40
P ar décret du Président de la Répu- blique en date du 8 mai 2009, Jean- Ludovic Silicani a été nommé, après avis favorable de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale et la commission des affaires économiques du Sénat, président de l'ARCEP. Il succède à Jean-Claude Mallet qui avait pris ses fonctions de président de l'Auto- rité le 5 janvier dernier, et qui a donné sa démis- sion Internet : les nouveaux défis N° 67 - mai / juin / juillet 2009 La révolution numérique annonce l’avènement d’une nouvelle économie et, au-delà, d’une véritable « société numérique ». Tous les aspects de notre vie quotidienne seront concernés. En matière de loisirs et d’accès à la culture, de nouveaux modes de consommation des contenus, délinéarisés, autoproduits et interactifs vont se développer (vidéo à la demande, télévision en 3D, choix d’un angle de vue spécifique, blogs vidéo…). Dans le mobile, de nouveaux modes d’accès aux contenus culturels pourraient apparaître, notamment en relation avec la localisation de l’utilisateur et l’environnement dans lequel il se déplace. De nouveaux modes de relations entre les citoyens et les services publics vont aussi s’établir. Dans le domaine de la santé, de nombreuses innovations, comme le développement de la télémédecine et du suivi des patients, contribueront à la qualité des soins mais aussi au maintien à domicile des personnes âgées ou dépendantes. Dans le domaine de l’enseignement, le partage de la connaissance sera facilité, grâce à des cours virtuels prolongeant et complétant la classe jusqu’au domicile et des outils de travail collaboratifs. D’autres secteurs, comme la domotique ou encore les jeux vidéo, vont eux aussi être profondément touchés. Tous ces usages nécessitent le développement du très haut débit fixe et mobile ; et celui-ci stimulera, à son tour, ces nouveaux modes de consommation. Ainsi, avec le déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné, supportant des débits quasiment illimités, les réseaux fixes seront l’objet d’une évolution équivalente à celle du remplacement du télégraphe par le téléphone ! Les réseaux mobiles s’engagent eux aussi dans une mue importante – dont l’émergence récente de l’Internet mobile ne constitue Jean-Ludovic Silicani, président de l’Autorité ••• suite page 2 Infrastructure stratégique et véritable phénomène de société, Internet va encore profondément évoluer ces prochaines années. Des évolutions qui présentent bien des avantages mais aussi de nombreux défis : répondre à la croissance exponentielle des débits, offrir une meilleure qualité de service, améliorer la sécurité, garantir la protection de la vie privée, inventer de nouveaux modèles économiques, tout en restant ouvert, neutre et interopérable. Quel avenir pour Internet ? Inventaire des réflexions et travaux. De gauche à droite, en partant du premier rang : Joëlle Toledano, Jean-Ludovic Silicani, président, Edouard Bridoux, Denis Rapone, Nicolas Curien, Daniel-Georges Courtois et Patrick Raude. JEAN-LUDOVIC SILICANI EST NOMMÉ PRÉSIDENT DE L'AUTORITÉ D A N S C E N U M É R O le 29 avril pour des raisons strictement per- sonnelles et de santé. Ancien élève de l’ENA, major de la promotion Voltaire (1980), Jean-Ludovic Silicani est conseiller d’Etat (lire sa biographie page 40). RÉUSSIR LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE Internet, demain Hamadoun Touré UIT Pierre Kosciusko- Morizet PriceMinister Alain Bazot UFC-Que Choisir Bertrand Meheut Canal + Isabelle Falque- Pierrotin Forum des droits sur internet Alex Türk CNIL La réforme des services à valeur ajoutée

Internet : les nouveaux défis - Arcep

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Page 1: Internet : les nouveaux défis - Arcep

Par décret du Président de la Répu-blique en date du 8 mai 2009, Jean-Ludovic Silicani a été nommé, aprèsavis favorable de la commission des

affaires économiques, de l'environnementet du territoire de l'Assemblée nationale etla commission des affaires économiques du Sénat, président de l'ARCEP. Il succède à Jean-Claude Mallet quiavait pris ses fonctions deprésident de l'Auto -rité le 5 janvierdernier, et quia donné sadémis-s ion

Internet : les nouveaux défis

N° 67 - mai / juin / juillet 2009

La révolution numérique annonce

l’avènement d’une nouvelle économie et,

au-delà, d’une véritable « société

numérique ». Tous les aspects de notre vie

quotidienne seront concernés.

En matière de loisirs et d’accès

à la culture, de nouveaux modes de

consommation des contenus, délinéarisés,

autoproduits et interactifs vont se

développer (vidéo à la demande,

télévision en 3D, choix d’un angle de vue

spécifique, blogs vidéo…). Dans le mobile,

de nouveaux modes d’accès aux contenus

culturels pourraient apparaître,

notamment en relation avec la localisation

de l’utilisateur et l’environnement dans

lequel il se déplace.

De nouveaux modes de relations entre

les citoyens et les services publics vont

aussi s’établir. Dans le domaine de la

santé, de nombreuses innovations,

comme le développement de la

télémédecine et du suivi des patients,

contribueront à la qualité des soins mais

aussi au maintien à domicile des

personnes âgées ou dépendantes.

Dans le domaine de l’enseignement, le

partage de la connaissance sera facilité,

grâce à des cours virtuels prolongeant et

complétant la classe jusqu’au domicile et

des outils de travail collaboratifs. D’autres

secteurs, comme la domotique ou encore

les jeux vidéo, vont eux aussi être

profondément touchés.

Tous ces usages nécessitent le

développement du très haut débit fixe et

mobile ; et celui-ci stimulera, à son tour,

ces nouveaux modes de consommation.

Ainsi, avec le déploiement de la fibre

optique jusqu’à l’abonné, supportant des

débits quasiment illimités, les réseaux

fixes seront l’objet d’une évolution

équivalente à celle du remplacement du

télégraphe par le téléphone ! Les réseaux

mobiles s’engagent eux aussi dans une

mue importante – dont l’émergence

récente de l’Internet mobile ne constitue

Jean-Ludovic Silicani,président de l’Autorité

••• suite page 2

Infrastructure stratégique et véritable phénomène de société, Internet va encoreprofondément évoluer ces prochaines années. Des évolutions qui présentent bien

des avantages mais aussi de nombreux défis : répondre à la croissanceexponentielle des débits, offrir une meilleure qualité de service, améliorer lasécurité, garantir la protection de la vie privée, inventer de nouveaux modèleséconomiques, tout en restant ouvert, neutre et interopérable. Quel avenir

pour Internet ? Inventaire des réflexions et travaux.

De gauche à droite, en partant du premier rang : Joëlle Toledano, Jean-Ludovic Silicani, président, Edouard Bridoux, Denis Rapone,Nicolas Curien, Daniel-Georges Courtois et Patrick Raude.

JEAN-LUDOVIC SILICANI EST NOMMÉ PRÉSIDENT DE L'AUTORITÉ

D A N SC E

N U M É R O

le 29 avril pour des raisons strictement per-sonnelles et de santé. Ancien élève de l’ENA,major de la promotion Voltaire (1980), Jean-Ludovic Silicani est conseiller d’Etat(lire sa biographie page 40). �

RÉUSSIR LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Internet, demainHamadounTouréUIT

PierreKosciusko-MorizetPriceMinister

Alain BazotUFC-Que Choisir

BertrandMeheutCanal +

Isabelle Falque-PierrotinForum des droitssur internet

Alex TürkCNIL

La réforme des services

à valeur ajoutée

Page 2: Internet : les nouveaux défis - Arcep

que l’avant-goût – avec l’utilisation,

au cours des prochaines années, du

dividende numérique, c’est-à-dire d’une

partie des fréquences libérées par

l’extinction de la télévision analogique.

La réussite de cette révolution

numérique sur l’ensemble du territoire,

donc au profit de toute la population,

nécessite une démarche d’ensemble

ambitieuse et coordonnée dont l’ARCEP

est un acteur essentiel.

Trois objectifs doivent guider l’action

publique.

En premier lieu, le déploiement des

nouveaux réseaux numériques, fixes et

mobiles, constitue un enjeu crucial pour

la compétitivité de nos entreprises et

pour l’emploi. Il est donc essentiel de

donner un maximum de visibilité à

l’ensemble des acteurs du secteur

(équipementiers, opérateurs,

fournisseurs de services), qui ont un

chiffre d’affaires annuel de 100 milliards

d’euros, et aux collectivités locales.

En deuxième lieu, la défense des intérêts

des consommateurs est essentielle.

L’Autorité continuera à veiller au

développement d’une concurrence

fondée sur l’innovation et

l’investissement qui, en promouvant la

baisse des prix et le développement de

nouveaux services tout en garantissant la

qualité et la permanence de ces services,

est favorable à l’ensemble des

utilisateurs. De nouvelles questions,

telles que la sécurité des réseaux, la

protection de la santé publique ou encore

la protection de la vie privée, appellent

des réponses en cours de définition.

Enfin, le développement des nouveaux

réseaux ne doit pas occulter l’impérieuse

nécessité de poursuivre la couverture et

la montée en débit des territoires. Il

s’agit en effet de garantir

la participation de tous à la société

numérique de demain, en tout lieu,

à tout moment. Cette action doit

également viser les entreprises,

notamment les PME, afin de garantir

l’attractivité de l’ensemble du territoire.

La situation économique actuelle rend

encore plus nécessaire de réussir cette

révolution numérique qui participera non

seulement à la relance de notre

économie, mais aussi à la construction

de la « nouvelle économie », dans une

logique de développement durable.

Deux mois après mon arrivée à

l’ARCEP, je souhaite faire progresser,

avec l’ensemble du Collège, les

nombreux chantiers qui se présentent

à nous pour répondre aux nouveaux

défis de la société numérique.

••• suite de l’éditorial

La diffusion d’informations surInternet constitue un domaineparticulier d’application de règlesgénérales du droit pénal, du droit

civil, du droit de la consommation, du droit dela propriété intellectuelle, etc. dont les solutionssont classiques.

La régulation des services sur InternetInternet permet l’interopérabilité de réseaux

distincts sur lesquels circulent différentesformes de services de communications électro-niques, parmi eux :• La correspondance privée correspond auxmessages exclusivement destinés à une ouplusieurs personnes physiques ou morales,déterminées et individualisées comme, parexemple, le courrier électronique ou les listesfermées de diffusion. Il n’y a jamais decontrôle, donc en principe ni régulation, nisanction pour tout ce qui relève de la corres-pondance privée en vertu de l’article 8 de laConvention européenne des droits del’homme, sous réserve des écoutes judiciaireset administratives pratiquées dans le cadre dela loi du 10 juillet 1991.• Les sites Internet sont des réservoirsd’informations reliés entre eux par des lienshypertextes qui permettent de basculer auto-matiquement d’un site à l’autre. Juridiquementparlant, la création d’un site, d’un forum dediscussion, d’une liste de discussion ou encored’un chat, de même que la participation à cesdivers services ne sont soumis à aucune forma-lité, ni contrôle particulier ; de telles mesuresadministratives ne seraient d’ailleurs guèrecompatibles avec la liberté d’expression.

Ces services sont de plus en plus combinés :un site peut offrir un forum de discussion etun service de messagerie(1). Un même servicepeut relever à la fois de la législation audiovi-suelle du 30 septembre 1986 et du code despostes et des communications électroniques(CPCE)(2), l’ARCEP contrôlant les servicesd’accès à Internet.

La régulation des acteurs d’InternetCes acteurs sont nombreux et dotés de

statuts juridiques très différents :• L’utilisateur ou internaute peut êtrereconnu complice d’un délit commis parl’intermédiaire d’Internet dès lors qu’il aura

sciemment conservé une donnée, une œuvreou une information illégalement installée surce réseau, par exemple, le téléchargementd’images pédophiles.• Le fournisseur d’accès est celui qui permetà l’internaute d’accéder à Internet et ses diffé-rents services en mettant à la disposition decelui-ci des accès au réseau. Il est un fournis-seur de communications électroniques ausens du CPCE. Simple prestataire technique,le fournisseur n’a pas l’obligation de contrôlerles sites. • L’hébergeur est celui qui fournit un espacede données consultables. Comme pour lefournisseur d’accès, sa responsabilité peutêtre engagée s’il a eu connaissance du carac-tère délictueux de l’information hébergée(3).• Le fournisseur de contenus est l’éditeur, leproducteur d’informations. Qu’il ait lamaîtrise du site ou qu’il soit simple auteur depages personnelles, il est pénalement respon-sable car il dispose d’un réel pouvoir decontrôle sur ces informations et sur leurdiffusion(4).• Les exploitants de réseaux de communi-cations électroniques assurent le transportde l’information. Cette activité économiqueest soumise à déclaration administrativeauprès de l’ARCEP(5). Ces exploitants ne sontpas responsables du contenu de l’informationen vertu du principe de neutralité affirmé parl’article L. 31-2 du CPCE. L’ARCEP veille aurespect de ce principe.Si le législateur n’a pas codifié l’usage et lesresponsabilités en matière d’Internet, il n’enreste pas moins qu’aux régimes spécifiques dela communication audiovisuelle et descommunications électroniques, s’ajoute ledroit commun. �

(1) Cette convergence est accentuée par le fait que certainssites offrent en outre des produits dont le caractère multi-médiatique les rend très proches d’un service de radiodif-fusion classique. Or, lorsque la communication au publicpar voie électronique se rattache au domaine de la com-munication audiovisuelle, elle est soumise au contrôle duCSA.(2) CA Paris 28/04/98, France Télécom contre Cie géné-rale des eaux : un service d’accès à Internet constitue unservice de communications électroniques.(3) Article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pourla confiance dans l'économie numérique.(4) Lois de la presse de 1881 et de 1982.(5) Article L. 33-1 du CPCE.

Synonyme de liberté, Internet n’est pas pour autant un espace de non-droit. Il combine au contraire plusieurs branches du droit. Inventaire.

Régulation et Internet :quel rôle joue l'ARCEP ?

2 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

par Jean-Ludovic Silicani, président de l'Autorité

Internet : les nouveaux défis

Page 3: Internet : les nouveaux défis - Arcep

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 3

Internet : les nouveaux défis

pas surprenant qu’éditeursde télévision et de radiocombinent diffusion deprogrammes continus etservices de médias à lademande. La dynamiquedes services télématiquesen ligne fait s’affronterun monde économi-quement très régulé,celui des communica-tions électroniques, àcelui du Web, très libre enphilosophie et en pratique. Cettedisparité est-elle viable à terme ? Crise oupas crise, les mouvements de concentration,de partenariats horizontaux et verticaux vonts’intensifier. Face aux moteurs généralistes, denouvelles médiations plus efficaces, plusrespectueuses des droits de chacun, plussimples pour les clients, vont s’imposer. C’estle consommateur, en payant ces nouvellesvaleurs apportées, qui sélectionnera, car lapublicité a ses limites.

Cette disparité existe aussi dans la régula-tion sociale comme l’illustre bien les contro-verses sur la loi Hadopi. La toile s’est voulueun espace de parité, de liberté face à auxcommunications hiérarchisées de l’écrit, destélécommunications et de l’audiovisuel. D’uncoté, respect de la vie privée et du secret descommunications personnelles, pluralisme etencadrement face aux risques d’atteintes auxbonnes mœurs, à la propriété intellectuelle,de l’autre, externalisation des intimités dansles blogs, édition en direct des œuvres parchacun, rencontres masquées derrière despseudos, observation, exploitation des profils,flux et mots utilisés dans les requêtes.

Le Web a ouvert de nouveaux horizons àla liberté d’expression individuelle, à l’accès àla connaissance et au savoir, au commerce,aux échanges sociaux. Il faut consolider cetteopportunité par plus de cohérence dans lesrégulations économique et sociale entretransport, médiation et création de contenuset applications au service d’un humanismeoù la liberté individuelle est contrainte àminima pour l’intérêt général. Alors, il y aune grande chance que le rêve d’une planètenumérique ne soit pas englouti par une cyberjungle. �

Les déploiements des réseaux fixeshaut débit grâce à l’ADSL ont faitentrer la communication électro-nique dans l’ère des services en

ligne grand public. Ces services télématiquesqui combinent télécommunications et plates-formes informatiques commencent à révolu-tionner la troisième génération de servicespour les mobiles avec les smartphones. Toutpeut paraître naturel ; ne dit on « pas simplecomme un coup de fil » et maintenant « simplecomme un clic » ? En réalité la fourniture deservice à travers le Web est le produit d’unelongue et complexe chaine industrielle : fabri-cants de composants microélectroniques etoptoélectroniques, constructeurs d’équipe -ments de télécommunication, d’informatiqueet de terminaux, opérateurs de réseaux etservices de télécommunication, distributeurset éditeurs de contenus et applications. Cettechaîne de valeur connaît plusieurs change-ments : des équipements vers les composantsqui intègrent de plus en plus de fonctions, dumatériel vers l’immatériel des logiciels, desservices conversationnels (téléphone, cour-riels) vers ceux de télématique en ligne.

Le stade du chaos créationnel

Dans ce phénomène, le transport del’information devient accessoire de la valeurdes applications et contenus. Les services dediffusion de radios et de télévisions sontdéstabilisés par les vidéos et musiques à lademande. Les réseaux de télécommunica-tions sont entourés, assiégés par une nébu-leuse constituée de grappes de serveursinterconnectés par des hyperliens. Les plusgros flux de trafics des consommateurs neviennent plus de leurs conversations télépho-niques mais de leurs consultations et téléac-tions en ligne. Là aussi se trouvent les fortspotentiels de croissance. La nébuleuseinternet – qu’il serait plus judicieux debaptiser télématique (internet est un réseau)– est encore au stade du chaos créationnelou, au mieux, embryonnaire ; des myriadesde start-up naissent, meurent, certaines attei-gnent la taille critique par absorptions etconsolidations, quelques rares réussissent àdevenir des étoiles de première grandeur,voire des quasi monopoles.

Des modèles économiques qui n’ont pas atteint la stabilité

Les principaux revenus viennent desopérateurs qui, par leurs investissementsfinancent les équipementiers et indirectementl’industrie des composants ; la diffusion tireses ressources en premier de la publicité ; elleest de plus en plus concurrencée, à cet égard,par le monde télématique dont une majoritéde services sont gratuits ou payés par la publi-cité. Internet a acquis 15% du budget desannonceurs, rattrapant la radio et dépassantl’affichage.

Le rappel de quelques faits qui ont marquéces dernières années permettra de situer lesfronts où se déroulent les chocs entre lescontinents télécommunication et Internet.Microsoft élimine le navigateur Netscape,Firefox et les autres sont marginaux, Googledomine en moins de dix ans la fonctionmoteur de recherche, élimine Alta Vista etautres, marginalise Yahoo, AOL, Micro -soft – qui vient de contrattaquer en lançantBing. Avec l’iPhone et App store, Apple faitune entrée fracassante sur le Web avec lesmobiles et conteste la suprématie de Nokiaqui pourtant avait bien anticipé avec sa plate-forme de distribution de musique et sonimplication dans le système d’exploitationSymbian (cf. page 19) ; Google déstabilise cedernier en lançant Androïd pour contrer lesystème propriétaire d’Apple. La stratégie estde fournir à l’internaute mobile, pour lecapturer et le fidéliser, la chaine complète duterminal aux applications ; la tactique : unterminal ergonomique (le smartphone), uneboutique de contenus et des applications viaun système d’exploitation. Les opérateurs detélécommunications deviennent de purstransporteurs et risquent de perdre la relationdirecte avec le client si les intermédiaires de lanébuleuse télématique livraient leurs servicesfranco de port (modèle Skype étendu au tripleplay par Face Book et MySpace).

Planète numérique ou cyber-jungle ?

Il n’est pas étonnant - et c’est une réactionde vitalité - que les opérateurs de télécommu-nications essaient de se distinguer auprès deleurs clients en leur offrant des terminaux etdes contenus et des applications originales ;

Mouvements tectoniques sur les chaînes de valeurs

par Michel Feneyrol, président de Fe-Net-Tel, ancien membre de l’ARCEP

Page 4: Internet : les nouveaux défis - Arcep

��� La numérisation, en libérant l’information detoute inscription sur un support matériel, annihile lescoûts de sa réplication, de son stockage et de sadistribution. Sur Internet, l’information devient ainsiun bien économique autonome, dont la consomma-tion est en outre « non rivale », l’usage par certainsn’excluant pas l’usage simultané par d’autres, àl’instar de l’inépuisable trésor de la caverne d’Ali-Baba.

��� En accroissant le volume des données dispo-nibles, la numérisation augmente les temps derecherche et de sélection des informations perti-nentes, selon le modèle de l’aiguille dans la botte defoin. Internet créant une dépendance information-nelle, les coûts engendrés par cette dépendance sontincontournables et pèsent sur les individus, commeagents économiques et comme citoyens.

��� La numérisation a creusé une gigantesque« poubelle informationnelle », une décharge béantenommée Internet, qu’il serait pour le moins malsainde fouiller en permanence, fût-ce au prétexte d’ydénicher un contenu de qualité… qu’on aurait jeté làpar le plus grand des hasards.

4 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Internet : les nouveaux défis

11Effets de la numérisation

��� Que la révolution numérique crée ou détruise de la valeur est undébat non tranché. Ce qui est certain, c’est qu’elle en transfère d’un maillonà l’autre de la chaîne des contenus, depuis la création jusqu’à la consomma-tion, en passant par l’édition et la distribution. Comment maîtriser ou corrigerces transferts ? Comment garantir la rémunération de la création sans briderla consommation ? Comment organiser le partage des revenus entre éditeursde contenus et plates-formes distributrices ? Selon les réponses apportées àces questions, la révolution fera – ou ne fera pas – de victimes.

��� En instaurant une gratuité virale sur Internet, la révolution numériquedétruit sans contrepartie la valeur que produisent la création et l’édition cultu-relles. Pour restaurer cette valeur, le marquage et le filtrage des contenus, ainsique le contrôle des téléchargements, sont des instruments nécessaires. Cen’est là après tout qu’un opportun retour à l’essence même de l’édition pré-numérique : tout contenu doit être rendu captif d’un contenant, afin que lamarchandisation du second assure la rémunération du premier.

�� � La valeur économique étant définie comme l’excédent d’une utilitésur un coût, la révolution numérique crée de la valeur : elle abaisse en effetle coût de la distribution des contenus et elle en augmente l’utilité, en accrois-sant la variété. Toutefois, ce coût et cette utilité sont quasiment indépendantsdes quantités, si bien que le recueil de la valeur doit à terme se déplacer del’usage vers l’accès… et donc, d’un paiement à l’unité vers une rémunéra-tion forfaitaire. L’économie d’Internet n’est pas sans évoquer celle d’un parcd’attractions, où l’entrée est payante et chaque manège gratuit.

22Formation et partage de la valeur

��� La net-neutralité est une vaine utopie, unevanne ouverte au déversement des contenus illicites,une incitation au cyber-crime, une atteinte grave à lasécurité des réseaux.

��� Protéger la neutralité du Net, c’est évidemmentproscrire toute discrimination sauvage, coupure d’accèsou rationnement discrétionnaire… mais, la bandepassante étant une ressource rare, c’est aussi tolérerune certaine différenciation, en permettant une gestiondes priorités de trafic et une modulation tarifaire selonles requêtes de débit et de qualité de service.

��� La neutralité est le principe fondateur d’Internet,l’essence même du réseau des réseaux. Cela ne souffreaucun compromis ni aucune exception.

55��� La convergence est un jeu gagnant-perdant, une guerre straté-gique entre l’industrie des contenus et celle des réseaux, car à profitglobal donné, tout gain engrangé chez l’une creuse une perte chezl’autre.

��� La convergence est un jeu gagnant-gagnant car elle promet à lafois plus d’audience aux contenus et plus de trafic aux réseaux. Entreopérateurs et éditeurs, des partenariats mutuellement avantageux sontdonc possibles. Il n’est qu’à les nouer… sans oublier la rémunérationdes créateurs en amont… ni le surplus des utilisateurs en aval.

��� La convergence est un jeu perdant-perdant, car le profit estsous-additif : le lien de complémentarité entre les deux secteursprésente peut-être un intérêt pour le consommateur… mais il réduit lacapacité individuelle de chaque industrie à extraire de la disposition àpayer.

Convergence tuyaux/contenusNeutralité d’Internet

66

A Cannes, le festival s’achève. La palme d’or est décer-née à… Luchino Visconti, pour Le Guépard ! Nous sommes

en 1963, cinq ans après la parution posthume du roman deGiuseppe Tomasi, prince de Lampedusa. Depuis son fief sici-

lien, Don Fabrizio Corbera, prince Salina, est le témoinlucide et passif des troubles du Risorgimento. Sous ses

yeux, un nouvel ordre se substitue à l’ancien. Son neveu,le fringant Tancredi Falconeri, se montre un artisan

enthousiaste du renouveau, qu’il incarne sans

dissimuler son opportunisme : « Si nous voulons que tout demeure enl’état, il faut que tout change ! ». Dans cette révolution en forme d’antilogie,à laquelle Tancredi n’aspire que pour mieux demeurer aux commandes,le prince voit quant à lui l’avènement des affairistes – « Nous fûmes lesguépards, les lions, ceux qui nous remplaceront seront les chacals et leshyènes… » – mais son désabusement rejoint finalement le cynisme deson neveu dans l’union paradoxale du mouvement et de la permanence :« … et tous, guépards, chacals et moutons, nous continuerons à nousconsidérer comme le sel de la terre ».

Êtes-vous digiphile, digisensible, digiscepti

Page 5: Internet : les nouveaux défis - Arcep

La révolution numérique, elle aussi, a ses Tancredi et ses Fabrizio : sur son passage, elle entraîne des fanatiques, commeelle inquiète des sceptiques. Les premiers saisissent les oppor-tunités que fait mûrir la grappe des technologies de l’informationet de la communication. Les seconds redoutent la chape quecette grappe fait peser sur les modèles de l’économie pré-numé-rique. Etes-vous un Tancredi ou un Fabrizio… ou un subtil hybridedes deux ? Pour le savoir, n’attendez plus : mesurez votre quo-tient digital (QD) !

Pour chacune des huit rubriques dutest, cochez l’assertion qui, parmi lestrois propositions, correspond le mieuxà votre perception : « Pourrais-je direcela ? ». Ce n’est pas un contrôle de connais-sances. Il n’y a ni bonnes ni mauvaises réponses. Toutest question de sensibilité : le quotient digital s’apparentedavantage au quotient émotionnel (QE) qu’au quotientintellectuel (QI) !

�� � Dans la société numérique, la frontière entreproduction et consommation, comme celle entre travailet loisir, tend à s’estomper, ce qui enrichit l’espaceéconomique en donnant naissance à des fonctionshybrides, telles que la consommation productive, àl’instar du logiciel libre, ou le travail hédonique, à l’instardu jeu vidéo professionnel.

��� Sur Internet, le trompe l’oeil de la gratuité n’apas sitôt dévalorisé le travail créatif, que déjà le loisirvient à dégénérer en addiction, sous l’effet hallucina-toire des univers virtuels.

��� Raison gardons ! A l’ère numérique, comme auxtemps pré-numériques, la production précède laconsommation, puisque la première engendre lesressources dans lesquelles puise la seconde. De même,point de loisir sans labeur préalable ! L’ordonnancementdes fonctions ne varie pas, seul change le tempo de leuralternance.

44��� Ce que l’on constate avant tout, c’est la déstabilisationde modèles d’affaires éprouvés, qui portaient des pans entiersde l’économie, tels les secteurs de l’édition ou du tourisme,sans que les services en ligne correspondants n’offrent à cestade une perspective crédible de relais de croissance.

��� La principale originalité économique d’Internet, c’est leC2C non marchand, le bouche à oreille électronique, l’échanged’informations bénévole entre consommateurs, sous la formede conseils, d’avis ou de critiques. Cette « info-médiation »induit un fonctionnement plus efficace des marchés, dans uncontexte où biens et services deviennent de plus en pluscomplexes, paramétrables, et évolutifs sous l’effet del’innovation. Avant l’achat, les futurs consommateurs tirent partides renseignements fournis par les acheteurs précoces ; aprèsl’achat, les utilisateurs novices bénéficient de l’expérienced’usage des utilisateurs avertis.

��� La prospérité du commerce électronique B2C resteproblématique et son essor est d’ailleurs jusqu’ici modéré, sansdoute en raison d’une sous-estimation des coûts logistiques,d’une surestimation des revenus publicitaires, d’une sécurisa-tion déficiente du paiement en ligne… et d’un attrait insuffisantpar rapport au commerce physique, dont il ne fait que répliquerles caractéristiques traditionnelles, sans réel apport spécifique.

33

Modèles d’affaire

�� � La finalité des communautés électroniques n’est passociale, elle est économique ! Sur Internet, l’intimité n’estqu’instrumentale : en ligne, mes « amis » éphémères sont enréalité les utiles prescripteurs de ma consommation.

��� Les sites sociaux ? Pour répondre à l’aimable invitationd’un collègue, je me suis inscrit sur un réseau professionnel enligne. Depuis, je suis sollicité par des inconnus plusieurs fois parsemaine. Sans doute suis-je un ours numérique… car cesmessages rejoignent désormais ma corbeille comme devulgaires spams.

��� La « toile » communautaire n’est qu’un tissu grossier, unpâle reflet, désincarné et trompeur, de l’authentique lien social.

77��� Le Web 2.0 est comme un gigantesque mur surlequel chacun pourrait tagger à sa guise, comme unimmense journal non édité, dont les auteurs seraientaussi les lecteurs. Mais, sans guide ni sommaire,comment feuilleter pareil journal ?

��� Les contenus auto-produits ne valent guèremieux que les téléchargements illégaux : ils saturent lesréseaux d’accès en exigeant des débits très élevés…pour transporter des informations dont la valeur socialeest négligeable, lorsqu’elle n’est pas négative !

��� Le Web 2.0 engendre un effet papillon : un petitnombre de contributions individuelles, chacune peucoûteuse à produire, suffit à produire un corpus précieuxpour très un grand nombre d’internautes.

…et les contenus du Web 2.0.

Mutation des fonctionséconomiques

L’Internet social …

88

Internet : les nouveaux défis

que, ou digiphobe ?

Réponse page 7

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 5

Par CarusoCelinni

MESUREZVOTRE

QUOTIENTDIGITAL

(QD)

Page 6: Internet : les nouveaux défis - Arcep

de manière quasi-instantanée, choix d’un anglede vue spécifique, etc.

