Introduction Œuvre Théorique Antoine Berman

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  • 7/26/2019 Introduction uvre Thorique Antoine Berman

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    Introduction luvre thoriquedAntoine Berman, traductologue franais

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    Introduction

    Antoine Berman est n en 1942 et est mort prcocement en 1991. De son vivant il

    na publi quun ouvrage achev, Lpreuve de ltranger(1984), et des articles quiseront publis aprs sa mort dans le recueil La traduction et la lettre ou lauberge du

    lointain. Son pouse, Isabelle, sadonnera la tche de faire paratre un ouvrage quasi

    achev Pour unecritique des traductions : John Donneet deux sminaires prononcs au

    collge de philosophie : Lge de la traduction(consacr larticle de Walter Benjamin

    La tche dutraducteur) etJacques Amyot, traducteur franais.

    Antoine Berman demeure dans le paysage intellectuel comme un des fondateurs de la

    traductologie, Il tait docteur en linguistique, a t directeur de programme au collge

    international de philosophie et directeur du centre Jacques Amyot. Cependant, il

    possde aussi un bagage de traducteur et disait Je ne suis traductologue que parce que

    je suis primordialement traducteur (Berman, 1984 :11). Il a traduit de trois langues :

    lallemand (Schleiermacher, Peter Hrtling) langlais (entre autres : Roy Macmullen,

    Richard Sennett), et lespagnol (Gore Vidal, Roberto Arlt, etc.). Les dernires annes

    de son existence Berman se consacrait presque uniquement son uvre de thoricien.

    Nous allons prsenter dabord lhorizon idologique qui conditionne les rflexions de

    ce penseur, puis voquer le combat quil mne contre la traduction ethnocentrique en

    prenant comme allis les Romantiques allemands et Walter Benjamin, partisan de la

    traduction littrale. Ensuite, nous verrons comment vers la fin de sa vie il abandonne

    son ton polmique et, aprs avoir recens les tendances dformantes qui entachent

    les traductions, il propose une mthode danalyse de celles-ci. Nous conclurons par la

    prsentation de critiques mises lencontre de son uvre.

    Lhorizon idologique de Berman

    N en 1942, Berman a connu les combats pour la dcolonisation dans son enfance

    et ceux-ci ont sans aucun doute influenc sa volont de lutter contre lethnocentrisme

    dnonc par Lvi-Strauss dans son uvre. Par ailleurs linfluence du Foucault de Les

    Mots et leschoses et de Larchologie du savoirest perceptible dans son propos qui

    Dominique Roug

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    prend des distances avec lanthropocentrisme. Barbara Godard va rapprocher la traduc-

    tologie de Berman de larchologie de Foucault et de la grammatologie de Derrida

    (Godard, 2001). Lacan nest pas loin avec linvocation redondante lAutre maissurtout Jean Laplanche, psychanalyste-traducteur de Freud et spcialiste dHlderlin.

    Cependant, contrairement Lvi-Strauss, Lacan ou Foucault, Berman ne se dclare pas

    antihumaniste et prend en compte le traducteur comme sujet. En effet, il cherche son

    inspiration chez des hermneutes comme Schleiermacher (quil a traduit), Gadamer

    et Paul Ricur. Cet an lui rendra hommage dans ses confrences sur la traduction,

    et Parcours de la reconnaissance, titre dun ouvrage du philosophe franais, pourrait

    rsumer la dmarche bermanienne. Il faut aussi prendre en compte qu lpoque o

    Berman construit son uvre, dans un champ de recherche voisin, Tzvetan Todorov

    publie Nous et les Autres(1989) et Julia Kristeva Etrangers nous-mmes(1988). Par

    ailleurs, puisque luvre dun penseur, selon Nietzsche, se construit aussi contre celles

    de certains de ses contemporains, il faut signaler que Pascal Bruckner fait paratre Le

    sanglot delhomme blanc(1983) qui sen prend la culpabilit tiers-mondiste et Alain

    Finkielkraut La dfaite de la pense(1987), critique acerbe du relativisme culturel.

