8
Introduction L’orientation diagnostique devant une éosinophilie est une situation à laquelle tout médecin, spécialiste ou généraliste, peut être confronté, tant son contexte est variable et ses causes multiples. L’augmentation des éosinophiles peut correspondre à 11 grands sous-groupes étiologiques, à savoir 1) l’atopie, 2) les allergies médicamenteuses, 3) les causes toxiques, 4) les causes para- sitaires, 5) dermatologiques, 6) digestives ou 7) pulmonaires, 8) certains déficits immunitaires, 9) certaines maladies systé- miques, 10) certaines néoplasies solides ou hématologiques, et enfin 11) le syndrome hyperéosinophilique idiopathique. Il faut séparer les deux principaux mécanismes de l’éosinophilie : un mécanisme réactionnel qui correspond aux 10 premiers sous-groupes étiologiques ; et un mécanisme primitif, se tradui- sant par des anomalies intrinsèques à la cellule éosinophile elle- même ou aux cytokines qui lui sont spécifiques. De ce fait, le syn- drome hyperéosinophilique idiopathique correspond à un diagnostic d’exclusion à évoquer devant une éosinophilie impor- tante et persistante pour laquelle aucune étiologie secondaire n’est retrouvée. Le polynucléaire éosinophile Le polynucléaire éosinophile est présent essentiellement dans les tissus, sa demi-vie sanguine n’étant que de 18 heures au maximum. La maturation médullaire de cette cellule myéloïde est contrôlée par divers facteurs de transcription, notamment GATA-1, PU.1 et c/EBP, et par les « éosinopoïétines », à savoir le GM-CSF, l’interleu- kine-3 (IL-3) et l’IL-5. L’IL-5 est la cytokine la plus spécifique de la lignée éosinophile, dont la production est assurée par cette même cellule, les mastocytes, les basophiles et les lymphocytes Th2. Après une stimulation antigénique (micro-organismes, aller- gènes, médiateurs de l’inflammation, fragment Fc des IgA/E/G, complexes immuns ou cytokines), la cellule éosinophile peut exer- cer selon les cas une activité cytotoxique directe sur les parasites ou les cellules cancéreuses ; une activité pro-inflammatoire avec recrutement d’autres cellules inflammatoires par le biais de la sécrétion de diverses cytokines Th1 ou Th2 ; une activité immu- norégulatrice adaptative par le biais d’une production de cyto- kines (Th2) ou de modulations locales de l’activité lymphocytaires après une présentation antigénique. L’activité cytotoxique de cette cellule repose notamment sur ses capacités de dégranulation et de libération de protéines cationiques (la MBP ou protéine basique majeure, l’EPO ou peroxydase de l’éosinophile, l’EDN ou neurotoxine dérivée de l’éosinophile, ou l’ECP, protéine cationique de l’éosinophile). Par définition, l’éosinophilie correspond à une augmentation du chiffre des polynucléaires éosinophiles sanguins à plus de 500/mm 3 . Il n’y a pas de correspondance stricte entre cette valeur et l’importance de l’infiltration éosinophilique tissulaire, locale au sein d’un foyer inflammatoire spécifique ou systémique. Dans ce cas, on retrouve l’infiltration éosinophile potentiellement au niveau de tout organe, cependant préférentiellement dans les tissus pulmonaire, myocardique et cutané. Deux mécanismes pathogéniques peuvent concourir à la sur- venue d’une éosinophilie : – un processus réactionnel inflammatoire local (invasion parasi- taire) ou systémique (allergie médicamenteuse), médié par une augmentation non spécifique des diverses cytokines régula- trices de la production médullaire de l’éosinophile ; – un processus prolifératif clonal soit de l’éosinophile lui-même, soit de cellules productrices de la cytokine majeure de sa régu- lation, en l’occurrence le lymphocyte T sécrétant de l’IL-5. À cette classification mécanistique s’appose la classification étio- logique, à savoir respectivement, d’une part les hyperéosinophilies réactionnelles, et d’autre part lesyndrome hyperéosinophilique idiopathique, ce dernier se démembrant lui-même en variant myé- loïde et en variant lymphoïde. LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 65 2015 1 ÉOSINOPHILIE Dr Achille Aouba, Dr Omid Amir-Moazami Service d’immunologie clinique-médecine interne, hôpital Antoine-Béclère, AP-HP, 92141 Clamart Cedex, université Paris-11, Le Kremlin-Bicêtre, France [email protected] Item 214 R R objectifs ARGUMENTER les principales hypothèses diagnostiques devant une hyperéosinophilie et DEMANDER les premiers examens complémentaires les plus pertinents. TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN

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IntroductionL’orientation diagnostique devant une éosinophilie est une

situation à laquelle tout médecin, spécialiste ou généraliste, peut être confronté, tant son contexte est variable et ses causesmultiples.

