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DOI: 10.1007/s00222-003-0353-0 Invent. math. 157, 147–194 (2004) Itération de pliages de quadrilatères Yves Benoist 1 , Dominique Hulin 2 1 Ecole Normale Supérieure-CNRS, 45 rue d’Ulm, 75230 Paris, France (e-mail: [email protected]) 2 Université Paris-Sud, Bâtiment 425, Orsay 91405, France (e-mail: [email protected]) Oblatum 23-IX-2003 & 1-XII-2003 Published online: 17 February 2004 – Springer-Verlag 2004 Abstract. Iteration of quadrilateral foldings. Starting with a quadrilateral q 0 = ( A 1 , A 2 , A 3 , A 4 ) of R 2 , one constructs a sequence of quadrilaterals q n = ( A 4n+1 ,... , A 4n+4 ) by iteration of foldings: q n = ϕ 4 ϕ 3 ϕ 2 ϕ 1 (q n1 ) where the folding ϕ j replaces the vertex number j by its symmetric with respect to the opposite diagonal (see Fig. 1). We study the dynamical behavior of this sequence. In particular, we prove that: – The drift v := lim n→∞ 1 n q n exists. – When none of the q n is isometric to q 0 , then the drift v is zero if and only if one has max a j + min a j 1 2 a j where a 1 ,... , a 4 are the sidelengths of q 0 . – For Lebesgue almost all q 0 the sequence (q n n v) n1 is dense on a bounded analytic curve with a center or an axis of symmetry. However, for Baire generic q 0 , the sequence (q n n v) n1 is unbounded (see Figs. 2 to 7). 1. Introduction 1.1. Pliage cyclique A chaque quadrilatère q 0 = ( A 1 , A 2 , A 3 , A 4 ) du plan euclidien R 2 C, on peut associer d’autres quadrilatères obtenus par pliage le long d’une diagonale. Ainsi, pour j = 1,... , 4, le quadrilatère ϕ j (q 0 ) est obtenu à partir de q 0 en remplaçant le sommet A j par son symétrique s j ( A j ) par rapport à la diagonale j joignant les deux voisins de A j . Partons du quadrilatère q 0 et considérons la suite q n de quadrilatères obtenue en pliant de façon cyclique les sommets numéros 1, 2, 3, 4. Autre-

Itération de pliages de quadrilatères

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DOI: 10.1007/s00222-003-0353-0Invent. math. 157, 147–194 (2004)

Itération de pliages de quadrilatères

Yves Benoist1, Dominique Hulin2

1 Ecole Normale Supérieure-CNRS, 45 rue d’Ulm, 75230 Paris, France(e-mail: [email protected])

2 Université Paris-Sud, Bâtiment 425, Orsay 91405, France(e-mail: [email protected])

Oblatum 23-IX-2003 & 1-XII-2003Published online: 17 February 2004 – Springer-Verlag 2004

Abstract. Iteration of quadrilateral foldings. Starting with a quadrilateralq0 = (A1, A2, A3, A4) of R2, one constructs a sequence of quadrilateralsqn = (A4n+1, . . . , A4n+4) by iteration of foldings: qn = ϕ4 ◦ ϕ3 ◦ ϕ2 ◦ϕ1(qn−1) where the folding ϕ j replaces the vertex number j by its symmetricwith respect to the opposite diagonal (see Fig. 1).

We study the dynamical behavior of this sequence. In particular, weprove that:

– The drift v := limn→∞

1n qn exists.

– When none of the qn is isometric to q0, then the drift v is zero if andonly if one has max aj + min aj ≤ 1

2

∑aj where a1, . . . , a4 are the

sidelengths of q0.– For Lebesgue almost all q0 the sequence (qn − nv)n≥1 is dense on

a bounded analytic curve with a center or an axis of symmetry. However,for Baire generic q0, the sequence (qn −nv)n≥1 is unbounded (see Figs. 2to 7).

1. Introduction

1.1. Pliage cyclique

A chaque quadrilatère q0 = (A1, A2, A3, A4) du plan euclidien R2 � C,on peut associer d’autres quadrilatères obtenus par pliage le long d’unediagonale. Ainsi, pour j = 1, . . . , 4, le quadrilatère ϕ j(q0) est obtenu àpartir de q0 en remplaçant le sommet A j par son symétrique s∆ j (A j) parrapport à la diagonale ∆ j joignant les deux voisins de A j .

Partons du quadrilatère q0 et considérons la suite qn de quadrilatèresobtenue en pliant de façon cyclique les sommets numéros 1, 2, 3, 4. Autre-

148 Y. Benoist, D. Hulin

ment dit, on pose ϕ = ϕ4 ◦ϕ3 ◦ϕ2 ◦ϕ1 et, pour n ∈ Z, on pose qn := ϕn(q0).Nous voulons décrire le comportement dynamique de cette suite qn . Onnotera qn = (A4n+1, A4n+2, A4n+3, A4n+4). On a donc A5 = sA2 A4(A1) puisA6 = sA3 A5(A2), etc (voir figure 1).

A 0q

q

q

1

2

A

AA

A

A

A

2

34

5

A89

1112

10

A6

1

7

A

AA

Fig. 1. Le pliage cyclique du quadrilatère q0 = (0, 10, 7 + 5i, 3 + 6i)

Remarquons tout d’abord que la longueur des côtés a1 = A1 A2, a2 =A2 A3, a3 = A3 A4 et a4 = A4 A1 est préservée par le pliage et donc que lasuite qn de quadrilatères ne s’écrase pas sur un point... contrairement à ceque pourrait laisser croire la terminologie “itération de pliages”. Cette suiteqn est particulièrement simple à étudier lorsque q0 est de type k-périodique,c’est-à-dire lorsque (ϕ4 ◦ϕ3)

k(q0) = q0. Le quadrilatère qk est alors l’imagede q0 par une isométrie de R2. Selon que cette isométrie a un point fixe ounon, la suite qn reste bornée ou tend vers l’infini.

A la suite d’expérimentations numériques sur les quadrilatères isocèles,c’est-à-dire ceux tels que a1 = a3, K. Charter et T. Rogers ont remarquéque, lorsqu’elle est bornée, la suite des sommets de qn semble être dense surune courbe présentant à la fois une régularité, une symétrie mais aussi unediversité et une esthétique tout à fait remarquables. Ils conjecturent aussiun critère qui permet de savoir, pour un quadrilatère isocèle q0 de type nonpériodique, si la suite qn est bornée. Ce critère est a2 + a4 ≤ p où p est ledemi-périmètre du quadrilatère (voir [4], p. 222).

Le but de ce texte est de démontrer la validité des phénomènes empi-riques décrits ci-dessus et de donner une réponse à cette conjecture (corol-laires 1.4, 1.6 et 5.4). Nous verrons que cette conjecture est presque sûrementvraie au sens de Lebesgue, qu’elle est vraie lorsque les sommets de q0 sontalgébriques, mais qu’elle est génériquement fausse au sens de Baire ! Nousverrons aussi que ces énoncés se généralisent à tous les quadrilatères qu’ilssoient isocèles ou non. Ce que l’on peut voir dans les figures 2 à 7 danslesquelles qA, qB, qE , qF sont isocèles et qC , qD, qG , qH ne le sont pas.

Itération de pliages de quadrilatères 149

Ces résultats ont été annoncés dans [1].

Table des matières

1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1472 Le théorème de Poncelet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1573 La dynamique sur Q . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1674 La dynamique sur Q . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1745 La dynamique sur Q . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186

1.2. Principaux résultats

Décrivons maintenant de manière plus précise les principaux résultats quenous montrerons. Notons toujours q0 un quadrilatère dont les côtés ontpour longueur a1, . . . , a4. Nous supposerons que (a1, a2) �= (a4, a3) et que(a1, a4) �= (a2, a3) de sorte que la suite qn des quadrilatères obtenue parpliage cyclique est bien définie.

La proposition suivante affirme l’existence d’une dérive pour le pliagecyclique.Proposition 1.1 Soit qn la suite des quadrilatères obtenue par pliage cy-clique à partir d’un quadrilatère q0. Alors, la limite v(q0) := lim

n→∞1n qn

existe.Par construction, la dérive v(q0) est un quadrilatère dont les quatre

sommets sont confondus, et s’identifie donc à un vecteur de R2. Voici uncritère d’annulation de cette dérive. On note M le plus grand côté, m le pluspetit côté et p le demi-périmètre de q0, soit :

M := max1≤ j≤4

aj, m := min1≤ j≤4

aj et p := 12

1≤ j≤4

aj . (1)

Théorème 1.2 On suppose q0 de type non périodique. Alors on a l’équi-valence :

v(q0) = 0 ⇐⇒ M + m ≤ p .

Définition 1.3 Un quadrilatère q0 est de type NC si M + m ≤ p et de typeC sinon.

Remarques – Pour un quadrilatère de type périodique, la nullité de v(q0)équivaut au fait que la suite qn est bornée.

– Pour un quadrilatère isocèle, la condition M +m ≤ p équivaut au critèrede Charter et Rogers a2 + a4 ≤ p.

– Géométriquement, cette condition “q0 de type C” signifie que l’on peutdéformer continûment le quadrilatère q0 en une image miroir σ(q0) sanschanger la longueur des côtés et sans passer par un quadrilatère plat(lemme 4.1).

– Tous les quadrilatères de période stricte 2k sont de type NC et vérifientv(q0) = 0 ; d’autre part, parmi les quadrilatères de type n-périodique etde type C, presque tous vérifient v(q0) �= 0 (proposition 4.14).

150 Y. Benoist, D. Hulin

Fig. 2. La suite (An)n≤150 pour des quadrilatères de type NC :qA = (10, 3 + 4i, 7 + 4i, 0), qB = (10, 4 + 2i, 6 + 2i, 0),qC = (0, 30, 8 + 3i, 17 + 3i) et qD = (0, 10, 3 + 4i,−3).

La suite (An)n≥0 est bornée

– Malheureusement, il existe des quadrilatères de type (4k+2)-périodiqueset de type NC tels que v(q0) �= 0 et il existe aussi des quadrilatères detype 4k-périodique et de type C tels que v(q0) = 0 (proposition 4.15).Ces quadrilatères peuvent être choisis isocèles.

On en déduira le :

Corollaire 1.4 Soit q0 un quadrilatère de type non périodique. La suite qnobtenue par pliage cyclique tend vers l’infini si et seulement si q0 est detype C.

La proposition suivante décrit le comportement du pliage cyclique parrapport à sa dérive.

Proposition 1.5 a) Pour presque tout quadrilatère q0, la suite de qua-drilatères qn − n v(q0) est dense sur une courbe analytique lisse bor-née C.

Itération de pliages de quadrilatères 151

Fig. 3. La suite (An)n≤150 pour des quadrilatères de type C :qE = (10, 6 + i, 4 + i, 0) , qF = (10i, 3 + 4i,−3 + 6i, 0),

qG = (0, 10, 5 + 2i, −1 + 2i) et qH = (0, 10, 6 + 4i, 4 − 3i).La suite (An)n≥0 dérive à vitesse constante v(q0) vers l’infini

b) Pour un ensemble générique de quadrilatères q0, la suite de quadrila-tères qn − n v(q0) n’est pas bornée.

c) Si la suite de quadrilatères qn − n v(q0) est bornée, elle est soit conver-gente, soit périodique, soit dense sur une courbe C de classe C0.

Remarques – Même lorsque C ⊂ C4 est analytique lisse, ses quatre

projections dans C ne sont pas toujours lisses.– On sera dans le cas a) ou dans le cas b) selon les propriétés diophantiennes

du nombre de rotation ρ ci-dessous.– Lorsque les sommets de q0 sont algébriques sur Q et que q0 n’est pas

de type périodique (c’est le cas des huit quadrilatères qA, . . . , qH desfigures 2 à 7), on est dans le cas a) (corollaire 5.5).

– La même démonstration donnera un analogue de la proposition 1.5 pourles quadrilatères isocèles (corollaire 5.4).

– Nous verrons que la courbe C admet un centre de symétrie lorsque q0est de type NC, un axe de symétrie parallèle à v(q0) lorsque q0 est de

152 Y. Benoist, D. Hulin

Fig. 4. La suite (An)n≤2500 pour des quadrilatères de type NC :qA = (10, 3 + 4i, 7 + 4i, 0), qB = (10, 4 + 2i, 6 + 2i, 0),qC = (0, 30, 8 + 3i, 17 + 3i) et qD = (0, 10, 3 + 4i,−3).

Chacun des 4 sommets de q4n forme une suite qui est dense sur une courbe,ces 4 courbes ayant un même centre de symétrie

type C. Elle admet une symétrie supplémentaire lorsque q0 est isocèle(voir figures 4 à 7 et lemmes 5.10 et 5.12).

– La condition presque tout signifie que l’assertion est vraie en dehorsd’un ensemble de mesure de Lebesgue nulle.

– Ensemble générique signifie ensemble dont le complémentaire est in-clus dans une réunion dénombrable de fermés d’intérieur vide. Un telensemble est dense.

– Courbe C0 signifie sous-variété de dimension 1 et de classe C0.– Nous verrons que la courbe C de la proposition 1.5, c’est-à-dire la courbe

C des figures 4 et 5, n’est pas toujours de classe C1 (lemme 5.9). Celacontraste avec le fait que les courbes des figures 6 et 7 sont des courbesalgébriques (lemme 3.3).

L’énoncé suivant complète le corollaire 1.4 pour les quadrilatères detype NC.

Itération de pliages de quadrilatères 153

Fig. 5. La suite (An − n4 v(q0))n≤2500 pour des quadrilatères de type C :

qE = (10, 6 + i, 4 + i, 0) , qF = (10i, 3 + 4i,−3 + 6i, 0),qG = (0, 10, 5 + 2i, −1 + 2i) et qH = (0, 10, 6 + 4i, 4 − 3i).

