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Journal français d’ophtalmologie (2012) 35, 82—87 ARTICLE ORIGINAL Intérêt de la photothérapie dynamique dans les choriorétinopathies séreuses centrales chroniques et les épithéliopathies rétiniennes diffuses exsudatives Photodynamic therapy for chronic central serous chorioretinopathy and diffuse retinal epitheliopathy P.-L. Cornut a,, M. Quaranta-El Maftouhi b , M. Mauget-Fa¨ ysse b a Service d’ophtalmologie, hôpital Édouard-Herriot, hospices civils de Lyon, université Lyon-1, 5, place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03, France b Centre ophtalmologique Rabelais, 14, rue Rabelais, 69003 Lyon, France Rec ¸u le 2 mars 2010 ; accepté le 24 juin 2011 Disponible sur Internet le 1 er septembre 2011 MOTS CLÉS Choriorétinite séreuse centrale ; Épithéliopathie rétinienne diffuse ; Photothérapie dynamique ; Vertéporphine Résumé Objectifs. Rapporter les résultats du traitement par photothérapie dynamique à la Visudyne ® (V-PDT) en fluence réduite appliqué à des patients atteints de choriorétinite séreuse centrale (CRSC) chronique (CRSC évoluant depuis plus de six mois). Patients et méthodes. L’ensemble des données cliniques, angiographiques et OCT des patients atteints de CRSC chronique traités par V-PDT entre 2002 et 2008 au centre Rabelais de Lyon a été analysé rétrospectivement. Un bilan complet (recherche de syndrome maculaire, acuité visuelle ETDRS, biomicroscopie, AG à la fluorescéine et au vert d’indocyanine, OCT) était réalisé avant le traitement par V-PDT et trois mois après. Les patients étaient ensuite régulière- ment suivis et retraités en cas de récidives. Le traitement par V-PDT était réalisé avec un spot de surface égale à la surface des zones hyperfluorescentes à bords flous repérées sur les temps tardifs de l’angiographie ICG, de puissance réduite de moitié (300 mW/cm 2 au lieu de 600). Résultats. Quarante et un yeux de 34 patients (27 hommes) d’âge moyen 53 ans ont été inclus. Dix-huit yeux avaient déjà été traités par photocoagulation au laser. Plusieurs points de diffusion caractéristiques des CRSC étaient visibles sur l’angiographie à la fluorescéine dans la plupart des cas (n = 38), maculaires dans 35 cas. Avant traitement : des métamorphopsies étaient notées dans 51 % des cas, un œdème intrarétinien (OIR) était présent sur l’OCT dans 71 % des cas, un DSR dans 85 % et un DEP dans 10 %. Trente-neuf yeux n’ont bénéficié que d’une séance de traitement et un œil a été retraité une fois. À M+3 post-V-PDT, un OIR était présent dans 15 % des cas, un DSR dans 12 % et un DEP dans 2 %. À l’issue d’une période de suivi de 20 mois, un Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P.-L. Cornut). 0181-5512/$ see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jfo.2011.07.005

Intérêt de la photothérapie dynamique dans les choriorétinopathies séreuses centrales chroniques et les épithéliopathies rétiniennes diffuses exsudatives

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ournal français d’ophtalmologie (2012) 35, 82—87

RTICLE ORIGINAL

ntérêt de la photothérapie dynamique dans leshoriorétinopathies séreuses centrales chroniques etes épithéliopathies rétiniennes diffuses exsudatives

hotodynamic therapy for chronic central serous chorioretinopathy and diffuseetinal epitheliopathy

P.-L. Cornuta,∗, M. Quaranta-El Maftouhib,M. Mauget-Faysseb

a Service d’ophtalmologie, hôpital Édouard-Herriot, hospices civils de Lyon, universitéLyon-1, 5, place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03, Franceb Centre ophtalmologique Rabelais, 14, rue Rabelais, 69003 Lyon, France

Recu le 2 mars 2010 ; accepté le 24 juin 2011Disponible sur Internet le 1er septembre 2011

MOTS CLÉSChoriorétiniteséreuse centrale ;Épithéliopathierétinienne diffuse ;Photothérapiedynamique ;Vertéporphine

RésuméObjectifs. — Rapporter les résultats du traitement par photothérapie dynamique à la Visudyne®

