétaux lourds dans la chaîne alimentaire.

Source : http://www.ihrt.tuwien.ac.at/sat/base/Ecolife/ECOIndex.html

• Rupture en remplaçant les piles par unedynamo actionnée manuellement.

Source : http://www.ihrt.tuwien.ac.at/sat/base/Ecolife/ECOIndex.html

Planche de bord de Modus (Renault)

– Enjeu environnemental de substitution pro-gressive des matières vierges ;

– Pièce intégrant 45% de matière recyclée;

• Développement de méthodes de conceptionpour les matériaux recyclés.

Source: Renault.

Rupture de concept commercial

Transformation d’une activité de vente de pro-duits en une activité de service:

Objectif : Offrir la même fonctionnalité aux usagerssans en faire des propriétaires de produits.

Photocopieur: Rank Xerox

– Service vendu: les photocopies ;

– Installation,maintenance et fin de vie assuréespar Rank Xerox;

– Maintenance assurée par l’usage de piècesd’occasion issues de la fin de vie.

– Offre la possibilité de penser différemment leproduit pour induire un impact plus faible surl’environnement : durée de vie plus impor-tante, démontabilité optimisée…

Dématérialisation du produit :

Objectif : Rendre le même service au client, mais endématérialisant le produit.

Exemples :

– Abandon de l’annuaire papier pour l’annuaireélectronique;

– Vente par correspondance.

L’éco-conception dans une démarche de progrès continu

La démarche d’ingénierie de l’éco-conceptionse situe souvent dans un processus de reconcep-tion et est généralement basée sur une démarchede progrès de type PDCA (Plan Do Check Act).

Les progrès réalisés varient généralement de 10%à 30% pour le critère choisi à chaque cycle.

Les critères environnementaux sont soit issusd’une ACV complète et donc consolidés auniveau environnement, soit issus directement dela réglementation.

Dans ce dernier cas, le progrès réalisé peut induireun transfert d’impact d’environnement.

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Les critères les plus généraux sont en général :

• La consommation énergétique induitedirectement par l’usage du produit ouindirectement par le contenu énergé-tique des matériaux.

Action: augmentation de la recyclabilité par :

– la diminution de la masse de matières enga-gées (action conjuguée à la concentration deslessives) ;

– l’utilisation de matériaux recyclés et recyclables.

Source:ADEME.

Conclusion

L’éco-conception est une approche en pleindéveloppement pour réduire les impacts environ-nementaux des produits tout en maintenant lebien-être apporté par leurs fonctionnalités.

Afin d’arriver à un optimum, cette démarchepeut conduire successivement à :

– une amélioration de l’efficacité des perfor-mances du produit pour un moindre impactsur l’environnement. Cette approche permetpar exemple de réduire de 30% à 40% lesbesoins énergétiques d’un foyer ;

– une rupture technologique pour minimiserl’impact environnemental. Dans le cas del’éclairage à basse consommation, cela a per-mis des économies d’un facteur de 3 à 5;

– l’abandon de la notion de propriété indivi-duelle pour une notion de propriété collectiveou de temps partagé d’un produit. Cetteapproche permet par exemple, dans le cas demise en commun d’équipements domestiquesdans un espace collectif ou de covoiturage, deréduire l’impact de la fabrication ou de l’usaged’un facteur de 3 à 5;

– la notion de dématérialisation du produit, quiamène des économies de matières premières.

Cette réflexion doit s’étendre rapidement àl’ensemble des secteurs impactants. La pénurieannoncée d’énergie ou de certaines matièrespremières n’est pas éloignée de la durée de viede certains produits, comme le bâtiment, lesavions et certains équipements électriques. Ilconvient donc de penser éco-conception pources produits à longue durée de vie, mais égale-ment pour ceux à courte durée de vie afin depréserver au plus vite les ressources naturelles.

32 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

– Réduction de l’impact de la consommationd’énergie indirectement en prenant desmatériaux à faible contenu énergétiquepour réaliser la même fonction.

• La substitution de substances réglemen-tées comme le plomb, le mercure, lechrome VI, le cadmium ou les retar-dateurs de flammes bromés.

L’utilisation de bois dans la construction

Charpente de bois Charpente en acier

Poids (en tonnes) 10,4 5

Contenu Énergie kWh/t 1800 13200

Total kWh 18720 73250

– Substitution progressive du plomb à chaquenouveau modèle.

Source: Nissan (substitution du plomb).• La conception en vue du recyclage

Emballage de lessives (Procter et Gamble)

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33Modes de production et de consommation durables

@[email protected]

Jean-Philippe BARDE est Docteures Sciences Économiques (Univer-sité de Paris) et Chef de la Divisiondes politiques nationales de l’envi-ronnement de la Direction del’Environnement de l’OCDE. Il a euplusieurs activités d’enseigne-ment, notamment à l’Université deParis 1, et à l’École des HautesÉtudes en Administration Publiquede Lausanne (Suisse) ; il est éga-lement chargé de cours à l’Euro-pean School of Advanced Environ-mental Studies (Université dePavie, Italie). Il a présidé le ComitéScientifique du Programme Inter-institutionnel de Recherche enÉconomie de l’Environnement duMinistère Français de l’environ-nement (1995-2000).

On peut situer la consommation durable comme des comportementsde consommation qui contribuent aux objectifs environnementaux,économiques et sociaux du développement durable, dont elleconstitue un sous-ensemble. Mais la question des instruments etpolitiques destinés à promouvoir cette «consommation durable» estancienne et lancinante. Dans le contexte d’une économie de marché,on peut d’abord s’interroger s’il est souhaitable et justifié d’infléchirles comportements des consommateurs et, si oui, dans quelle direc-tion et jusqu’où, sans introduire des distorsions économiques niempiéter sur la liberté et le libre arbitre des individus. Un certainintégrisme «politico-écologique» tend à vouloir dicter aux consom-mateurs ce qui est bon ou mauvais pour eux. L’enfer de la consom-mation durable peut être pavé de bonnes intentions.

Il existe une littérature abondante sur les instruments politiques (au sensanglo-saxon de «policy instruments») susceptibles d’influer sur les compor-tements de consommation, allant des campagnes de sensibilisation et d’infor-

mation aux réglementations contraignantes (voir l’encadré 1).Chaque approchea ses forces et ses faiblesses. Souvent, les campagnes de sensibilisation (parexemple, «Je trie mes déchets») finissent par s’éroder et des messages multipleset divers s’annulent mutuellement et saturent les «récepteurs». L’important estd’informer le consommateur par des signaux économiques et techniques, touten lui laissant le choix final : dans cette optique, le moyen le plus efficace est des’assurer que le marché délivre les signaux économiques appropriés.

En effet, les déterminants fondamentaux de la consommation incluent, notam-ment, le revenu disponible, le patrimoine (« l’effet de richesse»), l’information,les fonctions de préférence ou d’utilité. Ces déterminants sont directement ouindirectement affectés par le niveau des prix. Une structure de prix qui reflèteles contraintes et préférences environnementales (notamment qui « internaliseles coûts externes») est essentielle ; dans cette optique, deux séries de mesuressont requises: 1) supprimer les aides et subventions nuisibles à l’environnement,2) injecter des signaux de prix appropriés, au moyen d’une « fiscalité verte».

LLeess iinnssttrruummeennttss ééccoonnoommiiqquueess eett ffiissccaauuxx11

1. Les opinions exprimées dans cet article sont propres à leur auteur et ne reflètent pas nécessaire-ment les vues de l’OCDE.

Jean-Philippe BARDE

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34 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

Une urgence: supprimer les subventions nuisibles à l’environnement

Chaque année, les pays de l’OCDE accordentquelque 400 milliards USD de subventions auxdifférents secteurs économiques, qui ont beau-coup d’incidences sur l’environnement2. Cechiffre est très vraisemblablement sous-estimé, caron manque de données sur les subventions ausecteur de l’énergie et à l’industrie manufac-turière.Même si elles sont destinées à répondre àdifférentes préoccupations sociales ou écono-miques (emploi, développement régional, etc.),ces subventions faussent les prix relatifs et peuventinduire des comportements de production et deconsommation non «durables». Les subventionsà l’agriculture constituent un cas particulièrementpréoccupant : en 2004, le total du soutien àl’agriculture s’élevait à 378 milliards USD, soit1,16% du PIB des pays de l’OCDE.Sur ce total,279 milliards USD ont été destinés à soutenir laproduction (OCDE, 2005a). Ces mesures desoutien contribuent pour certaines à accroître laproduction agricole et, par conséquent, l’utilisa-tion des ressources foncières et hydriques. Lessoutiens des prix du marché, les paiements au titrede la production (par unité produite) et lessubventions aux intrants (par exemple, engrais,

pesticides, eau et énergie) causent les plus fortsdommages à l’environnement : surproductionagricole,monoculture, exploitation de terres éco-logiquement fragiles, pollution des sols et deseaux, etc. En termes de consommation, ceci setraduit, par exemple,par une forte consommationde viandes relativement peu chères dont la pro-duction est subventionnée et polluante (porc,volaille), et s’effectue parfois dans des conditionspeu éthiques (élevages en batterie).

On peut également citer le secteur de la pêche :les subventions dans les pays de l’OCDE,quoiqu’en baisse, s’élevaient encore à 5,8 mil-liards USD en 2002, soit 20% de la valeur descaptures débarquées (OCDE, 2005b). Certainesde ces subventions soutiennent la recherche-développement, la surveillance et les services degestion, et peuvent donc contribuer à une ges-tion durable des ressources halieutiques. Lesautres peuvent favoriser le développement ou lemaintien d’une surcapacité des flottilles, ainsi quela surexploitation et, à terme, l’épuisement desstocks de poissons.

Les subventions à la consommation d’eauprennent de nombreuses formes, dont les rede-vances de prélèvement qui ne couvrent pas lescoûts de fourniture, les coûts externes et lesrentes de ressources. De même pour les sub-ventions à l’eau d’irrigation et les subventions auprix de l’eau à usage domestique et industriel.Ces mesures de soutien accroissent la demanded’eau, érodent la viabilité financière du secteur

Instruments économiques: redevances sur les déchets,taxes applicables à la consommation d’énergie etd’eau, systèmes de consigne pour les bouteilles et lespiles et batteries, suppression des subventions au titrede l’eau, octroi de subventions au titre de l’énergieverte, permis négociables pour les déchets muni-cipaux, réforme fiscale verte…

Instruments réglementaires: réglementation relative àl’éco-étiquetage et aux «allégations vertes», directivesapplicables à la gestion des déchets, normes d’effi-cacité énergétique, responsabilité élargie des produc-teurs, objectifs officiels d’émissions polluantes, normesde qualité de l’eau, mesures d’interdiction frappantcertains produits…

Instruments sociaux: campagnes d’information et desensibilisation du public aux problèmes d’environne-ment (sur les déchets, l’énergie, l’eau, les transports),formation, débats publics et mécanismes de décisionparticipatifs, aide aux initiatives du secteur associatif,partenariats avec d’autres acteurs (secteur privé, ONG,etc.)…

Autres instruments: évaluation de l’état de l’environ-nement et fixation d’objectifs, élaboration d’indica-teurs de viabilité des modes de consommation,mesures incitatives favorables à l’innovation et à ladiffusion de technologies ménageant davantagel’environnement, mise en place d’infrastructures,zonage et planification de l’utilisation des sols…

Les instruments d’une politique de consommation durable

Source : OCDE, 2002.

2. Les subventions englobent un large éventail de mesuresde soutien : paiements directs, soutien des prix, prixsubventionnés des intrants, allégements fiscaux, tauxd’intérêt préférentiels, etc.

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35Modes de production et de consommation durables

Les instruments économiques et fiscaux

et accentuent les pressions exercées sur l’environ-nement par la surexploitation des ressources eneau et par la pollution et la salinisation des sols.L’eau devenant de plus en plus une ressource rare,une tarification adéquate est essentielle.Par exem-ple, l’augmentation soutenue du prix de l’eau(conformément à la directive-cadre sur l’eau dela Commission européenne) a entraîné une forteréduction de la consommation au Danemark (de196 litres par personne par jour en 1982 à 122 en2002, figure 1) et en Hongrie (de 153 à 101 litrespar personne par jour durant la décennie 1990 –Hungarian Central Statistical Office, 2001).

Les subventions à la production d’énergie dansles pays de l’OCDE sont destinées principale-ment à protéger les producteurs nationaux et àpréserver l’emploi dans certains secteurs. Onmanque de données précises, et les estimationsvarient entre 20 milliards et 82 milliards USDpar an, dont une part importante sert à soutenirla production de charbon,qui est un des combus-tibles les plus polluants.

L’industrie est également subventionnée, mêmesi les données manquent.Ces subventions peuventavoir des incidences dommageables pour l’envi-ronnement en entraînant des niveaux de produc-tion supérieurs à l’optimum social, en encoura-geant l’utilisation de certaines matières premièresou la consommation d’énergie, ou en induisantdes effets de verrouillage qui font perdurer des

technologies peu efficientes.Toutes les subven-tions industrielles ne sont cependant pas domma-geables pour l’environnement, puisque l’aide à larecherche-développement, par exemple, peutservir à soutenir la mise au point de technologies«propres».

Les transports sont également concernés. Si l’oncompare le prix payé pour l’utilisation des infra-structures de transport au coût social marginalcorrespondant à un mode de transport particu-lier, on constate une forte sous-tarification: parexemple, les tarifs payés par les voitures et lespoids lourds dans les zones urbaines sont géné-ralement beaucoup trop faibles ; dans certainesagglomérations, il faudrait une augmentation de150% de ces tarifs pour couvrir l’intégralité descoûts sociaux (CEMT, 2003).

D’une façon générale, les subventions (notam-ment agricoles) ont des conséquences néfastespour les pays en développement, qui ne peuventexporter leurs produits face à des prix subven-tionnés dans les pays développés.Ainsi, les effetspervers des productions et des consommationsnon durables ont des ramifications internationales.