Chacun des 4 sommets de qn −n v(q0) forme une suite qui est dense sur une courbe,ces 4 courbes ayant un même axe de symétrie parallèle à la dérive v(q0)

Corollaire 1.6 a) Pour presque tout quadrilatère q0 de type NC, la suiteqn est dense sur une courbe analytique bornée C.

b) Pour un ensemble générique de quadrilatères q0 de type NC, la suite qnn’est pas bornée.

c) Si la suite qn est bornée, elle est soit convergente, soit périodique, soitdense sur une courbe C de classe C0.

Remarques – Pour les quadrilatères de type non périodique, le fait que lasuite qn soit bornée ne dépend que des côtés a1, . . . , a4 (lemme 5.8).

– Malheureusement, une telle assertion n’est pas toujours vraie pour lesquadrilatères de type périodique (corollaire 4.16).

– Lorsque la suite qn converge, le quadrilatère limite est plat.

Signalons pour finir, les travaux antérieurs sur ce sujet.Dans l’article [4], K. Charter et T. Rogers montrent que, pour q0 isocèle,

le couple (xn, yn) formé des carrés des longueurs des diagonales de qndécrit une courbe cubique de R2 et que sur cette courbe elliptique réelle, la

154 Y. Benoist, D. Hulin

Fig. 6. Les suites (An+1−An) et (An+2−An)n≤2000 pour des quadrilatères de type NC :qA = (10, 3 + 4i, 7 + 4i, 0), qB = (10, 4 + 2i, 6 + 2i, 0),qC = (0, 30, 8 + 3i, 17 + 3i) et qD = (0, 10, 3 + 4i,−3).

Les premières décrivent des cercles,les deuxièmes des courbes algébriques ayant un centre de symétrie

transformation σ : (x0, y0) → (x2, y2) est une translation. Ils en déduisentque la k-périodicité de q0 ne dépend que des côtés a1, . . . , a4.

Dans [8], J. Esch et T. Rogers précisent cette analyse en calculant lenombre de rotation ρq0 de σ . C’est une fonction analytique dont ils décriventassez précisément le comportement.

1.3. Plan

Décrivons maintenant la structure de cet article.

On note a = (a1, a2, a3, a4) et Q = Qa l’ensemble des quadrilatères decôtés A1 A2 = a1, A2 A3 = a2, A3 A4 = a3 et A4 A1 = a4. On note Q = Qa

le quotient de Q par le groupe des translations et Q = Qa le quotient de

Itération de pliages de quadrilatères 155

Fig. 7. Les suites (An+1−An) et (An+2−An)n≤2000 pour des quadrilatères de type C :qE = (10, 6 + i, 4 + i, 0) , qF = (10i, 3 + 4i,−3 + 6i, 0),

qG = (0, 10, 5 + 2i, −1 + 2i) et qH = (0, 10, 6 + 4i, 4 − 3i).Les premières décrivent des arcs de demicercles, les deuxièmes des courbes algébriques.

L’axe de symétrie est donné par la dérive

Q par le groupe des isométries positives de R2. De façon concrète, on peutidentifier Q à l’ensemble des quadrilatères de Q dont le premier sommetest A1 = (0, 0), et Q à l’ensemble des quadrilatères de Q dont le deuxièmesommet est A2 = (0, a1).

Pour tout quadrilatère q dans Q, on note q et q ses images dans Qet Q. Le quadrilatère q est l’image de q par une translation qui ramènele premier sommet de q sur (0, 0) et q est l’image de q par une rotationde centre (0, 0) qui ramène le deuxième sommet de q sur (a1, 0). On noteϕ j1··· j� = ϕ j1 ◦ · · · ◦ ϕ j� de sorte que ϕ := ϕ4321 et qn = ϕn(q0). Pour toutetransformation ψ de Q qui commute aux isométries de R2, par exempleψ = ϕ j1··· j� , on note ψ et ψ les transformations de Q et Q induites par ψ.On a donc

ψ(q) = ˙︷︸︸︷ψ(q) et ψ(q) = ¨︷︸︸︷

ψ(q) .

156 Y. Benoist, D. Hulin

Pour étudier le système dynamique (Q, ϕ), nous allons tout d’abordétudier les systèmes dynamiques (Q, ϕ) et (Q, ϕ). En effet l’espace Q estde dimension 4 et non compact, tandis que les espaces Q et Q sont compactset de dimensions respectives 1 et 2. On supposera, pour simplifier cetteintroduction, que q0 est de type lisse, c’est-à-dire qu’aucun quadrilatère deQ n’est plat ou, ce qui est équivalent, que l’on a toujours a1±a2±a3±a4 �= 0.

1.3.1. La dynamique sur Q Comme dans [4], la courbe Q est une courbeelliptique réelle et la transformation ϕ21 = ϕ43 est une translation sur cettecourbe elliptique. Il est remarquable que ce système dynamique (Q, ϕ43)soit conjugué au système dynamique de Poncelet pour deux cercles dontles centres sont à distance a := a1a3, le cercle circonscrit ayant pour rayonR := a2a4 et le cercle inscrit ayant pour rayon r := 1

2 |a21 − a2

2 + a23 − a2

4|(lemme 3.2). Nous verrons qu’il existe sur Q une fonction analytique ϕ-invariante h (lemme 3.3). Nous en déduirons que, lorsque q0 n’est pas detype périodique, la suite qn = ϕn(q0) s’équirépartit sur une courbe Qq0

deQ en suivant une loi statistique µ que nous déterminerons : cette courbeQq0

est une composante connexe d’un revêtement à deux feuillets de Q etµ est la probabilité invariante sur Qq0

. C’est le point clef qui nous permettrade démontrer la proposition 1.1.

1.3.2. La dynamique sur Q Nous en déduirons la loi statistique µ j desdirections 1

a j(A4n+ j+1− A4n+ j ), pour j = 1, . . . , 4 (lemmes 4.9 et 4.10).

Lorsque q0 est de type NC, le quadrilatère −q0 est dans Qq0. La loi µ

est alors symétrique par rapport à l’origine et toutes les lois µ j coïncident(voir figure 6). Ceci prouvera que la dérive v(q0) est nulle (proposition 4.6).

Lorsque q0 est de type C, notons j0 le numéro du plus grand côté de q0.Les directions 1

a j(A4n+ j+1 − A4n+ j ) sont alors toutes dans un même demi-

espace et les probabilités µ j coïncident, sauf pour j = j0 où ces directionssont dans le demi-espace opposé et où la probabilité µ j0 est la probabilitéopposée (voir figure 7). A cause de l’inégalité triangulaire, la dérive dueau plus grand côté n’arrivera pas à annuler la somme des dérives dues auxtrois autres côtés. Ce qui prouvera que la dérive v(q0) est non nulle. Nousdonnerons une formule pour v(q0) (proposition 4.12).

L’étude de la dynamique sur Q nous permettra donc de démontrer lethéorème 1.2, et le corollaire 1.4.

1.3.3. La dynamique sur Q Supposons pour simplifier q0 de type NC etde type non périodique. Nous avons vu que l’action de ϕ sur la courbeQq0

est conjuguée à une rotation. On note ρa son nombre de rotation. Audessus de cette courbe, le pliage cyclique ϕ est donc conjugué à un systèmedynamique ϕa sur R/Z× C donné par

ϕa(x, v) = (x + ρa, v + fa(x))

Itération de pliages de quadrilatères 157

où la fonction fa : R/Z → C est une fonction analytique explicite demoyenne nulle. Lorsque ρa a de bonnes propriétés diophantiennes, les or-bites de ϕa sont denses sur des courbes analytiques réelles. Lorsque ρan’a pas de bonnes propriétés diophantiennes, les orbites de ϕa ne sont pasbornées (proposition 5.3).

Ceci nous permettra donc de démontrer la proposition 1.5.

2. Le théorème de Poncelet

Nous rappelons dans cette partie le théorème de Poncelet (1820). Nousesquisserons quatre démonstrations de ce théorème. Ces démonstrations,bien connues, seront pour nous un simple prétexte, une sorte de fil directeurpour introduire, motiver et rendre plus naturels des notations et des lemmesqui seront utilisés constamment dans les autres parties. Nous renvoyons lelecteur à [3] pour une jolie analyse historique de ce théorème.

2.1. La transformation de Poncelet

Commençons par rappeler le théorème de Poncelet pour des cercles.

Soient a, R, r trois réels avec a et R non nuls. Identifions le plan euclidienR

2 avec C et posons S1 = {z ∈ C / |z| = 1}. Nous appellerons courbe dePoncelet la courbe

FR = Fa,R,rR

= {f = (t1, t2) ∈ S1 × S1 / a

(t1 + t−1

1

) + R(t2 + t−1

2

) = 2r}.

(2)

Si on pose t1 = eiβ1 et t2 = eiβ2 , cette équation s’écrit

a cos β1 + R cos β2 = r .

Voici l’interprétation géométrique de cette courbe, lorsque r est aussinon nul. Notons CR, DR les cercles CR = {(x, y) ∈ R2 / x2 + y2 = R2},DR = {(x, y) ∈ R2 / (x + a)2 + y2 = r2} et D�

Rl’ensemble des droites

tangentes à DR. La courbe FR s’identifie naturellement à l’ensemble desconfigurations de Poncelet associées à CR et DR, c’est-à-dire

FR � {(m1, ξ1) ∈ CR × D�R

/ m1 ∈ ξ1} .

Dans cette identification, on a m1 = Rt1t2 et la droite ξ1 est tangente à DRau point p1 := −a + rt1 (voir figure 8).

On appelle transformation de Poncelet la transformation ϕF : FR → FRdonnée par ϕF(m1, ξ1) = (m2, ξ2) où m2 = R t1/t2 est le deuxième pointd’intersection de la droite ξ1 avec le cercle CR et ξ2 est la deuxième tangenteau cercle DR issue du point m2.

On note σF : FR → FR : (t1, t2) �→ (t−11 , t−1

2 ) la symétrie par rapport àl’axe des centres. On a bien sûr σF ◦ ϕF = ϕF ◦ σF .

158 Y. Benoist, D. Hulin

2

p1

p2

3

m

m1

m

O−a

Fig. 8. La transformation de Poncelet

Remarques – Lorsque r = 0, on définit encore la courbe FR à l’aide de laformule (2) et on pose ϕF(t1, t2) = (−t1,−t−1

2 ). L’étude des sections 2.1à 2.4 sera encore valable dans ce cas, si on suppose a �= ±R. Celaprésente peu d’intérêt : en effet, ce cas est très simple car on a ϕ2

F = Id.– Cette interprétation géométrique ne dépend que de |a|, |R| et |r|. On

peut donc supposer que a, R et r sont positifs.– La bijection Fa,R,r

R→ F R,a,r

R: (t1, t2) �→ (t2, t1) échange ϕF et σF ◦ ϕF .

Théorème 2.1 (Poncelet, 1820) Avec ces notations. On suppose que lesdeux cercles CR et DR ne sont pas tangents. Soit n ≥ 1.

a) Si ϕnF a un point fixe f alors on a ϕn

F = 1. On dit alors que f estn-périodique.

b) Si σF ◦ ϕnF a un point fixe, alors on a ϕn

F = σF. On dit alors que f estn-semipériodique.

Lorsque f est périodique, on appelle période de f le plus petit entier ntel que f est n-périodique; on dit que n est une période stricte de f si n estimpair ou si n est pair et f n’est pas n

2 -semipériodique.Lorsque f est semipériodique, on appelle semipériode de f le plus petit

entier n tel que f est n-semipériodique.

Exemple – Les configurations de période 2 sont données par r = 0.– Les configurations de semipériode 2 sont données par R = ±a.– Les configurations de période 3 sont données par R2 − a2 = ±2rR

(formule d’Euler).– Les configurations de semipériode 3 sont données par R2 −a2 = ±2ra...

Remarques – Bien sûr le théorème de Poncelet est valable dans un cadreplus général : pour tout couple de coniques non dégénérées sur un corpsde base de caractéristique différente de 2 (voir [3]).

– Lorsque les deux cercles CR et DR sont tangents en un point m∞ avectangente commune ξ∞, la configuration f∞ := (m∞, ξ∞) est le seulpoint fixe de ϕn

F et de σF ◦ ϕnF .

– Les polynômes Pn (a, R, r) dont l’annulation exprime la n-périodicité ontété calculés par Cayley (voir [11]). On peut calculer de la même façon lespolynômes Qn(a, R, r) dont l’annulation exprime la n-semipériodicité.

Itération de pliages de quadrilatères 159

Les quatre démonstrations du théorème de Poncelet que nous allonsesquisser dans les sections suivantes ne sont que des déguisements différentsdu même concept : celui de translation sur une courbe elliptique. Elles sontprésentées dans l’ordre inverse de l’ordre chronologique de leur découverte.

2.2. La 1-forme invariante

La première démonstration adopte un point de vue géométrie différentielle.

La courbe FR est compacte, avec au plus un point singulier, le point f∞.Le lemme élémentaire suivant décrit la topologie de FR. Sa démonstrationest laissée au lecteur.

Lemme 2.2 On suppose a, R, r > 0 et r < a + R.

– Si R − r < a < R + r, FR est homéomorphe à un cercle.– Si a = R − r ou a = R + r, FR est homéomorphe à un huit.– Si a < R − r ou a > R + r, FR est homéomorphe à deux cercles.

Définition 2.3 Nous dirons que FR (ou qu’une configuration f ∈ FR) estde type C si R − r < a < R + r et de type NC sinon. On parlera de typeNCI si a ≤ R − r et de type NCII si a ≥ R + r (voir figure 9).

type NCI type C type NCII

Fig. 9. Trois configurations de Poncelet

On note F ′R

la partie lisse de la courbe FR. Autrement dit, on a F ′R

= FRsi a ± R ± r �= 0 et F ′

R= FR − { f∞} sinon.