(V-PDT) en fluence réduite appliqué à des patients atteints de choriorétinite séreuse centrale(CRSC) chronique (CRSC évoluant depuis plus de six mois).Patients et méthodes. — L’ensemble des données cliniques, angiographiques et OCT despatients atteints de CRSC chronique traités par V-PDT entre 2002 et 2008 au centre Rabelaisde Lyon a été analysé rétrospectivement. Un bilan complet (recherche de syndrome maculaire,acuité visuelle ETDRS, biomicroscopie, AG à la fluorescéine et au vert d’indocyanine, OCT) étaitréalisé avant le traitement par V-PDT et trois mois après. Les patients étaient ensuite régulière-ment suivis et retraités en cas de récidives. Le traitement par V-PDT était réalisé avec un spotde surface égale à la surface des zones hyperfluorescentes à bords flous repérées sur les tempstardifs de l’angiographie ICG, de puissance réduite de moitié (300 mW/cm2 au lieu de 600).Résultats. — Quarante et un yeux de 34 patients (27 hommes) d’âge moyen 53 ans ont été inclus.Dix-huit yeux avaient déjà été traités par photocoagulation au laser. Plusieurs points de diffusioncaractéristiques des CRSC étaient visibles sur l’angiographie à la fluorescéine dans la plupart

des cas (n = 38), maculaires dans 35 cas. Avant traitement : des métamorphopsies étaient notéesdans 51 % des cas, un œdème intrarétinien (OIR) était présent sur l’OCT dans 71 % des cas, unDSR dans 85 % et un DEP dans 10 %. Trente-neuf yeux n’ont bénéficié que d’une séance detraitement et un œil a été retraité une fois. À M+3 post-V-PDT, un OIR était présent dans 15 %des cas, un DSR dans 12 % et un DEP dans 2 %. À l’issue d’une période de suivi de 20 mois, un

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P.-L. Cornut).

181-5512/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.jfo.2011.07.005

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Photothérapie dynamique pour choriorétinopathies séreuses centrales chroniques 83

OIR était présent dans 14 % des cas, un DSR dans 15 % des cas et un DEP dans 0 %. Une atrophiemaculaire était observée sur l’OCT dans la plupart des cas à l’issue du suivi (épaisseur centralemesurée en moyenne à 144,5 microns). Comparée à l’AV initiale, l’AV à M+3 post-V-PDT étaitabaissée dans 22 % des cas, stabilisée dans 39 % et améliorée dans 39 % alors que l’AV finale àl’issue du suivi était abaissée dans 12 % des cas, stabilisée dans 17 % et améliorée dans 71 %.Aucune complication n’a été observée.Discussion. — Le traitement par V-PDT des formes chroniques de CRSC est à l’origine d’uneamélioration anatomique et fonctionnelle (disparition durable des phénomènes exsudatifs dansla plupart des cas et augmentation de l’acuité visuelle dans plus de deux cas sur trois danscette étude). L’atrophie observée peut être induite par le traitement ou être liée à l’évolutionnaturelle de la maladie.© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSChronic centralserouschorioretinopathy;Diffuse retinalepitheliopathy;Photodynamictherapy;Verteporfin

