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LE JOURNAL DE L’ALPHA N°172 Février 2010 Périodique bimestriel - Ne paraît pas en juillet/aout - Bureau de dépôt : Bruxelles X - N° d’agréation : P201024 Editeur : Lire et Ecrire Communauté française - Rue Charles VI, 12 - 1210 Bruxelles BELGIQUE - BELGIË P.P. BRUXELLES – BRUSSEL X BC 1528 L’oral

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LE JOURNAL DE

L’ALPHA

N°172 Février 2010Périodique bimestriel - Ne paraît pas en juillet/aout - Bureau de dépôt : Bruxelles X - N° d’agréation : P201024Editeur : L i re et Ecr i re Communauté française - Rue Char les VI , 12 - 1210 Bruxel les

BELGIQUE - BELGIËP.P.

BRUXELLES – BRUSSEL XBC 1528

L’oral

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RÉDACTION

Lire et Ecrire Communauté française a.s.b.l.

Rue Charles VI, 12 - 1210 Bruxelles

tél. 02 502 72 01

courriel : [email protected]

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION

Sylvie-Anne GOFFINET

COMITÉ DE RÉDACTION

Catherine BASTYNS

Jean CONSTANT

Frédérique LEMAÎTRE

Cecilia LOCMANT

Véronique MARISSAL

EDITRICE RESPONSABLE

Catherine STERCQ

Rue Charles VI, 12

1210 Bruxelles

PHOTO DE COUVERTURE

« Nous et notre entourage »

(reproduction complète p. 33)

MISE EN PAGE

piezo.be

ABONNEMENTS

Belgique : 25 €

Etranger : 30 €

A verser à Lire et Ecrire a.s.b.l.

Compte n°001-1626640-26

N° IBAN : BE59 0011-6266-4026

Code BIC : GEBABEBB

Membre de l’Association

des Revues scientifiques et culturelles

ARSC - www.arsc.be

OBJECTIFS DU JOURNAL DE L’ALPHA

> Informer et susciter réflexions et débats sur

des thèmes pédagogiques et politiques liés

à l’alphabétisation et à la formation de base

des adultes peu scolarisés.

> Favoriser les échanges de pratiques pédagogiques

centrées sur l’analyse et la réflexion critique,

le développement personnel et collectif,

la participation à la vie sociale, économique,

culturelle et politique des personnes en formation.

> Mettre en relation les acteurs du secteur de

l’alphabétisation et de secteurs proches dispersés

géographiquement ou institutionnellement.

> Ouvrir un espace rédactionnel aux intervenants

de ces secteurs.

PROCHAINS DOSSIERS

> L’orthographe

> Conférence internationale de l’UNESCO

sur l’éducation des adultes :

des apprenants participent

Ce numéro du Journal de l’alpha

est écrit en nouvelle orthographe

grâce au logiciel Recto/Verso

développé par le CENTAL/UCL

(www.uclouvain.be/cental).

Le Journal de l’alpha est publié avec le soutien du Ministère de la Communauté française,

Service de l'Education permanente,et de l’Union européenne.

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Dossier : L’oral

Edito : L’oral, un premier dossier... à poursuivre... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5Catherine STERCQ – Coprésidente de Lire et Ecrire Communauté française

Passé, présent, avenir de l’enseignement des langues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7Prof. Jean-Marc DEFAYS, Directeur de l’Institut Supérieur des Langues Vivantes/Université de Liège

Pour apprendre une langue, il faut la parler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11Maria-Alice MÉDIONI – Centre de Langues de l’Université Lyon 2/Secteur langues du GFEN

Création d’un nouvel espace d’échanges autour de l’oral et de son public . . . . . . . . . . 19Cécilia LOCMANT – Lire et Ecrire Communauté française

« Nous et notre entourage » Articulation entre un projet pédagogique et des objectifs linguistiques . . . . . . . . . . . 26

Nadia DZIERGWA – Collectif Alpha Molenbeek

Préparer une séquence de formation pour un groupe oral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39Poser des jalons à partir d’un exemple

Jean CONSTANT – Lire et Ecrire Verviers

La langue comme outil de communication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43Anne LUCAS – Lire et Ecrire Brabant wallon

Créer des romans-photos pour apprendre à parler… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48Mireille HEINS – Lire et Ecrire Verviers

Expérience européenne de mise en ligne d’un support d’apprentissage de l’oral pour et par les apprenants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

Pierre MUANDA – Lire et Ecrire Brabant wallon

Les simulations globalesPrésentation sur base de fragments tirés du site de Franc-Parleret de la mallette pédagogique éditée par le Centre de documentation du Collectif Alpha . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

Journal de l’alpha n°172 Février 2010

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4 > Journal de l’alpha n°172

Un module de 15 jours pour créer un spectacleLa place du théâtre dans l’apprentissage du français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

Jacinthe MAZZOCCHETTI – Laboratoire d'anthropologie prospective/UCL

Le corps-langue : mobiliser/immobiliser le langage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77Joëlle CORDESSE – Labo de Babel/GFEN/LIEN

Sélection bibliographiqueL’apprentissage de l’oral dans une visée émancipatrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86

Eduardo CARNEVALE – Centre de documentation du Collectif Alpha

Livres-Médias-Outils

> Hontes et fiertés. Peut mieux fier ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97Traces de Changements, CGé

> Des savoirs pour réfléchir. De l'école primaire à l'université . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97Gérard FOUREZ, Ed. Couleur Livres

> Pour en finir avec les dons, le mérite, le hasard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98GFEN, Ed. La Dispute

La présentation des dossiers et les sommaires détaillés des numéros déjà publiés sont disponibles, numéro par numéro, sur le Portail de l’alpha, à la page :http://publications.alphabetisation.be (> Numéros précédents).

Une version papier est également disponible sur demande à la rédaction (tél : 02 502 72 01).

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Journal de l’alpha n°172 > 5

L’oral : un premier dossier… à poursuivre…

une autre pratique culturelle liée à l’appren -tissage de la langue : celle du chant.

Enfin, Joëlle Cordesse interroge monolinguis-me et multilinguisme et défend de nouvellespratiques d’enseignement multilingue, vali-dant à égalité toutes les langues, même lesplus rares, même les plus personnelles. Ellen’hésite pas à affirmer qu’un corps mono-lingue est une prison, une prison physique etmentale, culturelle et symbolique, alors quela polyglossie est une chance pour l’égalitéet un chemin nouveau vers l’émancipation.Situé en fin de numéro, son article nous invi-te à ouvrir de nouveaux chantiers, à dévelop-per de nouvelles pratiques… A découvrirdans un prochain numéro ?

Les autres articles présentent des pratiquesquotidiennes de formateurs qui tentent desoutenir des personnes d’origine étrangèrepas ou peu scolarisées dans leur volonté decomprendre et de parler le français. Ou de lelire et de l’écrire, ce qui implique, pour despersonnes analphabètes, de savoir le parler.Un peu ? Bien ? Très bien ? Cette vastequestion des liens entre l’oral et l’écrit feraégalement l’objet plus spécifique d’un pro-chain numéro.

Les pratiques présentées dans ce numéronous parlent de :

- Préparer une séquence de formation pourtravailler sur une difficulté rencontrée par legroupe.

VOICI UN NUMÉRO centré sur les ques-tions d’apprentissage de la langue par-

lée dans le cadre de l’alphabétisation. Unnuméro qui ne sera pas le dernier sur cethème car les questions en la matière sontnombreuses…

Ce numéro pose, dans trois articles plusthéoriques, la question des méthodes.

Au terme d’une brève analyse de leur évolu-tion, Jean-Marc Defays nous rappelle qu’au-delà des techniques, la langue, la culture, lacommunication, l’usage des langues, leurapprentissage, leur enseignement relèventd’abord de facteurs humains, de circons-tances sociales et d’orientations politiques.

Maria-Alice Médioni nous rappelle, quant àelle, qu’apprendre une langue implique de laparler et, par conséquent, de bénéficier desconditions pour pouvoir le faire. Pour parler,il faut avoir quelque chose à dire à quel-qu’un et avoir les moyens de le dire du pointde vue de la langue mais aussi du cadre,c’est-à-dire un espace où la prise de paroleet la communication puissent avoir lieu.A ce titre, le théâtre a toute sa place dans l’apprentissage du français. A la suite deson arti cle publié dans le précédent numé-ro consacré aux pratiques théâtrales, JacintheMazzocchetti illustre à présent la manière dontces pratiques permettent un nouveau rapportà la langue et de nouveaux apprentissages.Dans un numéro que nous avons le projet depublier ultérieurement, nous développerons

Editorial

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Hétérogénéité vue comme un défi à surmon-ter, une richesse sur laquelle on peut s’ap-puyer, et non comme une difficulté incon-tournable. En matière d’oral, se trouver faceà un groupe homogène entièrement débutanttant à l’oral qu’à l’écrit n’est-il pas davantageinsur montable ? Y a-t-il cependant des limi -tes à l’hétéro généité ? A la présence dans unmême groupe de personnes scolarisées et nonscolarisées ?

C’est pour réfléchir aux nombreuses ques-tions que pose l’apprentissage de la languefrançaise à l’oral par des personnes analpha-bètes, que des formateurs de Lire et Ecrirese réunissent régulièrement dans le cadred’un groupe de travail et de formation.

Avec comme enjeu, au-delà de la profes-sionnalisation du métier de formateur, au-delà des outils, de chercher à ce que le fac-teur humain et les visées émancipatricesgardent la main.

Catherine STERCQCo-présidente

- Se questionner sur la manière de donnerdes consignes.

- Articuler projet et objectifs linguis-tiques dans le cadre d’un projet de journée‘portes ouvertes’ sur le thème Nous etnotre entourage.

- Travailler au jour le jour en communi-quant dans le groupe, notamment à partird’illustrations.

- Créer des romans-photos pour apprendreà parler à partir de la création par le grou-pe de ses propres supports audio-visuels.

- Partir des évènements de la vie quoti-dienne, créer ses propres dialogues et sup-ports et les mettre en ligne.

- Développer un projet de création collecti-ve à partir d’un ‘lieu-thème’, tel que l’im-meuble, comme le propose l’approche dessimulations globales.

Loin des méthodes préfabriquées, ces pra-tiques témoignent qu’il ne peut être questionde recettes toute faites. Elles témoignent dela réalité et de la créativité des formateursqui construisent au quotidien leur méthodeen fonction de leur contexte et de la réalitéde leur groupe, souvent hétérogène.

6 > Journal de l’alpha n°172

Si vous avez des réactions concernant l’un ou l’autre article de ce numéro, n’hésitez pasà nous en faire part. Si vous avez des pratiques à partager concernant les questions del’oral en alphabétisation, n’hésitez pas à nous contacter. Nous pourrions les publier dansun prochain numéro.

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D O S S I E R

Journal de l’alpha n°172 > 7

du texte, à la grammaire du sens, aux règlesd’emploi, etc. C’est seulement maintenantque l’on distingue les différents statuts de la grammaire – en tant que CODE (parmid’autres systèmes de communication), entant que PROCESSUS d’apprentissage (selonune succession programmée de paliers lin-guistiques bien caractéristiques), en tant queCOMPETENCE (qui vise à améliorer à la fois lacorrection, la complexité, la fluidité del’expres sion) –, et que l’on envisage l’expli -cation grammaticale en complément ou ensyner gie avec les autres vecteurs de l’appren -tissage-enseignement des langues, principa -lement la répétition et la communication.

L’enseignant est actuellement plus libre de préparer la combinaison communication (accèslinguistique)/langue (accès méta linguistique)

Pour résumer rapidement, on peut envisagercette succession selon deux modèles. Lepremier selon un axe qui court des méthodesles plus formelles (grammaire-traduction) auxméthodes les plus fonctionnelles (français sur objectifs spécifiques), en passant par lesmétho des audio-orales, audio-visuelles, com-municatives, directes, et leurs variantes.Même si Saussure lui-même estimait que « lalangue est une structure et un instrument »,ces deux pôles ont longtemps été présentéscomme antagonistes dans l’enseignement deslangues. Preuve en est le statut embléma-tique et problématique de la grammaire (formelle) que l’on a opposée, au cours del’histoire des méthodes du 20e siècle, auvocabulaire, à l’apprentissage (conditionné),à la communication, à la grammaire implici-te, à la grammaire active, à la grammaire

Les méthodes d’enseignement des langues n’ont cessé de se succéder au coursdu siècle dernier, en raison de l’évolution et des révolutions des sciences dites‘contributoires’ (linguistique, psychologie, psycholinguistique, neurolinguis-tique, sociolinguistique, psychopédagogie, sciences de la communication,sciences cognitives,…), en raison du développement et de la transformationde la demande (non pas connaitre ‘plus’ ou ‘mieux’ les langues, mais lesconnaitre ‘autrement’), en raison des changements de statuts et d’usages dela langue entre les personnes et dans la société, mais aussi en raison de lapression des organisateurs de colloques, des bailleurs de fonds de larecherche, des éditeurs de manuels et de revues, qui exigent de la nouveauté,sinon des progrès. Jean-Marc Defays, spécialiste de la didactique des langues,fait pour nous le point sur cette évolution…

Passé, présent, avenir de l’enseignement des langues

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qui convient le mieux aux spécificités de sesapprenants et de son enseignement : soit il pri-vilégie la communication, compréhension etexpression, orale ou écrite, en comptant que lesapprenants en profiteront pour dégager et assi-miler – de manière inductive – les règles gram-maticales ; soit il estime que c’est par les règlesqu’il faut commencer, en exerçant ensuite lesapprenants à les appliquer – de manière déduc-tive – pour communiquer en langue étrangère.Quant à la recherche en matière d’acquisition,suggérons en passant l’intérêt qu’il y aurait à laconcentrer sur le contrôle épilinguistique qui sesitue précisément entre la compétence linguis-tique et la connaissance métalinguistique, pourmieux analyser quand et comment un appre-nant, partagé entre le souci de communication(au début) et le souci de correction (petit àpetit), parvient à gérer ce contrôle, tantôt pourle renforcer, tantôt pour s’en libérer.

Les méthodes peuvent aussi être comparéeset leur évolution retracée en fonction d’unsecond modèle, sous la forme du triangleconstitué par les trois pôles entre lesquels lesméthodes fixent leurs priorités  : la LANGUE(méthodes linguistiques, exemple : grammai-re-traduction) – l’APPRENANT (métho des psy-cholinguistiques, exemple  : suggestopédie,approches cognitives) – le GROUPE (métho dessociolinguistiques, exemple : approches coopé - ratives, participatives), avec différentes combi -naisons  : ‘langue + apprenant’ (métho desstructuro-behavioristes), ‘langue + groupe’(méthodes communicatives), et ‘apprenant + groupe’ (méthodes par tâches problèmes).On peut dire que le centre de gravité desméthodes s’est déplacé, au cours des cin-quante dernières années, de la langue versl’apprenant, puis de l’apprenant vers le grou-pe. Compte tenu des psychologies (Skinner,Chomsky, Piaget, Vygotski…) et des sociolo-

gies ambiantes, on a effectivement d’abordvalorisé l’apprentissage solitaire en classe,puis l’auto-apprentissage, l’apprentissage parinteractions (petits groupes), et finalementl’apprentissage collectif et interactif. Selonles cas, le groupe-classe a été considéré tan-tôt comme un handicap, tantôt comme unestimulation, tantôt comme une contrainte.

Mais c’est surtout par leurs objectifs que lesméthodes se sont différenciées, raison pourlaquelle il est si difficile de comparer leurefficacité. Si les méthodes grammaire-traduction visaient à faire connaitre la gram-maire et le vocabulaire de la langue, lesméthodes structuro-behavioristes préten-daient rendre l’apprenant capable de com-prendre, parler, lire, écrire la langue, et lesméthodes communicatives, de communiqueren situation authentique. Les objectifs sontencore plus ambitieux à l’heure actuellepuisque les enseignants devraient – en plus ! –entrainer leurs étudiants à apprendre seulune langue (perspective cognitive), et lespréparer à vivre et à travailler à tout momentdans un environnement international (pers-pective interculturelle).

Ainsi, au cours des années, a-t-il fallu faireacquérir aux apprenants de langues desCONNAISSANCES (métalinguistiques et civili-sationnelles), puis des REFLEXES (linguis-tiques), ensuite des COMPETENCES (commu-nicatives, entre autres culturelles), avant quece ne soient des STRATEGIES (d’apprenantsen langue autogérés et performants), etenfin un PROFIL (de locuteurs fonctionnels,plurilingues et interculturels, établi notam-ment par le Conseil de l’Europe).

Dans ces circonstances, il est difficile demesurer le progrès accompli, puisqu’on a l’im-pression de comparer des pommes et des

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poires vu la différence des principes de base,des conditions et exigences culturelles et ins-titutionnelles, des objectifs pédagogiques,des finalités sociétales, des systèmes d’éva -luation,… On pourrait tout de même conclu-re, de manière optimiste, qu’on n’a pas encoreinventé de mauvaises méthodes, qu’elles sonttoutes bonnes à quel que chose ou à quel-qu’un, qu’il faut seulement savoir choisir !

On peut tout de même se féliciter d’avoir putirer profit de ce que d’aucuns appellent la‘crise des méthodes’, pour prendre mieuxconscience que la pertinence d’une méthodeest relative, que son efficacité dépend desobjectifs, que son choix est idéologique, etque son utilisation valorise ET dévalorisecertains aspects de la langue (de la commu-nication, de la culture), encourage ETdécourage certains comportements ou atti-tudes individuels et sociaux, avantage ETdésavantage certains types d’apprenants.

Suite à cette période critique, éclectique,sceptique que nous vivons en enseigne-ment-apprentissage des langues étrangères,on peut se demander si la méthodologie necède pas le pas à la pédagogie et lesconcepteurs de méthodes et de programmes,leurs responsabilités aux enseignants.