    Romantiques allemands contre Belles Infidles

    Dans les premires pages de Lpreuve de ltrangernous pouvons lire : Lessence

    de la traduction est dtre ouverture, dialogue, mtissage, dcentrement. Elle est

    mise en rapport, ou elle nest rien (Berman, 1984 : 16). Ce propos pourrait tre

    de Gadamer ou Ricur, mais Berman va plutt chercher la vrit de la traduction

    chez les Romantiques allemands. Le titre de son ouvrage est emprunt Hlderlin :

    pote, traducteur non reconnu son poque et dclar fou. Berman tout au long de

    son ouvrage rpte que cest en rencontrant LAutre que nous nous dcouvrons et que

    lAutre en nous nous devient accessible. La traduction est dialogue dans la mesure o

    La saisie de soi ne passe pas seulement par la saisie de ltranger, mais par celle que

    ltranger a de nous (Ibid, 104). A partir de la lecture des Romantiques allemands mais

    aussi de sa rflexion sur la traduction de La Bible par Luther, lauteur va dfendre lide

    que la traduction doit tre translation, elle doit tre rflexion sur luvre traduire,

    sublimer la pulsion de traduire, tre dcentrement. Celui-ci consiste renoncer la

    suprmatie de sa langue sur la langue de loriginal. Pour comprendre ma langue, pour

    dceler les trsors quelle recle il me faut mimmerger dans la langue autre. Gide,

    que cite Berman, crivait : Dans lapprentissage des langues, ce qui compte le plus

    nest pas ce quon apprend, le dcisif est dabandonner la sienne. De la sorte seulement

    ensuite, on la comprend fond (Ibid, 157).

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    Berman dfend donc la traduction sourcire et considre que la traduction cibliste

    est ethnocentrique, il crit : La thorie allemande de la traduction se construit

    consciemment contre les traductions la franaise (Ibid, 62). Pour lui les BellesInfidles incarnent ce type de traductions. Les Romains y eurent recours et Cicron

    se vantait de recomposer les textes quil traduisait, de pratiquer des ajouts ou

    des coupures, ce qui amena Nietzsche crire : Traduire ctait alors conqurir,

    -non seulement en ngligeant lhistorique : bien plus, on ajoutait une allusion un

    vnement contemporain, et avant tout, on effaait le nom du pote pour y mettre le

    sien- on navait pas cause de cela le sentiment du vol, on agissait, au contraire, avec

    la meilleure conscience de limperium Romanum (Nietzsche, 1993 : 100). Berman en

    appelle mener une critique des valeurs idologiques et littraires qui dtournent latraduction de sa pure vise, il dfinit ce quest pour lui une mauvaise traduction (quil

    identifie la traduction ethnocentrique) : Jappelle mauvaise traduction la traduction

    qui, gnralement sous couvert de transmissibilit, opre une ngation systmatique de

    ltranget de luvre trangre (Berman, 1984 : 17).

    Cest surtout dans la premire partie de Pour une critique des traductions : JohnDonne

    et son sminaire surJacques Amyotque lauteur dveloppe ses arguments lencontre

    des traductions ethnocentriques. Il semblerait lentendre que le propagateur de ce

    mal soit Joachim du Bellay dont La dfense et illustration de la langue franaiseconstitue le refus le plus premptoire de la traduction qui ait t exprim en Occident

    (Berman, 2012 : 95). Berman prononce un vritable rquisitoire contre le pote quil

    accuse de xnophobie et dcle chez lui une dialectique ngative qui atteste le rapport

    spcifiquement franais, non seulement la traduction mais la langue maternelle

    et aux langues trangres (Berman, 2012 : 121). Si Du Bellay soppose la traduction

    afin de dfendre le beau franais, les partisans des Belles Infidles, la suite de Nicolas

    Perrot dAblancourt, lutilisent pour faire du beau franais sans se soucier de lori-

    ginal. Berman rhabilite deux traducteurs franais oublis, Nicole Oresme (1325-1382)et Jacques Amyot (1513-1583) qui traduisit Plutarque, il oppose leurs uvres celles

    qui se caractrisent par leur ethnocentrisme. De toutes ses rflexions sur la traduction

    ethnocentrique et la traduction thique il rsulte pour notre auteur quafin danalyser

    les traductions il faut connatre lhistoire de la traduction et que celle-ci doit tenir

    compte de lhistoire des langues, cultures, des littratures voire des religions et des

    nations. La traductologie comme la traduction sont des activits qui ouvrent sur lAutre.