Notons ds la 1-forme sur F ′R

, ds = εdβ1+dβ2|p1−m1| où ε = ±1 est le signe de la

partie imaginaire de p1+am1+a . La métrique |ds| définie par cette 1-forme a une

signification géométrique très simple : on a |ds| = 1R

|dm1||p1−m1| . Si on choisit

comme paramètre local l’angle θ = (β1 + β2)/2, cette 1-forme est donnéepar la formule

ds = ± C dθ√1 − k2sin2θ

(3)

160 Y. Benoist, D. Hulin

où C est une constante et

k2 := 4aR

(a + R)2 − r2. (4)

Lemme 2.4 On suppose a, R, r > 0 et r < a + R.

a) Lorsque FR est de type NC, les composantes connexes de F ′R

sont échan-gées par σF.

b) Lorsque FR est de type NCI, elles sont aussi échangées par ϕF .c) Lorsque FR est de type NCII, elles sont préservées par ϕF.d) La 1-forme ds est invariante par σF et par ϕF.

Démonstration a), b) et c) Les vérifications sont laissées au lecteur.d) Pour montrer l’invariance de ds par ϕF on remarquera que l’on a, avec

les notations de la figure 8,

R |ds| = |dm1||p1 − m1| = |dm2|

|p1 − m2| = |dm2||p2 − m2| . ��

Première démonstration du théorème de Poncelet Par le lemme 2.4, lestransformations Φ := ϕn

F et Φ := σF ◦ ϕnF préservent la 1-forme ds. Si Φ

a un point fixe, Φ est l’identité sur la composante connexe de F ′R

contenantce point. Comme Φ commute à σF , Φ est aussi l’identité sur l’éventuelledeuxième composante connexe. ��

2.3. La courbe elliptique complexe

La deuxième démonstration due à Griffiths et Harris dans ([11]) adopte unpoint de vue géométrie algébrique complexe. On commence par complexi-fier FR.

En coordonnées, FC est la courbe biquadratique de P1C×P1

Cdont l’équa-

tion est obtenue par homogénéisation de l’équation (2). Nous écrirons abu-sivement

FC = Fa,R,rC

={f = (t1, t2) ∈ P1

C×P1

C/ a

(t1 + t−1

1

)+R(t2 + t−1

2

) = 2r}.

(5)

Cette courbe FC admet aussi une interprétation géométrique. On intro-duit les coniques du plan projectif complexe CC = {[x, y, w] ∈ P2

C/ x2 +

y2 = R2w2}, DC = {[x, y, w] ∈ P2C

/ (x + aw)2 + y2 = r2w2} et D�C

ensemble des droites tangentes à DC. La courbe FC s’identifie encore àl’ensemble des configurations de Poncelet associées à CC et DC, c’est-à-dire

FC � {(m1, ξ1) ∈ CC × D�

C/ m1 ∈ ξ1

}.

On prolonge ϕF et σF en des automorphismes de FC encore notés ϕFet σF . On note F ′

Cla partie lisse de FC.

Itération de pliages de quadrilatères 161

Lemme 2.5 Avec ces notations.

a) Si a ± R ± r �= 0, alors la courbe FC est une courbe elliptique1 .b) Sinon, la courbe FC est une droite projective avec un point double

ordinaire.

Démonstration a) La condition a±R±r �= 0 signifie aussi que les coniquesCC et DC sont transverses. La courbe FC est donc lisse et est un revêtementà deux feuillets de CC, ramifié aux quatre points de l’intersection CC ∩ DC.Elle est donc de genre 1.

b) Supposons par exemple a + r = R. Le point singulier de FC est lepoint donné par t1 = −1 et t2 = 1. On peut alors poser τ := (t2 −1)/(t1 +1)et remarquer que at2/Rt1 = −τ2, ce qui permet d’exprimer (t1, t2) commeune fonction rationnelle de τ . Le point double correspond aux valeurs τ =±√

a/R de ce paramètre. ��Une courbe elliptique X admet à scalaire près une unique 1-forme ω.De même, lorsque X est une droite projective avec un point double, sa

partie lisse X ′ admet une unique 1-forme ω qui s’écrit dzz après identification

de X ′ avec C�.Dans ces deux cas, on appelle translation de X un automorphisme ϕ qui

préserve ω et involution de X un automorphisme ϕ de X tel que ϕ�(ω) = −ω.

Exemple Soit f : X → P1C

un morphisme de degré 2. On note alors ψ fl’automorphisme de X différent de l’identité tel que f ◦ ψ f = f . Alors ψ fest une involution.

Démonstration En effet, lorsque X est une courbe elliptique, ω + ψ�f (ω)

provient d’une 1-forme sur P1C

et est donc nul; lorsque X est une droiteprojective avec un point double, on remarque que les seuls automorphismesd’ordre 2 de C� sont de la forme z → λ

z . ��Lemme 2.6 Les transformation ϕF et σF ci-dessus sont des translationsde FC.

Démonstration Introduisons les trois fonctions de degré 2 sur FC, f1 :(t1, t2) → t1 , f2 : (t1, t2) → t2 et f3 : (t1, t2) → t1t2. Les transformationsϕF et σF sont composées de deux involutions : ϕF = ψ f3 ◦ ψ f1 et σF =ψ f2 ◦ ψ f1 . ��Remarque Bien sûr la 1-forme ω sur FC n’est autre que la complexifiée dela 1-forme ds de la section 2.2.

Deuxième démonstration du théorème de Poncelet D’après le lemme 2.6,les transformations ϕn

F et σF ◦ ϕnF sont des translations de FC. La seule

translation ayant un point fixe est l’identité. ��1 Dans cet article, une courbe elliptique est une courbe projective lisse de genre 1.

162 Y. Benoist, D. Hulin

2.4. Les fonctions elliptiques

La troisième démonstration, due à Jacobi, utilise les fonctions elliptiquespour paramétrer FR. La tranformation de Poncelet se lit alors comme unetranslation sur le paramètre2.

2.4.1. La courbe EC

Nous allons tout d’abord introduire un revêtement à 2 feuillets EC de FC.

En coordonnées s1, s2, la courbe EC est la courbe biquadratique deP

1C

× P1C

dont l’équation est (donnée par la bihomogénéisation de)

a(s2

1s22 + 1

) + R(s2

1 + s22

) = 2rs1s2. (6)

Le revêtement pE : EC → FC est donné par pE(s1, s2) = (s1s2, s1/s2).Autrement dit, on a m1 = Rs2

1 et m2 = Rs22 . Pour e = (s1, s2) ∈ EC, on

note −e := (−s1,−s2) de sorte que pE(e) = pE(−e).Cette courbe EC est invariante par les involutions ψg1 : (s1, s2) →

(s2, s1), ψg2 : (s1, s2) → (s−12 , s−1

1 ) et ψg3 : (s1, s2) → (s1,Rs2

1+a

(as21+R)s2

)

associées aux fonctions de degré 2, respectivement, g1 : (s1, s2) → s1s2,g2 : (s1, s2) → s1/s2 et g3 : (s1, s2) → s1.

La transformation σE := ψg2 ◦ ψg1 : (s1, s2) → (s−11 , s−1

2 ) relève latransformation σF . De même la transformation ϕE = ψg3 ◦ ψg1 relève latransformation ϕF . Autrement dit, on a pE ◦ ϕE = ϕF ◦ pE et pE ◦ σE =σF ◦ pE .

Lorsque a ± R ± r �= 0, la courbe EC est une courbe elliptique et latransformation ϕE est une translation sur EC. Sinon, la courbe EC est forméede deux copies de la droite projective avec un point double.

Remarque Les définitions de EC et de ϕE s’étendent au cas où r = 0, àl’aide des formules (6) et ϕE(s1, s2) = (s2,−s1). On a alors ϕ2

E = −Id.

On note ER l’ensemble des points réels de EC pour la conjugaisondonnée par s1 = s−1

1 et s2 = s−12 , c’est-à-dire

ER = Ea,R,rR

= {e = (s1, s2) ∈ S1 × S1 / a

(s2

1s22 + 1

) + R(s2

1 + s22

)

= 2rs1s2}. (7)

La démonstration du lemme suivant et de son corollaire est laissée aulecteur que nous renvoyons à la figure 9.

Lemme 2.7 Soient a, R, r > 0 avec a ± R ± r �= 0. La courbe ER esthoméomorphe à deux cercles. La figure 10 décrit la topologie du revêtementà deux feuillets pE : ER → FR.

2 Ce paramètre est, bien sûr, une primitive de la 1-forme ds de la section 2.2.

Itération de pliages de quadrilatères 163

e

−e

f F

(f)

(e)

(e)

σ

σ

−σ

e

−e

f

E(e)

(e)

σ

−σ

(f)F

σ

E

E

EE Epp

type NC type C

Fig. 10. Le revêtement pE : ER −→ FR

Corollaire 2.8 Soient a, R, r > 0 avec a ± R ± r �= 0, f ∈ FR et e ∈ ER.Alors les assertions suivantes sont équivalentes.

(i) La configuration de Poncelet f est de type C.(ii) La courbe FR est connexe.(iii) Les points f et σF( f ) sont dans la même composante connexe de FR.(iv) Les points e et σE(e) sont dans la même composante connexe de ER.(v) Les points e et −e ne sont pas dans la même composante connexe de

ER.

2.4.2. Les fonctions elliptiques de Jacobi

Pour décrire la paramétrisation de ER nous aurons besoin d’un très courtrappel sur les fonctions elliptiques (voir [7] ou [13] pour plus de détails).

Cette section et la suivante peuvent être sautées en première lecture :elles ne seront utilisées que dans la section 5.1 pour obtenir des formulesexplicites pour ρa et fa.

Nous noterons am, sn, cn et dn les fonctions elliptiques de Jacobi. Ce sontdes fonctions d’une variable complexe z qui dépendent d’un paramètre k.Nous supposerons k dans l’intervalle ]0, 1[ ou ]1,∞[. Si aucune confusionn’est possible, on notera am(z) pour am(z, k). De même pour sn, cn et dn.Ces fonctions sont définies, pour z petit, par

z =∫ am(z)

0

dθ√1 − k2 sin2 θ

,

sn(z) = sin(am(z)) , cn(z) = cos(am(z)) et dn(z) =√

1 − k2sn2(z) .

On ramène l’étude de ces fonctions au cas où k ∈]0, 1[ grâce aux égalités

sn(z, k) = k−1sn(kz, k−1) , cn(z, k) = dn(kz, k−1)

et dn(z, k) = cn(kz, k−1) .

164 Y. Benoist, D. Hulin

Introduisons les deux intégrales elliptiques complètes K = K(k) etK ′ = K ′(k) définies par les égalités

K(k) =∫ π/2

0

dθ√1 − k2 sin2 θ

et K ′(k) = K(√

1 − k2) pour k ∈]0, 1[(8)

K(k) = k−1 K(k−1) et K ′(k) = k−1 K ′(k−1) pour k ∈]1,∞[ . (9)

Les fonctions sn, cn, dn sont des fonctions méromorphes doublementpériodiques sur C. Les périodes communes à ces trois fonctions sont leséléments du réseau rectangulaire de C

Λ := 4K Z⊕ 4iK ′Z .

Toutes trois ont les mêmes pôles. Ce sont les points 2mK + (2n + 1)iK ′avec m et n entiers. Ces pôles sont simples. La fonction am est holomorphedans la bande |Im(z)| < K ′ et vérifie l’égalité am(z + 2K ) = am(z) + πlorsque k < 1 et am(z + 2K ) = am(z) lorsque k > 1.

2.4.3. La paramétrisation de Jacobi de ER

Nous pouvons enfin donner la paramétrisation de EC à l’aide des fonctionselliptiques. La paramétrisation annoncée de FR s’en déduira.

On suppose a, R, r > 0, r < a + R et a ± R ± r �= 0. Pour paramétrerla courbe Ea,R,r

R, nous utiliserons les fonctions elliptiques avec le paramètre

k > 0 défini par la formule (4).On a donc l’équivalence :

k ∈ ]0, 1[ ⇐⇒ FR est de type NC . (10)

Les conditions suivantes définissent un unique élément zE ∈ [0, 4K [+[0, 4K ′i[

sn(zE) > 0 , cn(zE ) = r

R + aet dn(zE ) = R − a

R + a. (11)

Remarques – Si a < R − r, on a zE ∈]0, K [.– Si R − r < a < R + r, on a zE ∈]0, 2K [.– Si a > R + r, on a zE ∈]K, 2K [+2iK ′.

Remarquons que la fonction cn(z) + i sn(z) = eiam(z) est aussi méro-morphe et Λ-périodique.

Lemme 2.9 Soient a, R, r avec a ± R ± r �= 0. Gardons les notations k,K, Λ ci-dessus et posons

γ±(z) := (cn(z) ± i sn(z), cn(z + zE ) ± i sn(z + zE )) . (12)

Itération de pliages de quadrilatères 165

a) L’application z → γ+(z) est un isomorphisme de C/Λ sur Ea,R,rC

.b) L’application (±, z) → γ±(z) met en bijection {±} ×R/4KZ et Ea,R,r

R.

c) On a les égalités

ϕE(γ±(z)) = γ±(z + zE ) et

σE(γ±(z)) = γ∓(z) = −γ±(z + 2iK ′) .

Démonstration a) La formule de trigonométrie elliptique

cn(z1 + z2) = cn(z1)cn(z2) − sn(z1)sn(z2)dn(z1 + z2)

appliquée avec z1 := −z et z2 = z + zE prouve que l’application γ± prendses valeurs dans EC. Par compacité de C/Λ cette application est surjective.Elle est aussi injective, car connaître γ±(z), c’est connaître simultanémentcn(z), sn(z) et dn(z), c’est donc connaître z modulo Λ.

b) En effet, comme la fonction cn(z) + i sn(z) est de degré 2 sur C/Λ,on a l’équivalence :

|cn(z) + i sn(z)| = 1 ⇐⇒ Im(z) ∈ 2K ′Z .

On remarque alors que γ+(z + 2iK ′) = γ−(z).c) En effet, l’application γ+(z) → γ+(z + zE ) est l’unique automor-

phisme ψ de EC de la forme (s1, s2) → (s2, s′1) avec s′

1 �= s1. ��Corollaire 2.10 Avec ces notations.

a) Si k < 1, l’application (±, z) → pE(γ±(z)) met en bijection {±} ×R/2KZ et Fa,R,r

R.

b) Si k > 1, l’application z → pE(γ+(z)) met en bijection R/4KZ etFa,R,rR

.