Le très haut débit permet d’élargirl’expérience audiovisuelle des consommateurspar le développement de la télévision en 3D.Dans un premier temps, la possibilité de trans-porter par la fibre optique un flux doubled’images pour un programme donné permet-trait de généraliser au sein des foyers lesprocédés mis en place dans certains cinémasspécialisés consistant en l’utilisation delunettes spécifiques. Au delà, des procédés detélévision en 3D sont d’ores et déjà en cours dedéveloppement chez les opérateurs.

L’importance des revenus liés à l’image

Au vu de l’ensemble des atouts de la fibreoptique pour le développement des servicesaudiovisuels, les revenus liés à l’image représen-tent, à ce stade, la source la plus crédible derevenus additionnels pour les fournisseurs d’accèsà Internet. Cette génération de nouveaux revenusest susceptible de jouer un rôle important dansl’économie des déploiements et l’extension de lacouverture des offres très haut débit.Inversement, le déploiement de ces réseauxconstitue aussi un nouveau mode de diffusion, etdonc un moyen supplémentaire pour les ayants-droit de valoriser leurs œuvres. Il constitue doncun facteur de croissance du marché et un élargis-sement de la base de financement de la créationfrançaise.

Ceci suppose toutefois l’émergence et le déve-loppement de modèles légaux d’offres attractivesd’œuvres musicales et audiovisuelles en ligne,intégrés ou non aux offres multiservices desopérateurs. Ceci pourrait être favorisé par unenrichissement des catalogues actuels de vidéo àla demande et le développement de modèles defacturation par abonnement ou fondés sur lapublicité. A ce titre, on peut notamment citer lesuccès de Hulu aux Etats-Unis. Il s’agit d’un siteweb gratuit de télévision de rattrapage, rémunérépar la publicité, dont les principaux actionnaireset fournisseurs de contenus sont NBC Universal,la Fox et Disney. De même, les « majors »Lionsgate, Paramount et MGM ont créé le siteEpix, gratuit et sans publicité, sur lequel ils diffu-seront leurs principaux films peu après leur sortieen salle. Ce site sera proposé aux abonnés descâblo-opérateurs partenaires, ceux-ci reversantune commission aux majors.

Outre les services audiovisuels, le très haut

Internet : les nouveaux défis

débits sont globalement indépendants de ladistance entre le foyer d’un abonné et le nœudde raccordement optique dont il dépend.

Quels usages s’imposeront ?Si ces débits permettent d’envisager une

multitude de nouveaux usages, il est difficile àce stade de prévoir ceux qui s’imposeront grâceà la fibre optique durant les prochaines décen-nies. Il est néanmoins possible dès à présent, surla base des premières tendances du marché etdes travaux de recherche et développementengagés par les opérateurs, d’identifier les prin-cipaux domaines dans lesquels le très haut débitdevrait ouvrir la voie à de nouveaux servicesinnovants.

En premier lieu, pour la clientèle résiden-tielle, les services de mise à disposition decontenus (télévision haute définition, vidéo à lademande) devraient être les premiers à profiterdu très haut débit.

A l’étranger, et notamment en Asie et auxEtats-Unis, ce sont en effet les offres triple-playincluant des services audiovisuels attractifs quiconstituent le produit d’appel pour le très hautdébit. D’ores et déjà, malgré les limites techniquesintrinsèques de l’ADSL, la France est le leadermondial en nombre d’abonnés à la télévision parADSL avec plus de 6,2 millions d’abonnés au 31mars 2009. La fibre optique permettra d’accélérerla pénétration des offres triple-play ens’affranchissant des limites de débits pour leslignes trop longues et en offrant de nouveauxservices innovants ou de qualité supérieure.

Le très haut débit permettra notamment laréception simultanée de plusieurs chaînes hautedéfinition, aujourd’hui impossible en ADSL.Plus de problème à l’avenir pour regarder unprogramme tout en en enregistrant un autre surl’enregistreur numérique de sa « box », y comprisen haute définition.

Outre la levée des contraintes d’éligibilité,c’est la qualité de service des offres audiovisuellesqui sera significativement améliorée. Les phéno-mènes de « gel » d’images, relativement répandusen ADSL, y compris pour les chaînes diffusées endéfinitions standard, devraient disparaître avec lafibre optique.

Les réseaux très haut débit devraient faciliteret généraliser l’utilisation par les abonnés desapplications associées aux services audiovisuels :visionnage multi-écrans, « time control » via lesenregistreurs numériques, y compris en HD,mosaïque, téléchargement de vidéo à la demande

Le succès du haut débit montre qu’ilexiste une appétence forte desconsommateurs pour des servicestoujours plus innovants, nécessitant

des débits de plus en plus élevés. En témoignentl’essor des offres de télévision par ADSL et devidéo à la demande, le développement denouveaux usages sur le web, la croissance deséchanges de pair à pair entre communautésd’internautes, etc.

Les offres haut débit actuelles – sur le câbleet l’ADSL notamment – sont cependant limi-tées en bande passante, notamment sur la voieremontante, ce qui peut constituer progressive-ment un frein au développement de cesnouveaux usages.

En effet, aujourd’hui, ces deux réseauxprésentent des limites techniques intrinsèques :ils ne peuvent transporter des débits importantssur des distances trop longues. Via l’ADSL parexemple, il n’est pas possible de fournir unservice de télévision satisfaisant à un abonnédont la ligne téléphonique est distante de plusde 4 kilomètres du central téléphonique.

Plusieurs opérateurs déploient aujourd’huien France des réseaux de nouvelle génération,permettant d’apporter des débits bien plusélevés à leurs clients, supérieurs à 50 Mbit/s etpouvant dépasser 100 Mbit/s. On parle deréseaux à « très haut débit ».

Dans ce cadre, on peut distinguer deuxgrandes familles de réseau à très haut débit :- les réseaux FttH (Fiber To The Home),

déployés par les principaux opérateurs ADSL,soit en architecture « point-à-point » soit enarchitecture « PON ». Ces réseaux utilisent desfibres optiques comme support de transmis-sion sur l’intégralité de la boucle localejusqu’au logement de l’abonné ;

- les réseaux très haut débit en fibre optique avecterminaison en câble coaxial, déployés par lecâblo-opérateur. Ces réseaux réutilisent ladesserte intérieure des immeubles des réseauxcâblés, complétés par des fibres optiquesdéployées sur le domaine public.

Comparés aux réseaux existants qui utilisentdes conducteurs métalliques (paire de cuivre oucâble coaxial), ces nouveaux réseaux utilisent desfibres optiques sur tout ou partie de la bouclelocale et permettent d’ores et déjà d’atteindre desdébits symétriques de l’ordre de 50 à 100 Mbit/ssur les voies descendante et remontante. Grâce àla fibre optique qui permet de transporter dessignaux sans affaiblissement significatif, ces

Le succès du haut débit montre qu’il existe une appétence forte des consommateurs pour des services toujours plus inpassante, notamment sur la voie remontante, peuvent constituer progressivement un frein au développement de ces s’imposer ? Revue de détail.

6 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Fibre, montée en débit et nouvelles applic

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avancées significatives dans le domaine de lasanté. En effet, l’augmentation des débits devraitfavoriser la possibilité de pratiquer des diagnosticsà distance, le maintien à domicile de personnesâgées, mais aussi permettre aux hôpitaux et auxétablissements de santé de mutualiser desmoyens, des compétences et d’échanger rapide-ment des fichiers volumineux de type IRM ouscanners.

Si l’application qui profitera le plus dudéploiement de la fibre optique n’est pas encoreconnue, nul doute que, la nature ayant horreurdu vide, les usages connaitront durant lesprochaines années des évolutions majeures grâceà l’augmentation des débits, au bénéfice desconsommateurs. �

La domotique peut également bénéficier dudéploiement de la fibre optique dans les immeu-bles. On peut tout à fait imaginer que la maisontoute entière soit reliée à l’avenir à Internet : celapermettra non seulement d’accéder à distance àses propres fichiers, mais aussi de sauvegarder enpermanence ses documents sur un espace destockage distant et sécurisé, via une interface logi-cielle, ou encore de piloter à distance la gestionénergétique de sa maison (éclairage, chauffage,ventilation, etc.).

En ce qui concerne la vie professionnelle, lafibre optique est de nature à favoriser le télétravailgrâce à la garantie de services de visioconférencedans une qualité élevée. Elle peut également favo-riser les pratiques de e-learning, et permettre des

débit devrait conduire au développement desservices de partage de contenus autoproduits,notamment via l’essor des blogs vidéo, des sitescommunautaires intégrant la publication de grosfichiers personnels et des sites de vidéo en lignede type UGC (« user generated content »).

En matière de jeux vidéo, l’impact des réseauxtrès haut débit devrait être particulièrementimportant. Leur déploiement permettra, d’unepart, aux éditeurs de poursuivre le développe-ment de modèles de jeux massivement multi-joueurs, de distribution et de téléchargement dejeux en ligne en quelques secondes ou de servicesd’abonnement à des sites de jeux de ligne, et,d’autre part, aux utilisateurs d’augmenter laqualité de leur expérience ludique.

novants, nécessitant des débits de plus en plus élevés. Mais les offres haut débit actuelles, limitées en bandenouveaux usages. L’arrivée de la fibre va permettre d’envisager une multitude de nouveaux usages. Lesquels vont

Internet : les nouveaux défis

ations

QD entre 80 et 120 Le digisensible. Le numérique ne vous laisse pas indifférent. Vous appelez de vos vœux une économie et une société de laconnaissance, mais vous ne sauriez aujourd’hui en dessiner les contours avec précision. Les processus origi-naux qui voient le jour dans le « laboratoire Internet » ne vous échappent pas, mais ils vous paraissent encoreincertains ou mystérieux. A supposer qu’ils s’affirment comme les nouveaux vecteurs de la croissance écono-mique et du bien-être social, vous vous interrogez sur les modalités de la transition et sur la capacitéd’adaptation des acteurs. Mais à force de vous interroger, veillez à ne pas sombrer dans le digiscepticisme !

QD entre 40 et 70 Le digisceptique.Pour vous, le numérique pose davantage de problèmes à l’économie et à la société qu’il n’apporte de bienfaits.Sans numérique, pas de piratage ! Sans numérique, pas de cyber-crime ! Sans numérique, moins de risqued’atteinte à la vie privée ! Sans numérique, moins d’antennes ! Sans numérique, pas d’effondrement desmodèles d’affaire ! Certes, vous convenez volontiers que le numérique représente une innovation essentielle,qu’il serait donc absurde de refuser… mais vous insistez sur la nécessité de la canaliser étroitement, souspeine de se voir rapidement dépassé par ses effets potentiellement dévastateurs : mieux vaut prévenir queguérir, telle est votre maxime ! Attention, vous frisez la digiphobie… alors qu’un léger changement de pers-pective suffirait à faire de vous un digisensible : et si construire valait mieux que prévenir ?

Au royaume du pré-numérique, vousêtes un véritable Guépard, superbe…et réfractaire. Pour vous, lorsqu’il n’estpas franchement nuisible, le numériquen’est qu’un pourvoyeur de gadgetsinutiles. A Noël, un ami qui vous veut dubien vous a offert un portable 3G…mais vous ne l’avez pas allumé : vousgardez votre bi-bop et votre minitel. Autravail, aucun ordinateur n’encombrerajamais votre bureau : c’est votre assis-tante qui, pour vous, traite les courrielsémis par ces rustres qui ont perdu l’artet la manière du postal et du manuscrit.Quant à l’Internet, un honnête hommene fréquente pas la cour des miracles !Ce n’est pas la première fois quel’agitation moderniste s’ingénie à trou-bler votre quiétude… Rappelez vous :le cinéma parlant, la télévision couleur,le magnétoscope… L’Histoire passe,vous restez. Très bien, mais que cela nevous prive pas de dévorer La Lettre…en cachette de votre neveu Tancredi !

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 7

RésultatsQuizz pages 4-5

Calculez votre QD

Comptabilisez 10 points pour chaque �, 5 points pour chaque �, et retranchez 5 points pour chaque �.

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Êtes-vous digiphile, digisensible, digisceptique, ou digiphobe ?

QD entre 130 et 160 Le digiphile. Vous êtes démasqué : sur Myspace, votre pseudo c’est Tancredi il Numerico ! Vous pensez numérique, vousagissez numérique, vous rêvez numérique ! Pour vous, l’homo oeconomicus n’est plus qu’un spécimen fossilede l’ère prédigitale. La race des homines digitales est née et vous en faites partie. Félicitations ! S’il est peudouteux que l’Histoire vous donne bientôt raison, ne négligez pas pour autant le court-terme. N’ignorez pas ladifficulté des transitions ni l’inertie des comportements. Nombreux encore sont ceux qui raisonnent commevotre oncle le Guépard et, pour les convaincre, il faudra d’abord savoir les écouter.

QD entre 0 et 30 Le digiphobe.

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Internet : les nouveaux défis

(smartphones) ou les modems USB ouvrent lavoie à de nouveaux usages et services en ligneet permettent de nouvelles formes de valorisa-tion des contenus numériques. Le milliardd’applications téléchargées (cf. page 21) enneuf mois sur l’App Store d’Apple illustrecette tendance de fond.

Faire face aux enjeux de demain Le développement durable de l’écosystème

Internet repose sur quatre besoins clés : descapacités réseaux toujours plus importantes,des règles du jeu claires et pérennes, uneconfiance renforcée des consommateurs et,enfin, davantage de simplicité.

La popularisation des services multimé-dias, de la TV et de la vidéo a conduit à unecroissance exponentielle de la demande decapacité réseau. Les opérateurs doivent doncprocéder à des investissements permanents etimportants pour maintenir la qualité duréseau alors même que le prix unitaire desservices facturés baisse et que la part dubudget des clients alloué aux services decommunications électroniques reste quasi-ment stable. Or, les opérateurs ne peuventengager pleinement les investissements lourdsnécessaires au déploiement des réseaux denouvelle génération (NGN) si les règles fixantles conditions de concurrence ne lèvent pasl’insécurité juridique existante, et si ellesn’incitent pas clairement les différents acteursà investir.

L’évolution des règles du jeu concerne aussiles consommateurs comme, par exemple, celleencadrant les usages immodérés du réseau parune infime minorité de clients (règles d’usageraisonnable : « fair usage »), ou bien de luttecontre le piratage (sécurité, téléchargement)sous toutes ses formes.

Il faut aussi renforcer la confiance. Lesconsommateurs doivent être informés del’usage fait des données personnelles trans-mises sur la toile via les e-commerçants ou lesréseaux sociaux. Les opérateurs de réseauxdoivent également leur garantir la protection

En 10 ans,l’Internet estrentré dans lequotidien des

Français et FranceTélécom a été l’un desacteurs majeurs de cesuccès. De quelquescentaines de milliersd’abonnés Internet en1999, nous sommespassés fin 2008 à prèsde 19 millions, dont

95% en haut débitL’écosystème de l’Internet

a connu bien des évolu-tions au cours de cette

décennie du fait de troisruptures technologiques : la numé-

risation généralisée des contenus, lacroissance des débits et la multiplication des

terminaux connectés.

La chaîne de valeur se complexifie L’opérateur télécom se trouve à un point

charnière de la création de valeur. Il dispose,d’une part, de la relation la plus étroite avecles clients finals. Il est, d’autre part,l’architecte et l’exploitant des infrastructuresréseau et donc garant de l’évolution et de laqualité du réseau. Par ses investissements, ilredistribue de la valeur vers les équipemen-tiers.

A l’autre bout de la chaîne, dans unsystème où la gratuité domine, les fournis-seurs de contenus peinent à trouver unmodèle d’affaire viable. L’essentiel des revenuspublicitaires profite à quelques grands portailset moteurs de recherche mondiaux.Néanmoins, des modèles alternatifs émer-gent ; citons comme exemple les partenariatsnoués avec les maisons de disques qui permet-tent aux opérateurs de proposer de la musiqueen illimité dans leurs offres multiplay.

Par ailleurs, le développement de l’Internetmobile via les mobiles multimédia 3G+

des divers fichiers personnels qu’ils stockenten ligne.

L’Internet n’étant plus l’apanage de tech-nophiles avérés, mettre l’accent sur la simpli-cité du service devient enfin essentiel pouréviter l’apparition d’une catégorie de la popu-lation exclue de l’Internet, du fait de son âgeou de son manque de formation.

Vers un nouveau partage de la valeurJusqu’à présent, les opérateurs, au premier

rang desquels France Télécom, ont réussi àmaintenir un accès égal au réseau à tout utili-sateur d’Internet. Néanmoins, cette garantiede service indifférencié pourrait bientôtatteindre ses limites et nécessiter un nouveaumode de partage de la valeur. Actuellement, lepoids des investissements réseau pèse sur lesseuls opérateurs alors que les principaux béné-ficiaires sont quelques fournisseurs decontenus, gros consommateurs de bandepassante.

La stratégie du groupe France Télécomrepose sur la convergence des usages quis’accompagne d’une nécessaire montée engamme dans la chaîne de valeur. L’intelligenceque nous déployons dans nos réseaux permetde développer des nouveaux modesd’utilisation des services et de contenus enligne, enrichis et sécurisés, qu’il devientpossible de valoriser auprès de nos clients. Parailleurs, nous développerons d’ici 2012 notreprésence dans de nouveaux services à valeurajoutée : contenus multimédias et audiovi-suels mais aussi audience, e-santé et d’autresservices innovants.

Finalement, après avoir réussi les viragesstratégiques de la voix sur IP et de l’IPTV,nous nous préparons à offrir à la générationnée avec l’Internet, les services numériquesdu futur. Dans cet écosystème de « l’Interneteverywhere », la concurrence sera mondiale, lepartage de valeur également. Nous y sommesprêts, dès lors que nous disposons de règlesdu jeu transparentes et prévisibles. �

www.francetelecom.com/fr

Partage de la valeur : L' effort d'investissement dans le très haut débit ainsi que l'élargissement de la diffusion de contenus que permettent ces revienne aux opérateurs d'accès. De même, puisque les contenus valorisent les réseaux en motivant la demande des consomcréation de contenus. Dans ce monde nouveau, rien de moins évident que le partage de la valeur entre les différentsoublier le consommateur. La vision de France Télécom, Numéricâble, Free, TF1, Canal +, Google et du moteur coréen Naver.

France Télécom : un virage stratégique mondialpar Jean-Philippe Vanot, directeur exécutif en charge de l’innovation et du marketing

groupe à France Télécom

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Internet : les nouveaux défis

un casse-tête général nouvelles infrastructures paraissent devoir justifier qu'une part des revenus perçus par les fournisseurs de servicesmateurs pour l'accès, il serait équitable que les opérateurs rémunèrent cet avantage en participant au financement de laacteurs - équipementiers, constructeurs d'infrastructures, fournisseurs de contenus et de services, acteurs globaux, sans

Vidéo à la demande, télévision de rattra-page, télévision à la demande, mais aussi HDen streaming sur Internet, etc… Ces pratiquesnouvelles représentent déjà 15 % de laconsommation au Royaume-Uni. Elles sontbien sûr consommatrices de débit mais ellesrequièrent en outre une couche « logicielle »très développée. C’est ce que Numericablepropose avec la télévision 2.0. L’intérêt est depermettre au consommateur un plus grandchoix et aux producteurs de la « longue traîne »de trouver un modèle économique : descontenus plus pointus rencontrent leuraudience sur la durée sur un mode délinéarisé,ce qui était impossible jusqu’à maintenant.Cette contribution doit donc elle aussi êtrerémunérée dans le cadre du partage de la valeur.

… du consommateur….Deuxième principe : garantir et promouvoir

le libre choix du consommateur ainsi que sonaccès aux services essentiels. Libre choix dusupport et des contenus d’abord, qui impliqueune gestion proportionnée des exclusivités etdes droits. Chaque contenu doit se voir attri-buer un niveau d’exclusivité possible. Descontenus très sélectifs, comme telle sérieinédite, tel programme de niche, peuvent àcertaines conditions faire l’objet d’une exclusi-vité. Cette exclusivité et son prix sont peut-êtreune condition de la rémunération de la« longue traîne ». En revanche, les contenus« universels », tels que les grandes manifesta-tions sportives ou les grands rendez-vous del’actualité, doivent être diffusés selon unecertaine neutralité. Pour y accéder, le consom-mateur ne doit pas avoir à opter pour un modede réception spécifique, a fortiori s’il s’agit d’unpackage triple play. Sans quoi, on voit bien quela valeur des contenus risquerait d’être utiliséepour créer une forme de rente de situationdont, à terme, le consommateur ferait les frais.

Cette liberté du consommateur doit avoirson pendant dans la garantie de son accès auxservices essentiels. La qualité des réseaux et laquantité de contenus disponibles doiventpermettre de proposer aux ménages démunis

En matière de partage de valeur, c’estau consommateur que revienttoujours l’arbitrage ultime. Quelle estl’organisation de la chaîne « création-

infrastructure-diffusion » à même d’offrir lescontenus de la meilleure qualité, les plusnombreux, les plus accessibles, les plus divers etau meilleur prix ?

Y répondre implique d’agir selon trois prin-cipes : 1) Il faut inciter à l’investissement inno-vant, 2) Il faut garantir et promouvoir le librechoix du consommateur, ainsi que son accèsaux services essentiels, 3) Il faut permettre auxcréateurs de contenus d’être rémunérés pour ladiffusion de leurs œuvres.

Mettre l’investissement au service de la diffusion

Premier principe, l’investissement dans lesinfrastructures et l’innovation. Il concerne lesréseaux et les medias d’accès à des modes deconsommation nouveaux, plus faciles et plusdivers.

On pense à la boucle locale en fibre optiquebien sûr, mais également aux équipementsactifs qui « allument » la fibre dans les nœudsde raccordement optique. Ce déploiementnécessite des interactions entre opérateurs,collectivités locales gestionnaires du domainepublic et acteurs de l’immobilier. Chaque pointde passage peut être l’occasion d’un partage dela valeur. Le rôle des pouvoirs publics est defixer des règles incitant les opérateurs à investirafin de voir émerger de nouveaux services à unprix abordable pour le consommateur final.

Entre infrastructures et contenus, une« couche » intermédiaire doit elle aussi fairel’objet d’un partage de valeur. Avec la multipli-cation des contenus, la question del’ergonomie, de l’aide au choix du consomma-teur, devient centrale. Il ne s’agit pas unique-ment de moteurs de recherche ou de guide desprogrammes, mais bien de nouveaux outils auservice de nouveaux modes de consommationdont le plus emblématique est la délinéarisa-tion et la personnalisation de la consommationde télévision.

un accès minimum àInternet à haut débit, autéléphone et à la télévision.Les opérateurs en mesured’assumer cette responsa-bilité sont ceux quidisposent d’une infra-structure propre etpeuvent ainsi proposerune offre sociale. C’estune manière pour eux,et pour Numericable, enparticulier avec sonservice SUN destiné auxbailleurs sociaux et auxcopropriétés (Internet 2mégas, TNT, téléphoneentrant et urgences pour unprix de 4 € par mois inclusdans les charges locatives), deporter une vision du partage dela valeur au niveau de la société.

… et de la création Troisième principe : le respect de la création

et de la propriété intellectuelle. Acteur histo-rique de la télévision payante et contributeur dusecteur audiovisuel, à ce titre, à hauteur de 130millions d’euros par an, Numericâble est natu-rellement favorable au meilleur niveau deprotection de la propriété intellectuelle. C’estévidemment la condition d’une création vivanteet de qualité. Fondamentalement, la vocationd’une œuvre est d’être le plus largement diffuséepour trouver son public. Elle doit pouvoirutiliser à cette fin tous les réseaux et fenêtresdisponibles. A cet égard, le raccourcissement ducalendrier des media et la possibilité d’offrir laVOD en même temps que les DVD vont dansle bon sens et sont un exemple de « partage dela valeur » en actes entre les différents acteurs.

Inciter à l’investissement, garantir le librechoix du consommateur, rétribuer la création :trois principes de répartition de la valeur dansla « chaîne » des nouveaux média qui doiventaussi inspirer l’organisation des opérateurs… �

www.numericable.fr

Numéricâble : les trois commandementspar Pierre Danon, directeur général de Numéricâble

Page 10: Internet : les nouveaux défis - Arcep

Internet : les nouveaux défis

chaînes locales ou thématiques qui, jusque là,ne trouvaient pas de distribution ou enaugmentant la distribution de Canal+ etCanalSatellite en zone urbaine. Ce partenariatavec les industries du contenu relèvent du bonsens : un réseau sans contenu serait bienpauvre, et des contenus sans distributionn’auraient pas d’économie. Ceux qui conti-nuent à opposer industries des télécoms et descontenus se trompent de combat. A noterqu’en 2009, en ajoutant les reversementsdirects aux chaînes, les droits versés à laSACEM et autres sociétés de représentation,et les taxes COSIP ou sur la copie privée, Freeversera 100 millions d’euros à l’industrieaudiovisuelle.

C’est aussi cette idée d’un partage de lavaleur avec le consommateur qui motive notreprojet mobile. Aujourd’hui la valeur est captéepar l’oligopole des opérateurs mobiles, audétriment du consommateur, avec le maintiende prix très élevés, sur les petits forfaits notam-ment. Nous voulons, en devenant opérateur

La vision portéepar Free depuissa création estcelle d’un partage

équilibré de la valeuravec le consommateur etles fournisseurs decontenu.

Côté consomma-teur, Free a imposé leprix de 29,99€, le plusbas en Europe etinchangé depuis 2002,malgré l’amoncellement

des taxes. Et au delà dece prix bas, Free s’efforced’offrir constamment de

nouveaux services à ses 4,4 millions d’abonnés : derniè-

rement encore, l’accès gratuit auréseau Wifi de toutes les Freebox.

Côté contenu, nous avons multiplié lespartenariats en offrant de la visibilité à des

mobile, rendre pouvoir d’achat et libertéd’usage aux foyers français.

Renforcer les fondations du partage par la régulation

L’ouverture à la concurrence du marché de latéléphonie fixe en France est un succès. Prix bas,innovation permanente, et investissementslourds par des opérateurs profitables.

Mais la concurrence est récente, et le marchéest toujours dominé par un opérateur historiquequi dispose de moyens sans commune mesureavec ceux de ses concurrents. Les évolutions tech-nologiques telles que la convergence fixe/mobileet le déploiement des réseaux très haut débitpeuvent remettre en cause le fragile équilibre.

Les régulations, tant ex-post que ex-ante,sont donc plus que jamais nécessaires pourpréserver une juste répartition de la valeurentre opérateurs et consommateurs, mais aussiet surtout, entre opérateurs historiques etopérateurs alternatifs. �

www.free.fr

Free : une répartition équitable de la valeurpar Maxime Lombardini, directeur général de Free

Internet comme rentabilisable à moyenterme. La faiblesse des revenus publicitaires etsa captation massive par les liens sponsorisésne permettent pas de vrai développementaudiovisuel.

Une triple dérive des comportements

Internet provoque par ailleurs une tripledérive des comportements : (i) celui des piratesindividuels qui détournent le marché de lamusique, du film et de la vidéo, affaiblissantdramatiquement les financements essentiels etfragiles de la création audiovisuelle, (ii) celui desfournisseurs de mini clips vidéos, Youtube etDailyMotion en tête, qui offrent des vidéosdont ils ne contrôlent pas les droits, au détri-ment des ayants droits légitimes, (iii) celui enfindes opérateurs triple play, qui utilisent de façoncontinue l’offre audiovisuelle pour déployerréseaux et activité économique fortementrémunératrice, sans se préoccuper ni dessources de financement des chaines utilisées, ni

même de l’effet décrit plus haut des usages surle business model primaire de ces acteurs.

Internet dispose enfin d’un eldorado entermes de réglementation, quotas, responsabi-lités et autres principes élémentaires de touteactivité économique.

TF1 n’a pas vocation à réécrire le partage dela valeur entre les différents acteurs. Il semblecependant que les obligations financièresconsidérables des acteurs historiques(SACEM, CNC, obligations envers le cinémapar exemple) devraient être rééquilibrées surl’ensemble des acteurs de l’Internet. Il sembleégalement que le laxisme sur la dérive desusages, qui profite aux uns au détriment desautres, doit être corrigé. Il faut enfin que laréglementation sans limites sur les médiastraditionnels (publicité, jeu, éditorial, protec-tion de mineurs, équilibre politique, finance-ment de la production française eteuropéenne) trouve un équilibre avec le non-cadre qui s’applique à Internet. �

www.tf1.fr

Les chaînes detélé vi sion sontcon f ron t é e snaturellement

au nouveau médiauniversel qu’est Internet.Malheureusement, si le

réseau s’est démultiplié defaçon exponentielle, et siles usages apparaissent illi-mités, aucun mécanisme

de partage de la valeur nepermet réellement de

répondre à une logique indus-trielle pour un groupe audiovisuel.

Internet ouvre une fenêtre multi-média, désormais riche en vidéos, streaming,informations, jeux. TF1 est très armé pourproposer une offre riche et appréciée, et seretrouve ainsi leader des sites médias et très

bien placé dans le top 20 français. Pourtant,la monétisation ne lui permet absolu-

ment pas de considérer l’activité

TF1 : rééquilibrer les obligations financières entre les acteurs

par Gilles Maugars, directeur technique et informatique de TF1

10 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

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Internet : les nouveaux défis

médias est sans doute souhaitable, pour mieuxprendre en compte les nouveaux modes deconsommation des biens culturels. Mais cetteévolution n’est concevable que si elle conforte leprincipe de « fenêtres » successives et étanchesd’exclusivité d’exploitation.

On défend la valeur des contenus en luttantcontre le piratage et en respectant une chrono-logie des médias rénovée. On la détruit, àl’inverse, en conditionnant l’accès à des contenusau choix préalable d’une technologie et d’unopérateur de réseau. La valeur d’un contenurésulte en grande partie de son attractivité etdonc de sa visibilité. Réserver un contenu à laseule base d’abonnés d’un opérateur d’accèsdonné, quelle qu’en soit la taille, réduit mécani-quement l’exposition de ce contenu. Etant ainside moins en moins visible ou soumis à descontraintes d’accès décourageantes pour leconsommateur, le contenu perd en attractivité,en qualité et, in fine, en valeur. Pour certainscontenus, cette désaffection du public peutmême revêtir un caractère quasi irréversible. Lagénéralisation d’un modèle de distribution quiréserverait des contenus au réseau d’un seulopérateur ferait donc courir un risque grave dedestruction de valeur pour l’ensemble des créa-teurs et des exploitants de ces contenus. Et lafragmentation de l’offre de contenus qui enrésulterait se ferait, cela va sans dire, au détri-ment du consommateur.