Dans son ouvrage La didactique des languesétrangères à la croisée des méthodes - Essaisur l’éclectisme 1, Christian Puren a transpo-sé à la didactique des langues les conceptsde complexité et d’incertitude d’EdgarMorin 2, en décrivant ainsi le nouveau cadrede travail – plus riche, mais plus probléma-tique – des professeurs de langues. La ques-tion est de savoir si les enseignants y ontgagné davantage de contrôle et de créati -vité. En fait, leur situation est ambigüe car,s’ils ont effectivement moins de contraintes

à l’endroit des méthodes, celles portant surles résultats ne cessent de se préciser et dese renforcer  : l’évaluation (standardisée,contrai gnante, enva hissante, compétitive,classificatrice) est en effet en train de limi-ter, de quadriller, d’instrumentaliser la liber-té que les méthodes ont accordée progressi-vement aux enseignants.

On ne peut nier les bénéfices, pour la didac-tique des langues, des recherches et des pro-jets en matière d’évaluation de la maitrise dela langue, mais il n’en faut pas moins seméfier de leurs effets pervers, c’est-à-dire durisque d’une vision strictement instrumenta-le du langage, de son usage, de son appren-tissage  ; d’atomisation, de cloisonnementdes compétences  ; d’itinéraires et progres-sions contraignantes ; de priorité donnée aumesurable, au quantifiable ; d’ensei gnementau service de l’évaluation (bachotage)  ; destandardisation des évaluations qui entraineinévitablement celle des enseignements.

Mais quelles sont les nouvelles conditions del’enseignement des langues ? En fait, on esten train d’assister partout à une profession-nalisation, une technicisation du métier deprofesseur de langues, ainsi qu’à une multi-plication, une diversification et une amélio-ration des outils mis à sa disposition. Avecles nouvelles méthodes et les nouveauxmédias, les rapports entre enseignants-apprenants, et le statut et rôle de chacun,ont beaucoup changé. Plusieurs concurrencesse développent entre professeur et ‘natif’(personne qui enseigne sa propre languecomme langue étrangère sans pour autanttoujours disposer du titre pédagogique requispour cette fonction), entre enseignementprésentiel et enseignement télématique,entre enseignement et immersion, entre

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10 > Journal de l’alpha n°172

curriculum scolaire et formations privées. Ilfaut dire que la pression exercée sur lesenseignants par l’institution scolaire et lemonde extérieur est plus importante qu’aupa-ravant. Ceci dit, subsiste encore souvent undéséquilibre entre l’importance stratégiquedonnée aux langues et l’importance relativeaccordée à leur enseignement (qualité, quan-tité, modalité), notam ment dans le cadrescolaire, de la formation permanente, de l’in-sertion des migrants, par rapport aux autresdisciplines ou apprentissages.

Pour revenir à la question posée au début decette rapide mise au point, d’une part, onpeut se montrer positif parce que l’onconnait maintenant effectivement mieux lalangue et les processus de son acquisition,parce qu’on a accumulé l’expérience de plu-sieurs méthodes, et parce que les ensei-gnants sont mieux formés et informés, et lesapprenants sont plus et mieux sollicités (surle plan pédagogique).

D’autre part, on sera plus dubitatif concer-nant ces progrès car, somme toute, la langue,la culture et la communication, leur usage,leur apprentissage, leur enseignement relè-vent d’abord de facteurs humains, de circons-tances sociales, d’orientations politiques quisont instables, disparates, indistincts, impré-visibles… D’où cette impression de ‘déjà-vu’dans toutes les ‘nouvelles’ recherches,méthodes, pratiques, et ce sentiment deretrouver les mêmes données et facteurs,mais dans des formes, des combinaisons etdes hiérarchies différentes en fonction desobjectifs, des finalités du moment.

Mais, plutôt que de s’en plaindre, on trouve-ra rassurant que ce soit le facteur humainqui garde la main dans notre métier de cher-cheurs, de formateurs et d’enseignants, car

nous voyons plus de risque que d’intérêt àvouloir tout mesurer, fixer, formater, contrô-ler en didactique des langues, raison pourlaquelle nous insistons sur le danger desexcès de la recherche quantitative, desméthodes préfabriquées et des évaluationsstandardisées.

Prof. Jean-Marc DEFAYSDidactique et méthodologie du français

langue étrangère et secondeDirecteur de l’Institut Supérieur des

Langues VivantesUniversité de Liège

1. Editions Didier, Paris, 2003.

2. Voir notamment : Introduction à la pensée complexe, Le Seuil, Paris, 1990.

A lire pour en savoir plus, l’ouvrage deJean-Marc Defays :

Le français langue étrangère et secon-de. Enseignement et apprentissage,Editions Pierre Mardaga, 2003

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Journal de l’alpha n°172 > 11

Pour apprendre une langue, il faut la parler

Voilà une affirmation qui ne saurait être contestée. Pourtant, ce qui apparaitaujourd’hui comme une évidence n’a pas toujours été considéré de la sorte etce qui semble faire consensus à présent suppose un certain nombre de condi-tions qui sont autant de paradoxes qu’il me semble utile d’examiner…

Dans l’histoire de l’enseigne-ment-apprentissage deslangues

L’histoire de la didactique des langues étran-gères a connu des mouvements de balanciercontinuels en ce qui concerne l’utilité de par-ler une langue pour l’apprendre. En effet,pendant longtemps la conception dominantea reposé sur la nécessité de connaitre unelangue, à travers une focalisation sur lagrammaire, puis sur le lexique, puis sur laculture. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’acti vitéprincipale requise en classe de langue a étéla traduction. Puis l’accent a été mis sur lelexique : pour apprendre une langue, ne faut-il pas, avant tout acquérir le maximum devocabulaire ? La dimension culturelle aensuite été mise en avant. Il a fallu attendre

les années 1920 et la méthodologie directeactive 1 pour dissocier en partie connaissan-ce et pratique de la langue parce qu’on s’estrendu compte que le fait de connaitre lefonctionnement d’une langue ne permettaitpas automatiquement de la parler. Dans lesannées 1950, retour du balancier : on pensequ’avant tout il s’agit d’acquérir des automa-tismes par la répétition intensive de struc-tures. Aujourd’hui, on parle davantage d’auto -nomie langagière et de construction decompétences aussi bien à l’écrit qu’à l’oral.

Ce que parler veut dire

Selon les époques brièvement évoquées ci-dessus 2, le mot ‘parler’, en ce qui concernel’apprentissage des langues étrangères, n’apas non plus toujours été entendu de lamême façon. Dans la méthodologie active,parler signifie participer en réalisant desexercices de substitution et de transforma-tion. Puis, avec l’apparition des méthodolo-gies structuro-globale, puis audio-visuelle ouaudio-orale inspirées par le courant behavio-riste ou comportementaliste 3, parler seréduit à l’acquisition d’automatismes qui per-mettraient de faire face à des situationstypes de la vie courante : c’est ainsi que l’onva baser l’enseignement sur les trois étapes du

L’oralD O S S I E R

Lors d’un atelier animé par Maria-Alice Médioni à l’Université de Printemps de Lire et Ecrire

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conditionnement opérant – stimulus, répon se,renforcement – et que vont être mises àl’hon neur des technologies qui permettent ceconditionnement : le magnétophone et lelaboratoire de langues. Le support de l’acti -vité de référence est le dialogue enregistréqu’il s’agit de répéter et sur lequel on propo-se un ‘réinvestissement créatif’ basé surl’exercice structural. Parallèlement, la com-préhension des dialogues à mémoriser passepar le cours dialogué qui va s’imposer commela forme canonique dans l’enseignement-apprentissage des langues : l’enseignant posedes questions – dont il connait la réponse –à des élèves qui répondent à ces questions…en sachant que l’enseignant connait laréponse. Force est de constater que tout celan’est pas très communicatif… La conceptionsous-jacente repose sur l’idée qu’on apprenddes structures, des automatismes, de lagrammaire, du vocabulaire, des connais-sances, pour pouvoir parler avec des natifs…plus tard, si on a l’occasion de voyager àl’étranger. Au point que l’approche communi-cative qui va être la méthodologie de réfé-rence sur le plan institutionnel à partir des

années 1980, n’aura de communicatif que lenom, puisque c’est une fausse communica-tion qu’on simule par le biais du cours dialo-gué ou de sa variante transposée dans latechnique du déficit d’information (informa-tion gap) : un apprenant détient une infor-mation qu’un autre apprenant a pour but des’approprier en posant des questions au pre-mier. Puis, on inverse les rôles dans le binô-me. L’activité de référence – s’informer, infor-mer – n’est qu’un prétexte à poser desquestions et à y répondre, mais sans enjeuautre que le jeu d’une communication entiè-rement simulée. Alors que dans la réalité,lorsque nous posons une question, c’estd’une part parce que nous ignorons la répon-se et d’autre part parce que nous avonsbesoin de cette information pour fairequelque chose.

La perspective actionnelle portée par leCECRL 4 introduit un certain nombre de rup-tures importantes, et plus particulièrementdans le domaine qui nous occupe, l’idée qu’ils’agit de parler une langue pour l’apprendre– et non plus de l’apprendre pour la parler –,que l’apprenant est un usager de la langueet un acteur social, que les activités langa-gières prennent sens dans des contextessociaux d’usage de cette langue, et que lacompétence ‘parler une langue étrangère’ sedécline en plusieurs activités langagières,en particulier parler en continu et parler eninteraction.

Sont davantage envisagées, à partir de là,des activités de type social, des projetscomme raconter une histoire, faire uneintervention, dire un texte, produire un jeude rôle, voire une pièce de théâtre, créer etinterpréter une chanson, proposer une devi-nette, etc.

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Les conditions pour pouvoir parler

Pour pouvoir parler, il faut avoir quelquechose à dire à quelqu’un, avoir les moyensde le dire du point de vue de la langue maisaussi du cadre, c’est-à-dire un espace où laprise de parole et la communication puis-sent avoir lieu.

Avoir quelque chose à dire à quelqu’un

Ce que j’ai à dire, il faut que l’autre, lesautres l’ignorent. Le manque, le déficit d’in-formation joue un rôle déterminant à condi-tion que l’enjeu soit réel, c’est-à-dire quel’activité proposée dépasse le seul échangepour devenir partage, dans un but d’élabo-ration commune d’un objet concret. C’estainsi que pour réaliser une devinette à pro-pos, par exemple, des différentes régions dupays/des pays dont il s’agit d’apprendre lalangue – ou des quartiers de la ville où l’onvit, dans le cas du FLE (français langueétrangère) –, les apprenants travaillent sur

une documentation différente et ont pourtâche, à travers la devinette, non seulementde faire deviner de quoi il s’agit, mais ausside partager les informations essentiellesqu’ils ont pu dégager dans chaque groupe.Ou, dans le cas d’une visite d’exposition, dese centrer sur un aspect particulier d’uneœuvre pour, dans le cadre d’un colloque,faire partager ce qu’on vient de découvriraux autres, qui auront en parallèle appro-fondi un autre aspect 5.

On voit à travers ces exemples apparaitreune autre condition  : pour avoir quelquechose à dire, il faut pouvoir trouver l’infor -mation quelque part. Le formateur – ou l’en-seignant – n’est plus l’unique référence enclasse ; l’apprenant va pouvoir se documen-ter auprès de sources diversifiées. Le travailde l’enseignant ou du formateur consiste àprévoir le réservoir dans lequel les appre-nants vont puiser les informations  : docu-ments à lire ou enregistrements à écouter,avec des tâches de compréhension qui per-mettent la saisie de ces informations. Car il ne suffit pas de proposer des données(input) sous la forme de textes écrits ou oraux, même superbement intéressants – foca lisation sur le culturel ou l’esthétique(un texte riche, beau, etc.) –, ou attractifs– préoccupation pour la motivation (un texteattractif, qui ‘les concerne’) –, ou adaptés auniveau supposé de l’apprenant (élèves debanlieue ou publics migrants, donc docu-ments ‘faciles’, ‘à leur portée’). Ces troisdémarches oublient en effet de prendre enconsidération la question de l’activité, c’est-à-dire quelles tâches on va proposer pourqu’il y ait travail et acquisition. Et donc, sil’on n’organise pas en même temps la saisie(intake) de ces données, il peut très bien nerien se passer en termes d’apprentissage.

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Cette saisie ne peut avoir lieu sans l’activi-té du sujet et cette activité-là doit être sti-mulée par une tâche qui mette justement lesujet en activité intellectuelle. La biogra-phie d’un personnage sera d’autant mieuxcomprise et appropriée si la tâche consisteà réaliser une interview de ce personnage,que l’on mettra en œuvre dans un jeu derôle ; les apprenants pourront ensuite utili-ser ce qu’ils viennent d’engranger pour réa-liser la biographie imaginaire ou réelle dupersonnage de leur choix à présenter dansune émission de radio ou de télévision, ou àécrire dans un journal, dans un dossier spé-cial consacré à des personnages célèbres, àcelui que l’on considère comme le plus mar-quant, voire celui que l’on déteste le plus,etc. On peut tout imaginer.

Avoir les moyens de le dire

C’est aussi dans les ressources proposéesque l’apprenant va trouver les moyens dedire. Le repérage des formes nécessaires et

adaptées à une situation de communication,ce qu’on appelle les aspects socioculturelsou pragmatiques, sont essentiels pour per-mettre la prise de parole. Il est important defaire prendre conscience aux apprenants queles mots, le vocabulaire ne suffisent pas,qu’il y a des façons de dire propres à unelangue et à une situation données. Si onréalise une interview, va-t-on tutoyer ouvouvoyer son interlocuteur ? Quelles sontles formules consacrées lorsqu’on demandeun service, lorsqu’on téléphone, lorsqu’onfait une démarche administrative, lorsqu’ondonne rendez-vous à un ami, lorsqu’on ren-contre dans la rue une vieille connaissance ?Cela nécessite un travail de remobilisationde ce que l’on sait déjà faire et dire, dans unpremier temps ; puis on contrastera tout lecapital réuni avec des repérages dans desdocuments audio, vidéo, des extraits defilms, des écrits : que garde-t-on, que trans-forme-t-on, que découvre-t-on de nouveau ?

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Ces deux temps sont essentiels. Remobiliserd’abord ce que l’on sait parce qu’un appre-nant a tendance à penser qu’il ne sait rien – ce qui est le plus souvent inexact – et nefait pas spontanément l’effort de convoquerses savoirs et de réaliser un état des lieuxnécessaire pour se penser déjà ‘capable de’,et pour anticiper les besoins liés à la tâcheprescrite. Apprendre consiste essentielle-ment à réorganiser ses savoirs et pour cela,il est nécessaire de reconnaitre ce que l’onsait pour pouvoir identifier également sesdécouvertes. Dans un deuxième temps, l’ap-prenant va chercher ce dont il a besoin, enconnaissance de cause. L’apport (input)n’apparait plus alors comme une avalanched’informations sur lesquelles il n’a pas vrai-ment prise mais comme une ressource utileà laquelle il va pouvoir avoir recours… àcondition qu’il y ait une tâche précise quipermette la saisie nécessaire (intake).

Retarder la production orale

Pour que l’apprenant ait quelque chose à direet les moyens de le dire, il ne faut pas que laproduction orale intervienne trop tôt. Tout lemonde connait le cas des apprenants qui,dans le cours dialogué, ne peuvent pasprendre la parole pour répondre aux ques-tions posées par l’enseignant, soit parcequ’ils n’ont pas les moyens de le faire, soitparce que d’autres, plus rapides, se sont pré-cipités pour le faire, court-circuitant ainsi lespremiers, plus timides, plus lents, etc. Cesapprenants ‘rapides’ sont des éléments trèsgratifiants pour l’enseignant ou le formateurqui, s’il n’y prend garde, pourrait se satisfai-re trop vite de cette activité-là et oublier queces élèves rapides sont ‘les arbres qui cachentla forêt’. Qui plus est, les plus ‘réactifs’ peu-vent très bien ne fournir que des réponses

laconiques ou basiques, par manque detemps pour élaborer davantage.

Ce qui revient à dire que, dans tous les cas,l’enseignant a intérêt à retarder le momentde la prise de parole et à la faire précéderd’une phase de réception qui nourrira la pro-duction orale, la rendra plus riche et pluscomplexe. La priorité doit être donnée àl’écoute et à la compréhension. Ecouter pourparler, afin de trouver dans ce qui est mis àdisposition, les moyens et les idées pourdire. Le travail de l’enseignant consiste àorganiser le cheminement de l’apprenantpour que la saisie soit la plus riche possibleet devienne un processus actif  : observa-tions, repérages, hypothèses de sens à pro-pos de ce qu’on écoute – ou de ce qu’onlit –, puis mise en œuvre dans le cadre d’unetâche de type social, pour laquelle il y a ànouveau des hypothèses quant à la pertinen-ce des éléments retenus, validation, etc.C’est-à-dire utiliser des savoirs qu’on ne mai-trise pas encore, les modifier, les perfection-ner, les confronter à ceux des autres pour seles construire en actes.

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Organiser l’interaction

Penser la classe de langue comme un lieu deconstruction de la compétence communicati-ve suppose que l’enseignant se définissecomme l’organisateur des interactions, plutôtque seulement comme la référence linguis-tique. Les apprenants sont les principauxactants de ces interactions, ce qui supposeencore une fois de renoncer au cours dialoguébasé sur les questions et les réponses pourpasser à des échanges organisés entre appre-nants, dans des situations les plus prochespossibles des usages sociaux de la langue.

Les tâches sont les déclencheurs de l’activitéde communication parce qu’elles mettent enrelation des interlocuteurs pour atteindre unbut présentant un enjeu. En cela la tâche dif-fère radicalement de l’exercice qui n’a qu’unevisée de type linguistique. Raconter une histoire devient une tâche sociale si l’onraconte cette histoire à quelqu’un qui ne laconnait pas et qui peut éventuellementréagir pour demander des précisions ; oumanifester de l’incompré hen sion, ce qui obli-ge le premier à reformuler ; ou manifester dela curiosité, du plaisir qui vont valoriser leconteur et le mettre en réussite. Débattre àpropos d’un film ou d’une exposition, endéfendant un point de vue, en avançant mas-qué si nécessaire 6, oblige à faire un effortpour se faire comprendre, à prendre en comp-te l’autre, ses arguments, et à s’y adapter.

