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Intervention : Amour et service dans le ministère épiscopal
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Intervention : Amour et service dans le ministère épiscopal
1- Qu’est-ce qu’un évêque ?
L’évêque est le successeur des Apôtres. Jésus a voulu confier son Église à Pierre
et à l’ensemble des disciples qui l’avaient suivi. Dans un très beau texte du Pape
Jean Paul II, à la suite du Synode sur les Évêques paru en 2003, il nous rappelle que
nous sommes un guide, un père, un frère, un ami. Je trouve cette expression très
belle. L’Évêque est un guide pour son peuple comme l’est le berger pour son
troupeau. Il est chargé de veiller à conduire les chrétiens dans la foi et surtout dans
la communion. Sa crosse ressemble au bâton du berger. Il doit marcher devant pour
être attentif à tous et surtout aux derniers qui ont du mal à suivre. Vous avez déjà vu
des randonnées. Les premiers sont partis à vive allure qu’ils ne voient déjà plus les
derniers. L’Évêque est l’homme de la communion c’est en ce sens qu’il est un père
attentif à tous. Il est un frère avec tous les baptisés et plus spécialement avec ses
frères prêtres et diacres. Enfin il est un ami proche de ceux qui se sentent loin de
l’Église et qui ne peuvent croire. L’Évêque donne sa vie pour son diocèse et c’est la
raison pour laquelle il est enterré dans sa cathédrale et porte à son doigt l’anneau de
l’alliance avec son peuple que le Seigneur lui a confié.
2 - Quel est son rôle dans un diocèse ?
Je dirai qu’il aide les chrétiens à grandir dans la foi et dans la communion. Son
rôle est d’écouter et d’encourager. Il est le serviteur d’un Bonne Nouvelle . Il est là à
cause de Jésus et de l’Évangile. Il doit toujours renvoyer au Christ et aider à
construire l’Église. Dans la montée de l’individualisme, les chrétiens doivent se
rappeler que c’est la communion qui évangélise et qui est signe de Dieu pour le
monde. L’Évêque n’a pas raison à lui tout seul, pas plus que les chrétiens. Il fait
partie d’une fraternité épiscopale. D’où il se retrouve avec d’autres évêques. De
même dans son diocèse il doit se mettre à l’écoute des pasteurs et des
communautés.
Devenir un guide et un père
C'est autre chose que de mettre des enfants au monde. Cela s'appelle des
géniteurs. Il y a des personnes qui ont donné naissance à des enfants mais qui ne sont
pas devenus des pères et des mères. Nous sommes tous créés à l'image de Dieu qui
est Père... quelque soit notre âge ou notre état de vie. D’ailleurs ici dans le pays
d’Auge, pays des pommiers, il y a un proverbe qui dit qu’on n’a jamais vu de vieux
pommiers donner de vieilles pommes. Ils en donnent mêmes de succulentes et
moins amères que des jeunes pommiers. Cela veut dire que nous sommes appelés à
faire naître à la vie et à donner de bons fruits quelque soit notre âge. Le ressort de la
vie c'est la confiance. Nous faisons naître à la vie quand nous portons un regard de
confiance sur l'autre. La confiance est le contraire de la peur, de la crainte,
finalement de la violence. L'évêque est celui qui est témoin de la confiance de Dieu
pour l'humanité. Dieu a confiance en chacun et chacune d'entre nous. Quand
Jésus dit : « Confiance, n'ayez pas peur », c'est ma devise épiscopale, Il le dit au
nom de son Père qui est un Dieu de confiance. L'évêque est celui qui est chargé
d'aimer les gens d'un diocèse. On n’a pas besoin de faire d’efforts pour avoir des
partisans. C’est facile. On choisit ses amis, on ne choisit pas ses frères. Comme