L’augmentation des éosinophiles peut correspondre à 11 grandssous-groupes étiologiques, à savoir 1) l’atopie, 2) les allergiesmédicamenteuses, 3) les causes toxiques, 4) les causes para- sitaires, 5) dermatologiques, 6) digestives ou 7) pulmonaires, 8) certains déficits immunitaires, 9) certaines maladies systé-miques, 10) certaines néoplasies solides ou hématologiques, etenfin 11) le syndrome hyperéosinophilique idiopathique.

Il faut séparer les deux principaux mécanismes de l’éosinophilie :un mécanisme réactionnel qui correspond aux 10 premierssous-groupes étiologiques ; et un mécanisme primitif, se tradui-sant par des anomalies intrinsèques à la cellule éosinophile elle-même ou aux cytokines qui lui sont spécifiques. De ce fait, le syn-drome hyperéosinophilique idiopathique correspond à undiagnostic d’exclusion à évoquer devant une éosinophilie impor-tante et persistante pour laquelle aucune étiologie secondairen’est retrouvée.

Le polynucléaire éosinophile

Le polynucléaire éosinophile est présent essentiellement dansles tissus, sa demi-vie sanguine n’étant que de 18 heures aumaximum.

La maturation médullaire de cette cellule myéloïde est contrôléepar divers facteurs de transcription, notamment GATA-1, PU.1 etc/EBP, et par les « éosinopoïétines », à savoir le GM-CSF, l’interleu-

kine-3 (IL-3) et l’IL-5. L’IL-5 est la cytokine la plus spécifique de lalignée éosinophile, dont la production est assurée par cette mêmecellule, les mastocytes, les basophiles et les lymphocytes Th2.

Après une stimulation antigénique (micro-organismes, aller-gènes, médiateurs de l’inflammation, fragment Fc des IgA/E/G,complexes immuns ou cytokines), la cellule éosinophile peut exer-cer selon les cas une activité cytotoxique directe sur les parasitesou les cellules cancéreuses ; une activité pro-inflammatoire avecrecrutement d’autres cellules inflammatoires par le biais de lasécrétion de diverses cytokines Th1 ou Th2 ; une activité immu-norégulatrice adaptative par le biais d’une production de cyto-kines (Th2) ou de modulations locales de l’activité lymphocytairesaprès une présentation antigénique.

L’activité cytotoxique de cette cellule repose notamment surses capacités de dégranulation et de libération de protéinescationiques (la MBP ou protéine basique majeure, l’EPO ouperoxydase de l’éosinophile, l’EDN ou neurotoxine dérivée del’éosinophile, ou l’ECP, protéine cationique de l’éosinophile).

Par définition, l’éosinophilie correspond à une augmentation duchiffre des polynucléaires éosinophiles sanguins à plus de500/mm3. Il n’y a pas de correspondance stricte entre cettevaleur et l’importance de l’infiltration éosinophilique tissulaire,locale au sein d’un foyer inflammatoire spécifique ou systémique.Dans ce cas, on retrouve l’infiltration éosinophile potentiellementau niveau de tout organe, cependant préférentiellement dans lestissus pulmonaire, myocardique et cutané.

Deux mécanismes pathogéniques peuvent concourir à la sur-venue d’une éosinophilie :– un processus réactionnel inflammatoire local (invasion parasi-

taire) ou systémique (allergie médicamenteuse), médié par uneaugmentation non spécifique des diverses cytokines régula-trices de la production médullaire de l’éosinophile ;

– un processus prolifératif clonal soit de l’éosinophile lui-même,soit de cellules productrices de la cytokine majeure de sa régu-lation, en l’occurrence le lymphocyte T sécrétant de l’IL-5. À cette classification mécanistique s’appose la classification étio-

logique, à savoir respectivement, d’une part les hyperéosinophiliesréactionnelles, et d’autre part lesyndrome hyperéosinophiliqueidiopathique, ce dernier se démembrant lui-même en variant myé-loïde et en variant lymphoïde.

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 652015 1

ÉOSINOPHILIEDr Achille Aouba, Dr Omid Amir-Moazami

Service d’immunologie clinique-médecine interne, hôpital Antoine-Béclère, AP-HP, 92141 Clamart Cedex, université Paris-11, Le Kremlin-Bicêtre, France

[email protected]

Item 214

RR

objectifsARGUMENTER les principales hypothèses diagnostiques devant une hyperéosinophilie et DEMANDER les premiers examens complémentaires les plus pertinents.

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TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN

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Classification étiologique des hyperéosinophiliesHyperéosinophilies réactionnelles (ou secondaires)

De nombreuses affections pouvant être regroupées en 10 sous-groupes étiologiques peuvent s’accompagner d’une réaction éosi-nophilique (tableau 1). C’est de loin le mécanisme le plus fréquent.

La circonstance de découverte la plus fréquente est la mise enévidence d’une éosinophilie modérée de découverte fortuite.L’exemple typique est la maladie atopique ou certaines affectionsauto-immunes comme le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde aucours desquels l’éosinophilie est plus une curiosité qu’un pro-blème par lui-même.