Démonstration En effet, si k < 1, on a γ+(z + 2K ) = −γ+(z) et, si k > 1,on a γ+(z + 2K ) = γ−(z). ��Troisième démonstration du théorème de Poncelet D’après le lemme 2.9,la transformation de Poncelet ϕF et la symétrie σF se traduisent par unetranslation sur le paramètre z. Il en est de même des composées ϕn

F etσF ◦ ϕn

F . ��Cette étude permet de calculer explicitement le nombre de rotation de la

transformation de Poncelet.

Corollaire 2.11 a) On note ρE le nombre de rotation de ϕE si a < R + ret celui de σE ◦ ϕE sinon. Alors, on a l’égalité

ρE = Re(zE)

4K(13)

où les constantes zE et K sont données par les équations (8), (4) et (11).

166 Y. Benoist, D. Hulin

b) De même, on note ρF le nombre de rotation de ϕF si a < R + r et celuide σF ◦ ϕF sinon. Alors, on a l’égalité

ρF = 2ρE si k < 1 et ρF = ρE si k > 1.

La remarque suivante, aussi due à Jacobi, permet d’estimer le nombrede rotation ρE sans faire aucun calcul.

Remarque Lorsque le cercle CR est fixé et que le cercle DR décrit unfaisceau de cercles F contenant CR, les paramètres k et K restent constants.En particulier,

– dans le cas NCI, lorsque le cercle DR ∈ F est à l’intérieur de CR et lerayon r décroît de R à 0, le nombre de rotation ρE croît de 0 à 1

2 .– dans le cas C, lorsque le cercle DR pivote autour de deux points fixes

sur CR et la distance a croît de 0 à R, le nombre de rotation ρE croît de0 à 1

2 .

2.5. Les relations biquadratiques

Terminons cette partie avec la démonstration originale de Poncelet. C’estcette approche qui nous a suggéré l’existence d’un lien entre le pliage cy-clique et la transformation de Poncelet (voir la section 3.2). Néanmoins,cette méthode ne sera pas directement utilisée dans l’étude du pliage cy-clique. Nous nous contenterons donc d’en donner les grandes lignes et nousrenvoyons au dernier chapitre du livre de Samuel [14] pour les détails.

Elle est basée sur les trois assertions suivantes.

a) Toute relation biquadratique symétrique R sur une conique lisse CC deP

2C

est donnée par l’ensemble D�C

des tangentes à une conique DC (ouéventuellement l’ensemble des droites passant par l’un de deux pointsfixes).

b) La “composée” de deux relations biquadratiques symétriques R1 et R2sur CC est aussi une relation biquadratique symétrique R3 sur CC.

c) Notons Di,C la conique associée à Ri . Lorsque les coniques CC, D1,C

et D2,C sont dans un même faisceau, la conique D3,C est aussi dans cefaisceau.

Quatrième démonstration du théorème de Poncelet Notons R1 la relationbiquadratique de Poncelet m1 ↔ m2 et Rn la relation biquadratique obtenueen la composant n fois. Elle est associée à une conique Dn,C qui est dansle faisceau engendré par CC et DC. Dès qu’une telle relation a un point fixequi n’est pas dans l’intersection CC ∩ DC, la conique Dn,C a un cinquièmepoint commun avec CC. Elle lui est donc égale. ��

Itération de pliages de quadrilatères 167

3. La dynamique sur Q

Le but de cette partie est d’une part, d’identifier le pliage cyclique avecla transformation de Poncelet (lemme 3.2) et, d’autre part, de montrer laproposition 1.1, c’est-à-dire l’existence de la dérive pour le pliage cyclique.Le point clef est l’existence d’une fonction sur Q invariante par le pliagecyclique (lemme 3.3). Ceci nous permettra d’expliquer les figures 2 et 3.

On reprend les notations de l’introduction. En particulier, a1, a2, a3, a4sont des réels positifs tels que (a1, a2) �= (a4, a3) et (a2, a3) �= (a1, a4).

3.1. Complexification de Q

Commençons par décrire la courbe Q.

Paramétrons tout d’abord chaque quadrilatère q0 de Q par la directionde ses côtés. Autrement dit, introduisons les quatre nombres complexes demodule 1 :

r1 := 1

a1(A2 − A1) , r2 := 1

a2(A3 − A2) , r3 := 1

a3(A4 − A3)

et r4 := 1

a4(A1 − A4) . (14)

On a donc l’identification

Q � {(r1, r2, r3, r4) ∈ S1 × · · · × S1 / a1r1 + · · · + a4r4 = 0

}.

Dans cette paramétrisation, les pliages ϕi sont donnés par les formules:

ϕ1(r1, r2, r3, r4) = (λ14r4, r2, r3, λ14r1)

ϕ2(r1, r2, r3, r4) = (λ12r2, λ12r1, r3, r4)

ϕ3(r1, r2, r3, r4) = (r1, λ23r3, λ23r2, r4)

ϕ4(r1, r2, r3, r4) = (r1, r2, λ34r4, λ34r3)

avec

λ jk = λ jk(q0) = ajr j + akrk

a jrk + akr jpour j, k = 1, . . . , 4 .

De même la transformation σ induite par la symétrie σ par rapport au côtéA1 A2 de q0 est donnée par la formule :

σ (r1, r2, r3, r4) = r21

(r−1

1 , r−12 , r−1

3 , r−14

).

On a alors Q � {(r1, r2, r3, r4) ∈ Q / r1 = 1} et les égalités sur Q

ϕ3 = ϕ3 , ϕ4 = ϕ4 , ϕ1 = σ ◦ ϕ3 et ϕ2 = σ ◦ ϕ4 .

168 Y. Benoist, D. Hulin

Si on paramètre Q par (r2, r4), on obtient

Q � {(r2, r4) ∈ S1 × S1 / |a1 + a2r2 + a4r4|2 = a2

3

}.

Cet ensemble Q est l’ensemble QR des points réels de la courbe biqua-dratique de P1

C× P1

C

QC={(r2, r4) ∈ P1

C× P1

C/ (a1 + a2r2 + a4r4)

(a1 + a2r−1

2 + a4r−14

) = a23

}

où la conjugaison complexe est donnée par r2 = r−12 et r4 = r−1

4 .

Rappelons qu’un quadrilatère q0 est de type lisse si, pour tout choix designes, on a a1 ± a2 ± a3 ± a4 �= 0.

Lemme 3.1 Les points singuliers de QC correspondent aux quadrilatèresplats. En particulier, lorsque q0 est de type lisse, la courbe QC est unecourbe elliptique. Dans ce cas, les pliages ϕ j , pour j = 1, . . . , 4, sont desinvolutions de QC.

Démonstration On peut par exemple déterminer les points où la différen-tielle de l’équation de QC s’annule. On trouve r2 = ±r4 = ±1.

Pour la dernière assertion, il suffit de remarquer que, par exemple, ϕ1 estl’involution ψ f associée à la fonction f de degré 2 définie par f(q) = r3

r2. ��

Remarques – Lorsque QC contient exactement un quadrilatère plat, alorsla courbe QC est une droite projective avec un point double ordinaire etles pliages ϕi sont encore des involutions de QC.

– Lorsque QC contient deux quadrilatères plats, c’est-à-dire lorsque QCcontient des parallélogrammes, i.e. lorsque (a1, a2) = (a3, a4), la courbeQC est formée de deux droites projectives qui s’intersectent transversa-lement en 2 points.

3.2. Pliage cyclique et transformation de Poncelet

Nous relions dans cette section le pliage ϕ43 = ϕ21 avec la transforma-tion de Poncelet ϕF . L’existence d’un tel lien est en partie suggérée parl’assertion 2.5.a.

Pour chaque quadrilatère q0 = (A1, . . . , A4), on notera θ j = θ j(q0)l’angle extérieur au sommet A j (pour j = 1, . . . , 4), et

t1 = r3

r1et t2 = −r2

r4. (15)

Autrement dit, si on note β1 := θ2 + θ3 et π −β2 := θ3 + θ4 les angles entreles côtés opposés de q0, on a t1 = eiβ1 et t2 = eiβ2 (voir figure 11.A).

Itération de pliages de quadrilatères 169

A

A

A

θ33

1

2

θ

θ

θ4

1

2

4A

A’3

A

A

1

2

4A

A5

δ

r

δ2

= r2

δ1

= r1

4

4

A3

δ3

= r3

β1

Fig. 11. A. Les angles θ j et β j B. Les directions r j et δ j

Lemme 3.2 Soient a1, a2, a3, a4 > 0. On suppose (a1, a2) �= (a3, a4),(a1, a2) �= (a4, a3), (a1, a4) �= (a2, a3) et on pose

a = a1a3 , R = a2a4 et r = 1

2

(a2

4 − a23 + a2

2 − a21

). (16)

a) L’application Θ : q0 → (t1, t2) est une bijection de Q sur Fa,R,rR

.b) On a les égalités Θ ◦ ϕ43 = ϕF ◦ Θ et Θ ◦ σ = σF ◦ Θ.

Remarques – Plus précisément, nous verrons que l’application Θ est unisomorphisme entre les courbes QC et Fa,R,r

C.

– Il peut sembler a priori plus naturel de paramétrer Q par deux anglesopposés, c’est-à-dire de poser Θ′(q0) = (τ1, τ2) := ( r2

r1, r4

r3). Ce qui

donnerait une bijection Θ′ entre Q et Fa′,R′,r′R

avec a′ = −a1a2, R′ =a3a4 et r ′ = 1

2 (a21 + a2

2 − a23 − a2

4). L’intérêt de la paramétrisation Θ estqu’elle relie le pliage ϕ43 = ϕ21 avec la transformation de Poncelet ϕF .

– La condition a1 ±a2 ±a3 ±a4 �= 0 équivaut à la condition a± R±r �= 0.Elle signifie que les courbes QC et Fa,R,r

Csont des courbes elliptiques.

Démonstration du lemme 3.2 a) Partons du quadrilatère q0 := (A1, A2,A3, A4) et construisons le point A′

3 tel que (A2, A3, A4, A′3) est un paral-

lélogramme et calculons de deux façons la diagonale A1 A′3. On obtient

l’égalité

|a1 + t1a3|2 = |a4 − t2a2|2 . (17)

Ceci prouve l’inclusion Θ(Q) ⊂ Fa,R,rR

.Montrons que Θ est une bijection de Q sur Fa,R,r

R. En effet, si on connait

(t1, t2), on connait les triangles A1 A2 A′3 et A1 A′

3 A4 à isométrie positiveprès. La condition (17) assure que l’on peut recoller ces deux triangles. Cequi prouve que q0 existe et est unique.

Les formules inverses : r1 = 1, r2 = (a3t1+a1)t2a2t2−a4

, r3 = −t1 et r4 = − a3t1+a1a2t2−a4

permettent de montrer que Θ est aussi une bijection entre les courbes QCet Fa,R,r

C.

170 Y. Benoist, D. Hulin

b) D’après les lemmes 2.6 et 3.1, la composée Θ ◦ ϕ43 ◦ Θ−1 ◦ ϕ−1F est

une translation de QC. On veut montrer que cette composée est l’identité. Ilsuffit pour cela de montrer qu’elle laisse invariante la fonction f3 de degré 2sur FC définie par f3(t1, t2) = t1t2.

Pour cela, on note ϕ3(q0) = (r ′1, r ′

2, r ′3, r ′

4) et ϕ43(q0) = (r ′′1 , r ′′

2 , r ′′3 , r ′′

4 )et on calcule :

f3(Θ ◦ ϕ43(q0)) = −r ′′3r ′′

2

r ′′1r ′′

4

= −r ′4r ′

2

r ′1r ′

3

= −r4r3

r1r2= f3(ϕF ◦ Θ(q0)) .

C’est bien ce que l’on cherchait. ��

3.3. La fonction ϕ-invariante

On note h la fonction de Q dans S1 donnée par

h(q0) = r1r2r3/r4 . (18)

Lemme 3.3 La fonction h est invariante par le pliage cyclique ϕ = ϕ4321.

Démonstration On veut montrer l’égalité

h ◦ ϕ = h .

Pour cela, introduisons pour j = 1, . . . , 4 les fonctions h j de Q dans S1

données par h j(q0) = r1r2r3r4/r2j de sorte que h = h4. On a alors les

égalités

h4 ◦ ϕ4 = h3 , h3 ◦ ϕ3 = h2 , h2 ◦ ϕ2 = h1 et h1 ◦ ϕ1 = h4 .

D’où l’égalité annoncée. ��Pour tout quadrilatère q0 ∈ Q et tout u ∈ eiθ ∈ S1, on note uq0 l’image

de q0 par la rotation d’angle θ. On a l’égalité h(uq0) = u2h(q0). Il existedonc une direction u0 ∈ S1 telle que h(u−1

0 q0) = −1. Cette directionu0 = √−h(q0) n’est, pour l’instant, définie qu’au signe près. Elle joueraun rôle important dans la suite car nous verrons que, lorsque q0 est detype C, si le signe est bien choisi, elle donne la direction de la dérive (voirproposition 4.12).

Il est donc naturel d’introduire le revêtement à deux feuillets Q1 de Q

Q1 = {q0 ∈ Q / h(q0) = −1} . (19)

Pour chaque quadrilatère q0, on note

s1 = r−11 et s2 = r3 . (20)

Le lemme suivant identifie le pliage cyclique sur Q1 avec le carré de latransformation de Poncelet.

Itération de pliages de quadrilatères 171

Lemme 3.4 Soient a1, a2, a3, a4 > 0. On suppose (a1, a2) �= (a3, a4),(a1, a2) �= (a4, a3), (a1, a4) �= (a2, a3) et on pose, comme dans le lemme 3.2 :

a = a1a3, R = a2a4 et r = 12

(a2

4 − a23 + a2

2 − a21

).

a) L’application Θ′ : q0 → (s1, s2) est une bijection de Q1 sur Ea,R,rR

.b) On a les égalités Θ′ ◦ ϕ = ϕ2

E ◦ Θ′ et Θ′ ◦ σ0 = σE ◦ Θ′.