C’est le consommateur qui crée la valeur

Cela nous conduit au deuxième principe :pour qu’il y ait partage de la valeur, il faut que leconsommateur trouve une valeur aux servicesqui lui sont proposés. Cela implique – on vientde le rappeler à propos de la chronologie desmédias – que les acteurs du monde des télécom-munications ou des contenus s’adaptent auxnouveaux modes de consommation de leursclients. C’est ainsi que le groupe Canal + a anti-cipé la demande de ses clients en lançant, parexemple, plusieurs offres à la demande et enmobilité (Canal+ et CanalSat à la Demande, leCube, la clé Canal+, etc.).

Surtout, le consommateur ne veut pas êtrecontraint par une technologie ou une infrastruc-ture d’accès. C’est pourquoi les offres du groupeCanal+ sont disponibles sur l’ensemble desmodes de réception existants (satellite, TNT,câble, ADSL) et sur les plateformes de tous lesopérateurs d’accès.

Nul ne peut prédire avec précisioncomment, dans les prochainesannées, sera partagée la valeur entreconstructeurs d’infrastructures, four-

nisseurs de contenus et consommateurs.L’évolution continue et très rapide des technolo-gies et des modes de consommation descontenus nous oblige à beaucoup de modestiedans nos prévisions. Pourquoi, d’ailleurs,faudrait-il qu’un seul modèle s’impose ? Nepeut-il y avoir de la place pour des acteursglobaux et des acteurs spécialisés dans un métier,des acteurs de grande envergure et des acteurs detaille plus modeste ?

Il importe toutefois de respecter quelquesprincipes simples pour créer un cadre propice audéveloppement de la valeur et à son partageéquitable entre les acteurs.

Pas de partage sans protection de la valeur

Premier principe : avant de partager la valeur,encore faut-il la protéger. Deux élémentsconcourent à cette protection : la lutte contre lepiratage et l’existence d’une chronologie desmédias.

Plus d’un milliard de fichiers de musique etde vidéo piratés par an, une perte de chiffred’affaires de l’ordre de 1,2 milliard d’euros pourla seule année 2007, une perte minimum de 10 000 emplois… Ces chiffres – déjà dépassés –traduisent assez la gigantesque perte de valeurque le piratage entraîne pour l’ensemble del’économie. La lutte contre cette destructionmassive de valeur est une urgence. C’est lepremier objectif qui était assigné à la loi Créationet Internet et il n’a heureusement pas été remisen cause par le juge constitutionnel, bien aucontraire. Il convient, à présent que sontconnues les réserves du Conseil constitutionnel,que le législateur adopte au plus vite de nouvellesmodalités de sanction du piratage, complémentindispensable au volet pédagogique de la loi.Tout retard dans l’application d’un mécanismeefficace de lutte contre le piratage fragilise àl’évidence le secteur de la création, et pénalise,au-delà, l’économie toute entière.

Si l’on s’accorde sur le fait qu’une œuvreculturelle a un prix, la valeur de l’œuvre découleégalement de la chronologie qui régit son exploi-tation. Ce sont en effet les vies successives d’uneœuvre qui contribuent à son financement et à lacréation de valeur à chaque étape de son exploi-tation. Une évolution de la chronologie des

Pour un partage équitable de la valeurDernier principe, enfin : le

partage de la valeur doit sefaire dans des conditions deconcurrence équitables. Cetteexigence prend une acuitéparticulière à la lumière dedeux débats d’actualité,pour partie liés.

Le premier concerne laneutralité des réseaux.Quelque définition qu’onretienne de cette notion –développement de réseauxouverts (« open accessnetworks ») ou sauvegarde dela neutralité d’Internet –, l’objectifrecherché est toujours d’empêcher que lepropriétaire d’une infrastructure de réseau tireun avantage indu du contrôle qu’il exerce surelle : il ne doit pas pouvoir s’accorder une prio-rité sur le marché « aval » de la fourniture desservices transportés par cette infrastructure.Dans le même temps, la neutralité des réseauxnous semble être un concept vertueux dans lamesure où elle permet de maximiser, dans desschémas de coopération qui restent largement àinventer, le nombre d’acteurs pouvant participerau financement d’infrastructures coûteuses etpouvant en tirer des revenus. Garantirl’existence de réseaux ouverts et assurer un accèsnon discriminatoire à ces réseaux pour tous lesfournisseurs de services doit donc être l’une deslignes directrices que suit le régulateur.

Il est, de même, indispensable d’instaurer unerégulation des acteurs verticalement intégrés.L’opérateur historique du marché des télécomsregroupe des activités de fourniture de servicesde télécommunications et de contenus. Or,aucune contrainte ne pèse sur lui en termes deséparation de ces deux activités : ni séparationfonctionnelle, ni même séparation comptable nelui sont aujourd’hui imposées. Une telle lacuneest susceptible d’entraîner de graves distorsionsde concurrence entre les acteurs de ces deuxindustries. Le régulateur doit donc avoir pourpriorité d’établir, en lien avec l’Autorité de laconcurrence, des règles garantissant une concur-rence équitable entre opérateurs de télécommu-nications et de contenus, préalable à tout partagede la valeur bénéfique à l’économie et auxconsommateurs. �

www.canalplus.fr

Canal + : assurer la préservation et le partage équitable de la valeur

par Bertrand Meheut, président de Canal +

Page 12: Internet : les nouveaux défis - Arcep

Internet : les nouveaux défis

milliers d'annonceurs mis en relation avec descentaines de milliers de sites souhaitant bénéfi-cier de revenus publicitaires ; approximative-ment six milliards de dollars redistribués parGoogle l'an dernier vers ces fournisseursd'applications, de services ou de contenus !

Les opérateurs de réseaux - et donc indirec-tement leurs équipementiers - en profitent enpremier lieu. En effet, au-delà du fait que lesacteurs du Net tels que Google investissentfortement en termes de bande passante et deconnectivité IP auprès des opérateurs,l'ouverture qui caractérise l'Internet permet ledéveloppement permanent de services et decontenus innovants. C'est cet enrichissementpermanent de l'offre qui a convaincu les entre-prises et le grand public de souscrire un abon-

Google évoluedans un véri-table écosystèmede l'Internet,

auquel il contribue. Les réus-sites des uns sont mutuali-sées avec celles des autres.Passons en revue ce que lesdifférents acteurs y gagnent.

Le modèle ouvert del'Internet permet unfoisonnement d'appli ca -tions, de services et decontenus disponibles en

ligne. Les entrepreneurstrouvent ainsi un terrain

d'entreprenariat extraordinaire :une fois achetée la connectivité IP

nécessaire auprès des opérateurs, leursapplications ou services innovants peuvent

potentiellement toucher 1,5 milliardd'internautes. Les détenteurs decontenus trouvent un support de distri-bution affranchi des contraintes liées àla rareté qui peuvent caractériserd'autres supports. Une véritable oppor-tunité pour la diversité culturelle !Google contribue à plusieurs titres àcet écosystème : - en rendant trouvables applications etcontenus, et en leur apportant uneaudience accrue grâce au moteur derecherche (pour les sites Internet,mais aussi désormais pour les vidéos,les livres ou la presse en ligne) ; - en offrant des plateformes de distri-bution pour les contenus, parexemple Blogger pour les blogs ouYouTube pour les vidéos ; - et surtout en donnant un accès à lapublicité sans aucune barrière àl'entrée en termes d'audience : leblog sur le sujet le plus pointu peutainsi trouver des annonceurs inté-ressés à figurer à côté de sescontenus, de même pour les pagesprofondes des sites.

Six milliards de dollars redistribués en 2008

Quelques ordres de grandeurpour illustrer la seule contributionde Google à cet écosystème : cesont plusieurs milliards de sitesindexés par le moteur derecherche ; plusieurs centaines de

nement d'accès à Internet au rythme et avec letaux de pénétration que l'on connaît !

La plus grande vertu de cet écosystème estpeut-être de placer l'utilisateur auxcommandes : une démocratisation de l'accèsaux contenus et aux informations, de nouveauxmodèles économiques (gratuit financé par lapublicité, à l'acte, forfaitaire, etc.), la concur-rence à un clic, et surtout une liberté accrued'expression.

On l'aura compris : la clé de voûte de cetécosystème est un modèle ouvert et neutre, etl'ARCEP a un rôle essentiel à jouer pourprolonger ce modèle sur les futurs réseaux à trèshaut débit - fixes et mobiles - afin d'assurer leursuccès et de maximiser leurs retombées socio-économiques. �

www.google.fr

Google : l’utilisateur aux commandespar Mats Carduner, directeur général de Google France

Internet est devenuun outil indispensa-ble dans notre vie detous les jours, unefenêtre ouverte surle monde. Depuis1999, NHN produit

Naver, un portail de recherche, et Han-game, un portail de jeux. NHN a pro-fité de l’expansion d’Internet pour pour-suivre sa croissance et permettred’accéder à un univers Internet tou-jours plus riche et varié.

90 % des internautes coréens inscrits sur Naver Lancé en 1999, Naver a été le premierportail coréen à intégrer son propremoteur de recherche. Offrant des ser-vices de recherche novateurs, il a pudominer le marché de l’Internet coréen

et joue désor-mais un rôlemajeur dans la

diffusion des connaissances via leWeb, le support de communication leplus équitable qui soit au monde.90 % des internautes coréens sont ins-crits sur Naver et près de 50% d’entreeux visitent le site quotidiennement.Ce succès tient à l’inventivité quicaractérise les services de recherchede Naver, qui s’efforcent d’apporterune valeur ajoutée aux informationset connaissances disponibles surInternet en publiant les points de vuedes utilisateurs. Nous pensons en effetque Naver doit favoriser un vaste par-

tage des idées et des pensées, tout enprenant soin de les protéger, à l’imagedes témoignages du présent et dupassé.Pour Naver, l’accès de tous au savoirpeut être réalisé en assurant l’égalitédes chances vis-à-vis de l’informationdiffusée sur Internet. Cette idée a étéle point de départ de la conception deservices de pointe, tels qu’« IntegratedSearch» et «Knowledge In », le pre-mier site au monde à avoir permis auxutilisateurs d’échanger leurs connais-sances. Depuis 2002, plus de 100 mil-lions de bases de données ont étécréées via Naver. En offrant à tous unaccès en ligne à des ressources pro-fessionnelles de haut niveau, Navercontribue à promouvoir un partageplus équitable du savoir.Le système «Knowledge iN Experts’Answer» est, par exemple, le fruitd’une collaboration avec un millier dedocteurs en médecine et une cinquan-taine de juristes. Il a pour but de pré-venir les risques liés à des informa-tions erronées : ainsi, à tout moment,les internautes peuvent poser direc-tement leurs questions à des méde-cins et à des juristes.

Un réseau de jeux en ligned’envergure mondiale La palette de services Naver inclutaussi des divertissements inédits. Han-game propose divers types de jeux enligne, des plus élémentaires aux plussophistiqués, répondant aux besoins

des simples amateurs comme à ceuxdes véritables «fanatiques». Plus de300 jeux sont ainsi disponibles enCorée, au Japon, en Chine et auxEtats-Unis. Une bonne moitié descoréens sont abonnés à Hangame.Fort de son succès en Corée, Naverest en traind’étendre sonemprise à unpays voisin, le Japon.Hangame a été le premier service dejeux au monde à mettre en ligne desservices à supplément tarifé qui, grâceà des fonctionnalités additionnelles,permettent d’accroître l’intérêt et laconvivialité des jeux gratuits. Ce typede services à supplément est en passede s’affirmer comme la nouvelle ten-dance en matière de jeux en ligne. Les jeux franchissent les frontièresnationales et régionales, mais aussiles barrières culturelles. Hangame apris appui sur son savoir-faire opéra-tionnel pour développer un réseau dejeux en ligne d’envergure mondiale àpartir de la Corée et conquérir desmarchés étrangers tels que le Japon,la Chine et les Etats-Unis.Avec NHN, Internet s’est fait porteurde valeurs d’humanisme. Conformé-ment à sa philosophie, qui prône uneparticipation au bien-être del’huma-nité, l’entreprise fournit des servicesqui profitent aux utilisateurs et pour-suit ainsi sa croissance à leurs côtés.www.nhncorp.com www.hangame.com

12 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Won Yun Sik, porte parole de NHN, présente le portail coréen

Naver, le « Google coréen » à l’assaut du Japon

Page 13: Internet : les nouveaux défis - Arcep

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 13

Internet : les nouveaux défis

La régulation d’Internet : de la théorie à la pratique

La crise financière récente a mis en lumière l’impor -tance de la régulation, la difficulté d’imaginer

des réponses dans un univers interna-tional et volatile et la perplexité des autorités publiques. Internetn’échappe pas à la règle !

Avec plus de 30 millions d’inter -nautes en France, des usages quis’étendent du commerce électroniqueaux réseaux sociaux en passant par latéléphonie ou le jeu, cet espace appa-raît de plus en plus à certains commeune hydre polymorphe, se nourris-sant de son propre dynamisme etéchappant à toute forme de contrôle.Ici et là, des voix se font entendrepour introduire de la sécurité, del’ordre, au risque d’y plaquer dessolutions venues d’ailleurs. Il est doncurgent de traiter la question de sarégulation.

Régulation ou “ netiquette ” ?

Il est vrai que celle-ci n’a pasbonne presse sur Internet. Dèsl’origine, dans la déclarationd’indépendance du cyberspace deJohn Perry Barlow, les internautesrejetaient toute forme de contrôle parles gouvernements et n’acceptaientqu’une « netiquette ». Si aujourd’hui,cette position a fait long feu, ellerésonne cependant dans l’imaginairecollectif d’Internet et assimile à lapolitique chinoise toute initiative enla matière. Réguler serait censurer !

Et pourtant, réguler c’est avanttout piloter, y compris collective-ment ; c’est faire en sorte qu’il y aitune maitrise possible d’un environne-ment ; sauf à accepter une situationde nature, il n’existe pas d’universsocial qui échappe à ce besoin. Laquestion est donc moins le principede la régulation que ses modalitésafin que le pilotage soit légitime etefficace.

Il faut d’abord comprendre quel’enjeu n’est pas celui de la règlemen-

tation d’un secteur économiqueparticulier, comme celui de la banqueou des télécommunications. Certes,les infrastructures ont leur règlemen-tation spécifique, mais tous les usagessont possibles sur Internet et ils relè-vent de multiples législations etd’acteurs souvent fort différents.Réguler le monde numérique n’estdonc pas organiser un marché secto-riel, mais faire en sorte quel’ensemble des activités qui se déve-loppent s’inscrivent dans un cadrejuridique connu et respecté de tous.

Ensuite, il faut réaliser, que dansun tel espace, il est difficile decontraindre : sans même parler de ladimension internationale de l’Inte r -net, les technologies et le fonctionne-ment même du réseau offrent àchaque acteur des possibilitésd’évasion quasi infinies. Ce n’estdonc que dans la collaboration activede chaque maillon de la chaîne demise à disposition de l’informationque les règles peuvent être mises enœuvre. Solidaires dans leur applica-tion, les acteurs revendiquent dès lorsd’être solidaires dans l’élaboration deces règles et ceci est légitime. Nousentrons donc avec Internet dans uneère de responsabilités partagées entrel’individu, les Etats, en passant par lesentreprises ou les ONG. Il n’y aurade régulation que collaborative. A nepas le reconnaître, on risque de fairede cet espace un univers ingouver-nable et que la contrainte publiquereste lettre morte.

Distiller la culture de la corégulation

Articuler les différentes règlemen-tations de façon transversale,combiner les outils régulatoires desacteurs publics et privés à travers uneconcertation multi acteur effective…telles sont les modalités de la régula-tion du numérique.

Cette approche est celle pratiquéepar le Forum des droits sur l’internetdepuis sa création en 2001. Avec plus

de trente-deuxr e c o m m a n d a -tions, le Foruma su constituerune expertiseuniqueet, plusencore,distilleru n eculturenouvelleau sein desp o u v o i r spublics, cellede la corégu-lation, faited’ouvertureet d’actionsc o m m u n e sentre le public et leprivé. Nous sommes tousresponsables de l’Internet et denotre action commune naîtraune capacité de gouvernance.C’est une éthique de la responsa-bilité.

Aujourd’hui, cette compétencedoit s’élargir à la gestion d’outilsd’intérêt commun entre les acteurspublics, et privés comme les charteset labels. Ceux-ci sont des réponsesadaptées tant à la demande de sécu-risation qui s’exprime de la part dugrand public qu’à la nécessité decadres juridiques souples accompa-gnant la croissance de l’économienumérique. La question va êtreportée au sein du Conseil nationaldu numérique qui va reprendre etélargir les missions du Forum. Onpeut se féliciter de cette évolution quipermettra à notre pays de se doter d’unoutil innovant, institutionnalisé auxyeux de tous. Voilà un exemple de« smart power » à la française !

Finalement, un nouveau type de régu-lateur est en train de naître sous l’effet dela mondialisation et des technologies,celui d’animateur de communautés, lacommunauté du numérique. �

www.foruminternet.org/

par Isabelle Falque-Pierrotin, présidente du Forum des droits sur l'internet

Page 14: Internet : les nouveaux défis - Arcep

capacité de rayonnages illimités, le Netajoute les outils de navigation et les moteursde recherche nécessaires dans cet océan dechoix.

Absence de coût de stockSur PriceMinister, sur les 127 millions

de produits aujourd’hui mis en vente, onconstate qu’un très grand nombre deventes concerne des produits qui sontintrouvables, épuisés, indisponible,voire uniques, et qui côtoient lesnouveautés et les succès. La plusgrande partie du chiffre d’affaires sefait sur une infinité de produits vendusà l’unité, chaque vente étant rentable enl’absence de coût de stock.

Le modèle C to C rend possible uneactivité commerciale libérée des contraintesphysiques et d’espace. Ainsi, PriceMinister

présente l’offre la plus large d’Europe et permetd’observer cette « long tail » dont l’effetvertueux permet de réhabiliter rentabilitééconomique et offre culturelle diversifiée.L’exemple des livres est sans doute le plus frap-pant où le top 10 des best-sellers ne représenteque 0,83 % des ventes sur PriceMinister.

Plus de 20 000 envois par jourLe modèle de PriceMinister incite les

vendeurs à se laisser tenter : la mise en venteest gratuite, PriceMinister n’étant rémunéréque sur les ventes réalisées. Et le rôle de tiersde confiance joué par le site se concrétise parla garantie d’être payé pour le vendeur, et celled’être livré du bon produit pour l’acheteur,chaque transaction étant suivie par uneéquipe dédiée pour gérer les différends entreles utilisateurs. Le tout complété par despartenariats avec des acteurs de la chaînelogistique, comme La Poste, pour faciliterl’expédition des produits. PriceMinister, c’estplus de 20 000 envois chaque jour.

Mais la question des frais de port reste leprincipal frein à l’essor d’une activité quireprésente pour beaucoup d’internautes leseul accès économiquement envisageable à

une diversité culturelle. Comment se fait-ilque nos vendeurs ne puissent bénéficierd’offres privilégiées pour leurs envois ?Percevoir le vendeur isolément alors qu’il estun élément d’un réseau est sans doute le para-digme dont bon nombre d’acteurs, transpor-teurs en premier lieu, doivent sortir enproposant, en lien avec les plates-formes, desoffres adaptées. �

(1) « Long tail » : longue traine.

www.priceminister.com

Qu'il s'agisse de DailyMotion, pionnière des contenus vidéo amateurs, qui parie sur le modèle publicitaire, ou bien deengendré de nouveaux modèles économiques. Mais les enseignes traditionnelles réinventent elles aussi leur modèle écoun peu baissé, Internet démontre, pour la Fédération e-commerce et vente à distance, la formidable complémentarité entre

A la recherche du meilleur Internet : les nouveaux défis

Zéro stock. Zéro logistique. Choixtotal. Voici comment le modèlePriceMinister, lancé voici plus de8 ans et deuxième site de e-

commerce en France, pourrait être résumé.Comment est-il possible de réaliser une tellerupture d’avec les schémas classiques ducommerce ou de la vente à distance ? Plate-forme d’intermédiation dont le but est demettre en relation des acheteurs et desvendeurs, PriceMinister a réussi son pari endéveloppant un modèle économique quicapitalise sur le phénomène de « long tail (1) ».

La « long tail » : un terme inventé parChris Anderson en 2004 pour décrire lephénomène créé par les nouvelles formes dedistribution sur Internet : lorsque l’additiondes ventes en petite quantité d’une multitudede produits vient au total dépasser les ventesd’une sélection de produits best-sellers. Pourcela, il faut un canal de distribution quisupporte un tel volume d’offres, que ce soiten matière de stockage mais aussi de présen-tation commerciale. Le C to C présentel’immense avantage de supprimer toutstockage, puisque le vendeur expédie directe-ment à l’acheteur le produit vendu. Et à la

Commentmonétiser lecontenu d'unsite commeDailymotion ?Le modèle definancement parla publicité est-ilviable ? Nous comptons

aujourd’hui 60millions de visiteurs

uniques mensuelsdans le monde (1) et la

monétisation de cette largeaudience via nos régies internes en

France et, depuis peu, aux Etats-Unis est unsuccès. L’internalisation de nos régies permetde développer des formats publicitaires trèsdiversifiés et collant au plus près aux attentesde nos clients, agences et annonceurs. Lesecteur de la publicité vidéo sur Internet estaujourd’hui le plus dynamique notamment enraison de l’engagement très fort qu’apporte lemédia vidéo tout en conservant ce qui fait laforce d’Internet par rapport aux autres médias :l’interaction.

PriceMinister : la très longue traîne du C to Cpar Pierre Kosciusko-Morizet, co-fondateur et président du groupe PriceMinister

DailyMotion : la puInterview de Martin Rogard,

14 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Page 15: Internet : les nouveaux défis - Arcep

PriceMinister, qui table sur le phénomène de "longue traine", sans coût de stock ni de logistique, Internet a nomique grâce à Internet. Avec plus de sept commandes à la seconde et même si le panier moyen du "consonnaute" a commerce et e-commerce.

modèle économiqueInternet : les nouveaux défis

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 15

Par ailleurs, la catégorisation de nos contenuspermet également de répondre aux demandes dumarché, par exemple en créant des opérationsspéciales autour d’événements comme le Festivalde Cannes ou les Francofolies de La Rochelle.L’enjeu est de dupliquer ce modèle dans tous lespays où nous connaissons une forte croissance,l’autre solution étant de trouver des partenaires àmême d’assurer ce travail. C’est le choix quenous avons fait en Italie avec Telecom Italia, enPologne avec Agora ou encore en Turquie avecMCD Digitial.

Les diffuseurs traditionnels, qui passentmaintenant à l'offensive avec la catch up TV etla VOD, sont en position de concurrencer dessites comme Dailymotion ; commentpouvez–vous vous différencier et quel est votremodèle économique à terme ? Recadrons la catch-up et la VOD à leur justeproportion : quelques millions de vidéos sont vuesvia ces canaux alors que, sur Dailymotion, nousfrisons le milliard de vidéos vues mensuellement. Leplus gros service de catch-up français a ainsiaujourd’hui 20 fois moins d’audience queDailymotion. Les usages ne sont pas comparables.L’audience est donc sur les plateformes telles

YouTube ou Dailymotion qui ont un cataloguebeaucoup plus large de vidéos. Nous avons également choisi de continuer à nousdifférencier par rapport aux médias classiques enproposant différentes catégories de contenus à nosutilisateurs : l’UGC (2) bien sûr, mais aussi leprogramme Motionmaker regroupant 20 000créateurs qui recherchent une meilleure visibilitégrâce à notre service et enfin nos 2 500 partenairesprofessionnels qui ne sont pas tous issus du mondede la télévision. Ainsi, aujourd’hui, des groupescomme Prisma, Le Monde ou Radio France sontdes acteurs de la vidéo sur Internet au même titreque les diffuseurs traditionnels.La monétisation de l’audience via la publicités’impose aujourd’hui. Pour autant, nous n’écartonspas à terme de joindre à ce modèle d’autresdéveloppements comme des services en marquesblanches ou des services premium payants. Pourautant, le développement exponentiel de la publicitéonline, notamment grâce à l’adoption des formatsinstream (publicités au sein des vidéos) par lesannonceurs, nous conforte dans nos choix initiaux. �

(1) Comscore d’avril 2009.(2) UGC ou User Generated Content : en français, contenugénéré par l’utilisateur.

www.dailymotion.com

de ces sites démontre la formidablecomplémentarité entre commerce et e-commerce.L’autre raison de la bonne tenue des ventes enligne tient dans le fait que les internautesconsomment davantage sur le Web. Plus de 5milliards d’euros dépensés en ligne au cours dupremier trimestre. Autant qu’en 2004. Au total,cela représente plus de 55 millions detransactions, soit plus de 7 commandes à laseconde !

Où en est-on des ventes sur Internet ? Les ventes sur Internet ont progressé de 26 % aupremier trimestre. Cette croissance s’expliqued’abord par la multiplication de l’offre. On compteplus de 52 000 sites marchands. Il continue doncde se créer un site marchand toutes les heures enFrance. La nouveauté, c’est que, parmi ces sites,figurent aujourd’hui de nombreuses enseignesmagasin soucieuses de répondre à l’attente deleur clientèle devenue « consonnaute ». Le succès

e-commerce : plus de septcommandes à la seconde !

Interview de Marc Lolivier, délégué général de la Fevad (Fédération e-commerce et vente à distance)

blicité dans l’ADN, directeur France de DailyMotion

L’e-commerce ne connaîtdonc pas la crise ?On ne peut pas dire ça.Depuis quelques mois, lepanier moyen s’affiche enbaisse. Il est aujourd’hui de89 euros contre 94 euros il ya un an. Parallèlement, lacourbe de progression desnouveaux acheteurs en lignes’est infléchie. Il y a eu moins denouveaux internautes en cedébut d’année et donc moins denouveaux cyber-acheteurs. Maisceux qui achetaient déjà en ligne ont,en revanche, consommé encoredavantage.

La dynamique actuelle va-t-elle perdurer ?La progression de l'accès à Internet chez ceux,encore nombreux, qui en sont privés, le déploiementdu très haut débit ou encore le formidabledéveloppement de l'offre en ligne servent aujourd'huide remparts anti-crise en attendant de redevenir,demain, les moteurs de croissance.L’autre signe très encourageant réside dans lemaintien d’un niveau de confiance élevé. Selon ledernier baromètre Fevad / Médiamétrie, 96% desinternautes se déclarent satisfaits de leurs achats.

Qu’est-ce qui pousse les consommateurs àaller sur Internet ?Aujourd’hui, près de 80 % des internautes préparentleurs achats, en ligne ou en magasin, sur le web.Internet est donc devenu incontournable dans noshabitudes de consommation. D'ailleurs, pas moins de22 millions de Français achètent en ligne. Le côtépratique est souvent cité parmi les principalesmotivations. Avec la crise, les prix intéressants, "l’achatmalin", ont tendance à reprendre le dessus. Enfin,certains internautes mettent en avant le caractèreécologique de l’achat en ligne. L’étude publiée par laFevad en juin montre qu’ils ont raison. Selon cetteétude, l'e-commerce permettrait en effet de réduire lesémissions de CO2 de 768 000 tonnes chaque année. �

www.fevad.com

Page 16: Internet : les nouveaux défis - Arcep

Quel est le bon équilibre entre un Internet ouvert, c’est–à–dire d’un accès de tous, sans discrimination, à tous les contenus,la croissance exponentielle des débits permettant aux fournisseurs de contenus d’offrir des services de plus en plus consode mettre en évidence les principaux enjeux liés à la neutralité des réseaux : effets concurrentiels, impact sur les prix,

Neutralité des réseaux : vers

Au demeurant, si la différenciation entreconcurrents est économiquement légitime, le casde la gestion de trafic par les FAI est particuliercar il peut également influer sur l’équilibre dumarché amont des contenus et engendrer des« effets concurrentiels verticaux ». Le traitementprioritaire de leurs propres offres de contenus oula vente de priorisations par les FAI à certainsfournisseurs de contenus sur un « marché de laqualité de service » peuvent en effet induire unequalité de transmission différente pour descontenus de même type et par conséquententraîner la diminution du degré concurrentielsur les sous-marchés des contenus. Certainsacteurs de ces marchés, ne bénéficiant pas d’unequalité de service suffisante, peuvent alors enêtre exclus.

Ces effets concurrentiels sur le marché descontenus sont toutefois susceptibles d’être atté-nués en cas de forte concurrence sur le marchéde l’accès à Internet (3). Dans un tel contexte, lesincitations économiques, pour les FAI, à ladégradation ou au blocage de certains flux dedonnées sont limitées, notamment par le risquede voir les consommateurs souscrire aux offresdes FAI proposant une plus large accessibilitéaux contenus. De plus, la vente de priorisationsest moins probable car le pouvoir de négociationdes FAI face aux fournisseurs de contenus estplus faible. En ce sens, l’expérience des Etats-Unis est intéressante ; en effet, la concurrencesur le marché de l’accès au haut débit fixe,moins intense (4) que celle observée dansl’Union européenne, est concomitante d’unedemande particulièrement forte des opérateursde câble et de télécommunications en faveurde la non-neutralité des réseaux.

Des effets indéterminés sur le bien-être du consommateurConcernant le bien-être du consommateur,

la gestion du trafic par les FAI a des effets globa-lement indéterminés, impactant à la fois le prixet la qualité des contenus, ainsi que des offresd’accès à Internet. En tout état de cause, la non-neutralité des réseaux rend indispensable latransparence sur les pratiques de gestion dutrafic du fait de la complexification des offres desFAI par rapport à celles de « best effort ». Cemanque de transparence est d’ailleurs l’un desprincipaux griefs ayant été adressés en 2008 parla FCC au câblo-opérateur Comcast à la suite dublocage du protocole Bittorrent (5) (cf. La Lettre del’Autorité n° 63, pages 24 et suivantes).

Internet : les nouveaux défis

FoFoururninisssseueursrsdde contenus

UsUsagagererssfinaux

FAIFAI

Achat de priorisations

Gestion de traficG i(blocages, dégradations,

priorisations)

Marché des contenus(VoIP, TV, jeux…)

P2P,Web 2.0...

Internet

}Marché dealité de servicelal quas particulier(ca non neutralité)de la

Marché de l’accèsMà Internet

(ADSL, 3G, câble…)}

Impact de la non-neutralité sur les différents marchés

16 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Par opposition, une situation de non-neutralité des réseaux peut être caractérisée partrois types de mesures de traitement diffé-rencié des flux de données entre FAI et usagersfinaux, qui entraînent une qualité de servicedifférenciée, notamment en termes de débit etde temps de latence : la priorisation entre flux,la dégradation de certains flux, et enfin, àl’extrême, leur blocage. Cette capacité des FAIà gérer le trafic résulte de leur contrôle sur les« tuyaux » dans lesquels transitent lescontenus.