SummaryPurpose. — To report outcomes in patients with long-standing (more than 6 months) chronic cen-tral serous chorioretinopathy (CSC) treated with low-fluence Visudyne® photodynamic therapy(LFV-PDT).Patients and methods. — The clinical, angiographic and optical coherence tomography (OCT)results of patients with long-standing chronic central serous chorioretinopathy (CCSC) treatedwith LFV-PDT in the Lyon Centre Rabelais between 2002 and 2008 were retrospectively analyzed.A comprehensive check-up (macular syndrome signs, ETDRS best-corrected visual acuity [BCVA],biomicroscopy, fluorescein [FA] and indocyanine green [ICGA] angiographies, OCT scans) wasperformed before LFV-PDT treatment and 3 months later. Patients were then followed regularlyand retreated in case of recurrence. The LFV-PDT treatment, with a fluence of 25 J/cm2 at anirradiance of 300 mW, was guided by ICGA.Results. — Forty-one eyes of 34 patients (27 males; mean age: 53 years) were included, of which18 eyes had already been treated with laser photocoagulation. Several leaking points werevisible on FA in most of the cases (n = 38), mainly in the macula (35 cases). Before treatment,metamorphopsia was noted in 51% of the cases, intraretinal edema (IRE) was present on OCTscans in 71%, serous retinal detachment (SRD) in 85%, and pigment epithelial detachment (PED)in 10%. Thirty-nine eyes had only one treatment session and one eye was retreated once. At3 months after LFV-PDT, IRE was present in 15% of the cases, SRD in 12%, and PED in 2%. Atthe end of the 20-month follow-up, IRE was present in 14% of the cases, SRD in 15%, and PEDin 0%. Macular atrophy was observed on OCT in most of the cases at the end of the follow-up(mean central thickness, 144.5 �m). Compared to the initial BCVA, at 3 months after LFV-PDT,BCVA decreased in 22% of the cases, stabilized in 39%, and increased in 39%, while at the endof the follow-up, BCVA decreased in 12% of the cases, stabilized in 17%, and increased in 71%.No complication was observed.Discussion. — LFV-PDT treatment for patients with long-standing chronic central serous cho-rioretinopathy results in anatomical and functional improvement (sustained disappearance ofthe exudative phenomenon in most cases and increased BCVA in more than two-thirds of thecases). The macular atrophy observed may be due to the treatment or the natural course ofthe disease.

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© 2011 Elsevier Masson SAS.

Introduction

La choriorétinopathie séreuse centrale (CRSC) est uneaffection exsudative choriorétinienne d’origine encore indé-terminée qui affecte préférentiellement les hommes jeunesentre 20 et 45 ans et qui se manifeste par l’apparition dedécollements séreux de la rétine neurosensorielle et/ou del’épithélium pigmentaire [1,2]. Le stress accompagne fré-quemment l’apparition des symptômes manifestés par laconstitution d’un syndrome maculaire et la prise de cor-

ticoïdes augmente la sévérité de la maladie [3]. Cetteaffection dont l’origine physiopathologique exacte demeureinconnue, semble être liée à une anomalie de la perfusion

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horoïdienne [4] possiblement en lien avec une vasocons-riction choroïdienne (secondaire au stress ou à une causeharmacologique type traitement vasoconstricteur généralu nasal) [5] ou avec une atteinte vasculaire infectieuseirale ou bactérienne [6]. Deux formes évolutives sont pos-ibles, la première (deux tiers des cas) évolue sur un modeigu, la seconde (un tiers des cas) est caractérisée par unevolution chronique également dénommée épithéliopathieétinienne diffuse (ERD). Dans le premier cas, les symptômesigus et les anomalies anatomiques de la CSRC régressent

pontanément en quatre à six mois. Dans le second case figure, l’atteinte n’est pas résolutive après six mois’évolution et/ou est récidivante.
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Cette forme chronique est caractérisée par des altéra-ions diffuses et progressives de l’épithélium pigmentaire,ui apparaissent en regard des zones de décollements séreuxétiniens (DSR) chroniques ou de l’épithélium pigmentaireDSEP). Les patients peuvent développer des pertes perma-entes de l’acuité visuelle si la macula est concernée par lerocessus pathologique.

L’ERD se traduit sur le plan angiographique en fluo-escéine par la présence d’altérations hyperfluorescentestendues de l’épithélium pigmentaire. Un ou plusieursoints de diffusion sont en général visibles comme lors desRSC aiguës matérialisés par la présence de petites zonesyperfluorescentes précoces diffusantes aux temps tardifs.’angiographie au vert d’indocyanine (ICG) recherchera desones typiques d’hyperfluorescences mal définies à bordsous traduisant une hyperperméabilité choroïdienne, co-xistant avec des zones hypofluorescentes probablementecondaires à la présence d’une atrophie de la chorioca-illaire [7].

L’OCT objective le DSR chronique qui apparaît sousa forme d’une bande sombre hyporéflective située entree complexe choriocapillaire/épithélium pigmentaire et laétine neurosensorielle, souvent associée un épaississementicrokystique de la rétine maculaire, traduisant la pré-

ence d’un œdème intrarétinien sus-jacent. De petitesvillosités » appendues sous la couche des photorécepteursont parfois visibles pouvant témoigner de la souffrance desellules visuelles [8]. L’acquisition des coupes en OCT Spec-ral domain permet en général la mise en évidence de petitsefects au sein de la ligne du complexe épithélium pig-entaire/membrane de Bruch correspondant aux points deiffusion.