    Pour conclure nous pouvons rapprocher le combat de Berman contre lethnocen-

    trisme de la critique de l arrogance franaise qui se dveloppait lpoque o

    il crivait mais aussi du procs intent par Foucault et dautres penseurs aux auteurs

    de la Renaissance et du Sicle des Lumires. Il nous faut maintenant nous concentrer

    sur linfluence qua eue le texte de Walter Benjamin La tche du traducteur sur la

    conceptualisation bermanienne.

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    Linfluence de Walter Benjamin

    En 1985, un an aprs la parution de Lpreuve de ltranger, Berman consacra son

    sminaire larticle de Benjamin qui prcdait sa traduction en allemand des Tableaux

    parisiensde Baudelaire. Benjamin ntait pas content de la ralisation de sa tche.

    Cet article est paru en 1923 et a entrain de nombreux commentaires enthousiastes ou

    hostiles. Le texte du sminaire de Berman est paru en 2008 sous le titre de Lge de la

    traductiongrce labngation de son pouse.

    Dans lintroduction de Pour une critique des traductions Berman crit : Cest

    chez lui (Walter Benjamin) quon trouve le concept le plus lev et le plus radical

    de la critique littraire -et de la critique tout court. Non seulement Benjamin estindpassable, mais il est encore en avant de nous. Nous ne cessons dessayer de le

    rejoindre, comme en posie nous ne cessons dessayer de rejoindre Hlderlin, Hopkins

    et Baudelaire (Berman, 1995 : 15). En effet, la lecture rpte de cet article souvent

    hermtique nous sert de loupe pour comprendre la dmarche de Berman et ses apories.

    Walter Benjamin (1892-1940) est une figure tragique du XXe sicle, son uvre multiple

    et imposante a t lobjet de nombreuses tudes. Larticle La tche du Traducteur

    (1923) ne comporte que 18 pages et sa lecture peut tre facilite par celle dun autre

    texte dat de 1916 Sur le langage en gnral et sur le langage humain. Beaucoup de

    critiques reprochent ce texte de sgarer dans une mystique du langage, de rver de la

    langue des anges. La logique de ce texte pourrait conduire le lecteur renoncer toute

    tentative de traduction, le lecteur de Lpreuve de ltrangerpeut ressentir le mme

    sentiment dimpuissance (ce nest qu la lecture des travaux ultrieurs de Berman que

    souvre lui la possibilit de dpasser son dsarroi premier).

    La phrase principale de larticle, et qui pourrait rsumer le discours sur la traduction

    de Benjamin, est la suivante : Racheter dans sa propre langue ce pur langage exil

    dans la langue trangre, librer en le transposant le pur langage captif dans luvre,

    telle est la tche du traducteur (Walter, 2000 : 259). Les mots utiliss ne sont pas

    neutres, ils possdent une connotation religieuse et le terme de rachat implique une

    faute : est-ce celle commise par les humains Babel ? Et quest-ce que le pur langage

    si ce nest la langue des anges ? Le traducteur de Benjamin rejoint le pote selon

    Hlderlin dont la fonction est messianique. Benjamin se dsintresse du lecteur, rejette

    la communication ; il crit : Une traduction cependant, qui cherche transmettre ne

    pourrait transmettre que la communication, et donc quelque chose dinessentiel (Ibid,

    245). Cet article semble dclarer quil est impossible de traduire mais, contrairement

    Benjamin, Berman ne va pas dclarer forfait et va dpasser ce paradoxe pour proposer

    une manire de lire les traductions et par l-mme de traduire. Pour reprendre une

    formule de Paul Ricur la traduction est une activit qui relve du Malgr tout.

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    Elle est une tche, non au sens dune obligation contraignante, mais au sens de

    la chose faire pour que laction humaine puisse simplement continuer (Ricoeur,

    2014 :36). Nous allons donc voir que Berman dans la dernire partie de son uvre apropos une mthode de lecture des traductions qui le conduira soutenir lide dune

    critique productive.