Démonstration a) Comme q0 est dans Q1, on a les égalités

s1s2 = r−11 r3 = t1 et s1/s2 = r−1

1 r−13 = −r2/r4 = t2 .

Le lemme 3.2.a prouve alors que (s1, s2) est dans ER et que

pE(Θ′(q0)) = Θ(q0) .

Comme Θ est une bijection de Q sur FR et que l’on a l’égalité

Θ′(−q0) = −Θ′(q0) ,

l’application Θ′ est une bijection de Q1 sur ER.b) D’après le lemme 3.2.b, on a l’égalité

Θ′ ◦ ϕ(q0) = ±ϕ2E ◦ Θ′(q0) .

Il reste à déterminer ce signe ±1. Ce signe est par construction donné parune expression rationnelle en les coordonnées r1, . . . , r4 et les paramètresa1, . . . , a4. Ce signe est donc constant. Pour l’évaluer, on peut par exemplesupposer que q0 est un quadrilatère dont les diagonales sont orthogonales.On vérifie qu’alors, on a ϕ(q0) = −q0, r = 0 et ϕ2

E(s1, s2) = −(s1, s2). Lesigne est donc +1. ��

Ce lemme 3.4 nous permet enfin de démontrer la proposition 1.1 quenous réénonçons :

Proposition 3.5 Soit q0 un quadrilatère de côtés a1, a2, a3, a4 > 0. Onsuppose (a1, a2) �= (a4, a3), (a1, a4) �= (a2, a3) et on note qn = ϕn(q0) lasuite de quadrilatères obtenue par pliage cyclique à partir de q0. Alors lalimite v(q0) := lim

n→∞1n qn existe.

Notons δ : Q → R2 l’application définie par δ(q0) = A5− A1 de sorte

que l’on a

ϕ(q0) = ϕ(q0) + δ(q0) . (21)

172 Y. Benoist, D. Hulin

Démonstration Nous allons montrer l’existence de la limite

v(q0) := limn→∞

1

n

n−1∑

k=0

δ(ϕk(q0)

). (22)

On aura alors

limn→∞

1n qn = lim

n→∞1

nϕn(q0) = v(q0) . (23)

Pour montrer l’existence de cette limite, on va distinguer deux cas.

1er cas : q0 est de type lisse.Il résulte du lemme 3.4 que l’action de ϕ sur Q1 est conjugué à une

translation sur le groupe compact (R/Z) × Z/2Z. Donc, par le théorèmed’équirépartition de Weyl, la limite (22) existe pour toute fonction conti-nue δ.

2ème cas : q0 n’est pas de type lisse.Supposons tout d’abord (a1, a2) �= (a3, a4). D’après le lemme 3.2, on

peut identifier les parties lisses de QC et de Fa,R,rC

, avec a, R, r donnéspar les égalités (16). Reprenons alors le paramètre τ de la démonstrationdu lemme 2.5.b. Le paramètre τ ′ donné par τ ′ := τ−√

a/Rτ+√

a/R, donne une

identification de la partie lisse de QC � FC avec C�. Dans ce paramétrage,l’application ϕ43 est donnée par une multiplication τ ′ �→ χτ ′ par un réelχ �= −1, 0, 1.

Le paramètre τ ′n correspondant au point ϕn

43(q0) est donné par τ ′n = τ ′

0χn .

Donc la suite ϕn43(q0) converge exponentiellement vite vers le point singulier

q∞ de QC. Donc, par le lemme 3.4 la suite ϕn(q0) converge exponentiel-lement vite vers l’un des deux points singuliers q∞ de Q1. Comme lafonction δ est une fonction rationnelle sur Q1 qui s’annule en q∞, la sériek → |δ(ϕk(q0))| est majorée par une série géométrique convergente. Ceciprouve bien que la limite (22) existe et est nulle.

Le cas où (a1, a2) = (a3, a4) se traite de la même façon. La différenceprincipale est que QC a deux points singuliers au lieu d’un : les deuxparallélogrammes plats (voir la remarque du lemme 3.1). On utilise encoreune paramétrisation rationnelle des composantes irréductibles de la partielisse de QC à l’aide de C�. Les détails sont laissés au lecteur. ��Remarque Il résulte de cette démonstration que, lorsque q0 est de type nonlisse, la suite qn converge exponentiellement vite vers un quadrilatère platq∞ et donc que la dérive est nulle : v(q0) = 0. Cette remarque permettradonc de supposer dans la suite de cet article que q0 est de type lisse, c’est àdire que Q est une courbe elliptique.

Itération de pliages de quadrilatères 173

3.4. Période stricte et semipériode

Le lemme suivant est dû à Charter et Rogers pour les quadrilatères isocèles(voir [4]).

Lemme 3.6 Soit q0 un quadrilatère non plat, a = (a1, a2, a3, a4) ses cotéset Q = Qa.

a) Si ϕn43(q0) = q0, alors on a ϕn

43 = Id sur Q. On dit alors que q0 estn-périodique.

b) Si σ ◦ ϕn43(q0) = q0, alors on a ϕn

43 = σ sur Q. On dit alors que q0 estn-semipériodique.

Démonstration Cela résulte du lemme 3.2 et du théorème de Poncelet. ��Nous dirons que q0 est de type n-périodique si q0 est n-périodique. Ceci

signifie que ϕn43(q0) est l’image de q0 par une isométrie positive. De même,

nous dirons que q0 est de type n-semipériodique si q0 est n-semipériodique.Ceci signifie que ϕn

43(q0) est l’image de q0 par une isométrie négative.Lorsque q0 est de type périodique, on appelle période de q0 le plus

petit entier n tel que q0 est de type n-périodique; on dit que n est une pé-riode stricte de q0 si n est impair ou si n est pair et q0 n’est pas de typen2 -semipériodique. Lorsque q0 est de type semipériodique, on appelle semi-période de q0 le plus petit entier n tel que q0 est de type n-semipériodique.

Remarque Le lemme 3.6 affirme que la périodicité (resp. la semi-pério-dicité) d’un quadrilatère non plat, ne dépend que des longueurs de sescôtés. La démonstration prouve qu’elle ne dépend en fait que du triplet(a, R, r) donné par les égalités (16) et qu’elle est donnée par la conditionPn(a, R, r) = 0 (resp. Qn(a, R, r) = 0) de la section 2.1. Par exemple :

Exemples – Les quadrilatères de période 2 sont donnés par r = 0. Cesont ceux dont les diagonales sont orthogonales (voir figure 13).

– Les quadrilatères de semipériode 2 sont donnés par R = a.– Les quadrilatères de période 3 sont donnés par R2 − a2 = ±2rR.– Les quadrilatères de semipériode 3 sont donnés par R2 − a2 = ±2ra.– Les quadrilatères de période stricte 4 sont donnés par (R2 − a2)2 =

2r2(R2 + a2).– Les quadrilatères de semipériode 4 sont donnés par (R2 − a2)2 =

±4r2aR ...

Remarque Si les coordonnées des sommets de q0 sont rationnelles et q0 estde type périodique, J. Esch et T. Rogers ([8] p. 494) montrent en utilisantle théorème de Mazur que q0 est de période ou de semipériode au plus 12.En particulier les quadrilatères qA, . . . , qH des figures 2 à 7 ne sont paspériodiques.

Le lemme suivant clarifie le lien entre “période à isométrie près” et“période à translation près”.

174 Y. Benoist, D. Hulin

Lemme 3.7 Soit q0 un quadrilatère de type n-périodique avec n ≥ 2. Alorsle quadrilatère qn = ϕn(q0) est un translaté de q0 : qn = q0 + n v(q0).

En particulier, lorsque qn est image de q0 par une isométrie positive, lecarré de cette isométrie est une translation.

Démonstration Utilisons le lemme 3.4. Il n’est pas restrictif de supposerque q0 est dans Q1. Notons alors e0 := Θ′(q0). Par hypothèse, on a l’égalité(ϕ43)

n(q0) = q0. On a donc ϕnE(e0) = ±e0 puis ϕ2n

E (e0) = e0. On en déduitl’égalité cherchée ϕn(q0) = q0. ��

4. La dynamique sur Q

Nous déterminons dans cette partie la loi statistique des directions descôtés An+1 − An . Ceci nous permettra de démontrer le théorème 1.2 et lecorollaire 1.4, de calculer la dérive v(q0), et d’expliquer les figues 6 et 7.

On gardera jusqu’à la fin de ce texte les notations des parties précédenteset en particulier M, m, p, a, R, r, k, K, K ′, ρE, . . . des égalités (1), (4), (8),(9), (11), (13), (16) qui sont des fonctions de a = (a1, a2, a3, a4).

4.1. Quadrilatères de type C

Vérifions tout d’abord que la condition “de type C” pour un quadrilatère(définition 1.3) équivaut à la condition “de type C” pour la configuration dePoncelet correspondante (définition 2.3).

Comme la symétrie σ ne laisse pas invariante la fonction h, il est natureld’introduire une nouvelle symétrie σ0 : Q → Q donnée par

σ0(q0) = −h(q0)r−21 σ (q0) (24)

de sorte que l’on a

h ◦ σ0 = h .

Lemme 4.1 Soit q0 un quadrilatère de type lisse. Alors les assertionssuivantes sont équivalentes.

(i) La configuration de Poncelet Θ(q0) est de type C.(ii) La courbe Q est connexe.(iii) Les quadrilatères q0 et σ(q0) sont dans la même composante connexe

de Q.(iv) Les quadrilatères q0 et σ0(q0) sont dans la même composante connexe

de h−1(h(q0)).(v) Les quadrilatères q0 et −q0 ne sont pas dans la même comp. connexe

de h−1(h(q0)).(vi) Le quadrilatère q0 est de type C.

Itération de pliages de quadrilatères 175

Fig. 12. A. Quadrilatère de type C B. Quadrilatère de type NC

Démonstration Montrons l’équivalence (i) ⇔ (vi). On calcule :

4(r2−(a−R)2) = (a1+a2+a3+a4)(a1+a2−a3−a4)

× (a1−a2+a3−a4)(a1−a2−a3+a4).

On a donc les équivalences :

Θ(q0) est de type C ⇔ r2 > (a − R)2 ⇔ M + m > p⇔ q0 est de type C.

Les autres affirmations du lemme résultent du corollaire 2.8 ou de lafigure 10. ��

Le lemme suivant relie type périodique et type NC.

Lemme 4.2 a) Tout quadrilatère q0 de période stricte paire est de typeNC.

b) Tout quadrilatère q0 de semipériode paire est de type C.

Nous verrons (lemme 4.14) que dans le cas a), la dérive v(q0) est nulle.

Démonstration Cela résulte de l’identification pliage-Poncelet (lemme 3.2)et du lemme suivant. ��Lemme 4.3 a) Toute configuration de Poncelet f0 de période stricte paire

n est de type NC. En outre, dans ce cas, on a l’égalité ϕnE = −IdE.

b) Tout configuration de Poncelet f0 de semipériode paire est de type C.

Démonstration a) Notons n = 2N. Lorsque (ϕF )2N = IdF et que FRest connexe, on a (ϕF )N = IdF ou σF . Contradiction. Donc FR n’est pasconnexe. On a alors (ϕE )2N = IdE ou −IdE . Le premier cas est exclu, car onaurait alors (ϕE )N = IdE , −IdE , σE ou −σE . On en déduirait (ϕF )N = IdFou σF . Contradiction.

b) Si f0 est de type NC, la transformation σF échange les composantesconnexes de FR alors que, pour n est pair, ϕn

F les préserve. Contradiction. ��

4.2. Quadrilatères de type non périodique

Calculons maintenant la dérive v(q0) pour un quadrilatère de type nonpériodique.

176 Y. Benoist, D. Hulin

On peut, d’après la remarque de la section 3.3, supposer que q0 estde type lisse. Notons Qq0

la composante connexe de la courbe elliptiqueh−1(h(q0)) � ER contenant q0 et µ la probabilité de Haar sur Qq0

.On dira qu’une suite xn de points dans un compact admet pour loi

statistique une probabilité P, si la suite de probabilités 1n

k≤n

δxk converge

vers P.

Lemme 4.4 Soit q0 un quadrilatère de type lisse et de type non périodique.Alors la suite qn = ϕn(q0) admet µ comme loi statistique.

Démonstration On reprend la démonstration de la proposition 3.5. D’aprèsle lemme 3.4.b, la transformation ϕ préserve Qq0

. Comme q0 n’est pas detype périodique, notre assertion résulte du théorème d’équirépartition deWeyl. ��

Introduisons, pour j ∈ Z, les fonctions δ j : Q → R2 définies par

δ j(q0) = 1a j ′

(A j+1− A j )

où j ′ := j mod 4, de sorte que l’on a

δ = a1δ1 + a2δ2 + a3δ3 + a4δ4 . (25)

Le corollaire suivant ramène le calcul de la dérive à celui d’une intégrale.On introduit la dérive moyenne

V(q0) =∫

Qq0

δ(q)dµ(q) . (26)

Corollaire 4.5 Soit q0 un quadrilatère de type lisse et de type non pério-dique. Alors la dérive coïncide avec la dérive moyenne : v(q0) = V(q0).

Démonstration Cela résulte du lemme 4.4 et de la formule (22). ��Proposition 4.6 Pour tout quadrilatère q0 de type NC, on a l’égalitéV(q0) = 0.

Si en outre, q0 est de type non périodique, alors la dérive est nulle :v(q0) = 0.

Démonstration D’après le lemme 4.1, comme q0 est de type NC, l’ap-plication q → −q préserve la courbe Qq0

. Cette translation de la courbeelliptique h−1(h(q0)) préserve donc la probabilité µ. La nullité de V(q0)résulte alors de l’égalité δ(−q) = −δ(q). ��

Itération de pliages de quadrilatères 177

Pour décrire la loi des côtés, introduisons les quatre fonctions ∆ j : Q →S1

définies, pour j = 1, . . . , 4, par

∆ j = δ2j/h .