Ces interactions peuvent également êtreorganisées de façon ludique si on prend le jeu dans son sens social : une activité quipermet, à travers des contraintes – lesrègles – de mettre en relation des interlocu-teurs et de les faire agir ensemble. C’est parexemple le cas lors de l’utilisation, en débutd’année, d’un jeu de l’oie ou d’un photolan-

gage qui permettent tous deux de se présen-ter mutuellement 7. L’ajout de contraintessupplémentaires par l’ensei gnant – introduiredes erreurs, rectifier les erreurs, mener uneconversation – oblige les apprenants à entreren interaction, de manière progressive et deplus en plus complexe. Ces jeux ont égale-ment l’avantage d’être d’autant plus intéres-sants que le groupe d’apprenants est nom-breux  : les croisements sont plus riches, ladynamique plus stimulante.

Enfin, pour que l’interaction ait lieu, il fautque les apprenants aient suffisamment pré-paré leur intervention. Cette préparation sefait par le biais de l’entrainement dans legroupe. Ce qui ne veut pas dire que tout estentièrement préparé et définitivement ficelé.Les ‘dialogues’ préparés dans des groupes detravail où toutes les répliques sont prévues – voire rédigées – ne sont pas des inter -actions à proprement parler. L’inter actiondoit se faire sur le mode de la conversa-tion 8 : je sais ce que je vais dire mais jedevrai m’adapter à mon interlocuteur. De là, la nécessité de faire anticiper lors de la pré-paration, en faisant imaginer ce que l’inter -locu teur pourrait bien dire.

Ne pas gêner la communication

Le rôle du formateur ou de l’enseignant, onle voit, est radicalement différent danscette perspective de celui qu’il tenait dansle cours dialogué  : il est l’organisateur del’activité des apprenants et donc soucieuxde ne pas la gêner. Or, la formation qu’il areçue (ou l’absence de formation) lui a, leplus souvent, fait construire des comporte-ments qui nuisent fortement à la communi-cation en classe de langue :- l’hypercorrection  : on corrige l’erreur dèsqu’elle apparait ; l’apprenant est interrompu

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alors qu’il est engagé dans une activité diffi-cile – parler en langue étrangère ; le décou -ragement, le renoncement en sont les résul-tats les plus flagrants ;- des attentes trop ciblées  : le formateurattend un certain type de réponse, ce quiempêche de prendre en considération desapports divergents, insolites, originaux oude saisir une éventuelle incompréhension dela part de l’apprenant ;- des questions qui appellent des réponses detype inventaire : les apprenants se conten-tent de fournir un élément de la liste deman-dée ; la prise de parole est réduite à la pro-position d’un seul mot et l’ensemble despropositions devient rapidement hétéroclite ;- la confusion entre l’oral et l’écrit par lerecours systématique au tableau ou par larédaction du ‘dialogue’ à représenter ;- la validation trop rapide : l’enseignant oule formateur approuve, encourage, sans serendre compte qu’il provoque ainsi uneconfusion entre situation de communicationet situation ‘scolaire’ 9;- l’exposition trop importante des appre-nants  : prendre la parole sans préparation,être appelé ‘au tableau’ constituent dessituations trop risquées pour un apprenantdébutant, voire confirmé.

L’enseignant doit favoriser la prise de paro-le en organisant les situations qui la facili-tent mais également en assurant la sécuri-té qui permet la prise de risques chezl’apprenant. Plus le cadre est sécurisant,plus l’apprenant travaille avec filet, plus ilpourra dépasser l’appréhension bien légiti-me qui consiste à se lancer et à parler enlangue étrangère, plus il osera prendre desrisques pour se construire l’autonomie lan-gagière requise.

Des paradoxes stimulants

La question de l’oral permet de mettre aujour un certain nombre de paradoxes qui mesemblent importants à réfléchir pour stimu-ler notre vigilance :- pour parler, il faut commencer par setaire : différer, faire une place conséquenteaux activités de réception qui vont per-mettre ensuite la prise de parole ;- pour que les apprenants parlent, il fautque l’enseignant, le formateur se taise  : laparole magistrale se trouve déplacée versles consignes orientées vers les tâches, versles règles de fonctionnement qu’on découvreen faisant, vers des apports éventuels entermes d’étayage ;

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- pour parler, il faut accepter de le fairealors qu’on ne sait pas encore le faire : l’er-reur n’est plus une faute mais une hypothè-se, un essai dans la construction de l’inter-langue 10;- pour prendre le risque de parler, il fautêtre dans une très grande sécurité : l’ensei-gnant, le formateur est le garant de cettesécurité, à travers le cadre qu’il installe dansla classe de langue et les ressources qu’ilintroduit pour éviter les ‘pannes’ ;- pour parler ‘pour de vrai’, il faut conjuguerpréparation et improvisation : entrainer à lapart d’incertitude que comporte inévitable-ment toute conversation.

Cette liste non exhaustive permet de com-prendre à quel point le travail du formateur,de l’enseignant est important et devientsavant dès lors que ces paradoxes sont prisen compte. C’est à cette vigilance que noussommes invités si nous voulons accompa-gner nos apprenants dans la construction del’autonomie langagière dont ils ont besoin.

Maria-Alice MÉDIONICentre de Langues - Université Lyon 2

Secteur Langues du GFEN (Groupe Français d’Education Nouvelle)

1. La méthodologie directe est issue de ce que ChristianPUREN appelle ‘le coup d’état pédagogique de 1902’ ets’inscrit délibérément en rupture avec une conception dela langue à usage littéraire. L’objectif de l’enseignement est celui de la maitrise d’une langue de communicationdans lequel la langue orale devient la priorité, sansrecours possible à la langue maternelle. Sont privilégiésles exercices de conversation et le cours dialogué (questions-réponses dirigées par l’enseignant).

2. Pour un panorama plus exhaustif, se reporter au travail de Christian PUREN, Histoire des méthodo-logies de l’enseignement des langues, Paris, CLEInternational, 1988. Ouvrage épuisé entièrement

téléchargeable sur le site de l’APLV (Association desprofesseurs de langues vivantes) à la page : www.aplv-languesmodernes.org/spip.php?article813

3. Ce courant est hérité de la théorie sur le condition-nement opérant de Skinner : la langue est avant toutun comportement et, comme tout comportement, ilpeut être conditionné.

4. Conseil de la coopération culturelle, Comité del’éducation, Division des langues vivantes, Strasbourg,Cadre européen commun de référence pour leslangues. Apprendre, enseigner, évaluer, EditionsDidier, 2001.

5. Voir ‘Visite d’exposition Herman Braun Vega’ :http://gfen.langues.free.fr/pratiques/Visite_expo_HBV.html

6. Dans un débat en classe de langue, pourquoiserait-on obligé d’exposer son point de vue personnel ? On peut tout aussi bien jouer un rôle etdévelopper le point de vue du personnage que l’on atiré au sort, par exemple.

7. Voir ‘L’oral’ sur le site : http://gfen.langues.free.fr/pratiques/pratique_oral/oral.html

8. Le CECRL nomme cette interaction ‘prendre part àune conversation’ (Cadre européen commun de référence pour les langues, op. cit., p. 26).

9. Or, les validations doivent se faire après coup etd’abord par les apprenants à travers la confrontation avec la situation. L’enseignant a sans doute son motà dire, mais en dernier ressort.

10. L’interlangue est « la connaissance et l’utilisation‘non-natives’ d’une langue quelconque par un sujet non-natif et non-equilingue, c’est-à-dire un systèmeautre que celui de la langue-cible mais qui, à quelque stade d’apprentissage qu’on l’appréhende,en comporte certaines composantes » (H. BESSE et R. PORQUIER, Grammaires et didactique deslangues, LAL, Hatier/Didier, 1991).

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Création d’un espace de formationautour de l’oral et de son public

Mis sur pied grâce à un financement du Fonds social européen, le dernier-nédes groupes de travail de Lire et Ecrire affiche des objectifs ambitieux : c’està partir de son travail d’analyse et de réflexion que doivent émerger les premières balises du ‘métier’ de formateur en alpha oral. Après un an de fonc-tionnement, les formateurs et conseillers pédagogiques du groupe se disentsatisfaits du travail entamé, mais aussi ‘heureux’ de disposer d’un lieud’échanges où partager leurs réflexions et chercher ensemble des réponses à leurs nombreuses questions.

L’année passée, à Tubize, Anne Lucas accueil -lait, au sein de son cours alpha oral à‘entrées permanentes’, 14 apprenants issusde 10 pays différents dont certains, de nou-veaux arrivants, ne comprenaient pas un motde français, tandis que d’autres, installésdepuis plus de 30 ans en Belgique, parlaientun français difficilement compréhensible etentaché d’erreurs fossilisées. A Bruxelles,son collègue Slimane Dqaichi pilotait deuxgroupes d’alpha oral dont les apprenantsétaient principalement originaires du Maroc :ils avaient comme caractéristique communed’être analphabètes et de ne transférer leursacquis qu’avec une extrême lenteur. Com-ment Anne et Slimane ont-ils réagi face àces contraintes particulières  ? Vers qui sesont-ils tournés pour mieux comprendre lesmécanismes d’apprentissage de ces appre-nants-là  ? A qui ont-ils fait part de leursquestions et de leurs inquiétudes ? Face à ladifficulté de trouver des interlocuteurscapables de répondre à leurs questionne-ments très pointus et face à la pauvreté des

références pédagogiques adaptées à leurpublic, Anne et Slimane ont fonctionné ‘àl’instinct’ en se servant des acquis de leurexpérience et en adaptant ou en construi-sant pour leur public des outils, jeux,démarches cohérents. Ils regrettent néan-moins cet inconfort et le fait que, trop sou-vent, apprendre le français oral à des appre-nants d’origine étrangère et pas ou très peuscolarisés ait, malgré la qualité des forma-tions suivies, des allures d’un véritable exer-cice d’équilibre, de tâtonnement expérimen-tal. Et cette constatation est partagée aussibien par les formateurs de Tubize et deBruxelles que par ceux de Namur ou de Ver-viers. Dans ce contexte, et face à unedemande croissante pour ce type de cours, ilétait donc nécessaire de réfléchir à la maniè-re de construire ensemble des pistes de solu-tions adaptées et d’offrir aux formateurs unmeilleur soutien. C’est désormais chose faiteà travers la mise sur pied à Lire et Ecrire d’ungroupe de travail (GT) ‘oral’ qui fonctionnedepuis octobre 2008.

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Composition et objectifs du groupe

Le GT oral rassemble entre 10 et 15 forma-teurs et conseillers pédagogiques, issus desrégionales et locales de Lire et Ecrire. Unedes obligations de ses membres consiste àparticiper au GT pour une durée minimumd’un an. En entrant dans le groupe, ils s’en-gagent aussi à assister régulièrement auxréunions (une par mois), à se former (10 jours par an) et à consacrer (dans lamesure du possible) une journée par semai-ne à préparer les réunions (prévoir des ani-mations à présenter au groupe, rassemblerdes outils, lire des documents, amender desnotes de travail, etc.). Ce dernier engage-ment est important car il a un réel impactsur l’efficacité du groupe et sa dynamique.

Le projet, financé par le Fonds social euro-péen (FSE) pour une durée de 5 ans, offredonc des moyens, mais il est aussi exigeantpuisqu’il impose des résultats tangibles etdéterminés dans le temps.

Pour 2013, le groupe doit ainsi avoir :- formé une personne relai/ressource/appuipar locale (à Bruxelles)/régionale (en Wallo-nie) ;- publié des documents Communication oraleet alphabétisation reprenant les orientations,analyses et choix de méthodes en la matière ;- publié et diffusé des démarches et outils ;- réalisé un plan/parcours de formation surles questions de l’oral, organisé des forma-tions de formateurs et formé des ‘formateursde formateurs’ pour les animer.

Faire connaissance

Lors des premières rencontres, les membres dugroupe ont fait connaissance en se présen-tant, en expliquant leurs motivations, leursdifficultés, mais ils ont aussi utilisé tous ceséchanges pour dresser une carte d’identité dugroupe. Différents constats ont été mis à jour.Ainsi, on observe que la plupart des per-sonnes présentes ont suivi les formations pro-posées par Lire et Ecrire : les trois modules dePourquoi Pas ! (base, créativité et perfection-nement), l’Auto-socio-construction des savoirs,la Gestion mentale, Parler pour apprendre -apprendre pour parler, l’Interculturel, l’Immeu -ble, etc. Deuxième constat : l’expérience desparticipants est variable (de quelques annéesà plus de 17 ans d’ancienneté). Mais à euxtous ils cumulent plus de 100 années d’expé-rience ! Tous sont ou ont été formateurs avecun public oral débutant alpha ou françaislangue étrangère (FLE). Certains sontconseillers pédagogiques, d’autres forma-teurs. Concernant la méthodologie employée,on constate qu’à Bruxelles, les formateurs uti-lisent la méthode Pourquoi Pas ! en l’adaptantà leurs groupes et en sélectionnant lesséquences qu’ils jugent les plus pertinentes,sans utiliser l’écrit ou en ne l’utilisant que de

Lors d’une réunion du GT oral

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manière très limitée. Cette question sera unsujet constant de discussion dans le groupe etfait aujourd’hui l’objet d’une réflexion appro-fondie. Dans les régionales wallonnes, les for-mateurs s’appuient soit sur la méthode Pour-quoi Pas  ! (en l’actualisant et en l’adaptantaux besoins via des outils qu’ils ont eux-mêmes construits), soit ils s’en détachentcomplètement. Ils imaginent des outils, tra-vaillent ‘en spirale’ 1 en fonction de leurpublic, de manière très différente de ce qui sefait dans les locales bruxelloises.

Parmi les questions prioritaires que les forma-trices et les formateurs se posent, reviennentconstamment celle du transfert et du main-tien des acquis, celle du temps imparti pourapprendre et celle de la construction des compétences. A cela s’ajoutent les questionsliées aux difficultés propres aux apprenants :l’absentéisme, les difficultés sociales et cultu-relles, le fait de parler leur langue maternelleà la maison, l’obligation de venir à la forma-tion (contraintes du FOREm, d’Actiris, duCPAS, etc.), la non acquisition des compé-tences nécessaires pour leur orientation ausein de l’organisme ou vers un organismeexterne. Se pose également la question dunombre d’heures hebdomadaire : que faire en4 h semaine, 9h, 20h,… Ainsi que la questiondes méthodes et outils adaptés aux objectifsdu formateur et des apprenants.

Parler le même langage

Très vite le groupe se rend compte que, sousle vocable ‘oral débutant’, les représenta-tions et les publics sont très différents. Ils’agira donc pour le groupe de commencerpar se construire un langage commun pourse comprendre et analyser les différentessituations de formations. En utilisant

notamment la terminologie suivante quicorrespond à celle utilisée dans l’Etat deslieux de l’alphabétisation 2:- alpha oral/alpha FLE : public infrascola-risé (n’ayant pas obtenu le CEB – ou undiplôme équivalent – et/ou ne maitrisantpas les compétences qui y correspondent),d’origine étrangère, qui apprend le français ;- alpha écrit : public infrascolarisé (n’ayantpas obtenu le CEB et/ou ne maitrisant pasles compétences qui y correspondent), d’ori-gine belge ou d’origine étrangère ayantatteint un niveau suffisant à l’oral, quiapprend à lire et à écrire en français ;- FLE de base  : public scolarisé, d’origineétrangère, ayant obtenu un diplôme équiva-lent au CEB et ayant les compétences qui ycorrespondent ;- cours de remise à niveau/formation debase : public francophone, ayant obtenu leCEB et ayant les compétences y correspon-dant, mais qui présente des lacunes en fran-çais écrit.

Lire et Ecrire est surtout concerné par lesdeux premières catégories de public en for-mation et le GT s’attèlera particulièrement autravail autour de ces deux types de public.

Produire

Au cours de sa première année de fonctionne-ment, le groupe a initié un travail autour duRéférentiel de compétences de Lire et Ecrire 3

(et particulièrement les parties qui concer-nent l’oral) soit pour l’étoffer, soit pour lerendre le plus opérationnel possible en fonc-tion de ses propres travaux. Il a égalementtravaillé sur différentes notes, notamment surle questionnement (comment poser des ques-tions et y répondre de manière adéquate) etsur les consignes (voir encadré pp. 22-23).

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Donner des consignes à un groupe débutant à l’oral

S’il est une grande difficulté lorsque l’on travaille avec un public non scolarisé et ne parlant pas le français, c’est bien d’établir le contact et de faire comprendre au travers desconsignes le travail demandé…

Qu’est-ce qu’une consigne ?D’après le dictionnaire, une consigne est « une instruction stricte donnée à un militaire ouà un gardien sur ce qu’il doit faire » ou « une défense de sortir par punition » 4.Dans le domaine scolaire, « il s’agit pour l’enseignant de donner aux élèves les indicationsqui leur permettront d’effectuer dans les meilleures conditions le travail qui leur est deman-dé : objectif de la tâche, moyens à utiliser, organisation (en particulier temps imparti), etc.Les critères d’évaluation doivent être également clarifiés dès le départ. Il est d’abord indis-pensable, même si cela parait évident, de vérifier que les enfants ont bien entendu ce quel’enseignant a demandé. Il faut également que le maitre s’exprime de façon claire, en utili-sant des termes précis, dont il doit également s’assurer qu’ils sont bien connus des élèves.Un grand danger serait en effet qu’ils n’effectuent pas correctement la tâche demandée uni-quement parce qu’ils n’auraient pas compris ce qui était attendu d’eux. La qualité du tra-vail s’en trouverait compromise et toute évaluation bien sûr faussée. La répétition de laconsigne par un ou plusieurs enfants, son explicitation par d’autres, la reprise par le profes-seur voire au moyen d’un premier exemple, sont donc essentielles. » 5

Au GT oral, nous avons interrogé ces définitions avant de nous pencher sur l’appropriationde la consigne par les apprenants. Pour un public parlant peu ou pas le français, c’est par-ticulièrement à ce niveau que se trouve la complexité de la tâche du formateur. Commentélaborer une consigne claire pour un public ne maitrisant que peu ou pas la langue ?Nous avons préparé, à partir de nos différentes expériences, une série de recommandationsconcernant l’élaboration des consignes et la manière de les mettre en œuvre. Nous avonségalement questionné le rôle des consignes dans notre travail de formateur oral.