    Esquisse dune mthode dans la critique des traductions

    A partir de ses lectures critiques et de son exprience de traducteur Berman va

    esquisser une analytique des traductions qui sen prend aux traductions ethnocentriques

    et hypertextuelles. Il rsume son propos ce sujet par une formule dfinitive : La

    traduction ethnocentrique est ncessairement hypertextuelle, et la traduction hyper-

    textuelle ncessairement ethnocentrique (Berman, 1999 : 49). Dans le cadre de cette

    analytique de la traduction, il va relever et analyser treize tendances dformantes qui

    sont : la rationalisation, la clarification, lallongement, lennoblissement et la vulgari-

    sation, lappauvrissement qualitatif, lappauvrissement quantitatif, lhomognisation,

    la destruction des rythmes, la destruction des rseaux signifiants sous-jacents, la

    destruction des systmatismes textuels, la destruction (ou lexotisation) des rseaux

    langagiers vernaculaires, la destruction des locutions et idiotismes, leffacement dessuperpositions de langue. Le recours ces tendances dformantes est invitable et

    Berman propose un idal quil na pas toujours atteint dans ses traductions, selon

    certains de ses critiques. Cette analytique de la traduction va lamener proposer une

    thique de la traduction, il la rsume ainsi sinspirant de Levinas : Lacte thique

    consiste reconnatre et recevoir lAutre en tant quAutre (Ibid, 74). . On pourra

    reprocher cette formule dtre vague et surtout dtre un lieu commun de lido-

    logie humaniste . Hlderlin, Chateaubriand et Klossowski vont incarner la traduction

    thique qui trouve son origine dans lAllemagne romantique avec Schleiermacher etGoethe. Dans Pour une critique des traductions, dont la mise en forme fut interrompue

    par sa mort, Berman propose une analytique du sujet traduisant, le traducteur, pour

    comprendre linvitable dfaillance de celui-ci (Ibid, 49).

    Dans cet ouvrage posthume lauteur abandonne son ton premptoire, sa mystique

    de la langue pour proposer une analyse des traductions productive (il sen prend aux

    analyses purement destructives comme celles de Meschonnic). Pour lui il faut aller la

    rencontre du traducteur, le situer dans lpoque et lespace o il vit et a vcu, connatre

    ses uvres diverses et lidologie qui le conditionne. Gadamer parlerait dune analyse

    de ses prjugs et Berman rapproche ceux-ci du contretransfert des psychanalystes,

    qui dobstacle devient alli dans le droulement de la cure. Lauteur dans sa recherche

    sur le traducteur propose danalyser la position traductive du traducteur, qui est un

    compromis entre sa pulsion de traduire et le discours dominant de son poque sur le

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    traduire. Ensuite, il demande de sattarder sur le projet de traduction implicite ou

    explicite et de comparer celui-ci avec le rsultat de la traduction. Enfin, il faut dfinir

    lhorizon du traducteur ; Berman sappuie sur les travaux de Jauss et Ricur, il fautvoir que le traducteur est conditionn par son poque, la faon dcrire qui domine,

    lide quon se fait de la traduction, etc. Lhorizon du traducteur dsigne ce qui clt,

    ce qui enferme le traducteur dans un cercle de possibilits limites (Berman, 1995 :

    80). Cest partir de ces considrations que Berman propose sa mthode danalyse.

    Elle consiste lire dabord la (les) traduction(s) sans se rfrer loriginal, puis lire

    celui-ci en oubliant les traductions pour finir par une comparaison de loriginal avec la

    (les) traduction(s). Le ton des rflexions de Berman dans ce texte a fortement chang,

    le traductologue ne srige plus en Surmoi des traducteurs et adopte une attitudebienveillante qui se rsume par cette formule : Le traducteur a tousles droitsds lors

    quil joue franc jeu (Ibid, 93).