Jusqu’à présent, les offres d’accès à Internetse sont caractérisées par un respect non homo-gène du principe de neutralité des réseaux

Des enjeux concurrentiels multiplesLa non-neutralité des réseaux peut être à

l’origine « d’effets concurrentiels horizontaux » surle marché de l’accès à Internet. En particulier, pourles FAI, la possibilité de traitement différencié desflux de données (priorisation, dégradation ou blo-cage de certains sites) constitue un levier de diffé-renciation alternatif aux leviers plus classiques, telsque la différenciation tarifaire. Dans ces condi-tions, la non neutralité, si elle est mise en œuvreet se traduit par une différenciation horizontale del’offre, conduit à une moindre substituabilité desoffres de détail d’accès à Internet. In fine, la nonneutralité est susceptible d’accroître les coûts dechangement de FAI pour les abonnés et, corréla-tivement, la rigidité du marché.

selon que l’on considère les réseaux fixes ou lesréseaux mobiles. Les « FAI fixes » le respectentdans la plupart des pays, bien que quelques casde gestion de trafic apparaissent marginale-ment, comme le blocage ou la dégradation deséchanges peer-to-peer. Le traitement différenciédes flux de données par les « FAI mobiles » estpar contre fréquent, par exemple sous la formedu blocage des flux de VoIP (cf. page 18).

Le débat relatif à la neutralité des réseaux,initialement engagé aux Etats-Unis, émergeaujourd’hui en Europe et en Asie. Aux Etats-Unis, ce débat a été nourri d’arguments écono-miques formalisés pour appuyer les différentespositions défendues (2). L’analyse économiquepermet de mettre en évidence les principauxenjeux liés à la neutralité ou non des réseaux, àla fois sur le marché de l’accès à Internet et surle marché des contenus : effets concurrentiels,impact sur les prix, sur la qualité, sur les inves-

tissements, sur l’innovation.

La « neutralité des réseaux » (ou « net-neutrality ») qualifie un réseau danslequel aucune gestion différenciéedes flux de données n’est pratiquée

par les fournisseurs d’accès à l’Internet fixe oumobile (ci-après identiquement qualifiés deFAI), que cela soit en fonction de l’origine deces flux (Dailymotion, iTunes, contenus offertspar le FAI...), de leur destination (identité duclient) ou bien encore de leur type (VoIP, jeux,peer-to-peer...). Tout client d’un FAI, qu’il soitfournisseur de contenus (1) ou usager final, peutainsi accéder sans discrimination à l’ensembledes contenus disponibles sur Internet et diffuserles siens en bénéficiant d’une qualité de serviceéquivalente à celles dont bénéficient les autresclients, dite de « best effort ». La contrepartie àcette neutralité, dans un contexte de congestiondes réseaux en certains points ou sur certainespériodes d’affluence, est l’absence de garantie dequalité de service.

Page 17: Internet : les nouveaux défis - Arcep

services et applications offerts sur le réseau et la nécessité, pour les opérateurs et fournisseurs d’accès, de gérer mmateurs en bande passante, tout en maintenant une qualité de service optimale ? L’analyse économique permet

sur la qualité, sur les investissements, sur l’innovation.

une remise en cause ?

Par ailleurs, la gestion différenciée du traficpeut permettre d’améliorer substantiellementl’offre de contenus pour lesquels les consomma-teurs éprouvent une forte utilité et nécessitantune qualité de service garantie (débit minimalet/ou un temps de latence faible) comme les fluxaudiovisuels proposés par les FAI ou les applica-tions interactives (visioconférence et VoIP).Aujourd’hui, certains FAI comme Comcast(Etats-Unis) ou PlusNet (Royaume-Uni) propo-sent ainsi de manière transparente des offres prio-risant les flux de VoIP, et ce, quelque soit lefournisseur du service.

Si les innovations possibles grâce à la garantied’une certaine qualité de service par les FAI sont sou-haitables car créatrices de valeur, elles ne doiventcependant pas se faire au détriment de la concur-rence sur le marché des contenus en remettant encause la capacité des fournisseurs de contenus à accé-der librement et de manière équivalente aux usagersfinaux (« best effort »). Les partisans de la neutralitérevendiquent d’ailleurs couramment comme argu-ment premier le rôle primordial qu’elle jouerait dansl’émergence d’innovations dans les différents mar-chés de contenus, en soulignant fort justement àquel point l’absence de priorisation ou de factura-tion des flux facilite l’émergence de tout nouveauprojet innovant. En effet, ces innovations sur le mar-ché des contenus sont une source essentielle de créa-tion de valeur « à la périphérie des réseaux » (7).

Neutralité et financement de l’investissement

dans les infrastructuresL’investissement des FAI dans les infrastruc-

tures de réseaux pose quant à lui la question de

son financement. Dans l’environnement de neu-tralité ayant prévalu jusqu’à présent sur les réseauxfixes, ce financement est assuré par les FAI, etce, principalement grâce aux abonnementsd’accès à Internet des consommateurs. Audemeurant, certains FAI, notamment aux Etats-Unis, estiment que les fournisseurs de contenusfortement consommateurs de bande passante,et source de congestion des réseaux, devraientparticiper au financement des investissementsde capacité et dans les réseaux de nouvelle géné-ration, en souscrivant par exemple à des priori-sations de leurs flux de données.

A noter que, en situation de neutralité desréseaux, les fournisseurs de contenus participentdéjà indirectement au financement des infra-structures, en payant leurs propres accès auxréseaux et en contribuant à accroître la disposi-tion à payer des consommateurs pour leur accèsà Internet, positivement corrélée à la quantité età la qualité des contenus accessibles.

Au final, la « stricte » neutralité des réseaux nesemble pas être l’équilibre optimal, mais une régu-lation ex-ante des pratiques de gestion du traficsemble nécessaire pour limiter leurs effets anti-concurrentiels et maintenir un environnementfavorable aux innovations sur le marché des conte-nus. C’est pourquoi certains pouvoirs publicsenvisagent des réglementations spécifiques quise fondent notamment sur les principes de trans-parence et de non-discrimination. C’est le cas del’Union européenne dont le « paquet télécom »révisé propose des mesures d’encadrement despratiques de gestion de trafic des FAI. �

(1) Fait ici référence aux entreprises proposant des contenus, ser-vices, applications et informations sur Internet.(2) Des considérations d’ordre technique conduisent, eu égard àla nécessaire gestion de la congestion, à procéder à une discrimi-nation, mais uniquement au niveau des paquets sans identifi-

cation des flux, en respectant les besoins de qualité de ser-vice de chacun. Elles ne sont abordées dans cet article quesi elles interfèrent avec des considérations économiques.(3) B. van Schewick, « Regulation Effects on InvestmentDecisions in Two-Sided Market Industries - TheNetwork Neutrality Debate », 2007.(4) La situation concurrentielle est dans de nombreuseszones caractérisée par un seul duopole local câblo-opéra-teur / opérateur de télécommunications.(5) D. Sieradski et W. Maxwell, « The FCC's NetworkNeutrality Ruling in the Comcast Case - Towards aConsensus with Europe », 2008.(6) N. Economides et J. Tåg, « Net Neutrality on theInternet : A two-sided Market Analysis », 2007.(7) N. Economides, « Net Neutrality, Non-Discriminationand Digital Distribution of Content Through theInternet », 2008.

Internet : les nouveaux défis

La révision en cours du « paquet télé-com », sans instaurer le principe deneutralité des réseaux, offre aux auto-rités de régulation nationales (ARN)un cadre réglementaire adapté àl’encadrement des éventuelles pra-tiques de gestion de trafic par les FAI.La directive « service universel »(2002/22/CE) révisée introduira desmesures visant à garantir un accèstransparent et raisonnable desconsommateurs aux contenus dispo-nibles sur Internet. D’une part, une obli-gation de transparence sera imposéeaux opérateurs de communications

électroniques vis-à-vis des consom-mateurs quant à leurs politiques degestion du trafic et aux éventuellesrestrictions d’usages et/ou d’accèsaux services et applications. D’autrepart, les ARN deviendront compé-tentes pour garantir l’accessibilité desconsommateurs aux contenus enimposant, sous contrôle de la Commis-sion, des conditions minimales de qua-lité de service, et ce, dans le cas où lagestion du trafic mise en place par lesFAI entraînerait un ralentissementnotable de certains flux de données.Si le texte sous-entend donc la possi-

ble existence de telles pratiques degestion de trafic, elles seront toutefoisconditionnées à l’existence d’un risqueavéré de congestion, à l’absenced’effets anticoncurrentiels et à leurcaractère non-discriminatoire.Par ailleurs, la directive « cadre »(2002/21/CE) révisée devrait étendrele champ d’application de la procé-dure de règlement de différends desARN aux litiges entre opérateurs decommunications électroniques etfournisseurs de contenus ; y comprisceux liés aux pratiques de gestion detrafic.

Neutralité des réseaux et nouveau « paquet télécom »

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 17

La théorie économique met en évidencedeux effets qui permettent d’anticiper la haussedu prix de détail des contenus en cas de gestiondu trafic : d’une part, comme évoqué précé-demment, le degré concurrentiel sur le marchédes contenus aurait tendance à être plus faibleet d’autre part la vente de priorisationsaugmenterait les coûts encourus par les four-nisseurs de contenus sur le « marché de laqualité de service ».

Cette vente de priorisations aux fournisseursde contenus par les FAI est toutefois égalementsusceptible d’exercer à terme une pression à labaisse sur le prix de détail des offres d’accès àInternet, le financement provenant des fournis-seurs de contenus pouvant se substituer à celuiprovenant des consommateurs (selon la logiquedes marchés « bifaces ») (6).

Cependant, au-delà de son seul prix, la satis-faction que retire le consommateur de son accèsà Internet dépend également de la qualité descontenus auxquels il permet d’accéder. A cetitre, en cas de vente de priorisations, il fauts’attendre à ce que les FAI allouent davantage debande passante aux plus offrants, c'est-à-direthéoriquement aux fournisseurs de contenuscréant le plus de valeur pour les consomma-teurs, ce qui est économiquement efficace.Toutefois, certaines inefficiences de marchéspeuvent apparaître : c’est le cas lorsque les FAIsont amenés à créer une « rareté artificielle »pour accroître leurs revenus, ou lorsqu’ilsrecherchent un effet de levier sur le marché descontenus en priorisant leurs propres flux et/ouen dégradant ceux de leurs concurrents.

Page 18: Internet : les nouveaux défis - Arcep

Neutralité du Net : entre La neutralité du Net est pour l'instant globalement la règle suivie par les acteurs sur les réseaux fixes. Son respect résultenouveaux services fortement consommateurs de bande passante. Deux acteurs livrent leur vision du sujet, pas si éloignée

Quels sont les enjeux deNet neutralité à court etmoyen termes sur lesréseaux fixes ?Sur Internet, un modèleouvert a favorisél’éclosion d’unemultituded’applications et deservices. En effet, pourlancer un service, nul

besoin d’avoirl’autorisation de tel ou tel

opérateur. Faire perdre àl’Internet sa « neutralité »

reviendrait à recréer desbarrières à l'entrée.

A court et moyen termes, l'enjeuest de maintenir ce modèle

ouvert, bénéfique à tous, pour ledéploiement des nouveaux

réseaux. Modèle bénéfique pourtous, y compris pour les opérateurs,

car le foisonnement d'applicationsinnovantes est le meilleur facteur pour

attirer les abonnés en grand nombresur les nouveaux réseaux, et donc

garantir le succès de leur financement etde leurs modèles économiques. Et par

là-même donner les meilleures chances à laFrance de figurer parmi les champions del'économie numérique mondiale.Cependant, soyons précis : l'enjeu n'est pasde réclamer aux opérateurs une partie dumontant des recettes versées par lesutilisateurs finaux - nos services justifiant bonnombre d’abonnements à leurs propresservices - ou d'interdire aux opérateurs defaire payer différents prix à leurs abonnés enfonction d'une qualité de service ou deprioriser le trafic en fonction de la catégoriede service. L'enjeu est bien de permettreune gestion des réseaux telle que permisepar les nouvelles technologies, tout engarantissant une transparence vis–à–vis desconsommateurs et une absence dediscrimination entre fournisseursd'applications et de contenus.

Quelles sont les particularités propres auxréseaux mobiles ? Le premier milliard d’internautes a été fixe, leprochain milliard sera mobile. Aujourd’hui1,3 milliard d’internautes se connectentessentiellement via un ordinateur, alors que3 milliards d’êtres humains sont dotés d’untéléphone mobile. Un cadre national stimulantun réel décollage de l’Internet mobile représenteun enjeu fort pour placer la France dans lepeloton de tête de ce nouvel eldorado.Le développement de l’Internet mobile reposenotamment sur la disponibilité d’offres d’accèsmobiles compétitives, forfaitaires à bas prix etillimitées en termes d’usage.L'apparition récente de terminaux mobilesmieux adaptés à l’Internet et offrant des placesde marché ouvertes aux applications est unfacteur positif. Les membres de l'ASIC peuventtémoigner de l'explosion du trafic Internet pourles utilisateurs dotés de ces nouveauxterminaux.Un autre facteur réside dans une politique defréquences volontariste. A ce titre, lesconditions d'attribution de la portion dudividende numérique réservée au haut débitmobile seront déterminantes. Afin de répliquerle succès de l'Internet fixe, l'ASIC espère quedes principes d'ouverture, comparables à ceuxretenus par la FCC aux Etats-Unis, seront prisen compte dans les critères de sélection descandidats à ces fréquences. Par ailleurs,comme aux Etats-Unis et maintenant auRoyaume-Uni, il est important que les pouvoirspublics français s’attellent à libérer les espacesblancs des fréquences de la diffusion hertzienne– ce qui est rendu possible par les technologiesde radio intelligente – pour des déploiementssans licence de type « wifi dopé ».

Avec la Review du « paquet télécom », lesARN pourraient se voir confier unecompétence en matière de règlement desdifférends opposants les opérateurs deréseaux aux fournisseurs de contenus.Que pensez-vous de cette éventualité ?Internet est une opportunité formidable pourles contenus et la diversité culturelle. Nul

besoin pour un contenu d'atteindre un certainseuil d'audience pour être distribué sur uneplateforme d'hébergement ou pour avoiraccès à des revenus publicitaires sur Internet.L'ASIC souhaite que les autorités derégulation nationales comme l'ARCEP soientdotées d'une compétence, alternative à celledes tribunaux, en matière de règlement dedifférends entre opérateurs de réseaux etfournisseurs de contenus ou d'applications.Leur expertise sera précieuse pour maintenirun modèle ouvert et continuer de permettreun foisonnement des contenus etapplications disponibles en ligne. Parexemple, dans une stratégie d'intégrationverticale, certains acteurs pourraient êtretentés de créer des barrières, visant ainsi àrecréer des formes d'exclusivité ou desmonopoles qui existent ou ont existé parailleurs et portant atteinte au modèle ouvertde l'Internet tel qu'on l'a connu jusqu'àprésent. �

www.lasic.fr

ASIC : liberté, transparence, non discriminationInterview de Giuseppe De Martino, co-président de l'ASIC

(Association des Services Internet Communautaires)

Internet : les nouveaux défis

Avec lap e r c é edes télé-phones

multimédias, aussiappelés « smart-phones », et le déve-loppement des

offres vouées à lanavigation Internet

des opérateurs, l’Inter -net mobile est en train

de prendre une placesignificative dans le quoti-

dien des consommateurs. Ce succès peut aussi s’expliquer

par le fait que ces terminaux donnent

L’Internet mobile par Alain Bazot, président

18 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Page 19: Internet : les nouveaux défis - Arcep

Verizon rejette cependant l’idée qu’un réseauInternet « neutre » signifie que « tous les bits sontégaux » et doivent donc être traités comme tels. Iln’en a jamais été ainsi et il y a de bonnes raisons àcela. Tout réseau emploie des outils de gestion detrafic, fruits d’une innovation technique continuellepour faire face aux menaces sur la sécurité, àl’encombrement, et aux brusques changements dedemande en bande passante. Ces outils servent àfournir un service de qualité, et non à restreindreles usages ou l’accès au contenu.

Maintenir une variété de choixVerizon reste attentif aux différents points de

vue à ce sujet. Certains jugent contraire à leurconception de l’Internet le simple fait que quelquesbits subissent un traitement différent. D’autresprennent la gestion de réseau pour un outil dedéfense du droit d’auteur ou de maintien de l’ordresur l’Internet. Cela étant, presque tous s’accordentà dire que l’IPTV, la VoIP, les jeux en ligne, et latélémédecine sont des exemples de services qui exi-gent une gestion de trafic. Peut-il se produire que

Dans plus de 150 pays sur cinq conti-nents, Verizon fournit des servicesmondiaux sans couture aux entre-prises et aux services publics. Aux

Etats-Unis, nous modelons le paysage du trèshaut débit en investissant dans le FTTx, offrantvoix, données, et vidéo aux particuliers et auxentreprises grâce au réseau le plus avancé.Opérant aussi le plus vaste réseau mobile hautdébit des Etats-Unis, Verizon a de bonnes raisonsde se considérer à la pointe du futur numérique.

Fournir un service de qualitéSans surprise, nous défendons le concept d’un

Internet ouvert, notre vocation étant de donneraux clients l’accès aux produits et services qu’ils dési-rent. Un sondage récent en Europe montrait qu’unFAI qui bloquerait ou restreindrait certaines appli-cations ou services perdrait plus d’un quart de sesclients. C’est une évidence, dans un marché concur-rentiel où règne l’innovation technique, le sens del’histoire nous pousse inéluctablement versl’ouverture et non l’instauration de limitations.

de si bons outils soient utilisésà mauvais escient ? Oui. Lesautorités compétentes doivent-elles se tenir prêtes à réagir rapi-dement et fermement face à detelles pratiques ? Absolument.Mais la variété de choix devraitdemeurer au cœur de toute pro-position de régulation qui auraun impact sur la flexibilité tech-nique et l’innovation.

L’investissement dans le trèshaut débit exige un environne-ment propice qui stimulel’innovation, permette aux réseaux defournir des services toujours plus sophisti-qués, et fasse que la concurrence puisse prospérer.Chez Verizon, nous croyons que c’est non seule-ment de la puissance des réseaux haut de gammeà très haut débit mais aussi des politiques appro-priées que naîtra plus rapidement une croissancedurable. �

www.verizon.com

ouverture et flexibilitéd'une règle non écrite qui pourrait évoluer, particulièrement en cas d'engorgement des réseaux du fait de l'apparition de

l'une de l'autre... Dans le mobile, les limitations existent déjà. Se dirige-t-on vers un Internet à deux vitesses ?

Verizon : “ tous les bits ne sont pas égaux”par Christopher Boam, director for International Regulatory Affairs & Public Policy,

Verizon Communications

Internet : les nouveaux défisM

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M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 19

enfin accès au « vrai Internet », en tout cas enapparence, et dans de bonnes conditions. Aupa-ravant, il s’agissait de sites dédiés parfois peu ergo-nomiques et beaucoup moins riches en conte-nus. Cependant, Internet via son mobile, ce n’estpas encore la panacée.

De l’illimité limité …Tout d’abord – beaucoup de consommateurs

l’ont découvert –, « l’illimité » dans le mobilesignifie en fait « limité ». Si le consommateuréchange au-delà d’un certain volume de données(entre 300 et 500 mégaoctets), le mégaoctet sup-plémentaire peut être payant ou sa connexionpeut être restreinte, ce qui pose un réel problème.En effet, les usages associés à l’Internet mobilesont de plus en plus liés à la lecture de contenus

qui ne sont pas stockés dans le terminal, mais sousforme de flux (télévision, Dailymotion, Youtube,Dezzer, etc…). A la vitesse où ces usages se démo-cratisent, la capacité offerte contractuellementpourrait très vite être insuffisante.

Ensuite, il existe également une limitation qua-litative puisque la téléphonie IP, le peer to peer oules newsgroups sont bannis. Le partage et l’échangene sont pas les bienvenus sur l’Internet mobile.L’accès aux contenus de certains distributeurs oude certaines plateformes légales est aussi limité, soitpar l’opérateur, soit par la technologie du téléphoneelle-même.

Vers un Internet à deux vitesses ?Enfin, ce qui nous inquiète, c’est que ces

carences de l’Internet mobile ne sont pas dues à

la jeunesse du service. Elles sont en réalité unsymptôme général de ce qu’un grand nombred’acteurs veulent faire de l’Internet. Des tuyauxsous contrôle, des offres segmentées : un Inter-net pour les plus modestes avec peu de capacitéset de contenus et un Internet pour les plus riches,moins limité, avec un accès à la culture.

Néanmoins, ces derniers ne seront peut êtrepas si avantagés puisqu’ils risquent de se voirimposer une « culture de supermarché sur-mar-ketée », vendue sous le régime des exclusivités pardes distributeurs et des opérateurs tout puissants.Pour l’UFC-Que Choisir, l’Internet mobilemarque clairement un tournant de l’Internet,mais qui n’est pas forcément dans l’intérêt duconsommateur. �

www.quechoisir.org

: de vaines promesses ? de l’UFC-Que Choisir

Page 20: Internet : les nouveaux défis - Arcep

mobile : les nouveaux entrants ont souvent40 % de ce nouveau marché.

Le succès de ces offres est tel qu’il repré-sente maintenant l’essentiel de la croissancedes accès haut débit dans ces pays, au dépenddes technologies fixes (DSL en particulier) :au 2ème semestre 2008, le haut débit mobilereprésente 65 % des nouveaux accès hautdébit en Norvège, 79 % au Danemark, 99 %en Finlande et même 157 % en Suède. Dansune industrie qui, traditionnellement, asoigneusement évité la cannibalisation entreses différents services, l’effet sur le haut débitfixe, seul moteur restant dans l’industrie, estplus que notable. La place prise par le hautdébit mobile sur le marché du haut débit est,dans ces pays, déjà impressionnante, comptetenu de la relative jeunesse du service : de13 % des accès haut débit au Danemarkjusqu’à 23 % en Suède et en Finlande. Aufinal, les revenus des services télécom sont enbaisse en Suède et en Finlande, n’affichantqu’une croissance symbolique en Norvège.

Le cas autrichienCependant, pour une fois, le marché du

haut débit mobile le plus développé n’est pasun pays scandinave, mais l’Autriche. A la fin2008, ce pays pouvait afficher une pénétra-tion de 11,8 % du haut débit mobile, ce quiconstitue le record européen. Selon nous,une des raisons de cet énorme succès est leniveau très réduit des prix : Hutchison « 3 »,propose un accès à 7,2 Mbit/s à 9 € par moispour 3 Go de trafic. Ici aussi, on note que lehaut débit mobile domine maintenant lacroissance du haut débit : au 2ème semestre2008, le haut débit mobile représente 74 %des nouveaux accès haut débit du pays. A lafin 2008, les cartes et « dongles » 3G repré-sentaient 35 % des accès haut débit du pays,ce qui constitue, de loin, le record européen.La croissance a disparu de l’ensemble dessegments du marché autrichien : assez classi-quement (c’est le « syndrome suédois »), lesrevenus du fixe baissent nettement, tandisque le mobile affiche une contraction duchiffre d’affaires (victime de la nette réduc-tion des prix de la minute mobile), mais,

Depuis toujours, lesmarchés scandi -naves sont desmarchés d’avant-

garde en matière de télé-communications, et on yvoit régulièrement destendances qui apparais-sent dans le reste del’Europe quelques annéesplus tard. Ainsi, nousavons vu l’apparition, en2002, de ce que nousavons appelé le « syndrome

suédois », c’est-à-dire de la disparition de la croissance

dans l’industrie. Il n’était doncpas étonnant, qu’en 2006,

l’Allemagne, le plus important marchéeuropéen, affiche la première baisse du

chiffre d’affaires des services de télécommu-nication, tendance qui s’est poursuiviedepuis.

La tendance en ScandinavieAujourd’hui, le développement de

l’Internet mobile est indéniablement un dessujets de débat à la mode, et il est souventprésenté comme la prochaine source de crois-sance de l’industrie. D’après la Commissioneuropéenne, le haut débit mobile, c'est-à-direles accès mobiles ne permettant que du traficde données (cartes et « dongles » 3G, 3G+), a une pénétration moyenne (horsRoyaume–Uni) à fin 2008 de 2,8 % de la

population. En Scandinavie, les taux de pénétra-

tion du haut débit mobile sont bienau-dessus de cette moyenne : 5,5 %au Danemark, 5,7 % en Norvège,9,3 % en Finlande, et même 9,6 %en Suède. Le succès de ces offress’explique par les propositions très

attractives lancées par des opérateursnouveaux entrants (Hutchison « 3 » en

Suède et au Danemark, ICE enNorvège), dans un environnement où

l’interconnexion mobile ne joue pas le rôlede forteresse qu’elle joue dans la voix

pour la première fois en 2008, le haut débitfixe affiche aussi une baisse des revenus.

Au final, le marché autrichien des télé-communications a affiché une impression-nante baisse de 6 % de son chiffre d’affaires(alors que le P.I.B. progressait de 1,6 %, envolume). En évoquant le développement dumarché autrichien du haut débit mobile avecun dirigeant d’un des grands opérateurshistoriques européens, celui-ci m’a fortementdécrié la politique de Hutchison enAutriche : « ces imbéciles, ils ont détruit lavaleur de leur réseau mobile » avant d’ajouter :« et en plus, ils ont tué le cuivre… ». Serions-nous passés du syndrome suédois à la pesteautrichienne ? �

www.natixis.com

L'Internet en mobilité Demain, Internet sera mobile. Comment les acteurs de poids se préparent-il à ce big bang ? Le haut débit mobile va-t-ilavec son iPhone, est-il réplicable par les autres acteurs ? Comment l'actuel leader mondial des terminaux va-t-il réagir ?

Haut débit mobile : le tueur du cuivre ?par Jacques de Greling, analyste financier chez Natixis

Avec l’intro -duction deson iPhoneen 2007,

Apple a révolutionnél’Internet mobile enoffrant une plateformed’accès aux donnéesmobiles réellement utili-sée par les consomma-teurs. En effet, c’est la pre-mière fois que les

statistiques sont unanimespour montrer un décollage

aussi rapide et à l’échelle mondialed’un téléphone mobile pour accéder à un

contenu autre que la voix. Plus inquiétant,selon les données de Net Application, l’iPodTouch est même le deuxième terminal mobilele plus utilisé (via la connexion WiFi) devanttous les autres, qu’ils soient basés sur le systèmed’exploitation Symbian (principalement fabri-qués par Nokia), Microsoft (Samsung, LG, HTC,etc), Research in Motion (Blackberry) ou de Goo-

gle Android (HTC et bientôt Samsung, LG, SonyEricsson, Motorola, etc). Apple est aujourd’huidans une position similaire à celle de Nokia il y a

Le succès d’Apple

Internet : les nouveaux défis

20 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Page 21: Internet : les nouveaux défis - Arcep

: le futur eldorado ?bientôt, comme dans les pays scandinaves et en Autriche, dominer la croissance du haut débit ? Le succès d'Apple,

La réponse de Nokia, les analyses de Natixis et de la Société générale.

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 21

quelques années, en pouvant revendiquer les meil-leures statistiques d’usage auprès de ses utilisateurs.

Technologie propriétaireL’impact d’un tel succès est considérable. Tout

d’abord, pour les opérateurs, cela permet de sti-muler la vente de forfaits 3G. Selon Ericsson, lerevenu moyen mondial que génère l’usage de ladata 3G est de 15 $ par mois contre un investisse-ment en équipement d’environ 3 $ nécessaire à unusage moyen « normal ». La rentabilité apparentede ce business model attire donc les subventions desopérateurs vers l’iPhone au détriment des autresterminaux. Pour Apple, selon nos estimations,l’iPhone et l’iPod Touch représentent déjà 40%des revenus de Nokia en terminaux mobiles, ce quiest bien au delà de ce que la plupart des observa-teurs ont en tête car trop d’entre eux se concen-trent sur les parts de marché en volume…

Quel est l’avantage compétitif d’Apple ? Nousestimons que l’intégration verticale et la naturepropriétaire de l’environnement sont à l’origine dece succès : Apple contrôle son système d’exploitation(iPhone OS), la conception du matériel (iPhone3G, 3G S ou iPod Touch) et la plate forme de dis-tribution en ligne du contenu (App Store). Unetelle intégration permet de dégager des synergies

en termes de coût et de rapidité de développementen menant de front la R&D à toutes les étapes dela chaîne. A l’inverse, une approche fragmentéecomme celle de Microsoft ou de Google (produi-sant le système d’exploitation mais pas les termi-naux) a pour inconvénient de voir ses développe-ments ralentis par la recherche d’un consensus oul’existence de conflits d’intérêts. Mais si une tech-nologie propriétaire à tendance à progresser plusvite elle peut aussi être reléguée rapidement à l’étatde niche s’il existe une alternative « ouverte » aumoins aussi performante et attractive. La forced’Apple, jusqu’à présent, est de combiner cettenature propriétaire et intégrée tout en croissantrapidement sa base d’utilisateurs (40 millionsd’iPhone et d’iPod Touch vendus jusqu’à présent).

Retard des concurrents L’iPhone peut-il devenir un standard de

l’industrie pour les smartphones ? Selon nous, laprincipale limitation du succès d’Apple ne vien-dra pas tant de la concurrence que de la capacitédu consommateur à accepter une relative unifor-misation du terminal mobile. Les concurrentsd’Apple ont plusieurs années de retard : combiende temps et d’énergie a-t-il fallu à Apple pour trans-former son logiciel iTunes en une véritable plate-

par Vincent Rech, analyste Equity research, Société Générale

Internet : les nouveaux défis

par François Bornibus, directeur général de Nokia France

public dans cinq domaines qu’il considère commeattractifs – la musique, la navigation, le multimé-dia, la messagerie et les jeux –, et les plus viablesfinancièremeent.

La stratégie pour rivaliser sur ce marché reposesur des services Internet grand public qui permet-tent de maintenir les prix de vente moyens des ter-minaux, de développer et d’améliorer la marque,de générer des ventes nettes incrémentales et desprofits, de créer de la valeur et du choix pour lesclients. En proposant une gamme variée de télé-phones mobiles et un bon rapport qualité/prix,l’objectif de Nokia est d’être le leader mondial del’Internet mobile.