Plus rarement, il s’agit d’une éosinophilie plus marquée(>1 500), symptomatique et/ou chronique. Les symptômes peu-vent être liés à la maladie sous-jacente ou à l’infiltration tissulaireavec éventuellement dysfonction d’organe. L’exemple le plusillustratif est l’éosinophilie périodique correspondant aux phasesde migration tissulaire d’une parasitose digestive, d’une filariose(tableau 2, fig. 1) ou d’une schistosomiase (tableau 2, fig. 2) avecconstitution à bas bruit d’une insuffisance cardiaque par fibroseendomyocardique.

Dans ce contexte, peuvent exister des situations d’urgence(tableau 3).

Hyperéosinophilies primitives ou syndromehyperéosinophilique idiopathique

Le syndrome hyperéosinophilique idiopathique est défini par laréunion de 4 critères établis par Chusid : une éosinophilie supé-rieure à 1 500/mm3 persistant plus de 6 mois, s’accompagnantde manifestations viscérales et sans cause secondaire retrouvée.

Les progrès récents de biologie moléculaire ont permis dedémembrer ce groupe, apparaissant initialement homogène, enquatre sous-entités indépendantes selon les mécanismespatho géniques conduisant à l’éosinophilie.

1. Syndromes hyperéosinophiliques d’origine myéloproliférative : la variante myéloïde du syndrome hyperéosinophilique idiopathiqueIls se caractérisent par une présentation clinique et biologique

se rapprochant de celle de la leucémie myéloïde chronique, avectypiquement une splénomégalie, une thrombopénie, une aug-mentation de la vitamine B12, et parfois une fibrose médullaire oudes anomalies morphologiques cellulaires rendant difficile leurdistinction avec une leucémie à éosinophiles. Il s’agit ici d’ano-malies moléculaires spécifiques survenues sur des cellules pro-génitrices médullaires de la lignée des éosinophiles, leur confé-rant une capacité autonome de prolifération excessive.

Dans la majorité des cas, les techniques cytogénétiques ou molé-culaires ne retrouvent pas d’anomalie récurrente (1er sous-type).

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 6520152

Item 214 ÉOSINOPHIL IERR

Principales causes d’hyperéosinophilie secondaire

TABL

EAU

1

Atopie� Asthme

� Allergies diverses

Médicaments, y compris DRESS � Bêtalactamines

� Anti-inflammatoires non stéroïdiens

� Allopurinol

� Sulfamideshypoglycémiants

Toxiques� Huile toxique (Espagne)

� L-tryptophane

Parasitoses� Helminthiases

� Téniasis

� Hydatidose

� Bilharzioses

� Filarioses

Dermatoses non allergiques� Pemphigoïde bulleuse

� Mastocytose

Affections digestives� Maladie de Whipple

� Maladie de Crohn

Affections pulmonaires� Aspergillosebronchopulmonaireallergique

� Maladie de Carrington

Déficits immunitaires� Syndrome de Wiskott-Aldrich

� Syndrome de Job-Buckley

Maladies systémiques� Polyarthrite rhumatoïde

� Lupus érythémateuxdisséminé

� Polymyosite

� Fasciite à éosinophiles(Shulman)

� Angéite de Churg-Strauss

� Périartérite noueuse

� Maladie de Wegener

� Emboles de cristaux de cholestérol

� Syndrome de Wells

� Brûlures étendues

� Radiothérapie

� Insuffisance surrénale

� Splénectomie ou asplénie fonctionnelle

� GVH post-allogreffemédullaire

� Syndrome hyper-IgG4

Affections tumoraleshématologiques ou solides� Lymphome de Hodgkin

� Lymphomes T

� Cancers : � bronchopulmonaire, � utérin, � gastrique, � colique…

DRESS : Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms ; GVH : réaction du greffon contre l’hôte.

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Il existe un type particulier de syndrome hyperéosinophilique idio-pathique myéloïde caractérisé par la présence du transcrit FIP1L1-PDGFRα. Le substratum moléculaire de ce dernier procède d’unefusion anormale de ces 2 gènes, à la suite d’une cassure spécifiqued’un segment du bras long du chromosome 4 avec expulsion d’un3e gène qui les séparait, suivie d’un réarrangement de ce bras,cette microdélétion survenant au sein des précurseurs médullaireséosinophiliques. La mise en contact anormale du FIP1L1 et duPDGFRα conduit à une hyperactivation permanente du récepteur(Rα) du PDGF (Platelet Derivated Growth Factor), responsable d’unsignal de prolifération excessive des éosinophiles. Ce récepteurappartient à la famille des tyrosines kinases dont fait partie legène ABL qui est impliqué dans l’anomalie moléculaire acquiseresponsable de la leucémie myéloïde chronique.