Le traitement de ces formes chroniques caractérisées pares points de diffusion multiples, parfois mal définis et rela-ivement étendus, ne peut faire appel au laser focal commeans les formes aiguës traînantes. Des études pilotes ayantecours à la PDT à la Visudyne® ont montré des résultatsncourageants pour le traitement de ces zones de diffusionaculaires mal définies [9—17].Le but de cette étude était de rapporter l’efficacité de

a photothérapie dynamique à la Visudyne® pour le traite-ent des phénomènes exsudatifs observés dans les ERD ete rechercher les éventuels effets indésirables de ce traite-ent.

atients et méthodes

ette étude rétrospective a analysé les données issues deatients pris en charge entre 2002 et 2008. Les patientsnclus souffraient d’ERD définies par la présence de signes deRSC évoluant depuis plus de six mois et/ou récidivants asso-iés à la présence d’altérations de l’épithélium pigmentaire.es patients porteurs d’autres affections exsudatives réti-iennes (DMLA, vasculopathie polypoïdale, télangiectasies,iabète, uvéites, OVCR) étaient exclus de cette série.

Un test d’acuité visuelle (ETDRS), la recherche de méta-orphopsies, une angiographie à la fluorescéine (AF) et ICG,

insi qu’un OCT (Stratus puis Cirrus, Carl Zeiss Meditec Inc.,llemagne) ont été réalisés lors de la première consulta-ion, avant le traitement par PDT et trois mois après. Lesatients étaient ensuite régulièrement suivis cliniquement

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P.-L. Cornut et al.

t en OCT. Ils étaient retraités en cas de récidives après leême bilan et suivis selon le même schéma.Le traitement par photothérapie dynamique à la

isudyne® était réalisé avec un spot de surface égale à laurface des zones hyperfluorescentes chroniques à bordsous repérées sur les temps tardifs de l’angiographie ICG. Laechnique pratique de PDT utilisée était la même que celletilisée dans la DMLA [18] hormis la puissance du rayonne-ent laser réduit de moitié (300 mW/cm2 au lieu de 600).

es patients étaient informés du caractère hors AMM du trai-ement et leur consentement éclairé écrit était recueilli enespectant les termes de la déclaration d’Helsinki.

ésultats

uarante et un yeux (21 OD/20 OG) de 34 patients27 hommes et sept femmes) d’âge moyen 53,3 ± 9,5 ans37—72) ont été inclus. Dix-huit yeux avaient bénéficiéar le passé d’un traitement par photocoagulation auaser argon d’un ou de plusieurs points de diffusion. Onetrouvait à l’interrogatoire, une prise de corticoïdesans plus de la moitié des cas (neuf patients sur 14 pouresquels cette donnée était disponible dans le dossier)t un portage d’Helicobacter pylori dans six cas sur 34.e point de diffusion était isolé dans trois cas, dans lesutres cas (38) plusieurs points de diffusion étaient visiblesur l’AF. La situation du ou des points de diffusion n’étaitxtramaculaire que dans six cas et étendue à la maculaans les autres cas (35). Une plage étendue d’altérationse l’EP, type coulée gravitationnelle, était observée dans7 cas. Tous les patients présentaient initialement unéseau choroïdien anormalement hyperfluorescent sur’angiographie ICG. Plus de la moitié des patients décrivaitn syndrome maculaire avant traitement (métamorphopsiesans 51,2 % des cas [21/41]). Le délai médian d’observationes patients (délais entre la première consultation et leraitement) était d’un an (364 jours), seuls 13 des 41 yeuxnt été traités dans les trois premiers mois de suivi. Uneaisse d’acuité visuelle était objectivée dans plus de laoitié des cas sur cette période de suivi (22/41). Undème intrarétinien était présent sur l’OCT dans 71 % des

as le jour du traitement (29/40), un DSR dans 85 % des cas35/40) et un DEP dans 10 % des cas (4/40). Quarante yeux’ont bénéficié que d’une séance de traitement. Un œil aû être retraité une fois au cours du suivi, pour une récidivees signes exsudatifs plus de trois ans après la premièreDT. Trois mois après la première séance de photothérapieynamique, un œdème intrarétinien était présent sur l’OCTans 15 % des cas (6/40), un DSR dans 12 % des cas (5/39) etn DEP dans 2 % des cas (1/40).