Les taxes environnementales:une voie pour l’avenir

Une option politique fondamentale consiste àrestructurer en profondeur la fiscalité de façon àcorriger les distorsions fiscales nuisibles à l’envi-ronnement et à internaliser les coûts externes.Eneffet, si les prix de certains produits ne reflètentpas (ou mal) la rareté de certaines ressources(l’eau, etc.) ainsi que les dommages environne-mentaux (coûts externes), seule une action tuté-laire de l’État peut y remédier, notamment aumoyen de la fiscalité.

La première urgence consiste à corriger certaines dis-positions fiscales préjudiciables à l’environnement,comme les dispositions spéciales ou les exonéra-tions. Par exemple, cinq pays de l’OCDE seule-ment appliquent des taxes sur le charbon, etencore offrent-ils aux plus gros consommateursde charbon de multiples dégrèvements fiscaux.Le secteur des transports bénéficie également d’ungrand nombre de subventions indirectes, parexemple par le biais des très nombreuses possi-bilités d’exonération et de dégrèvement qui sont

Figure 1 – Prix et consommation d’eauau Danemark

Sources : Danish EPA 2004, citée par l’Agence européenne del’environnement (2005) : «Household Consumption and the Environment».

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l/personne/jour

Prix de l’eau

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36 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

accordées dans beaucoup de pays au titre des taxessur le diesel destiné au transport routier, à l’agri-culture et à la pêche, et par l’intermédiaire del’exemption fiscale totale du kérosène utilisé dansl’aviation commerciale. La relative sous-taxationdu diesel par rapport à l’essence a contribué àl’explosion du parc de véhicules diesels (plusbruyants et plus polluants). Dans les pays del’OCDE, la part de consommation de diesel parles transports a plus que doublé, passant de 15%en 1970 à 33% en 2002 (OCDE, 2004). La basede données commune de l’OCDE et de l’AEE(Agence Européenne de l’Environnement) dé-nombre pas moins de 1100 exemptions de diverstypes applicables aux taxes relatives à l’envi-ronnement (voir l’encadré 2).

Le deuxième aspect d’une fiscalité environne-mentale consiste à restructurer des taxes existantes,de façon à ce que les prix des produits concernésreflètent leurs impacts relatifs sur l’environne-ment. On peut ainsi envisager une refonte destaxes sur l’énergie ou l’instauration de nouvellestaxes écologiques. Par exemple, dans la plupartdes pays de l’OCDE, les taxes sur l’essence repré-sentent plus de 50% du prix à la pompe. Il existedonc une importante marge de manœuvre pourrestructurer ces taxes de façon à ce qu’elless’appliquent, entre autres, à la teneur en plomb,en soufre et en carbone, ainsi que l’ont déjà faitles pays nordiques et les Pays-Bas. Le différentiel

de taxation des carburants diesels, selon leurteneur en soufre, a entraîné la disparition rapidedu marché de ces carburants au Royaume-Uniet en Suède. Par ailleurs, la plupart des pays del’OCDE ont instauré un différentiel de taxe entrel’essence plombée et celle sans plomb; il en estrésulté une disparition de ce carburant dans laquasi-totalité de ces pays.Ces restructurations destaxes énergétiques sont un puissant levier pourune consommation durable.

On peut enfin créer de nouvelles taxes. La base dedonnées OCDE/AEE recense 350 taxes :100 taxes sur une variété de produits tels que lespesticides, les engrais, les emballages, les déchetsles piles usagées, les vaisselles jetables, les carcasseset les pneus de voitures, les équipements électro-ménagers, etc.À cela s’ajoutent quelque 250 taxesrelatives aux transports et à l’énergie.Ainsi, plusun produit est nuisible, que ce soit lors de sonutilisation ou à l’état de déchet, plus il est taxé,donc cher. Le consommateur, tout en étantconfronté à un libre choix, doit ajuster sescomportements en fonction des prix relatifs desproduits et de leurs coûts d’utilisation : parexemple, un véhicule plus ou moins «propre»,des produits recyclables, des engrais et d’autresproduits organiques, etc.

Ces taxes sont efficaces ; citons quelques exem-ples. La taxe sur les pesticides au Danemark(1996) a entraîné une baisse de leur utilisation de

Le concept de «taxe reliée à l’environnement», retenupour la base de données OCDE/AEE, (http:// www.oecd.org/env/policies/database) repose sur deuxnotions fondamentales. En premier lieu, on a retenu ladéfinition des taxes selon la classification des « Sta-tistiques de dépenses publiques» de l’OCDE, à savoir«des versements obligatoires effectués sans contre-partie au profit des administrations publiques. Lesimpôts n’ont pas de contrepartie en ce sens que,normalement, les prestations fournies par les admi-nistrations au contribuable ne sont pas propor-tionnelles à ces versements». En deuxième lieu, ni ladénomination ni l’objet explicite d’une taxe donnéene suffisent à classer une taxe sous la catégorie«environnementale» : le critère pertinent est l’effetpotentiel de la taxe sur l’environnement. Par exemple,les taxes énergétiques sont ainsi classées sous lacatégorie de «taxes reliées à l’environnement» parce

que leur impact potentiel sur les émissions polluantesest significatif. La base de données de l’OCDE retientdonc essentiellement les assiettes fiscales relatives àl’environnement (énergie, transports, etc.). On a doncadopté ici une approche fondamentalement écono-mique focalisée sur l’effet prix de la taxe dontl’efficacité environnementale dépend des élasticités-prix. Une conséquence importante est que, outre lestaxes environnementales «classiques» (telles que lestaxes sur les émissions,déchets, lubrifiants, pesticides,engrais, emballages, etc.), l’ensemble des taxes surl’énergie et les transports sont incluses. Toutes cestaxes se trouvent donc regroupées sous la dénomi-nation de «taxes reliées à l’environnement». Dans lespays de l’OCDE, en 2002, les recettes totales des taxesreliées à l’environnement représentaient de 2 à 2,5%du PIB et de 6 à 7% des recettes fiscales totales.

Définition des taxes reliées à l’environnement

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37Modes de production et de consommation durables

Les instruments économiques et fiscaux

10 à 13% en un an (1995-1996) (Schou, 2005).Au Danemark, alors que le PIB augmentait de20% entre 1988 et 1997, la taxe sur le CO2 apermis une baisse de 6% des émissions (NordicCouncil of Ministers, 2002). La taxe suédoise sur lesoufre (1991) a eu pour résultat une réductionde la teneur en soufre des combustibles de 50%en dessous des normes légales et une réductiondes émissions de SO2 de 80% par rapport auniveau de 1980 (Nordic Council of Ministers, 1999).Les exemples pourraient être multipliés.

Conclusion

La fiscalité environnementale constitue, à nosyeux, le levier le plus souple, le plus puissant etle plus pérenne pour inciter à des compor-tements de production et de consommationdurables.Tout en préservant la liberté de choixdu consommateur, elle injecte dans le marché dessignaux-prix qui reflètent (même si c’est impar-faitement) les coûts externes et les raretés relativesde ressources, permettant ainsi des ajustementsstructurels des économies à long terme, dans lesens d’un développement durable. Certes,« l’économie politique» de la fiscalité environne-mentale est délicate et exige une panoplie demesures de mise en œuvre et, le cas échéant,d’ajustements d’ordre économique et social,notamment, des mesures de compensationd’éventuels effets redistributifs régressifs (si lestaxes affectent plus les catégories sociales à faiblerevenu). Des problèmes, parfois épineux, decompétitivité internationale existent également.Les moyens de traiter ces questions sont bienconnus,même si des obstacles politiques peuventsurvenir (OCDE, 2001).

L’approche la plus efficace consiste à mettre enœuvre des « réformes fiscales vertes » au moyend’une restructuration d’ensemble de la fiscalité,notamment en taxant la pollution et en détaxantle travail et le capital productif. En général, cesréformes sont fiscalement neutres dans la mesureoù elles s’effectuent à revenus constants : lesaugmentations de taxes environnementales sontcompensées par des baisses d’autres taxes,notamment sur le travail. Seul un petit nombrede pays (pays nordiques, Pays-Bas, Allemagne,

Royaume-Uni) ont effectivement franchi ce pas.L’avenir des réformes fiscales vertes pour uneconsommation et un développement durablesreste donc largement ouvert.

Références

AEE (2005),Household Consumption and the Environment.

CEMT (2003), Reforming Transport Taxes (chapitre 2),ECMT, Paris.

Danish Environmental Protection Agency (2002),Danske husholdningers miljøbelastning. Arbejds-rapport fra Miljøstyrelsen nr. 13. (http://www.mst.dk/default.asp?Sub=http://www.mst.dk/udgiv/publikationer/2002/87-7972-094-3/html/)

Nordic Council of Ministers (1999), The Scope forNordic Co-ordination of Economic Instruments inEnvironmental Policy,TemaNord, Nordic Councilof Ministers, Copenhagen.

Nordic Council of Ministers (2001), An Evaluation ofthe Impact of Green Taxes in the Nordic Countries,TemaNord 2000:561, Nordic Council ofMinisters, Copenhagen (disponible sur www.norden.org/pub/ebook/2001-566.pdf).

OCDE (2001), Les taxes liées à l’environnement dans lespays de l’OCDE: problèmes et stratégies, OCDE,Paris.

OCDE (2002), Vers une consommation durable desménages ? Tendances et politiques dans les pays del’OCDE, OCDE, Paris.

OCDE (2005a), Les politiques agricoles des pays del’OCDE, suivi et évaluation, OCDE, Paris.

OCDE (2005b), Examen des pêcheries dans les pays del’OCDE, Statistiques nationales, OCDE, Paris.

OCDE (2005c), Données OCDE sur l’environnement :Compendium 2004, OCDE, Paris, tableau 6A.

Schou (2005), «The Danish Pesticide Tax», présen-tation faite au Workshop for Practitioners of Envi-ronmental Taxes and Charges,Vancouver, Canada,17 et 18 mars 2005.

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38 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

Marie D’HUART Serge DE BACKER

Marie D’HUART s’est spécialiséeen sciences et gestion de l’environ-nement. Elle fait un passage ausein des institutions européennes,puis exerce sept ans commeconseillère environnementale auCanada, au Pérou (auditrice ISO14001), et comme juriste d’entre-prise en Belgique, au Maroc et enAfrique du Sud pour SNC-Lavalin.Elle travaille ensuite pour l’AgenceAlter en tant que coordonnatricede projets en développement du-rable. Elle fonde CAP à l’automne2003. Journaliste de formation, Serge DEBACKER a exercé plusieurs métiersau service d’ONG (Vétérinairessans frontières, etc.), et de bu-reaux de conseil en Belgique et àl’étranger (Kenya, Sud-Soudan,Saïgon). Il fonde ensuite au seinde l’Agence Alter la premièrenewsletter bilingue sur les enjeuxdu développement durable, la res-ponsabilité sociétale des entre-prises et la finance éthique, dontil assume le poste de rédacteur enchef durant trois ans avant decréer le bureau de conseil CAP.

Le concept de développement durable s’impose. Qui ose s’yopposer? Par contre, sur le terrain, son application provoque demultiples débats. Qui doit faire quoi? Selon quel modèle? Et avecquelle responsabilité? Force est de constater qu’à ce jour, il n’existepas de recette unique. Et encore moins de standard intégranttoutes les composantes d’un développement durable, avec unedéfinition exhaustive et une certification à la clef. Au contraire,une multitude de standards, de référentiels et de normes ont vu lejour en trente ans, ciblant tantôt la gestion environnementale,tantôt le volet social, tantôt encore la gouvernance, la sécurité,l’hygiène ou la qualité. Aujourd’hui, la tendance est à l’intégrationpar souci d’efficience… Des ébauches de référentiels intégrés etmulticomposantes apparaissent. Les trois piliers du développementdurable (économique, environnemental et social) sont mentionnésdans un même texte. Système de management avec le SD 21000en France, outil de reporting avec le Global Reporting Initiative(GRI), assurance crédibilité avec AA1000 en Grande-Bretagne ettout récemment le travail sur ISO 26000, futures lignes directricespour la responsabilité sociétale des organisations. Cette kyrielled’outils parfois standardisés ou référencés reflète la diversité d’unthème en pleine innovation.

Sur le terrain, le développement durable interroge la prise de responsabilitédes acteurs de la société. Gouvernements, entreprises, monde associatif,ONG et académiciens sont chacun interpellés et prennent position.Leurs

interactions génèrent des tensions et des dynamiques en perpétuel changement.Des rapports de force se créent, des idéologies s’affrontent et des attentess’expriment. La conciliation est la solution.Elle se matérialise à travers plusieurspistes, comme autant de réponses à des besoins formulés : standardiser, homo-généiser, comparer, crédibiliser, mesurer les performances, gérer de façon pluscohérente, contrôler, communiquer en toute transparence, labelliser, réglementer.Ce qui varie, ce sont les publics visés, les résultats et les comportements attendusou le contrôle mis en place par le biais de ces réponses. Les unes ciblent lesentreprises, les autres, les pouvoirs publics.Certaines se présentent sous la forme

LLee ddéévveellooppppeemmeenntt dduurraabbllee eesstt--iillcceerrttiiffiiaabbllee ?? NNoorrmmeess,, llaabbeellss,, ssttaannddaarrddss,,rrééfféérreennttiieellss :: éécchhooss dduu tteerrrraaiinn

@[email protected]@capconseil.be

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39Modes de production et de consommation durables

Le développement durable est-il certifiable?Normes, labels, standards, référentiels : échos du terrain

de systèmes de gestion, d’autres, en lignes direc-trices pour du reporting, d’autres, encore mesurentla performance. La vérification de ces outils esttantôt externe (audit indépendant), tantôt infor-melle, interne ou adopte une revue par les pairs(peer review).