Ovi : un service social et contextuelOvi, la marque de services Internet lancée en

Internet mobile explose, toutes les études,tous les indicateurs, le montrent. Ainsi, c’esten 2012 que le nombre de terminauxmobiles accèdant à Internet dépassera le

nombre de PC fixes (1), notamment en raison del’appétence des « mobinautes » pour les réseauxsociaux (106 millions de personnes aux Etats-Unis (2) accèdent dès aujourd’hui à ces réseauxsociaux par leur mobile, soit une croissance de156 % en un an). Dans trois ans, 950 millionsd’utilisateurs(3) – un sixième de la population mon-diale – seront connectés à Internet en mobilité.

Devenir le leader mondial de l’Internet mobile

Dans ce contexte de forte expansion, Nokiadéveloppe son offre de services Internet grand

2007, est un élément impor-tant de la stratégie du groupedans les services. Il s’agit d’unservice à la fois social et contex-tuel (lieux, contenus multimé-dia, date), qui se différencie enrendant les services plus convi-viaux et en socialisant l’achatet l’utilisation de contenus mul-timédia. En y ajoutant la mobi-lité, ces solutions conférent auxutilisateurs une pertinence maxi-male, quoi qu’ils fassent, quels quesoient le moment et le lieu où ils se trouvent.�(1) IDC Digital Report 2008. / (2) Etude Nielsen. / (3) Prévision Pyramid Research.

www.nokia.fr

Nokia devient une “Internet Company”

forme de facturation à laquelle les utilisateurs accep-tent de confier leur carte de crédit ?

Avec 50 000 applications disponibles sur sonApple Store, Apple est déjà bien loin devant laconcurrence et les récentes innovations de l’iPhoneOS offrent encore de nouvelles perspectives et sou-lèvent l’enthousiasme des développeurs. Certes, laconcurrence de Symbian, Google ou Microsoftsera forte, mais la fragmentation de leurs plate-formes matérielles pénalise leur performance : comment adapter, pour un coût raisonnable, unsystème d’exploitation unique et des milliersd’applications à un portefeuille de plusieurs cen-taines de terminaux mobiles ayant tous des ressources différentes (taille d’écran, processeur,mémoire, accélération graphique, périphériquedivers, etc). Car, pour bénéficier d’un effet d’échelle,une telle diversité amène à complexifier le systèmed’exploitation et les applications, tandis qu’Applese développe rapidement sur une gamme restreinteet plus simple à gérer.

L’industrie du smartphone est-elle en train devivre un moment similaire à l’industrie informa-tique du milieu des années 1980 quand sa valeurest passée du matériel aux systèmes d’exploitations,logiciels et semi-conducteurs ? �

http://www.socgen.com

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Internet : les nouveaux défis

Le droit à la mort virtuelle : plaidoyerpour les droits de l’homme numérique

conduisent à réinventer de nouveaux droitsde l’homme : les « droits de l’hommenumérique » (1).

La vie « binaire » est aussi importanteque la vie « moléculaire » comme le domi-cile privé virtuel (2). Au sein des droits del’homme numérique figurent le domicilevirtuel et le droit à la remise à zéro, c’est-à-dire le droit pour tout un chacun de dispa-raître du Net, de « mourir sur le Net », ensupprimant toutes ses données. Au mêmetitre qu’il y a un droit à l’existence sur leNet, il devrait y avoir un droit à la mortvirtuelle. En réalité, il existe plusieurs viessur le Net, comme il s’en crée chaque joursur Second Life. Loggin, adresses mail,pseudos, profils ou avatars, sont autantd’identités qui se créent et peuvent dispa-raître en un clic sur Internet.

Faire de chaque individu le maître de son identité

L’examen du déplacement du curseur surl’échelle des droits de l’homme numériqueconduit à retenir plusieurs critères, au rangdesquels figure le respect de la vie privée.

On va ainsi du droit « au silence » (enmatière de technologies RFID, le droit dedésactiver les puces), au droit « à la dispari-tion » (le masquage de certaines donnéesdans le dossier médical personnel). Mais il yaussi le droit de retrait (notamment desréseaux sociaux) et de suppression desdonnées, le droit à l’oubli et enfin le droit àla mort virtuelle (disparition du profilinformationnel) (3).

Il faut faire de chaque individu le véri-table maître de son identité information-nelle, tant biologique que numérique detelle sorte qu’il devienne « le seul archivistede son histoire personnelle » (4). �

(1) Livre blanc des droits de l'homme numériques, àl’initiative de M. Santini, 20-11-2000, disponible surwww.alain-bensoussan.com/documents/P7ETUDE1.pdf

(2) A. Bensoussan, « Téléchargement illicite et violationdu domicile », Les Echos du 22-1-2007.

(3) Cf. notre intervention à l'Institut Multi-Médias en2006, séminaire organisé par H. Monnet et C. deMaussion.

(4) Cf. notre audition par le Sénat, dans le cadre durapport « La vie privée à l’heure des mémoiresnumériques », n° 441, paru le 27-5-2009.

Avatars d’unmonde virtuel,profils sur lesforums, mails

professionnels ou privés…la multiplication desidentités pose le néces-saire besoin pour lesindividus de se réappro-prier leur véritable iden-tité dans le monde« réel ».

Le droit à disparaîtrePeut-on disparaître de

l’Internet ou plus exactementdu monde des octets ? De la

même manière que l’on peut vivrecaché derrière des pseudos et desavatars et avoir ainsi plusieurs person-

nalités sur le Net, on doit pouvoirdécider d’y mettre un terme. Mais la mortvirtuelle peut aussi avoir été provoquée parun tiers qui décide, par exemple, de prendrela place d’un avatar en le faisant dispa-raître... Ces nouvelles réalités de l’Internet

par Alain Bensoussan, avocat à la Cour d’appel de Paris

Internet sur mobile mars 2008 mars 2009

Cartes SIM Internet exclusives* (en millions)** 0,6 1,2décembre

2007décembre

2008Parc actif 3G (en millions)*** 5,9 11,4

Parmi les équipés mobiles de 12 ans et plus août 2007 août 2008

Envoient ou reçoivent des e-mails** nd 15 %

Utilisent des fonctions Internet** 9 % 13 %

Internet sur PCParmi les personnes de 12 ans et plus,

au cours des 12 derniers mois2005 2008

Internautes 52 % 63 %

Ont téléchargé de la musique 14 % 24 %

Ont téléchargé des films 6 % 15 %Ont effectué des démarchesadministratives ou fiscales

22 % 37 %

Ont effectué des achats 21 % 38 %

CREDOC, "La diffusion des TIC dans la société française" 2005-2008.

* Cartes PCMCIA et clés Internet 3G/3G+ ** Source : ARCEP. *** Source : TNS Sofres.

Plus de la moitié desinternautes s’adonnent à lacatch-up TV c’est-à-dire le fait de visionner desprogrammes télévisuelsgratuitement sur Internetaprès leur diffusion.

Le nombre de cartes SIM « Internetexclusif »* a doublé entre mars 2008et mars 2009, passant de 0,6 à 2,1 millions. Sur la même période,le nombre d’utilisateurs de services3G a presque doublé, passant de 5,9à 11,4 millions.

Grâce au succès desforfaits triple play, 6,2 millions d’abonnésfrançais accèdent à latélévision par ADSL au31 mars 2009.

A fin 2008, 51 % desabonnements Internet àhaut débit sont associésà un abonnement à la voixsur IP et 37 % à unabonnement à la télévisionsur IP.

Le domicile reste le premier lieu à partirduquel les internautes se connectent. En effet,58 % des adultes accèdent à Internet àleur domicile en juin 2008, pour 41%seulement sur leur lieu de travail ou d’études.

En tenant compte de tous les types deconnexions possibles, 63 % de lapopulation française se connecte à Internet.Cela représentait près de 33 millions depersonnes en juin 2008.

Internet : des usages qui se répandent

(CREDOC, (« La diffusion des TIC dans la société française », juin 2008).

(ARCEP).

(ARCEP).

*cartes PCMCIA et clésInternet 3G/3G+

(ARCEP).(CREDOC, « La diffusion des TIC dans la société française », juin 2008).

(GroupM, octobre 2008).

22 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

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Internet : les nouveaux défis

Quelles sont les questions qui fâchent le plusles internautes ? Ils ont plutôt tendance à être d'accord avec toutce qu'on leur fait faire, excepté concernant letéléchargement illicite. Même si, sur les réseauxsociaux, la jeune génération commence àtémoigner du sentiment d'être un peu piégée, onse heurte globalement à cette fameuse phrase,complètement absurde : « je n'ai rien à cacher età me reprocher, donc ça m'est égal ». La CNIL amené une action pédagogique auprès de cesjeunes, en particulier pour qu’ils réfléchissentbien à ce qu’ils veulent livrer, ou pas, commeinformations personnelles, et aux conséquences.Il faut faire un gros travail dialectique etpédagogique, expliquer aux jeunes que, s’ils nesont pas vigilants, personne ne le sera à leurplace. On ne peut pas mettre une CNIL entrechaque citoyen et chaque technologie…

La pédagogie est-elle suffisante ?La pédagogie est une des réponses. Mais il fautaussi amener les entreprises à respecter desrègles. En outre, il faut repenser la nature de larelation, totalement inégalitaire, entre l’internaute etInternet. Prenez l’exemple des réseaux sociaux :par l'apport de ses informations, l’internauteparticipe à la construction du réseau et à sondéveloppement. De son côté, le réseau lui offre undispositif technique. Jusque là, la relation est à peuprès contractuelle et symétrique. Puis, le réseaudéveloppe le profilage de l’internaute pour menerdes opérations commerciales. Que revient-il alorsà l'internaute ? Rien. Il ne maîtrise même pas sespropres informations personnelles. Il serait tempsde revoir cette relation sous l’angle du droit de laconsommation.

Mais comment faire admettre des règlesnationales à des entreprises par essenceinternationales dans un monde totalementinterconnecté ?C’est un problème juridique majeur sur lequelnous travaillons depuis des mois. A ce jour, nousn’avons pas trouvé de solution pour faire en sorteque les grandes sociétés de l’Internet, la plupartdu temps américaines, se considèrent dansl'obligation de reconnaître l'applicabilité du droiteuropéen en matière de traitement des donnéeseffectuées par des entreprises situées en dehorsdu territoire de l’Union. La question ne concernepas uniquement les réseaux sociaux.

Aujourd’hui, est-il facile de faire modifier ouretirer ses données personnelles surInternet ?Ça dépend des jours ! Ce qui est grave, c’estque l’internaute n’a aucune garantie quant auxinformations. Si la CNIL intervient, des effortssont faits. Mais même s’il obtient une rectificationou une suppression de ses donnéespersonnelles sur un site, opération toujourslongue et difficile, l’internaute n’a aucune garantiesur les informations personnelles qu’il a pucommuniquer et que d’autres – amis, collègues,etc - ont pu propager sur le web ; il en a ainsiperdu la maîtrise pour toujours. C'est une formede traçage dans le temps, une sorte de dilatationdu présent auquel l’internaute ne peut échapper.Dans ce domaine, il est difficile de garantir le droitde se contredire ou le droit à l’oubli, qui sontdeux droits fondamentaux de la personnehumaine. Il faut beaucoup de rigueur pourrencontrer ses amis sur les réseaux sociaux touten préservant sa vie privée. C’est d’autant plusdifficile que ces nouvelles technologies nousapportent un confort d’usage incroyable quiendort notre vigilance.

Vous présidez le G29, qui regroupe les CNILeuropéennes. La même valeur est-elleaccordée, partout en Europe, à l’idée deprotection de la liberté individuelle ? Globalement oui, même s’il faut bien admettreque les anglo-saxons sont à égale distance desEuropéens et des Américains dans leurconception. Le principal problème vient du faitque les Américains ne sont pas loin deconsidérer les données personnelles comme unbien marchand alors que les Européens pensentqu’elles sont un attribut de la personnalité. Et lesjeunes Européens n'ont pas conscience d'êtreau centre de cet enjeu.

Pourquoi souhaitez-vous constitutionnaliserle droit à la protection des donnéespersonnelles ? Le droit actuel n’est-il passuffisant ? Il y a plusieurs raisons. Actuellement, parmi les27 pays de l'Union européenne, 13 pays ontreconnu dans leur constitution le droit à laprotection des données personnelles : être le14ème ferait basculer la majorité symbolique. Ce serait également un acte fort vis-à-vis de nospartenaires américains et asiatiques.

La deuxième raison est denature juridique : c’est l’idéeque le législateur ne laisse plusdévelopper des technologiessans mener de véritable étuded'impact préalable. Si le droità la protection des donnéespersonnelles entre dans laconstitution, il sera plus difficiled’élaborer des lois qui nerespecteraient pas ce droit.Je ne suis pas sûr que leGouvernement et leParlement souhaitent repartirimmédiatement vers unenouvelle révision constitutionnellemais la question est désormais posée.

Finalement, lutter pour protéger la vie privéedans un monde où le temps technologiqueest toujours en avance sur le droit, n’est-cepas un peu « mission impossible » ? C’est un peu « Don Quichottien », c’est vrai. Maisle rôle essentiel de la CNIL est de poser desquestions, de soulever des problèmes, pourdonner aux citoyens des instruments d'analysequi leur permettent ensuite de faire des choix. Iln’y a pas en soi de bonne ou de mauvaisetechnologie mais chaque citoyen a la possibilitéde dire oui ou non à l'usage d'une technologie.Ce choix peut avoir une incidence réelle. Unexemple : dans certaines boites de nuitbranchées en Espagne et aux Pays-Bas, dejeunes gens acceptent de se faire injecter unepuce RFID dans le bras pour bénéficier d’unaccès privilégié. Nous devons avoir le droit derefuser une telle atteinte à notre intégrité mentaleet physique pour un bénéfice aussi dérisoire qued'entrer dans un dancing uniquement avant lesautres ! En revanche, la CNIL travaille sur lapossibilité de placer des puces RFID sur desvêtements ou sur le corps de personnes atteintesde maladie d'Alzheimer. Dans ce cas, latechnologie agit en protection des personnes etde leur famille. Il est temps de traiter les problèmes qui se posentdéjà. Si nous n’en sommes pas capables,imaginez ce que ce sera demain avec lesnanotechnologies qui permettront, nous disentles experts, de fabriquer des puces à l’échelle dumilliardième de mètre, ce qui les rend invisibles ! �

www.cnil.fr

Le profilage des internautes est devenu le carburant du réseau des réseaux, de plus en plus gourmand en donnéespersonnelles, au détriment de la vie privée. Alex Türk, président de la CNIL, tire la sonnette d’alarme.

« Il faut repenser la relationentre l’internaute et Internet »

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 23

Protection des libertés individuelles

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Internet : les nouveaux défis

24 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Le bon temps de la bulle Internetpar William Emmanuel, essayiste et directeur de Globalix.fr, auteur de "Krach.com,

enquête sur la bulle Internet" (Economica, 2002)

lars, soit une hausse de 108%. La société, créée 16mois auparavant et qui vient de subir une perte de4,3 millions de dollars pour un chiffre d’affaires de16,6 millions au premier semestre 1995, vaut3 milliards de dollars. Démesuré ? Extravagant ?Incohérent ? Oui, si on utilise les mécanismes tra-ditionnels de valorisation comme les cash flowsactualisés. Non, si on admet qu’on est entré dansune “nouvelle économie”.

La riposte de l’économie traditionnelleAprès une période de doute, les géants de

l’économie traditionnelle prennent au sérieux cettemenace. Microsoft utilise alors sa formidable puis-sance de feu financière - et aussi des méthodes quilui vaudront plus tard quelques condamnations -pour « tuer » Netscape. Le spécialiste des logicielspour ordinateurs lance son propre navigateur(Internet Explorer) qu’il installe sur tous ses pro-duits. Comme il équipe 95% des ordinateurs per-sonnels sur la planète, il a tôt fait de couler le jeuneconcurrent. Netscape est d’ailleurs racheté en 1998,pour 4,8 milliards de dollars, par AOL.

AOL-Time Warner, un cas d’écoleAmerica Online (AOL), société fondée dans les

années 1980, est devenue dix ans plus tard le pre-mier FAI mondial. Introduite en bourse en 1992sur la base d’une valorisation de 62 millions dedollars, elle vaut quelque 160 milliards début2000. Elle compte alors plus de 25 millionsd’abonnés aux Etats-Unis (plus 5 millions enEurope) et affiche une rentabilité insolente, enprogression continue. Son fondateur, Steve Case,peut donc se permettre de prendre le contrôle dugroupe de médias Time Warner (Time, CNN, lesstudios Warner Bros et la major Warner Music),qui vaut 80 milliards même si son chiffre d’affairesest cinq fois plus important.

“Bienvenue dans le XXIe siècle”, titrel’hebdomadaire Business Week. Le nouvel ensem-ble affiche rapidement une capitalisation boursièrede 350 milliards de dollars, soit près de 10 fois lesventes de l’exercice 2000 (36 milliards). Mais lemodèle AOL a du plomb dans l’aile. L’accès àl’Internet est avant tout une activité de télécom-munications. Après avoir laissé les start-ups’ébrouer, les opérateurs se lancent dans la batailleen s’appuyant sur leurs bases d’abonnés au télé-phone. Le mariage entre AOL et Time Warner estdès le départ un cas d’école de ce qu’il ne faut pasfaire. Les cadres de Time Warner estiment qu’ilsont un vrai métier. Ceux d’AOL jugent qu’ils sontles seuls à comprendre le monde nouveau qui

vient. Les deux parties ne veulent pas travaillerensemble. L’éclatement de la bulle Internet enBourse, après le pic atteint aux Etats-Unis en mars2000, remet en selle les uns et déstabilise les autres.En 2002, le groupe passe 50 milliards de provisionspour tenir compte de la chute de la valeur boursière.Progressivement, Time Warner s’émancipe et AOLdevient une simple filiale gérant un portail, l’activitéd’accès étant abandonnée, son nom étant mêmesupprimé de la raison sociale du groupe. Le groupevaut désormais moins de 30 milliards de dollars enbourse. Combien vaut AOL, qui sera introduit enbourse avant la fin 2009 ? La société a réalisé unchiffre d’affaires de 4,16 milliards en 2008 et a subiune perte opérationnelle de 1,15 milliard.

Fin de l’histoire Internet ? Pas du tout …Si AOL a échoué, en revanche, d’autres start-up

ont réussi à s’imposer : Amazon, qui a révolu-tionné le commerce en ligne avec son site permet-tant d’acheter des livres, des disques, des logicielset maintenant des contenus digitalisés. Yahoodemeure un acteur de poids de la recherche et dela publicité sur l’Internet, même si son étoile a pâlidepuis l’émergence de Google. eBay a permis decréer une place de marché gigantesque où l’onpeut tout vendre et tout acheter.

Même s’il est présomptueux de parler d’un“changement de paradigme”, force est de constaterque l’Internet a modifié profondément l’économie,permettant aux uns de créer de nouvelles activités etaux entreprises existantes d’améliorer leur organisa-tion afin de gagner en productivité.

La bulle Internet avait les caractéristiques desbulles spéculatives qui ont jalonné l’histoire ducapitalisme moderne : une innovation technolo-gique majeure, un afflux d’investissement, des valo-risations boursières qui s’envolent, la prise deconscience de sur-capacités et un ajustement quifait baisser les indices boursiers et qui entraîne desfermetures d’usines et des suppressions d’emplois.Le mécanisme est toujours le même. A la différencede la crise actuelle – où l’innovation a été unique-ment financière –, la bulle Internet a sans douteruiné des actionnaires, et des milliers de personnesse sont retrouvées au chômage. Mais l’impact éco-nomique a été somme toute limité puisque l’Asie aété épargnée et que les investissements ont rapide-ment repris. L’Internet nous a laissé des réussitesindiscutables. De nombreuses start-up ont grandi etsont devenues de grandes entreprises. Surtout,l’Internet a modifié en profondeur notre mode devie. Qui pourrait se passer du Web aujourd’hui ? �

www.globalix.fr

La crise économiqueque traverse lemonde aujourd’huidécoule d’une crise

financière consécutive àl’éclatement d’une bulle spé-culative, dans l’immobilier,qui entraine l’effondrementd’un système : chute del’activité économique dans lemonde entier – pour la pre-

mière fois depuis la fin de laSeconde guerre mondiale – ferme-

ture d’entreprises, suppressions d’emplois, accrois-sement des déficits publics, montée des méconten-tements. Une occasion de revenir sur la bulleInternet des années 90, qui eut des conséquencesinfiniment moins dramatiques.

Netscape et la « nouvelle économie »Au début des années 1990, apparaît un terme

barbare, World Wide Web. Il s’agit d’un réseau publicpermettant de faire communiquer entre eux, via leréseau de téléphone, les ordinateurs du mondeentier. Les scientifiques et les militaires pouvaientdéjà utiliser une telle fonctionnalité mais c’était encircuit fermé et sécurisé. Désormais, tout le mondepeut accéder à la partie publique du Web. Pour yfaire quoi ? Le vice-président américain Al Goreévoque la création d’”autoroutes de l’information”,qui permettraient aux citoyens d’avoir accès àl’information, à la culture. Pour l’heure, le Webattire surtout les férus de technologie, qui créent despages et des sites. C’est un capharnaüm. Comments’y retrouver ? En avril 1994, un prodige del’information, Marc Andreesen, fonde, avec le sou-tien d’un vétéran du secteur, Jim Clark, une sociétébaptisée Netscape pour développer et commerciali-ser un nouvel outil permettant de “naviguer” surl’Internet. Il y avait urgence car les “internautes”,comme on ne les appelle pas encore, se multiplient.En 1995, ils sont déjà entre 30 et 35 millions, essen-tiellement aux Etats-Unis. Netscape surfe sur cettevague. Le 9 août de cette année là, la société entreen bourse, sur le Nasdaq, qui regroupe les entre-prises technologiques. Au cours des semaines pré-cédentes, les banquiers chargés de l’opération ontété surpris par l’engouement. Après avoir proposéque le prix de l’action soit fixé dans une fourchettede 12 à 14 dollars, il monte à 28 dollars. Le jour J,la demande est phénoménale. Le Nasdaq doitretarder la cotation d’une heure et demie. L’actiondébute à 71 dollars et monte jusqu’à 75 dollarsavant de clôturer sa première séance à 58,25 dol-

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Internet : les nouveaux défis

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 25

Le besoin de cadres normalisés

Pour faire évoluer leprocessus, il convien-drait de rationaliser lesmodes de décision, et repenser l’élabo -ration des échéan-ciers. L’idée actuelled’un « accord général,en l’absence d’oppo--sition ferme sur desquestions substan-tielles… » a trouvéses limites faute decapacités d’engagementet d’intervention équiva-lentes pour tous les contri-buteurs. C’est aussi la notion mêmed’exhaustivité qu’il faudrait revaloriser face àl’approche incrémentale.

Pour bien fonctionner, les marchés ontbesoin de cadres normalisés : des standardsde référence pour définir des services oufonctionnalités de base, des normes de sécu-rité ou d’environnement et surtout, enmatière de communication, des normesd’intercon nexion et d’interopérabilité quipermettent la concrétisation de toutes lesexternalités positives. Les normes sociales ou« comportementales », paraissent aussi, dansune certaines mesure, comme des solutionssubstituables et/ou complémentaires auxsolutions techniques. La capacité d’intégrerces formes alternatives de normativité sur unsocle technique solide est aujourd’hui unenjeu important du processus de normalisa-tion de l’Internet. �

http://innovation-regulation.enst.fr/

(1) Cet article repose sur les présentations et les débats quiont eu lieu lors du séminaire qui s’est tenu le 31 mars2009 : « La régulation de l’Internet ; des standardstechniques aux normes sociales ». Ce séminaire étéorganisé par PJ Benghozi (Ecole Polytechnique etchaire « Innovation et régulation des services numé-riques » et F. Massit-Follea (Vox Internet).Les documents sont disponibles à : http://innovation-regulation.enst.fr/

(2) Internet Engineering Task Force.(3) World Wide Web Consortium. (4) Cf interview de Mathieu Weill pages 26 et 27.

L’incontestable succès d’Inter netpour la diffu sion et l’échange decontenus et de messages, n’a pureposer que sur l’effi cacité de

l’intero pé rabilité des réseaux et l’inter fonc tion -nement des services et, par conséquent, sur uncertain niveau de normalisation. Ces questionsont toujours été un enjeu et une source detension entre le monopole associé aux droits depropriété intellectuelle et la réglementation dela concurrence associée à la diffusion del’innovation.

Avec l’Internet, des transformations majeuresse sont opérées : élaboration d’innovations dansdes dispositifs de coopération ouverts (OpenSource), auto-régulation dans des forums tech-niques aux formes de gouvernance inédites(l’IETF(2) ou le W3C(3) ), intégration des indus-tries de télécommunication et de contenus à labase de nouveaux écosystèmes.

Le processus de normalisation de l’Internet,conçu au début des années 80, formalisé etexplicité en 1992, a bien fonctionné jusqu’aumilieu des années 90. Il a permis d’élaborer desnormes en s’appuyant sur des principessimples emblématiques de l’Internet : volonta-riat, travail collaboratif par échange de mails,peu de réunions formelles et principe duconsensus comme base de la décisiond’adoption des normes.

L’explosion du Web a mis à mal un dispo-sitif d’abord envisagé à des fins de recherche :mauvaise prise en charge d’applicationsdéployées à grande échelle dans un objectifcommercial, difficulté de coordination entredes parties prenantes dont le nombre augmenteet l’engagement varie. Le processus « patine »depuis une décennie (la norme IPV 6 (4) est àl’état de projet depuis 1998). Les instances denormalisation elles-mêmes ont identifiécertaines raisons : manque de vision communede leur mission par les participants ; processusouvert et collaboratif mais qui n’a pas la rigueurd’un processus « étalonné », dynamique desgroupes de travail qui rend difficile la décisionde clore les travaux, structures de gestion desforums inadaptées à leur taille et à lacomplexité des relations qui s’y nouent, chargede travail qui dépasse les capacités des membresactifs, prolifération des instances se saisissantdes questions de normalisation.

Les limites du principe égalitaire

L’affirmation initiale du principe égalitaireconnaît lui aussi ses limites. Si les contribu-tions aux forums sont libres, toute proposi-tion doit être défendue en réunion. Laprésence régulière limite la participation descontributeurs « libres » pour des raisons dedisponibilité et de ressources. Les contribu-teurs les plus motivés portent le processusavec le support de leurs employeurs dont ilssoutiennent les positions.

Les enjeux économiques ont poussé lesgrands acteurs à s’impliquer fortement. Ilssont les seuls à pouvoir embrasser l’ensembledes systèmes de normalisation qui structurentle secteur : suivre plusieurs dizaines de forumset d’institutions, mobiliser un grand nombrede délégués et consacrer plusieurs millionsd’euros. Cette vue d’ensemble est indispen-sable, alors que les approches incrémentalesretenues dans de forums tels que l’IETF faci-litent des adaptations flexibles dans un envi-ronnement changeant, mais risquent de faireperdre aux contributeurs isolés la perspectiveglobale. A ce jeu, ce sont les grands acteursmondialisés qui s’y retrouvent le mieux. Deplus, le mode de fonctionnement des forumsporte la marque de pratiques culturelles spéci-fiques : dans le mode d’expression écrit, dansl’explicitation des divergences, dans l’indivi -dualisation des contributions, dans les formesde négociation et la construction desconsensus, dans la langue de travail. Il s’agitd’un cadre moins adapté aux cultures euro-péennes et asiatiques, si bien que certainesestimations avancent le chiffre de 80 % decontributeurs américains.

Toute tentative de réforme ne devra pasfaire oublier le travail accompli et les méritesdu processus tel qu’il a fonctionné. Ens’appuyant sur la coopération et le consensus,en veillant à la transparence des travaux et à lapublication des projets, il a conduit à desspécifications techniques solides. L’avancéeincrémentale permet un réel degré d’adap -tabilité, en évitant tout conflit technique et/ouéconomique avec la base installée. Cette adap-tabilité doit rester un objectif important dansun environnement technique, applicatif etéconomique mouvant.

La normalisation de l’Internet : entre deux âges ? (1)

par Alain Vallée, chaire « Innovation et régulation des services numériques"(Ecole polytechnique & Télécom ParisTech)

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Page 26: Internet : les nouveaux défis - Arcep

Internet : les nouveaux défis

Comment fonctionne Internet ?Internet est constitué d’une partieréseaux et d’une partie applicative.Dans la partie infrastructures – celleque nous suivons à l’AFNIC – il y ad’abord l’architecture physique,c'est-à-dire les réseaux physiquesdes opérateurs, les points depeering, les centresd'hébergement, les data centers.Au-dessus, il n’y a pas uneinfrastructure unique mais plusieurscouches : les adresses IP toutd’abord, puis le routage – quidétermine la manière dont on circuledans le réseau et qui est défini par lesopérateurs –, et enfin d'autresinfrastructures logiques, parmilesquelles les noms de domaine. De plus en plus de couches de l'Internetsont en train de se sédimenter, c'est-à-dire d'être elles-mêmes utiliséescomme des éléments de l’infrastructured’Internet ; c’est par exemple le cas desprotocoles du Web, du browser Internet– le « butineur » – mais aussi de l'OSWindows. Ces différentes « briques » sont opéréespar des acteurs très divers, aux structuresjuridiques – publiques, privées,associatives, universitaires – et auxmodèles économiques différents et qui, desurcroît, sont répartis un peu partout dansle monde. Cela constitue un facteur derésilience et aussi de risque, car si desacteurs prennent, sur une couche donnée,une part de marché trop importante, ilsfont peser un risque systémique sur tout lesystème. Comme dans le systèmefinancier où, lorsqu’une banque concentretous les prêts d'une certaine catégorie, sadéfaillance peut être mortelle pourl'ensemble du système. C'est parce que leréseau est mondial et parce qu'il y a unegrande diversité d'acteurs, que les chosessont difficiles pour un régulateur.

Quel rôle joue l’AFNIC dans cetunivers ?L'AFNIC fait fonctionner en permanenceles noms de domaine en .fr et fournit desidentifiants. C'est un service critique car,s’il venait à échouer, tout un pan del'activité sur Internet s'arrêterait. C'est

d’ailleurs la seulecomposante del'infrastructure Internet quiest perçue par l'utilisateurfinal : quand on tape« arcep.fr », on ne pensepas adresse IP, ni numérod'AS pour le routage et onn’a aucune idée du centred'hébergement ou dutrajet qu’utilise le paquet.