pour les prêtres en paroisse, l’évêque reçoit cette mission d’aimer ses frères que
Dieu lui donne dans un diocèse. Ils sont dons de Dieu, ils ne sont pas forcément
un cadeau tous les jours comme dans une famille. De même l’évêque est un don
de Dieu, il n’est pas forcément un cadeau ! A travers les visites pastorales que je
viens d’effectuer depuis mon arrivée il y a deux ans, j’ai essayé d’aller à la
rencontre de tous, croyants ou non croyants mais toujours avec une attitude de
bienveillance. J’ai passé 53 semaines sur le terrain. Nous venons de vivre ici à
Lisieux, il y a 8 jours Cap 2012 qui a été une grande assemblée synodale avec 300
délégués de toutes les communautés pour voter les orientations pastorales pour 5
ans. L’évêque doit se mettre à l’écoute du Peuple de Dieu. Il n'est pas l'évêque de
quelques-uns mais de tous et surtout de ceux qui ne comptent pas. Il est chargé de
les aimer à cause de Jésus et de l'Evangile. En même temps il est père, dans le
sens que les premiers chrétiens donnaient aux anciens de leur communauté : le
père est non seulement celui qui aime ses enfants mais aussi celui qui a le souci de
les rassembler et de les faire grandir. Que l'on soit père ou mère, c'est vraiment là
le rôle des parents. L'évêque est au service de la communion entre les
communautés chrétiennes. Bien souvent les communautés deviennent des
chapelles qui cohabitent les unes à côté des autres. Or nous sommes appelés à
devenir l'Eglise et non des chapelles. Le plus beau des symboles qui évoque
l’Esprit Saint c’est l’huile. L’huile pénètre et assouplit les membres du corps. Mais
surtout parce qu’elle est nécessaire dans les jointures et les rouages. Combien de
chrétiens se servent de l’huile pour en mettre sur le feu, alors qu’elle est faite pour
mettre dans les rouages ? La communion est crucifiante et elle ne peut être que le
fruit d’un long consensus. Chaque matin l’évêque doit partir avec un grand récipient
d’huile pour mettre de l’huile dans les rouages. D’ailleurs la calotte qu’il porte et qui
est violette est le symbole de la vertu de tempérance. Ce n’est pas le langage de
buis qui doit être celui de l’évêque mais plutôt celui du tilleul dont la boisson est
apaisante. En tout cas il doit veiller à ne pas mettre de l’huile sur le feu. Il y en a
déjà tellement qui s’en chargent pour lui et qui décrètent en son nom. C’est la
raison pour laquelle nous avons pris des orientations dans ce diocèse et non de
directives. Une orientation signifie qu’on marche à la boussole dans la même
direction mais par des chemins différents. Une directive suppose un unique chemin.
En général les gens vous demandent des directives mais celles qu’ils veulent voir
appliquer en leur nom. Mais vous savez les directives c’est comme les ronds points,
on apprend toujours à les contourner.
L'évêque donne sa vie pour l'Eglise toute entière et il est au service de l’Eglise
universelle. S’il n’est pas uni au pape et aux autres évêques, son ministère n’a pas
de sens. Il ne cesse de créer des liens. Voilà son premier souci. En cela il réalise la
vocation première de tout baptisé et dont parlait Thérèse: « Au cœur de l'Eglise ma
mère je serai l'amour, disait-elle... ». On pourrait traduire : « Je serai la communion
». Chers amis, par votre mission au sein de l’Eglise, il vous revient à vous aussi de
communier au Christ pasteur et de mettre un peu d’huile dans les rouages. Je n’ai
pas besoin de vous faire de dessin. Connaissant vos responsabilités, je n’en doute
pas.