2. Syndromes hyperéosinophiliques en rapport avec une hyperactivation lymphocytaire T : la variante lymphoïde du syndrome hyperéosinophilique idiopathiqueIl s’agit ici d’une population clonale ou activée de lympho-

cytes T, le plus souvent CD4, qui sécrète des quantités exces-sives d’interleukine (IL-5) responsables d’une prolifération anor-male des éosinophiles. Une hyper-IgE et des manifestationsatopiques et/ou des angio-œdèmes (syndrome de Gleich) sontcaractéristiques de cette entité.

Les récentes techniques de biologie moléculaire et d’immuno-phénotypage permettent la détection le plus souvent d’un cloneou d’une population activée de lymphocytes T CD4 positifs, enrègle minime ne représentant que de 1 à 4 % des lymphocytes T,dont la caractéristique est de présenter un trou phénotypique surl’expression du CD3 (lymphocytes T CD3– et CD4+). Plus rarement,il peut s’agir des lymphocytes T CD3+ CD4– et CD8– ou CD3+ CD7–.

3. Syndromes hyperéosinophiliques pour lesquels aucun mécanisme moléculaire n’est encore retrouvéNombre de syndrome hyperéosinophilique idiopathique restent

sans explication mécanistique, ce diagnostic n’étant retenuqu’après élimination formelle et répétée des causes secondaires,et souvent après un traitement antiparasitaire d’épreuve par iver-mectine et/ou albendazole.

Citons dans ce groupe les hyperéosinophilies de chevauche-ment avec les syndromes mastocytaires, celles associées à desatteintes organiques spécifiques comme le poumon (le syndromede Carrington avec son aspect d’infiltrat en œdème aigu du pou-mon inversé) ou le côlon et les hyperéosinophilies familiales.

Physiopathologie et manifestations cliniques communes

La pathogénie des hyperéosinophilies, qu’elles soient primitivesou secondaires, est liée à l’infiltration massive de divers organespar les éosinophiles et à la libération du contenu de leurs granula-tions. Cependant, du fait du caractère pérenne et de l’importancesouvent plus grande de l’éosinophilie, les manifestations cliniquesdes hyperéosinophilies ont surtout été décrites dans le syndromehyperéosinophilique idiopathique.

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 652015 3

Éosinophilie

POINTS FORTS À RETENIR

Dans l’exploration étiologique d’une éosinophilie,l’interrogatoire, étape essentielle de l’examen clinique,cherche à faire le point sur des voyages éventuels en pays tropicaux quelle que soit leur ancienneté. Le cas échéant, l’anguillose (seule nématodose ayant un cycle interne d’auto-réinfestation avec pérennisation possible sur de nombreuses décennies et possible dissémination multisvicérale mortelle chezl’immunodéprimé) doit être recherchée en priorité(parasitologie des selles sur 3 jours avec enrichissement) et systématiquement traitée (ivermectine) avant toutethérapeutique immunosuppressive.

Dans la démarche diagnostique d’une éosinophilie dont les étiologies sont multiples, les causes secondaires de loin les plus fréquentes doivent être systématiquementpassées en revue. Le fil conducteur peut en être l’existence ou non d’antécédents (atopie ?), d’autres anomalies de l’hémogramme (myélémie ou basophilie orientant vers une leucémie myéloïde aiguë ou chronique), d’un syndrome inflammatoire biologique (cancers, maladiesauto-immunes ou une parasitose comme la trichinose avecdans ce cas augmentation des enzymes musculaires-CPK…).Le caractère fluctuant de l’éosinophile orientera vers desparasitoses digestives avec un cycle de migration tissulaire.

Dans un second temps, si l’éosinophilie persiste plus de 6 mois avec des valeurs très augmentées à plus de 1 500/mm3, les formes primitives avec leurs deux variants,myéloïde (augmentation de la vitamine B12, de l’acide urique,biopsie ostéomédullaire, myélogramme caryotype, transcritFIP1L1-PDGFRα…) et lymphoïde (augmentation importantedes IgE, recherche d’un clone T par immunophénotypagelymphocytaire et biologie moléculaire) seront à rechercher. Une corticothérapie et un traitement cytoréducteur sont à proposer en première intention, respectivement aux deux variants, à moins que dans ce dernier cas il ne s’agissed’une forme avec la mutation FIP1L1-PDGFRα pour laquellel’imatinib (Glivec) est le traitement de choix.

Dans nombre de cas, aucune cause n’est retrouvée. La persistance à des chiffres importants de l’éosinophile après un traitement d’épreuve antiparasitaire large(ivermectine et albendazole notamment) fait retenir une probable forme primitive ou idiopathique et une surveillance clinique et complémentaire veille à diagnostiquer tout retentissement viscéral qui seulnécessiterait un traitement.