Ce sont des fonctions invariantes par rotation. Les trois premières se calcu-lent facilement :

∆1(q0) = ei(θ4−θ2) , ∆2(q0) = ei(θ4+θ2) = e−i(θ3+θ1) et ∆3(q0) = ei(θ3−θ1).

(27)

Lemme 4.7 On a les égalités :

(i) ∆1 ◦ ϕ1 = ∆4 ,(ii) ∆2 ◦ ϕ2 = ∆1 ,(iii) ∆3 ◦ ϕ3 = ∆2 .

Démonstration (i) En effet, des égalités δ4(ϕ1(q0)) = r4 et h(ϕ1(q0)) =( r4

r1)2h(q0), on déduit ∆4(ϕ1(q0)) = h(q0)/r2

1 = ∆1(q0). C’est ce quel’on voulait.

(ii) Le pliage ϕ2 ne modifie pas θ4 mais change le signe de θ2.(iii) Le pliage ϕ3 ne modifie pas θ1 mais change le signe de θ3. ��

Comme les pliages ϕ j ne laissent pas invariante la fonction h, on introduitquatre nouvelles transformations ψ j : Q → Q définies par

ψ j(q0) = u j(q0)ϕ j(q0)

de sorte que

h ◦ ψ j = h .

Les fonctions rationnelles u j : Q → S1 sont définies de façon unique au

signe près, par les égalités ci-dessus. On a

u1(q0) = ± r1/r4 , u2(q0) = ±λ−112 (q0) , u3(q0) = ±λ−1

23 (q0)

et u4(q0) = ± r3/r4 . (28)

Lemme 4.8 Soit q0 un quadrilatère lisse, µ la probabilité invariante surQq0

et µ′ la probabilité invariante sur l’autre composante connexe deh−1(h(q0)). Alors, on a les égalités

a) (ψ j)∗(µ) = µ ou µ′ selon que ψ j préserve Qq0ou pas.

b) Si q0 est de type NC, on a (−Id)∗(µ) = µ et (σ0)∗(µ) = µ′.c) Si q0 est de type C , on a (−Id)∗(µ) = µ′ et (σ0)∗(µ) = µ.

Démonstration a) Les quatre transformations ψ j sont des involutions de lacourbe elliptique h−1(h(q0)) car elles relèvent les quatre involutions ϕ j

de Q.b) et c) Cela résulte du lemme 4.1. ��

178 Y. Benoist, D. Hulin

Remarques – Les points b) et c) expliquent les symétries que l’on observepour tous les quadrilatères dans les figures 6 et 7. On reviendra sur cessymétries dans la section 5.4.

– Dans le cas NC, quelque soit le choix de signes dans (28) on a leséquivalences :

ψ j(Qq0) = Qq0

⇐⇒ ϕ j préserve les composantes connexes de Q .

Cela se produit pour exactement deux valeurs de j ∈ {1, . . . , 4} : cellespour lesquelles, en notant a0 = a4, on a aj−1 �= M et aj �= M .

– Dans le cas C, on peut choisir les signes dans (28) de sorte que ψ j

préserve Qq0(voir figure 10). On reviendra sur ce choix plus loin.

4.3. Quadrilatères de type NC et non périodique

Déterminons maintenant, pour q0 de type NC, les lois des suites n →(A4n+ j+1−A4n+ j ). Ce qui expliquera la façon dont les points se répartissentsur les cercles de la figure 6. Rappelons que dans ce cas on a k < 1.

Lemme 4.9 Soit q0 un quadrilatère de type lisse et de type NC. Pour toutj = 1, . . . , 4, on note µ j la probabilité µ j := (δ j)∗(µ) de sorte que, lorsqueq0 est de type non périodique, cette probabilité µ j est la loi statistique desdirections des côtés δ j(ϕ

n(q0)).

a) Les probabilités µ j sont deux à deux égales et vérifient (−Id)∗(µ j) =µ j .

b) Lorsque h(q0) = −1, on a les égalités, pour tout j = 1, . . . , 4,

µ j = dθ

4K√

1 − k2sin2θ. (29)

Remarques – On se ramène au cas où h(q0) = −1 en tournant q0.– Ce lemme, comme le lemme 4.10 ci-dessous, ne dit rien sur la loi

statistique du quatrième côté (A4n+1 − A4n+4) du quadrilatère qn (voirfigure 11.B).

– Dans la formule (29), on a paramétré le cercle S1 par eiθ .

Démonstration On peut supposer que h(q0) = −1. Comme q0 est de typeNC, la transformation q → −q préserve µ (lemme 4.8) et on a les égalités(−Id)∗(µ j) = µ j . De même, selon les valeurs de j, on a (ψ j)∗(µ) = µ ou(σ0)∗(µ). Or, d’après le lemme 4.7, on a les égalités

δ1 ◦ ψ1 = ± δ4 , δ2 ◦ ψ2 = ± δ1 et δ3 ◦ ψ3 = ± δ2 . (30)

On en déduit que les probabilité µ j sont soit deux à deux égales, soit deux àdeux échangées par changement de signe de θ. D’après (20), on a l’égalitéδ1(q0) = r1 = s−1

1 . Le lemme 3.2 permet de calculer µ1 = (δ1)∗(µ) à l’aidede la formule (3). Comme celle-ci est invariante par changement de signede θ, toutes les probabilités µ j sont égales. On ajuste alors la constante pourobtenir une probabilité. Ce qui donne la formule (29). ��

Itération de pliages de quadrilatères 179

4.4. Quadrilatères de type C et non périodique

Déterminons maintenant, pour q0 de type C, les lois des suites n →(A4n+ j+1 − A4n+ j ). Ce qui expliquera la façon dont les points se répar-tissent sur les arcs de cercles de la figure 7 et nous permettra de calculer ladérive. Rappelons que dans ce cas on a k > 1.

Le lemme suivant est le petit frère du lemme 4.9.

Lemme 4.10 Soit q0 un quadrilatère de type lisse et de type C. On note j0le numéro du plus grand côté de q0. Pour tout j = 1, . . . , 4, on note µ j laprobabilité µ j := (δ j)∗(µ).

a) Il existe une unique direction u0 ∈ S1 telle que u20 = −h(q0) et tel que,

pour tout q dans Qq0et tout j = 1, . . . , 4, on a Re(δ j(q)/u0) > 0 si

j �= j0 et Re(δ j(q)/u0) < 0 si j = j0.b) Pour j �= j0, les probabilités µ j sont égales à la même probabilité

µ0 := (−Id)∗(µ j0).c) Lorsque u0 = 1, cette probabilité µ0 est donnée par la formule

µ0 = dθ

2K√

1 − k2sin2θ1{θ / |θ| < arcsin(k−1)} . (31)

Remarques – On se ramène au cas où u0 = 1 en tournant q0.– Dans la formule (31), on a de nouveau paramétré le cercle S1 par eiθ .– Rappelons que, lorsque q0 est de type non périodique, les probabilités

µ j sont les lois statistiques des directions des côtés δ j(ϕn(q0)).

– Ce lemme démontre ce que l’on observe dans la figure 7 :– les quatre arcs de cercles ont la même ouverture qui vaut 2 arcsin(k−1) ;– les quatre arcs de cercles ont le même axe de symétrie qui est porté par

la dérive v(q0) ;– les trois arcs les plus petits sont du côté de la dérive tandis que le plus

grand est de l’autre côté.

Pour démontrer le point a), nous aurons besoin du lemme suivant.

Lemme 4.11 Pour tout quadrilatère q0 de type C et 1 ≤ j ≤ 4, on a, ennotant a0 = a4,

a) (aj−1 = M ou aj = M) �⇒ δ j(q0) �= δ j−1(q0) .

b) (aj−1 �= M et a j �= M) �⇒ δ j(q0) �= −δ j−1(q0) .

c) ∆ j(q0) �= 1.

Remarques – Dans le cas a), on a θ j �= 0 mod 2π. Dans le cas b), on aθ j �= π mod 2π .

– On a θ1 ± θ3 �= 0 mod 2π et θ2 ± θ4 �= 0 mod 2π : cela résulte du c)et des égalités (27).

180 Y. Benoist, D. Hulin

Démonstration a) L’inégalité M + m > p implique aj−1 + aj > p puisδ j(q0) �= δ j−1(q0).

b) L’inégalité M + m > p implique que |aj−1 − aj | < |ak − al| où ak et alsont les longueurs des deux autres côtés. On a donc δ j(q0) �= −δ j−1(q0).

c) On peut supposer h(q0) = −1. On a alors ∆1(q0) = −s−21 où (s1, s2) =

Θ′(q0) ∈ ER. Comme q0 est de type C, on a s21 �= −1 (voir figure 9)

et donc ∆1(q0) �= 1. Les autres inégalités ∆ j(q0) �= 1, s’en déduisentgrâce au lemme 4.7. ��

Démonstration du lemme 4.10 a) Comme on a ∆1(q0) �= 1, on peut quitteà tourner le quadrilatère q0, supposer que h(q0) = −1 et aussi que

Re(δ1(q0)) < 0 si a1 = M et Re(δ1(q0)) > 0 sinon . (32)

Il reste alors à montrer que pour tout j = 1, . . . , 4, et tout q dans Qq0, on a

Re(δ j(q)) < 0 si aj = M et Re(δ j(q)) > 0 sinon . (33)

Comme Qq0est connexe et que la fonction q → Re(δ j(q)) ne s’annule pas

sur Qq0(lemme 4.11.c), il suffit de trouver un quadrilatère q de Qq0

pourlequel l’assertion (33) est vraie.

Pour j = 1, on prend q = q0. Pour 2 ≤ j ≤ 4, on distingue deuxcas. Lorsque aj−1 = M ou aj = M, on peut choisir q dans Qq0

tel queδ j(q) = −δ j−1(q). De même lorsque aj−1 �= M et aj �= M, on peut choisirq dans Qq0

tel que δ j(q) = δ j−1(q). Ce qui permet de montrer l’assertion(33) successivement pour j = 2, 3 et 4.

b) La fin de la démonstration de ce lemme reprend les mêmes idéesque celles du lemme 4.9. Nous aurons besoin cette fois de déterminer lessignes qui apparaissent dans les formules (30). On peut supposer que θ0 = 0.D’après la remarque de la section 4.2, on peut choisir les signes dans (28) desorte que les transformations ψ j préservent Qq0

. On a donc par le lemme 4.8(ψ j)∗(µ) = µ. Or, d’après le lemme 4.7, on a encore les formules (30) :

δ1 ◦ ψ1 = ε1 δ4 , δ2 ◦ ψ2 = ε2 δ1 et δ3 ◦ ψ3 = ε3 δ2 .

où ε j est un signe. D’après le a), on a l’équivalence

ε j = 1 ⇐⇒ (aj−1 �= M et aj �= M).

On en déduit que les probabilité µ j sont égales à une même probabilité µ0lorsque j �= j0, et que µ j0 est l’image de µ0 par la symétrie θ → θ + π.

c) Comme on a δ1(q0) = r1 = s−11 , la formule (3) prouve que, à une

constante près, la probabilité (δ1)∗(µ) est localement donnée par la for-mule (3). On ajuste alors les constantes pour obtenir une probabilité. Ce quidonne la formule (31). ��

Nous pouvons enfin terminer le calcul de la dérive pour un quadrilatèrede type C.

Itération de pliages de quadrilatères 181

Proposition 4.12 Soit q0 un quadrilatère de type lisse et de type C. Onnote j0 le numéro du plus grand côté de q0.

a) Alors la dérive moyenne est non nulle : V(q0) �= 0.b) Plus précisément, on a l’égalité,

V(q0) = (p − M)π

kKu0 (34)

où u0 = ±√−h(q0) ∈ S1 avec un signe choisi de sorte que l’on ait, pourtout j ≥ 1, Re(δ j(q0)/u0) < 0 si j = j0 mod 4 et Re(δ j(q0)/u0) > 0sinon. Un tel choix est possible.

c) En particulier, si q0 est de type non périodique, la dérive v(q0) est nonnulle et donnée par (34).

Autrement dit : la dérive v(q0) est de norme (p−M)π

kK ; elle fait, pour toutj ≥ 1, un angle aigu avec les vecteurs A j+1−A j , sauf pour ceux de longueurM, auquel cas cet angle est obtus; lorsque h(q0) = −1, la dérive v(q0) esthorizontale.

Démonstration de la proposition 4.12

a) D’après le lemme 4.10 et la formule (25), on a l’égalité

V(q0) = (a1 + a2 + a3 + a4 − 2 aj0)zµ0= 2(p − M)zµ0

où zµ0:= ∫

S1 zdµ0 est le centre de gravité de la probabilité µ0. Commeµ0 est porté par un demi-cercle, ce centre de gravité zµ0

est non nul.b) Pour calculer zµ0

, on peut supposer que u0 = 1. On a alors

zµ0= 1

K(k)

∫ arcsin(k−1)

0

cos(θ)dθ√

1 − k2sin2(θ)= π

2kK.

c) Cela résulte du corollaire 4.5. ��Démonstration du théorème 1.2 Dans le cas non lisse, cela résulte de laremarque suivant la proposition 3.5. Dans le cas lisse, cela résulte despropositions 4.6 et 4.12. ��Démonstration du corollaire 1.4 D’après ce qui précède, on peut supposerq0 de type lisse, NC et non périodique ; il faut alors montrer que la suite qnne tend pas vers l’infini. Ce résultat découlera immédiatement du lemme 5.1et de l’énoncé suivant, dû à Koksma (voir [5]).

Lemme 4.13 Soit ρ un irrationnel. Il existe une infinité d’entiers q ∈ Ntels que, pour toute fonction f : R/Z → R

N à variation bornée et toutx ∈ R/Z, on ait :

‖q−1∑

k=0

f(x + kρ) − q∫ 1

0f(t) dt‖ ≤ Var ( f ) ,

où Var ( f ) désigne la variation totale de f .