Quelques recommandations1. La consigne fait partie de l’apprentissage. La complexité de celle-ci doit aller de pairavec la progression linguistique des participants.2. La consigne dans un premier temps doit être univoque, simple et amener à une actioncar, pour qu’une personne puisse agir, il faut qu’elle comprenne ce qu’on lui demande sinonelle risque d’abandonner rapidement. Ceci ne signifie pas qu’il faut être simpliste mais quecette consigne doit pouvoir déclencher une action contrôlée de l’apprenant. Par exemple,ne pas dire : « écoutez ! » car cette consigne est trop vague et ne définit pas ce que l’ondoit écouter et ce que l’on doit faire ensuite. Dire plutôt : « vous allez entendre un dia-logue, chacun d’entre vous devra dire à un autre apprenant 3 choses qu’il a entendues ».

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3. La consigne, pour un public non scolarisé, doit être appuyée par la gestuelle, par uneimage, un objet, un dessin,… Pour que cette consigne puisse être comprise par l’ensembledu groupe, il est nécessaire de renforcer le dire par des gestes ou tout autre support. Repre-nons notre consigne : « vous allez entendre un dialogue (montrer les personnes, montrer lesupport utilisé, montrer l’oreille de chacun). Chacun d’entre vous devra dire à un autre appre-nant 3 choses qu’il aura entendues (montrer chaque personne, le chiffre 3, faire le mime deréunir deux personnes puis de parler à deux,…).  » En renforçant la consigne orale pard’autres supports, nous donnons différents outils aux apprenants pour qu’ils se l’approprientet sollicitons différents sens : visuel, auditif, kinesthésique. C’est à l’usage et en observantles autres agir que la compréhension de la consigne appuyée par des gestes se fera.4. Eviter de donner un exemple. Le fait de donner un exemple pourrait empêcher le participant de faire la démarche de comprendre la consigne.5. Ne donner qu’une idée par consigne ; la consigne peut être découpée en plusieurs éléments mais il faut que l’apprenant sache ce que l’on attend de lui en termes de travailà réaliser, une fois la consigne donnée.6. La consigne pourra se complexifier en fonction de l’évolution du groupe.7. La consigne doit être correcte au point de vue langagier. Puisqu’il s’agit d’un élémentde langage, il est nécessaire de la formuler de manière précise. Le choix des mots estimportant. Ils doivent être suffisamment précis mais aussi compréhensibles par le plusgrand nombre.8. Répéter plusieurs fois une consigne. Comme dans tout apprentissage, c’est la répétitiondans des circonstances différentes qui amènera à la compréhension fine.9. Demander au groupe ou à un apprenant de reformuler la consigne : « que devez-vous faire ? ».

Quel est le rôle des consignes ?Au-delà du travail demandé, la façon dont sont formulées les consignes renvoie à un modede travail pédagogique. Une consigne peut enfermer les apprenants dans un systèmereproducteur ou, au contraire, susciter leur créativité et leur imagination. Pour ce faire, laconsigne doit être stimulante, ouverte et constructive :- elle doit donner à l’apprenant l’envie de s’exprimer ;- elle ne doit pas l’enfermer dans une simple exécution de l’attendu du formateur ;- elle doit l’orienter (à la manière des situations-problèmes 6) vers une réalisation qui lui per-mettra de découvrir et d’expérimenter les notions langagières faisant l’objet de la séquence.Dans le cadre de l’acquisition d’une langue, la consigne sera souvent formulée de façon àfavoriser la rencontre de deux ou plusieurs apprenants, cette rencontre étant l’objet pro-pice de l’échange et de l’essai langagier dans un cadre déterminé.

Le groupe de travail oral de Lire et Ecrire

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Ces notes renvoient à un certain nombre dequestions qui contribuent à la constructiond’une note méthodologique concernant l’ap-prentissage d’une langue. Par exemple,quand on parle de mémorisation, que met-on derrière ce mot ? Pourquoi doit-onmémoriser ? Qu’est-ce qu’on doit mémori-ser ? Quelles sont les stratégies mises enplace pour développer la mémorisation ?Comment travailler de manière émancipatri-ce et conscientisante avec un groupe oraldébutant ? Que faut-il mettre en place pourcela ? Quels sont les différents paramètresextérieurs (non langagiers) qui intervien-nent dans l’apprentissage oral d’une

langue ? Quelles sont les compétences lan-gagières prioritaires qu’un apprenant doitacquérir pour qu’il puisse communiquer ?

Pour enrichir la connaissance et la réflexiondu groupe, les réunions mensuelles ont étéponctuées de moments d’échanges de pra-tiques et de lecture de différents docu-ments de référence en lien avec la problé-matique 7.

Quelles perspectives ?

Avant le break des vacances de juin dernier,le groupe a évalué son fonctionnement. Sonconstat était globalement positif quant à la

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Lors d’une réunion du GT oral

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composition du groupe, son mode de fonc-tionnement, sa méthode de travail, son ani-mation et les outils présentés. La participa-tion des formateurs au sein du GT oral aégalement eu pour effet de les crédibiliserauprès de leurs collègues et de leur donnerplus d’assurance quant aux méthodes etoutils qu’ils utilisent. Ils se sentent moinsseuls, moins ‘parents pauvres de l’alpha’ etleur public d’apprenants est mieux pris encompte.

Le groupe a également évalué le travail réa-lisé. Il estime avoir atteint les objectifsfixés pour l’année, tout en étant conscientque le travail ne fait que commencer. Outre une réflexion sur différents thèmes(travailler avec un groupe hétérogène, lepassage de l’oral à l’écrit et l’évaluation…),le groupe souhaite finaliser cette année unevalisette sur le questionnement dans ungroupe oral.

Cécilia LOCMANTLire et Ecrire

Communauté française

1. Travailler en spirale signifie revenir plusieurs fois, à des moments différents et dans un contexte différent, sur les mêmes contenus, les mêmes savoirs,de manière chaque fois plus approfondie jusqu’à la maitrise totale de ceux-ci.

2. Etat des lieux de l’alphabétisation en Communauté française Wallonie-Bruxelles, Troisième exercice – Données 2006-2007, p. 28.

3. Pour toute information concernant le Référentiel,prendre contact avec les régionales de Lire et Ecrire.

4. Le Petit Robert, Ed. Dictionnaires Le Robert, 1996.

5. Dictionnaire de pédagogie, Editions Bordas Pédagogie, 2004, p. 63.

6. Sur les situations-problèmes, voir par exemple :Corinne TERWAGNE, Le défi pédagogique : un gant à relever pour l’apprenant… et le formateur, inJournal de l’alpha, n°129, juin-juillet 2002, pp.5-7.

7. Présentation et débat autour du travail de find’études d’Esmeralda CATINUS : Les interactions entre l’oral et l’écrit (Institut Roger Guilbert, année académique 2007-2008) ; présentation de livres de référence intéressants comme : Les intelligences multiples – La théorie qui bouleverse nos idées reçues d’Howard GARDNER (RETZ, 2008) ; Apprendre et enseigner l’intelligencedes langues – A l’école de Babel, tous polyglottesde Joëlle CORDESSE (Chronique sociale, 2009) ; etc.

Lors d’une réunion du GT oral

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« Nous et notre entourage »Articulation entre un projet pédagogique et des objectifs linguistiques

D’avril à mai 2008, Nadia Dziergwa a mené avec un groupe oral débutant unprojet pédagogique intitulé ‘Nous et notre entourage’, en vue de préparer laparticipation du groupe à la journée portes ouvertes du Collectif Alpha deMolenbeek, le 5 juin 2008. La mise en œuvre d’un projet, articulé à des objec-tifs linguistiques bien précis, se caractérise par une responsabilisation progres-sive de l’apprenant dans son apprentissage. Elle se caractérise également parla création d’un espace où les apprenants cohabitent et évoluent ensemble,faisant interagir savoir-faire et savoir-être, dans un schéma essentiel à l’Hom-me : celui de la communication.Dans les lignes qui suivent, Nadia décrit pas à pas les tenants et aboutissantsde sa démarche, déroule le fil du projet jusqu’à sa finalisation et en évaluel’apport pour chaque apprenant, tant au niveau de l’apprentissage que del’évolution personnelle au sein du groupe.

Afin d’organiser mon programme de travail etvisualiser comment j’allais construire lesséances pour qu’elles aient pédagogiquementun sens, je pensais fixer les objectifs spéci-fiques à partir des besoins et des attentesdes apprenants.

Or, je fus rapidement confrontée à une réali-té à laquelle je ne m’attendais pas : au seinde ce groupe ‘d’oral’, une personne sur dixparlait français en dehors du Collectif (avecsa fille), deux personnes sur dix avaient« besoin du français pour trouver du travail ».Les autres n’avaient pas réellement besoin deparler français. Ils me disaient : « A Molen-beek, tout le monde parle arabe… ».

J’ai réalisé que l’apprentissage du françaisavec certains groupes de personnes anal-phabètes n’est pas l’unique finalité à viseret j’ai intégré qu’en pratique, l’alphabé -tisation, c’est aussi se servir du françaispour aller vers quelque chose d’autre. Cequelque chose d’autre, en réalité fondamen-tal, tend vers l’émancipation. Dès cetteprise de conscience, beaucoup de chosesdeviennent possibles.

L’expression orale, mais aussi la lecture etl’écriture approchées à l’aide de différentssupports, ont abouti à une création concrète,visuelle et auditive, tant individuelle que col-lective : 9 panneaux ainsi qu’un enregistrement

L’oralD O S S I E R

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Les principes et objectifs pédagogiques

Les principes pédagogiques sur lesquels je base mon approche, sont, entre autres :- ‘tous capables’ ;- l’auto-socio-construction des savoirs est porteuse de sens ;- l’apprentissage tend vers le concret ;- la mise en réflexion est un des chemins vers l’émancipation ;- la création favorise la construction de l’émancipation ;- la responsabilisation de l’individu, tant dans un travail individuel que collectif, est sourcede motivation et de créativité…

Les objectifs pédagogiques généraux sont les suivants :- encourager la communication ;- encourager les échanges oraux en français ;- développer les potentialités ;- enrichir le vocabulaire ;- s’approprier des savoirs ;- favoriser l’écoute et le partage dans le respect de l’autre ;- aider à développer ou renforcer la confiance en soi ;- encourager la solidarité au sein du groupe ;- favoriser l’ouverture au monde extérieur ;- donner l’envie de créer ;- induire un réinvestissement des apprentissages dans la vie quotidienne.

Les objectifs spécifiques ont été fixés à partir du projet. Ces objectifs sont nombreuxétant donné le nombre d’étapes qu’a requis la construction du projet. Les expressions oumots de vocabulaire pour lesquels des animations ont été organisées, et qui parallèlementservaient pour le projet, sont principalement :- les verbes en -er du 1er groupe à l’indicatif présent, 1re pers. du sing. ;- entourer, entourage, mon entourage ;- au centre, au centre de la classe, au centre de la feuille ;- à gauche, à droite ;- à côté de ;- en haut, en bas ;- tout en haut, tout en haut à gauche, tout en haut à droite ;- tout en bas, tout en bas à gauche, tout en bas à droite ;- il y a ;- c’est, ce sont ; c’est moi, Hamid ;- mon, ma, mes ; ton, ta, tes ; son, sa, ses ;- il, elle ; il/elle dit ; ils/elles disent ;- il demande, je réponds ;- est-ce que… ?, qu’est-ce que... ? ;

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- mon frère m’encourage, il/elle m’encourage ;- j’ai besoin de ;- j’écris, je lis ; je n’écris pas, je ne lis pas ;- je ne parle pas (forme négative des verbes en -er, 1er groupe).

De nombreux supports didactiques seront utilisés au fil des séances et, notamment :- la bande dessinée Les rebelles de l’illettrisme 1;- le livre Le voyage de Grand-Père 2;- une visite au Musée d’Art ancien ;- les dessins et panneaux réalisés progressivement par les apprenants ;- l’enregistrement audio des apprenants.

Mais aussi :- des Color Cards 3;- des dialogues enregistrés 4;- le loto des situations sonores 5;- des cartes Schubi 6;- des photos, des images, etc.

sur lequel on entend chaque apprenant présen-ter son panneau avec la participation desautres apprenants du groupe.

Amener les apprenants à une réflexion surleur participation, les moteurs et les freinsde leur apprentissage liés à leur entourage,relève également de l’éducation permanente.

Le groupe

Le noyau du groupe est constitué de 10 per-sonnes qui suivent les séances de manièreassidue. Ce noyau comprend 5 hommes et 5femmes : 4 Marocains et 4 Marocaines, uneTurque et un Afghan, âgés de 28 à 57 ans.

Au départ, il fallait construire un cadre oùchaque apprenant puisse participer en sesentant bien, ait sa place, puisse s’exprimeret être écouté sans être jugé ; un cadre oùla mixité devient avec certitude une riches-se et non un obstacle ; un espace où chacun

puisse s’investir, à sa manière, dans ce quis’y passe. Plus tard, le travail allait débou-cher sur une création dans laquelle chaquepersonne aurait sa part de responsabilité.L’écoute et la patience de chacun étaientrequises implicitement tous les jours.

Au fil des jours, l’ambiance a été de plus enplus bénéfique au groupe et au travail engénéral. Les moments de réflexion et de par-tage ont été nombreux. Petit à petit, lesapprenants m’ont fait confiance et, moiaussi, je leur ai fait confiance. Cette confian -ce réciproque est rassurante et favorise unclimat propice à l’apprentissage, quel qu’ilsoit. La participation et l’investis sement per-sonnel de chacun, en dépit des problèmesfamiliaux, de santé et autres, ont étéénormes. Tant lors des animations liées auprojet que lors d’exercices plus dirigés vers‘l’usage du français’, tous les apprenants dugroupe ont participé avec enthousiasme.

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Les étapes du projet

Le thème de la journée portes ouvertes du 5 juin avait été choisi lors d’une réuniond’équipe des formateurs du Collectif : l’appre - nant et son entourage  ; les freins et les soutiens de cet entourage par rapport à sonapprentissage.

Je n’ai pas voulu aborder le sujet de maniè-re directe avec les apprenants. J’ai préférél’amener progressivement. J’ai donc accordéle temps nécessaire aux premières étapes defaçon à ce que le groupe intègre bien dequoi on parle.

Chaque étape, progressivement, a fait appelà différents savoirs (être et faire). Pédago-giquement, chaque étape intervient à un

moment précis de l’évolution du travail, enraison de la complexité grandissante descompétences à faire intervenir. J’ai viséégalement une prise de conscience de lapart des apprenants de leur participation auprojet ainsi qu’une valorisation de la per-sonne et de ses compétences. Ce travail apris du temps mais je pense que le résultatfut gratifiant pour tous.

1. Aborder le thème (et le mot ‘entourage’)

Avant de parler d’entourage, nous sommesrevenus sur le mot ‘entourer’, un mot quirevient parfois dans des consignes d’autresexercices proposés au groupe. Ensuite, j’ai organisé une activité dans la

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Fiche pédagogique

Objectifs de l’animation- Rappel des couleurs 7.- Utiliser les expressions : au centre, à droite, à gauche, en dessous, au-dessus, à côté de, etc.- Visualiser ce que cela veut dire.- Compréhension à l’audition.- Expression orale (par la suite).

Matériel- Feuilles A3 vierges (1 par binôme).- Des rectangles de couleur.- Un cache.

Déroulement- Les apprenants sont par deux. Ils disposent d’une feuille A3 vierge et de 10 rectanglesde couleurs différentes : jaune, orange, rouge, bleu clair, bleu foncé, vert clair, vert foncé,mauve, rose et noir.- Ils isolent leur feuille du regard des autres (en plaçant un cache). Et moi de même.- Je place mes cartons de couleur sur mon A3 et je vais décrire la disposition couleur parcouleur des cartons. Exemple : « Au milieu de la feuille, il y a le rouge. A côté du rouge, àgauche, il y a le jaune. En dessous du jaune, il y a le vert clair. » Etc. Les apprenants doi-vent disposer les couleurs d’après ce qu’ils comprennent.- A la fin, lorsque j’ai décrit tout ce qu’il y a sur ma feuille, tous les apprenants retirentleur cache, moi de même. Et nous comparons.- Chaque personne va à tour de rôle redécrire tout l’A3.- Après, on inverse les rôles. Par la suite, chaque binôme, à tour de rôle, va prendre laplace de l’animateur et commencer à décrire son A3 avec les cartons qu’il a disposés selonson choix.

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écoutent et disent s’ils sont d’accord. Si cen’est pas le cas, on en discute. D’autres ani-mations ont également permis de visualiserces notions (voir fiche pédagogique).

2. Choisir un inducteur

J’ai choisi le premier récit de la BD Lesrebelles de l’illettrisme comme inducteur. Ils’intitule La volonté de s’en sortir.Le groupe est divisé en sous-groupes etchaque sous-groupe reçoit la BD. Les appre-

classe où les apprenants se déplacent à leurgré sur une musique. Lorsque la musiques’arrête, tous s’arrêtent. Chaque apprenantregarde alors qui est près de lui. A chaquefois, les personnes se retrouvent avec unentourage différent. Je fais ensuite un ‘arrêtsur image’ : lorsque la musique s’arrête,chaque personne va dire ce qu’elle voit, quielle voit, qui est près d’elle, qui est plusloin,… Interviennent ici les notions degauche, droite, au centre, etc. Les autres

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nants découvrent l’histoire en lisant par-cipar-là un mot mais principalement en regar-dant les images. Ensuite, on compare ce quia été compris. Puis, les apprenants posentdes questions.