Quel est le statutjuridique de l’AFNIC ?Nous sommes uneassociation loi 1901, filled’un essaimage de l'INRIAqui assurait cette missionjusqu'en 1997 ; l’associationa été constituée de manièreà permettre la collaborationentre les pouvoirs publics etle secteur privé pour que le .fr– considéré comme le refletde la France dans lecyberespace – soit géré demanière commune etconsensuelle, et avec le soucide l’intérêt général. Un modede gouvernance associantpouvoirs publics, revendeursprofessionnels, représentantsd'utilisateurs a donc été mis enplace. Cette structure originaleest tout à fait dans l'esprit del'Internet, dont la force est deréunir tous les utilisateurs autour

d'un certain nombre de principesfondamentaux.

Combien la France compte-t-ellede noms de domaine ?Nous gérons 1,5 million de .fr. Le .fr est la 5ème extensioneuropéenne, ce qui est conforme à laplace de la France dans le monde de

l'Internet.

Quelles sont vos relations avec l'ICANN ?

L'ICANN exerce tout d’abord une missionde contrôle et de coordination sur deuxressources techniques : les adresses IP etles noms de domaine ; à ce titre, c’est à

l'ICANN que nous indiquons où sont situés lesserveurs du .fr. Cette organisation joue ensuitele rôle de régulateur sur les noms de domainedit génériques, à savoir les .com, .net, et .org.Pour ces extensions, elle fixe des règles quiont un caractère plus régulatoire : la séparationstructurelle entre l'opérateur de registre et lesrevendeurs, les tarifs, l’introduction denouvelles extensions. Ces règles neconcernent pas le .fr, pour lequel legouvernement français reste souverain.L'ICANN a été créée pour reprendre desmissions qui étaient auparavant gérées par leDépartement du commerce américain. Elleexerce toujours sa mission sous le contrôleplus ou moins proche, selon les périodes, dugouvernement américain.

Il semble étonnant que des règles degouvernance d’un réseau mondial soientédictées par un seul gouvernement !Ce débat est récurrent. La création de l’ICANNa déjà été déjà un effort dans le bons senspuisque l’organisation a été mise en placepour répondre aux inquiétudes de ceux quipensaient que, le réseau étant devenumondial, il fallait dorénavant que le contrôle dela coordination des ressources techniques soitassuré de manière plus internationale.Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est que l’onassiste à une montée en puissance très rapidesur Internet des pays émergents etnotamment de la Chine. C’est la raison pourlaquelle nous pensons qu’il faut discuter de lamanière d'internationaliser encore plus lesystème, qui reste à ce jour très occidental. Eneffet, l’Internet offre – et c’est son intérêt – unréseau mondial unique dont les identifiants, lesadresses IP, les noms de domaine sont la clef.Ce sont eux qui permettent d'assurer que,quand on cherche « arcep.fr », où que l'on soitdans le monde, on tombe bien sur les serveursde l'ARCEP. Il existe un risque géopolitique que se crée undeuxième réseau sur lequel la Chine, parexemple, pourrait à terme être tentéed’imposer de nouveaux standards. Cenouveau réseau, s’il devait compter desmilliards d’utilisateurs, pourrait devenirintéressant sur le plan commercial pour desacteurs économiques comme Google parexemple. Mais aujourd'hui, l'Internet chinoisfonctionne avec des adresses IP classiques, etde plus en plus en IPV6.

« Les objets communicants peuvent Interview de Mathieu Weill, directeur général de l’ AFNIC - Association française pour le nommage

26 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Page 27: Internet : les nouveaux défis - Arcep

Internet : les nouveaux défis

Pourquoi passer à la version 6 d’IP ?Ce passage à l’IPV6, on en parle depuislongtemps, mais aujourd’hui tous les expertssont d’accord pour dire que c’est l’anprochain ou en 2011 que la ressource IPV4sera épuisée. Face à cette échéance, certains proposent demettre en place des solutions decontournement. Elles existent, mais ont pourinconvénient de « fossiliser » le réseau et de lerendre moins favorable à l'innovation car ellesobligent à une gestion, une mutualisation desadresses IP, et de ce fait, bloquent leurcapacité à « converser » avec n'importe quelpoint du réseau. Une deuxième pisteconsisterait à gérer la rareté de la ressource etdonc à mettre en place un marché desadresses IP. Mais une adresse IP n'en vautpas forcément une autre – ne serait-ce queparce que certaines peuvent avoir étédéclarées comme adresses de spam à unecertaine période de leur vie – et ne constituepas un bien parfaitement substituable.L’autre alternative, c'est de basculerprogressivement, mais le plus rapidementpossible, vers la ressource beaucoup plusabondante de l’IPV6. Le nombre d’adressesest de l’ordre de 2128, ce qui est gigantesque,et nous permettrait de tenir une cinquantained’années.Cela nécessite des mises à jour dans chacunedes briques de l'Internet : les routeurs, lescentres d'hébergement, les noms dedomaine, les systèmes d'exploitation. C’est ungros travail. Un certain nombre d'acteurs enont déjà fait leur part, mais le plus lourd de lacharge repose sur les opérateurs de réseaux,qui sont encore en phase d’expérimentation,ou de lancement de services très ciblés.La mesure des taux d'utilisation d'IPV6 dansles déclarations de nom de domaine montreque, pour le .fr, on est à peine entre 1 et 4%d’adresses IPV6.

Qui peut imposer un passage à l’IPV6 ?Les seules organisations qui ont un pouvoir ence domaine sont celles qui allouent lesadresses IP, car elles seules peuvent ne plusen délivrer en IPV4. Elles vont d’ailleurs sansdoute y être contraintes en raison du risque depénurie à venir. Les pouvoirs publics peuvent également,comme cela se passe aux Etats-Unis, ne pluspasser de commandes publiques dans

lesquelles les systèmes ne fonctionnent pas enIPV6. Mais on imagine mal le gouvernementfrançais imposer à Microsoft d’implanter IPV6dans Windows par défaut partout en France àpartir de telle date : la décision serait d’ailleurssans doute juridiquement attaquable. Le seulacteur européen qui puisse influencer sur lesplannings de développement de Microsoft,c’est la Commission européenne, mais elle n’apas d'outil pour demander aux opérateurstélécoms d'utiliser de l'IPV6au lieu de l'IPV4. Au fond, le principalbénéficiaire de ce passage àl’IPV6, ce n’est pas l’utilisateurfinal, pour qui tout cela esttransparent, maisl'écosystème lui-même. C'estdonc à l'écosystème de seprendre en main. On touche làdu doigt une des principalesdifficultés : il n’est pas facile defaire bouger une infrastructurequi est très distribuée si tousles acteurs n’en retirent pas unbénéfice clair. Cela dit, il y a déjàdes briques qui ont bougé etmême les opérateurscommencent à s'y mettre. EnFrance, nous sommes d’ailleursplutôt précurseurs, si l’on seréfère aux taux d’utilisation del’IPV6. Free par exemple, en a faitun argument marketing vis-à-visdes technophiles. A l’AFNIC,nous avons ouvert dès 2003 unservice d'enregistrement en IPV6,mais à dire vrai, il n'est pas trèsutilisé...

Êtes-vous optimiste pour l’avenir ?Oui, je pense qu'à un momentdonné, le processus vas'enclencher. Mais cela risque dese produire tardivement, et cela vaposer de gros problèmes,notamment de qualité de service.

Quels sont les enjeux principaux ?J’en vois trois. Tout d’abord, lamontée des risques liés aufonctionnement de l'Internet, lesattaques... Ensuite les mobiles :

comment vont-ils s'intégrer dansl'infrastructure Internet ? Auront-ils uneadresse IP ? Le terminal mobile sera-t-il unterminal comme les autres ? C'est un grosenjeu car cela concerne déjà des milliardsd'utilisateurs mobiles dans le monde.Enfin, l’arrivée des objets communicants qui,eux, peuvent se compter par dizaines demilliards. Ils peuvent de ce fait complètementchanger la manière de concevoir

l'écosystème Internet,peut-être même faire

apparaître de nouvellesressources critiques, denouvelles façonsd'échanger, voire même denouveaux protocoles, entout cas de nouveauxusages.

Pouvez-vous nous donnerquelques exemplesd'objets qui vontcommuniquer ?Aujourd'hui, il s’agit surtoutd’applications professionnellesde traçabilité, de gestion destocks, etc. Mais demain, nousallons assister à unrapprochement entre l'objet et leterminal, en tout cas pour lesobjets personnels ; on peutimaginer, par exemple, que lamontre, ou ce que l'on portera aupoignet, devienne communicant,tant vers l'Internet tel qu'on leconnaît aujourd'hui que versd’autres objets environnants.Nous allons assister à une remiseen cause du concept mêmed’objet, du fait qu’ils vont devenirconnectés. Et cette transformationsera d’autant plus importante quel'on ne fera pas d'hypothèsepréétablie sur les usages à venir. Lesusages s'inventeront eux-mêmes :on sent bien qu'il y a une masse depossibilités incroyables qui estdonnée en ajoutant à des objets uneinterface homme-machine un peuévoluée et la connexion avec unréseau mondial sur lequel il y a unemasse d'informations gigantesque. �

www.afnic.fr

révolutionner l’écosystème Internet »e Internet en coopération

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 27

Page 28: Internet : les nouveaux défis - Arcep

objets physiques), la redéfinition de lasphère de l’intime, à travers les identitésd’engagement et de résistance au réseauglobal, puis prochainement l’intricationcroissante des corps et des réseaux ;- l’évolution profonde du lien social,d’abord marquée par une fracture numé-rique qui sera plus générationnelle etculturelle que sociale, puis par une réorga-nisation autour des dynamiques desréseaux ;- la poursuite de la mutation économique,avec un rapport nouveau entre l’économieet la subjectivité, puisque de nombreuxbiens communs essentiels dans l’économiede la connaissance sont désormais des biensouverts, collectifs et, pour partie, intimes ;- le bouleversement de la civilisationurbaine, avec l’intégration dans nosmétropoles de services sans nombre :réalité enrichie, géolocalisation, cartogra-phie collaborative, espaces de mobilisa-tion, gestes d’artistes, nouvelles gestionsdes transports et des échanges ;- la réinterprétation du rapport à la nature,dans un monde surveillé, mis en images,que chaque citoyen pourra connaître etinfluencer.

De nouveaux périmètres de bienscommuns et d’accès à ces biens

L’Asie, les Etats-Unis ou l’Europeexplorent leurs chemins spécifiques danschacune de ces dimensions. Le législateuret le régulateur y seront rapidement saisisdes tensions nées de ces mutations.

Il leur faudra organiser une économiedans laquelle il n’est plus possible de séparerla production de la distribution ou de larégulation. Les grandes infrastructures,sources du dynamisme et de la compétiti-vité, y seront autant cognitives et interac-tives que physiques. Des bases de donnéesde patrimoine culturel, des normes tech-niques d’interopérabilité des services, desformats d’information médicale, des archi-tectures de distribution de l’électricitédeviendront les enjeux de batailles poli-tiques et économiques déterminantes.

Il leur faudra en particulier définir denouveaux périmètres de biens communs etd'accès à ces derniers, ainsi que denouvelles relations entre ces bienscommuns, les individus et les Etats. �

www.institut-telecom.fr

même liée à ces changements sociétaux. Aufond, l’espace industriel, qui s’étaitdéployé au XXe siècle autour de l’axeconception/production/marketing/consom- mation est aujourd’hui contraint de seréorganiser autour du sociétal. La faillitede General Motors, après 103 ans de domi-nation économique et symbolique, incarne lachute de ce modèle industriel « producti-viste – consumériste » insensiblement remplacépar des modèles où les services, les usageset même la valeur sont créés dans une collaboration entre l’entreprise etl’utilisateur.

L’histoire a déjà connu de telles« synthèses créatives » succédant à desphases d’intenses poussées technolo-giques : le Siècle des cathédrales, laRenaissance, la Belle époque… Cespériodes permettent la synthèse de multi-ples innovations technologiques, maissurtout leur interprétation par la société :créateurs, politique, économie, valeurs.

Dans de tels moments, les changementstechniques, politiques et sociaux vont depair. L’invention de l’imprimerie, rupturetechnologique, fut d’abord une catas-trophe économique pour les 10 000moines copistes européens et les monas-tères qui en vivaient. Elle permit pourtantla Renaissance, mais aussi la Réforme, nonseulement parce qu’elle permit la diffusionmassive du savoir, mais surtout parcequ’elle émancipa la culture de la tutelle del’Eglise catholique.

Les premières esquisses d’une recomposition sociale en

coursLes changements que nous pouvons

percevoir ne sont donc que les premièresesquisses d’une recomposition en cours.Dans les trente années qui viennent, letravail, l’identité, les valeurs, le logement,le transport, l’énergie, la santé, l’éducationet bien d’autres domaines seront redéfinispour longtemps.

Même si cette histoire sociale n’est pasécrite, quelques points de rupturespeuvent déjà être repérés :- la redéfinition des identités, à travers lespersonnalités numériques (identifiants,clouds personnels, la dématéralisation etl’archivage des données administratives etintimes, contrepartie numériques des

Préparer la société du numériquepar Henri Verdier, directeur du Think Tank de l’Institut Télécom

28 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Internet : les nouveaux défis

Plus de 10 millionsde chercheursdans le mondepublient plus de

5 millions d’articles etprès d’un million de bre-vets par an. Dansquelques années, lesmurs d’images, les ser-vices géolocalisés, leWeb réellement séman-tique, les objets intelli-gents, les nanotechno-logies, ou les dialoguesentre avatars intelli-gents seront d’usagequotidien.

Internet, moteur dece mouvement, sort du

réseau et des ordinateurs etdevient un réseau global, une « info-

sphère », conjuguant de nombreuxmoyens de télécommunication,d’immenses archives, d’innombrablesobjets connectés, des milliards de

capteurs et de senseurs et rassemblantbientôt plus de deux milliards d’humains.Il est moteur parce que, précisément, il

conjugue les technologies de l’intelligence et

So

cio

log

ie

les technologies de la communication.Fournissant ainsi la possibilité d’une commu-nication personnalisée de masse, un lien quasipermanent entre individus singularisés, leréseau global sous-tend des évolutionsprofondes qui commencent à peine à êtreanalysées :- l’organisation horizontale de nombreuses insti-tutions, qui bouleverse les processus de produc-tion, d’engagement ou d’action collective ;- l’émergence concomitante de nouvellespratiques du soi, de renforcements del’individualité, voire de construction d’identitésnumériques.

Le dialogue de ces deux tendances expliquepar exemple le succès fulgurant de la campagned’Obama, fondée sur des pratiques de commu-nity management et sur une stratégie de mobi-lisation de militants autonomes et fort bienéquipés ainsi que, secondairement, sur une raremaîtrise des nouvelles technologies.

L’espace industriel contraint de se réorganiser autour du sociétal

La mutation économique, dont la criseactuelle n’est qu’une manifestation, est elle-

Page 29: Internet : les nouveaux défis - Arcep

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 29

hertziens fixes, ce qui peutpermettre de diversifier lafourniture du large bandeen accélérant le déploie-ment des réseaux hert-ziens large bande. Lespouvoirs publics peuventaussi diversifier la four-niture du large bande enencourageant l'arrivée denouveaux opérateurs dansce secteur et en stimulant laconcurrence, ce qui fera bais-ser le coût des services largebande et améliorera la qualité deservice. La conformité aux normesmondiales, telles que les recomman-dations de l'UIT, garantit l'interopérabilitéd'équipements de différents fabricants et la concur-rence plus vive qui en résulte sur le marché des équi-pements fait encore baisser les coûts.

Inciter le secteur du large bande à investir est uneautre mesure utile et importante. En considérantensemble les différentes composantes de la demande- pouvoirs publics, petites entreprises et autres utili-sateurs potentiels mais dispersés du large bande - oncrée des économies d'échelle et on réduit donc lesprix. Il est intéressant de noter à ce propos qued’importants projets large bande figurent parmi lesinitiatives les plus remarquables dans les plans derelance annoncés dernièrement dans les grands paysindustrialisés. La réduction des droits de douane quifrappent les équipements TIC et les crédits d'impôtaccordés pour investir dans le large bande sont autantde mesures qui font baisser les coûts pour les four-nisseurs. Les administrations devraient, quant à elles,envisager d'utiliser les fonds pour le service univer-sel pour étendre le large bande jusqu'aux zones ruraleset mal desservies et aux écoles.

Enfin, j'encourage vivement les pouvoirs publicsà tirer parti du potentiel des partenariats et de lavolonté de coopération de la communauté interna-tionale grâce à des initiatives comme « Connecterle monde » de l'UIT qui ciblent les pays en déve-loppement, région par région. Lors du premier Som-met sur ce thème, qui s'est tenu en Afrique en 2007,l'engagement a été pris d'investir une somme sansprécédent de 55 milliards USD pour interconnec-ter toutes les capitales et grandes villes d'Afrique àl'infrastructure TIC large bande, renforcer la connec-tivité avec le reste du monde à l'horizon 2012 etétendre les services large bande et TIC à l'ensembledes villages africains, à l'horizon 2015.

Ce sont des objectifs très ambitieux mais je suisconvaincu qu'ils peuvent être atteints – et s'il y a unejustice dans ce monde, ils doivent être atteints. �

www.itu.int

Aujourd'hui, du pays le plus riche au paysle plus pauvre, les technologies del'information et de la communication(TIC) sont partout, ou presque. Le nom-

bre d'abonnés au téléphone mobile a aisément fran-chi la barre des quatre milliards, et on dénombredésormais plus de 1,6 milliard d'internautes.

Ces nouvelles sont, certes, très encourageantes,mais il reste encore beaucoup à faire. En réalité, macrainte est que ne se crée une nouvelle fracturenumérique, au moment même où nous parvenonsà réduire la première. Cette nouvelle fracture numé-rique pourrait porter le nom de "fossé du largebande", qui se creuse entre, d'une part, ceux (pourla plupart, les pays riches du Nord) qui ont un accèsrapide à un univers en ligne où le contenu multi-média est de plus en plus diversifié et, d'autre part,ceux (pour la plupart les pays en développementdu Sud) qui ont toujours des difficultés du fait dela lenteur de connexions utilisées en partage et quipassent par le réseau téléphonique.

Pourquoi est-ce important ? Eh bien, parce qu'auXXIe siècle, l'accès abordable à l'Internet large bandeest en train de devenir aussi déterminant pour ledéveloppement socio-économique que le sont déjàles réseaux de transport ou d'approvisionnement eneau et en électricité. En outre, le large bande changetout. Il ne fait pas que permettre de fantastiques nou-velles applications comme la VoIP et la TVIP, il sertaussi à acheminer des services essentiels – cybersanté,téléenseignement, commerce électronique ou admi-nistration publique en ligne. En conséquence, le largebande nous aide à progresser sur la voie de la réali-sation des « Objectifs du Millénaire » pour le déve-loppement et à améliorer la qualité de vied'innombrables habitants de la planète.

Une technologie de ruptureLa rapidité joue un rôle essentiel. Alors qu'il faut

à peu près une heure pour télécharger un clip vidéode 25 mégaoctets en utilisant une connexion télé-phonique à 56 kilobits par seconde, il ne faut pasplus de 25 secondes si on utilise une connexion à8 mégabits. Il faut plus de six jours pour recevoirun DVD pédagogique en utilisant une connexiontéléphonique, mais à peine plus d'une heure avecune bonne connexion large bande. Le large banden'est pas seulement rapide, il est aussi disponibleen permanence. Autrement dit, les organismespublics et les entreprises du secteur privé peuventfaire fonctionner leurs sites web 24 heures sur 24et 7 jours sur 7 et peuvent fournir leurs produits etservices en temps réel – qu'il s'agisse d'un cours enligne pour une école primaire, d'un service de suivimédical à distance ou de la diffusion d'un matchde football local.

Le large bande est aussi une technologie de rup-

ture, qui modifie les modalités de fourniture des ser-vices et accélère la tendance à l'installation de réseauxde prochaine génération. Le large bande permet auxfournisseurs d'offrir des services "trois en un" – parexemple, voix, données et vidéo – sur une seule etunique plateforme. Néanmoins, de très importantsproblèmes subsistent, en particulier dans les paysen développement, dans lesquels l'accès large bandeest insuffisant, et le prix de cet accès prohibitif. Dansles 15 pays premiers du classement pour le sous-panier "Internet large bande fixe", publié en mars2009 dans le rapport de l'UIT "Mesurer la sociétéde l'information", le prix des abonnements largebande représentait moins de 1% du revenu natio-nal brut (RNB) par habitant – et moins de 2,5%du RNB par habitant dans 25 autres pays.

Toutefois, à l'autre bout de l'échelle, dans les paysfigurant parmi les 30 derniers de cette liste, dont laplupart sont considérés par les Nations unies commefaisant partie des pays les moins avancés (PMA), leprix mensuel de l'abonnement haut débit représenteplus de 100% du RNB mensuel par habitant. Para-doxalement, c'est à ceux qui en ont le moins lesmoyens qu'on demande de payer le plus.

Combler le "fossé du large bande"Pour combler le "fossé du large bande", les admi-

nistrations publiques doivent envisager de prendreun certain nombre de mesures essentielles : mettreà jour ou formuler des plans reconnaissant le rôleimportant que joue le haut débit pour le développe-ment socio-économique ; définir des stratégies et despolitiques relatives au large bande ; fixer des cibleset des objectifs concrets ; et mettre en oeuvre lesmesures d'incitation nécessaires pour parvenir audéploiement rapide du large bande.

Un bon exemple nous est donné par la Répu-blique de Corée qui est aujourd'hui l'un des mar-chés où le haut débit est le plus dynamique du monde.Il y a dix ans, le taux de pénétration y était tout justede 1%. Pour stimuler l'adoption de cette technolo-gie, le gouvernement a lancé le programme "CyberKorea 21" dans le cadre duquel un enseignementinformatique est proposé, à un prix abordable, à desgroupes marginalisés comme les femmes au foyer,les personnes âgées ou les handicapés. La Corée a,par ailleurs, investi 24 milliards USD dans la construc-tion d'un réseau dorsal national à fibres optiques. Lalibéralisation progressive du marché, au début desannées 90, a aussi contribué à stimuler la pénétra-tion du haut débit, avec l'arrivée de nouveaux opé-rateurs utilisant le large bande pour différencier clai-rement leurs offres de celles d'autres opérateurs.

Une autre mesure importante est de procéderrapidement à une enchère de spectre pour les tech-nologies hertziennes large bande comme la télépho-nie mobile de troisième génération ou les systèmes

Internet large bande : nouvelle fracturenumérique ou outil de développement ?par le Dr Hamadoun I. Touré, Secrétaire général

de l’Union internationale des télécommunications

Internet : les nouveaux défis

Page 30: Internet : les nouveaux défis - Arcep

gaz à effet de serre que permettraient les TIC parrapport à leurs propres émissions varient de 1 à 5(9).

C’est dans le volet dématérialisation que lesréseaux et services de communications électroniquesont un rôle fondamental à jouer. Le développementde nouvelles pratiques comme le télétravail, les réu-nions à distance et visioconférences, l’e-commerce,la numérisation des échanges et des procéduresadministratives et fiscales, reposent notamment surdes hypothèses de déploiement des réseaux de trèshaut débit, fixes et mobiles, sur l’ensemble du ter-ritoire, de façon à favoriser leurs accès par tous, pourfavoriser leur recours dans une optique de dévelop-pement durable.

Il reste que ces perspectives doivent devenirdes réalités. La conférence de l’OCDE de maidernier « ICTs, the environment and the climatechange (10) » a été l’occasion de dresser un premierétat des lieux des démarches initiées, dont beau-coup relèvent du secteur public. Elle a égalementmis en exergue des priorités, comme par exem-ple le développement d’outils standardisés per-mettant d’évaluer les effets de premier et secondordres des TIC sur l’environnement. Ces outilspermettront de se fixer des objectifs concrets etsurtout, d’anticiper les besoins en capital humainet financier sous-jacents. �

(1) Consultation publique sur l’Internet du Futur :http://www.telecom.gouv.fr/internetdufutur

(2) Le périmètre des TIC varie selon le référentiel retenu ; il dépassenéanmoins le secteur des communications électroniques (réseauxet services), en ce qu’il comprend également les industries manu-facturières.

(3) www.telecom.gouv.fr/archives-actualites/2009/mars/11-mars-2009-rapport-sur-les-tic-developpement-durable-2045.html

(4) Conseil général de l’environnement et du développement dura-ble et Conseil général des technologies de l’information.

(5) Chiffre plus élevé que celui généralement cité de 2 % des émis-sions mondiales, estimé par Gartner Consulting.

(6) Working Party on the Information Economy « Measuring therelationship between ICT and the environment: scoping study »,Février 2009.

(7) Directive 2008/28/CE du 11 mars 2008 modifiant la directive2005/32/CE établissant un cadre pour la fixation d’exigences enmatière d’éco-conception applicables aux produits consomma-teurs d’énergie.

(8) Règlement (CE) No 1275/2008 du 17 décembre 2008 portantapplication de la directive 2005/32/CE en ce qui concerne lesexigences d’éco-conception relatives à la consommationd’électricité en mode veille et en mode arrêt des équipementsménagers et de bureau électriques et électroniques.

(9) « Smart 2020: Enabling the low carbon economy in the infor-mation age, A report by the Climate group on behalf of the Glo-bal eSustainability Initiative (GeSI) », 2008.

(10) http://www.oecd.org/document/15/0,3343,en_2649_34223_40472783_1_1_1_1,00.html

la production et à l’usage des TIC, le rapport estime« l’empreinte carbone » des TIC à 5% des émissionstotales de gaz à effet de serre (5).

Si la quantification de ces effets négatifs resterelativement aisée, il est plus ardu de mesurerl’ampleur des contributions positives des TIC surl’environnement et la gestion des ressources éner-gétiques. Néanmoins, le développement des « tech-nologies vertes » offre en la matière un potentielsignificatif.

Les « technologies vertes » ou Green IT

Selon la terminologie retenue par l’OCDE (6),ce potentiel est qualifié à la fois de « premier ordre» et de « second ordre ». Il est entendu par effets depremier ordre, le fait de concevoir et de diffuser destechnologies qui vont dans le sens d’un meilleurrespect de l’environnement.

Ainsi par exemple, la législation européenne pré-voit une directive « éco-conception(7) » qui contraintfabricants et importateurs à prendre en compte lesaspects environnementaux tout au long du cycle devie de leurs produits. Cette directive s’accompagned’un règlement(8) définissant, pour certains produitsélectriques et électroniques, un seuil de consomma-tion maximal à 1 Watt en mode veille.

Les initiatives d’optimisation de la consomma-tion d’énergie des centres de données et des ser-veurs des entreprises, publiques et privées, dans laplupart des pays de l’OCDE, sont un autre exem-ple. En effet, la multiplication de tels centres estinévitable et doit s’accompagner d’efforts signifi-catifs en termes de consommation d’énergie. C’estnotamment, en France, l’objet des réflexions dugroupe « Green IT » constitué par le gouvernementle 23 décembre dernier .

Outre ces effets directs en termes énergétiqueset, dans le contexte économique actuel, de réduc-tions de coûts pour les entreprises, il faut aussi men-tionner les « effets de second ordre » qui correspon-dent à l’ensemble des usages des TIC contribuantà adopter des comportements en faveur d’une meil-leure protection de l’environnement.

De grandes perspectives sont en effet attenduesde la diffusion des TIC dans les activités écono-miques et sociales, comme par exemple dansl’amélioration de l’habitat et des transports, dansl’exploitation des réseaux énergétiques (les « smartgrids »), ou encore dans la dématérialisation des cir-culations d’objets et de personnes. Les estimationsquantifiant le potentiel d’économie d’émissions de

Internet : les nouveaux défis

30 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Les technologies de l’Internet et plus largement les TIC sont amenées à jouer un rôle fondamentaldans la mise en œuvre d’une société et d’une économie durables. Perspectives et réalités.

TIC et développement durable : le ticket gagnant

Al’heure où l’ons’interroge surl’évolution destechnologies

de l’Internet vers l’Internet duFutur, et sur leurs retombées

économiques et industrielles pourla France (1), on prend égalementconscience du rôle fondamental queces technologies vont jouer dans les

défis liés à la mise en œuvre d’une société et d’uneéconomie « durables » ou « soutenables ». En effet,sous l’impulsion d’un certain nombre d’institutionsinternationales, dont l’UIT et l’OCDE, une dyna-mique liant non seulement les technologies del’Internet, mais l’ensemble des technologies del’information et de la communication (TIC)(2), auxpolitiques de développement durable s’instaure.

Cette dynamique semble née d’un triple constat.D’abord, les TIC représentent un secteur moteurde l’économie des pays industrialisés (environ 3 à5% du PIB), et font l’objet, à ce titre, d’une atten-tion toute particulière. Ensuite, la large diffusiondes TIC dans l’économie et dans la sociétés’accompagne de problématiques liées à leur relati-vement forte consommation énergétique et à la ges-tion et au traitement de leurs déchets. Enfin, cettemême large diffusion semble être la clé de politiquesglobales de développement durable, en favorisantnotamment l’adoption de comportements plus enphase avec la protection de l’environnement, la luttecontre le changement climatique et le recours auxressources énergétiques.

L’impact énergétique et environnemental des TIC

Début 2009, un rapport(3) rédigé par le CGEDDet le CGTI (4), avec la participation de l’Autorité,dresse le bilan énergétique et environnemental desTIC et explore les perspectives de gains énergétiqueset d’économie d’émissions de gaz à effet de serre queces technologies permettront de réaliser.

Ainsi, en France, la consommation électriquedes TIC représenterait environ 13,5% de la consom-mation annuelle totale, et, sur les 10 dernières années,le taux de croissance de cette consommation auraitavoisiné les 10%. Au niveau du consommateur, lespostes de consommations les plus significatifs sontl’équipement audiovisuel, les boîtiers ADSL et lesmodes « veilles » des équipements. En considérant,dans la mesure du possible, une approche en « cyclede vie », qui prend en compte les émissions liées à

Page 31: Internet : les nouveaux défis - Arcep

En 2009, La Poste devra respecter le J+1 sur tout le territoire

Secteur postal

Comme pour 2008, les objectifs del’année 2009 sont issus du « contrat deservice public », signé entre La Poste etl’Etat pour les années 2008 à 2012.

L’arrêté précise notamment l’obligation légale faiteà La Poste, au titre du service universel, d’offrir unservice en J+1 sur tout le territoire et fixe un tauxde distribution de 84% à atteindre pour 2009.