182 Y. Benoist, D. Hulin

Démonstration D’après le principe des tiroirs de Dirichlet, il existe uneinfinité de couples (p, q) d’entiers premiers entre eux pour lesquels |ρ− p

q | <1

q2 . Fixons l’un d’eux, et supposons pour fixer les idées que l’approximation

ait lieu par défaut : pq < ρ <

pq + 1

q2 . On aura alors, pour k = 0, . . . , q − 1,l’encadrement k p

q < kρ < (k + 1)pq .

Lorsque k décrit 0, . . . , q − 1, les points (k pq ) ∈ R/Z décrivent l’en-

semble des ( �q )0≤�≤q−1 ; il y aura donc un unique kρ (où k = k(�) ∈

0, . . . , q −1) dans chacun des intervalles disjoints [ �q ; �+1

q [ (0 ≤ � ≤ q −1)de R/Z.

Fixons maintenant x ∈ R/Z. On observe que la quantité

‖q−1∑

k=0

f(x + kρ) − q∫ 1

0f(t) dt‖

≤q−1∑

�=0

‖ f(x + k(�)ρ) − q∫ x+ �+1

q

x+ �q

f(t) dt‖

est majorée par la variation totale de f . ��

4.5. Quadrilatères de type périodique

Dans cette section nous étudions pour les quadrilatères de type périodiquele lien qui existe entre la nullité de la dérive et le type NC.

Rassemblons quelques énoncés sur les quadrilatères de type périodiquesqui sont similaires au théorème 1.2 (voir figures 13 et 14).

Proposition 4.14 Soit q0 un quadrilatère de type n-périodique avec n ≥ 2.

a) Si q0 admet une période stricte qui est paire, alors q0 est de type NC eton a v(q0) = 0. La suite qn est alors périodique.

b) Si q0 est de type C alors, pour presque tous quadrilatères q ayant mêmescôtés a1, . . . , a4 que q0, on a v(q) �= 0.

Démonstration a) D’après le lemme 4.2, q0 est de type NC. D’après lelemme 3.4 et le lemme 4.3, on a l’égalité ϕn(q0) = −q0 On en déduitv(q0) = v(−q0) et donc v(q0) = 0.

b) En effet, la proposition 4.12 donne les égalités∫

Qq0

v(q)dµ(q) =∫

Qq0

δ(q)dµ(q) = V(q0) = (p − M)π

kK

√−h(q0) �= 0 .

Comme la fonction q → v(q) est analytique sur Qq0, elle est non nulle sauf

au plus en un nombre fini de points. ��Voici maintenant quelques énoncés sur les quadrilatères de type pério-

dique qui contrastent avec le théorème 1.2.

Itération de pliages de quadrilatères 183

Fig. 13. Quadrilatères de période stricte paire. Ici n = 2, 4 ou 6.Ils sont de type NC et ont une dérive nulle

Fig. 14. Quadrilatères de type C et de période n. Ici n = 3, 5 ou 7 :Ils ont presque tous une dérive non nulle

Proposition 4.15 a) Pour tout n ≥ 3 impair, il existe des quadrilatèresisocèles q0 de semipériode n, de type NC et tels que v(q0) �= 0.

b) Pour tout n ≥ 2 pair, il existe des quadrilatères isocèles q0 de semipé-riode n, de type C et tels que v(q0) = 0.

Remarque Lorsque n est impair, un quadrilatère q0 = (A1, A2, A3, A4) estde semipériode n si et seulement si le quadrilatère (A2, A3, A4, A1) est depériode stricte n. Cela résulte de l’égalité ϕ3 = ϕ1 ◦ σ .

Le corollaire suivant contraste avec le lemme 5.8.

Corollaire 4.16 Il existe des quadrilatères isocèles q0 et q ayant mêmescôtés a1, . . . , a4 tels que la suite ϕn(q0) est bornée mais pas la suite ϕn(q).

Démonstration Les deux quadrilatères seront de type n-semipériodiqueavec n ≥ 2 et de type C. On choisit un quadrilatère q0 donné par laproposition 4.15.b. On choisit alors q à l’aide de la proposition 4.14.b.

��

184 Y. Benoist, D. Hulin

Fig. 15. Quadrilatères de semipériode paire. Ici n = 2, 4 ou 6.Ils sont de type C et ont presque tous une dérive non nulle

Pour démontrer cette proposition nous aurons besoin des deux lemmessuivants.

Lemme 4.17 La configuration de Poncelet f0 associée (par l’applica-tion Θ du lemme 3.2) à un quadrilatère isocèle q0 de type lisse est de typeNCII ou C.

Réciproquement, chaque configuration de Poncelet f0 de type NCII ou Cest l’image d’un quadrilatère isocèle q0.

Démonstration D’après le lemme 3.2, les paramètres a, R, r > 0 sontdonnés par a = a1a3, R = a2a4 et 2r = ±(a2

4 −a23 +a2

2 −a21) où a1 = a3, a2

et a4 sont positifs. On a forcément R < a+r. Réciproquement, si R < a+r,on peut trouver de tels a1, a2, a3, a4 > 0. Il suffit de prendre a1 = a3 = √

aet a4 ± a2 = √

2(r + a ± R). ��Lemme 4.18 Pour tout quadrilatère q0 de semipériode paire, la dérivev(q0) est parallèle à la dérive moyenne V(q0).

Démonstration D’après le lemme 4.2.b, le quadrilatère q0 est de type C.D’après la proposition 4.12 la dérive moyenne V(q0) est non nulle et stablepar la symétrie σ0. Notons n = 2N la semipériode de q0. Par hypothèse,ϕN(q0) est une image miroir de q0 qui se trouve sur Qq0

. Par le lemme 4.1,σ0(q0) est aussi sur Qq0

. On en déduit l’égalité ϕN(q0) = σ0(q0). On a donc

v(q0) = v(σ0(q0)) = σ0(v(q0))

(voir figure 15). Ce qui prouve que v(q0) est sur la droite portée par levecteur V(q0). ��Démonstration de la proposition 4.15 a) D’après la remarque du corol-laire 2.11, il existe une configuration de Poncelet f0 de type NCII, denombre de rotation ρE = 1

n et avec R = 1 et r minuscule. On notera que,pour une telle configuration, la distance a − R − r entre les deux cercles est

Itération de pliages de quadrilatères 185

Fig. 16. Quadrilatères isocèles proches du carré et de semipériode n. Ici n = 3 ou 4.Pour 0 < j < n et j �= E[ n

2 ], les quadrilatères q j sont presque platset contribuent peu à la dérive

Fig. 17. Configurations de Poncelet de semipériode n. Ici n = 3 ou 4.Les configurations associées aux quadrilatères de la figure 16 sont semblablesavec un cercle DR bien plus petit et des tangentes très proches de la verticale.

Le point de contact étant à droite de DR sauf pour deux d’entre elles

beaucoup plus petite que r. On a ρF = 2n et cette configuration est de type

n-périodique. On suppose f0 choisi dans FR de sorte que ses coordonnées(t1, t2) soient proches de (−1, 1). Toutes les images fk := ϕk

F( f0), aveck = 1, . . . , n − 1 ont alors leurs coordonnées proches de (1,−1) (voirfigure 17).

Par le lemme 4.17, il existe donc un quadrilatère isocèle q0 extrêmementproche du carré (0, 1, 1 + i, i) qui soit de type NC et de type n-périodique(voir figure 16). Comme n est impair, tous les quadrilatères ϕ j(q0) etϕ21(ϕ

j(q0)), pour j = 1, . . . , n − 1, j �= n−12 sont extrêmement proches

d’un quadrilatère plat. Donc, dans la somme v(q0) = 1n

∑0≤ j<n δ(ϕ j(q0)),

seuls les termes δ(q0) � 1 + i et δ(ϕn−1

2 (q0)) � −1 + i ne sont pas négli-geables. On en déduit que v(q0) �= 0.

b) Il suffit de construire un trapèze q′0 qui soit de type C et de type n-

semipériodique tel que v(q′0) est non nul et dans la direction opposé à V(q′

0).En effet, comme la fonction q0 → v(q0), restreinte à Qq′

0, est continue de

186 Y. Benoist, D. Hulin

moyenne égale à V(q′0) et à valeurs dans la droite portée par V(q′

0) d’aprèsle lemme 4.18, elle s’annule. Il suffira alors de choisir pour q0 un zéro decette fonction.

La construction de q′0 se fait comme en a). Notons n = 2N. D’après la

remarque du corollaire 2.11, il existe une configuration de Poncelet f0 detype C de nombre de rotation ρE = 1

4N avec R = 1 et r minuscule. Onnotera que, pour une telle configuration, la quantité positive R + r − a estextrêmement plus petite que r. On a ρF = 1

4N et cette configuration est detype 2N-semipériodique. Par le lemme 4.17, il existe donc un quadrilatèreisocèle q′

0 = (A′1, A′

2, A′3, A′

4) de type C, de type 2N-semipériodique etextrêmement proche du carré (0, 1, 1 + i, i). On peut supposer ce choix faitde sorte que a2 > a4. On a alors a2 = M.

Comme le vecteur V(q′0) fait un angle aigu avec les deux côtés A′

1 A′2

et A′3 A′

4, ce vecteur V(q′0) a un argument proche de −π/2 (voir figure 16).

D’autre part, tous les quadrilatères ϕ j(q′0) et ϕ21(ϕ

j(q′0)), pour 0 < j <

2N et j �= N, sont extrêmement proches d’un quadrilatère plat. Dans lasomme v(q′

0) = 12N

∑0≤ j<2N δ(ϕ j(q′

0)), seuls les termes δ(q0) � 1 + i etδ(ϕN(q′

0)) = σ0(δ(q′0)) ne sont pas négligeables. Donc v(q′

0) est non nul etest dans la direction opposée à V(q′

0). ��

5. La dynamique sur Q

Nous étudions dans cette partie l’équation homologique associée au pliagecyclique. Celle-ci nous permettra de montrer que la suite An − n v(q0) estbornée pour presque tout quadrilatère q0 et non bornée pour un ensemble gé-nérique de quadrilatères. Ceci nous permettra aussi d’expliquer les figures 4et 5.

5.1. Le système dynamique fibré

Pour tenir compte du phénomène de dérive, nous introduisons le pliagecyclique recentré c’est-à-dire la transformation q0 → ϕ(q0) − V(q0). Ellepréserve les fermés Qq0

:= {q ∈ Q / q ∈ Qq0} . Bien sûr, lorsque q0 est

de type NC, pliage cyclique et pliage cyclique recentré coïncident.

Lemme 5.1 Soient q0 un quadrilatère de type lisse et de type non pé-riodique et V(q0) sa dérive moyenne. Le pliage cyclique recentré q �→ϕ(q) − V(q0) sur Qq0

est analytiquement conjugué au système dynamiqueϕa sur R/Z× C donné par

ϕa(x, v) = (x + ρa, v + fa(x)) . (35)

où ρa = 2ρE et où la fonction fa : R/Z → C est analytique de moyennenulle et est la restriction àR d’une fonction méromorphe 1-périodique surCet non holomorphe.

Itération de pliages de quadrilatères 187

Démonstration Le pliage cyclique ϕ est un système dynamique fibré. Au-trement dit, si on identifie Q à Q × C par q0 � (q0, A1) on a

ϕ(q0, v) = (ϕ(q0), v + δ(q0)) .

D’après les lemmes 2.9 et 3.4, la paramétrisation x → q(x) =u0 Θ′−1(γ+(4K x)) de R/Z dans Qq0

vérifie ϕ(q(x)) = q(x + ρa). Sion pose fa(x) := δ(q(x)) − V(q0), le pliage cyclique recentré devient unsystème dynamique sur R/Z× C donné par (35).

Comme δ est une fonction rationnelle sur EC, fa est un fonction méro-morphe bipériodique sur C. Si fa était holomorphe, elle serait constante etl’angle θ1 serait aussi constant sur Qq0

. Contradiction. ��Remarques – La constante V(q0) a été choisie pour que la moyenne de

fa soit nulle.– On peut donner une formule explicite pour la fonction fa :

il existe ρ j ∈ R/Z, pour 1 ≤ j ≤ 4 tels que, pour tout x,

fa(x) =∑

1≤ j≤4

±ajei am(4K(ρ j+(−1) j x)) − V(q0) . (36)

En effet, cela résulte du lemme 4.8 et des égalités (12), (25) et (30).On peut aussi préciser les signes et les valeurs des constantes ρ j , cela

ne sera pas utile. Il résulte de cette formule que la fonction fa a des pôlessimples qui sont portés par les droites Im(z) = (2n+1)K ′

4K avec n ∈ Z.

5.2. L’équation homologique

L’étude de ce système dynamique fibré ϕa est, bien sûr, basé sur les sériesde Fourier. Précisons tout d’abord les propriétés diophantiennes qui nousseront utiles.

Définition 5.2 On note D := {ρ ∈ R/Z / lim infn→∞ d(nρ, 0)

1n = 1} et

L := {ρ ∈ R/Z / ∀ j, � ∈ Z∗, on a lim inf

n∈�N+ jd(nρ, 0)

1n = 0

}.

Remarques – Les éléments de D ont de bonnes propriétés diophan-tiennes : ils sont mal approchables par des rationnels. Le complémentairede D a une mesure de Lebesgue nulle.

– Les éléments non rationnels de L sont des nombres de Liouville : ils sonttrès bien approchables par des rationnels. L’ensemble L est générique.

La proposition 1.5 sera une conséquence de la proposition suivante quidécrit le comportement d’un système dynamique fibré au dessus d’unerotation irrationnelle.

188 Y. Benoist, D. Hulin

Proposition 5.3 Soient ρ ∈ R/Z un irrationnel et f : R/Z → C unefonction analytique de moyenne nulle qui est la restriction àR d’une fonctionméromorphe 1-périodique sur C et non holomorphe. Soit ϕ f le systèmedynamique sur R/Z× C donné par

ϕ f (x, v) = (x + ρ, v + f(x)) . (37)

a) Si ρ est dans D, les orbites de ϕ f sont denses sur une courbe analytiqueréelle compacte.

b) Si ρ est dans L, les orbites de ϕ f ne sont pas bornées.c) Si ϕ f a une orbite bornée, les orbites de ϕ f sont denses sur une courbe

C0 compacte.