3. Amener les apprenants à s’approprier l’histoire

En fait, je n’ai rien dû faire pour amener lesapprenants à s’approprier l’histoire. Aprèscompréhension de l’histoire, tout de suite lesapprenants réagissent  : «  C’est commenous ! ». Je leur demande pourquoi ‘c’estcomme eux’.

Une apprenante raconte qu’un jour, elle s’estperdue en ville. C’était peu de temps aprèsson arrivée en Belgique. Finalement, lors-qu’elle retrouve le chemin de son domicile etqu’elle arrive chez elle, elle pleure, pleure…

Un apprenant raconte qu’il cherchait unerue : la personne à laquelle il s’adresse pourdemander son chemin se moque de lui… iln’a pas compris ce qui se passait… Plustard, quelqu’un d’autre lui explique qu’il setrouve dans la rue qu’il cherche.

Les apprenants s’identifient aux protago-nistes qui se sentent seuls, parfois désem-parés parce qu’ils ne savent pas lire, pasécrire et pas bien parler… mais qui décident« d’aller à l’école ». Ce fut un beau momentde partage, rempli d’émotions.

Nous avons pris le temps de parler de cesexpériences et des décisions prises d’appren -dre à lire, écrire, parler…

4. Jouer l’histoire

C’est la scène où on cherche une rue en indi-quant une adresse écrite sur un bout de

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papier qui est ici exploitée. Elle est parlantepour de nombreuses personnes du groupe.

5. Vers une création individuelle :transposer le thème en dessin

Je propose aux apprenants de faire un des-sin sur une feuille blanche A3. On peut des-siner ou, pour ceux qui ne veulent pas ou nesavent pas dessiner, faire un collage à l’aidede petits personnages de papier couleur.

Avec un autre public, la consigne en fran-çais aurait été : « D’abord, tu te dessines. »Mais malgré une animation sur les verbespronominaux à la 1ère et 2e pers. du sing., laforme pronominale n’est pas encore acquise.Je formule donc la consigne de la manière

suivante : « D’abord, Hamid, tu te dessines.Hamid dessine Hamid. » Et à chaque person-ne, je m’adresse en utilisant les deux for-mules  : «  D’abord, Samira, tu te dessines.Samira dessine Samira. ».

Ensuite, vient une nouvelle consigne  :« Après, tu dessines autre chose. Quand tu esau Collectif Alpha, à qui tu penses  ? ». Jen’avais pas envie de dire : « Après, tu des-sines ton entourage ». C’était intéressant devoir que, spontanément, tous (sauf Ali) sedessinaient au centre de la feuille. Je disspontanément, ce qui est relatif puisquec’était induit depuis le début du travail  ;mais malgré tout, je n’avais pas demandé dese dessiner au centre de la feuille.

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A ce stade, le dessin est uniquement com-posé de personnes (l’apprenant et sonentourage, plus ou moins proche)  ; il necontient pas encore de phylactères.

6. Décrire oralement son dessin

La description orale du dessin fait appel àde nombreux éléments langagiers. Jedemande  : «  Qui est sur le dessin  ? Pour-quoi ? Que dit-il/elle ? Est-ce que toi, tu disquelque chose ? Quoi ? Pourquoi ? ».

La description est préparée individuelle-ment, puis présentée devant les autresapprenants qui découvrent par la mêmeoccasion les dessins des autres. Les compli-ments réciproques fusent… et c’est vrai queles dessins sont beaux !

Cette étape est bien entendu une prépara-tion à l’étape 11 (description de tout lepanneau), mais avec moins d’éléments lan-gagiers.

7. Formuler des conseils

Animée par ma collègue Bénédicte Ver-schaeren, cette séance est consacrée auxconseils que peut donner l’entourage d’unepersonne lorsque celle-ci décide de quitterson pays pour trouver du travail. Bénédicteutilisera l’album d’Allan Say Le voyage deGrand-Père qui illustre le thème de l’exil.

Tout de suite, lorsque Bénédicte racontel’histoire, les apprenants se comparent auhéros : « C’est la même chose que nous ».

Faisant le lien avec le projet Nous et notreentourage, des conseils, petites phrasessous forme de bandelettes, sont alors luesaux apprenants. Ceux qui le désirent peu-vent en créer d’autres.

Bandelettes proposées :- Chaque jour on apprend un peu.- L’école c’est difficile.- Tu parles mieux maintenant.- Maintenant je peux aller seul au CPAS.- Tu ne penses plus à moi.- N’oublie pas de te reposer.- Maintenant, tu connais beaucoup de choses.- Je t’admire.- Tu vas perdre ton temps.- C’est formidable.- Etc.

Suggestions des apprenants (je note cequ’ils disent) :- Va à l’école pour apprendre.- Reste à la maison pour faire à manger.- Maintenant, c’est trop tard. Tu es tropvieille. Ça n’entre pas dans ta tête.- Continue ! Continue comme ça.- Si tu ne lis pas, si tu n’écris pas, tu netrouves pas un bon travail.- Bon courage.

Bénédicte nous emmènera le lendemain auMusée d’Art ancien où elle invitera les parti-cipants à reprendre les conseils vus la veilleet à les attribuer à des portraits rassemblésdans une salle. Elle proposera ensuite àchaque participant de ‘faire parler’ chaqueportrait en énonçant oralement ces conseils.

On constatera, en regardant le travail final(voir illustrations), que les phrases suggérées

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par les apprenants ont été reprises par l’un etl’autre pour faire parler leur entourage…

8. Les ‘bulles’

Petite parenthèse sur les ‘bulles’. Qu’est-ceque c’est des bulles ? A quoi ça sert ?

Je reprends Les rebelles de l’illettrisme quiavait servi d’inducteur. On regarde ensemblel’histoire La volonté de s’en sortir que nousavions découverte lors de la deuxième étapeet je demande  : «  Les bulles, à quoi çasert ? ». Un apprenant me répond : « Il dit. »

Petite discussion sur les bulles.

Confection des phylactères de couleur : tra-vail d’équipe. Les hommes tracent des traits,les femmes découpent.

Chaque apprenant choisit autant de bullesqu’il veut. S’il veut faire parler une seulepersonne, c’est son choix, il ne prendraqu’une seule bulle. S’il veut faire parler troispersonnes, il prendra trois bulles…

Il me semble nécessaire de souligner ceci :il est évident que les personnes qui formentl’entourage des apprenants sur les dessinsn’ont pas dit texto ce qui est mentionnédans les phylactères (d’autant que cetentourage ne s’est certainement pas expri-mé en français !). Ces phrases traduisent lemessage qui est passé.

9. Faire parler les protagonistes du dessin

Chaque apprenant choisit des phrases quipourraient être ce que dit telle ou telle per-sonne sur son panneau. C’est une étapeimportante car l’apprenant commence icivisuellement à faire parler les personnes deson dessin.

L’air de rien, cette étape est délicate. Lesapprenants fixent quelque chose. Que le marid’une apprenante lui fasse des remarqueslorsqu’elle vient au Collectif Alpha, c’est unechose. Fixer cela sur un panneau où l’on voitl’apprenante, et où l’on voit son mari dire ‘Tune penses plus à moi’, c’en est une autre,c’est une autre dimension, cela devient pres-qu’un témoignage… ici, en l’occurrence,assez courageux.

10. Moment d’écriture et de lecture

Chaque apprenant recopie les bandelettes-phrases dans les bulles confectionnées etdont il a choisi les couleurs. Il se relit etvérifie qu’il a bien recopié. Il colle ensuite‘ses’ bulles sur son panneau.

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Afin de rendre ce travail le plus completpossible, il était intéressant d’y ajouter unmoment d’écriture et de lecture qui, pourcertains, fut un support de mémorisationcomplémentaire.

11. Décrire oralement tout le panneau

Chaque apprenant va décrire tout son pan-neau ; d’abord seul, à côté de moi avec lepanneau sur la table, ensuite devant legroupe avec le panneau affiché au tableau.

Ce qui fait plaisir à voir et à entendre lors decette étape, ce sont les exclamations d’admi -ration des apprenants en voyant tel ou telpanneau. Les compliments, entre partici-pants et en français !, sont aussi de la par-tie : « Bravo » ; « C’est très bien » ; « C’esttrès beau » ; « C’est un bon travail »…

Cette description nécessite plus d’élémentslangagiers que la première (étape 6) et sefait dans l’entièreté par l’apprenant seul. Lesautres ‘voix’ n’interviennent pas encore.L’apprenant va sentir lui-même par la suite,grâce à l’intervention des autres apprenantsdans son travail, une nouvelle dynamique,intéressante, qui nécessite un engagementavec d’autres personnes, hommes etfemmes.

12. Vers une création collective :jouer le panneau

Il s’agit maintenant de se mettre en scèneet en plus, de jouer un membre de la famil-le de quelqu’un du groupe. Qui va jouer lerôle de la femme d’un tel  ? Qui, parmi leshommes, acceptera de jouer le mari d’unetelle ?

Je me demandais comment les apprenantsallaient réagir lors de cette étape.

Je suis agréablement surprise. Les appre-nants mettent leur pudeur habituelle entreparenthèses et, avec beaucoup de respectmais non sans humour, se prennent au jeuet acceptent l’idée que tout se passe dansquelque chose de cadré : un travail collectif.

Cette étape, exigeante, prépare l’étape del’enregistrement. Chaque apprenant doitbien intégrer son/ses rôle(s) !

13. Mémorisation

La mémorisation s’est faite au cours des ani-mations. Elle a été relativement facile (saufla phrase ‘je vais me débrouiller touteseule’, qui a requis moult efforts àMimount… et tout le groupe, sans que jedemande quoi que ce soit, l’aide à pronon-cer, écrire, et répéter cette phrase !).

Finalement, les apprenants connaissent leurpanneau mais aussi celui des autres car ilsse sont entraidés pour mémoriser. Ainsi,sans vraiment le réaliser, petit à petit, lesapprenants ont mémorisé leurs phrases etcelles des autres.

14. Suite de la création collective :l’enregistrement

L’enregistrement est une étape difficile parceque stressante pour beaucoup. Tous sont trèsnerveux, les femmes plus particulièrementencore que les hommes. Les voix tremblent,les mots se mélangent, le trac est là ! J’op-te pour quelques petites formules relaxantesbasées sur la respiration et le corps. Après,ça va… un peu mieux. Certains font cetenregistrement de mémoire, d’autres utili-sent le panneau comme support visuel,d’autres encore lisent certaines phrases.

Cette partie du travail demande énormémentde concentration aux apprenants. Il faut

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parler distinctement, en direction de l’enre-gistreur mais surtout, il faut faire preuved’une grande écoute pour savoir quandintervenir. Ce n’est pas la même chose quede jouer les saynètes. L’absence de mise enscène rend la restitution plus difficile etrequiert une grande attention.

15. Présentation publique (pour ceux qui veulent)

J’avais dit, en classe, que ceux qui le vou-laient présenteraient leur panneau lors de lajournée portes ouvertes du 5 juin. J’espéraisque tous les apprenants le feraient. Cela dit,l’enregistrement était là pour justement évi-ter cet exercice à ceux qui n’oseraient pas…Malgré tout, trois personnes l’ont fait.Beaucoup de personnes ont été enthou-siastes en regardant les panneaux et enécoutant l’enre gis trement. Les apprenantsétaient très fiers de leur travail.

Progression des apprenants

De manière générale, le groupe a progresséau niveau de l’expression orale et des objec-tifs linguistiques qui avaient été fixés,même s’il s’agit d’oral dirigé et non d’oralspontané, celui-ci restant assez faible.

Les étapes du projet, progressivement plusexigeantes au niveau du savoir-être de cha-cun ainsi que des compétences, ont été pro-pices à un épanouissement personnel de cer-tains (parfois léger mais réel) et à uneécoute sincère au sein du groupe. Cela dit, laqualité de la diction des apprenants, commeon l’entend sur l’enregistrement, témoigneaussi du travail effectué par tous. Pour cha-cun l’évolution a été évidemment différente.

Ainsi, je pense que l’année a été difficile pourAli. Ses problèmes de santé et les drames

quotidiens vécus par ses compatriotesafghans lui sapaient le moral. J’ai souventsenti Ali particulièrement angoissé. Sonapprentissage en a été fort perturbé. Je l’aiencore plus encouragé lors des descriptionsorales et des mises en scène où il s’estdémarqué par ses qualités d’acteur. Il s’étaitdéjà démarqué au niveau du paraverbal danscertaines animations. C’est lui qui joue lerôle du mari mécontent d’une apprenante etqui crie : « Tu ne penses plus à moi ! ». Il aeu beaucoup de succès et tout le monderiait. Ses aptitudes ont aussi donné envie àd’autres de jouer le jeu.

Canan (prononcé Djanan) a eu des difficul-tés à se défaire d’une attitude scolaire. Mal-gré son irrégularité, le projet lui a permis desurmonter sa timidité et de prendre sa placeau sein du groupe.

Hamid, par sa loquacité et son enthousias-me communicatif, fut un moteur très impor-tant au sein du groupe. Pour le projet, il aapporté un soin tout particulier à son des-sin. Lors des descriptions et des mises enscène, ainsi qu’à l’enregistrement, Hamid afait preuve d’énormément de concentration.

Les progrès qu’a faits Mimoun sont remar-quables à tous points de vue. Lui qui n’osaitpas s’exprimer en début d’année ‘parce qu’ilne savait pas parler français’, a fini par com-prendre que l’espace dans lequel il évoluaitavec les autres apprenants du groupe étaitjustement un espace où il pouvait oser.

Mama, qui parle français en dehors du Collectif, est ‘le correcteur oral spontané’ dugroupe. Elle est donc souvent sollicitée…(pas par moi, ce n’est pas moi qui lui attribue ce rôle). Pour décrire son dessin,elle dira spontanément la phrase suivante :

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« Ma famille, qui est loin… ». Mama vivaitun drame familial au moment où nous avonspréparé et effectué l’enregistrement. Elleétait cependant présente !

Mimount, la cadette du groupe, m’a particu-lièrement épatée. Outre l’application aveclaquelle elle a travaillé toute l’année, elle a,petit à petit, mais surement, surmonté unegrande timidité.

Il aura fallu un certain temps à Mokhtarpour s’impliquer pleinement dans le projet.Il est le seul à avoir recommencé entière-ment son dessin lorsqu’il a réalisé que cedessin serait exposé. D’autant que sur lapremière version, il avait dessiné à côté delui une espèce d’alien aux longs bras… C’estpar la suite qu’il a fait le dessin où il estentouré de sa femme et de sa fille. Mokhtar,qui en début d’année, émettait des sons res-semblant à des râles, a fait énormémentd’efforts d’articu lation, de prononciation et

de distinction des voyelles (il suffit d’écou-ter la façon dont il dit sur l’enre gistrement :« à droite, c’est ma fille ; èèèèlle dit… »). Endébut d’année, Mokhtar émet tait un sonétrange pour ‘il’ et ‘elle’ confondus.

Bien que Mostapha savait qu’il ne pourraitpas terminer le travail entamé parce qu’ab-sent à la fin de l’année, sa participation futtrès active durant toutes les animations. Ilétait très curieux et posait de nombreusesquestions. C’est dommage qu’il n’ait pas pus’impliquer jusqu’au bout.

Rahma a des talents artistiques. Elle al’oreille musicale, le sens du rythme et aimedessiner. Elle a passé beaucoup de temps àfignoler son dessin. Rahma s’entendra pourla première fois de sa vie, seule, sur unenregistrement. Elle en fut très émue et trèsfière. Rahma dit sur l’enregistrement :« Devant moi, ce sont (!!!) mes nièces. »

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Personnellement, je trouve que tous les dessins sont superbes. Celui de Samira a euun énorme succès. Samira fut le pont parexcellence entre les hommes et les femmesdu groupe. C’est grâce à elle, en particulier,que les femmes ont été plus à l’aise pours’expri mer.

Conclusion

L’articulation entre projet pédagogique etobjectifs linguistiques a requis et permisdes animations très variées, aux facettespédagogiques multiples permettant la miseen valeur des potentiels différents dechaque apprenant ainsi que la possibilitéd’exploiter les différentes compétences dechacun ou de les enrichir.

Les créations individuelles et collectives,porteuses de sens, résultats concrets d’untravail structuré, sont le reflet de deux desprincipes pédagogiques que j’essaie d’appli -quer au mieux :- La responsabilisation de l’individu, tantdans un travail individuel que collectif, estsource de motivation et de créativité.- La création favorise la construction del’éman cipation.Cela dit, je pense qu’un projet facilite l’ap-proche de ces principes.

Les étapes, progressives, ont favorisé laconfiance en soi et ont encouragé la commu-nication, au sens large du terme. Il va de soique la participation des apprenants et leurmotivation grandissante au cours des anima-tions comptent parmi les moteurs essentielsdu projet.

Le travail de cette année a ouvert desportes. Il est en effet possible d’exploiter lespanneaux et l’enregistrement de manière

très intéressante. Si un apprenant présenteun panneau qui n’est pas le sien, toutdevient différent. Ali dira : « Au centre de lafeuille, c’est Hamid. A droite, à coté de lui, cesont ses enfants. A gauche, à côté de lui, c’estson voisin. Son voisin demande… ». Etc.

Je terminerai par ceci : cette expérience, mapremière en alphabétisation, fut, tant auniveau du travail avec les apprenants quedes questionnements et des recherches qu’ila suscités, passionnante !

Nadia DZIERGWACollectif Alpha Molenbeek

1. Les rebelles de l’illettrisme, Scénarios et dessinsde Lilo GRECO d’après des idées des membres de l’as-sociation ‘L’illettrisme Osons en parler’, Lire et Ecrire Communauté française, 2006.

2. SAY Allen, Le voyage de grand-père, L’Ecole des loisirs, 2000.

3. HARRISON Vanessa, Color Cards, Winslow Press,1992. Séries utilisées : Verbs, Everyday objects,Prepositions.

4. Maïa GREGOIRE, Alina KOSTUCK, Exercices audio de grammaire. Grammaire progressive du français.Niveau intermédiaire, Clé International, 2005. Dialogues utilisés : Ma famille (p.14), Ames sœurs (p.15).