Devenir un frère
Nous sommes tous appelés à créer de la fraternité. D'ailleurs ce mot est
inscrit sur le fronton de nos mairies. L'évêque est le témoin de la fraternité. Il
indique que la vie est un chemin et non une impasse. Quand Jean-Baptiste dit : «
Préparez le chemin du Seigneur », il a raison et c'est là aussi le rôle de l'évêque. Il
est celui qui marche devant à l'image des bergers. C'est le symbole de la crosse,
du bâton pastoral. Beaucoup aiment prendre un bâton quand ils font de la
randonnée, surtout s'ils ouvrent le chemin. Ouvrir un chemin : c'est notre mission à
tous et plus spécialement celle de l'évêque au service de l'humanité. Le jour de son
ordination il a entendu cette parole : « Voulez-vous avec les prêtres et les diacres,
les collaborateurs de votre ministère, prendre soin comme un père, du saint peuple
de Dieu et le diriger sur le chemin du salut ? ». Le futur évêque répond : « Oui je le
veux ». Notre vie peut devenir le chemin du salut, le chemin du Seigneur. Même nos
échecs ne sont pas des impasses pour Dieu. Le chemin du Seigneur, c'est le
chemin d'Abraham. «Va vers le pays que je t'indiquerai » dit Dieu. Partir a toujours
quelque chose d'inhumain et en même temps c'est une grâce. La terre de Dieu est
promise mais elle n'a pas de nom. Mais le chemin conduit quelque part, ce n'est pas
un cul de sac. Dieu marche avec nous sur nos routes et malgré les détours et les
chemins rocailleux, Il en fait un chemin de vie. L'évêque est le témoin d'une Bonne
Nouvelle : la vie a un sens. Mais comment faire de notre vie, le chemin du
Seigneur ? Cette réponse, il la cherche avec tous les baptisés à la rencontre de nos
contemporains. L’Eglise ce n’est pas le lobby des cathos. Si nous n’allons pas vers
les gens, ils ne viendront pas chez nous. Allez , dit Jésus, je suis avec vous tous les
jours jusqu’à la fin des temps. Il est avec nous si nous allons vers les autres et il
nous précède. Mais pour aller vers les autres, il faut accepter d’être démuni et
pauvre. Combien de fois n’ai-je pas entendu : « Que l’Eglise balaie devant sa porte
et ensuite elle viendra nous parler ! » Quand les gens avaient vidé leur sac, ils
reconnaissaient qu’ils étaient heureux qu’on vienne les écouter et en partant ils vous
disaient merci de votre visite même s’ils étaient allergiques à la hiérarchie comme ils
disent.
Devenir un ami
Et c'est là que l'évêque n'est pas au dessus de la mêlée. Il est un frère et un
ami. L'amitié est un vrai cadeau du ciel, c'est un trésor que tous nous cherchons à
découvrir. L'amitié se construit dans le temps. On ne la trouve pas dans les rayons du
super-marché. Il y a du prêt à porter, du prêt à consommer mais il n'y a pas de prêt
à aimer. Pour aimer il faut accepter de donner sa vie, de donner sa confiance parce
que la vie jaillit toujours d'une certaine mort à soi-même. Pourquoi la vie naît- elle de
la mort ? C'est un mystère. Pensez que la bible commence par dire : « Il y eut un
soir.. Il y eut un matin... » Le matin jaillit de la nuit... la lumière jaillit des ténèbres...
l'aurore naît de l'obscurité... Pourquoi les forces des ténèbres sont-elles si fortes ?
Pourquoi les forces de mort donnent-elles l'impression première qu'elles triomphent
d'abord ? Nous trébuchons sur la question du mal, de la haine, de la violence ? Et
pourtant Jésus nous montre que le pardon est plus fort que la division... Ce n'est
pas évident. L'évêque est un ami au nom de Jésus parce qu'il a fait l'expérience au
contact de ses frères que la vie est plus forte que la mort. Chaque chrétien est invité à
devenir un ami de l'humanité. Celle-ci risque de désespérer devant les forces de
mort. Si on ne peut plus avoir confiance en personne, l'humanité se détruit. Il n'y a
plus que des robots. Nous n'avons pas envie de devenir des robots mais de vrais
amis.
En quoi êtes vous associés en tant qu’hospitaliers à la mission de l’évêque ?
Sens de l’accueil et de l’hospitalité : chemin de salut et d’évangélisation
Aimer c’est apprendre à ouvrir son cœur et ses mains pour accueillir les autres dans
leur différence. C’est sans doute votre mission en tant qu’hospitaliers et je détaillerai
ici quelques aspects qui concernent l’évêque mais aussi votre mission. Nous parlons
de nouvelle évangélisation mais on n’évangélise que ceux qu’on aime, ceux pour
lesquels on est prêt à donner sa vie. L’évangélisation ce n’est pas de la propagande.
- La Bible nous montre que cette expérience de l’accueil de l’autre est toujours
difficile et parsemée d’échecs. Quand Dieu vient dans notre monde, il n’y a pas de
place pour Lui. « Marie mit au monde son fils premier-né, l’enveloppa de langes et le
coucha dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux à
l’hôtellerie » (Luc 2, 7). Ce qui fait dire à St Jean dans le Prologue de son Evangile, à
propos de Jésus, le Verbe de Dieu : «Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont
pas reçu » (Jn 1, 11).