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Le syndrome hyperéosinophilique idiopathique est une patho-logie essentiellement du sexe masculin (sex-ratio 8/2). Les atteintesles plus précoces et les plus fréquentes sont bronchopulmo-naires (pleurésies éosinophiliques, infiltrats interstitiels…), lesplus graves sont cardiaques (insuffisance cardiaque par fibroseendomyocardique, myocardite aiguë, thromboses, valvulopa-thies…) et neurologiques (encéphalopathie, atteintes focales…). Desatteintes cutanées (prurit, maculo-papules…), digestives (malab-sorption, hépatomégalie, pancréatite, ascite éosinophilique),rénales, musculaires ou rétiniennes sont également décrites.

Dans le syndrome hyperéosinophilique idiopathique lym-phoïde, il est observé une plus grande fréquence d’atteinte cuta-née à type d’urticaire, d’eczéma ou d’angio-œdème (syndromede Gleisch). À l’inverse, la constatation d’hémorragies sous-unguéales ou de livedo reticularis, stigmates de thromboses veineuses profondes, ainsi que d’ulcérations buccales, caracté-ristiques des formes avec transcrit FIP1L1-PDGFRα, sont plutôtl’apanage des formes myéloïdes.

Conduite diagnostique pratique et principes du traitement (fig. 3 et 4)

À la découverte d’une hyperéosinophilie significative, ladémarche diagnostique commence par la recherche de causessecondaires, qui sont de loin les plus fréquentes. L’interrogatoire

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 6520154

Item 214 ÉOSINOPHIL IERR

Principales causes parasitaires d’hyperéosinophilie

TABL

EAU

2

Toxocarose � Ankylostomose � Pays tropicaux et subtropicaux� Anguillulose

Trichinose � Bilharzioses :� urinaire � Afrique, Moyen-Orient� intestinale � Afrique, Amérique centrale et du Sud, Antilles,

Extrême-Orient, Laos, Thaïlande, Cambodge� rectale � Afrique équatoriale

Distomatose hépatique � Distomatoses :(en cas de fissuration � intestinale � Asie, Égyptedu kyste) � pulmonaire et cérébrale (paragonimose) � Asie, Amérique

Ascaridiose � Filarioses : � loase � Afrique centrale et de l’Ouest

Téniases � dracunculose � Afrique, Asie� onchocercose � Afrique intertropicale, foyers américain et asiatique� lymphatiques � Zones inter- et subtropicale

� Anisakiase � Japon

Type de parasite Localisation géographique

Parasitoses tropicalesParasitoses cosmopolites

Patient camerounais de 45 ans sans antécédent médical, résidant depuis 15 ans en France et sans voyage tropical depuis lors.Hyperéosinophilie fluctuante constatée rétrospectivement sur deshémogrammes remontant à 5 ans, prurit intermittent cutané et oculaire avecsensation épisodique de corps étranger sous-conjonctival.

Sérologie loase revenue positive, faible microfilarémie sanguine sur frottissanguin pratiqué à 12 h 00 et constatation en consultation d’un larva migranssous-conjonctival bulbaire (photo : Dr Aouba).

Traitement efficace par ivermectine, sous couvert de cortisone et d’antihistaminiques, sans rechute sur un recul de 2 ans.

FIGURE 1

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garde une place prépondérante à la recherche d’une atopie,d’une allergie médicamenteuse, d’une affection systémique, oud’une parasitose (tableau 4). Ce dernier cas est orienté pard’éventuels séjours en milieu tropical permettant de distinguerparasitoses cosmopolites et tropicales (tableau 2).

Dans le même temps, les diagnostics différentiels de syndromemyéloprolifératif aigu de type leucémie à éosinophile sont écartéset des examens cherchant à identifier d’éventuelles atteintesorganiques (cœur, poumons, foie…) sont entrepris. Un traitementd’épreuve antiparasitaire large (ivermectine ou albendazole), unscanner thoraco-abdomino-pelvien et/ou une endoscopiedigestive à la recherche d’un cancer profond sont discutés à la finde cette première étape diagnostique, en l’absence d’autre pointd’appel clinique. En cas de négativité de cette premièredémarche et de persistance de l’éosinophilie à des valeurs deplus de 1 500/mm3 sur plus de 6 mois, les formes idiopathiquessont alors à évoquer, plus précocement en cas d’atteinte orga-nique identifiée. Des examens spécialisés tels que la biopsieostéomédullaire, le myélogramme et le caryotype médullaires, labiologie moléculaire et les techniques d’immunophénotypagelymphocytaire clôturent cette étape investigatrice.

En fonction de ce bilan, la conduite à tenir est adaptée. En cas d’absence de diagnostic étiologique et de retentissement clinique :

une simple surveillance suffit, avec évaluation systématique tousles 6 mois d’un éventuel retentissement organique.

En cas d’absence de diagnostic étiologique mais en présence d’un retentis-sement fonctionnel général (fièvre, altération de l’état général) ou organique :une corticothérapie en première ligne thérapeutique est licite.

En cas d’identification d’une cause secondaire : le pronostic desformes secondaires est souvent bon et lié à l’efficacité thérapeu-tique sur la cause. En dehors des causes parasitaires, une corti-cothérapie d’appoint peut être associée au traitement de lamaladie causale.