5. Loto des situations sonores, Editions Nathan.

6. Cartes imagées pour raconter et inventer des histoires (Editions Vocaludik, www.vocaludik.fr/Cartes_SCHUBI-c-191_251.html).

7. En tout début d’année, les noms des couleursavaient déjà fait l’objet d’une séance qui sera suviepar de nombreuses redondances. Ainsi, je redeman-dais à chaque utilisation quelle était la couleur descartes plastifiées reprenant les lettres de l’alphabet.

Le diaporama Nous et notre entouragepeut être téléchargé sur le site du Collec-tif Alpha à la page  : www.collectif-alpha.be/article135.html

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Préparer une séquence de formation pour un groupe oralPoser des jalons à partir d’un exemple

Dans le cadre de cet article, je souhaite mettre l’accent sur le questionnementque je mène lorsque je dois préparer un exercice d’entrainement à l’apprentis-sage d’une structure du français. L’exemple est le suivant : lors d’une séquen-ce de formation, je constate une difficulté rencontrée par plusieurs personnesdans la production de l’impératif et je décide dès lors de lui accorder uneséquence de systématisation et de réflexion.

Quelques réflexions préalables

Lors des formations de formateurs que j’ani-me régulièrement, une question me poursuitsans cesse  : comment amener les partici-pants, formateurs en alphabétisation, àconstruire leur formation de manière cohé-rente par rapport aux valeurs de l’institutionqui les emploie, c’est-à-dire en mettant cesvaleurs en œuvre dans la construction d’unedémarche pédagogique. Par exemple, pourLire et Ecrire, il s’agit de construire unedémarche pédagogique émancipatrice quivise à augmenter le degré d’autonomie desapprenants, à développer/affirmer leuresprit critique, à favoriser la rencontre et ladiscussion,…

Souvent, les formateurs me demandent desrecettes, des outils qui feraient que tous lesapprenants soient, à l’issue du programmede formation, capables de produire un fran-çais efficace et correct. Malheureusement,mon expérience me permet d’affirmer que cen’est pas possible. Chaque individu, chaque

groupe est particulier et demande à chaquefois de se re-questionner sur la pertinencede tel ou tel exercice, de tel ou tel outil,dans telle ou telle situation.

Dans la pratique de l’apprentissage du langageoral, je distingue deux aspects importants :l’un est lié à l’aspect communicatif, fonc-tionnel de la langue (en termes d’effi cacité) ;l’autre est lié à l’aspect plus linguis tique,

L’oralD O S S I E R

Travail de l’oral à Lire et Ecrire Tubize

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c’est-à-dire comment produire des énoncéscorrects dans une situation donnée.

Je suis convaincu que les deux aspects doi-vent être travaillés de manière concomitante.L’exercice d’entrainement étant la résultanted’un déficit rencontré lors de la productionorale dans un exercice de communication.

Passons maintenant à l’exercice d’entraine -ment annoncé : celui de l’impératif.

Quelles questions vais-je d’abord me poser ?

Dans cette situation, je vais me demander :

1. Dans quels actes de parole réels utili-se-t-on l’impératif (j’établis un listing) ?Par exemple :> dominant/dominé

- parents/enfants- professeur/élèves- patron/ouvriers/apprentis- …

> légitimité (par rapport à la loi)- hiérarchie militaire- maitre/animal domestique (chien)- policier/automobiliste- …

> impératif de demande (personne étant defait dans une situation de faiblesse parrapport à l’autre (moins mobile, plus éloi-gnée, en détresse,…)- maladie- handicap- demande- …

> impératif de proposition (invitation àfaire quelque chose ensemble…)- situations qui entrainent de facto l’utili -

sation de l’impératif- recette de cuisine

- consignes de sécurité- …

2. Quels sont mes besoins pour produirede l’impératif ?Par exemple :> au niveau de la langue

- verbe à l’impératif qui commence la phrase- intonation- mots injonctifs : stop !

> au niveau de l’attitude- le regard- le ton (dans ce cadre, on peut distinguer

différentes formes d’impératif : l’injonc -tion, la demande, l’affectif,…)

- le geste> et bien sûr, toute situation où l’impératif

est ‘obligatoirement’ utilisé (voir point 1).

3. Quelles sont les contraintes pédago-giques que je me donne ?> une production> une recherche> l’utilisation d’une structure de phrase> la participation maximale de tous en

termes de production et de compréhension> un moment de réflexion à l’issue de l’exer-

cice sur les tenants et aboutissants del’utilisation de tournures impératives.

C’est seulement alors, après m’être posé cesdifférentes questions, que je construis l’ani-mation.

Comment mener l’animation ?

Voici maintenant, à titre d’exemple, ledéroulement type d’une animation autour del’impératif.

1. Je demande de constituer des sous-groupes sur le mode impératif.Par exemple  : «  Les personnes qui portentune écharpe : allez près de la porte ! »

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2. Chaque sous-groupe reçoit une consignedifférente en lien avec la production del’impératif (à tirer au sort)> « Vous devez produire x phrases – 8-10-12

en fonction du nombre de personnes quicomposent le groupe (maximum 4) – quifont faire quelque chose à quelqu’un dans la(les) situa tion(s) suivante(s). Chaque par-ticipant devra en citer au moins deux.  »(NB : Dans le cadre de consignes actions, ilest important de préciser à ce moment ceque l’on attend de chacun pour que touss’impli quent dans la production et la répé-tition. Si je le dis plus tard, il est possibleque ce soient uniquement les plus avancésqui produisent des phrases) :- un parent à son enfant- un professeur à un élève/des élèves

- un garagiste à son apprenti- un coiffeur à son ouvrier- un policier à un automobiliste- un chasseur à son chien- un mari à sa femme (ou inversement)- un maçon au manœuvre- un docteur/un dentiste à son patient- un juge à un accusé- …

> « Vous devez établir » :- une recette de cuisine- des consignes de sécurité en cas d’incendie- des consignes de sécurité dans une usine- …

Lorsque chaque groupe a produit sesphrases, ses consignes…, il doit les énonceraux autres groupes qui doivent trouver lesacteurs des situations et justifier leur choix.

Des actes de parole où l’on utilise l’impératif...

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3. Un dernier travail (sans doute le plusimportant) sera de relever tous les élé-ments qui ont trait à la production d’unestructure impérative, que ce soit d’ordre linguistique (verbe) ou para/extra/supra -linguis tique (into nation, geste), et à l’analy-se du rapport entre les personnes que l’utili-sation de cette structure provoque. Lors de lapréparation de cette séquence de travail surl’impératif, j’ai moi-même pris conscienceque l’utilisation de l’impératif implique unehiérarchie, une domination  : les apprenantsn’en sont peut-être pas conscients  ; il estdonc important qu’ils découvrent eux aussique les actes de langage ne sont pas neutres.

Pourquoi procéder de la sorte ?

Pour proposer des activités dynamiques,porteuses de valeurs pédagogiques, je doisimpérativement questionner la langue etson objet en rapport avec le milieu danslequel je travaille.

Ainsi, je peux fixer des balises qui me permet-tent de construire une animation qui répondaux critères que j’ai auparavant définis.

Par exemple :- En tant que formateur, je ne veux pas êtrele détenteur du savoir et avoir pour missionde le transmettre, mais accompagner lesapprenants dans la construction de ce savoiren leur proposant des situations complexesde construction, et ce même quand il s’agitd’exercices d’entrainement.- J’ai foi en la capacité d’un groupe à réunirtous ses savoirs pour construire et à lesmettre à la disposition de tous (hétérogé-néité bienvenue).- Je pense que pour apprendre, il fautessayer mais en étant en sécurité. L’apportdu groupe permet de construire en toutesécurité et confiance. Même si je précised’emblée que chacun devra produire aumoins deux phrases à l’issue de l’animation.- J’essaie toujours de proposer des animationsqui sont les plus proches possible des situa-tions de vie pour permettre aux apprenants detransférer vers l’extérieur les apprentissagesque l’on fait lors de la formation, et ce y com-pris dans les exercices qui ont pour objectifsde travailler une structure particulière.- …- Et bien sûr, toutes celles liées à l’aspectlinguistique.

La langue est un outil que je me dois dequestionner tant dans ses aspects formels(linguistiques) que dans ses aspects infor-mels (objet du discours et implications dansune société donnée) pour l’utiliser demanière pertinente.

Je vous invite à tenter l’aventure…

Jean CONSTANT, coordinateur pédagogique

Lire et Ecrire Verviers

Travail de l’oral à Lire et Ecrire Tubize

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La langue comme outil de communication

A Lire et Ecrire Brabant wallon, le but premier de l’apprentissage du françaisoral est de rompre la glace, d’oser communiquer, d’échanger, de se donnerconfiance. Et pour ce faire, un outil privilégié : la langue. La langue se vit,elle est un tout, elle s’entend, elle se parle, elle se voit, elle se lit, elle s’écrit.Pourquoi alors dissocier chaque compétence ? Faut-il attendre de tout com-prendre à l’oral pour pouvoir comprendre l’écrit, c’est-à-dire lire  ? Faut-ilattendre de parler sans faute pour pouvoir écrire ? La grammaire, la conjugai-son, l’orthographe peuvent attendre, mais pas la communication ! Et quandtout se met en place, les progrès sont manifestes…

Au départ : un groupe de 14 personnes ; de22 à 65 ans ; hommes et femmes ; scolari-sés un peu, un peu plus, pas du tout  ; detoutes les nationalités, soit un Azéri, desTurcs, des Tchétchènes, une Equatorienne,une Vietnamienne, une Thaï, une Djibou-tienne, des Marocaines, une Monténégrine,un Rwandais.

Avant tout, créer une ambiance de solidari-té, de connivence, de complicité. Rompre lasolitude, tisser des liens, donner envie decomprendre, de parler, bref, de communi-quer. Le rire est universel. Les larmes aussi.

Chez nous, l’entrée est permanente en fonc-tion de la place disponible. Les apprenantsrestent en moyenne deux ans puis passenten alpha écrit 2 ou partent suivre une forma-tion qualifiante ailleurs… Donc, le niveauest hétérogène, et c’est notre richesse.

Les anciens aident les nouveaux, les lec-teurs lisent pour les non-lecteurs, chacun aquelque chose à donner et à recevoir.

Nous travaillons parfois en individuel (maison peut toujours demander de l’aide à sonvoisin), très souvent par deux, puis enpetits groupes, et enfin en grand groupe.

En tant que formatrice, je tente de garderun fil conducteur, mais avant tout, ce sontles apprenants qui donnent l’idée du travaildu jour suivant.

L’oralD O S S I E R

Teresa RIBAS, Pilar CASADEMUNT, Roser CAPDEVILA, Découvrir les magasins, Casterman, 1996

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Une activité-type

En équipe de deux ou trois, les apprenants regardent une même image illustrant une viede famille au petit déjeuner. A partir de cette image, les savoirs et compétences sui-vants sont travaillés :

1. noms : Trouver 20 nouveaux mots : « dans la cuisine, il y a… ». Chaque équipe donneson résultat, les nouveaux mots sont classés dans un tableau des sons : dans orange, ily a le son an (qui s’écrit aussi en, am ou em), comme dans mange, pense, etc.2. localisateurs  : Où est-il  ? On fait découvrir un objet aux autres en le situant : derrière le frigo, en haut, sur le mur,…3. actions : Que font-ils ?4. compréhension : Qui parle  ? Qui dit ceci  : «  tu veux encore une tartine  ?  »,« dépêche-toi, on va être en retard ! »,…5. interculturel : Et chez vous ? Dans votre pays, qu’est-ce qu’on mange le matin ? Etici, que mangez-vous ?On établit des similitudes, on s’interroge, on se raconte….6. déduction : A votre avis, il est quelle heure ? Qu’ont-ils fait avant ? --> phrases au passé. Que vont-ils faire après ? --> phrases au futur.

Teresa RIBAS, Pilar CASADEMUNT, Roser CAPDEVILA, Découvrir la maison, Casterman, 1996

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Travail des thèmes

Un travail similaire à celui effectué autour dupetit déjeuner se fait avec d’autres images :- les vacances : la mer, la campagne, la mon-tagne, la météo, les valises, le budget, lesport, les hobbys, le pays d’origine,…- les magasins : les grandes surfaces <-> lespetits commerces (pour ou contre ? --> débat),la publicité, les moyens de paiement, la société de consommation, le tri des déchets,…- la fête : le mariage, les coutumes, la dot, lechoix du conjoint, les vêtements, la coiffure,les cadeaux, le menu, le voyage de noces,…- etc.

Ces thèmes ne sont pas uniquement tra-vaillés à l’oral. Nous travaillons la lecture enparallèle, dès le début, de manière naturelle,comme un autre moyen de communicationincontournable. En effet, dans notre société,il est impossible d’ignorer l’écrit. Et il esttrès handicapant de ne pas pouvoir lire.

Dans ce groupe, très peu d’apprenants sontde réels analphabètes (2 sur 14). La plupartont été scolarisés deux ou trois ans, tempssuffisant pour avoir appris à lire dans leurlangue maternelle. Une curiosité toute natu-relle les pousse à lire tout ce qu’ils voientécrit. Ceux dont l’alphabet est différent dunôtre se font un point d’honneur à apprendrerapidement le nouveau code. Alors pourquoine pas les aider dans cette démarche ?

Chaque découverte d’une nouvelle image-situation est accompagnée d’exercices de lec-ture de mots (au début, rien que desrecherches de similitudes). Ces exercices sontélaborés très facilement sur base du nouveauvocabulaire (voir exemple en page 47) décou-vert par les apprenants et à l’aide du siteChance pour tous 1. Ensuite, grâce à ce mêmesite, et sur base de ce qui a été dit, il estpossible de créer des petits textes qui serontutilisés en lecture (textes à trous, phrasesmélangées, phrases coupées, etc.) et commeexercices de mémoire (les textes sont apprispar cœur comme des petits poèmes). Grâce àcela, la syntaxe se fixe mieux, des expres-sions s’acquièrent.Des petits jeux tels que le jeu des familles(« je voudrais la carte avec la dame qui… »)permettent de fixer une syntaxe correcte parla répétition de phrases clés.

Parallèlement, un travail phonétique accom-pagne chaque nouveau sujet afin d’entrainerl’oreille à distinguer les sons du français et à

1. Qu’est-ce qu’ils fêtent ?2. Décrivez une personne à faire découvrir.3. Que font les enfants ?4. Donnez 10 actions différentes.5. Que font les invités ?6. Il y a un monsieur avec une robe, pourquoi ?7. Qu’est-ce qu’ils ont fait avant de venir ?8. Donnez 3 différences entre les coutumes de mariage chez vous et en Belgique.9. Trouvez 10 nouveaux mots à mettre dans le tableau des sons.10. Qu’est-ce qu’ils feront après la fête ?

R. C

APDE

VILA

, Dé

couv

rir

la f

ête,

Cas

term

an,

1996

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s’entrainer à prononcer des sons corrects parle biais de petits exercices de discriminationauditive et de prononciation. Nous tra-vaillons également la discrimination visuellepour fixer les sons et les mots à l’écrit. Pource faire, nous classons les nouveaux motsdans le tableau des sons (voir ci-dessous).Par exemple, jeu de loto en équipe  : unapprenant dit ce qu’il voit sur la carte, lesautres écoutent et réclament la bonne carte.Des cartes qui évoquent des mots qui sontsouvent source de confusions à l’oral, telsque bleu, blond, blanc, treize, seize, de l’eau,du lait, sont glissées parmi les autres cartes.

Deux points importants

Il est très important de ne pas interromprel’apprenant qui ose enfin s’exprimer. C’estpourquoi, dans les activités spontanées ouludiques, je ne corrige pas (mais éventuelle-ment, je répète la phrase correctement pour

qu’elle soit compréhensible par tous). Jepense qu’en aucun cas, il ne faut rompre laspontanéité. Les exercices sont là pour cor-riger une tournure, un accent, une erreur. Jeserai aussi plus exigeante avec les appre-nants qui sont là pour la deuxième année.

Un autre point important est de faire prendreconscience à des personnes peu ou pas scola-risées du métalangage, de la syntaxe, de laconjugaison et de la grammaire de la langued’origine. Cela permet à chacun de faire réfé-rence à ses propres connaissances, de ‘s’yretrouver’… et permet au formateur de com-prendre certaines erreurs récurrentes.Exemples : les verbes ‘être’ et ‘avoir’ n’exis tentpas dans toutes les langues et ne s’utilisentpas toujours de la même manière. En turc parexemple, «  j’ai un pantalon » se dit «  chezmoi un pantalon il y a », « je suis malade »se dit « malade moi ». En russe, le verbe ‘être’n’existe pas au présent  : «  je malade  » est

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bien suffisant pour comprendre mais, parcontre, il existe au passé et au futur…

Régulièrement, je leur demande comment ilsdiraient telle ou telle phrase dans leur langue.Ils s’expriment alors tout haut, les autresécoutent (souvent fascinés par la musique).Et quand, par bonheur, deux appre nants par-tagent une même langue, je les laisse discu-ter entre eux pour qu’ils prennent conscienced’une tournure… Cela suscite souvent unediscussion riche et intéressante sur la langue.

Conclusion

Cette approche de l’oral avec un groupe hété-rogène ne prétend pas faire des miracles.Mais je constate qu’elle ne crée pas de frus-tration et qu’elle suscite la curiosité quipousse à aller plus loin. Bien sûr, chacun estunique : le caractère, l’histoire personnelle,le contexte social et familial, la motivationsont autant de facteurs qui peuvent ralentirou accélérer l’acquisition d’une langue.L’ambi ance, la confiance, la connivence dansle groupe jouent aussi un rôle très important.Après une année, les apprenants sont à l’ai-

se avec la langue  : ils n’ont plus peur des’exprimer, plus peur de dire qu’ils n’ont pascompris, plus peur de l’accent (le leur oucelui de l’interlocuteur). Ils osent communi-quer et le font avec plaisir.

