1
Irradiation cervico-buccale et Ostéoradionécrose des maxillaires : De la prévention odontologique à la chirurgie de Revascularisation. M.Ben Rejeb (a) ; MA.Souissi (b) ; J.Bouguila (b) ; H.Khochtali (c) a- Service de Chirurgie Maxillo-faciale et esthétique CHU Charles Nicolle, Tunis, Tunisie. b- Service d’ORL et CMF. CHU La Rabta, Tunis, Tunisie c- Service de chirurgie maxillo-faciale et de chirurgie plastique, CHU de Sahloul, Sousse, Tunisie Introduction: L’ostéoradionécrose des maxillaires constitue une complication bien connue de la radiothérapie cervico-faciale. Elle fut décrite pour la première fois par Regaud [1] en 1922. Sa localisation préférentielle est mandibulaire. Sa prise en charge est une priorité, dans la mesure où il s’agit de patients rémission de leur pathologie carcinomateuse initiale. Une fois déclaré elle est irréversible[2], et sa prise en charge est très difficile en rapport avec les antécédents lourds des patients, l’altération tissulaire des tissus irradiés. Cette complication peut être létale en dépit du pronostic de la pathologie carcinomateuse initiale. Références: 1-Regaud C. Sur la necrose des os attent¯e par un processus cancereux et traites par les radiaions. Compt Rend Soc Biol 1922;87:629. Quoted in Oral Surg 1951; 4. 2-Osteoradionecrosis of the jaws: current understanding of its pathophysiology and treatment. Andrew Lyons a,, Naseem Ghazali b. Br J Oral Maxillofac Surg , 46 (2008) 653–660. 3-Schwartz HC, Kagan AR. Osteoradionecrosis of the mandible: scientific basis for clinical staging. Am J Clin Oncol 2002;25: 168–71. 4-Store G, Boysen M. Mandibular osteoradionecrosis: clinical behaviour and diagnostic aspects. Clin Otolaryngol Allied Sci 2000;25:378–84. 5-Marx RE. A new concept in the treatment of osteoradionecrosis. J Oral Maxillofac Surg 1983;41:351–7. 6-Teng MS, Futran ND. Osteoradionecrosis of the mandible. Curr Opin Otolaryngol Head Neck Surg 2005;13:217–21. Matériels et méthodes: Le travail présenté est une étude rétrospective, réalisée au sein du service de chirurgie maxillo-faciale au CHU de Sahloul, Sousse, Tunisie. Incluant les patients pris en charge pour ORN secondaire a une irradiation pour néoplasie des VADS, sur une période de 25 ans entre 1988 et 2013 et ayant un suivi de 2 mois minimum. Ont été étudié sur les dossiers de ses patients: Variables épidémiologiques: âge, sexe Variables avant la radiothérapie: Etat bucco-dentaire antérieur Modalité de la radiothérapie: type, dose, fractionnement des doses Variables après la radiothérapie: signes fonctionnels (Délai et motif de consultation, localisation) Modalités thérapeutiques de l’ostéoradionécrose: Traitement préventif, Traitement chirurgical. Résultats: 16 hommes et 6 femmes, l'âge moyen était de 49 ans [16-76]. Tumeur a l’origine de l’indication de la RT. * ATCD et facteurs généraux: Les ATCD compromettant la microcirculation était noté chez 54,5 % des cas (Diabète, athérosclérose, HTA) Stade TNM initial (!!) Etat bucco-dentaire antérieur: 1 patient: édenté avant la radiothérapie. 3 patients: édentés totaux au moment du diagnostic de l’ORN. L’ensemble de nos patients présentaient une mauvaise hygiène buccodentaire. La dose totale d’irradiation: (connue pour 6 cas seulement). 75 Gy pour 5 patients. 72 Gy pour un patient. Le rythme des irradiations: 2 Gy/séance et 5 séances /semaine. L’hypo-fractionnement: (noté pour un seul patient). 