Tout en reconnaissant la démarche de progrèsinscrite dans le contrat de service public entre LaPoste et l’Etat, l’Autorité observe, dans son avis de2009(2), que les objectifs de qualité de service fixésà La Poste dans le nouvel arrêté de 2009 sontidentiques à ceux de l’arrêté de 2008, sauf pour :- les lettres prioritaires en J+1 et J+2, dont lesobjectifs passent respectivement de 83 à 84% etde 95% à 95,5% ;- le courrier transfrontière en J+3, dont l’objectifpasse de 85 à 88 % ;

- le Colissimo guichet, dont l’objectif en J+2 passede 85 à 86%.

A défaut d’objectifs de qualité de serviceplus ambitieux, l’Autorité a recherché unealternative, qui consiste à inciter La Poste àune large publicité des niveaux de qualitéatteints. L’Autorité veille notamment à ce quel’information soit disponible, conforme auxbesoins des utilisateurs et qu’elle ne soulève pas

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 31

L’arrêté fixant les objectifs de qualité de service fixés à La Poste pour l’année 2009 au titre du service universelvient de paraître (1). L’Autorité, dans son avis, a souhaité que des objectifs ambitieux soient assignés à La Poste.Cela n’a pas été le cas, mais le texte réaffirme le principe de la distribution du courrier en J+ 1. Explications.

Le marché postal chinois : entre ouverture et monopole

Tiraillé entre un marché resté sous domination de l’administration et des milliers de coursiers acheminant le courrierexpress, les récentes évolutions réglementaires pourraient remettre en cause l’ouverture relative de ce secteur.

Niveau réalisé Objectif

2004 2005 2006 2007 2008 2009

% de lettres prioritaires égrenées délivrées en J+1 75,7 79,1 81,2 82,5 83,9 84

% de lettres prioritaires égrenées délivrées au-delà de J+2 5,9 4,6 3,8 3,7 3,2 4,5

% de courrier transfrontière export délivré en J+3 91,2 93 94 94,8 95,4 88

% de courrier transfrontière export délivré en J+5 97,8 98,5 98,7 98,8 99 97

% de Colissimo guichet délivrés en J+2 81,7 83,8 84,1 85,8 85 86

Historique des résultats de qualité de service réalisés par La Poste et objectifs fixés pour l’année 2009

Dans ce pays émergent, le volume de courrierdemeure faible (1,5 milliard de plis distribuéspour un chiffre d’affaires total d’environ11 milliards d’euros en 2007 (1) ). En outre, lesstandards de qualité restent éloignés des perfor-mances des pays occidentaux.

Un marché qui reste cloisonné Le foisonnement des opérateurs d’express ne

doit pas cacher la réalité d’un marché qui restecloisonné, puisque seul le marché express estouvert à la concurrence ; en effet, hors express, lesenvois de la poste chinoise restent sous monopole.

Le marché est dominé par quatre principalescompagnies (DHL, FedEx, UPS et TNT) qui separtagent 80% du marché. En outre, DHL etFedEx viennent récemment d’étendre leur gammeau colis express domestique. Au niveau national, ilsemble que seul le groupe China Post (la postechinoise, qui est demeurée une administration) soiten mesure de rivaliser avec ces grands intégrateurs.

La Commission européenne et le « StatePostal Bureau » (SPB) chinois, le régu-lateur des activités postales rattaché auministère des transports, ont organisé

à Pékin en février dernier un séminaire pouréclairer la réforme chinoise en cours sur le marchédu courrier et de l’express. A cette occasion,l’ARCEP a été sollicitée par la Commission euro-péenne pour présenter le dispositif d’autorisationspostales et les indicateurs de suivi de la qualité duservice universel français.

Depuis 20 ans, le marché chinois se caracté-rise par une croissance rapide et une concurrenceimportante sur le marché de l’express. Lesquelques 2 000 entreprises (10 000 en incluantles coursiers urbains) présentes sur le marchéfournissent essentiellement des services de distri-bution des colis au niveau local ou inter-urbain.C’est ainsi que plus de la moitié des envois (pliset colis) en Chine sont acheminés par les opéra-teurs d’express.

Par ailleurs, le contrôle, voire la taxation, desopérateurs d’express intervenant sur le segment demarché concurrentiel, sont perçus comme straté-giques par l’Etat chinois.

Depuis 2005, l’Etat chinois a décidé deréformer le cadre réglementaire en mettant enplace une régulation adaptée au développementdu marché.

Les évolutions récentes risquent de compro-mettre les activités des opérateurs étrangers. Le 24avril dernier, une nouvelle loi postale a en effetréservé le droit de distribuer des lettres et desdocuments déposés à l’intérieur du pays en écar-tant du marché chinois les entreprises étrangères.Cette loi devrait entrer en application le 1eroctobre 2009. La Commission européenne adéclaré qu’elle était en train de vérifier si la Chinene contrevient pas aux règles de l’OMC. �

(1) Chiffres SPB 2007. Le régulateur chinois souligne par ailleursles difficultés de quantifier ce marché.

de problèmes d’interprétation. L’Autoritésouligne qu’à l’avenir une réflexion devrait êtreengagée sur les niveaux de qualité souhaita-bles. �

(1) Arrêté du 8 juin 2009 relatif aux objectifs de qualité de servicefixés à La Poste pour l'année 2009 au titre de l'offre de service uni-versel que La Poste est tenue d'assurer en application de l'articleL. 2 du code des postes et des communications électroniques.(2) Avis n° 2009-0243 du 2 avril 2009.

Page 32: Internet : les nouveaux défis - Arcep

Les numéros spéciaux, c’est-à-dire lesnuméros de la tranche 08 et numérosà 4 chiffres qui permettent d’obtenir unservice en ligne, ont fait la une des jour-

naux depuis déjà plusieurs années, obligeant le légis-lateur à intervenir à plusieurs reprises pour proté-ger les consommateurs. Manque de transparenceet de lisibilité, niveaux trop élevés, application à desservices qui ne devraient pas être facturés - par exem-ple temps d’attente ou accès aux services publics -la tarification de ces numéros est une des causes dumécontentement des consommateurs. Les appelsvers ces numéros ont également ouvert la porte àdes escroqueries en tout genre et à un manque deloyauté du service rendu. Dans ces conditions qui,pour une part, proviennent de l’obsolescence et dudévoiement d’un ensemble logique né sous le règnedu téléphone fixe en monopole, il est apparu qu’unsimple replâtrage de ce système ne permettrait pasde reconstruire un cadre cohérent, loyal et fiable,condition sine qua non pour assurer la pérennité dece marché de 2 milliards d’euros.

Une chaîne de valeur solidaire aux intérêts divergents

Traiter des numéros spéciaux est une entreprisecomplexe car la communication vers ces numérosrepose sur une chaîne dont tous les maillons sontsolidaires, tout en ayant des intérêts divergents(opérateurs de boucle locale fixes et mobiles, opé-rateurs de collecte, éditeurs de contenu...). Dansce contexte, il est difficile d’embrasser en une seulefois l’ensemble de la question.

Le rapport qui a été commandité par l’ARCEPau CGTI, devenu depuis le CGIET, a donc porté

Consommateurs

Les consommateurs l'attendent depuis quelques années, la voici maintenant lancée : la réforme des numéros spéciaux que financier au CGIET (ex-CGTI), s'étalera sur plusieurs années. Au programme : baisse des prix, transparence, déontologie et

Vers des services à valeur ajoutée

Construire un cadre loyal et fiable, assurer la péren

sur deux thèmes : la tarification de détail et ladéontologie, thèmes structurants, mais dontl’évolution proposée implique que des travauxcomplémentaires d’envergure soient menés parles éditeurs de contenu et les opérateurs. Le rap-port s’est ainsi attaché à reconstruire un systèmede tarification et de déontologie qui réponde auxobjectifs suivants : rétablir la confiance des consom-mateurs et moderniser le système en donnant dela souplesse aux éditeurs pour leur permettre dedévelopper leur activité.

Rétablir la confiance des consommateurs

Le rétablissement de la confiance des consom-mateurs passe par deux actions que sont la refontede la tarification pour aboutir à une grille tarifairesimple, universelle et lisible, et la création d’uneinstance de déontologie renouvelée qui permetteaux opérateurs et aux éditeurs d’agir dans un cadrejuridique stable et d’éviter les fraudes.

• La refonte de la tarificationOutre la question des prix anormalement éle-

vés des appels passés depuis les mobiles, la princi-pale critique des consommateurs porte sur le carac-tère incompréhensible des prix liés aux numérosspéciaux. Pour assurer une tarification transpa-rente, il est proposé d’adopter un principe simple :afficher clairement « à qui on paie quoi ». Traduiten langage tarifaire, cela s’exprime par un prix affi-ché dit en « C+S », distinguant « C », soit le prixde la communication proprement dite, et « S » quicorrespond au prix du service auquel on s’adresse.Ce principe tarifaire permet ainsi d’afficher le prixdes services fournis en toute transparence. Sonadoption devrait permettre de rétablir la loyautédes offres de service et éliminer les abus les pluscriants. Pour des services équivalents à des stan-dards téléphoniques, l’utilisation des numéros spé-ciaux induit aujourd’hui un paiement de ce ser-vice au profit de l’entreprise ou de l’administrationappelée. Ce paiement du service est lié à l’utilisationdes numéros spéciaux, adaptés à ce type d’usage,et ne peut aujourd’hui être évité, ce qui s’avère déli-cat, notamment pour les services fournis par lesadministrations. Avec une tarification en C+S, le

prix du service sera affiché et pourra être égal àzéro en toute clarté.

Concernant le prix des communications,désormais clairement apparent, il devra êtrecelui des communications ordinaires, dont le prixsera dépendant des types d’abonnements souscritspar les utilisateurs auprès de leurs opérateurs de bou-cle locale. Concrètement, le prix des communica-tions vers des numéros spéciaux ne devrait pas êtredifférent des communications ordinaires échangéesentre postes fixes ou d’un mobile vers un poste fixe.

L’application de ce principe C+S sera donc uni-versel pour tous les numéros dits spéciaux, quel quesoit leur format et quel que soit le mode d’appelutilisé, téléphone fixe ou mobile. Il permettra ainsid’éviter des situations de facturation excessives,comme c’est le cas aujourd’hui notamment pourles communications passées depuis les mobiles.

La transparence des prix permettra ainsi unelisibilité plus grande pour les consommateurs, lisi-bilité qui doit être renforcée par plusieurs mesures :- annonce des prix aux utilisateurs au début de lacommunication, rendue plus facile puisque seul leprix du service devrait être énoncé, le prix de lacommunication étant renvoyé au tarif del’abonnement de l’utilisateur ;- abandon de la gradation tarifaire actuelle desnuméros, dont le principe repose sur des palierstarifaires croissant avec les numéros (un appelvers un 0 810 est moins cher que 0820, lui mêmemoins cher que 0825, etc…) et qui est mise à malpar l’émergence des numéros courts et la pratiquede plusieurs tarifs derrière un même préfixe. Ilest proposé à la place la création d’une nouvellesignalétique de la même forme que celle qui existepour les SMS+, c’est-à-dire prix du service + prixde la communication, obligatoire pour touteinformation concernant un service utilisant unnuméro spécial.

• La création d’un cadre de déontologie renouveléCompte tenu de la complexité de la chaîne des

numéros spéciaux, il est indispensable de disposerd’une enceinte spécialisée où tous les acteurs soientreprésentés, éditeurs de contenus, consommateurs,opérateurs de communications électroniques, sousl’égide de la puissance publique. Cette enceintedevra redéfinir des règles de déontologie généraleet veiller à leur application, notamment dans lachaîne contractuelle qui lie les acteurs entre eux, etmettre en place un « bras armé » afin de permettre

par Dominique Varenne, contrôleur général économique et financier au CGIET (1), auteur duajoutée : tarification de détail et déontologie »

32 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Page 33: Internet : les nouveaux défis - Arcep

Consommateurs

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 33

vient d'entamer l'Autorité, sur la base du bilan et des propositions établis par Dominique Varenne, contrôleur économique et modernisation progressive de l'ensemble du système.

complètement rénovés

nité du marché

aux opérateurs de combattre efficacement les escro-queries. Elle devra être garante de la légitimité tari-faire en énonçant des recommandations surl’adéquation entre les services proposés et le tarifretenu, voire en réservant certaines tranches denuméros pour les services dits « adultes ».

La nécessaire modernisation du système

La modernisation du système est une nécessitépour assurer sa pérennité. Le niveau des tarifs n’aguère évolué depuis la mise en place de ces numé-ros, il y a quinze ou vingt ans, et les possibilitésdonnées aux éditeurs par le système de tarificationactuel sont restées quasi identiques. Une moder-nisation s’impose donc, qui passe par une plusgrande flexibilité donnée aux éditeurs pour leurpermettre de mettre en place de nouveaux servicespayés au juste prix, flexibilité qui ne doit cepen-dant pas conduire à laisser le champ entièrementlibre pour éviter des abus nuisibles aux consom-mateurs. Il est donc proposé :- de refondre la grille tarifaire pour l’adapter aunouveau système en C+S ; - de dissocier les numéros des paliers tarifaires etd’adopter la gestion des tarifs numéro par numéro,ce qui permet à l’éditeur de faire varier dans le tempsles services fournis et leurs tarifs sans avoir à dé-numéroter ses propres installations ;- d’augmenter le nombre de paliers tarifaires et leurscaractéristiques (tarif à la durée, tarif à l’appel, tarifmixte..) tout en maintenant un nombre raisonna-ble de niveaux de prix ainsi que des prix plafonds ;- d’étudier effectivement la possibilité de modu-lation tarifaire au cours d’une communicationpour permettre des services évolutifs, comme lagratuité du temps d’attente ou le passage d’un ser-vice à un autre.

L’ensemble de ces dispositions devrait permet-tre de relancer ce secteur sur des bases saines, pre-nant en compte le mieux possible les intérêts diver-gents des différents acteurs de la chaîne de valeurdes numéros spéciaux, et satisfaisant au désir detransparence et de sécurité des consommateurs. �

(1) Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies

www.cgiet.org

rapport sur « Les services à valeur Le 7 mai dernier, l'Autorité a annoncé ses priorités de travail pour restaurer laconfiance des consommateurs et reformer le système des services à valeur ajoutée.

Les travaux de l’Autorité

Les appels téléphoniques vers des numé-ros courts à quatre chiffres commen-çant par 1 ou 3, ou vers des numérosà dix chiffres commençant par 08 per-

mettent de joindre des plateformes de services quipeuvent assurer de multiples fonctions pour leconsommateur : mise en relation avec divers ser-vices d’une entreprise ou d’une administration,fourniture de renseignements pratiques, vented’une information ou d’un contenu, participationà des jeux, etc. Les appels vers ces numéros suiventune tarification spéciale permettant généralementde rémunérer, via la facture téléphonique, le ser-vice rendu par l’éditeur. Cette tarification est dif-férente de celle des appels vers les numéros fixes(numéros en 01, 02, 03, 04, 05 ou 09) ou mobiles(numéros en 06 et prochainement en 07).

Des consommateurs insatisfaitsDepuis plusieurs années, les consommateurs

expriment une insatisfaction croissante vis-à-visde ce type de communications téléphoniques :opacité des tarifs, manque de loyauté de certainsusages, coût prohibitif de certains appels depuisles réseaux mobiles, etc.

Dans ces conditions, après avoir clarifié en2007 le cadre juridique applicable aux opérateurs,l’Autorité a demandé en 2008 au Conseil géné-ral des technologies de l’information (CGTI)(1)

de mener une mission de consultation auprès del’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur afinde disposer d’un diagnostic complet et de propo-sitions concrètes permettant de restaurer laconfiance dans ces services (lire ci-contre).

Ce rapport du CGTI confirme que les ser-vices à valeur ajoutée ont été bien conçus au tempsdu monopole de la téléphonie fixe mais sont res-tés inchangés ou tombés en désuétude depuis :en particulier, les principes de tarification et deloyauté d’usage qui prévalaient vis-à-vis duconsommateur ont progressivement cessé d’êtrerespectés avec l’apparition des offres de télépho-nie mobile et avec le développement de la concur-rence sur les réseaux fixes.

Un besoin de réforme globaleComme le préconise le CGTI, l’Autorité estime

que seule une réforme complète du système peutrépondre aux enjeux et défis soulevés par cette

situation de crise et par la complexité del’organisation industrielle de ces services.

Cette réforme de fond doit être mise en œuvresur plusieurs années mais implique néanmoins larésorption de quelques points noirs emblématiquesà court terme sous l’égide du gouvernement et del’Autorité. Il s’agit, pour commencer, de recréerdes numéros SVA réellement non-surtaxés :l’Autorité considère que l’initiative de la Fédéra-tion française des télécoms d’inclure les commu-nications mobiles vers les numéros « Verts »(2) et« Azur »(3) dans les forfaits d’ici le 1er janvier 2010résout une partie du problème mais elle estimequ’il faut également revoir le niveau de la surtaxe« Azur » ; l’Autorité lancera prochainement uneconsultation publique sur ce sujet.

Par ailleurs, l’Autorité se félicite de l’arrêtérelatif à l’information sur les prix des appels télé-phoniques aux services à valeur ajoutée adoptéle 10 juin 2009, lequel devrait améliorerl’information tarifaire de l’utilisateur final par lamise en place progressive d’un message gratuiten début d’appel pour les appels vers les numé-ros surtaxés.

Enfin, il est urgent de refonder un contrôledéontologique large des numéros SVA (légiti-mité et loyauté des services, lutte contre lesfraudes, etc.).

Si ces actions de court terme permettront detraiter les problèmes les plus critiques, il convientd’insérer ces réformes dans une modernisation àmoyen terme de l’ensemble du système, commele préconise le CGTI. Cette modernisation doitimpliquer à la fois les acteurs économiques, lesconsommateurs et les pouvoirs publics et vise àclarifier et à rendre plus transparente la tarifica-tion de l’ensemble des numéros SVA, y comprissurtaxés, à ancrer le contrôle déontologique dansla durée et à l’adapter aux nouveaux usages et,enfin, à moderniser les services offerts aux entre-prises. L’Autorité continuera, au cours de l’année2009, à travailler à l’élaboration de ce systèmecohérent de moyen terme. �

(1) Début 2009, le Conseil général des technologies del’information (CGTI) est devenu le Conseil général del’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET).(2) « Numéro vert » : numéro commençant par 080, dit aussi« Libre Appel ».(3) « Numéro azur » : numéro commençant par 081.

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34 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

L’analyse des marchés de détail des télé-coms sous l’angle des comportementsdes consommateurs constitue une clépour apprécier le dynamisme de ces

marchés et leur animation concurrentielle. Ellecomporte plusieurs dimensions, au premier rangdesquelles l’évolution des équipements, desusages et des dépenses. Mais elle comporte aussiune autre dimension essentielle, la mobilité desconsommateurs. Comment s’opère le choix deconserver ou non le même fournisseur, de quellecapacité ou incitations disposent les abonnéspour changer d’opérateur ? Au final, quel est lerythme de changement et quel regard faut-ilporter sur ce rythme ? Deux enquêtes (1) sur lechangement d’opérateur dans la téléphoniemobile ont été menées par l’ARCEP en juin2007 puis en juin 2008, auprès d’un échantillonreprésentatif d’abonnés.

Faible mobilité des utilisateurs françaisLa faible mobilité des utilisateurs français

constitue un résultat majeur de ces enquêtes. Enjuin 2007, 9 % des abonnés de la téléphoniemobile exprimaient l’intention de changerd’opérateur. Dans les faits, entre juin 2007 et juin2008, 8 % des utilisateurs apparaissaient avoireffectivement changé d’opérateur. Ce dernierrésultat peut être rapproché de ceux observésdans d’autres pays. Sur une période comparable,12 % des utilisateurs de mobile au Royaume-Uniont effectué un tel changement (2). Si les deuxchiffres semblent au premier abord d’un mêmeordre de grandeur, il ressort néanmoins que letaux de changement apparaît, si l’on fait abstrac-tion des marges d’erreur, 50 % plus élevé auRoyaume-Uni qu’en France. Un tel écart seretrouve lorsque l’on compare le pourcentaged’abonnés qui n’ont jamais connu d’autre opéra-teur que leur opérateur actuel. En France, deuxtiers des utilisateurs de mobile n’ont jamaischangé d’opérateur, contre la moitié des utilisa-teurs du Royaume-Uni (3). Le changement estsignificativement plus faible en France.

L’enquête confirme l’ampleur del’engagement dans la téléphonie mobile fran-çaise, qui en constitue une caractéristiquemajeure. En juin 2008, plus de 8 clients d’une

offre post payée sur 10 sont engagés avec leuropérateur actuel. De surcroît, les deux tiers desclients engagés sont des clients que l’on peutqualifier de « réengagés », au sens oùl’engagement actuel n’est pas un engagementinitial, mais un second ou un troisième enga-gement. L’enquête indique aussi la préférencedes utilisateurs pour la durée d’engagement laplus longue : trois quarts d’entre eux choisis-sent de s’engager pour une période de 24 mois,contre un quart seulement pour une périodede 12 mois.

Les stratégies des opérateursCette situation traduit bien les stratégies

déployées par les opérateurs de téléphonie mobiledans leur effort de conquête et de préservation deleur base de clientèle. En contrepartie d’unesubvention du terminal plus élevée et/ou d’uneréduction sur le montant mensuel de l’offre, lesopérateurs incitent leurs clients à s’engager et/ouse réengager. En outre et corrélativement, unutilisateur engagé souhaitant quitter son opéra-teur avant la fin de la durée d’engagement doit leplus souvent s’acquitter de frais de résiliation ;selon le montant de l’offre et la duréed’engagement restante, ces frais peuvent repré-senter jusqu’à plusieurs centaines d’euros.

L’analyse qui peut être faite de cette prégnancede l’engagement dans la consommation mobile estambigüe et les avantages que retireraient lesconsommateurs de l’engagement, que revendi-quent les opérateurs, doivent être confrontés àl’équilibre du marché qui résulterait de moinsd’engagement et dès lors, notamment, de plus defluidité du marché. Si l’on considère que lesbesoins des utilisateurs évoluent, en fonctionnotamment de leur budget, ou qu’ils ne sont passystématiquement en mesure de choisir l’offre quiconvient le mieux à leur profil d’usage,l’engagement, qui représente un frein à la mobilité,peut peser sur la satisfaction des utilisateurs demobile. La « loi Chatel », dont les mesures sontentrées vigueur au 1er juin 2008, devrait permettrede réduire cet obstacle au changement d’opérateur,les frais de résiliation à partir du douzième mois nepouvant désormais excéder le quart des mensua-lités dues jusqu’à la fin de l’engagement.

Des coûts de changement mal perçusLa faible mobilité des abonnés de téléphonie

mobile traduit-elle une forte satisfaction desutilisateurs français ? Pas vraiment. Ainsi,l’enquête révèle que seul un tiers des utilisateursn’ayant pas changé d’opérateur entre juin 2007et juin 2008 l’explique par la perception quel’offre choisie est la mieux adaptée à leurs habi-tudes de consommation.

La pleine satisfaction des consommateurssuppose que ceux-ci soient en mesure de choisirlibrement leur offre de services mobiles. De cepoint de vue, il est essentiel que les obstacles auchangement ne dissuadent pas les utilisateursde changer d’opérateur, en particulier s’il existesur le marché une offre mieux adaptée que leuroffre actuelle. Or, le quart des utilisateursn’ayant pas changé d’opérateur entre juin 2007et juin 2008 ne l’ont pas fait parce qu’ils perce-vaient des coûts de changement trop élevés. Lescoûts de changement non monétaires, princi-palement la difficulté à comparer l’ensembledes offres commercialisées, sont perçus commeparticulièrement dissuasifs. Concernant lescoûts directement monétaires, dont font partieles frais de résiliation, ils jouent un rôledissuasif comparativement plus important pourles utilisateurs engagés (25 % contre 15 % pourles non engagés).

Une dernière explication de la faible mobilitédes utilisateurs réside dans une très forteinertie : plus d’un tiers des utilisateurs demobile n’ayant pas changé d’opérateur entrejuin 2007 et juin 2008 n’ont pas réfléchi à lapossibilité de changer ou de ne pas changerd’opérateur.

L’enquête suggère au final que la mobilitéassez faible observée résulte en partie del’insuffisante animation concurrentielle, qui nepourrait qu’être favorisée par une entrée signifi-cative sur le marché d’un nouvel opérateur. �

(1) Ces enquêtes sont publiées sur www.arcep.fr(2) Les résultats observés au Royaume-Uni proviennent d’unrapport publié chaque année par l’OFCOM, The ConsumerExperience 2008, Research Report. (3) Cette donnée est corrigée des non réponses. La répartitioninitiale est la suivante : 40% n’ont jamais changé d’opérateur,40% ont déjà changé d’opérateur, et 20% n’ont pas répondu.

La faculté de changer facilement d'opérateur est une des clés qui permet d'apprécier l'animationconcurrentielle d'un marché. Pour le mesurer dans la téléphonie mobile, l'ARCEP a mené deuxenquêtes successives en 2007 puis en 2008. Résultat : en France, deux tiers des abonnés mobilen'ont jamais changé d'opérateur, contre la moitié au Royaume-Uni, et les coûts de changementd'opérateur sont perçus comme trop élevés par les consommateurs.

Consommateurs

Comment encourager la mobilité des consommateurs ?

Page 35: Internet : les nouveaux défis - Arcep

- tout opérateur a la garantie de pouvoirinstaller un dispositif de brassage, par exempleau niveau du point de mutualisation.

Ce dispositif n’impose pas de norme multi-fibres, mais rend possible l’exercice de sonoption par les opérateurs. Il apparaît technolo-giquement neutre, financièrement équilibréeet positif pour la concurrence. Ainsi, sonsurcoût est modeste par rapport àl’architecture mono-fibre. D’autre part, ilfavorise l’investissement dans le fibrage desimmeubles, en encourageant un partage descoûts et donc du risque. Du point de vue desconsommateurs, la pose de fibres surnumé-raires permet de changer plus facilementd’opérateur. Pour les copropriétés et les habi-tants, cette option devrait limiter à terme lesinterventions des opérateurs, en particulier auniveau des points de mutualisation situés dansles immeubles.

Règles de mutualisation nationalesL’ARCEP propose également de fixer

certaines règles de mutualisation applicablessur l’ensemble du territoire. Il s’agit notam-ment de la publication d’offres d’accès et de latransmission d’informations entre opérateurs.Les projets de décision précisent également lesprincipes applicables aux conditions tarifairesde l’accès, tendant à favoriser le partage durisque (à travers le co-investissement initial) ouà conférer une prime de risque pour un accèsultérieur. Ils sont accompagnés d’un projet derecommandations visant à faciliter et accélérerles négociations entre opérateurs pour la miseen œuvre effective de ces principes.

Hors des zones très denses…En dehors des zones très denses, la mise en

œuvre d’une mutualisation en amont dans leréseau est complexe et implique une coordina-tion plus forte entre les acteurs. Une secondephase de travaux s’engage maintenant, sousl’égide de l’ARCEP, qui associe étroitement lesopérateurs, les collectivités territoriales et laCaisse des dépôts et consignations, pourpréciser les modalités du déploiement, endehors des zones très denses, des réseauxd’opéra teurs ou des réseaux d’initiative publi -que. Ces nouveaux travaux s’appuient sur desgroupes techniques qui procèdent à denouvelles expérimentations. �

densité. Les projets de décision et de recom-mandations de l’ARCEP font référence à unmême concept, celui de zones très denses. Ceszones correspondent aux zones à forte concen-tration de population, où il est économique-ment viable, pour plusieurs opérateurs, dedéployer leurs propres infrastructures, enl’occurrence leurs réseaux de fibre optique, auplus près des logements. A ce stade, cette déli-mitation concerne 148 communes pour 5,16millions de foyers (dont plus de la moitié sesituent hors de l’agglomération parisienne.)Sur ces 5 millions de foyers, 3 millions habi-tent dans des immeubles de plus de 12 loge-ments et sont immédiatement adressables.

Point de mutualisation La loi de modernisation de l’économie

prévoit que le point de mutualisation est situéen dehors des limites de la propriété privée,sauf dans les cas définis par l’ARCEP. A la suitedes travaux menés et des réponses à la consul-tation publique, le projet de décision prévoit,dans les zones très denses, la possibilité desituer le point de mutualisation des réseaux àl’intérieur des immeubles, lorsque la taille del’immeuble est suffisante (nombre de loge-ments supérieur ou égal à 12) ou lorsque lesimmeubles sont raccordés à des égouts visitables (cas de Paris par exemple).

Fibre surnumérairePour les conditions de déploiement de la

fibre dans les immeubles, l’ARCEP propose,toujours dans les zones très denses, un dispo-sitif équilibré vis-à-vis des choix technolo-giques des acteurs.

En France, certains opérateurs ont adoptéla technologie PON (point-à-multipoints),d’autres la technologie point-à-point pourréaliser leurs déploiements de réseaux en fibreoptique. Dans un souci de neutralité à l’égarddes choix technico-économiques réalisés parles opérateurs, l’ARCEP propose un dispositiféquilibré qui prévoit que :- tout opérateur peut exercer une optionauprès de l’opérateur d’immeuble, pourl’installation d’une fibre supplémentairedédiée à l’opérateur demandeur pour chaquelogement, moyennant un préfinancement deson installation. Cette option s'exerce ville parville et non immeuble par immeuble ;

Le déploiement de nouveaux réseauxà très haut débit est un défi majeurpour la France, en termes écono-mique, sociétal et d’aménagement

du territoire. La dynamique concurrentielle dumarché du haut débit fixe en France etl’appétence des opérateurs présents sur cemarché à investir dans une nouvelle bouclelocale en fibre optique jusqu’à l’abonné(FTTH) constituent un contexte unique enEurope, particulièrement favorable au dévelop-pement du très haut débit sur le territoire. Ils’agit de déployer, en remplacement de laboucle locale cuivre, une nouvelle infrastruc-ture (dont les débits sont potentiellement illi-mités et symétriques) qui sera utilisée durantplusieurs décennies. Mais ce changementmajeur de technologie ne doit pas conduire àune remonopolisation de la boucle locale.

Une démarche progressiveLes questions soulevées par le déploiement

de la fibre sur tout le territoire nécessitent unedémarche d’ensemble ambitieuse et coor-donnée, dont l’ARCEP est un acteur essentiel.Afin d’enclencher cette démarche d’ensemble, il est essentiel de libérer rapidementl’investissement dans les zones très denses, enpermettant à chaque opérateur de développersa stratégie et ses choix technologiques.