L’année suivante sert souvent à améliorer lasyntaxe, la conjugaison, à enrichir le vocabu-laire, à faire des phrases plus compliquées,avec des subordonnées, etc. Les appre nantsréguliers font de réels progrès. Et s’ils sontcurieux et volontaires, et qu’ils parlent fran-çais aussi en dehors des heures de formation(par exemple à l’école des enfants, au maga-sin, chez le médecin, l’avocat, etc.), les pro-grès sont clairement visibles. A partir de cestade, la progression est exponentielle. Ilssont alors prêts à suivre une formation quali-fiante ou à chercher du travail.

Anne LUCASLire et Ecrire Brabant wallon

1. www.chancepourtous.com : ce site permet facilement de créer des petits exercices écrits pour renforcer la discrimination visuelle, la lecture,l’orthographe, la mémoire, au départ de mots ou de phrases choisis par le formateur.

Exercice de vocabulaire : Au magasin

1. l’escalier roulant A. l’endroit où on essaie un vêtement2. la balance B. la machine pour couper des tranches3. la cabine d’essayage C. la grande table où on compte les produits4. la caisse enregistreuse D. la poupée qui présente un vêtement5. la trancheuse E. le coin avec les produits de même sorte6. la vitrine F. les réserves de marchandises7. le caddy G. la machine pour peser8. le chausse-pied H. l’escalier automatique9. le comptoir I. la machine pour compter et mettre l’argent10. le mannequin J. la grande vitre d’un magasin11. le présentoir K. le chariot pour mettre les courses12. le rayon L. un objet pour aider le pied à rentrer dans la chaussure13. le stock M. l’étagère pour montrer les choses à vendre

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Créer des romans-photos pour apprendre à parler…

Au départ...

Quels éléments ont amené cette initiative ?

Je me sentais mal à l’aise vis-à-vis des par-ticipants de refaire une nouvelle fois lesmêmes situations de Pourquoi Pas  ! 1 quecertains avaient déjà rencontrées à une,deux reprises, voire plus. Je souhaitais que cet apprentissage soitplus investi par les participants (apprenants

actifs), j’avais envie de les impliquer pro-fondément dans cette dynamique de l’ap-prentissage de l’oral. Les apprenants n’avaient pas mémorisé cer-taines structures de la vie courante, y com-pris pour pouvoir se présenter  ; je devaisdonc rechercher d’autres modes de mémori-sation, d’autres canaux. Je souhaitais amener les apprenants àacquérir un savoir transférable dans de nom-breuses situations.

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L’oralD O S S I E R

En 2007, Mireille Heins, formatri-ce à Lire et Ecrire Verviers, seretrouve avec un groupe d’appre -nants débutants (et faux débu-tants) à l’oral. Ce groupe est eneffet constitué de nouveauxapprenants mais aussi de plu-sieurs anciens ayant des difficul-tés pour entrer dans la langueorale. Pour permettre à ces per-sonnes de mieux se l’approprier,elle a cherché et expérimenté unenouvelle voie : construire avec etpour les apprenants des dia-logues en images (photos) quipourront être réinvestis et trans-férés dans d’autres situations dela vie quotidienne. Saadia achète deux croissants.

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Quels sont les objectifs que j’ai pour-suivis à travers cette dynamique ?

Favoriser la mémorisation de structures sim -ples et transposables dans la vie quotidienne.Donner un sens à l’apprentissage.Partir de situations concrètes, utiles, réelles dela vie de tous les jours pour apprendre à parler.Amener les participants à utiliser le françaisdans leur propre vie.

Comment l’idée s’est-elle concrétisée ?

J’utilise notamment la MNLE (Méthode natu-relle de lecture-écriture) dans le cadre desgroupes écrits et je me suis demandé s’iln’était pas possible de reprendre les idéesforces de la MNLE pour les transposer à l’oralet créer avec les apprenants des supportsefficaces pour apprendre à parler. J’ai doncimaginé de partir de l’image créée par etpour les apprenants pour aborder les pro-blèmes de la vie quotidienne. Je me sentaispar ailleurs à l’aise avec la manipulationd’un matériel audiovisuel (appareil photo,ordinateur, Data Show 2,…) et j’imaginaisbien ce que cela pouvait apporter d’un pointde vue dynamique et participatif.

Pour créer le groupe, nous utilisons diffé-rentes techniques d’animation 3 et il noussemble important de laisser des traces dansle local de formation. Dans ce cadre, nousutilisons un grand panneau plastifié avec demultiples pochettes. Chaque apprenant a sapropre colonne de pochettes qui est rempliede photos, de dessins, de symboles, au furet à mesure de la découverte de l’autre lorsdes animations. Avec ce groupe, la premièreanimation a consisté à réaliser une photopersonnelle à placer dans la 1ère pochettepour s’identifier. Certaines personnes de

religion musulmane ont refusé que l’on pho-tographie leur visage. Pour nous, il étaitimportant que chacun soit représenté sur lepanneau. Après négociation, nous avonsdonc photographié pour la plupart le visage,et pour d’autres une main, un pied,…

Je n’ai pas voulu aborder de front ce refusde se faire photographier sachant que cultu-rellement, cela posait problème. Et avec unpublic aussi faible à l’oral, le dispositif qu’ilaurait fallu mettre en place (avec un traduc-teur pour chaque langue d’origine) étaittrop lourd. De plus, du moment que certainsacceptaient de se faire photographier, celane posait pas de réel problème pour la réa-lisation du roman-photo puisqu’il suffisaitd’un seul intervenant pour chaque situationque nous allions photographier.

Mise en projet

1ère séquence : mise en situation

Nous avons commencé par choisir diffé-rentes situations de la vie quotidienne quiposaient problème 4. Une des premièresdifficultés était de ne pas pouvoir se dé -brouiller dans les magasins. J’ai proposéde vivre ‘en vrai’ une situation, d’en fairedes photos et de travailler ensuite cette situation. Nous avons choisi d’aller à la boulangerie voisine pour faire les photosd’une situation ‘achat’. Nous avons alors préparé collectivement cette situation etles différentes petites phrases à dire.

Une participante s’est déclarée volontaire etavec l’accord de la boulangère, le groupe estallé vivre cette situation d’achat. Pour moi,il était important que tous les appre nantssoient présents pour que cette situa tion soitpartagée par l’ensemble du groupe.

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De retour dans le local de formation avec lesphotos que j’avais faites de la situation (unequinzaine), nous avons parlé de la situation,de la façon dont l’apprenante s’était débrouil -lée et comment elle-même et les autres participants l’avaient vécue. A ce moment,d’autres apprenants ont manifesté le désird’être eux aussi sur les photos. Il fallait alorsimaginer d’autres situations…

2e séquence : travail avec le Data Show

Travailler avec un Data Show est vraimentintéressant parce que les images sont acces-sibles à tous et que ces images sont le rap-pel d’une situation vécue.

J’ai commencé par montrer deux fois toutesles images. Puis, on a travaillé le vocabulai-re spécifique à la situation.

Ensuite, on a choisi les images que l’on vou-lait garder pour reconstituer l’histoire.

3e séquence : reconstitution du dialogue

J’ai fait développer les photos choisies (en 3exemplaires), j’ai demandé aux apprenants deles mettre dans l’ordre et de re-chercher desphrases qui correspondaient à chaque photo(en sous-groupes). Mon travail consis taitalors à noter ces phrases de dialogue (unepar photo) en veillant à ce que ce soit bienle reflet de ce qui avait été dit par les parti-cipants. Si nécessaire, je faisais répéter oureformuler.

Ensuite par groupe de deux, on a rejoué lasituation (les photos servaient de supportpour se rappeler les parties du dialogue encas de nécessité). Puis, on a adapté la situa-tion à différents achats dans la boulangerie,puis dans d’autres magasins (transfert desphrases et élargissement du vocabulaire). Ona aussi travaillé sur des structures bien iden-tifiées comme : ‘je voudrais …’, les formules

La vendeuse met les croissants dans un sachet. Saadia donne de l’argent à la vendeuse.

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de politesse,… en lien avec la situation. Unefois le dialogue maitrisé, on a repris la mêmedynamique pour d’autres situations de com-munication (à la gare, chez le docteur,…).

Ce qui est important, c’est d’élargir rapide-ment le cadre dans lequel on travaille et demontrer que l’apprentissage réalisé peutêtre rapidement réutilisé dans sa propre vie.C’est ce réinvestissement qui est quelquepart l’évaluation du cours de français oralpour débutants.

En fin de session, j’ai composé, à l’intentionde chaque participant, un minilivre avecl’ensemble des romans-photos créés de façonà leur donner une trace et à les mobiliserdans cet apprentissage. A cet effet, j’ai ajou-té le texte dans les bulles pour que ceux quile souhaitaient puissent, avec l’aide éven-tuelle d’autrui, travailler à la maison à lamaitrise des dialogues des situations tra-vaillées au cours.

Ce que je retiens de cette dynamique

Le fait de vivre la situation en réel permetde mesurer concrètement l’utilisation quel’on peut faire du français et, dans un pre-mier temps, sans danger puisqu’il s’agitd’une situation d’apprentissage.

Le fait que la situation soit vécue par tousles membres du groupe permet de mémori-ser plus facilement et l’histoire et le ‘texte’(de la situation globale aux expressions par-ticulières).

Le fait que ce soient les participants qui setrouvent sur les photos permet égalementune appropriation plus profonde car il s’agitde LEUR histoire.

Il s’agit de photos prises dans des lieuxqu’ils connaissent, ce qui favorise aussi lamémorisation. Lors des situations suivantes,ils prendront eux-mêmes les photos.

Saadia attend sa monnaie. La vendeuse rend la monnaie à Saadia.

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Ce sont les participants qui choisissent lessituations qui vont être source d’apprentis sage.Et même si, au départ, ce sont des lieux com-muns (boulangerie, poste, gare,…), cela per-met de répondre de manière concrète à leursbesoins et leur donne des outils de langagepour se débrouiller dans d’autres situations.

Quelques réactions des apprenants

En reconstituant certains dialogues, les parti-cipants me faisaient remarquer qu’il manquaitdes photos pour que le dialogue soit cohérent(suite logique). Il a dès lors fallu en refaire.

Certains apprenants ont assez rapidementapporté leur propre appareil photo. Ils ontainsi appris à mieux maitriser cet outil et,de plus, ils avaient un réel plaisir à partagerles moments vécus (valorisation).

Tous les apprenants, même ceux qui audépart refusaient d’être pris en photo, ont àun moment ou un autre joué une scène oùils sont acteurs. Cela n’a cependant étérendu possible que parce qu’une négociationa eu lieu pour que les photos appartiennentuniquement au groupe et ne soient pas dif-fusées à l’extérieur, exception faite pour leJournal de l’alpha.

Lors de la session suivante, un des appre-nants moins ‘participatif’ a proposé de refai-re cette démarche et a expliqué aux nou-veaux arrivants les dialogues au mot près.

Actuellement, je n’ai malheureusement plusl’occasion de poursuivre cette expérience(je ne travaille plus avec un groupe oraldébutant), mais je suis convaincue quecette approche apporte une véritable dyna-mique dans le groupe qui s’ouvre ainsidavantage à l’apprentissage et à son trans-fert vers l’extérieur.

Mireille HEINS, formatriceLire et Ecrire Verviers

1. Méthode structuroglobale audiovisuelle : voir présentation dans la recension, p. 96.

2. Data Show : projecteur relié à un ordinateur.

3. Issues notamment de : Collectif Alpha et Lire etEcrire Centre-Mons-Borinage, Mille-et-une idées pour se parler : 113 fiches d’activités orales,Collectif Alpha, 1995 (voir présentation dans la recension, pp. 94-95).

4. Lors de l’entretien d’accueil ou de la définition des objectifs individuels, nous avons recours à destraducteurs qui nous permettent de mieux définir lesraisons qui poussent les participants à entamer unparcours de formation. C’est au départ de ces raisonsque nous travaillons et constituons, pour les groupesoraux, les parcours de formation.

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Expérience européenne de mise enligne d’un support d’apprentissagede l’oral pour et par les apprenants

La formation intensive de niveau oral débutant organisée à Ottignies par Lireet Ecrire Brabant wallon accueille chaque année une douzaine d’apprenants,essentiellement des primo-arrivants. Ces deux dernières années, cette forma-tion était partie prenante d’un projet de création en ligne de supports d’ap-prentissage du français oral par et pour les migrants 1. Ce projet, qui s’intègredans le programme européen ‘Grundtvig’ pour l’Education et la Formation toutau long de la vie, a été baptisé ‘WIKIM’ par ses concepteurs…

Pourquoi WIKIM ?

Rappelons d’abord qu’un wiki est « un logi-ciel de la famille des systèmes de gestion decontenu de site web rendant les pages modi-fiables par tous les visiteurs y étant autori-sés » 2. Il facilite l’écriture collaborative dedocuments avec un minimum de contraintes.Le mot wiki vient du redoublement hawaiienwiki wiki, qui signifie rapide. Inventés en1995 par un informaticien américain, WardCunningham, les wikis facilitent la publica-tion en ligne ainsi que les échanges et lesprocessus de collaboration. La notion d’admi-nistrateur unique avec un plein pouvoir surles contenus publiés, disparait au profitd’une responsabilisation de chacun et d’unautocontrôle par le groupe des utilisateurs.On comprend dès lors que le moteur de wikiest le logiciel qui met en œuvre la gestion ducontenu selon la philosophie wiki.

Mais alors pourquoi WIKIM, me diriez-vous ?Parce qu’en fonction de l’étude préliminaire

et des principales contraintes d’usage, lesgestionnaires du projet ont choisi le logicielMindtouch, qui était déjà utilisé pour le site Wikipedia, comme logiciel pour le wikid’apprentissage du français oral. La jonctionde l’initiale du logiciel choisi (M) au moteurwiki explique l’éclosion du terme WIKIM.

Le projet WIKIM

L’émergence du projet WIKIM puise sesracines dans l’idée de Nicolai Grundtvig selonlaquelle « l’éducation tout au long de la viedoit englober non seulement la connaissance,mais aussi la responsabilité civique et le déve-loppement personnel et culturel  » 3. WIKIMpropose comme nouvelle stratégie d’associerles apprenants et les formateurs dans laconception d’un environnement d’appren -tissage multimédia adapté à leurs besoinsrespectifs. Le résultat attendu est de mieuxpréparer l’intégration du migrant dans lecontexte social et culturel du pays d’accueilavec un objectif sous-jacent de cohésion

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L’oralD O S S I E R

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sociale. Le tout mené dans une approcheactionnelle visant à « promouvoir des métho -des d’enseignement des langues vivantes quirenforcent l’indépendance de la pensée, dujugement et de l’action combinée à la respon-sabilité et aux savoir-faire sociaux » 4.

Plus concrètement, il s’agit de mettre enplace un outil d’apprentissage des languesutilisant les technologies de l’information etde la communication pour permettre auxapprenants d’obtenir le niveau A1 du cadreréférentiel du Conseil de l’Europe pour lespremiers acquis en français.

Pour l’oral, ce niveau vise à ce que l’appre nant :- puisse comprendre quelques expressionsfamilières et quotidiennes utilisées dans dessituations de communication très récur-rentes ainsi que des énoncés très simplesvisant à satisfaire certains besoins concretsde la vie sociale ;- puisse utiliser une partie de ces expres-sions et énoncés ;- puisse s’identifier et répondre à des ques-tions concernant, par exemple, sa nationali-té, son âge, son état civil, sa profession, sonlieu d’habitation… et, éventuellement, poserlui-même des questions de ce type à quel-qu’un dans la vie civile ou dans une interac-tion administrative ou de service prévisible ;- puisse participer à une interaction ordinai-re, au moins partiellement, au moyen d’énon -cés simples (centrés sur un ou deux mots),en ayant aussi recours à sa langue premièreou à d’autres langues acquises, si l’inter -locuteur parle lentement et distinctivementet se montre coopératif et bienveillant. 5

Pour atteindre l’objectif principal de WIKIM,celui de réaliser des outils d’apprentissagelinguistique et culturel basés sur des scéna-rios de vie quotidienne en vue de l’insertion

sociale et professionnelle des migrants,chaque partenaire devait respecter unemême ligne de conduite tout en donnantlibre cours à sa créativité. Cette ligne deconduite concernait la prise en compte descultures, l’expérimentation d’une démarched’implication des migrants et des forma-teurs, la construction d’un outil adaptable,l’amélioration des capacités d’expressionorale des apprenants, la contribution à leurintégration sociale et culturelle.

L’apport du groupe d’Ottignies

Constitution du groupe alpha oral débutant

En dépit de quelques mouvements d’entréeet de sortie en cours de formation, le grou-pe se stabilise assez rapidement autour de12 personnes originaires de l’Inde, de laMacédoine, du Maroc, de la Moldavie, duPérou, de la Thaïlande, de la Turquie, del’Ukraine et du Venezuela. Deux apprenantssont complètement analphabètes tandis qued’autres sont infrascolarisés dans leurlangue maternelle. Mais ils ont tous en com-mun la méconnaissance du français, tantdans sa dimension orale qu’écrite.

Le choix des thèmes

Comme chaque matin avant de lancer la pre-mière activité, nous faisons la ‘connexion’  :un tour de table durant lequel chaque appre-nant est amené à dire comment il va ou com-ment il se sent. Ce jour-là, arrive le tour deRonald. Celui-ci brandit le journal Metro 6,tout en indiquant la photo des sans-papiersen grève de la faim. La problématique faitimmédiatement écho chez les autres appre-nants et passionne la majorité du groupe qui,du reste, se dépêtre encore dans les démar -

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ches ou ne sait pas comment faire pour obte-nir une carte d’identité. Dans la peur de seretrouver comme les sans-papiers de la photode Metro, chacun prend la mesure de sonbesoin d’informations et réalise la nécessitéde consacrer du temps à ce thème.