Ne pas comparer des pommesavec des poires

Cette diversité de réponses, à première vue per-turbante, répond à une certaine logique.Elle suitles enjeux des acteurs qui les proposent. Codesde conduite, référentiels, standards, labels, normeset règlements (nationaux, internationaux) sontautant de réponses formelles à des enjeux sous-jacents.

Les plus contraignants sont les lois et les règle-ments nationaux. Par exemple, l’article 116 de laloi française sur les Nouvelles Régulations Éco-nomiques (NRE) oblige les entreprises cotées enbourse à produire annuellement un rapportsociétal informant de leurs activités sur le plansocial et environnemental. Il s’agit de formaliserune obligation de transparence. En droit inter-national, les traités des Nations Unies, les con-ventions de l’Organisation Internationale duTravail (OIT) et d’autres protocoles (Kyoto,Biodiversité…) sont des instruments juridiques.Les nations ont le choix d’y souscrire sur unebase volontaire. Et, dans les faits, ils sont souventnon contraignants. Encore aujourd’hui, des paysn’adhèrent pas au respect des normes fonda-mentales du travail, car ils sont non-signataires deces traités internationaux. Dans ces zones, desnormes ou standards volontaires émanant d’orga-nisations privées (Organisation Internationale deStandardisation – ISO – ou Social AccountabilityInternational – SAI) peuvent pallier un videjuridique.

L’Europe reste volontaire

En ce qui concerne l’Europe, à l’exception desréglementations et des directives propres au droitdu travail, au droit social ou au droit de l’environ-nement (abondantes ces dernières années),aucune directive transversale ne vient édicter desrègles pour l’application d’un développementdurable. La Commission a, à ce jour, fait paraître

un livre vert sur la responsabilité sociétale desentreprises et publiera bientôt deux communica-tions. La Commission opte pour une politiquenon contraignante en la matière. Elle encouragetoute démarche volontaire de la part des acteursconcernés. Innovation dans ce paysage, la révisionde la directive européenne concernant les mar-chés publics prévoit une série d’ouvertures pourinclure des clauses sociales ou environnementales,tant au niveau de l’attribution du marché quepour leur exécution.La jurisprudence de la courde justice européenne va dans ce sens.Autrementdit, les critères habituels de prix et de qualité del’offre peuvent être complétés par des clauses :une mise à l’emploi de publics marginalisés, uneformation, un critère écologique dans les achatsde matériaux.

Aux côtés de ces lois et règlements, une série destandards, de normes, de guidelines et de référen-tiels ont vu le jour. Ils constituent des cadres deréférence édictés par des instituts de normalisationtels l’ISO, l’Agence Française de Normalisation(AFNOR) ou le British Standard Institute (BSI).Leur application dépend du bon vouloir desacteurs y souscrivant sur une base volontaire. Ils’agit de s’engager,dans le chef d’une organisation(privée, publique…), à respecter une série deprescriptions, avec ou sans contrôle et certificationà la clef.On citera,par exemple, sur le pilier envi-ronnemental du développement durable, les stan-dards EMAS et ISO 14001 qui permettent defaire certifier un système de gestion environne-mentale par un auditeur indépendant.Sur le pilier

Figure 1 – Schéma de la ligne du temps de toutes les normes et événements liésau développement durable

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40 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

social, le référentiel SA 8000 permet de certifierun système de gestion des droits fondamentauxdes travailleurs en examinant quelques conven-tions de l’OIT (travail des enfants, juste rému-nération, travail forcé, sécurité…).

Du plus contraignant au plus volubile

D’autres outils, de type « lignes directrices », secontentent d’édicter des principes sans certifi-cation ni contrôle. Par exemple, les dix principesdu Global Compact des Nations Unies.Par ailleurs,les chartes et codes de conduite restent des enga-gements individuels et autodéclarés, qui nes’inspirent pas nécessairement d’un cadre proposépar une institution ou une organisation externe.

De la loi, en passant par les conventions inter-nationales, les référentiels certifiables ou non,jusqu’au code de conduite autoédicté, la margede manœuvre de l’organisation va croissant. Laloi ne se discute pas, alors que les codes deconduite sont souvent autoproclamés.

ISO 14000 et EMAS:l’environnement pionnier

Dans la genèse du développement durable, l’envi-ronnement est sans doute le premier domaine oùla nécessité d’agir et d’inventer des réponses tech-niques, des systèmes de management, des outilss’est fait ressentir. Ce pilier jouit donc d’unelongueur d’avance. ISO recensait déjà, à la fin de2002, pas moins de 50000 certificats ISO 14001délivrés dans 118 pays. EMAS, EnvironmentalManagement Scheme, la version européenne dusystème de management environnemental, jouitaussi d’un certain essor. Ces référentiels sontrejoints par des initiatives sectorielles volontaires,comme le Responsible Care pour la chimie oules normes HACCP (Hazard Analysis and Criti-cal Control Point) dans l’industrie alimentaire.Leurrenommée et la légitimité des organisations quiles promeuvent en font peu à peu des outilsincontournables.

Figure 2 – Schéma du triangle inverséde marge de manœuvre

Figure 3 – Trois chaises dans la nature

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41Modes de production et de consommation durables

Le développement durable est-il certifiable?Normes, labels, standards, référentiels : échos du terrain

Du social au sociétal : SA 8000et gestion des partiesprenantes

Le volet social vit sur une tradition législativeabondante et souvent historique (droit du travail,droit social, sécurité). Le développement durablepropose d’élargir cette dimension sociale aux pré-occupations sociétales : l’être humain en tant quetravailleur, voisin, riverain,population autochtone,dirigeant, politicien, génération future. Il s’agit dela fameuse «partie prenante» ou « stakeholder» del’activité concernée.

Des standards complètent cette panoplie de règle-ments, tantôt pour valider leurapplication effective en amontdu contrôle d’une inspectiondu travail, tantôt pour pallier ledéficit de législation dans desendroits du globe où elle faitdéfaut.Le meilleur exemple estle référentiel d’audit social, SA8000. Ce standard, certifiablepar audit de tierce partie, répèteet préconise le respect desdroits fondamentaux dutravailleur, édictés dans lesconventions de base de l’OIT, dans le chef desentreprises et dans leurs relations avec leursfournisseurs et sous-traitants. Dans la mêmelignée, le label social belge, basé sur les mêmesconventions de l’OIT, émane d’une loi desautorités belges. Il se différencie par un cahier decharges et la sanction d’un label octroyé à unproduit par des pouvoirs publics, soit un argu-ment d’autorité et de légitimité pour les éven-tuels souscripteurs. Les problèmes liés aux pro-duits en provenance d’Asie ravivent à chaque foisla pertinence de ce type d’outils. Parfois pluscontraignante qu’une loi, la gestion d’uneréputation a convaincu de nombreuses enseignesde leur utilité.

Économie et bonnegouvernance: utopie?

Autant les volets sociétal et environnementalconditionnent le bon fonctionnement du déve-loppement, autant le pilier économique en est le

moteur. Il s’est aussi, au fil du temps, équipé decertaines réponses pour prévenir les éventuelsdérapages, plus particulièrement pour les entre-prises, acteurs de premier plan en la matière. Leslégislations et les règlements d’institution sont lesplus connus (Organisation Mondiale du Com-merce (OMC), directive européenne sur laconcurrence…). Mais l’affaire Enron (failliteretentissante de ce courtier énergétique auxÉtats-Unis), suivie d’autres scandales européens(Parmalat, Lernout & Hauspie…) ont marqué lesesprits, salissant du même coup l’entreprise, lescabinets d’audit et leurs déclarations officielles debonne conduite, d’éthique et de transparence.Faut-il rappeler qu’Enron avait remporté un prix

pour l’excellence de son codede déontologie?

Le Sarbanes-Oxley Act a été lapremière réponse du gouverne-ment américain. Encore flouaux yeux de certains, ce règle-ment impose un certain nombrede comportements éthiques auxgestionnaires et auditeurs. EnBelgique, sur une basevolontaire, les codes Lippens(grosses entreprises) et Buysse

(PME) préconisent des recettes de bonnegouvernance.

Le tout à la mesure

Ces nombreuses références démontrent la multi-plicité des réponses apportées pour avancer surla voie d’un développement durable. Mais ledéveloppement durable s’appréhende aussi régu-lièrement par ses enjeux qui dépassent ses troispiliers classiques.

Aujourd’hui, portées par la logique du marchérégissant les échanges à l’échelle planétaire, lesentreprises, en particulier mais pas seulementelles, créent des réponses à leurs besoins. Lamesure de la performance et son suivi (combiend’euros vaut une unité de développement dura-ble ?), l’assurance d’une crédibilité (commentgarantir que ce que je dis est pertinent et vrai?)font partie des préoccupations.

Le volet social vit sur une

tradition législative abondante

et souvent historique (droit

du travail, droit social, sécurité).

Le développement durable

propose d’élargir

cette dimension sociale

aux préoccupations sociétales.

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42 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

De nombreux outils de mesure de ce type ontvu le jour ces dernières années, sans doute plusnombreux à évaluer la performance d’une nationque celle des entreprises. Côté business, le GRI(Global Reporting Initiative), le plus connu et re-connu,propose près d’une centaine d’indicateursde gestion permettant à l’entreprise de structurerla mesure de sa performance pour ensuite gérersa communication et ses rapports dans un cadrestratégique de développement durable. Cepen-dant, la complexité avérée de la mise en place decet outil ne le rend de facto accessible qu’à quel-ques grands groupes multi-nationaux. L’Union Wallonnedes Entreprises (UWE), la fé-dération patronale belge fran-cophone, a relevé le défi decréer un outil mesurant la per-formance en développementdurable de toute entreprise, desPME en premier lieu. Elle acréé un set de 15 indicateurs dedéveloppement durable avecpour principe de base d’arriverà un pourcentage global dedéveloppement durable. Cettecote positionne l’entreprise par rapport à un étatidéal de développement économique compatibleavec la préservation des ressources et du bien-être collectif. L’atout majeur de l’exerciceprovient d’une comparaison sectorielle (on nepeut mesurer identiquement la performance

d’une entreprise de services informatiques oud’intérim avec un complexe chimique ou unepapeterie) et d’un résultat agrégeant 15 indi-cateurs très différents, répartis en trois piliersde même poids : économique, soci(ét)al etenvironnemental.

Analyse d’impact transversale

Dans le même ordre d’idées, certains pouvoirspublics ou semi-publics se dotent de grillesd’analyse pour passer leurs futures décisions à

travers un « filtre » de dévelop-pement durable. C’est ainsiqu’un ministère belge a souhaitédévelopper un outil d’analyseex ante des décisions qu’il allaitadopter avec lequel il ques-tionne chaque dossier sur21 impacts potentiels répartis surles trois piliers du développe-ment durable: quel est l’impactattendu de tel ou tel type dedécision sur les plans sociaux,économiques et environnemen-taux? La Commission parle

d’étude d’impact de soutenabilité (SustainableImpact Assessment).Au même moment, plusieursassureurs-crédits à l’exportation réfléchissent auxcritères qu’ils pourraient appliquer pour mieuxappréhender les dimensions du développementdurable lors de l’examen des dossiers qui leur sontsoumis.Quels sont les impacts en termes de déve-loppement durable présents, par exemple,dans unprojet de barrage au Brésil, ou d’adduction d’eauen Algérie?

Communiquer: crise de confiance, fantasme de la transparence

Autre enjeu et préoccupation, à la fois carotte etbâton pour un développement durable: la gestionde la réputation.Quotidiennement, les entreprises,ONG et gouvernements justifient leurs pertes ouprofits, rappellent l’utilité de leur existence, leurfinalité sociétale, leurs valeurs. Mais comment

Figure 4 – Triangle du développementdurable, selon l’UWE

Autre enjeu et préoccupation,

à la fois carotte et bâton pour

un développement durable:

la gestion de la réputation.

Quotidiennement, les entreprises,

ONG et gouvernements justifient

leurs pertes ou profits, rappellent

l’utilité de leur existence, leur

finalité sociétale, leurs valeurs.

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43Modes de production et de consommation durables

Le développement durable est-il certifiable?Normes, labels, standards, référentiels : échos du terrain

CAP Conseil (www.capconseil.be) est une société crééeen 2003, qui offre des services de conseil, de rechercheet de formation en développement durable et en respon-sabilité sociétale. CAP est désigné comme expert parl’Institut belge de normalisation pour suivre les travauxde l’ISO dans l’élaboration d’ISO 26000. CAP estle partenaire belge de l’institut londonien AccountAbility et est accrédité pour former, accompagner etauditer les entreprises sur la base des standards SA8000 et AA1000.

garantir le contenu de ce message? Commentasseoir sa sincérité? Comment recréer le lien vitalentre son organisation et la société? Cette com-munication, parfois exprimée par un rapportd’activité ou un site Web spécifique, joue un rôlenon exclusif mais prépondérant. En témoignel’apparition ces dernières années de rapportsd’activités en tous genres teintés d’une appellationtantôt environnementale, tantôt sociétale, puisintégrés sous le label du développement durable.Une tendance qui exprime l’engouement del’organisation à vouloir investir dans sa crédibilité,regagner sa « licence to operate», améliorer sa relationavec ses parties prenantes (clients, employés,actionnaires, analystes financiers, ONG, consom-mateurs, fournisseurs…).

Le standard AA1000, développé par l’institutlondonien AccountAbility, est le premier et l’uni-que référentiel à se pencher sur la question de lacrédibilité de ces rapports «vus de l’extérieur».

On le voit, la prise de conscience de la transver-salité du développement durable fait son chemindans (presque) tous les domaines et chez (pres-que) tous les acteurs de la société. L’apparitionde SD 21000 en France ou du projet Sigma enGrande-Bretagne en témoigne.