A cette fin, et au terme d’une premièrephase de travaux et d’expérimentations,l’ARCEP a soumis le 22 juin à consultationpublique un projet de cadre juridique, compor-tant deux projets de décision et un projet de recommandations. L’ARCEP consulteral’Autorité de la concurrence, la Commissionconsultative des communications électroniques(CCCE) et la Commission européenne sur cesprojets. Les décisions seront ensuite soumises àhomologation du ministre chargé des commu-nications électroniques.

L’Autorité a par ailleurs publié une nouvelleversion de la convention-type d’installation,gestion, entretien et remplacement de lignes enfibre optique, susceptible d’être signée entreopérateurs et propriétaires.

Plus de 5 millions de foyers adressables

Les conditions de déploiement des réseauxdépendent des caractéristiques d’habitat et de

Actualités

Fibre : l’ARCEP précise les règles dans les zones très denses

L’Autorité a soumis à consultation publique ses projets de décision et de recommandations. La procédure en coursdevrait conduire à l’adoption du cadre juridique de déploiement de la fibre dans les zones très denses à l’automne.

M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 35

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Sécurité des réseaux

36 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

La sécurité des systèmesd’information et de communica-tions, priorité pour les armées, sedécline traditionnellement en

confidentialité, intégrité et disponibilité. Cedernier critère inclut en particulier leconcept de résilience, mis en avant par ledernier livre blanc sur la défense et la sécu-rité nationale, qui, appliqué aux réseaux detélécommunications, se traduit par la capa-cité de ceux-ci à résister aux conséquencesd’évènements graves, puis à rétablir rapide-ment leur fonctionnement dans des condi-tions acceptables.

La confidentialité et l’intégrité desréseaux étaient et restent assurés principale-ment par les moyens de chiffrement et lesprocédures d’accès et d’authentification.

Assurer la disponibilité…La disponibilité des réseaux militaires

était jusqu'à présent garantie d'une part parle fait que les armées étaient propriétaires deréseaux de télécommunications conçus sur labase d'architectures protégées et redondéeset, d'autre part, par le fait que le soutien etl'exploitation de ces réseaux étaient effec-tuées par des personnels du ministère,formés et organisés pour assurer les perfor-mances et la réactivité recherchés.

C’est ainsi qu’est garantie la disponibilitédu réseau d’infrastructure métropolitainSocrate (1), bâti sur des liens constitués prin-cipalement de faisceaux hertziens apparte-nant à la Défense, et opéré par la Directioninterarmées des réseaux d’infrastructure etdes systèmes d’information du ministère dela Défense.

L'augmentation des besoins de communi-cations des armées, parallèle à celle dumonde civil, s’est avérée trop rapide pour êtreassurée par la seule extension des réseauxexistants. Mais l’évolution des offrescommerciales a permis aux armées de faireappel à des services de télécommunicationsfournis par le biais de conventions etd’accords cadres passés avec des opérateurscommerciaux : téléphonie fixe et mobiled’usage général, liaisons spécialisées, liaisonsde données, liaisons par satellites commer-ciaux, réseaux privés virtuels (VPN IP)…

Il était alors logique que, dansl’orientation actuelle de recentrage des arméessur leurs missions opérationnelles, accompa-gnée de contraintes de réductions des coûts etdes effectifs, les travaux de conception dufutur réseau d’infrastructure des arméesprolongent cette démarche et intègrent plei-nement l’utilisation de services commerciaux.

… et la sécurité des réseauxEn parallèle, la prise en compte de la sécu-

rité des systèmes d’informations dans lesarmées a évolué d’une contrainte réglemen-taire absolue à une démarche de gestion derisques. Dans cette approche, la garantie dedisponibilité et de résilience n’implique plus,pour le ministère, de conserver la« propriété » des réseaux, mais plutôtd’assurer une « maîtrise » des services, compa-tible avec l’utilisation d’opérateurs extérieurs.

Dans le programme successeur de Socrate,baptisé Descartes (2), si un coeur stratégique,répondant à des besoins opérationnels spéci-fiques d’un « noyau dur », est toujours envi-sagé sous le contrôle total des armées, la

majeure partie des services de réseaux serapotentiellement fournie par un ou plusieursopérateurs commerciaux sur la base du proto-cole Internet (IP) et des services de commu-nications unifiés associés.

Un nouveau défiMais, pour remplir ses missions, le réseau des

armées doit présenter une capacité de reconfigu-ration rapide, et doit pouvoir en particulier seprolonger avec souplesse dans des réseaux dit«de circonstances » mis en place pour répondreà un besoin opérationnel nouveau avec unfaible préavis. Le ministère de la Défense doitdonc pouvoir assembler ses sous réseaux demanière transparente pour les informationstransportées. Afin de conserver cette possibilitédans le cadre d’une démarche d’externalisation,il est primordial que les opérateurs fournissentdes services de réseaux totalement interopéra-bles entre eux et interchangeables, avec unequalité de service garantie et conservée indé-pendamment de ces opérateurs.

L’enjeu majeur de cette démarche nouvellesera donc de garantir une maîtrise par lesarmées des services de télécommunications,fournis par ce réseau dual, suffisante pourrépondre aux besoins opérationnels, sanspour autant que les armées n’en assurent lecontrôle de tous les niveaux.

Pour cela, une réflexion sur la définitionprécise des besoins est engagée dans le cadrede l’opération Descartes, qui devra définiravec précision les mesures garantissant lamaîtrise de l’information : contrats deservices spécifiques avec les opérateurs,redondances, plans de secours, etc…

Mais ce défi ne pourra être relevé que si lesopérateurs commerciaux garantissent encommun la qualité des services demandés.L’évolution des réseaux du ministère de laDéfense est donc étroitement liée àl’évolution des offres des fournisseurs deservices de communications électroniques età leur capacité d’interopérabilité. �

(1) Socrate : système opérationnel constitué des réseaux desarmées pour les télécommunications.

(2) Descartes : déploiement des services de communication etArchitectures des réseaux de télécommunications sécurisés.

www.defense.gouv.fr

La sécurité des réseaux militaires :un enjeu pour les opérateurs télécomspar Henri Serres, ingénieur général des télécommunications, directeur général des systèmes

d’information et de communication au ministère de la Défense

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M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9 � LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 37

La Commission européenne invite les auto-rités de régulation nationales à mettre en œuvreces principes au plus tard d’ici la fin 2012. Adéfaut, une approche alternative peut être envi-sagée pendant une période supplémentaire

limitée, pour autant qu’elles atteignent le mêmeobjectif concurrentiel.

Faire baisser les prix en EuropeLa mise en œuvre de la recommandation de la

Commission aura pour effet de faire baisser signi-ficativement les tarifs de terminaison d’appelmobile, aujourd’hui de 8 c€/min en moyenne enEurope, à un niveau proche des coûts incrémen-taux de long terme, estimés entre 1 et 2 c€/min.Cette démarche permettra une concurrence plussaine, centrée sur les services de détail, et pourrafavoriser les services convergents innovants. Enmatière de terminaison d’appel fixe, les tarifspourraient atteindre à terme un niveau proche de la terminaison d’appel local pratiquée auxEtats-Unis (ce niveau américain de charge determinaison d’appel étant de l’ordre de0,05 c€/min).

Un groupe de travail au sein du GRE accom-pagne la mise en œuvre de cette recommandation,dont la Commission estime qu’elle fera baisser lesprix des appels vocaux dans et entre les Étatsmembres, permettant ainsi aux entreprises et auxménages d'économiser au moins 2 milliardsd'euros entre 2009 et 2012, et favoriseral'investissement et l'innovation dans l'ensembledu secteur des télécommunications. �

projet de recommandation à l’été 2008, dont laversion finale vient ainsi d’être adoptée, aprèsconsultation des Etats membres et l’exerciced’un droit de regard de 30 jours du Parlementeuropéen. Sans attendre l’achèvement de ce

processus, la Commission a d’ores et déjàrenforcé son action, en invitant les régulateursnationaux à mieux orienter les tarifs de termi-naison d’appel vocal mobile vers les coûts incré-mentaux de long terme, à l’occasion desnotifications des projets de décision.

Cette recommandation pose des principes surles coûts qui doivent sous-tendre la tarificationdes prestations de terminaison d’appel. Ainsi, lestarifs de terminaison d’appel doivent, au termed’une période de transition, atteindre les niveauxde coûts supportés par un opérateur génériqueefficace et être symétriques pour les opérateursmobiles comme pour les opérateurs fixes (saufexceptions justifiées et temporaires, pour desdifférences de coûts hors du contrôle des opéra-teurs). De plus, l’évaluation des coûts efficacesdoit se faire selon une logique stricte de coûtsincrémentaux de long terme. La recommanda-tion détaille par ailleurs les modalités de mise enœuvre de cette référence de coûts. A cet effet, ellepréconise l’utilisation d’un modèle technico-économique de type bottom-up, éventuellementréconcilié avec des comptabilités réglementaires,en coûts courants avec dépréciation économique.Par ailleurs, elle recommande la modélisationd’un cœur de réseau NGN à la fois pour lesréseaux fixe et mobile.

Actualités

Malgré un mouvement de baisse auniveau européen, les tarifs determinaison d’appel mobile, dontles plafonds sont fixés par les auto-

rités de régulation nationales, varient encorefortement actuellement entre pays européens (de2 c€/min à Chypre à 15 c€/min en Bulgarie) etrestent en moyenne 10 fois supérieurs aux tarifsde terminaison d’appel fixe. Partant de ces deuxconstats, la Commission européenne vise, danssa recommandation, à harmoniser les méthodesde régulation des terminaisons d’appel enEurope et à éviter les distorsions entre opérateursmobiles et entre opérateurs fixes et mobiles, dansun contexte de convergence croissante desservices fixe et mobile.

Deux ans de travailLa publication de cette recommandation

représente l’aboutissement de deux années detravail communautaire. En juillet 2007, àl’occasion de la présentation du rapport d'activité2006 de l’ARCEP, Paul Champsaur invitait laCommission européenne à lancer un processusd’harmonisation de la régulation des terminai-sons d’appel. « Il n’y a aujourd’hui plus de raisonobjective pour que les niveaux de terminaisond’appel mobile soient déterminés de façon significa-tivement différente de ceux des terminaisons d’appelfixe » expliquait alors le président de l’Autorité.« Il me paraît même nécessaire, dans un contexte deconvergence et de concurrence directe croissante entreopérateurs du fixe et du mobile, que ce déséquilibreconcurrentiel disparaisse rapidement. […] Il mesemble du rôle de la Commission, dans sa capacitéde régulateur européen, de mettre un terme à cesdésordres, de donner le signal de la convergence àterme des terminaisons d’appel mobile et fixe et d’enencadrer la mise en œuvre technique (règles de perti-nence des coûts, méthodes de comptabilisation descoûts, calendrier…), avec le soutien du Groupe desrégulateurs européens. (GRE) ».

Par la suite, un groupe de travail spécifique aété créé au sein du GRE, coprésidé par l’ARCEPet le régulateur italien. En mars 2008, ce groupea publié une position commune sur l’objectifd’atteindre à terme tant la symétrie des tarifs determinaison d’appel fixe que mobile. Tenantcompte de cette position commune, laCommission européenne a présenté un premier

La Commission européenne a adopté le 7 mai 2009 une recommandation sur la régulation des tarifs de terminai-son d’appel fixe et mobile dans l’Union européenne. Présentation.

Terminaisons d’appel : 2 milliards d’eurosd’économie pour les entreprises

et les ménages entre 2009 et 2012

Tarifs moyens de TA vocale mobile en EuropeSource : Groupe des régulateurs européens (juillet 2008)

€/m

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Laurent Perrin Diplômé de Sciences PoParis, Laurent Perrin aeffectué un 3ème cycleuniversitaire en droit fiscal.En 2003, il réussit leconcours de conseiller detribunal administratif etofficie durant trois ans en

Guadeloupe, au Tribunal administratif deBasse-Terre. De retour à Paris, il travaille deuxans à la Direction des affaires juridiques duministère de l’économie et des finances.Laurent Perrin rejoint la direction des affairesjuridiques de l’Autorité début mai. En qualité dechef de l’unité « Nouvelles régulations,nouveaux réseaux, Europe et collectivitéslocales », il a la charge de tous les aspectsjuridiques pour ce qui concerne la fibre optique,le secteur postal, les obligations comptablesdes opérateurs et du contentieux, notammentfiscal, en matière de taxes et redevancesliquidées par l’ARCEP.

Miryam Nouri Diplômée de TélécomParis, Miryam Nouri débutesa carrière au sein ducabinet de conseil enstratégie « AnalysysMason » au Royaume-Uni,à Cambridge, où elletravaille sur de multiples

projets pour le compte d'acteurs internationauxdu secteur des télécommunications. Après deuxannées passées en Angleterre, elle rejoint lesbureaux espagnols du cabinet à Madrid pourtraiter plus particulièrement desproblématiques inhérentes au secteur mobile,toujours à l'international. Ayant rejoint l’Autoritéà la fin avril, Miryam Nouri est en charge de laterminaison d’appel mobile voix en métropoleau sein de l’unité « Marché mobile ».

Isabelle CaronTitulaire d’un DESS encontentieux de droit publicà la Sorbonne en 2003,Isabelle Caron exerce lafonction d'assistante dejustice au Conseil d'Etatpendant deux ans.Diplômée de l'école

d'avocat de Paris en 2007, elle intègre unepremière fois l'Autorité comme chargée demission juridique. En 2008, elle exerce commeavocate en droit public économique au sein descabinets Morgan Lewis puis Ashurst, où elletravaille, en particulier, sur les problématiquesde contrats publics liés aux communicationsélectroniques. Elle rejoint définitivementl’Autorité en mai 2009 au sein de l’unité« Procédures, fréquences, audiovisuel,interconnexion et consommateurs » de ladirection des affaires juridiques, où elleparticipe notamment à la procédured’attribution de la bande de fréquences 2,1 GHz.

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38 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Actualités

Le 13 mai dernier, le RSPG (1) a mis en consultation publique (2) un pro-jet d’avis (« opinion ») sur les « fréquences en or » de la bande 800(790-862 MHz), la sous-bande de 72 MHz identifiée lors de laConférence mondiale des radiocommunications (CMR) de 2007 pourdes services mobiles. Ce projet d’avis du RSPG représente un passupplémentaire vers l’harmonisation de la bande 800 en Europe.

La bande 800 utilise une partiedes fréquences libérées àl’occasion du passage de la télé-diffusion analogique à la TNT :

le dividende numérique. L’extinction dunumérique représente une opportunitéhistorique d’affecter de nouvelles fréquencesaux services de communications électro-niques en général et aux services mobiles enparticulier. En effet, l’engouement desconsommateurs pour le haut débit enmobilité, et la couverture des zonesblanches du territoire vont nécessiter beau-coup de ressources spectrales. La bande 800qui présente des qualités physiques très inté-ressantes, notamment en termes de pénétra-tion dans les bâtiments et de déploiementdu réseau, constituait donc le candidat idéalpour pallier à ce besoin de fréquences.

Depuis la décision de la CMR en 2007,quatre pays européens (Finlande, Suède,France et Suisse) ont déjà décidé d’attribuercette sous-bande aux services de communi-cations électroniques ; d’autres semblentsur le point de franchir le pas (Royaume-Uni, Allemagne, Irlande, Pologne etEspagne). D’autres Etats en sont, pour lemoment, au stade de la réflexion. Cetteréflexion est alimentée par les travaux encours en Europe dans différentes enceintes.

Dans son projet d’avis, le RSPG préco-nise notamment :- une évaluation des avantages et des incon-

vénients d’une approche harmonisée surune base non contraignante ;

- une action rapide de la Commissioneuropéenne pour réduire l’incertituderelative à la capacité des Etats membres àrendre la bande 800 disponible ;

- que la Commission encourage les Etatsmembres à appliquer les principes duWAPECS (2) à la bande 800 et à faciliter lacoordination aux frontières.

Outre le RSPG, la CEPT (3) s’est égale-ment penchée sur ce sujet, à la suite dumandat de la Commission européenne quilui demandait d’établir des conditions

techniques harmonisées pour l’utilisationde la sous-bande 790-862 MHz. Cestravaux devraient aboutir à la mi-juin à :- un plan de fréquence de la sous-bande :

un plan harmonisé FDD (30 MHz -11 MHz - 30 MHz) avec une bande degarde de 1 MHz au début de la bande, etun plan secondaire TDD pour les paysne disposant pas de l’ensemble de lasous-bande ;

- la définition de conditions techniques,en particulier pour traiter le « voisinage »avec le canal 60 de radiodiffusion (quiest situé juste en dessous de labande 800) ;

- un guide de coordination aux frontières.La Commission européenne, consciente

des enjeux importants de cette sous-bandeet de la nécessité d’en harmoniserl’utilisation, devrait s’appuyer sur lestravaux de la CEPT et du RSPG pourpublier un texte avant la fin de l’année2009. Elle a également commandé uneétude à un cabinet privé.

A l’issue d’une rencontre à Bruxellesavec Daniel Pataki, l’actuel président duRSPG, Viviane Reding a indiqué que laCommission avait intention de prendreles recommandations nécessaires, sur labase de tous ces travaux, pour faciliterl’harmonisation de l’utilisation du divi-dende numérique dans l’Union notam-ment. La Commission répondrait ainsi àla demande formulée par le Groupe desrégulateurs européens lors de la réunionplénière qui s’est tenue à Prague fin mai.

La Commission détiendra cet été tousles éléments qui lui permettront d’adopterles recommandations attendues par lesecteur pour lever les incertitudes quipourraient nuire à l’investissement danscette bande de fréquences. �

(1)Radiospectrum Policy Group(2)Consultation publique ouverte jusqu’au 30 juin 2009(3) Wireless Access Policy for Electronic Communications

Services (4)Conférence européenne des postes et télécommunications

L’harmonisation de la« bande 800 » en Europe

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Juridique

Le Conseil d'Etat rejette la requête de Bouygues Télécom contre la décision de l’ARCEP fixant les conditions et lecalendrier de restitution partielle des fréquences 900 MHz utilisées par les opérateurs mobiles, en vue de leurréattribution au futur titulaire de la 4e licence 3G.

La bande de fréquences 900 MHzest une ressource rare qui présentedes propriétés de propagation trèsfavorables qui la rend indispensable

à la réalisation d’une couverture étendue duterritoire. Elle a été utilisée pour le déploie-ment du réseau mobile de 2e génération, et saréutilisation pour assurer une couvertureétendue du territoire en 3G est essentielle.

Par sa décision du 4 décembre 2007,l’Autorité a fixé les conditions de renouvelle-ment de l’autorisation d’utilisation desfréquences de deuxième génération accordée àBouygues Télécom, qui devait arriver àéchéance fin 2009, en précisant que, lors de laréutilisation des fréquences de la bande 900 MHz pour la 3e génération (3G), en casd’autorisation d’un nouvel opérateur mobileen 3G, les attributions de Bouygues Télécomseraient modifiées. Des décisions de février2008 précisèrent que Bouygues Télécomdevrait alors restituer 4,8 MHz de spectre danscette bande, dans les zones dites « hors zonestrès denses » (HZTD) où cette société s’était vuattribuer 14,8 MHz, et ce, dans un délai expi-rant au plus tard dix-huit mois aprèsl’autorisation qui serait, le cas échéant, délivréeà un nouvel opérateur 3G.

Intérêt généralPar un arrêt du 27 avril 2009, le Conseil

d’Etat a rejeté le recours formé par BouyguesTélécom dirigé contre ces décisions, en tantqu’elles imposaient le principe et le calendrierde ces restitutions d’autorisation d’utiliser ces4,8 MHz dans la bande 900 MHz.

Après avoir admis la recevabilité del’intervention de Free au soutien de l’ARCEP,le Conseil d’Etat a écarté les moyens deBouygues Télécom qui soutenait que lacontrainte de restituer 4,8 MHz dans ceszones et le calendrier qui lui étaient imposésprésentaient un caractère discriminatoire etfaussaient, à son détriment, les conditions dela concurrence entre les opérateurs de télé-phonie mobile, en rappelant que Orange etSFR ne devaient restituer que 2,4 MHzchacun dans les zones dites très denses (ZTD)

et seulement au plus tard le 31 décembre2012.

Mais le Conseil d’Etat a pris acte de« l’intérêt général qui s’attache à l’entrée d’unquatrième opérateur » et du fait que le schémacible visé par l’ARCEP, après rétrocessionconduisait à « l’attribution, à partir du31 décembre 2012, de la même quantité defréquences à chacun de ces opérateurs dans labande autour de 900 MHz, soit 10 MHz enzones très denses et 10 MHz hors zones trèsdenses » (1).

Surtout, concernant le calendrier, le Conseild’Etat a retenu l’argumentation de l’ARCEPselon laquelle cette différence de traitementétait objectivement justifiée et ne présentait pasde caractère discriminatoire en ce que le calen-drier était imposé par « la nécessité de fournir aufutur attributaire de la quatrième licence de télé-phonie mobile un accès aux fréquences de la bande900 MHz dans un délai au-delà duquel il neserait pas en mesure de déployer son réseau dans desconditions de concurrence loyale et efficace » et ence que le délai plus long accordé à ses concur-rents pour restituer une part des fréquencesdont ils sont assignataires en zones très densesétait justifié eu égard au moins grand nombrede clients de Bouygues Télécom, par rapport àses concurrents.

Il a également pris en compte la dimensionsubjective du comportement de BouyguesTélécom qui, alors que l’ARCEP avait annoncédepuis 2000 l’éventuelle nécessité de restitu-tion de fréquences en bande 900 MHz, et misen place une longue concertation sur sesmodalités, n’a pas, lors de cette concertation,proposé de schéma ou de calendrier alternatif.

Equité des attributionsDe même, il a opposé à l’argument de

Bouygues Télécom, tiré des « risques spécifiquesde dégradation de la qualité de son service ennorme 2G qui résulteraient pour elle du calen-drier des rétrocessions », le fait que « ses concur-rents ne disposent chacun, à l’heure actuelle, quede 10 MHz de fréquences dans la bande900 MHz, soit une quantité égale à celle dontBouygues Télécom disposera à l’issue des rétroces-

sions qui lui sont demandées ; que ces concurrentsayant prévu d’affecter chacun 5 MHz au déploie-ment de leur réseau 3G dans cette bande autourde 900 MHz, ils disposeront, pour assurer letrafic résiduel en norme 2G dans ces zones, d’unequantité de fréquences inférieure à celles deBouygues Télécom, jusqu’à la rétrocessioncomplète par cette société de 4,8 MHz, et égale àcelle de Bouygues Télécom à l’issue de celle-ci » ; eten a conclu que « Bouygues Télécom disposant àtout moment dans les zones concernées par cesrestitutions d’une quantité de fréquences aumoins égale à celle de ses concurrents, la distorsionde concurrence invoquée ne pourrait provenir quede la nécessité alléguée par Bouygues Télécomd’assurer une proportion de trafic résiduel ennorme 2G plus importante que celle de sesconcurrents dans les zones concernées ; que cettenécessité, à la supposer établie, résulterait princi-palement des choix de la société Bouygues Télécomelle-même » et que, par suite « les difficultés tech-niques alléguées par Bouygues Télécom pourassurer le trafic résiduel en norme 2G à l’issue desrétrocessions qui lui sont demandées ne sauraient,en tout état de cause, être attribuées à unerupture, à son détriment, de l’équité des attribu-tions des fréquences entre l’ensemble des opéra-teurs de réseaux mobiles de deuxième et troisièmegénération ».

Cette prise en compte, faite sur la suggestiondu rapporteur public Lenica, pour apprécier lalégalité d’une décision prise par le régulateur,d’éléments « subjectifs, tenant aux intentions,réelles ou supposées des acteurs », tels que les« ressorts avoués ou cachés des stratégies indus-trielles mises en place, afin d’accélérer ou non unprogramme d’investissement » ou « l’attitude plusou moins constructive des acteurs dans le cadre desconsultations organisées par le régulateur », estl’un des caractères novateurs de cet arrêt. �

(1) En effet, avant restitution, Bouygues Télécom détenait14,8 MHz en zones dites hors zones très denses (HZTD) où Orange et SFR ne disposaient que de 10 MHz, alorsqu'en zones dites très denses, Orange et SFR détenaientchacune 12,4 MHz, et Bouygues 10 MHz. Après restitutionde 4,8 MHz en HZTD par Bouygues Télécom, et restitutionde 2,4 MHz par Orange et SFR en ZTD, chacun des troisopérateurs disposera donc de 10 MHz dans l'ensemble deszones et le nouvel entrant 5 MHz dans l'ensemble des zones.

Le Conseil d’Etat valide le calendrier de restitution partielle des

fréquences 900 MHz au futur opérateur 3G

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Par décret du Président de laRépublique, Jean-Ludovic Silicania été nommé, après avis favorablede la commission des affaires éco-

nomiques, de l’environnement et du territoi-re de l'Assemblée nationale et de la commis-sion des affaires économiques du Sénat, pré-sident de l'ARCEP à compter du 8 mai2009. M. Silicani est le quatrième présidentde l’Autorité. Nommé pour une durée de sixans, son mandat est irrévocable et nonrenouvelable.

Technologie, culture et réforme de l’Etat

Né le 20 mars 1952 à Alger, ancien élèvede l’ENA, major de la promotion Voltaire(1980), ingénieur des Mines, Jean-LudovicSilicani est conseiller d’Etat. Après avoir étédirecteur à l’Agence nationale de valorisa-tion de la recherche (ANVAR) de 1984 à1986, il rejoint en 1986 le ministère de la cul-ture et de la communication, où il est directeur

de l’adminis tration géné raleju squ’ en

Nommé directeur général de laBibliothèque nationale de France en1992, il devient, en 1993, directeur ducabinet de Simone Veil, alors ministred’Etat, chargée des affaires sociales, dela santé et de la ville. De 1995 à 1998,il est commissaire à la réforme de l'Etatauprès du Premier ministre.

En 2001, Jean-Ludovic Silicaniprend la présidence du Conseilsupérieur de la propriété littéraire etartistique (CSPLA) avant de présider,cinq ans plus tard, le conseild'administration de la Réunion desmusées nationaux (RMN).

En 2003, M. Silicani a été rappor teurde deux projets de loi : l’un surl’organisation du service public des posteset des télécommunications, l’autre relatifaux communications électroniques et auxservices de communication audiovisuelle.De 2003 à 2009, il a présidé la 4e

chambre du contentieux du Conseild’Etat.

En 2007 – 2008, le gouver nement luiconfie la rédaction d’un Livre blanc sur

l'avenir de la fonction publique. Enfin,en 2008, M. Silicani

a été membre du Comitépour la réforme des

collectivités locales,présidé par

Édouard

AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES

7, square Max Hymans - 75730 Paris Cedex 15

Web:www.arcep.fr - Mél : [email protected] Tél. : 0140477000 - Fax: 0140477198

Responsable de la publication : Jean-Ludovic Silicani.Directeur de la rédaction: Philippe Distler.

Rédaction: Ingrid Appenzeller et Jean-François Hernandez (mission communication).

Ont contribué à ce numéro : Joëlle Adda, Hélène Boisson,Julien Coulier, Sylvie Dumartin, Grégoire Fauquier,Edouard Lemoalle, Catherine Gallet-Rybak, Daniel Nadal,

Bertrand Pailhes,Philippe Pautonnier, NicolasPotier, Igor Primault, Lénaig Saliou,Antoine Samba et Antoine Victoria.

Maquette : E. Chastel.

Impression : Corlet Imprimeur, Condé-sur-Noireau.

Abonnement : [email protected]

ISSN : 1290-290X

SUR L’AGENDA DU COLLÈGEMAI�8 mai : Jean-Ludovic Silicani est nommé président del’ARCEP, après avoir été auditionné le 6 mai par lacommission des affaires économiques du Sénat et le 7mai par la commission des affaires économiques, del’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale.

Juin� 3 juin : Jean-Ludovic Silicaniet Nicolas Curienrencontrent M. Beh Mengue,directeur généralde l’ART duCameroun etactuel présidentde FRATEL, le réseau francophone de coopération dans le domaine des télécommunications.

� 3 juin : Jean-Ludovic Silicani et Nicolas Curiens’entretiennent avec Lennart Foss, le président du

régulateur suédois, et l’ensemble du board dePost&Telestyrelsen (PTS), sur le marché français et dessujets d’actualité : le dividende numérique et la révision ducadre réglementaire.

� 9 juin :Joëlle Toledano intervient sur la régulation du trèshaut débit en France à l’occasion des 3èmes «Assises du trèshaut débit », au Sénat.

� 10 juin : Nicolas Curien s’entretient avec Kamal Shehadi,président de l’Autorité de régulation des télécommunicationslibanaise.

� 12 juin : Joëlle Toledano reçoit une délégation duministère des transports israélien qui souhaite s’informer surle mode de fonctionnement d’une autorité administrativeindépendante.

� Du 16 au 17 juin : Nicolas Curien se rend à Dakar, à l’occasion du séminaire d’échange d’informations etd’expériences du réseau FRATEL, sur le thème « Le déploiement des services mobiles, un enjeu dedéveloppement ? » (organisé conjointement par l’ARTP duSénégal et l’ARCEP qui assure le secrétariat du réseau).

� 22 juin : Jean-Ludovic Silicani et les membres duCollège de l’Autorité présentent à la presse les décisionsde l’ARCEP relatives à la fibre.

� 23 juin : Joëlle Toledano intervient au « QuEST Forum2009 EMEA Best Practices Conference » sur le thème«Régulation et qualité de service ».

� 29 juin : Jean-Ludovic Silicani et les membres duCollège de l’Autorité présentent aux acteurs du secteur le rapport d’activité 2008 de l’ARCEP.

� Du 30 juin au 1er juillet : Daniel-Georges Courtois etDenis Rapone se rendent en Allemagne pour rencontrerl’Autorité de régulation (BnetzA).

Juillet� 3 juillet : Jean-Ludovic Silicani intervient à laconférence « Télécoms 2009 » organisée par LesEchos, sur le thème « Comment les autorités derégulation répondent-elles à l'évolution des stratégiesdes acteurs et à la convergence technologique ? ».

� Du 13 au 22 juillet : Joëlle Toledano se rend enGuyane et aux Antilles dans le cadre de lapréparation du rapport de l'ARCEP augouvernement et au Parlement sur ledéveloppement des marchés des communicationsélectroniques outre-mer.

40 LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES � M A I - J U I N - J U I L L E T 2 0 0 9

Actualités

Jean-LudovicSilicani, M. Beh Mengue etNicolasCurien

Un conseiller d’Etatnommé président

de l'Autorité

Jean-Ludovic Silicani

Balladur. �

1992.