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Pour la pratique
Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2007 - Vol. 1 - N°3
59
Correspondance :
Agnès Hartemann-HeurtierService de diabétologie-métabolismeGroupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière47-83, bd de l’Hôpital75651 Paris cedex [email protected]
S elon les dernières recommanda-
tions pour le traitement du dia-
bétique de type 2, l’insuline doit
être introduite lorsque le taux d’HbA1c
dépasse 7 %, après six mois de traite-
ment par metformine et insulino-sécré-
teurs à la dose optimale. Mais à cette
étape de la décision thérapeutique, s’of-
fre aussi la possibilité d’introduire une tri-
thérapie en associant une glitazone à la
place de l’insuline. Comment choisir ?
Insuline ou trithérapie ?
Une étude chez des patients de type 2
mal équilibrés sous bithérapie (sulfami-
des hypoglycémiants + metformine) a
comparé le rajout d’une glitazone (rosi-
glitazone) à l’introduction de l’analogue
lent de l’insuline, glargine, au coucher.
Cette étude a montré que l’efficacité
de ces deux modalités thérapeutiques
était comparable : l’HbA1c moyenne
est identique dans les deux groupes
et 50 % des patients sont parvenus à
obtenir une HbA1c inférieure à 7 % [1].
Alors comment choisir entre trithérapie
ou insuline ?
Lorsque le patient présente des contre-
indications à un traitement par glitazone
ou bien lorsqu’il refuse catégorique-
ment l’insuline, le choix est relativement
simple. Sinon, il faut envisager avec le
patient les avantages et les inconvénients
de chacun de ces traitements. L’insuline
au coucher a des effets secondaires pré-
visibles et peu délétères (hypoglycémies,
prise de poids prévisible et atteignant
un plateau). Si elle est insuffisamment
efficace, on pourra passer à un schéma
à multi-injections. Son seul inconvé-
nient, finalement, est l’obligation pour
le patient de « se piquer ». Par contre,
pour les glitazones, les choses sont
moins simples. Les avantages sont leur
simplicité d’administration (un comprimé
à la place d’une injection) et une réponse
hypoglycémiante parfois spectaculaire et
durable. Mais les inconvénients sont une
réponse imprévisible (jusqu’à 30 % de
« non-répondeurs »), une prise de poids
parfois massive et ininterrompue dans
le temps, le risque de rétention hydro-
sodée (chez 5 à 30 % des patients), et
en cas de réponse insuffisante en terme
d’HbA1c, la nécessité d’introduire une
insulinothérapie, aggravant le risque
d’œdème des membres inférieurs et de
prise de poids.
On peut donc essayer une glitazone
en l’absence de contre-indication à la
trithérapie, mais il faut revoir le patient
rapidement pour en évaluer l’efficacité
et la tolérance, et renforcer la prise en
charge diététique.
L’insuline dans le diabète de type 2 : ce qu’il ne faut pas faire !
L’insulinothérapie dans le diabète de
type 2 ne vise pas à reproduire, comme
dans le diabète de type 1, l’insulinosécré-
tion physiologique. Elle a un objectif très
différent : freiner la production hépatique
de glucose en fin de nuit et, si nécessaire,
en période postprandiale. Pour cela, il
est souvent nécessaire d’avoir recours à
des doses massives d’insuline. En effet,
le tissu adipeux est beaucoup plus sen-
sible à l’insuline que le tissu hépatique.
En utilisant des doses trop faibles d’in-
suline, on favorise donc le stockage des
graisses et la prise de poids, sans freiner
efficacement la néoglucogenèse hépati-
que. Dans ce cas, le patient revient au
Insulinothérapie dans le diabète de type 2
A. Hartemann-HeurtierService de diabétologie-métabolisme, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris.
© 2007 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.
L’insulinothérapie chez le patient diabétique de type 2 a fait l’objet de nombreuses études, mais bien peu cherchent à répondre à la question posée par le clinicien : « quel est le schéma insulinique qui conci-lie au mieux efficacité glycémique (obtenir un taux d’HbA1c < 7 %) et qualité de vie (le moins possible d’injections) ? ». L’intensification progressive de l’insulinothérapie, imposée par l’histoire naturelle du diabète de type 2, devrait être gérée en collant à la physiopathologie : une insuline, un horaire, un objectif !
Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2007 - Vol. 1 - N°3
60 Pour la pratiquePour la pratique
bout de quelques mois avec une HbA1c
à peine améliorée, la prise de quelques
kilos et le message suivant : « L’insuline
ça ne marche pas et en plus ça fait gros-
sir ! ». Comment, dans ces conditions, le
convaincre d’augmenter la dose !
Cette pratique inefficace de l’insulino-
thérapie vient du fait que les prescrip-
teurs, pour diminuer l’image négative et
les inconvénients de l’insuline, ont ten-
dance à minimiser les doses, à limiter le
nombre d’injections (« un peu de NPH ou
de Premix 30 matin et soir »…), et à ne
pas aider le patient à obtenir un objectif
glycémique bas (« 12 unités matin et soir
de Premix 30 »…). Or, si l’on veut que
l’insuline soit efficace, il faut faire exac-
tement le contraire : fixer au patient, pour
chaque injection d’insuline, un objectif
glycémique précis, bas, et monter rapi-
dement les doses jusqu’à ce que cet
objectif soit atteint. C’est ce que l’on
appelle la titration de l’insuline.
La mise en place de l’insuline dans le
diabète de type 2 nécessite aussi une
collaboration serrée entre le patient et les
soignants jusqu’à ce que l’objectif gly-
cémique soit atteint. En effet, le patient
laissé seul avec son objectif glycémique
ne va pas facilement titrer seul son insu-
line. Le fait de monter les doses peut lui
paraître « risqué », et une dose d’insu-
line élevée est souvent vécue comme
un diabète plus grave. Ainsi, une étude
récente [2] cumule tous ces défauts de
la mise à l’insuline dans le diabète de
type 2. Elle veut comparer un schéma
avec 2 mélanges par jour à un schéma
avec 3 mélanges par jour, ne fixe pas
d’objectif précis pour chaque insuline,
et on « autorise » simplement le patient
à ajuster ses doses pour obtenir entre
1,00 et 1,40 g/l de glycémie. Le résultat
est un échec dans les deux groupes, le
taux d’HbA1c à la fin de l’étude est à
8,35 % et 8,67 %.
L’insuline au coucher ou insuline « bedtime »
La première étape de l’insulinothérapie
du diabète de type 2 consiste en une
injection d’insuline intermédiaire ou lente
au moment du coucher. L’objectif est de
ramener la glycémie à jeun aux alentours
de 1,1 g/l. L’idée est de permettre au
patient de retrouver le profil glycémique
qu’il avait lorsque son HbA1c était encore
inférieure à 7 % (figure 1). Mais nous
allons voir que si cela marche pour la
moitié des patients environ, pour l’autre
moitié, une seule injection au coucher
s’avère insuffisante pour retrouver ce
« profil glycémique idéal ».
Quelle insuline utiliser ?Une étude a comparé l’insuline NPH et
l’analogue de l’insuline glargine chez
756 diabétiques de type 2, traités pen-
dant 6 mois, et ayant au départ un taux
d’HbA1c moyen de 8,6 % [3]. Cette étude
a montré que l’insuline NPH était aussi
efficace que l’insuline glargine : l’HbA1c
moyenne obtenue à 6 mois est de 7 %
dans les deux groupes. Environ la moitié
des patients de chaque groupe parvien-
nent à obtenir une HbA1c inférieure à
7 %. Le nombre de malaises hypoglycé-
miques sévères a été le même dans les
deux groupes (2 %). Le nombre de malai-
ses hypoglycémiques non sévères a été
un peu plus élevé chez les patients sous
NPH (18 malaises par patient par an ver-
sus 14 malaises par patient par an pour
l’insuline glargine). Mais il était interdit
dans cette étude de diminuer les doses
de sulfamides hypoglycémiants en cas
d’hypoglycémie. Dans une autre étude où
les patients étaient traités uniquement par
metformine, l’insuline NPH ou l’insuline
glargine ont obtenu la même efficacité en
terme d’HbA1c, et après quelques semai-
nes de traitement, le nombre de malaises
hypoglycémiques était comparable dans
les deux groupes [4].