La panoplie d’acteurs, de domaines et de sujets àcouvrir est immense, et ce n’est pas étonnant ; ledéfi d’assurer un développement durable pour laplanète entière ne pourrait en être autrement.Cette responsabilité, partagée par tous, est aucœur de la philosophie adoptée par ISO dans sestravaux sur ISO 26000. L’enjeu est aujourd’huide transformer le premier rapport de 2004,Working Report on Social Responsibility, en lignesdirectrices pratiques. Les protagonistes insistentpour dire que ce travail ne conduira pas à unréférentiel ou à une norme classique, mais bienà des lignes directrices qui ne remplacerontaucunement les accords intergouvernementauxsur les droits de l’homme, les déclarations univer-selles des Nations Unies, ou encore les conven-tions de l’OIT (Organisation Internationale duTravail). Un chantier est ouvert. Il durera

jusqu’en 2008. Et d’ici là, d’autres solutionsintégrées pour la mise en pratique d’un dévelop-pement durable auront sans doute vu le jour.

Plus de détails sur le processus en cours dans l’encadréde Boufledja Benabdallah dédié à ce sujet.

Références

Standardisation ISO et responsabilité sociétale :ww.iso.org/iso/en/commcentre/pressreleases/2005/Ref953.html

Mesurer la performance par les indicateurs de l’UWE:www.uwe.be/indicateursDD

Crédibiliser la démarche:http://www.accountability.org.uk/aa1000/default.asp?pageid=52.

SA 8000:www.sa-intl.org

Global Reporting Initiative (GRI) :www.globalreporting.org

Sarbanes-Oxley:www.sarbanes-oxley.com

Codes Lippens et Buysse :www.corporategovernancecommittee.be

SD 21000:www.afnor.fr/sd.asp

CAP Conseil :www.capconseil.be

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Vers une norme ISO 26000 «Responsabilité sociétale»

44 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

Aujourd’hui, selon le Secrétariat de l’ISO, 15000 stan-dards nationaux et de nombreux organismes deliaisons existent dans le monde. Après Bahia et Nairobi,les parties prenantes impliquées dans la question de la

Responsabilité sociétale se sont retrouvées àBangkok (du 27 au 30 septembre 2005) pourtraiter des lignes directrices de l’éventuellenorme ISO 26000 «Responsabilité sociétale». Ceconcept après avoir fait son chemin dans lesentreprises «RSE : Responsabilité sociétale desentreprises» cherche désormais à être applicableà tout type d’organisation, étant entendu quecette norme ne sera pas élaborée à des fins de

certification.

Quelque 270 experts provenant de 49pays représentés dont 23 pays endéveloppement et 32 organismes deliaison ont débattu pendant quatrejours sur la question et ont arrêté lacomposition des groupes de travailainsi que l’ossature (têtes de Chapitres)de l’ISO 26000.

L’objectif du WG-SR de l’ISO (Working Group of SocialResponsibility – Groupe de travail sur la responsabilitésociétale) est d’aboutir par consensus à l’adoption en2008 de cette nouvelle norme ISO 26000.

La langue de travail à cette deuxième rencontre étaitl’anglais.

Pour certains pays du Nord, les représentants des prin-cipales parties prenantes étaient présents (industrie,gouvernement, syndicat, ONG, recherche-développe-ment, consultance). Pour les pays en développement,seuls les représentants gouvernementaux et parfois dessyndicats ont réussi à faire le déplacement à Bangkokpour participer aux travaux et échanger avec leurshomologues.

Neuf pays francophones étaient présents : Canada,Côte d’Ivoire, Belgique, France, Maroc, Sénégal,Sainte-Lucie, Suisse, Vietnam.

L’IEPF a invité les représentants de ces pays à deuxrencontres (mardi 27 et vendredi 30 septembre 2005)en marge des travaux de l’ISO avec pour objectifd’échanger sur les résultats des travaux des Groupesde travail sur la ISO 26000 et de discuter au sujet duséminaire francophone que l’IEPF prévoit organiseravec ses partenaires sur le même sujet en décembre2005 à Marrakech.

Étaient présents à ces deux rencontres 20 représentants(gouvernementaux, industriels, syndicats, chercheurs,consultants, ONG) de la Belgique (4), Côte d’Ivoire (1),France (7), Maroc (1), Sénégal (3), Sainte-Lucie (1), Suisse(2) et AIF / IEPF (1).

Les délégués ont exprimé leur frustration concernantles documents de travail de l’ISO inexistants en fran-çais (sauf quelques documents de conclusion de cer-tains Groupes de travail traduits gracieusement parl’AFNOR). Après avoir discuté sur certains points desdifférents Groupes de travail de l’ISO, les déléguésfrancophones ont accueilli positivement l’initiative del’IEPF de les réunir pour échanger en français sur cesquestions, partager les expériences et se mettre éven-tuellement en réseau pour une meilleure implicationdans les prochaines négociations.

Un excellent débat technique a eu lieu, ce qui me per-met de dire que la manifestation prévue à Marrakech(décembre 2005) arrive à point nommé pour mettre àniveau l’information sur cette question de «Normeset Responsabilité sociétale», échanger sur les expé-riences acquises et surtout imaginer des façons de faire pour travailler en réseau afin que l’ensembledes pays membres de la Francophonie puisse êtrepartie prenante du travail sur cette nouvelle normeISO 26000.

Deux principaux résultats de la rencontre de l’ISO deBangkok ont été notés par les délégués francophones:

1. Les Résolutions (voir : www.iso.org/wgsr pour lesmembres ou www.iso.org/sr pour le public) ont étéadoptées par consensus et seront la base des tra-vaux de la troisième rencontre prévue à Barceloneen juin 2006. Ces Résolutions fixent l’ossature(titres de chapitres) et les modalités de négociationdes contenus de la norme ISO 26000.

2. La création officielle par le WG-SR de l’ISO d’une«task force» francophone.

Les délégués francophones qui étaient présents àBangkok souhaitent que la troisième rencontre pré-vue à Barcelone en juin 2006 puisse constituer l’occa-sion d’une plus grande présence de pays francophonesafin d’intégrer au mieux leurs spécificités et leurs prio-rités dans le contenu de cette norme. Ils ont accueillifavorablement l’initiative de l’Agence intergouverne-mentale de la Francophonie représentée par l’IEPF dese faire qualifier dans la catégorie Liaison D à l’ISO.

Boufeldja Benabdallah

Responsable du programmeProspective et mobilisation de l’expertise pour ledéveloppement durableIEPF, Bangkok, 27-30 septembre 2005

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45Modes de production et de consommation durables

Rémi DEVEAUX

Rémi DEVEAUX, Consultant àUtopies, est diplômé de l'EDHECet auteur d’un mémoire de find'études sur La responsabilitééthique des grands laboratoirespharmaceutiques. Il travaille pourle cabinet de conseil en stratégiesde développement durable Uto-pies à Paris depuis 2003. Il mèneactuellement des études d'em-preinte économique locale desites industriels (BIC) et hôteliers(Accor) et est en charge d'ungroupe de travail sur la commu-nication responsable. Il a aupa-ravant participé à la réalisation derapports de développement dura-ble (pour le papetier Matussière &Forest et le fabricant de matérielélectrique Schneider Electric) et àdes missions d’accompagnementstratégique (pour le groupe BIC etGaz de France).

La communication des entreprises est régulièrement taxée d’irres-ponsable par les altermondialistes, parce qu’elle pousse souventà une forme de surconsommation dégradant l’environnement.Certaines entreprises tentent pourtant de sensibiliser le consom-mateur à des modes de consommation plus responsables. Maisces initiatives restent pour l’instant insuffisantes pour espérerrenverser la tendance.

La sensibilisation des consommateurs à des modes de vie plus responsablesest un sujet devenu crucial dans l’étude des impacts des activités humainessur l’environnement ; rapports1 et conférences2 ont foisonné sur la

«consommation durable3» cet automne.

Si des acteurs se mobilisent aujourd’hui pour changer les modes de vie, c’est enréaction à un triple constat : depuis les années 1960, la consommation croît trèsfortement ; cette tendance n’est pas « soutenable» à long terme d’un point devue environnemental ; il est nécessaire de changer le comportement desconsommateurs pour favoriser le lancement de nouvelles technologies plusécologiques ou l’apparition de modes de consommation plus responsables.

La consommation a considérablement évolué lors des dernières décennies, à lafois en volume et en qualité : les dépenses des ménages ont crû mondialementde 4500 milliards de dollars en 1960 à 19500 milliards de dollars en 2000(figure 1), suivant une pente régulière. Cette évolution, qui s’explique

LLee ccoonnssoommmmaatteeuurr éédduuqquuéé ppaarr ll’’eennttrreepprriissee rreessppoonnssaabbllee ??

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1. Talk The Walk – Case studies of sustainable lifestyle marketing strategies and campaigns, Utopies/PNUE/Pacte Mondial, 2005. La plupart des informations de cet article proviennent de cerapport qui étudie l’influence des actions de marketing des entreprises sur les modes deconsommation durables.Communiquer sur le développement durable – comment produire des campagnes publiques efficaces,PNUE, 2005.

2. Notamment en Europe «Consommation responsable – recherche désespérément le consom-mateur responsable» (Commission européenne, Bruxelles, 26 septembre) et «How to com-municate your corporate values to consumers » (Ethical Corporation, Londres, 22 et23 novembre).

3. La définition de « consommation durable » s’inspire de celle donnée du développementdurable par la Commission Brundtland en 1987, à savoir : « l’utilisation de services et deproduits qui répondent à des besoins essentiels et contribuent à améliorer la qualité de la vietout en réduisant au minimum les quantités de ressources naturelles et de matières toxiquesutilisées, ainsi que les quantités de déchets et de polluants tout au long du cycle de vie duservice ou du produit, de sorte que les besoins des générations futures puissent être satisfaits »(Ministère norvégien de l’Environnement, 1994).

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partiellement par la hausse de la populationmondiale sur la même période, a été initiée parles pays industrialisés et est désormais calquéedans les pays en développement, comme la Chineou l’Inde. Plus de 1,7 milliard d’êtres humainscomposent aujourd’hui la «classe de la consom-mation », dont la moitié vive dans les pays endéveloppement. La répartition des dépenses desménages s’est également modifiée, s’orientantvers les activités de loisir, les produits de grandeconsommation, les services et les transports.

Mais ces tendances, bien qu’elles aient contribuépar maints aspects à améliorer les conditions devie, ne peuvent pas perdurer d’un strict point devue environnemental. Selon le WWF, il faudraitplus de trois fois les ressources de la planète pourque le monde entier consomme comme unEuropéen, et plus de cinq fois pour un Nord-Américain.L’ONG fonde ce constat sur le calculde l’«empreinte écologique», un indicateur de lapression exercée par les activités de l’homme surles capacités de la Terre, calculée par la surfacenécessaire pour produire la nourriture et lesobjets qu’il consomme, absorber ses déchets etfournir l’espace nécessaire à ses infrastructures.Compte tenu des projections de consommationdans les pays en développement, il est nécessaired’atteindre ce que l’OCDE appelle le «décou-plage absolu», qui combinerait une réduction de

l’impact environnemental global et une haussede la population et de la consommation per capita.Mais, pour l’instant, la consommation d’énergie,les émissions de carbone, la production de dé-chets et les réductions des ressources en eau sontappelées à augmenter fortement au cours desdécennies à venir.

Le comportement du consommateur, s’il tient defacteurs complexes, est notamment influencé parla politique de marketing des entreprises. Il suffitpour s’en convaincre d’écouter les acteurs anti-pubs dénonçant la publicité des entreprises qui,trop souvent, contribuerait à créer des besoinsartificiels aux antipodes des principes de la« consommation durable ». Les entreprises quidécideraient d’adopter un comportement res-ponsable sur ce sujet peuvent mener des actionsde sensibilisation des consommateurs.

Le premier niveau d’effort pour favoriser l’émer-gence de modes de vie durables consiste à éviterles campagnes de communication faisant la pro-motion de produits peu respectueux de l’envi-ronnement ou d’un usage immodéré du produit.On constate par exemple en Grande-Bretagneque les produits qui bénéficient des plus grosbudgets publicitaires sont également ceux quinécessitent le plus de ressources pour leur fabri-cation (produits d’alimentation, de transport

Évolution des dépenses de consommationdes ménages (en USD de 2000)

Population mondiale

Empreinte écologiqueCapacité environnementalede la Terre

Figure 1 – Évolution de la population, de la consommation des ménages et de l’empreinte écologique, Monde, 1960-2000

Source :Talk The Walk, Utopies/PNUE/Pacte Mondial, 2005.

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47Modes de production et de consommation durables

Le consommateur éduqué par l’entreprise responsable?

individuel et, dans une moindre mesure, biensménagers)4. De même, les publicités contrairesaux principes du développement durable nemanquent pas, même émanant d’entreprisespourtant engagées dans cette voie. En 2003, leconstructeur automobile Renault offrait ainsi50000 km de carburant gratuit pour l’achat d’unde ses véhicules et montrait ainsi dans trois spotstélévisés un client utilisant sa voiture pour destrajets injustifiés (jeter ses déchets dans la poubellede son jardin, aller promener son chien ou em-prunter du lait à sa voisine).

Un deuxième niveau d’action consiste pour lesentreprises à mieux informer les consommateurssur les impacts environnementaux des produits.Ainsi, 74% des Britanniques déclarent qu’ilsprendraient en compte dans leurs choix d’achatle comportement éthique, social ou environne-mental des entreprises s’ils étaient mieux infor-més, tandis que, pour 39% des Français, lemanque d’information serait le premier obstacleà l’achat de produits issus du commerce équi-table5. Migros, le premier distributeur suisse, amené en 2004-2005 une campagne de publicitépour sensibiliser les consommateurs aux problé-matiques environnementales et sociales liées à laproduction des articles consommés (comme lasurpêche – figure 2) et a lancé neuf labels de pro-duits « verts » facilement identifiables dans sesmagasins.