L’accueil est donc une dimension fondamentale de l’être humain… Il s’humanise à la
mesure de sa capacité d’accueil de l’autre. Mais l’accueil est aussi le fondement de
la vie chrétienne et de la rencontre du Seigneur. Ce qui fait dire à Jésus : « Qui vous
accueille, m’accueille » (Mth. 10, 40). Vous êtes des pèlerins de Lourdes et vous
aimez la Vierge Marie. Elle est pour nous le modèle de l’accueil et du service. Bien
sûr vous êtes au service des malades mais un malade servi demeure un malade et
un malade aimé devient un frère. Marie nous demande de les aimer comme elle a su
aimer. Voilà pourquoi l’évêque à travers son amour pour son peuple est d’abord un
frère en humanité. L’accueil et l’hospitalité sont les plus beaux signes de la fraternité
humaine et de la présence divine.
Marie, modèle de l’accueil
« L’ange Gabriel entra chez elle » (Luc 2, 28) dit le texte de l’Annonciation. Le
symbole de la maison est significatif. Quand Dieu s’invite chez nous, Il ne reste pas
sur le seuil de la porte… Marie a accueilli le Seigneur chez elle. La maison est le lieu
d’habitation… là où l’être humain est lui-même, où il a un habitat et des habitudes.
La maison est le lieu de la famille, là où l’être humain apprend à créer des liens. Le
lieu d’une présence, d’une intimité, d’une familiarité. C’est à partir de la maison que
l’être humain apprend à découvrir le monde.(Symbole des volets ouverts et fermés)
La maison est le lieu de l’intériorité où l’on apprend à se recueillir et à accueillir. Dès
l’Eglise primitive, la maison a été appelée « la petite église ». C’est dans des
maisons que les chrétiens se rassemblaient en « maisonnée. »
- Marie invite donc cet envoyé mystérieux à « entrer chez elle ». Peu à peu elle va
découvrir que Dieu s’invite dans sa propre vie… Il vient l’habiter de SA PRESENCE.
On pourrait évoquer aussi la rencontre de Marie et d’Elisabeth dans la maison de
cette dernière. Dans St Luc la Bonne Nouvelle se déploie de maison en maison. Elle
commence à Nazareth dans l’humble maison de Marie et elle se termine à Emmaüs
dans la maison des disciples. Dans les Actes elle commence avec la maison du
Cénacle à Jérusalem et elle se termine à Rome avec la maison que Saint Paul a
louée.
Devenir la demeure de Dieu
« Le Seigneur est avec toi… l’Esprit- Saint viendra sur toi » (Luc 2, 28-35) dit l’ange à
Marie..Jusqu’alors la maison de Dieu était représentée par un lien sacré, par un
Temple. La maison de Dieu était aussi le peuple d’Israël, la « maison de David ».
David voudra bâtir un temple magnifique pour Dieu, mais il comprendra que Dieu
cherche des cœurs à habiter beaucoup plus que des palaces dorés.
Accueillir le Seigneur dans notre vie : Cela veut dire que nous sommes appelés à
devenir les temples de Dieu comme dit St Paul. « Ne savez-vous pas que vous êtres
un temple de Dieu, et que l’Esprit - Saint habite en vous » (1° Cor. 3, 16). Il est sans
doute plus facile d’édifier un temple pour Dieu que de devenir soi-même l’œuvre de
Dieu. « Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, en vain peinent les maçons » dit le
Psaume 127. « Le Verbe est venu habiter parmi nous » (Jn 1, 14). Des hommes et
des femmes vont lui ouvrir la porte et leur vie en sera transformée. Il suffit de penser
à Zachée (Luc 19, 6) : Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie ». Nos portes sont
souvent verrouillées comme celles des disciples le soir de Pâques mais le Seigneur
ressuscité passe mystérieusement à travers les murs (Jn 20, 19-20). Le
péché c’est notre peur de Dieu. Mais Jésus nous dit : « N’ayez pas peur, c’est moi »
(Jn 6, 20)
Quand nous accueillons le Seigneur, Il nous donne la Joie et la Paix
La 1° parole de l’ange à Marie est « Réjouis-toi ». C’est le premier mot que Dieu
adresse au monde quand le jour du Salut est enfin arrivé. Lors de la naissance de
Jésus, la joie habite le cœur des plus pauvres, à savoir les bergers. La joie est du
côté de la communion : Communion avec Dieu, avec les autres, avec l’univers.