En cas d’identification d’un syndrome hyperéosinophilique idiopathiquede type myéloïde ou lymphoïde, le pronostic reste très difficile à établir.Il varie selon les différentes formes pathogéniques du syndromehyperéosinophilique, l’importance de l’infiltration tissulaire, quin’est pas forcément corrélée à celle de l’éosinophilie sanguine, etenfin selon les différentes atteintes d’organe.

Le pronostic vital peut être engagé en moins de 6 mois, essen-tiellement par les atteintes cardiaques et neurologiques. Parfois,une atteinte viscérale peut ne survenir qu’après plusieurs annéesd’évolution.

En règle générale, les syndrome hyperéosinophilique idiopa-thique de type myéloprolifératif sont de moins bon pronostic, lacorticothérapie y étant peu ou pas efficace. Des traitementscytotoxiques (hydroxyurée, étoposide…) et/ou immunosuppres-seurs (cladribine, ciclosporine) ou encore l’interféron α peuventet doivent être choisis en première intention quand ce diagnosticest établi. Ces thérapeutiques ne permettent le plus souventqu’un contrôle relatif de l’éosinophilie et de ses conséquencesorganiques, sans probablement modifier le pronostic de la maladie

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 652015 5

Patiente malienne de 27 ans, résidant en France et sans voyagedepuis 20 ans. Hyperéosinophilie fluctuante constatée fortuitement lors dusuivi systématique d’une première grossesse. Sérologie bilharziose revenue positive, et constatation de calcificationsvésicales au scanner thoraco-abdomino-pelvien réalisé après l’accouchement.ECBU négatif sans trace de sang et identification de nombreux œufs de bilharzies de type Schistosoma hæmatobium dont la majorité est calcifiée sur un culot urinaire analysé en anatomopathologie. Cystoscopie vésicaleéliminant un processus néoplasique secondaire.

Traitement par biltricide (Praziquantel) dès que l’alimentation du nourrisson au sein a pu être suspendue durant 4 jours, du fait du passage de la moléculedans le lait maternel.

FIGURE 2

Situations d’urgence diagnostique et thérapeutiquedevant une éosinophilie parasitaire

TABL

EAU

3

Syndrome d’invasion larvaire sévère avec défaillances viscérales� Fièvre, éruption cutanée (urticaire), signes digestifs, syndrome de Löffler� Myocardite (toxocarose, trichinose) � Manifestations neurologiques

� Corticothérapie systémique en sus du traitement spécifique

Syndrome d’hyperinfestation à anguillule (anguillulose maligne)� Invasion et défaillance multiviscérale (poumon, système nerveuxcentral, cœur…) par les larves parasitaires, quasiment toujours fatale� Terrain : sujet immunodéprimé par des traitements immunosuppresseursou une corticothérapie, infection par le virus HTLV1

� Toujours dépister, voire systématiquement traiter une possibleanguillulose asymptomatique chez tout sujet ayant séjourné en zone tropicale, même 40 ans auparavant, avant l’administration de ces types de traitements

Syndrome de lyse parasitaire � Traitement inapproprié d’une filariose avec charge parasitaire élevée � Choc anaphylactique avec urticaire, asthme, encéphalopathie et défaillance multiviscérale

� En prévention : surveillance en milieu spécialisé, antihistamiques,corticothérapie, doses progressives et choix de traitement séquentielpar des molécules filaricides puis microfilaricides, le cas échéant

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LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 6520156

Item 214 ÉOSINOPHIL IERR

Blastose, cytopénies,

etc.

Explorationsmédullaires

orientées surune hémopathie

EXM1 Régression

parfoisPersistance

sans diagnosticDiagnostic

positif

� Sérologies parasitaires

� Traitement antiparasitaire

d’épreuve à large spectre(albendazole

ou ivermectine)

Recherche : cancer lymphome ou auto-immunité, déficit immunitaire

EXM7

Syndrome tumoralEXM2

ParasitoseEXM5

Allergie médicamenteuse

EXM3

Maladie auto-immune

EXM6

AtopieEXM4

ÉOSINOPHILES > 500/mm3

Autres anomalies de la NFS

Anomalies cliniques

Pas de syndrome inflammatoire

biologique

Syndrome inflammatoire

biologique

- Interrogatoire- Clinique - Autres lignées de la NFS

ORIENTATION ABSENCE D’ORIENTATION

Éosinophilie idiopathique ?(voir fig. 4)

Conduite diagnostique pratique. EXM : groupe d’examens complémentaires, v. « Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ? ».FIGURE 3

Principes du traitement.FIGURE 4

RECHERCHE NÉGATIVE D’UNE CAUSE SECONDAIRE SUSPICION D’UNE ÉOSINOPHILIE IDIOPATHIQUE

Bilan de retentissement organique� Clinique� Paraclinique = ECG, ETT, RX thorax, ± scanner TAP, LBA…