À l’issue d’une médiane de suivi de 473 jours (moyenne14 ± 488 jours, 87—1832), soit plus de 15 mois de recul, undème intrarétinien était présent sur l’OCT dans 15 % des

as (6/40), un DSR dans 15 % des cas (6/39) et une absencee DEP dans la totalité des cas. Une disparition de toutigne exsudatif était constatée dans 75 % des cas lors de’analyse OCT à l’issue du suivi (31/41). Une atrophie macu-

aire était observée sur l’OCT dans la plupart des cas en fin’étude, avec 50 % des yeux présentant une épaisseur macu-aire centrale inférieure à 135 microns, pour une moyenne à45 microns (82—240).
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Photothérapie dynamique pour choriorétinopathies séreuses centrales chroniques 85

Figure 1. Évolution de l’acuité visuelle (convertie en échelleMonoyer) avant traitement et à l’issue du suivi pour chaque patientde l’étude. La plupart des points sont situés au-dessus de la bissec-

Figure 2. Représentation de l’acuité visuelle finale et delp

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trice. Ils correspondent aux valeurs des patients dont la vision s’estaméliorée.

Comparée à l’acuité visuelle initiale, l’acuité visuelle àM+3 post-PDT était améliorée dans 39 % des cas (16/41), sta-bilisée dans 39 % des cas (16/41) et abaissée dans 22 % descas (9/41). L’acuité visuelle finale à l’issue du suivi (toujourscomparée à l’acuité visuelle initiale) était quant à elle amé-liorée dans 71 % des cas (29/41), stabilisée dans 17 % des cas(7/41) et abaissée dans 12 % des cas (5/41) (Fig. 1). Cetteévolution positive de l’acuité visuelle était statistiquementsignificative (p < 10−3, test non paramétrique de Wilcoxon).

Les baisses d’acuité visuelle enregistrées dans cette sérieà l’issue du suivi étaient très faibles, limitées à quelqueslettres d’écart dans quatre des cinq cas (moins d’une ligneETDRS), seul un patient a vu son acuité perdre cinq lignespassant de 3,2/10 à 1/10 sans anomalie anatomique visiblesusceptible d’expliquer cette perte fonctionnelle, hormisune progression de sa cataracte. La constatation d’unebaisse d’acuité visuelle à l’issue du suivi n’était pas corré-lée à la persistance de phénomènes exsudatifs. Le bénéficedu traitement en termes de gain d’acuité visuelle étaitd’autant plus élevé que l’acuité visuelle initiale était bonne(Fig. 1). Il n’existait pas non plus de corrélation entre leniveau d’acuité visuelle final et l’épaisseur maculaire finalemesurée à l’OCT (Fig. 2). Bien que le même pourcentage depatients décrivait toujours la présence de métamorphopsiesaprès traitement (53,7 %) qu’avant traitement, le retentis-sement fonctionnel était atténué. Aucune complication (àtype de déchirure de l’épithélium pigmentaire ou de néo-vascularisation choroïdienne en particulier) n’était déploréedans cette série.

Discussion

Les résultats de cette étude confirment que le traitementpar PDT des formes chroniques de CRSC est à l’origined’une amélioration anatomique choriorétinienne caractéri-

sée par une disparition durable des phénomènes exsudatifsdans la plupart des cas. Cette évolution anatomiquepositive s’accompagne d’une amélioration fonctionnelle

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’épaisseur fovéolaire mesurée en OCT à l’issue du suivi pour chaqueatient. Il n’existe pas de corrélation entre ces deux valeurs.

oncomitante traduite par une augmentation de l’acuitéisuelle dans plus de deux cas sur trois (Fig. 3).