L’analogue de l’insuline détémir a été
comparé à l’insuline NPH dans deux
études. Dans la première étude [5], on a
préconisé une injection d’insuline matin
et soir, ce qui ne correspond pas à l’uti-
lisation habituelle d’une insuline « bed-
time ». Quoi qu’il en soit, le résultat en
terme d’HbA1c est exactement compa-
rable, mais la dose de détémir nécessaire
est une fois et demie plus importante que
la dose de NPH (66 UI/j versus 45 UI/j
en moyenne). En revanche, les patients
sous NPH prennent plus de poids que
ceux sous détémir (2,8 kg versus 1,2 kg
en moyenne). Mais l’augmentation extrê-
mement importante et rapide des doses
a favorisé la survenue de nombreux
malaises hypoglycémiques sous NPH en
début d’étude, expliquant possiblement
la prise de poids plus importante. Dans
la deuxième étude [6], l’insuline NPH
au coucher a été comparée à l’insuline
détémir au coucher et à la détémir au
lever. Le résultat en terme d’HbA1c est
comparable entre les trois schémas. La
dose d’insuline détémir nécessaire le soir
est cette fois-ci identique à celle de la
NPH (0,4 UI/kg/j). De nouveau, on note
une prise de poids moindre sous détémir
que sous NPH lorsque ces insulines sont
administrées au coucher (0,7 kg versus
1,2 kg en moyenne). L’insuline NPH est
cette fois-ci titrée plus progressivement,
mais son profil d’action explique qu’elle
entraîne plus de malaises hypoglycé-
miques (chez 32 % des patients) que
la détémir (chez 16 % des patients). En
revanche, le schéma où l’insuline dété-
mir est administrée le matin implique une
dose plus élevée (0,5 UI/kg/j) et une prise
de poids plus importante (1,2 kg) que le
schéma où la détémir est injectée le soir.
Enfin, la propriété de l’analogue de l’insu-
line détémir observée dans le diabète de
type 1, la reproductibilité inter-journalière
du résultat glycémique, n’est pas retrou-
vée dans cette étude.
Une autre étude, communiquée, mais
non encore publiée [7], a comparé l’ana-
logue de l’insuline glargine au coucher
à une ou deux injections de l’analogue
détémir. Le résultat en terme d’HbA1c
est comparable, mais la prise de poids
Figure 1 : On espère avec l’insuline au cou-cher passer du profil glycémique du diabète déséquilibré (HbA1c > 9 %) au profil glycé-mique du temps où le diabète était bien équilibré (HbA1c < 7 %). (Les courbes ont été tracées à partir des résultats publiés par L. Monnier et al., Diabetes Care 2007 [8]).
61
Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2007 - Vol. 1 - N°3
Insulinothérapie dans le diabète de type 2
sous détémir est moindre (différence de
900 gr en moyenne). Cependant, 55 %
des patients ont besoin de deux injec-
tions de détémir (0,85 UI/kg/jour) pour
obtenir un résultat comparable à une
seule injection de glargine (0,4 UI/kg/j),
mais on observe toujours une différence
de poids en faveur de la détémir (qui
n’est plus alors que de 200 gr…).
On peut donc conclure de ces études
que :
1°) l’insuline NPH administrée au
moment du coucher est aussi efficace
que les analogues de l’insuline glargine
ou détémir ;
2°) le risque de malaise hypoglycémique
est moindre sous insuline glargine ou
sous insuline détémir, mais il est de toute
façon inévitable avec les trois insulines
dès lors qu’on les titre correctement ;
3°) la prise de poids est moindre sous
détémir, mais cette différence n’est pas
spectaculaire (entre 300 et 900 gr en
moins) ;
4°) la dose nécessaire de détémir peut
être plus importante que celle de glargine
ou de NPH.
Dans la mesure où le coût de la NPH est
deux fois moindre que celui de la détémir
ou de la glargine, on peut proposer de
manière pragmatique de commencer par
l’insuline NPH, et de diminuer la dose
de sulfamides hypoglycémiants en cas
d’hypoglycémie. En cas d’impossibilité
d’obtenir une glycémie à jeun autour de
1,10 g/l en raison d’un risque persis-
tant d’hypoglycémie nocturne, on peut
essayer de réduire ce risque en utilisant
les analogues de l’insuline glargine ou
détémir.