Un dernier niveau consiste pour les entreprisesà être proactives et à mener des campagnesd’éducation des consommateurs et de promotionde leurs produits «verts ». Certaines entreprisesfondent leur stratégie de croissance sur la sensi-bilité des consommateurs au respect de l’environ-nement. Stonyfield Farm, le premier fabricantmondial de yaourts biologiques, communiquepar exemple ses bonnes pratiques environne-mentales pour sensibiliser ses consommateurs àla prise en compte de l’environnement dans leursachats et les interpelle sur leurs modes de vie.L’entreprise utilise l’opercule de ses yaourts(figure 3), son site Internet et des blogs pourtoucher ses clients.D’autres entreprises cherchentdes gains de réputation ou à prévenir les risques.Les producteurs de savon, de détergents et de

4. Talk The Walk, Utopies/PNUE/Pacte Mondial, 2005.5. Ibid.

Figure 2 – Campagne de communication de Migros, Suisse, 2004

Figure 3 – Opercules de yaourts du fabricant StonyfieldFarm sensibilisant sesclients à l’environnement

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48 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

produits d’entretien regroupés au sein d’uneassociation, l’AISE,ont mené à partir de 1999 enEurope une campagne de sensibilisation desconsommateurs, intitulée Wash Right, pourréduire l’impact de leurs produits sur l’environ-nement. Exploitant de nombreux supports(emballages, site Internet multilingue, brochures,encarts dans les magazines et les journaux etpublicités télévisées), la campa-gne Wash Right invite lesconsommateurs de lessive à nepas sous-remplir les machines,à mettre les quantités de lessiveappropriées, à utiliser les tem-pératures recommandées et àréduire les déchets d’emballage(figure 4).Cette campagne d’é-ducation du consommateur apermis l’économie de 6% del’énergie, de 16% de la lessive et de 15% del’emballage par lavage.Autres exemples d’éduca-tion ou de sensibilisation des consommateurs àdes modes de vie plus écologiques: le distributeurCarrefour a mené à l’été 2004 en France unecampagne de publicité avec ce slogan: «Arrêtons

de consommer plus pour consommer mieux» ;le constructeur automobile coréen Kia offrait unvélo à l’achat d’un de ses véhicules en 2003 enGrande-Bretagne et invitait dans une campagnede communication à utiliser le vélo pour les tra-jets courts et la voiture pour les trajets plus longs.

On peut s’interroger sur l’impact de ces cam-pagnes marketing responsables des entreprises sur

le comportement des consom-mateurs : les ventes de produits«verts » sont-elles significativessur leur marché? Les exemplesd’entreprises positionnées surle marketing responsable etconnaissant des taux de crois-sance à deux chiffres sont lé-gion dans le monde (Patagonia,American Apparel et Stonyfield

Farm aux États-Unis, The Body Shop enGrande-Bretagne, Natura au Brésil, etc.), ce quimontre que des consommateurs sont sensiblesaux arguments et aux produits mis en avant parces entreprises. Celles-ci connaissent des succèstels sur leur marché que dans certains secteurs,comme les produits cosmétiques ou alimentaires,les leaders s’engagent à leur tour en les rachetant(cas de Stonyfield Farm par Danone ou de Ben& Jerry’s par Unilever) ou en lançant leurspropres gammes de produits « verts » (caféscertifiés de Kraft Food et Nestlé, par exemple).D’autres industries, à l’image de l’automobile et,dans une moindre mesure, de l’énergie, semblentsuivre actuellement ce mouvement.

Cependant, cette vision optimiste ne doit pasmasquer une autre réalité, à savoir que les pro-duits «verts» dépassent rarement les 3% de partde marché sur leur segment (figure 5), que lesprofits réalisés sur ces marchés sont insuffisantspour justifier des investissements plus importantset que les campagnes marketing proactivescontredisent souvent les pratiques marketinghabituelles des entreprises. La qualité, le confortoffert et le prix sont toujours les critères de choixdes consommateurs,même ceux ayant une cons-cience écologique éveillée. De plus, la multipli-cation des allégations vertes trompeuses sur lesproduits et le développement des labels d’entre-prises sèment la confusion chez le consommateurparfois méfiant envers ces initiatives.

Figure 4 – Ccampagne de communica-tion Wash Right de l’AISE,Europe, 1999-2003

La qualité, le confort offert

et le prix sont toujours

les critères de choix

des consommateurs, même

ceux ayant une conscience

écologique éveillée.

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49Modes de production et de consommation durables

Le consommateur éduqué par l’entreprise responsable?

Pour les entreprises, la solution consiste à pro-poser des produits «verts» dont le surcoût éven-tuel pour le consommateur puisse être rapide-ment amorti (économies d’énergie pour lesvoitures hybrides, par exem-ple), à transmettre une imagepositive des produits «écolo»(les stars d’Hollywood ontbeaucoup fait pour le déve-loppement de la Toyota Priusaux États-Unis) et à ramenerla confiance en faisantlabelliser les produits par desorganismes indépendants eten mettant en place des politiques marketing res-ponsables. Le succès nécessaire des produits«verts » ne doit cependant pas occulter les efforts

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Nourriture équitable • États-Unis

Nourriture biologique • Europe

Nourriture biologique •�États-Unis

Voitures « vertes »* • Europe

Voitures « vertes »* • États-Unis

Électricité « verte » • États-Unis

Électricité « verte » • Europe

Nourriture équitable • Europe

Figure 5 – Part de marché de différents produits «verts», Europe et États-Unis,1997-2006

Source :Talk The Walk, Utopies/PNUE/Pacte Mondial, 2005.

à mener sur les autres catégories de produits versla voie de la « consommation durable » : amé-lioration de la qualité écologique des produitsrespectant des réglementations environnemen-

tales plus strictes ou succès desproduits verts « non certifiés »,comme les matériels électroni-ques à faible consommation, lesservices Internet dématérialisésou les moteurs à injection directe(qui émettent moins de CO2).Les produits «verts» sont proba-blement l’aiguillon indispensableau développement de la « con-

sommation durable» en piquant les consciences.Aux entreprises d’agir !

Les produits «verts»

sont probablement l’aiguillon

indispensable au développement

de la «consommation durable»

en piquant les consciences.

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50 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

@

Monica FOSSATI

Après avoir été Directrice detitres sur la mode jeune enFrance et à l’international,Monica FOSSATI fonde, en 1999,le premier magazine vendu enkiosque sur le développementdurable: Ekwo. Puis, elle devientConsultante en communicationsur le développement durablevers le grand public. Elle estmembre du comité de pilotagede l’Université d’été de la com-munication sur le développe-ment durable (www.acidd.com),et participante aux travaux pra-tiques de la charte sur l’environ-nement. Elle a réalisé le contenude l’exposition la « Maison dudéveloppement durable », le« Passeport écocitoyen », ainsique diverses missions et publi-cations pour le Programme desNations Unies pour l’environne-ment, pour les collectivitéslocales et pour les Parcs naturelsrégionaux. Elle enseigne la com-munication sur le développe-ment durable à l’Iscom.

Sensibiliser les jeunes de 15 à 25 ans au développement et à laconsommation durables est essentiel aujourd’hui. Ils sont désor-mais de vrais acteurs du changement, car ils représentent à l’heureactuelle le 6e de la population mondiale.

Loin de l’ordre, de la morale et des dogmes, expliquer aux jeunes de 15 à25 ans le développement durable et leur transmettre un sens de laconsommation plus responsable – alors que tout les pousse vers le

contraire – est une aventure nécessaire qui exige de bien les connaître. Pourcela, l’écoute attentive des désirs des jeunes et la compréhension profonde deleurs propres valeurs sont des atouts majeurs pour adapter les valeurs dudéveloppement durable à leurs codes.

Derrière les 15 à 25 ans, deux sous-groupes majeurs

Prenons comme exemple un jeune urbain âgé de 15 ans aujourd’hui. Né en1990, il a grandi avec les CD, la télé couleur avec télécommande et les films àla demande, la crise, la crainte du chômage et du sida. Il a toujours vu les super-marchés déborder de produits, connu les jeux électroniques, les effets spéciaux.Il pense que le téléphone et l’ordinateur portables sont des objets usuels, il ases codes pour chater.

Parfaitement accoutumé aux images de violence et au zapping entre de nom-breuses chaînes, il a aussi appris à décrypter la publicité qui pourtant le fascine.La pollution, les catastrophes et la guerre surmédiatisées font partie intégrantede sa vie. Difficilement soumis à la discipline de ses parents, il sait jouer dediplomatie à leur égard pour arriver à ses fins. Il connaît des familles exploséesou recomposées, et pense que ses connaissances à lui sont bien plus modernesque celles, dépassées pour lui, des «anciens».

À l’abri dans le foyer familial, il ne sait pas ce qu’il fera plus tard,mais il gagnerade l’argent facilement, et il attend ses 18 ans avec impatience pour se sentirencore plus libre.

Il sort définitivement de l’enfance en s’appropriant les droits et codes de sesaînés de quelques années. Il a soif d’expériences et d’individualité,mais cherchedes produits qui l’identifieront à « son» groupe, à « son» réseau.

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[email protected]

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51Modes de production et de consommation durables

Prenons maintenant un jeune citadin de 25 ans.Né en 1980, il a connu la transition du tourne-disque au lecteur de CD.Il s’est extasié devant sonpremier walkman avec lequel il dormait. Il a vunaître la crainte du sida et les bouquets de chaînesde télé. Il a découvert la fascination pour lesnouveaux objets techno : Internet, cybercafés,ordinateurs, téléphones portables. Il joue des TICpour créer et entretenir son groupe comme sonidentité (chat, buzz, blog).

Ses attitudes et désirs sont tous empreints d’am-biguïté : ouvert au monde, il explore les restau-rants de cuisine internationale, mais met sur unpied d’égalité un hamburger et un poulet bas-quaise. Il aime voyager comme ses aînés de laRoute des Indes,mais désormais dans un certainconfort.

Il aspire instinctivement à vivre autrement queses parents, il souhaite affirmer sa complète indé-pendance, mais reste de plus en plus tard dans lecocon familial. Il rejette de plus en plus la vio-lence et l’injustice du monde,mais il est tenté parun hédonisme de vie prôné par la publicité.

Les points communs de ces tranches d’âge se situentdans la quête d’expériences constructives, dans leur désird’individualité et dans la recherche consumériste quela société dans laquelle ils ont grandi leur suggère.

Là se trouvent en effet toute la complexité et leparadoxe de notre époque: comment faire com-prendre les enjeux fondamentaux actuels à unepopulation qui est sans cesse encouragée à con-sommer? Comment s’adresser à ces jeunes quiont toujours connu, au moins à travers les médiaset leur proche environnement, l’opulence et leplaisir consumériste?

Une étude réalisée en 2000 par le PNUE etl’UNESCO, intitulée «Le futur t’appartient-il?»,a permis d’interroger 10000 personnes de24 pays. Elle révèle que les jeunes comprennentl’impact de l’utilisation et du traitement des biensde consommation sur l’environnement, qu’ilsconsidèrent comme des préoccupations majeuresl’environnement, les droits de l’homme et lasanté,mais sans pour autant faire le lien entre cesproblématiques et leurs propres comportements àl’achat.

Prolongée par une étude PNUE-McCann-Erickson l’année suivante, il a été confirmé que

le prix, la marque, la qualité et l’influence dugroupe atteignent tous des scores plus élevés quela «durabilité» dans le classement des conditionsimportantes de l’achat. Les jeunes, par ailleurs,attendent des collectivités et des entreprises uncomportement et des choix plus éthiques et res-pectueux de l’environnement.

Nous venons de voir que les jeunes constituentun mélange complexe de comportements et depulsions aussi divers et apparemment antagonistesque la révolte, l’idéalisation, le pragmatisme con-sumériste, la maturité, la naïveté, le besoin demodèles, de générosité, d’égocentrisme, et detribus. Il est donc fondamental de comprendreune première règle de bon sens : les jeunes nepensent pas comme les adultes. Bienvenue dansleur monde.

Les neuf clés

Une étude réalisée par l’Éconovateur et testée àtravers divers outils d’éducation au développe-ment durable, et même la presse (magazine Ekwo),a permis d’identifier les piliers fondamentaux desvaleurs de ces jeunes. Ils peuvent ainsi servir debase de conception pour des campagnes de ventede produits ou de services responsables (marketingvert) ou des campagnes citoyennes d’incitation àdes changements positifs de comportement(marketing social).

Le besoin de révolte

Chaque génération a vécu, durant la post-adolescence, cette phase de rébellion en quêted’idéal, nécessaire à la construction du futuradulte.Les jeunes ont un sens naturel de la justice:«La planète se meurt, il y a des injustices sociales,on ne peut pas laisser faire, il faut réagir, il y a biendes solutions!» Le refus de la fatalité se concrétise,quand on est jeune, dans une vision tournée versun monde idéalisé et généreux. Mais qui ditrévolte dit aussi refus de l’autorité. Un messagede sensibilisation à l’attention des jeunes (pré-vention routière, tabac, alcool) ne devrait jamaisdonner l’impression qu’il émane d’une quel-conque autorité, sous peine de voir son efficacitéamoindrie.

Comment sensibiliser les jeunes (15-25 ans) au développement durable?

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52 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

Le besoin d’implication

Une étude réalisée en Angleterre sur des enfantsde quatre et de cinq ans montre que les avertis-sements sur les dangers de la route restent ineffi-caces: ils continuent de traverser la rue seuls! Lesmessages d’alerte sur les méfaits du tabac sur lespaquets de cigarettes n’empêchent pas les gensde fumer… On n’arrive en fait guère à susciterdes changements durables d’attitudes, d’opinionsou de comportements en misant uniquement surdes campagnes de communication, aussi créativessoient-elles. Informer ne suffit pas. Le citoyen etle consommateur doivent être impliqués person-nellement et concrètement. Remarquons que lemanque d’implication est la lacune principale debeaucoup de campagnes de sensibilisation ac-tuelles, qui reposent trop sur des visuels etaccroches-chocs.