St Jean a exprimé la joie de la venue de Dieu et de son accueil par les noces de
Cana (Jn 2). Quand Jésus envoie ses disciples en mission, il ne leur demande que
d’annoncer la paix à cette maison (Luc 10, 5). L’accueil crée la communion. Il est
source de paix et de joie. La joie et la paix profonde viennent de la réconciliation
avec soi-même. Il est plus facile de se mépriser que de s’aimer avec humilité.
La joie et la paix sont dans l’accueil de l’autre, jusque dans sa différence. Il est
différent de moi sans être totalement étranger… D’où l’accueil de l’autre au sein du
couple… de la famille… de la société…En accueillant nous perdons nos sécurités…
Accueillir c’est une mort à soi-même… Cela suppose un authentique don de soi. cf
St Paul : « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » (Actes 20, 35). Jésus dit : « Je
vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que vous soyez comblés de joie.
Mon commandement le voici : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai
aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». (Jn
15, 11-13). La joie est au cœur de l’accueil de la vie… La joie est du côté de la
fécondité beaucoup plus que de l’efficacité. La joie est un oui à la vie qui a traversé
les forces de mort. L’accueil n’est pas naturel, il est un combat contre le désir de repli
sur soi… sur le désir inconscient de retourner dans le ventre de sa mère l’être
humain naît les poings fermés… Il lui faudra toute la vie pour apprendre à les ouvrir »
cf. l’expérience des disciples d’Emmaüs : Luc 24, 29-32 : « Reste avec
nous, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme. Il entra donc pour rester
avec eux… leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent ».
Accueillir à la suite de Jésus
L’attitude d’accueil de Jésus à travers l’Evangile de Jean (quelques exemples). Ce
qui est remarquable dans cet évangile c’est le fait que Jésus va à la rencontre des
gens. Il montre ainsi que c’est Dieu qui vient vers nous.
L’accueil des disciples : Jn 1, 38-39. Jésus ne les invite pas à faire « un passage
éclair », mais Il les invite à demeurer auprès de Lui. L’accueil de Nicodème : Jn 3, 2.
Jésus l’accueille dans sa recherche intellectuelle et dans sa quête spirituelle. La
Samaritaine : Jn 4. Jésus accueille sa soif de vivre, sa soif d’amour, sa soif de
dignité, sa soif de foi. Le fonctionnaire royal : Jn 4, 46. Jésus accueille la détresse de
ce père dont l’enfant est en train de mourir. L’infirme de Bézatha : Jn 5, 6-8. Jésus
accueille la solitude de cet infirme, mais aussi sa détresse morale et physique.
On peut dire qu’aucune situation humaine n’est étrangère à Jésus. Il sait découvrir
le désir profond de la personne, bien au-delà de la demande explicite de cette
dernière.
Le lien entre l’accueil du frère et l’accueil de Jésus.
- « Qui vous accueille m’accueille » dira Jésus en parlant des disciples (Mth. 10, 40)
- « Qui m’accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même
(Mth. 18, 5). Jésus pourra dire : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les
miens c’est à moi que vous l’avez fait » (Mth. 25, 35). Remarquez le lien entre le
désir et la réponse : la faim / manger…soif / boire…etc… Cela suppose d’accueillir le
vrai désir de l’autre.D’où St Paul rappellera lui-aussi le lien entre le frère qui est
chrétien et le Christ. « Accueillez-vous donc les uns les autres comme le Christ vous
a accueillis pour la gloire de Dieu »(Rom. 15, 7). St Paul avait déjà fait le lien entre
Jésus et les disciples quand ils persécutent les chrétiens. « Je suis Jésus que tu
persécutes » (Actes 9, 5).L’auteur de l’Epître aux Hébreux va jusqu’à dire : « Frères,
persévérez dans l’amour fraternel. N’oubliez pas l’hospitalité : elle a permis à
certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges » (Héb. 13,1)
Nous savons que l’accueil est difficile à vivre… Parfois il y a le trop plein… Il faut
aussi savoir dire non… Mais ce qui nous guette le plus c’est l’indifférence, du style :
« c’est ton problème ». L’accueil est toujours dépouillement et dépossession de soi.
Mais nous recevons toujours au centuple, pas toujours dans l’immédiat, dans un
merci spontané mais parfois des années après. Nous-mêmes nous avons oublié,
mais la personne accueillie n’a pas oublié.