Bilan de seconde intention : syndrome hyperéosinophilique idiopatique (ou primitif) : syndrome hyperéosinophilique idiopathique

� syndrome hyperéosinophilique idiopathique variant myéloïde :myélogramme, caryotype, recherche du transcrit de fusion FIPIL1-PDGFRαpar FISH ou RT-PCR

� syndrome hyperéosinophilique idiopathiquevariant lymphoïde :immunophénotypage des lymphocytes circulants et recherche d’une clonalité T(population clonale T CD3- et CD4+)

� Éventuelle biopsie d’organe : preuve de l’implication éosinophilique

ABSENCE de retentissement organique :

SURVEILLANCE NFS et clinique régulière

RETENTISSEMENT ORGANIQUE

Si persistance > 6 mois ou

apparition de complications

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myéloïde dont le risque de transformation en syndrome myélo-prolifératif chronique plus agressif ou aigu persiste. Dans lesformes graves et réfractaires de ce sous-type, une allogreffe demoelle peut être discutée notamment chez des sujets jeunes,selon l’existence d’éventuelles anomalies cytogénétiques àrisque élevé. L’exception à cette règle correspond à la facilité detraitement et de contrôle quasi systématique des formes myé-loïdes à transcrit FIP1L1-PDGFRα, où la première molécule inhibi-trice des tyrosines kinases, l’imatinib (Glivec), a une efficacité cli-nique spectaculaire avec disparition du transcrit chez quasimenttous les patients traités avec une dose moindre que pour la leu-cémie myéloïde pour laquelle elle a initialement été développée.

Dans le syndrome hyperéosinophilique lymphoïde, une régres-sion rapide de l’éosinophilie est souvent observée en unesemaine sous cortisone. Le pronostic est souvent meilleur, sousla réserve d’une possible évolution de l’anomalie de fond vers unsyndrome lymphoprolifératif. En cas d’échec des corticoïdes oude corticodépendance, les immunosuppresseurs (interféron,ciclosporine…), ou alors le mépolizumab ou le reslizumab, anti-corps monoclonaux anti-IL5, ont une efficacité intéressantequand cette cytokine est retrouvée anormalement élevée.•

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A. Aouba et O.Amir-Moazami déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.

POUR EN SAVOIR

Aouba A, Hermine O. Hypereosinophilic syndrome: an entity to be dismembered.Rev Prat 2005;55:1686-7.

Piroth L, Pulcinini C, Rapp C, Pilly E. Maladies infectieuses et tropicales ; chap. 23 Hyperéosinophilie; 24e édition; France : groupe Burlat. 2013:146-51.

Metzgeroth G, Walz C, Erben P, et al. Safety and efficacy of imatinib in chronic eosinophilic leukaemia and hypereosinophilic syndrome – a phase-IIstudy. BJH 2008;143:707-15.

Weller PF, Bubley GJ. The idiopathic hypereosinophilic syndrome. Blood 1994;83:2759-79.

Coutre S, Gotlib J. Targeted treatment of hypereosinophilic syndromes and chronic eosinophilic leukemias with imatinib mesylate. Semin Cancer Biol 2004;14:23-31.

Prin L, Lepers S, Roumier AS, Dubucquoi S. Suivi d’une hyperéosinophiliepersistante. Rev Fr Allergol Immunol Clin 2002;42:219-30.

Harzy T, Allali F, Amine B, et al. Manifestations cardiaques du syndromehyperéosinophilique essentiel. Rev Med Interne 2005;26:386-92.

Cools J, DeAngelo DJ, Gotlib J, et al. A tyrosine kinase created by fusion of the PDGFRA and FIP1L1 genes as a therapeutic target of imatinib in idiopathic hypereosinophilic syndrome. N Engl J Med 2003;348:1201-14.

Schwartz RS. The hypereosinophilic syndrome and the biology of cancer. N Engl J Med 2003;348:1199-200.

Kay AB, Klion AD. Anti-interleukin-5 therapy for asthma and hypereosinophilicsyndrome. Clin Immunol Allergy Clin North Am 2004;24:645-66.

Pardanani A, Reeder T, Porrata LF, et al. Imatinib therapy for hypereosinophilicsyndrome and other eosinophilic disorders. Blood 2003;101:3391-7.

Manifestations cliniques d’orientation des différentes parasitoses

TABL

EAU

4

Fièvre + diarrhée + myalgies et œdèmes Prurit anal � trichinose � oxyurose principalement

� tæniase ou anguillulose

Fièvre + hépatomégalie Manifestations oculaires� larva migrans viscéral � larva migrans viscéral (par exemple d’une loase)

Fièvre + douleurs abdominales Manifestations digestives ou urinaires� fasciolose à la phase toxi-infectieuse � bilharziose digestive (douleurs abdominales, cirrhose hépatique)

ou urinaire (hématurie, dysurie)� anisakiase (vives épigastralgies)� fasciolose ou échinoccocose (douleurs hépatobiliaires, ictère)� trichocéphalose, ascaridiase, tæniasis (douleurs abdominales troubles du transit)

Manifestations pulmonaires (dyspnée, toux) Anémie macrocytaire mégaloblastique� phase de migration larvaire d’helminthes : ascaridiase, anguillulose � botriocéphalose (tæniasis cosmopolite) avec son exceptionnelle � localisation spécifique d’une hydatidose mais très caractéristique carence en vitamine B12

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Item 214 ÉOSINOPHIL IERR

Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ?