Le besoin de l’autre et du don de soi

Les dons spontanés lors de catastrophes huma-nitaires prouvent une vérité première, souventoubliée: tout être humain – et en particulier lesjeunes – a autant besoin de donner que de rece-voir. Le don de soi est le stade ultime du besoind’implication. On comprend mieux alors lescapacités étonnantes d’implication que le désirdu don de soi peut déployer chez les jeunes.Encore faut-il les comprendre et savoir les incitercorrectement. Autres temps, autres mœurs, cebesoin s’exprime différemment aujourd’hui : aurevoir la lutte des classes sociales, le syndicalisme,les lendemains qui chantent, la cause unique...Bonjour les actions multiples, spontanées, éphé-mères et ludiques, les progrès modestes mais réels,les réseaux informatiques, les manifestations ludi-ques, la gratuité… dont s’inspirent les meilleurescampagnes de sensibilisation à leur égard. Ens’impliquant sérieusement, les jeunes se rassurentsur leur engagement personnel, satisfont leurbesoin de communauté sociale, constatent l’im-pact de leur action et, surtout, changent durable-ment de comportement.

Le besoin de rêve

Le besoin de rêve est fondamental. Un individu,quel qu‘il soit, rêve d’abord une réalité qu’il jugeidéale et qui lui servira de moteur pour sa vie.Le rêve reste le meilleur moyen d’inciter un

jeune à se battre pour un avenir durable ou uncomportement responsable, qui souvent lui sontprésentés par un biais alarmiste, répressif et quasiforcé (campagnes de prévention routière baséesseulement sur des visuels spectaculaires). Unenature rêvée, sauvage, impulsive, secrète, peupléed’esprits à la fois bons et mauvais leur paraîtrabeaucoup plus attirante qu’une prairie de fleurset de papillons, car elle inspire une émotion enrésonance avec leur imaginaire et leur besoin dedéfi. Il s’agira donc de s’entourer des meilleursréalisateurs, scénaristes, graphistes… pour trans-crire artistiquement les concepts souvent absconsdu développement durable, et rendre attractif unnouveau comportement.

Le besoin de réalité

Un des grands problèmes des enjeux de sociétéest leur difficulté d’appréhension. Comment, eneffet, visualiser les effets terminaux du tabac oud’un cancer quand un jeune se sent en bonnesanté avec toute la vie devant lui ? Nous avonstous besoin de prendre clairement conscienced’un problème, de le rendre réel, avant de com-mencer à réagir. Pour ce faire, il faut créer desreprésentations ou symboliques visuelles fortesqui aident à mieux prendre conscience du pro-blème (montrer un jeune avant et après unedépendance, généraliser des systèmes publics devisualisation de la pollution atmosphérique pourconcrétiser le réchauffement climatique). L’obli-gation pour les appareils électroménagers demontrer leur consommation d’énergie est unebonne application officielle de ce besoin.Notonsun piège courant à éviter: expliquer une certaineréalité de façon trop rationnelle en abusant desarguments scientifiques: l’utilisation judicieuse del’émotion humaine (sans tomber cependant dansl’excès d’images uniquement chocs) renforceconsidérablement l’impact des argumentairesscientifiques.Les jeunes ont aussi besoin que l’oncomprenne leur réalité ; il faut donc parler leurlangage et utiliser leurs propres codes de commu-nication.

Le besoin de fuite

Antithèse apparente du besoin de don, la jeunesseest aussi fortement tentée de se contenter de vivresa vie sans trop se poser de questions, dans un

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53Modes de production et de consommation durables

contexte quotidien d’abondance, de confort etde propositions commerciales permanentes.Uneactualité média chargée (crises sociales, environ-nementales, insécurité, guerres…) décourage trèssouvent toute initiative positive. Les meilleuresfaçons de contrecarrer le besoin de fuite restentl’argumentation positive, la mise en scène d’unfutur désirable, le soutien moral, l’accompa-gnement au quotidien et la mise en place de loissociales normatives (suppression de la publicitépour le tabac…).

Le besoin de plaisir,de reconnaissance

Au-delà d’une tentation de fuir leurs responsa-bilités sur le monde, les jeunes sont aussi – et c’esttout à fait normal – des hédonistes qui s’ignorent;ils cherchent à croquer la vie, ils désirent devenirriches et célèbres le plus vite possible, et possédernotamment des objets à forte reconnaissancesociale (marques de voitures haut de gamme).Cebesoin est légitime dans la mesure où il aide lesjeunes à satisfaire leur désir d’expérience depouvoir et de reconnaissance, tout en participantà leur intégration dans la société, à condition qu’ilne constitue pas une finalité en soi.Les promesseshédonistes et pragmatiques ne sont donc pas ànégliger dans toute campagne de sensibilisation àleur égard. Les incitations positives aux change-ments de comportements doivent être aussi sexyet satisfaire leur ego en les valorisant.

Le besoin de transgression

Tout jeune a un besoin naturel de connaître seslimites, de flirter avec le danger, de partir à ladécouverte de lui-même en enfreignant certainesrègles sociales. La sensibilisation au développe-ment durable peut en tirer bénéfice:par exemple,les sports de glisse nature (surf,windsurf, snowboard)savent orienter positivement le goût des 18-30 anspour les conduites à risques: il s’agit de se mesurerà un élément naturel (neige, eau, air). La natureest perçue dans ces milieux comme un lieu deconfrontation positive avec des éléments sauvageset indomptés.

Le besoin de modèles, d’imitation

Corollaire du besoin de réalité, la jeunesse abesoin de jeunes prescripteurs et prescriptricessexy qui leur donnent envie d’adopter de nou-veaux comportements, en comprenant et enparlant leur langage, et en leur donnant unmodèle d’identification sociale qui les satisfasse.Par exemple: un chanteur engagé, un footballeurcharismatique, un animateur cordial, une jeunepersonnalité médiatique. Les jeunes sont égale-ment très sensibles au modèle adulte, même s’ilsl’expriment rarement de manière aussi ouverte.Le casting peut ainsi se diriger vers un adultemoins pétillant, mais qui a le respect des jeunes(aventurier, acteur, présentateur…).

Le développement durable,concrètement

Pour les jeunes, le développement durable estaujourd’hui une notion aussi abstraite que pournous tous.Les impliquer à participer à sa mise enœuvre passe nécessairement par une éducationconsumériste. Il faut faire passer le message, finale-ment contraire à tous ceux qu’ils reçoivent actuel-lement de la part des marques et des médias, quederrière un produit de plaisir, de distraction,d’insouciance se cachent des conséquences énor-mes en matière de coût environnemental et dephilosophie de vie. Mais il faut rester attractif etsavoir valoriser à leur égard des comportementset des réflexions positifs qui ne soient ni mora-lisateurs ni contraignants.

Pour ce faire, un imaginaire positif doit leur êtreinsufflé, à la mesure de leur soif de vivre. Lesentreprises y gagneront des consommateursmatures, et la société, des citoyens d’autant plusadultes que leur besoin de rébellion n’aura pasété étouffé ou dévoyé.

Sites Internet

www.uneptie.org/pc/youth_survey

www.tns-sofres.com/etudes/pol/231199_jeunes.htm

www.econovateur.com/rubriques/communiquer/ethddjeunes1103.shtml

www.youthxchange.net

Comment sensibiliser les jeunes (15-25 ans) au développement durable?

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54 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

Sensibiliser le citoyen-consommateur: l’exemple de la campagne «famille Durable»

Alain CHAUVEAU*

De nombreuses campagnes d’information sur lesgestes éco-citoyens se sont développées depuisquelques années, à l’instar du livret famille Durable,édité à un million d’exemplaires, chaque annéedepuis 2003, à l’occasion de la Semaine du dévelop-pement durable. Pourtant, au-delà de cette sensibi-lisation, comment inciter le citoyen-consommateur àvraiment mettre en pratique, à changer ses modes devie et de consommation de façon durable? De ce défi,dépend la façon dont vivront les générations futures...

En 2002, la Secrétaire d’État au développementdurable, Tokia Saïfi1, annonçait la création d’un évé-nement annuel pour sensibiliser les Français : « LaSemaine du développement durable, que j’ai initiée,a pour objectif d’expliquer le développement durableen termes simples et concrets. Le développementdurable se conjugue dans nos actes quotidiens, àtravers nos activités professionnelles, de loisirs, au seinde notre foyer... La Semaine mettra ainsi sous lesprojecteurs des bonnes pratiques initiées par lesdifférents acteurs, que l’action soit d’envergurenationale ou locale.»

En pratique, lors de la Semaine nationale du déve-loppement durable, début juin, de nombreuses ac-tions lancées par des ONG, des collectivités locales, desentreprises sont labellisées par le Ministère : l’idéemajeure est de montrer que les gestes quotidiens ontdes impacts sur des phénomènes globaux (change-ment climatique, pauvreté dans le monde, épuise-ment des ressources naturelles, etc.).

Diffuser un guide des pratiques écocitoyennes per-mettait donc de répondre aux objectifs du Secrétariatd’État au développement durable pour cette semaineet de partager sa démarche de développement dura-ble avec le grand public.

L’originalité du guide famille Durable

Avant le 2 juin 2003, au début de la première Semainedu développement durable, quelques guides degestes écocitoyens avaient déjà été publiés en France.Mais ils étaient, pour la plupart, conçus sur un schéma« classique », c’est-à-dire par entrées thématiques :économies d’énergie, transports, eau, tri des déchets,etc.

Avec la création de la « famille Durable2 », pour lapremière fois, un guide se basait sur la vie quoti-dienne d’une famille française type pour informer legrand public de façon pédagogique – et aussi pra-tique – afin de répondre à la question: «Qu’est-ce queje peux faire, moi ? ». À travers la vie quotidienned’une famille de quatre personnes (le père, la mèreet les deux enfants), les « Durable », on pouvaitmontrer comment mettre en pratique le dévelop-pement durable, à travers son mode de vie et seschoix de consommation.

* Alain CHAUVEAU est journaliste, auteur, conféren-cier, formateur et consultant spécialisé du dévelop-pement durable et de la responsabilité sociale desentreprises. Il a été Coordinateur du premier livre surla responsabilité sociale d’entreprise, le développementdurable et l’éthique, Les pionniers de l’entrepriseresponsable, publié aux Éditions d’Organisation en2001 et coauteur d’un essai sur les mêmes thèmes,paru en février 2003, L’entreprise responsable, qui areçu le premier prix Cidem du livre «Entreprise etdéveloppement durable». Courriel: [email protected]

1. Aujourd’hui députée européenne. 2. Marque déposée.

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55Modes de production et de consommation durables

Sensibiliser le citoyen-consommateur: l’exemple de la campagne «famille Durable»

normal que la famille Durable parte en vacances. EnFrance, à l’étranger, à la plage, en balade, à l’hôtel oudans la location… Alain, Sophie et leurs deux enfants,Amélie et Jules, ont donc conseillé les lecteurs pourqu’ils deviennent des vacanciers responsables qui necontribuent pas à dégrader la beauté des sites, ou àperturber les équilibres naturels.

Pour le troisième livret en 2005, en suivant les bonsconseils de la famille Durable, les familles françaisesont pu commencer à mettre en pratique les gestes quiaident à préserver la planète… sans diminuer leurconfort à la maison. Nous passons, en effet, enmoyenne 14 heures par jour au sein de notre habi-tation, entre-temps libres et sommeil. Pendant cetemps, nous consommons de l’eau, de l’électricité, duchauffage… Souvent, sans nous en rendre compte,nous les gaspillons.

Pendant cette troisième Semaine du développementdurable (du 30 mai au 5 juin 2005), Carrefour,partenaire-distributeur de la famille Durable, a éga-lement proposé sur son site Internet (www.carrefour.fr), le jeu de la famille Durable : en répon-dant à une douzaine de questions sur les impacts denos gestes quotidiens, dont les réponses se trouventdans le livret famille Durable ou sur le site deCarrefour, les internautes ont pu gagner un séjour dedécouverte de la faune et de la flore, en France, pourquatre personnes, et 50 livres Planète Attitude.

Passer du savoir au faire

La sensibilisation au développement durableaugmente d’année en année. Aujourd’hui, de nom-breuses initiatives, comme les livrets famille Durable,relaient ce type de conseils écocitoyens, dont certainesont des moyens de diffusion très importants (voirl’encadré sur le Défi pour la Terre); chaque éditeur –ou presque – a désormais publié « son» livre sur cesujet. Par exemple, le livre co-édité par le WWF Franceet Le Seuil, Planète Attitude, a connu un grand succès,avec plus de 50000 exemplaires vendus. Enfin, lapresse reprend de plus en plus souvent, dans sesarticles et dossiers sur le développement durable,quelques gestes quotidiens.

Malgré toute cette communication, on peut resterdubitatif sur la réelle mise en pratique par le citoyen-consommateur. Il suffit de s’auto-observer pourconstater qu’il ne suffit pas de «savoir pour faire»!

Changer ses habitudes, ses modes de vie, est cer-tainement une des choses les plus compliquées àmettre en place. Il est clair que le faire au niveauindividuel – voire au niveau de la cellule familiale –reste «héroïque», sauf pour quelques personnes trèsmotivées, très engagées, comme l’expliquent les

Cette personnalisation permet une approche à la foisplus concrète et plus conviviale : chacun peut seretrouver dans les gestes quotidiens de la familleDurable. En suivant les Durable, Alain, Sophie et leursdeux enfants, Amélie et Jules, à la maison dans lesdifférents lieux de vie (salle de bains, cuisine,chambres, etc.), à différents moments de la journée(du matin jusqu’au soir), mais aussi sur leur lieu detravail et pendant leurs week-ends ou leurs vacances,on aborde également, mais de façon ludique etconcrète, tous les grands thèmes du développementdurable: l’énergie, l’eau, les transports, les déchets…On découvre les bons gestes pour protéger la planète,mais aussi les enjeux du développement durable. Lafamille Durable prêche par l’exemple : elle conseilleses lecteurs pour qu’ils deviennent, à leur tour, descitoyens-consommateurs responsables.