Comment gérer l’insuline au coucher ?Quelle que soit l’insuline choisie, il faut
fixer un objectif glycémique strict au
patient et lui donner les moyens de l’at-
teindre.
L’objectif glycémique raisonnable est
d’obtenir une glycémie à jeun aux alen-
tours de 1,10 g/l. On peut débuter l’insu-
linothérapie avec une dose de 0,2 UI/kg,
mais il faudra surtout l’augmenter très
rapidement. On peut proposer une aug-
mentation de 2 à 6 unités tous les 3 jours
en fonction de la glycémie au réveil. Il
faut remettre un schéma au patient et
surtout l’encadrer pendant cette titra-
tion, en le revoyant fréquemment ou en
le contactant par téléphone ou fax. Il faut
aussi prévenir à l’avance le patient que la
dose d’insuline efficace sera beaucoup
plus élevée que celle du départ (de 0,4
à 0,8 UI/kg, voire plus).
Et en cas d’inefficacité de l’insuline au coucher ?
La plupart des études publiées visant
à évaluer l’intérêt de tel ou tel schéma
insulinique sont financées par l’industrie
pharmaceutique. Ces études font appel
à un « design » qui, dans la plupart des
cas, désavantage délibérément l’insuline
du concurrent commercial (en arrêtant
par exemple les antidiabétiques oraux,
alors qu’il s’agit d’une insuline bedtime),
ou elles évaluent une alternative qui ne
se pose pas en clinique (comparer trois
injections d’une insuline rapide sans
insuline lente, à une injection de lente
sans rapide…). En conséquence de quoi,
presque toutes ces études sont inutilisa-
bles pour répondre à la question que se
posent les cliniciens : quel est le schéma
insulinique qui concilie au mieux effica-
cité glycémique (obtenir un taux d’HbA1c
< 7 %) et qualité de vie (le moins possible
d’injections) ? Ne figureront donc dans la
bibliographie de cette revue que les rares
études permettant de répondre à tout ou
partie de cette question.
La moitié des patients avec une insuline
au coucher bien gérée (titrée rapide-
ment et efficacement) n’atteignent pas
une HbA1c à moins de 7 %. Cela est
lié au fait que, malgré une glycémie à
jeun nettement améliorée, le profil gly-
cémique de ces patients n’est pas celui
du début du diabète. La glycémie post-
prandiale de chacun des trois repas n’est
plus suffisamment contrôlée par l’insu-
line endogène et le patient se retrouve
avec une glycémie croissante jusqu’au
soir (figure 2) [8]. Il est alors nécessaire
d’associer à l’insuline au coucher, une
ou plusieurs injections d’insuline rapide
pour contrôler l’hyperglycémie diurne.
Le schéma dit « basal-bolus »Ce schéma doit être adapté au cas par
cas de manière pragmatique. On choi-
sit en fonction du profil glycémique du
patient, de rajouter une insuline rapide
au moment du petit déjeuner ou du dîner,
voire des deux, puis du repas de midi.
L’objectif glycémique est d’obtenir une
glycémie inférieure à 1,20 g/l, 4 heures
après le repas (par exemple, c’est la
glycémie que doit avoir le patient à midi
lorsqu’il s’est injecté une insuline rapide
au petit déjeuner) ou bien d’obtenir une
glycémie inférieure à 1,40 g/l deux heu-
res après le repas (ce peut être l’objectif
à obtenir au moment du coucher si le
patient a dîné vers 20 heures).
Quelle insuline choisir ? Très peu d’étu-
des ont évalué l’intérêt des analogues
rapides de l’insuline par rapport à l’in-
suline rapide humaine dans le diabète
de type 2. Une étude a comparé l’insu-
line Actrapid® à l’analogue de l’insuline
asparte, et montré une différence de
0,2 % du taux d’HbA1c en faveur de l’as-
parte [9]. Une autre étude a comparé la
glulisine à l’insuline rapide humaine [10] :
on observe alors une différence significa-
tive de 0,16 % de l’HbA1c entre les deux
groupes. Il semble donc bien que les
analogues rapides de l’insuline puissent
avoir un avantage sur l’insuline rapide
humaine classique, mais le bénéfice
en terme d’HbA1c reste extrêmement
modeste. Cela est sans doute lié au fait
Figure 2 : Même avec une insuline bedtime bien titrée, le profil glycémique « idéal » n’est pas atteint (d’après H. Yki-Jarvinen et al., Diabetologia 2006 [4]).
Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2007 - Vol. 1 - N°3
62 Pour la pratiquePour la pratique
que l’hyperglycémie postprandiale dans
le diabète de type 2, peut être prolongée
jusqu’à 6 à 8 heures après le repas. On
peut dans ces conditions imaginer qu’il
puisse y avoir un échappement à l’action
des analogues rapides.
En conclusion, il ne semble pas que la
nature de l’insuline rapide utilisée ait une
grande importance. En revanche, à nou-
veau, il faut fixer un objectif glycémique
précis au patient et l’aider à l’atteindre en
titrant correctement son insuline rapide
avant le repas. Cette titration pour être
efficace devrait tenir compte de son taux
de glycémie pré-prandiale.
Et pourquoi pas des « mélanges » ?Lorsque l’on passe à un schéma insu-
linique comportant une injection d’in-
suline lente au coucher et une injection
d’insuline rapide avant le dîner, on est
tenté, pour limiter le nombre d’injections,
de passer à un mélange avant le dîner.
Aucune étude n’a comparé l’efficacité de
ces deux stratégies thérapeutiques. Mais
en s’appuyant sur une étude utilisant
l’insuline biphasique asparte 70/30 au
moment du dîner [11], on peut voir que,
dans ces conditions, seulement 41 %
des patients obtiennent une HbA1c infé-
rieure à 7 %, soit un résultat moins bon
qu’avec une insuline bedtime seule (où
53 à 70 % des patients obtiennent une
HbA1c < 7 %) ! Cela peut se comprendre
en raison de l’absence de souplesse du
« mélange tout fait » qui entraîne, lorsque
l’on veut contrôler correctement la glycé-
mie du réveil, une augmentation exces-
sive de l’insuline rapide du dîner, même
si le patient n’en a pas besoin. Et inverse-
ment, si le patient a besoin de beaucoup
d’insuline rapide au dîner, le « mélange
tout fait » entraîne une augmentation
parallèle de son insuline intermédiaire,
augmentant le risque d’hypoglycémies
nocturnes. On peut donc penser que si le
mélange au dîner est moins efficace que
la seule insuline intermédiaire au coucher
bien titrée, l’association d’une insuline
rapide au dîner et d’une insuline lente
au coucher devrait permettre d’obtenir
un bien meilleur résultat qu’un mélange
au moment du dîner.
L’étude dont nous venons de parler, dite
« 1-2-3 » (The 1-2-3 study) [11], avait pour
but d’évaluer l’efficacité d’une stratégie
consistant en l’utilisation progressive du
même mélange matin, midi et soir (bipha-
sique asparte 70/30). Cette étude com-
porte peu de patients (100 patients, dont
26 vont interrompre l’étude en cours de
route) et pas de groupe contrôle. Parmi
les 75 patients poursuivant l’étude, 77 %
parviennent à obtenir un taux d’HbA1c
inférieur à 7 % en fin d’étude, ce résul-
tat étant obtenu en augmentant le nom-
bre d’injections journalières (41 % avec
une seule injection au dîner, 70 % avec
deux injections journalières et 77 % avec
trois injections journalières). Lorsque les
objectifs glycémiques sont atteints, le
patient injecte son mélange à dose fixe,
comme pour une insuline bedtime. On ne
demande pas au patient de moduler sa
dose d’insuline en fonction de sa glycé-
mie avant de manger, ni en fonction de
la composition des repas, mais de viser
une glycémie basse en fin d’après midi
ou en fin de nuit. Il s’ensuit un nombre
important de malaises hypoglycémiques
(jusqu’à 22 par patient par an) et un nom-
bre d’hypoglycémies sévères extrême-
ment élevé (un patient sur 10 concerné).
Cela est sans doute lié à l’impossibilité
pour le patient de moduler sa dose en
fonction d’un algorithme.