    Critiques adresses Berman

    Une critique rcurrente adresse Berman est, la suite de Walter Benjamin,

    de crer une mystique de la traduction coupe de la ralit, le grand absent de ses

    rflexions nous semble tre le lecteur. LAutre comme chez nombre dautres penseurs,quils soient structuralistes comme Lacan ou dune autre mouvance philosophique,

    nest pas incarn, semble tre un ersatz de Dieu. Cest surtout dans Lpreuve de

    ltrangerque ce travers est perceptible. Il peut tre aussi object Berman dtre

    un idologue, qui, comme Rousseau, est la recherche dun ge dor, il cultive la

    nostalgie des temps avant Babel. Il reprend dune certaine manire la ritournelle des

    mouvements tiers-mondistes sur la culpabilit de lHomme Occidental, et la traduction

    thique devrait racheter le colonialisme, Rome et les Belles Infidles. Barbara Godard

    ironise sur le caractre utopique de la thorie bermanienne, qui sans humour en appelle une rvolution copernicienne , sur son auteur qui se prend pour Kant. Elle ajoute

    que, pour Venuti, tout projet de traduction est ethnocentrique car il se fait en fonction

    des gots de la culture daccueil pour laquelle la traduction a pour rle de rendre

    intelligible le texte tranger (Godard, 2001).

    Anthony Pym, universitaire amricain, est lun des critiques les plus froces de

    Berman qui il reproche son litisme et son hermtisme. Irne Oseki-Dpr crit :

    Anthony Pym reproche Berman de ne pas stre intress la question dun point de

    vue pratique et professionnel (2007 : 84). Cet auteur propose de remplacer le terme

    thique par celui de dontologie. En effet, une traduction possde un commanditaire,

    est un service rtribu ; le traducteur est responsable de son travail comme tout presta-

    taire de service. Cette vision purement pragmatique et anti-intellectualiste est extrme

    mais montre bien les dangers de conceptions qui oublient le traducteur et le lecteur,

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    senferment dans lsotrisme. A vrai dire, cest plutt au premier Berman, lecteur des

    Romantiques allemands et de Walter Benjamin que peut sadresser le reproche dtre

    un mtaphysicien camoufl.Marina Villaroel signale que les traducteurs-traductologues sont discrets sur leur

    propre travail de traduction et sur la faon dont celui-ci influence leur vision de la

    traduction (Villaroel, 2010). Et elle analyse la traduction par Berman dEl Juguete

    Rabioso de Roberto Arlt pour relever que dans son travail il na pu viter davoir

    recours aux tendances dformantes. Marc Charron dans son article Berman, tranger

    lui-mme, pour sa part, formule des conclusions similaires aprs avoir tudi la

    traduction bermanienne de Yo el SupremodAugusto Roa Bastos (Charron, 2001). Nous

    revenons donc sur terre et pouvons dire avec Robert Davreu : lpreuve du traducteur

    est de ne jamais pouvoir choisir un principe sans le transgresser dans la minute qui suit,

    dhsiter sans cesse, cartel entre des fidlits contradictoires .

    A travers cette prsentation de la thorie dAntoine Berman, nous avons voulu

    montrer que celle-ci ouvre des horizons et permet de rflchir sur lacte de traduction,

    seulement si elle est considre comme une proposition, une stimulation rflchir

    et non comme un dogme, elle nest fructueuse que dans la mesure o elle est mise

    lpreuve de la pratique afin de dceler linvitable cart entre thorie et pratique.

    Bibliographie

    Benjamin, W. 2000. La tche du traducteur. uvres I, Paris : Folio-Gallimard.

    Berman, A. 1984. Lpreuve de ltranger. Paris : Gallimard.

    Berman, A. 1995. Pour une critique des traductions : John Donne. Paris : Gallimard.

    Berman, A. 1999. La traduction et la lettre ou lauberge du lointain. Paris : Seuil.

    Berman, A. 2012.Jacques Amyot. Paris : Belin.

    Charron, M. 2001. Berman, tranger lui-mme. TTR, vol 14, n 2.Davreu, R. Antoine Berman, penseur de la traduction. In : Le texte tranger, universit Paris 8.

    Godard, B. 2001. Lthique du traduire : Antoine Berman et le virage thique en traduction.TTR, vol.14, n 2, 2001.

    Nietzsche, F. 1993. Le Gai Savoir. uvres 2, Paris : Robert Laffont.

    Oseki-Dpr, I. 2007. De Walter Benjamin nos jours (Essais de traductologie).Paris : HonorChampion.

    Ricur, P. 2004. Sur la traduction. Paris : Bayard.

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