Enfin, pour chacun de ces gestes écocitoyens de lafamille Durable, le livret donne une information surun enjeu du développement durable liée à ce geste etfournit un chiffre-clé sur le développement durable.

Un modèle économique entièrement privé

La seconde originalité du guide famille Durable est sonmodèle économique et son mode de distribution.Cette dernière est gratuite, pendant la Semainenationale du développement durable, grâce au parte-nariat des 216 hypermarchés Carrefour qui en pro-posent un million d’exemplaires, financés grâce à despartenaires privés : les deux premières années, leprincipal partenaire a été l’AFISE (Association desIndustries des Savons et des Détergents), remplacée en2005 par Ariel Actif à Froid (groupe Procter & Gamble).Les autres partenaires ont été La Poste en 2003, KraftFrance en 2004 et en 2005, Tetra Pak en 2005…

Ces partenariats ont également permis de créer unsite (www.familledurable.com) reprenant les élémentsdu guide, avec des animations, pour prolongerl’opération.

Par ailleurs, ce guide a obtenu le parrainage duministère de l’Écologie et du Développement dura-ble; il fait partie des projets ayant reçu le label officiel« Semaine du développement durable ». Il a égale-ment été parrainé par le PNUE (Programme desNations Unies pour l’Environnement) en 2003-2004 etpar le WWF France en 2003.

Les livrets 2004 et 2005: la famille Durable en vacances et à la maison

Pour le deuxième guide, édité à l’occasion de laSemaine du développement durable de 2004 – re-poussée à la fin de juin pour cause d’élections –, justeavant les premiers grands départs de l’été, il était

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56 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

sociologues belges Catherine Rousseau et ChristianBontinckx du CRIOC (Centre de recherche et d’infor-mation des organisations de consommateurs) dansl’étude intitulée Logiques d’attitudes et de comporte-ments face aux écoproduits : « L’importance du liensocial est un autre élément à ne pas négliger poursoutenir le changement. La plupart des consom-mateurs s’identifient à un groupe et consommentcomme les autres personnes qui constituent cegroupe. Il est peu vraisemblable qu’une personneisolée change de comportement après la lecture d’unebrochure ou la vue d’une affiche. Par contre, legroupe est perçu comme un moteur de changementet parfois, à l’inverse, comme un facteur d’inertie,lorsque par exemple quelqu’un justifie son absenced’action par le fait qu’il n’a pas envie de se démarquerdu groupe: “je ne trie pas mes déchets, car dans marue personne ne le fait”.»

Les clés du succès de la mise en pratique

Global Action Plan est une ONG environnementalebritannique, créée en 1993, qui s’est spécialisée sur lesgestes écocitoyens. Son approche est basée sur lacréation d’Eco teams, des groupes de six à huit foyersou familles qui acceptent pendant quatre mois desurveiller leurs habitudes de consommation d’énergie,d’eau, de tri des déchets, etc.

Ces groupes sont basés sur des principes simples :

• Personne ne peut tout faire, mais nous pouvonstous faire quelque chose;

• La « mise en pratique » des bons gestes est par-tagée par le groupe, ce qui permet à chacund’échanger ses expériences et ses idées, d’encou-rager les autres ;

• Changer ses modes de vie et de consommation estun processus qui doit se faire pas à pas, par depetits ajustements… qui deviendront de bonneshabitudes;

• En mesurant ses consommations d’électricité, degaz, d’eau, d’essence, on peut calculer ses éco-nomies pendant la mise en place du programme,ce qui est un facteur important de motivation.

Il y a, dans cette approche, quelques éléments-clés dusuccès d’une mise en pratique réelle et durable,comme l’effet groupe ou la mesure concrète de sesaméliorations. Il n’y manque peut-être qu’un volet quiserait plutôt du ressort des pouvoirs publics : l’emploide «la carotte et le bâton», c’est-à-dire fixer préala-blement des objectifs, puis récompenser les «bons»comportements et pénaliser les «mauvais».

En effet, dans l’étude déjà citée de CatherineRousseau et de Christian Bontinckx, on peut lire, parexemple, que « les participants ont exprimé desbesoins de récompense et de valorisation des bons

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57Modes de production et de consommation durables

Sensibiliser le citoyen-consommateur: l’exemple de la campagne «famille Durable»

comportements et ont émis des propositions origi-nales, comme la possibilité d’obtenir une réductionsur les taxes “eau” et “déchets” lorsqu’ils peuventapporter la preuve de comportements respectueux del’environnement, ou de bénéficier d’une réduction surle montant de leurs achats s’ils n’utilisent pas les sacsjetables fournis aux caisses des magasins.»

Ainsi, en Grande-Bretagne, l’administration Blairréfléchit à des quotas de CO2 personnels: les résidantsbritanniques pourraient se voir doter d’une carte de« crédit personnel de carbone », l’équivalent d’un«permis à points» de droits d’émission de gaz à effetde serre.

Le principe des domestic tradable quotas – ou quotasdomestiques négociables – consisterait à attribuer àchacun un plafond individuel, matérialisé par unecarte de paiement, valable un an et fractionnée enunités carbone. Cette carte serait « débitée » enfonction des achats et des consommations d’énergiescontribuant à l’effet de serre : plein de carburant,facture d’électricité ou de gaz, billets d’avion, etc.

Ce système, très séduisant intellectuellement, poseévidemment de nombreux problèmes sur sa faisabilité(c’est une véritable «usine à gaz» à mettre en place),sur ses aspects éthiques (le projet a nettement un côté«Big brother is watching you»). Pourtant, c’est peut-être le seul moyen, en décalquant au niveau indi-viduel le marché des crédits d’émission mis en placeen Europe pour les entreprises, dans le cadre duProtocole de Kyoto, de permettre au citoyen-consommateur de se responsabiliser : on pourrait eneffet imaginer l’obligation de compenser ses dépas-sements de quotas (en finançant par exemple des« puits de carbone ») et au contraire des bonus –pourquoi pas sous la forme de crédits d’impôt? – pourceux qui auront réussi à ne pas dépasser leur quota.

Manifestement, l’opinion publique des pays européensou occidentaux est désormais consciente de l’urgencedes problèmes environnementaux que nous allonsavoir à affronter et de la responsabilité de chacun dansla dégradation de la planète. Il y a un moment (lefameux kairos grec, le dieu de l’occasion opportune,du right time) où le citoyen-consommateur est prêt àaccepter un sacrifice personnel pour un bien commun:on l’a vu récemment encore en France, avec l’inter-diction de fumer dans les lieux publics liée à uneaugmentation très importante des taxes sur le tabac,ou encore la politique de répression de la vitesse surla route avec la mise en place de milliers de radarsfixes. Selon les sociologues, il y aurait déjà 25% de lapopulation occidentale qui pourrait être rangée dansla catégorie «alterconsommateurs», c’est-à-dire desconsommateurs qui souhaitent faire passer leursvaleurs éthiques, environnementales et sociales dansleurs modes de consommation…

En attendant que le « politique » en tire les conclu-sions, il revient à l’initiative privée, à la fameusesociété civile, de préparer le terrain: ainsi, 255000 per-sonnes se sont déjà engagées dans le Défi pour laTerre, ce qui correspond à une économie «théorique»de 140000 tonnes de CO2. De son côté, à Bruxelles, larégion de Bruxelles-Capitale a lancé un défi de taille à250 ménages bruxellois: changer leurs comportementsquotidiens pendant six mois, avec pour objectif d’éco-nomiser une tonne de CO2 par ménage... Enfin, lafamille Durable proposera, quant à elle, pour laquatrième Semaine du développement durable (audébut de juin 2006), à travers son site Internet, decréer des groupes de familles Durable – par exemple,au niveau d’un immeuble – pour mettre en pratiqueses conseils écocitoyens avec un système de mesureconcrète des économies, basé sur la comptabilisationdes factures d’électricité, de gaz, d’eau, etc.

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Philippe SCHIESSER

Philippe SCHIESSER est un expert etun formateur reconnu sur les ques-tions d’éco-conception et d’achatsresponsables. Il a créé en 1999 leBureau d’études écoeff. Il accom-pagne de nombreuses collectivitésen France, intervient régulièrementpour des ministères ou des agencesgouvernementales et travaille de-puis plusieurs années sur les outilsde formation pour les acheteurs duPNUE. Il a formé plus de 500 ache-teurs à l’achat éco-responsable enFrance. Philippe Schiesser est parailleurs Président de l’APEDEC (As-sociation Professionnelle d’Expertspour le Développement de l’Éco-conception) depuis 2001, membre àce titre du Comité d’OrientationStratégique de l’AFNOR et membredu jury Éco-produit du ministère del’Écologie et du Développementdurable. Enfin, il est le coauteur del’ouvrage Éco-concevoir aux édi-tions Economica et a participé à larédaction d’«achats et développe-ment durable» du Comité 21 publiéaux éditions AFNOR.

58 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

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Quid du développement durable dans les achats publics? À enten-dre certains juristes, point de salut en intégrant des caractéristiquesenvironnementales ou sociales, qui viendraient polluer le principeessentiel de la commande publique : «acheter pour répondre àdes besoins »… et non point faire de la politique. De récentesévolutions très positives se dessinent pourtant, même en termesde jurisprudence… Peut-on d’ailleurs totalement exclure le déve-loppement durable de la commande publique et trouver unecohérence à l’action publique?

Les ouvertures juridiques pour le développementdurable

L’achat public en France serait-il à l’aube d’une révolution sans précédent?

Si les nombreuses et récentes réformes du Code des marchés publics (CMP)visent à en faire un outil plus efficace de réponse aux besoins (en termes detravaux, de fournitures et de services) de l’État, des administrations décentra-lisées, des collectivités locales et territoriales et d’autres organismes soumis auCode (soit plus de 15% du PIB), le développement durable trouve graduelle-ment une déclinaison de plus en plus forte dans les textes et ajouts tantministériels que parlementaires successifs.

Ce même code donne également un périmètre intéressant à analyser à la notionmême de développement durable.Voici les domaines (tableau ci-dessous) quel’on peut retrouver dans le Code et leur évolution respective (en termes dedynamique) dans les codes successifs (2001, 2004 et 20061).

Environnement ++

Lutte contre le chômage +

Insertion professionnelle ++

Handicapés – CAT et ateliers protégés ++

Éthique – travail des enfants ?

SCOP, groupement de producteurs agricoles, artisan, société coopérative d’artisans, société coopérative d’artistes («préférence à égalité de prix ou équivalence d’offres») +

PME («part d’exécution du contrat que le candidat s’engage à confier à des PME ou à des artisans») ?

1. Projet disponible en septembre 2005, sujet à modifications par définition.

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59Modes de production et de consommation durables

Les achats publics responsables : de la politique dans le caddie des politiques?

L’environnement prend une place prépondéranteet de plus en plus affirmée pour le législateur etles autorités chargées du contrôle des marchéspublics. Cette consécration est marquée égale-ment par la publication récente d’un guide offi-ciel dédié spécifiquement à cette dimension dudéveloppement durable et qui reprend les prin-cipales possibilités offertes par le Code2.

L’approche environnementale se trouve encorerenforcée par l’adoption de la Stratégie Nationalede Développement Durable qui fixe plusieursobjectifs à atteindre pour les services de l’État,tout comme la publication de la circulaire minis-térielle sur les forêts3 ; dont un des objectifs, nondes moindres, est d’atteindre 100% de bois éco-certifié dans la commande publique.

À partir du rapport (en date du 3 juin 2003) duConseil National du Développement Durable(CNDD), le Comité Interministériel pour leDéveloppement Durable (CIDD) affiche pourl’État les objectifs suivants à atteindre à moyenterme:

– intégrer les critères de développement durabledans les marchés publics ;

– encourager le commerce équitable et letourisme durable (volet international) ;

– diminuer les émissions de gaz carbonique de10% d’ici à 2008 pour la fonction «transport»des administrations et dans les bâtimentspublics ;

– réaliser 20% d’économie d’eau, réduire de10% les consommations énergétiques, aug-menter le taux de recyclage des papiers blancsde 60% d’ici 2008;

– renouveler 20% des flottes sous forme devéhicules propres (véhicules d’intervention

2. Groupe Permanent d’Étude des Marchés «Dévelop-pement Durable, Environnement» (GPEM/DDEN)placé auprès du Ministère de l’Économie, des Financeset de l’Industrie. Guide de l’achat public éco-responsable, approuvé par la Commission techniquedes marchés le 9 décembre 2004.

3. Groupe Permanent d’Étude des Marchés «Dévelop-pement Durable, Environnement» (GPEM/DDEN)placé auprès du Ministère de l’Économie, des Financeset de l’Industrie, Notice d’information sur les outils per-mettant de promouvoir la gestion durable des forts dans lesmarchés publics de bois et produits dérivés, approuvée parla Commission technique des marchés le 31 mars2005.

exclus) dont, si possible, 5% de véhicules élec-triques dès 2004;

– mettre en place au moins un plan de déplace-ment pour au moins un établissement admi-nistratif par an et par département à partir de2004;

– pour 2005, 20% des nouvelles constructionsde l’État devront répondre à la démarchehaute qualité environnementale (HQE) ou aulabel haute performance énergétique, et 50%à compter de 2008.

Des futurs guides officiels devraient compléterles périmètres concernant le papier, le bois, lesmatériaux, l’efficacité et même, en 2006, ledomaine du social et de l’insertion par l’activitééconomique.

Le législateur a d’ailleurs confirmé très récem-ment la légitimité qu’il leur reconnaissait en lesdotant des mêmes ouvertures juridiques que ledomaine environnemental4.Cela sera-il suffisant?Certains services de l’État et certains juristesrestent plus que réservés par rapport à l’usage dela « clause sociale ». Pourtant, certaines grandesagglomérations françaises, comme Strasbourg ouGrenoble, se sont déjà lancées dans l’expérimen-tation de ces clauses, notamment dans un secteuréconomique très tendu qu’est le BTP.