5 Gy /séance. Délai d’apparition: Délai moyen après radiothérapie: 4 ans (2 mois à 10 ans). facteur déclenchant ORN Nombre de patient % nécrose tumorale 0 0 % récidive tumorale 0 0 % Traumatisme dentaire ou chirurgicale 8 58 % Extraction dentaire après la radiothérapie 6 42 % Irritation prothétique 1 4,5 % Modalités de révélation: Le motif de consultation le plus fréquent était la douleur dans 36,4% suivi d'une mobilité dentaire et l’apparition d’une tuméfaction dans 18,2% chacun. Les patients était classés stade II de breton dans la moitié des cas, et en stade III dans 41 % des cas, témoignant d’une révélation relativement tardive. La localisation était maxillo-mandibulaire dans 6 cas parmi lesquelles 4 atteintes bilatérales, mandibulaires isolées dans 4 cas et maxillaires isolées dans 4 cas. Traitement préventif: 8 dossiers (63,6%) comprenant : - Port des gouttières fluorées, durée non précisée: 4 patients. - Des avulsions dentaires après la radiothérapie: 6 patients. - L’arrêt de l’intoxication alcoolo-tabagique: 4 patients. - Oxygénothérapie hyperbare à titre préventif : 0 cas Traitement Curatif: Oxygénothérapie hyperbare Une seule patiente: traitement par oxygénothérapie hyperbare à titre curatif (14 séances). -sans amélioration -Elle n’a pas eu d’autres séances post opératoires. -Aucune complication liée à l’OHB n’a été signalée. Traitement chirurgical (1) 20 patients (soit 91 %). Illustration clinique: 27 ans , UCNT du Cavum, ORN stade III Breton et stade III de Store. PEC chirurgicale par lambeau libre de péroné. Bilan radiologique, temps opératoire et contrôle post-op. Discussion: Selon la littérature, l'âge moyen de survenue de l’ORN est de 55 ans, soit l'âge de survenue des cancers des VADS. Le délai d’apparition del’ORN est très variable, allant de quelques mois a plusieurs années après la RT, en pratique il faut considérer que l’ORN peut se déclarer durant toute la vie chez un patient ayant eu une irradiation cervico-faciale, justifiant une surveillance très prolongée même après rémission carcinologique. La mandibulaire est bien plus souvent touchée que tous les autres os de la face[3], son incidence varie de 2 a 22 %, et touche plus souvent le corps de la mandibule [4]. Elle est en rapport directe avec les altération tissulaires secondaires a l’irradiation, et dépend tout naturellement de la dose, son fractionnement ainsi que son étalement[3]. Plusieurs théories sont évoquées quant a la physiopathologie des ORN, mais la plupart des auteurs semblent s’accorder sur la théories des 3 H ( hypocellularité, hyopvascularisation et hypoxie). La prise en charge repose sur le trépied prévention, conduite de l’irradiation et le traitement qui repose sur l’amélioration de la perfusion. La prévention, en pré et post irradiation reposant sur la bonne hygiène buccodentaire, l’oxygénothérapie hyperbare associé a la pentoxyohilline, tocophérol ainsi qu’une antibiothérapie en cas de geste dentaire prévu sur un os irradié [2]. Le traitement d’une ORN déclarée, dépendra du stade de cette dernière, mais l’objectif est toujours le même une amélioration de la perfusion, la prévention de la surinfection ou le traitement de celle ci. Selon Marx et sur une série de 60 patient seulement 15% ont répondu favorablement a une OHB a titre curative, une chirurgie était nécessaire chez les patients ayant évolué défavorablement[5]. Pour les stades avancées, la chirurgie de revascularisation devient le Gold standard, reposant sur les sequestrectomie, suivis de reconstruction par lambeau libres osseux ou composite étant de plus en plus clair que l’OHB seule est inefficace, et qu’elle constitue un traitement complémentaire a la chirurgie.[6] Dans notre série la seule patiente ayant eu une résection osseuse et des parties molles étendue avec reconstruction par lambeau libre composite de péroné a évolué favorablement avec un recul de 4 ans actuellement. Conclusion: L’ostéoradionécrose est une complication majeure de la radiothérapie. Cependant cette dernière est incontournable dans le traitement de certains néoplasme de la région cervico-faciale. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas oublier que la pire des complications dans le traitement des cancers reste la récidive ou la poursuite évolutive de la néoplasie. La prise en charge de l’ORN est chirurgicale avant tout , en effet seul le traitement chirurgical, associé a l’OHB ainsi qu’un traitement médicamenteux permet l’éradication de la pathologie. Déclarations d’intérêt : Pas de conflit d’intérêt E-Mail : [email protected] , [email protected]