Pour nous chrétiens, invités à accueillir la Présence du Christ dans la prière et
l’Eucharistie, nous savons que si nous le cherchons vraiment, il est aussi présent
dans les frères. Rappelez-vous cette très belle histoire de St Christophe: « Son nom
signifie « le porteur du Christ » : Ce colosse païen converti par un ermite se plaignait
de ne pas expérimenter la présence du Christ dans la prière. L’ermite comprit que
son disciple n’était pas encore mûr pour le soumettre de longues heures à l’aridité de
la prière. Il lui proposa de se tenir au bord du fleuve qui était dangereux et avec sa
force de géant de transporter sur l’autre rive les pèlerins qui passaient. Et cet homme
se mit à servir ses frères, une branche de palmier en guise de bâton. Il traversa le
fleuve au long des jours en portant les pèlerins. Jusqu’au jour où il transporta le
Christ qui s’était caché sous les traits d’un enfant. C’est alors que le païen devint
Christophe et découvrit le visage du Christ. Chers amis rappelez vous ce témoignage
du Cardinal Danneels qui dans les rues de Bruxelles rencontrait un jeune tout courbé
sous le poids et qui portait un garçon handicapé sur son dos. Le cardinal lui dit : « Il
est trop lourd pour toi ! » Et celui-ci répondit : « Oh non Monsieur. C’est mon frère ».
Oui le Seigneur nous donne des frères à aimer et ils ne sont pas trop lourds car c’est
le Seigneur lui-même que nous portons.
CONCLUSION
Nous sommes ici à Lisieux où nous vénérons Sainte Thérèse et maintenant ses
bienheureux parents. Thérèse nous invite à vérifier nos raisons de vivre : Est-ce que
ma vie n’est que paille futile ou grain de blé qui jeté en terre fécondera l’histoire de
l’humanité ? Seuls ceux qui donnent leur vie par amour fécondent l’histoire humaine
comme la petite Thérèse : « Vivre d’aimer » dira-t-elle. «Aimer c’est tout donner et se
donner soi-même ». C’est en contemplant ce petit enfant de la crèche et la sainte
Face de Jésus sur la croix qu’elle comprendra l’amour infini de Dieu. Dieu s’est fait si
petit par amour pour que les plus humiliés de la terre n’aient pas peur de le prendre
dans leurs bras … Il s’est fait si faible et si fragile afin de toucher le cœur des
puissants de ce monde. Seule la puissance de l’amour est capable de bouleverser
l’amour de la puissance. L’être humain nait les poings fermés et c’est durant toute la
vie qu’il apprendra à les ouvrir. « Tout faire par amour, dira Thérèse, et même
ramasser une aiguille par amour peut sauver le monde
Thérèse a compris : « Je ne suis qu’une enfant impuissante et faible, cependant c’est
ma faiblesse même qui me donne l’audace de m’offrir à Ton Amour, ô Jésus….. Si
quelqu’un est tout petit qu’il vienne à moi, as-tu dit. Etre petit, c’est encore ne pas se
décourager de ses fautes car les enfants tombent souvent mais ils sont trop petits
pour se faire beaucoup de mal. Car la sainteté n’est pas dans telle ou telle pratique.
Elle consiste en une disposition du cœur qui nous rend humbles et petits entre les
bras de Dieu. Conscients de notre faiblesse et confiants jusqu’à l’audace en sa bonté
de Père » Elle redira la même chose par rapport à sa petite voie : « Il n’y a que des
choses ordinaires. Il faut que tout ce que ce je fais, les petites âmes puissent le
faire ». ». Que restera-t-il de notre vie ? Dieu n’est qu’Amour. Ne passera dans le
monde de Dieu que l’amour que nous avons mis sur cette terre. En contemplant
Thérèse, je n’ai retenu qu’une seule chose de la vie : J’ai appris à aimer et je n’ai pas
fini d’apprendre jusqu’au dernier souffle de ma vie.
Je termine simplement par cette parole de St Bernard qu'il adresse à Marie, qu'il
appelle l'étoile de la mer, dont les rayons illuminent le monde entier : « En suivant
Marie, dit-il, tu ne dévies pas ; en la priant, tu ne désespères pas... Si elle te tient par
la main, tu ne tomberas pas... Si elle est avec toi, tu es sûr d'arriver au bout. » Je
vous souhaite de vivre ce temps-fort à Lisieux comme un temps-fort spirituel mais
aussi fraternel.
Jean-Claude BOULANGEREvêque de Bayeux et Lisieux