Ayant notamment mobilisé les acteurs économi-ques, la Métro de Grenoble a également intégrédirectement dans ses cahiers des charges des con-ditions d’exécution visant le recrutement depersonnes en situation d’insertion pour qu’ilspuissent bénéficier de vrais emplois.

Poursuivant sans doute le même objectif decontenu en emplois plus riches de la commandepublique, le législateur s’apprête, à l’image du«Small Business Act» des États-Unis, à permettreégalement d’accorder un droit de préférence auxPME5 (une mesure déjà possible pour les SCOPet les artisans).

Plusieurs dispositions nouvelles (tant dans ledomaine du contrôle des entreprises du respectde l’emploi de travailleurs handicapés que de

4. Loi Borloo de cohésion sociale du 18 janvier 2005 –article 58 – modifiant l’article 53 du Code desmarchés publics.

5. Hypothèse présente dans le projet de nouveau code,mais contestée – à valider avec le texte final en 2006.

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60 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE No 69

questions de préférences locales, régionales,nationales, européennes… dont certaines ontquelques relents de politique d’exclusion.

Exemple d’un réseau régionalfrançais

L’ARENE Île-de-France (l’Agence régionale del’environnement et des nouvelles énergies) alancé il y a près de seize mois une opération demobilisation d’une centaine d’acteurs locauxd’Île-de-France sur le sujet des achats respon-sables.Au final, plus d’une dizaine de collectivitésou de structures intercommunales ont été assezintéressées pour être directement impliquées dansle travail.

Le but initial de l’opération était que chaque par-ticipant aboutisse à la rédaction d’un marché-pilote intégrant une démarche de développementdurable, répondant aux enjeux régionaux«achats» définis lors d’une première réunion.

Les enjeux régionaux définis par le groupe detravail «achats responsables» de l’ARENE sont :

1. Énergie (fluides) ;

2. Transports, logistique, emballages, gaz à effetde serre (GES);

3. Déchets ;

4. Eau;

5. Ressources naturelles et biodiversité ;

6. Toxiques, pollutions, santé et sécurité ;

7. Alimentation;

8. Droits sociaux;

9. Emplois.

Chaque collectivité a désigné par la suite unepersonne chargée du suivi de l’opération et desmarchés cibles.

Les autres objectifs étaient également de créerune émulation parmi les collectivités présentespour le déploiement d’une politique d’achats res-ponsables plus globale, par le biais d’un soutientechnique et méthodologique, et de diffuser del’information exploitable par différentes direc-tions au sein de la collectivité (juridique, normeset labels, insertion, papier, véhicules propres…).

l’accès plus facile à la commande publique desCAT ou des ateliers protégés) ont également vule jour récemment6.

Sans jamais restreindre par définition les critèrespossibles pour le choix des offres (qui restent àl’appréciation de l’acheteur public, mais doiventdans tous les cas «être liés à l’objet du marché»),les notions d’achat éthique et d’achat équitablerestent quant à elles totalement absentes destextes. Mentionnée dans l’instruction d’appli-cation de 2001, la notion d’achat éthique atrouvé une déclinaison quelques années plus tarddans la Loi Le Texier7 qui avait modifié le Codede l’Éducation.

Au-delà des aspects thématiques présentés ci-dessus, il fut même un temps où le dévelop-pement durable fut, dans le projet de code 2004,mentionné dans l’article premier pour être unpeu vite biffé en dernière lecture ministérielle.La demande politique, s’exprimant dans les be-soins de l’acheteur, ne peut évidemment plusfaire l’impasse sur les questions de développe-ment durable tout en évitant les bonnes idées dedépart ou en habillant de «durable» des questionsplus « localisables » telles que, notamment, les

6. Article 54 du Code des marchés publics modifié par ledécret du 26 novembre 2004 (article L. 323-1 du Codedu Travail).

7. No 99-478 du 9 juin 1999 visant à inciter au respectdes droits de l’enfant dans le monde, notamment lorsde l’achat des fournitures scolaires (JO du 10 juin1999).

Formation écoeff réalisée pour le compte du réseau de Rhône-Alpes pour unecommande publique responsable, à la Mairie de Romans (© écoeff, 2004).

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61Modes de production et de consommation durables

Les achats publics responsables : de la politique dans le caddie des politiques?

L’accompagnement, mené par écoeff, a été bâtisur un double suivi :

• Par quatre ateliers collectifs qui permettaientd’aborder au sein d’un groupe élargi et multi-acteurs (avec deux ou trois personnes dechaque entité présente dans le groupe de tra-vail) diverses thématiques-clés de compréhen-sion du sujet (les enjeux, les aspects juridiques,normatifs, techniques et méthodologiques) etégalement d’avoir des temps d’échanges entrecollectivités (certaines collectivités ont pour-suivi depuis ces échanges sur des thématiquestechniques). Ces ateliers collectifs ont égale-ment été l’occasion de présenter deux étudesréalisées spécifiquement pour le réseau:

– une étude sur le papier recyclé ;

– une étude sur les véhicules propres.

• Par deux réunions de suivi individuelles pourchaque entité qui permettaient de rencontrerles différents acheteurs ou techniciens encharge de la mise en œuvre effective des achatsresponsables, d’orienter leur réflexion vers telou tel aspect à prendre en compte, derépondre à leurs attentes en termes detechnique (critères à prendre en compte,déclinaison dans les marchés…).

Cet appui a notamment été précieux pour laphase de préparation des marchés, phase quijusqu’à présent, dans la plupart des collectivités,n’intégrait pas les questions de développementdurable.

Cet accompagnement a également permis uneremontée d’information importante puisquepratiquement toutes les entités présentes ontrédigé une, voire deux fiches sur un marché jugécible en termes de développement durable.

Au-delà des fiches d’expérience (prochainementpubliées par l’ARENE), 33 marchés ont ététouchés par l’opération, essentiellement dans lesdeux catégories traitées en priorité, à savoir lepapier et les véhicules propres mais égalementdans le domaine des enjeux « toxiques», à savoirles phytosanitaires, les produits d’entretien et lespeintures, et des enjeux « travaux», tant dans ledomaine environnemental que social.

Quelques autres acteurs français œuvrant dans le domaineActeur Action

Ville de Lille Passation d’un marché d’éclairage public ; 40 % d’économie d’énergie.

Ville de Rennes Marché des phytosanitaires intégrant des caractéristiques environnementales.

ADEME Aquitaine Formations de plusieurs dizaines d’acheteurs.

Ministère de l’Éducation Nationale Passation d’un marché incluant un lot avec du papier recyclé.

Comité 21 Publication de l’ouvrage Achats et développement durable aux éditions AFNOR.

Groupe régional Nord-Pas-de-Calais Publication d’un guide de la commande publique éthique, expérience de Dunkerque.

Ville de Lyon Publication d’un guide sur l’achat de bois écocertifié, pratiques en découlant.

Conseil Général des Hauts de Seine Publication d’un guide sur l’achat éco-responsable, groupe de travail réunissant plusieurs communes et les services du contrôle de légalité.

Réseau Rhône-Alpes Rédaction de fiches d’expériences, formation de 80 acheteurs de collectivités locales et territoriales.

Formation écoeff réalisée pour le compte du réseau de Rhône-Alpes.

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FORMAT DU SÉMINAIRE

Conférences, présentations d’expériences, tablesrondes, ateliers thématiques, plénières pour restitu-tion des résultats et discussions autour d’un pro-gramme d’action pour les années à venir.

PARTICIPANTS

• Représentants gouvernementaux (ministères del’Environnement, ministères du Commerce et del’Industrie, etc.),

• Représentants des collectivités locales, • Représentants du secteur privé (entreprises et

organisations patronales), • Représentants du milieu syndical,• Représentants des institutions internationales de

normalisation,• Organisations de consommateurs,• Chercheurs, • ONG concernées

OBJECTIFS GÉNÉRAUX

• Promouvoir la Responsabilité sociétale dans lesStratégies nationales de développement durable(SNDD) des pays francophones;

• Favoriser la concertation des parties prenantes :institutions étatiques, société civile, entreprises,syndicats…;

• Regrouper les compétences (représentants gou-vernementaux, chercheurs, chefs d’entreprises,syndicalistes, ONG…) au sein d’un mécanismed’échanges (Réseau d’experts, Groupe ad hoc…);

• Élaborer un programme d’action sur le sujet (infor-mation en ligne, sessions de formation, partici-pation aux débats nationaux, régionaux et inter-nationaux, jumelages…).

OBJECTIFS SPÉCIFIQUES

• Faciliter l’accès des pays francophones en déve-loppement au processus de négociation de l’ISO26000 sur la RS (voir aussi le plan d’action de l’ISOpour les pays en développement – DEVCO);

• Promouvoir la création de comités miroirs dans lesdifférents pays membres de la Francophonie;

• Faire valoir, dans le cadre de cette négociation, despoints de vue conformes aux visions développéespar la Francophonie (importance des institutions

multilatérales, importance de la diversité culturelleen tant que pilier du développement durable, priseen compte des spécificités des pays en dévelop-pement, etc.).

PROGRAMME

MARDI 13 DÉCEMBRE 2005

Session 1. Responsabilité sociétale : définition,historique, processus…

• Stratégies nationales de développement durable –SNDD et Responsabilité sociétale: définition et lien

• Les processus liés aux modes de production et deconsommation (Marrakech et Costa Rica)

• Pacte Mondial : expériences africaines

• Mesure de la responsabilité sociale et environne-mentale de l’entreprise : initiative du GlobalReporting

• Processus d’élaboration de la GRI et perspectives

• Échanges

• Les mécanismes de négociation des normes etsignification du consensus

• Rapport des travaux ISO à Bangkok (septembre2005)

• Table ronde sur «Point de vue des acteurs: Gouver-nements, Entreprises, Organisations syndicales,ONG, Collectivités locales, organisations deconsommateurs et organisations de recherche surles enjeux de ISO 26000»

• Avantages et limites des mécanismes volontairesdans le domaine de la RSE

• Enjeux « Développement durable, Entreprise etResponsabilité sociale » : point de vue d’unchercheur

• Échanges

SÉMINAIRE INTERNATIONAL

«NORMALISATION ET RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE POUR LE DÉVELOPPEMENTDURABLE DANS L’ESPACE FRANCOPHONE»

Marrakech, Maroc, du 13 au 15 décembre 2005

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MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2005

Session 2. Normalisation et Responsabilité sociétale:Instruments internationaux et expériences nationales

• Fonctionnement des organismes de normalisationet différences avec les négociations multilatérales

• Les outils de mise en oeuvre de la RS dans les paysfrancophones: Lois, Normes, Outils de diagnostic,Outils de notation, Outils d’aide à la décision exante, Agenda 21, Outils d’aide à la communication(AA1000, GR1), Outils d’audit (SA8000)

• Élaboration d’outils de notation

• Échanges

La problématique de la normalisation dans les paysen développement :

• Les accords de partenariat économique des paysACP avec l’Union Européenne

• Cas du Sénégal

• Cas de la Tunisie

• Cas du Maroc

• Échanges

Session 3. Tables rondes parallèles : 1) Rôle des entreprises, 2) Rôle des collectivités

Table ronde 1. Rôle des entreprises

• La RSE et l’application de la Loi «Nouvelles régula-tions économiques – NRE»

• Expérimentation de la Norme SD 21000

• Mise en œuvre d’un Agenda 21 local et lien avecles PME

• Point de vue d’une organisation syndicale

• Accords sociaux, syndicats et entreprises

• Échanges

Table ronde 2. Rôle des collectivités

• Développement d’un outil d’aide à la décision ex ante

• Mise en œuvre d’une Stratégie nationale dedéveloppement durable – SNDD

• Point de vue des ONG

• Échanges

Restitution des tables rondes

• Table ronde «Entreprises»

• Table ronde «Collectivités»

• Échanges

JEUDI 15 DÉCEMBRE 2005

Session 4. Ateliers parallèles sur les enjeux de la normalisation dans les filières

Atelier 1 : Les enjeux de la normalisation dans le sec-teur textile

Atelier 2 : Les enjeux de la normalisation dans lessecteurs agricole et forestier

Atelier 3 : Les enjeux concernant le commerce équi-table / équité du commerce

Restitution des travaux en ateliers

Atelier 1 : Les enjeux de la normalisation dans le sec-teur textile

Atelier 2 : Les enjeux de la normalisation dans les sec-teurs agricole et forestier

Atelier 3 : Les enjeux concernant le commerce équi-table / équité du commerce

Échanges sur les ateliers

Session 5. Le renforcement de capacités dans les paysen développement de l’espace francophone et la miseen réseau des experts

• Échanges et débat ouvert

Session 6. Cadre d’action concerté

• Présentation du portail francophone MEDIATERREet des Outils de travail collaboratif sur Internet

• Présentation du Cadre d’action concerté etPrésentation du Rapport général du séminaire

• Échanges

Cérémonie de clôture

LIEU DE TENUE DU SÉMINAIRE

Hôtel ATLAS MÉDINAAvenue Hassan 1er, Hivernage, 40000 Marrakech, MAROC Courriel : [email protected] Web: http://www.hotelsatlas.comTél. : (212) 44 33 99 99Fax: (212) 44 42 00 05

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INSTITUT DE L’ÉNERGIE ET DE L’ENVIRONNEMENT DE LA FRANCOPHONIE (IEPF)56, RUE SAINT-PIERRE, 3e ÉTAGE, QUÉBEC (QUÉBEC) G1K 4A1 CANADA

L’IEPF est un organe subsidiaire de l’Agence intergouvernementale de la Francophonieopérateur principal de l’Organisation internationale de la Francophonie.

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