Les causes des hyperéosinophilies sont secondaires ou primitives, les premières étant les plus fréquentes. L’éosinophilie est un signe biologique relativement fréquent, au carrefour de plusieurs pistes diagnostiques et recouvrant globalement deux possibilités : � de découverte fortuite chez un patient peu ou asymptomatique tout comme le début de l’histoire de la maladie causale ; � spécifiquement recherchée à l’occasion d’un contexte syndromique où sa présence est un élément de la démarche diagnostique. Il ne faudra donc pas occulter une discrète éosinophilie glissée au milieu d’autresrésultats biologiques dans un dossier d’ECN, tant sa présence peut être d’unegrande aide diagnostique. Ainsi, l’importance de cet item de l’ECN n’est pas tant qu’il puisse « tomber » comme un dossier à part entière, même si celareste possible, mais la possibilité qu’il serve de fil conducteur à de nombreuxdiagnostics et donc intervenir dans de nombreux dossiers.

L’arborescence diagnostique dans un contexte d’éosinophile commence par le cheminement balisé au sein de ses causes secondaires, avantéventuellement d’aboutir au diagnosticd’élimination du syndromehyperéosinophilique primitif (regroupantles variantes lymphoïde et myéloïde), qui comportera lui aussi son proprecheminement étiologique. Les examens complémentaires sont demandés selon les élémentsanamnestiques et cliniques suivants :

� devant une importante éosinophilieet d’autres anomalies de l’hémogramme,il faut surtout ne pas méconnaître une leucémie aiguë myéloblastique de type 4 ou une leucémie à éosinophiles, pathologies comportant un caractère de gravité immédiat : myélogramme,caryotype, biologie moléculaire ;

� devant un syndrome tumoral,il faut d’emblée évoquer une tumeurmaligne, solide ou hématologique :iconographie adaptée au contexte,biopsie ou ponction d’organe avechistologie ;

� devant une suspicion d’allergiemédicamenteuse, l’interrogatoire à la recherche de critèreschronologiques d’imputabilité est ici capital : bilan rénal et hépatique à la recherche d’un DRESS (syndromed'hypersensibilité médicamenteuse) ;

� en cas de suspicion d’atopie,les antécédents d’asthme ou de rhiniteorientent le diagnostic : peuvent êtrediscutés des tests allergologiques avec prick-test, épreuves fonctionnellesrespiratoires, RAST (radioallergosorbenttest), test de provocation ;

� devant la suspicion d’une parasitoseplusieurs types d’examen parasitologiqueou immunologique sont à envisagerselon le contexte géographique et clinique : scotch test anal (oxyuroseou tæniase) ; examen parasitologiquedes selles 3 jours de suite et si besoinenrichissement selon la technique de Baermann (anguillulose) ; sérologietoxocarose ou larva migrans ; sérologiedistomatose ; sérologie hydatidose ;biopsie digestive ou analyse du contenuduodénal (helminthiases) ;

anatomopathologie du sédiment urinaire ou des biopsies hépatiques ou rectales (bilharzioses) ; échographie hépatique ou scannerhépatique, pulmonaire ou cérébral(hydatidoses, cysticercoses) ; frottis sanguin, biopsie cutanée ou sérologies (filarioses) ;

� devant une atteinte multi-organiqueavec notamment une atteinte articulaire,un purpura, une multinévrite, une atteinte rénale ou colique, la recherche de maladies auto-immuneset autres affections systémiques seraprivilégiée : FAN, anti-DNA (lupus),facteurs rhumatoïdes, anti-CCP(polyarthrite rhumatoïde), ANCA (Churg et Strauss), ASCA (maladiede Crohn) ;

� dans des contextes moinsspécifiques sans diagnostic probant, un lymphome hodgkinien ou non hodgkinien, ou un déficitimmunitaire pourront être recherchés :biopsie ostéomédullaire, électrophorèse des protéines sériques, biologiemoléculaire, test de proliférationlymphocytaire et étude fonctionnelle des phagocytes (syndrome de Wiskott-Aldrich ; syndrome de Job-Buckley).

À l’issue de cette première étape, en l’absence d’étiologie de l’éosinophilie et en présence d’une atteinte organique, les causesprimitives sont évoquées et leursexplorations spécifiques conduites.

FAN : facteurs anti-nucléaires ; DNA : anticorps anti-ADN natifs ; ANCA : anticorps antineutrophiles cytoplasmiques ;ASCA : anticorps anti-Saccharomyces cerevisiæ.

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