Les formes chroniques de CRSC, caractérisées par desltérations diffuses de l’épithélium pigmentaire associées

la présence de détachements chroniques de la rétineeurosensorielle ou de l’épithélium pigmentaire, peuventonduire les patients à des pertes permanentes de l’acuitéisuelle centrale. Les traitements classiques des CRSC parhotocoagulation au laser ne peuvent pas être appliquési les points de diffusion sont situés trop près de la fovéat/ou s’ils sont multiples et mal définis. Ces formes chro-iques sont donc à ce jour sans solution thérapeutiquealidée. La photothérapie dynamique à la vertéporfine até développée pour occlure les néovaisseaux choroïdiensompliquant les formes exsudatives de DMLA sans léser lesissus normaux. Le mécanisme exact d’action de ce trai-ement demeure imparfaitement connu. La vertéporphine,gent de la classe des porphyrines, se lie à des lipopro-éines qui possèdent des récepteurs exprimés à la surfacees cellules endothéliales, avec une surexpression au niveaue l’endothélium néovasculaire. L’activation par la lumièrenfrarouge de la vertéporphine conduit à la libération deadicaux libres. Ce stress oxydatif est responsable d’uneltération de l’endothélium vasculaire à l’origine d’une acti-ation de la cascade de l’hémostase et de la coagulationonduisant à l’occlusion sélective du néovaisseau. Cetteascade de réaction s’accompagne d’une vasoconstrictione l’ensemble du réseau choroïdien illuminé par le spotaser à l’origine d’une stase vasculaire et d’une diminu-ion de l’hyperperméabilité choroïdienne bien objectivéen angiographie ICG. Partant de ce constat et étant donnéue les CRSC sont caractérisées par un trouble du calibret une hyperperméabilité du réseau choroïdien [4], cer-ains auteurs ont rapporté l’efficacité de la V-PDT appliquéeu traitement des formes chroniques de CRSC. Ces étudesilotes sans groupe témoin, incluant pour la plupart unombre limité de patients, ont toutes montré une effica-

ité de ce traitement dans cette indication [9—17]. Cetteérie confirme sur un nombre important de patients ces bonsésultats fonctionnels et anatomiques. Les patients inclus
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86 P.-L. Cornut et al.

Figure 3. Évolution post-traitement pour un même patient. À j0 PDT (ligne du haut) : l’acuité visuelle droite est chiffrée à 1/10 Pa 14,il existe un volumineux décollement de l’épithélium pigmentaire ainsi qu’un décollement séreux rétinien bien visible sur l’OCT maculaire(au centre). Le DEP se remplit de colorant aux temps tardifs des angiographies à la fluorescéine et à l’ICG (à droite). À noter la présencede cicatrices de laser bien visibles en sous-papillaire au fond d’œil (image de gauche) et sur le cliche d’angiographie à la fluorescéine. ÀM+6 post-traitement (ligne du milieu) : l’OCT maculaire (au centre) objective la résorption des phénomènes exsudatifs. L’angiographie à lafluorescéine met en évidence les altérations de l’épithélium pigmentaire. Une nette diminution de l’hyperperméabilité choroïdienne esto rtie

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bservée sur l’angiographie ICG. Une atrophie est visible sur la pa’acuité visuelle est chiffrée à 9/10 Pa 1,5, il n’y a pas eu de récidespect de l’architecture rétinienne fovéolaire et temporale.

ans cette étude ont bénéficié du traitement après uneériode d’observation de plusieurs mois (un an de médiane)u cours de laquelle aucune guérison spontanée n’étaitbjectivée (malgré l’arrêt d’une éventuelle corticothérapiet/ou l’éradication éventuelle d’un portage d’H. pylori) et

l’issue de laquelle plus de la moitié des patients présen-aient une aggravation de leur baisse d’acuité visuelle. Leraitement par V-PDT « low fluence » des formes chroniquese CRSC était à l’origine d’une amélioration anatomiquet fonctionnelle caractérisée par une disparition durablees phénomènes exsudatifs dans 75 % des cas et une aug-entation de l’acuité visuelle dans plus de 66 % des case cette série. Ces chiffres sont comparables à ceux destudes actuellement publiées qui démontrent toutes unemélioration anatomique et fonctionnelle dans la plupartes cas traités en se basant sur divers critères de juge-ent [9—17]. Ces résultats étaient obtenus dans la totalitées cas de cette étude à une exception près, après uneeule séance de Visudyne® et étaient maintenus dans leemps sur une longue période d’observation de plus de5 mois. L’amélioration fonctionnelle de l’acuité visuelletait lente et progressive, se poursuivant au-delà des troisremiers mois. Cette cinétique peut être rapprochée de laécupération fonctionnelle observée lors des ré-applicationsaculaires post-décollements de rétine rhegmatogènes. Le

iveau d’acuité visuelle finale était d’autant plus élevé

ans cette série que l’acuité visuelle était conservée avantraitement. Cette constatation encourage à traiter plus pré-ocement les patients sans attendre un effondrement de’acuité visuelle témoin d’une souffrance irréversible des