Une étude non encore publiée, l’étude
PREFER [12], a comparé l’analogue de
l’insuline biphasique asparte 70/30 matin
et soir à un schéma basal-bolus com-
portant de l’insuline détémir au coucher
associée à de l’asparte, sur un, deux
ou trois repas. Le schéma basal-bolus
permet d’obtenir une HbA1c inférieure
à 7 % chez 60 % des patients, tandis
que les deux mélanges ne permettent
d’obtenir ce résultat que chez 50 % des
patients. Il serait intéressant de connaître
le nombre de malaises hypoglycémiques
dans cette étude.
Finalement, une seule étude publiée [13]
a comparé un schéma avec un mélange à
chaque repas (avec 50 à 70 % d’asparte
avant le petit-déjeuner et le repas de midi
et 30 % au dîner) à un schéma basal-
bolus associant de la NPH au coucher et
un analogue de l’insuline, asparte, avant
chaque repas. Le résultat est compara-
ble en termes d’HbA1c (7,8 % dans cha-
que groupe) et de fréquence des hypo-
glycémies. Les conclusions de l’étude
sont donc qu’un schéma à 3 mélanges
est aussi efficace qu’un schéma basal-
bolus à 4 injections. Mais cette étude
qui, pour une fois, cherchait à répondre
à une question pertinente nous laisse
sur notre faim. En effet, le seul intérêt
d’imposer au patient deux injections le
soir (rapide au dîner + NPH au coucher),
plutôt qu’un seul mélange au dîner, est
de pouvoir optimiser l’action des deux
insulines. Or dans cette étude, la dose
de NPH n’a pas été correctement titrée
et la glycémie moyenne est à 1,40 g/l au
réveil. Si l’on avait obtenu 1,10 g/l de gly-
cémie au réveil, comme dans la plupart
des études utilisant la NPH au coucher,
une différence en terme d’HbA1c serait
peut-être apparue… Par ailleurs, sur la
période diurne, on voit dans cette étude,
que les glycémies de fin de matinée et de
fin d’après-midi sont strictement identi-
ques, que l’on utilise pour les repas un
• L’insulinothérapie dans le diabète de type 2 doit être débutée lorsque l’HbA1c dépasse
7 % malgré une utilisation optimale des antidiabétiques oraux.
• Son schéma initial comporte une insuline intermédiaire ou lente au moment du cou-
cher (elles ont toutes la même efficacité), qui doit être titrée rapidement pour obtenir
une glycémie à jeun inférieure à 1,10 g/l.
• Le patient doit être accompagné dans cette titration, et prévenu que la dose néces-
saire finale peut être élevée (0,8 à 1 unités/kg de poids/j).
• Aucune étude indépendante n’a validé correctement un schéma intensifié d’insuli-
nothérapie.
• Lorsque l’HbA1c dépasse 8 % malgré une insuline au coucher optimisée, la phy-
siopathologie du diabète de type 2 suggère d’ajouter une insuline rapide lors d’un ou
plusieurs des trois repas afin de contrôler l’hyperglycémie postprandiale.
• Le patient doit apprendre à titrer chaque insuline, pour chaque horaire, avec un
objectif glycémique précis.
Les points essentiels
63
Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2007 - Vol. 1 - N°3
Insulinothérapie dans le diabète de type 2
mélange d’insuline ou une insuline d’ac-
tion rapide seule. L’intérêt d’utiliser un
mélange plutôt qu’une insuline rapide
seules au moment du petit déjeuner et
du repas de midi n’a donc pas de raison
théorique, mais ne fait pas non plus sa
preuve en pratique.
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lin aspart enabled patients with type 2 diabetes
to achieve HbA1c target < 7.0%. Diabetologia
2006;49(Suppl 1):A610 [abstract PS-0998].
[13] Ligthelm RJ, Mouritzen U, Lynggaard H, et al.
Biphasic insulin aspart given thrice daily is as effi-
cacious as a basal-bolus insulin regimen with four
daily injections: a randomised open-label parallel
group four months comparison in patients with
type 2 diabetes. Exp Clin Endocrinol Diabetes
2006;114:511-9.
L’insulinothérapie dans le diabète de
type 2, lorsqu’elle vise à obtenir un
équilibre glycémique optimal, doit
comporter des insulines adaptées,
ayant chacune un objectif glycémi-
que indépendant et clairement défini.
Cette stratégie (« une insuline pour une
cible ») peut être efficace si les insuli-
nes sont correctement titrées, et si le
patient est accompagné dans cette
titration.
Conclusion