Irradiation cervico-buccale et Ostéoradionécrose des ...€¦ · La prise en charge repose sur le trépied prévention, conduite de l’irradiation et le ... antibiothérapie en

  • Upload
    votruc

  • View
    215

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Irradiation cervico-buccale et Ostéoradionécrose des ...€¦ · La prise en charge repose sur le trépied prévention, conduite de l’irradiation et le ... antibiothérapie en

Irradiation cervico-buccale et Ostéoradionécrose des maxillaires :

De la prévention odontologique à la chirurgie de Revascularisation. M.Ben Rejeb (a) ; MA.Souissi (b) ; J.Bouguila (b) ; H.Khochtali (c)

a- Service de Chirurgie Maxillo-faciale et esthétique CHU Charles Nicolle, Tunis, Tunisie.

b- Service d’ORL et CMF. CHU La Rabta, Tunis, Tunisie

c- Service de chirurgie maxillo-faciale et de chirurgie plastique, CHU de Sahloul, Sousse, TunisieIntroduction:L’ostéoradionécrose des maxillaires constitue une complication bien connue de la radiothérapie cervico-faciale. Elle fut décrite pour la première fois par Regaud [1] en 1922.Sa localisation préférentielle est mandibulaire.Sa prise en charge est une priorité, dans la mesure où il s’agit de patients rémission de leur pathologie carcinomateuse initiale.Une fois déclaré elle est irréversible[2], et sa prise en charge est très difficile en rapport avec les antécédents lourds des patients, l’altération tissulaire des tissus irradiés. Cette complication peut être létale en dépit du pronostic de la pathologie carcinomateuse initiale.

Références:1-Regaud C. Sur la necrose des os attent¯e par un processus cancereux et

traites par les radiaions. Compt Rend Soc Biol 1922;87:629. Quoted in

Oral Surg 1951; 4.

2-Osteoradionecrosis of the jaws: current understanding

of its pathophysiology and treatment.

Andrew Lyons a,∗, Naseem Ghazali b. Br J Oral Maxillofac Surg , 46 (2008) 653–660.

3-Schwartz HC, Kagan AR. Osteoradionecrosis of the mandible:scientific basis for clinical staging. Am J Clin Oncol 2002;25:168–71.4-Store G, Boysen M. Mandibular osteoradionecrosis: clinical behaviourand diagnostic aspects. Clin Otolaryngol Allied Sci 2000;25:378–84.5-Marx RE. A new concept in the treatment of osteoradionecrosis. J Oral

Maxillofac Surg 1983;41:351–7.

6-Teng MS, Futran ND. Osteoradionecrosis of the mandible. Curr Opin

Otolaryngol Head Neck Surg 2005;13:217–21.

Matériels et méthodes:Le travail présenté est une étude rétrospective, réalisée au sein du service de chirurgie maxillo-faciale au CHU de Sahloul, Sousse, Tunisie.Incluant les patients pris en charge pour ORN secondaire a une irradiation pour néoplasie des VADS, sur une période de 25 ans entre 1988 et 2013 et ayant un suivi de 2 mois minimum.Ont été étudié sur les dossiers de ses patients:

Variables épidémiologiques: âge, sexe Variables avant la radiothérapie: Etat bucco-dentaire antérieurModalité de la radiothérapie: type, dose, fractionnement des

dosesVariables après la radiothérapie: signes fonctionnels (Délai et

motif de consultation, localisation)Modalités thérapeutiques de l’ostéoradionécrose: Traitement

préventif, Traitement chirurgical.

Résultats:16 hommes et 6 femmes, l'âge moyen était de 49 ans [16-76].

Tumeur a l’origine de l’indication de la RT.

* ATCD et facteurs généraux:Les ATCD compromettant la microcirculation était noté chez 54,5 % des cas (Diabète, athérosclérose, HTA)Stade TNM initial (!!)Etat bucco-dentaire antérieur: • 1 patient: édenté avant la radiothérapie.• 3 patients: édentés totaux au moment du diagnostic de l’ORN.• L’ensemble de nos patients présentaient une mauvaise hygiène

buccodentaire.La dose totale d’irradiation: (connue pour 6 cas seulement).

75 Gy pour 5 patients.72 Gy pour un patient.

Le rythme des irradiations:2 Gy/séance et 5 séances /semaine.

L’hypo-fractionnement: (noté pour un seul patient). 5 Gy /séance.