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nasale du profil OCT. Quatre ans après traitement (ligne du bas) :xsudative maculaire droite. L’OCT maculaire met en évidence un

hotorécepteurs maculaires. Cette attitude est renforcéear les résultats anatomiques observés dans cette étudeui mettent en évidence une absence de corrélation entre’épaisseur maculaire finale et le niveau d’acuité visuelle

l’issue du suivi. L’atrophie maculaire liée à l’évolutionaturelle de la maladie plus ou moins accentuée par leraitement n’était en effet pas prédictive d’une mau-aise récupération fonctionnelle dans notre étude et neeprésente donc pas une contre-indication au traitement.’apport des nouvelles techniques d’imagerie OCT en modepectral domain permet une analyse fine de l’état de laouche des photorécepteurs qui s’avérera vraisemblable-ent utile dans ces cas pour guider les indications [8].Cependant même si à court et moyen termes, l’efficacité

onctionnelle et anatomique du traitement par PDT sembleéelle, les risques d’effets indésirables sont encore à pré-iser. En effet, à long terme, la PDT pourrait avoir unffet délétère sur un épithélium pigmentaire déjà fragi-isé par une hypoxie locale. Certains auteurs ont ainsiu rapporter des complications à type de néovascularisa-ion choroïdienne [10], d’ischémie choroïdienne [10,19] oue déchirure de l’épithélium pigmentaire survenue aprèsraitement par PDT [20]. Reibaldi et al. [10] ont mon-ré que le risque de survenue de complications étaitlus élevé en cas de traitement à pleine dose et pleineuence suivant les règles d’application utilisées dans le

raitement de la DMLA et semblait beaucoup plus limitén cas de traitement à demi dose ou à basse fluence,omme dans cette étude qui ne déplorait pas de cas deomplication.
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Photothérapie dynamique pour choriorétinopathies séreuses

Bien que le mode d’action exact de la photothérapiedynamique par Visudyne® dans cette indication demeureinconnu à ce jour, plusieurs hypothèses peuvent être envi-sagées. La Visudyne® pourrait aller se localiser au niveaudes parois lésées de la choriocapillaire et agir en thrombo-sant temporairement les vaisseaux altérés, diminuant ainsiles phénomènes de diffusion. L’occlusion des capillairesendommagés permettrait une prolifération de cellules endo-théliales normales ou encore stimulerait la sécrétion ou lamise en œuvre de protéines réparatrices impliquées dansla cicatrisation de l’épithélium pigmentaire (à la manièrede l’activation des « heat shock proteins » après thermo-thérapie transpupillaire) [21]. L’occlusion des vaisseauxchoroïdiens anormaux par thrombose pourrait égalemententraîner une régénération des tissus environnants, commecela est observé dans le cadre des plaies chroniques quitardent à cicatriser et qui nécessitent une détersion destissus malades pour induire la cicatrisation.

Les principales limites de cette étude sont liées à soncaractère rétrospectif et à l’absence de groupe témoin. Cesbons résultats demandent donc à être corroborés par uneétude prospective contrôlée dans le but de déboucher surune AMM et d’une prise en charge des patients par la sécu-rité sociale dans cette indication. En effet, l’avènement desthérapeutiques anti-antigéniques supplantant la V-PDT dansla quasi totalité de ses indications (DMLA et myopie), faitplaner la perspective d’un éventuel retrait de cette classethérapeutique du marché.

Conclusion

Les résultats de cette étude suggèrent que le traitementdes formes chroniques de CRSC par V-PDT « low fluence »est efficace et sûr. En l’absence d’alternative thérapeu-tique, ce traitement entraîne une amélioration anatomiqueet fonctionnelle caractérisée par une disparition durabledes phénomènes exsudatifs dans 75 % des cas et une aug-mentation de l’acuité visuelle dans plus de 66 % des casde cette série. Les résultats de cette étude indiquent quece traitement est plus efficace lorsque l’acuité visuelleavant traitement est conservée et que l’atrophie rétinienneobservée n’est pas corrélée au degré de récupération fonc-tionnelle.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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