Le corollaire suivant, analogue au corollaire 1.6, répond à la conjec-ture de [4], p. 222. Cette conjecture est donc presque sûrement vraie etgénériquement fausse !

Corollaire 5.4 a) Pour presque tout quadrilatère isocèle q0 de type NC,la suite qn est dense sur une courbe analytique bornée C.

b) Pour un ensemble générique de quadrilatères isocèles q0 de type NC, lasuite qn n’est pas bornée.

Démonstration de la proposition 1.5 et du corollaire 5.4 Comme Dc est demesure nulle et que L est générique, cela résulte directement du lemme 5.1et de la proposition 5.3 appliquée à la fonction fa. Le seul point à vérifierest qu’une assertion vraie pour presque tout ρa (resp. pour ρa générique)est aussi vraie pour presque tout a (resp. pour a générique). Cela résulte dece que l’application a → ρa est analytique réelle, non constante, et doncouverte en dehors d’une hypersurface. ��Corollaire 5.5 Lorsque q0 est un quadrilatère de type lisse et de type nonpériodique dont les sommets sont algébriques sur Q, la suite qn − n v(q0)est dense sur une courbe analytique bornée.

Démonstration D’après la formule (13), ρ est le quotient de deux lo-garithmes elliptiques associés à des points algébriques de la courbe ellip-tique Q . Il résulte de [9] qu’un tel ρ appartient à D (mieux, ρ est diophantien,voir [6]). ��

Pour démontrer la proposition 5.3 , nous aurons besoin des deux lemmessuivants. Le premier contrôle les coefficients de Fourier de f .

Lemme 5.6 Soit f(x) =∑

n∈Zcne2iπnx une fonction analytique qui est la

restriction à R d’une fonction méromorphe 1-périodique sur C et non ho-lomorphe. Alors, on a

lim supn→±∞

|cn| 1|n| < 1 et il existe j, � ∈ Z∗ tels que lim inf

n∈�N+ j|cn| 1

n > 0 .

Itération de pliages de quadrilatères 189

Démonstration C’est classique. Plus précisément, on a

supn∈Z

|cn| |n|1−κe|n| H < ∞ et (38)

il existe j, � ∈ Z∗ tels que infn∈�N+ j

|cn| |n|1−κe|n| H > 0 (39)

où H est la distance à l’axe réel d’un pôle de f le plus proche, et κ l’ordremaximum d’un tel pôle. ��

Le deuxième lemme est une variante d’un lemme de Furstenberg (voir[10], ou [12] p. 135).

Lemme 5.7 Soient N ≥ 1, ρ ∈ R/Z un irrationnel, f : R/Z→ RN une

fonction continue et ϕ f le système dynamique sur R/Z × RN donné par(37).

a) Si ϕ f a une orbite bornée, alors l’équation homologique

g(x + ρ) − g(x) = f(x) (40)

a une solution g : R/Z→ RN continue.

b) Réciproquement, si l’équation homologique a une solution g de classeCs, avec s ∈ N ∪ {∞, ω}, alors ϕ f est Cs-conjugué à ϕ0. En particulier,chaque orbite de ϕ f est dense dans une courbe de classe Cs.

Remarques – Si l’équation (40) a une solution L2, celle-ci est unique àconstante près.

– Si l’équation (40) a une solution g dans L∞ cette solution est continue.En effet, dans ce cas, presque toutes les orbites de ϕ f sont bornées.

Démonstration a) On peut supposer N = 1. Si la suite ϕnf (x0, v0) est bor-

née pour n ≥ 0, son ensemble ω-limite est un compact F de R/Z × C telque ϕ f (F) = F. Par minimalité de la rotation irrationnelle, F rencontretoutes les fibres {x} ×R. Notons U la composante connexe du complémen-taire Fc qui n’est pas bornée inférieurement. On note alors g(x) := sup{t ∈R / (x, t) ∈ U}. La fonction g est semicontinue inférieurement. L’égalitéϕ f (U) = U assure que g est une solution de l’équation homologique (40).En remplaçant f par − f , on trouve une solution semicontinue supérieure-ment de l’équation homologique. Par unicité, ces deux solutions sont égalesà constante près. L’équation homologique a donc une solution continue.

b) La formule ψg(x, v) = (x, v − g(x)) définit un homéomorphisme declasse Cs deR/Z×RN tel que ψg ◦ϕ f ◦ψ−1

g = ϕ0 où ϕ0(x, v) = (x +ρ, v).��

Démonstration de la proposition 5.3 On utilise le lemme 5.7. Si elle existe,la solution g de l’équation homologique est unique à constante près et a pour

coefficients de Fourier dn = cn

e2iπnρ − 1, pour n �= 0.

190 Y. Benoist, D. Hulin

a) Si ρ est dans D, on a

lim supn→±∞

|dn| 1|n| ≤

lim supn→±∞

|cn| 1|n|

lim infn→±∞ d(nρ, 0)

1|n|

< 1

et l’équation homologique a une solution analytique.b) Si ρ est dans L , on choisit j et � comme dans la définition 5.2, on

a alors

lim infn∈�N+ j

|dn| 1|n| ≥

lim infn∈�N+ j

|cn| 1|n|

lim infn∈�N+ j

d(nρ, 0)1|n|

= ∞ .

La suite dn n’est donc pas bornée et l’équation homologique n’a pas desolution continue.

c) Cela résulte directement du lemme 5.7. ��

5.3. Les orbites bornées

Le lemme suivant est une conséquence immédiate de la section précédente.

Lemme 5.8 Pour un quadrilatère q0 de type non périodique, le fait que lasuite qn soit bornée ne dépend que des côtés a1, . . . , a4.

Ce lemme n’est plus vrai pour des quadrilatères de type périodique(corollaire 4.16).

Démonstration On peut supposer que q0 est de type lisse. L’assertion ré-sulte alors du lemme 5.1 et de la proposition 5.3.c. ��

Le lemme suivant étudie les propriétés de régularité de la courbe Clorsqu’elle existe.

Lemme 5.9 Il existe un ensemble dense de quadrilatères (resp. de quadri-latères isocèles) q0 tels que la suite qn − nv(q0) est bornée et la courbe Cadhérence de cette suite n’est nulle part de classe C1.

Démonstration C’est un raffinement de la démonstration de la proposi-tion 5.3 dont on reprend les notations. Pour tous H > 1, κ ∈ N, j, � ∈ Z∗,on introduit un ensemble dense DL d’irrationnels qui ne rencontre ni Dni L :

DL = DL H,κ, j,� :={

ρ ∈ R/Z /∑

n≥1

|n|κ−1 e−|n|H

d(nρ, 0)< ∞

et supn∈�N+ j

|n|κ e−|n|H

d(nρ, 0)= ∞

}

Itération de pliages de quadrilatères 191

Cet ensemble DL est dense car il contient les réels de la forme ρ =1j +

∑h≥0 Nh B−kh où B est un entier premier, B ≡ 1 mod j�, kh est une suite

strictement croissante d’entiers telle que la suite kh+1 − jHlog B Bkh + (κ− 3

2)kh

est bornée et où Nh ∈ {1, . . . , B−1}. Avec un tel choix, ce sont les entiersnh := j Bkh qui jouent un rôle dominant dans la somme et dans le supci-dessus.

Si la fonction f vérifie (38) et (39) et si ρ est dans DL H,κ, j,� alors l’équa-tion homologique (40) a une solution g continue avec g non Lipschitzienne.On a, en effet,

∑ |dn| < ∞ et sup |n dn| = ∞. Cette solution g est doncnulle part de classe C1.

Prenons ρ = ρa et f = fa. Ceci prouve notre assertion pour un en-semble dense de paramètres (H, ρa), c’est à dire pour un ensemble densede paramètre (k, ρa). On veut en déduire que cette assertion est aussi vraiepour un ensemble dense de paramètres a. Cela résulte de ce que, si onfixe k, l’application analytique réelle a → ρa est encore non constante (voirla dernière remarque de la section 2.4.3), et donc ouverte en dehors d’unehypersurface. ��

5.4. Les symétries des figures

On explique dans cette section les symétries des figures 4 à 7.

Les symétries que l’on observe pour tous les quadrilatères dans lesfigures 4 à 7 sont expliquées par le corollaire du lemme suivant. On appeleraencore symetrie la transformation de l’espace des quadrilatères induite parune symetrie de R2.

Lemme 5.10 Soit q0 un quadrilatère de type lisse, de type non périodiqueet tel que la suite qn − nv(q0) est bornée.

a) Alors cette suite qn − nv(q0) admet une loi statistique P.b) Si q0 est de type NC, on a P = s∗(P) où s est une symétrie centrale.c) Si q0 est de type C, on a P = s′∗(P) où s′ est une symétrie par rapport à

une droite parallèle à la dérive v(q0).

Démonstration a) D’après les lemmes 5.1 et 5.7, il existe une applicationcontinue G : Qq0

→ C, unique à constante près telle que, pour tout q dansQq0

, on a

G(ϕ(q)) − G(q) = δ(q) − V(q0) . (41)

L’application ψ : Qq0→ Qq0

donnée par ψ(q) = (q, G(q)) vérifie

ψ ◦ ϕ = (ϕ − V(q0)) ◦ ψ .

Si on ajuste la constante pour que ψ(q0) = q0, on obtient P = ψ∗(µ) où µest la loi statistique de qn (lemme 4.4).

192 Y. Benoist, D. Hulin

b) Si q0 est de type NC, par unicité de G, il existe une constante w0dans C telle que, pour tout q dans Qq0

, on a G(−q) = −G(q) + 2 w0. Ona donc ψ ◦ (−Id) = s ◦ ψ où s est la symétrie par rapport à w0. L’égalité(−Id)∗(µ) = µ du lemme 4.8.b prouve alors que s∗ P = P.

c) Si q0 est de type C, on procède de même avec les égalités G(σ0(q)) =σ0(G(q))+2 w0, ψ ◦ σ0 = s′ ◦ψ et l’égalité (σ0)∗(µ) = µ du lemme 4.8.c.

��Pour j ∈ Z, on note ν j les lois statistiques des suites A4n+ j+2 − A4n+ j .

Lorsque la suite qn − nv(q0) est bornée, on note Pj les lois statistiques dessuites A4n+ j − 4n+ j

4 v(q0). On a donc ν j+4 = ν j et Pj+4 = Pj . Ce sont ceslois que l’on observe dans les figures 4 à 7.

Corollaire 5.11 Soient q0 un quadrilatère de type lisse et de type nonpériodique et j ∈ Z.

a) Si q0 est de type NC, on a ν j = (−Id)∗(ν j).Si q0 est de type C, on a ν j = (σ0)∗(ν j).

b) On suppose que la suite qn − nv(q0) est bornée. Si q0 est de type NC, ona Pj = s∗(Pj) où s est une symétrie centrale.Si q0 est de type C, on a Pj = s′∗(Pj) où s′ est une symétrie par rapportà une droite parallèle à la dérive v(q0).

Démonstration a) Cela résulte du lemme 4.8.b et 4.8.c car ν j = (A j+2 −A j )∗(µ).

b) Cela résulte du lemme 5.10 car Pj = (A j )∗(P). ��Les symétries supplémentaires que l’on observe pour les quadrilatères

isocèles dans les figures 4 à 7 sont expliquées par le lemme suivant.

Lemme 5.12 Soit q0 un quadrilatère isocèle de type lisse et de type nonpériodique.

a) Alors, on a ν2 = (σ0)∗(ν1) et ν4 = (σ0)∗(ν3).b) On suppose que la suite qn −nv(q0) est bornée. Alors, on a P4 = s′′∗(P1) et

P3 = s′′∗(P2) où s′′ est une symétrie par rapport à une droite orthogonaleà u0 = ±√−h(q0).

Démonstration On peut supposer que h(q0) = −1. On utilise l’applicationde renumérotation τ : Q → Q donnée par

τ(A1, A2, A3, A4) = (A4, A3, A2, A1) . (42)

Comme q0 est isocèle, cette application préserve les longueurs des côtés eton a l’égalité

ϕ−1 ◦ τ = τ ◦ ϕ . (43)

On note τ l’application induite sur Q. Montrons tout d’abord l’égalité

τ∗(µ) = (−σ0)∗(µ) . (44)

Itération de pliages de quadrilatères 193

Remarquons pour cela que τ est donné par l’égalité

τ(r1, r2, r3, r4) = −(r3, r2, r1, r4)

et donc laisse la fonction h invariante : h◦τ = h. La transformation τ est uneinvolution de la courbe elliptique Q1 qui s’exprime dans les coordonnées(s1, s2) du lemme 3.4 par (s1, s2) �→ (−s−1

2 ,−s−11 ). La transformation

−σ0 ◦ τ est donc donnée par (s1, s2) �→ (s2, s1) et, comme FR est de typeNCII ou C, elle préserve les composantes connexes de Q1. On a donc(−σ0 ◦ τ)∗(µ) = µ. Ce qui prouve l’égalité (44).

a) Comme δ j ◦ τ = −δ4− j , on a (σ0)∗(ν j) = ν3− j . En particulier, on aν2 = (σ0)∗(ν1) et ν4 = (σ0)∗(ν3).

b) On procède comme dans la démonstration du lemme 5.10, dont onreprend les notations. On vient de voir que la transformation −σ0 ◦τ préserveQq0

. Par unicité de la solution G de l’équation homologique (41), il existeune constante w′

0 dans C telle que, pour tout q dans Qq0, on a

G(−σ0 ◦ τ(q)) = −σ0[G(q) + δ(q) − a4δ4(q)] + 2w′0 .

On a donc

ψ ◦ (−σ0 ◦ τ ) = (s′′ ◦ τ) ◦ ψ

où s′′ est définie par s′′(v) = −σ0(v) + 2w′0. Puisque −σ0 ◦ τ est une

involution, s′′ est une symétrie par rapport à une droite orthogonale à u0.On déduit alors de (44) l’égalité

τ∗(P) = s′′∗(P) .

En particulier, on a P4 = s′′∗(P1) et P3 = s′′∗(P2). ��

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