Délai d’apparition: Délai moyen après radiothérapie: 4 ans (2 mois à 10 ans).

facteur déclenchant ORN

Nombre de patient %

nécrose tumorale 0 0 %

récidive tumorale 0 0 %

Traumatisme dentaire ou chirurgicale

8 58 %

Extraction dentaire après la radiothérapie

6 42 %

Irritation prothétique 1 4,5 %

Modalités de révélation:

Le motif de consultation le plus fréquent était la douleur dans 36,4% suivi d'une mobilité dentaire et l’apparition d’une tuméfaction dans 18,2% chacun.Les patients était classés stade II de breton dans la moitié des cas, et en stade III dans 41 % des cas, témoignant d’une révélation relativement tardive.La localisation était maxillo-mandibulaire dans 6 cas parmi lesquelles 4 atteintes bilatérales, mandibulaires isolées dans 4 cas et maxillaires isolées dans 4 cas.

Traitement préventif:8 dossiers (63,6%) comprenant :

- Port des gouttières fluorées, durée non précisée: 4 patients.

- Des avulsions dentaires après la radiothérapie: 6 patients.

- L’arrêt de l’intoxication alcoolo-tabagique: 4 patients. - Oxygénothérapie hyperbare à titre préventif : 0 cas

Traitement Curatif:Oxygénothérapie hyperbare

Une seule patiente: traitement par oxygénothérapie hyperbare à titre curatif (14 séances).

-sans amélioration -Elle n’a pas eu d’autres séances post opératoires.-Aucune complication liée à l’OHB n’a été signalée.

Traitement chirurgical (1)20 patients (soit 91 %).

Illustration clinique:

27 ans , UCNT du Cavum, ORN stade III Breton et stade III de Store.PEC chirurgicale par lambeau libre de péroné.Bilan radiologique, temps opératoire et contrôle post-op.

Discussion:Selon la littérature, l'âge moyen de survenue de l’ORN est de 55 ans, soit l'âge de survenue des cancers des VADS.Le délai d’apparition del’ORN est très variable, allant de quelques mois a plusieurs années après la RT, en pratique il faut considérer que l’ORN peut se déclarer durant toute la vie chez un patient ayant eu une irradiation cervico-faciale, justifiant une surveillance très prolongée même après rémission carcinologique.La mandibulaire est bien plus souvent touchée que tous les autres os de la face[3], son incidence varie de 2 a 22 %, et touche plus souvent le corps de la mandibule [4].Elle est en rapport directe avec les altération tissulaires secondaires a l’irradiation, et dépend tout naturellement de la dose, son fractionnement ainsi que son étalement[3].Plusieurs théories sont évoquées quant a la physiopathologie des ORN, mais la plupart des auteurs semblent s’accorder sur la théories des 3 H ( hypocellularité, hyopvascularisation et hypoxie).La prise en charge repose sur le trépied prévention, conduite de l’irradiation et le traitement qui repose sur l’amélioration de la perfusion.La prévention, en pré et post irradiation reposant sur la bonne hygiène buccodentaire,

l’oxygénothérapie hyperbare associé a la pentoxyohilline, tocophérol ainsi qu’une

antibiothérapie en cas de geste dentaire prévu sur un os irradié [2].Le traitement d’une ORN déclarée, dépendra du stade de cette dernière, mais l’objectif est toujours le même une amélioration de la perfusion, la prévention de la surinfection ou le traitement de celle ci.Selon Marx et sur une série de 60 patient seulement 15% ont répondu favorablement a une OHB a titre curative, une chirurgie était nécessaire chez les patients ayant évolué défavorablement[5].Pour les stades avancées, la chirurgie de revascularisation devient le Gold standard, reposant sur les sequestrectomie, suivis de reconstruction par lambeau libres osseux ou composite étant de plus en plus clair que l’OHB seule est inefficace, et qu’elle constitue un traitement complémentaire a la chirurgie.[6]Dans notre série la seule patiente ayant eu une résection osseuse et des parties molles étendue avec reconstruction par lambeau libre composite de péroné a évolué favorablement avec un recul de 4 ans actuellement.Conclusion:L’ostéoradionécrose est une complication majeure de la radiothérapie. Cependant cette dernière est incontournable dans le traitement de certains néoplasme de la région cervico-faciale.Quoi qu’il en soit, il ne faut pas oublier que la pire des complications dans le traitement des cancers reste la récidive ou la poursuite évolutive de la néoplasie.La prise en charge de l’ORN est chirurgicale avant tout, en effet seul le traitement chirurgical, associé a l’OHB ainsi qu’un traitement médicamenteux permet l’éradication de la pathologie.

Déclarations d’intérêt : Pas de conflit d’intérêt E-Mail : [email protected] , [email protected]