Un autre jour, c’est une apprenante qui arri-ve, l’air abattue. Elle a pris la voiture de sasœur pour venir au cours et s’est fait contrô-ler par la police routière. Elle n’a rien com-pris de la demande des policiers qui vou-laient contrôler permis de conduire, carted’identité, carte grise, carte rose, assuranceet certificat de contrôle technique. De parl’intérêt suscité par son récit, les besoinsd’en savoir plus et de maitriser ce vocabulai-re s’est tout de suite imposé au groupe.

C’est ainsi que le groupe a choisi dans unpremier temps d’exploiter ces deux thèmes – démarche pour obtenir une carte d’iden -tité et compréhension d’un contrôle de poli-ce sur la route – et de produire des scéna-rios (voir en encadré le premier scénario, àtitre d’exemple, pp. 56-57). Deux autres scé-narios seront réalisés plus tard : chez l’épi-cier et chez le docteur (photos pp. 58-59).

La mise en ligne

Dans le cadre de ce projet, la maitrise desdialogues n’est qu’une étape du processus.L’étape suivante est de choisir ensemblequels apprenants seront filmés. Il faut avouerque les candidats ne se bousculent pas auportillon. Heureusement, quelques-uns sur-montent leur timidité et se prêtent au jeu.Deux autres apprenants acceptent aussi defilmer et de photographier, après quelquesséances d’essai bien sûr. Le filmage se faitpar essais et erreurs. Les séquences retenueset transférées sur un support amovible (DVD,

clé USB) sont ensui te placées en ligne en vuede les partager avec les apprenants des payspartenaires impliqués dans le projet. Ceux-cipeuvent alors reprendre le scénario, le revisi-ter sous le prisme de leurs cultures ou deleurs contextes, l’adapter ou l’enrichir avecde nouveaux éléments. Les supports enregis-trés deviennent ainsi des outils d’appren -tissage pour d’autres apprenants.

L’impact sur les apprenants

Les deux scénarios ont requis énormémentde temps et de drill avant qu’ils ne soientmaitrisés par l’ensemble des apprenants. Enmême temps, ces moments ont beaucoupcontribué à consolider la cohésion du grou-pe, l’estime et l’affirmation de soi. Ils ontégalement permis des échanges d’infor -mations sur comment ça se passe en Bel-gique et respectivement dans les pays d’ori gi ne des apprenants. Ce fut aussi l’occa-sion de découvrir des talents cachés d’ac-teurs, de photographe, de caméraman, d’hu-moriste ou de metteur en scène. Cette miseen évidence d’autres compétences a permisaux apprenants de se sentir fiers et valori-sés en dépit de leurs connaissances fortlimitées en français.

Les thèmes choisis ont par ailleurs suscitéde nombreuses questions qui ont alimenténos débats. Par exemple pour la carted’identité : Qu’est-ce qu’une carte d’iden -tité ? A quoi sert-elle ? Quels sont les avan-tages à posséder une carte d’identité ? Quel-le valeur lui accorde-t-on dans nos paysd’origine ? Quel rapport y a-t-il entre lacarte d’identité et la citoyenneté ? Et pourle contrôle routier  : Tout le monde peut-ilconduire une voiture ? Qu’en est-il dans nospays respectifs ? Quels sont les documents

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– Etranger (frappe à la porte) : Toc toc toc.– Agent communal : Oui, entrez s’il vous plait !– Etranger : Bonjour madame.– Agent communal : Bonjour monsieur. Que puis-je faire pour vous ?– Etranger : Je viens demander la carte d’identité.– Agent communal : Asseyez-vous, je vous en prie.– Etranger : Merci.– Agent communal : Alors, nous allons compléter cette fiche si vous voulez bien

répondre aux questions. Comment vous vous appelez ?– Etranger : Je m’appelle …– Agent communal : Quel est votre nom ?– Etranger : Mon nom c’est …– Agent communal : Quel est votre prénom ?– Etranger : Mon prénom c’est …– Agent communal Vous venez de quel pays ?– Etranger : Je viens du/de …– Agent communal : Vous êtes de quelle nationalité ?– Etranger : Je suis …/Je suis de nationalité ...– Agent communal : Quelle est votre date de naissance ?– Etranger : Je suis né le …– Agent communal : Quel est votre lieu de naissance ?– Etranger : Je suis né à …– Agent communal : Vous avez quel âge ?– Etranger : J’ai … ans.– Agent communal Quel est votre état civil ?– Etranger : Je suis marié/célibataire/divorcé/cohabitant/veuf.

Premier scénario : la carte d’identité

Le scénario met en scène une personne étrangère qui vient d’arriver en Belgique et quise rend à la maison communale pour se procurer une carte d’identité.7

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requis pour pouvoir conduire ici en Bel-gique ? Et dans nos pays d’origine ? Est-cenécessaire de les avoir toujours sur soi àchaque déplacement  ? Peut-on rouler enBelgique avec un permis délivré par un paysétranger  ? Les débats autour de ces ques-tions ont permis des échanges interculturelsfructueux entrecoupés de pointes d’humour,d’éclats de rire et d’anecdotes diverses.

La pertinence des thèmes évoqués par rapportà la situation vécue par les apprenantsexplique leur intérêt. Celui-ci s’est traduit parune participation particulièrement active etenthousiaste du groupe. Cette participationen lien avec l’interactivité mise en œuvre parl’appro che pédagogique a eu un impact consi -dé rable sur l’apprentissage tels que :- l’enrichissement du capital lexical et l’ac-quisition tant de compétences communica-tives et langagières que de notions sur lestechniques de l’information (photographier,filmer, surfer sur internet, apprendre à y pla-

cer des images, correspondre avec des appre-nants d’autres pays impliqués dans le projet) ;- l’éveil de la conscience au niveau de cer-tains enjeux sociaux de la vie en Belgique.Par exemple la nécessité et l’importance querevêt l’obtention d’une pièce d’identité,démarche incontournable vécue, par lesapprenants primo-arrivants, comme un pre-mier pas de géant dans le processus d’accèsà la citoyenneté et à l’insertion socioprofes-sionnelle en Belgique ;- l’acquisition d’un regain d’autonomie etde confiance en soi. C’est ce qui est arrivéun mois plus tard à Najar. Ce dernier a osése rendre tout seul à la commune d’Ottigniespour s’y inscrire. Il a pu répondre à toutesles questions d’usage posées par l’agentcommunal. Fier d’avoir tout compris etd’avoir pu se faire comprendre, il est sorti delà muni de sa nouvelle carte d’identité. Sajoie était telle qu’il m’a téléphoné illicopour vanter son exploit et m’annoncer la

– Agent communal : Vous avez des enfants ?– Etranger : Oui, j’ai …. enfants./Non, je n’ai pas d’enfant.– Agent communal : Combien de garçon(s) et combien de fille(s) ?– Etranger : J’ai … garçon(s) et … fille(s).– Agent communal : Où est-ce que vous habitez ?– Etranger : J’habite à …– Agent communal : Quelle est votre adresse ?– Etranger : Mon adresse c’est rue …/avenue ..., n°…– Agent communal : Quel est le code postal de votre ville ?– Etranger : Le code postal de ma ville est …– Agent communal : Vous êtes en Belgique depuis quand ?– Etranger : Je suis en Belgique depuis le …– Agent communal : Ok. Nous allons établir votre carte. Vous pouvez venir la retirer

dans une semaine.– Etranger : Merci.– Agent communal : Au revoir monsieur.– Etranger : Au revoir madame.

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bonne nouvelle ! Le lendemain au cours, ilavait presque l’allure d’une vedette quirevient des jeux olympiques bardée, pour lapremière fois, d’une médaille d’or.

Le mode de fonctionnement de WIKIM

Cette expérience de création d’outils d’ap-prentissage en ligne peut aujourd’hui servirà tout public. N’importe qui peut visiter lesite WIKIM (http://wiki.wikim.eu) et sonfonctionnement n’a rien de sorcier. Il estcependant conseillé à tout nouvel utilisateurde s’enregistrer sur l’outil. Les raisons ensont d’ordre pratique, déontologique etpédagogique. En pratique, l’enregistrementpermet d’avoir sa propre page, de la modifieret ainsi de pouvoir se présenter à la commu-nauté WIKIM. Les contributions, les modifi-cations et les corrections que vous apportezsont signées et contribuent à nourrir lessynergies entre utilisateurs.

WIKIM propose une entrée par langue (lestrois langues utilisées par les partenaires duprojet  : français, espagnol, allemand). Apartir de la page d’accueil, on accède aux

productions des différents groupes. Le choixde la langue conditionne la langue de l’in-terface ainsi que les textes de cadrage et lesorientations pédagogiques fournies par lesformateurs et les coordinateurs des paysparticipants.

En guise de conclusion

L’apprentissage des langues étrangères necesse de générer de nouvelles réflexions etinitiatives mettant en place des outils tou-jours plus performants et cohérents, en lienavec les technologies actuelles de l’infor -mation et de la communication.

Mais, au-delà de l’appropriation d’un outil, laformation linguistique draine des enjeuxsociaux, parti culièrement lorsqu’elle s’adres -se à un public issu du mouvement migratoi-re. Ces enjeux d’ordre culturel, social et pro-fessionnel sont à la base du projet WIKIM :mettre en place un outil qui permette à lafois l’appren tissage de la langue, initie àl’utili sation d’internet et favorise l’inté -gration du migrant dans son pays d’accueil.

En participant à ce projet, les apprenants dugroupe alpha oral d’Ottignies de Lire et Ecri-

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re Brabant wallon ont eu l’opportunité d’êtreactifs dans les choix et les contenus de laformation en créant des dialogues filmés, lesquels s’inspiraient de leur vécu. Cesséquen ces filmées ont ensuite servi de baseaux échanges avec des apprenants français etsuisses également impliqués dans le projet.En conclusion, cette expérience a eu un im-pact tant au niveau de leur apprentissageque de leur épanouissement personnel.

Pierre MUANDALIRE ET ECRIRE Brabant wallon

1. Les autres partenaires du projet sont :- AFORMAC (Association de Formation du Massif Central) et CRI-GRETA du Velay (organisme de formation pour adultes qui regroupe des institutionséducatives dépendant du ministère de l’Education nationale) – France ;- Arbeït und Leben – Allemagne ;- ITD (Inovación, Transferencia y Desarollo) – Espagne ;- AUPS (Association des Universités PopulairesSuisses) – Suisse.Lire et Ecrire Brabant wallon a participé au projetpour le compte du CESEP (Centre Socialiste d’Educa-tion Permanente) situé à Nivelles.

2. Article sur les wikis dans l’encyclopédie en ligneWikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Wiki

3. Appel à propositions du Programme ‘Grundtvig Multilateral Project’ (EAC/61/ 2006), p. 20.

4. Ibidem, p. 21.

5. Jean-Claude BEACCO, Mariela de FERRARI, Gilbert LHOTE, Référentiel et certification (DILF)pour les premiers acquis en français, Niveau A1.1pour le français (publics adultes peu francophones,scolarisés, peu scolarisés ou non scolarisés), Conseil de l’Europe, Editions Didier, Paris, 2005, p. 57.

6. Quotidien gratuit en libre service dans les gares, les stations de métro,…

7. La situation illustrée ici n’est qu’un des cas de figure pour l’obtention de papiers donnant droit à l’établissement sur le territoire belge. Il s’agit d’une procédure relativement ‘simple’ (par exemple en cas de regroupement familial), à contrario des démarches administratives de demande d’asile, beaucoup plus longues et complexes.

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Les simulations globales

La simulation globale est un support méthodologique qui permet d’apprendreune langue étrangère par le biais d’un projet de création collective. Le principeen est simple : il s’agit d’entrainer les apprenants dans un univers différent decelui du local de formation (un immeuble, un village, une ile, un cirque, uneentreprise…) que l’on appelle le lieu-thème, de leur faire endosser une identi-té fictive et de les amener à simuler toutes les fonctions du langage que cecadre est susceptible de requérir. Préparer et réaliser une simulation globale per-met de motiver les apprenants, tout en leur offrant la possibilité de s’exprimeren français, à l’oral mais aussi à l’écrit. Ce support s’avère tout à fait pertinentdans le cadre de l’alphabétisation où ‘L’immeuble’, le thème le plus connu desformateurs, est déjà utilisé depuis un certain nombre d’années.Voici, sur base de fragments tirés du site de Franc-Parler et de la mallettepédagogique éditée par le Centre de documentation du Collectif Alpha (voirencadré ci-contre), une présentation illustrée des simulations globales et deleur intérêt pour l’apprentissage.

Les premières simulations globales, L’immeu -ble, Iles et Le village ont été expérimentéesdans le cadre du BELC (Bureau français pourl’enseignement de la langue et de la civilisa-tion françaises à l’étranger) où elles étaientprésentées comme une alternative auxmanuels de l’époque. La naissance de cettetechnique va se nourrir de quelques idées debase : l’abandon du manuel de françaislangue étrangère (FLE), l’utilisation des tech-niques de créativité et le recours au jeu, lacentration sur l’apprenant, l’importance desaspects communicatifs en classe de langue.

Selon Francis Debyser, un de ses initiateurs,« une simulation globale est un protocole ouun scénario cadre qui permet à un grouped’apprenants pouvant aller jusqu’à une clas-

se entière d’une trentaine d’élèves, de créerun univers de référence – un immeuble, unvillage, une ile, un cirque, un hôtel – de l’ani-mer de personnages en interaction et d’ysimuler toutes les fonctions du langage quece cadre, qui est à la fois un lieu-thème et ununivers du discours, est susceptible de requé-rir. […] Décrire le monde, raconter la vie etvivre la comédie des relations humaines, telest le pari pédagogique des simulations. C’estl’ampleur de cette ambition qui explique leterme de ‘global’. » 1

Cette technique peut être utilisée dès leniveau débutant jusqu’au niveau le plusavancé avec des apprenants de tous âges. Laréalisation d’un projet de simulation globa-le met en jeu acquisitions linguistiques, uti-

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L’oralD O S S I E R

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lisation de documents authentiques, imagi-nation, jeux de rôles, pratiques de commu-nication orales et écrites, rédaction et créa-tion littéraire.

Choix du thème de la simulation

On distingue deux types de simulations : lessimulations généralistes et les simulationsfonctionnelles. Les premières (l’immeuble,l’ile, le village…) visent un perfectionnementgénéral, tandis que les secondes (la conféren-ce internationale, l’entreprise, l’hôtel, l’hôpi-tal…) s’adressent à des étudiants ou desadultes à objectifs professionnels.

Quel que soit le lieu thème, deux optionsexistent : celle d’une simulation réaliste – lelieu imaginé se trouve dans le pays oùvivent les élèves (comme dans Le café bordelais 2) – ou celle d’une simulation fiction – le lieu se trouve dans un ailleurscréé de toutes pièces (à l’image du Voyagesidéral 3). Un décalage temporel est égale-ment possible : on peut choisir un villaged’autre fois (à titre d’exemple, voir J’ai vécudans un village lorrain au Moyen Age 4) ou seprojeter dans l’avenir.

Canevas type d’une simulation

Voici les grandes étapes du déroulementd’une simulation globale, telles que les défi-nit Francis Yaiche :

Établir le lieu et le milieu

Construire un ‘lieu-thème’ consiste à entrai-ner les élèves sur un lieu qui fonctionnecomme un milieu et comme un thème : uneile, un immeuble, un village, etc. Les universpeuvent être ‘fixes’  : ile, village, immeuble,quartier d’une ville, planète, camping ou ‘iti-nérants’  : cirque, croisière, voyage scolaire,tournée d’un groupe musical, etc. Cetteétape initiale permet d’introduire une pre-mière pratique discursive  : la description.Pour décrire, les apprenants vont devoiridentifier, nommer les éléments constitutifsdu monde, les localiser, les quantifier etenfin les qualifier.

Établir les identités fictives

Construire des identités fictives, c’est ame-ner les élèves à se glisser dans la peau d’unpersonnage qu’ils vont incarner, et auquelils vont donner une âme. Les apprenantsdoivent faire vivre cette identité en la ren-dant crédible. L’identification des person-nages se fait en trois temps : l’identificationadministrative (âge, nationalité, profes-sion…), l’identification biographique (lepassé des personnages) et le portrait (traitsde caractère, physique, etc.), permettantd’introduire une deuxième grande opérationdiscursive : le récit, ici le récit de vie.

Donner épaisseur et vie au milieupar des interactions

C’est par des interactions que les apprenantsvont participer à la vie du cadre imaginé. Ilsvont être amenés à donner une épaisseur

Site de Franc-Parler :www.francparler.org > Les simulations globales

Mallette pédagogique du Centre de documentation du Collectif Alpha: - téléchargeable à la page :

www.collectif-alpha.be/rubrique88.html- également empruntable :

rue de Rome 12, 1060 Bruxelles Tél : 02 533 09 25Courriel : [email protected]

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historique, géographique et sociologique aulieu-thème et à imaginer les relations entreles personnages ainsi que leur rôle dans ledécor. Cette étape est l’occasion de la miseen place de jeux de rôles.

L’ILE LE VILLAGE

Les apprenants sont rescapés d’un naufra-ge sur une ile.

Les apprenants créent un village.

Situation de départ

- Etablissement de la carte de l’ile.- Rédaction de fiches botaniques et zoo-

logiques.- Informations sur le relief, la forme de la

côte, le climat.- Baptême de l’ile et des différents sites

(mots-valises, etc.).

- Invention de l’espace, délimitation ducadre physique de l’environnement.

- Etablissement du dessin du village, deson implantation, de sa topographie,de sa géographie, de ses ressourcesnaturelles (argumentation orale).

- Hypothèses sur le climat.- Recherche d’un nom pour le village.

Etablir le lieu et le milieu

- Le réveil des rescapés du naufrage  :découverte de leur situation, premièressensations et impressions (rédactiond’un journal intime).

- Connaissance réciproque des naufra-gés : chacun se présente en se donnantune identité fictive (nom, nationalité,profession, âge, etc.) (présentationcroisée, récit de vie).

Constitution des identités fictives par :- l’écriture d’une fiche d’état civil adminis -

trative (nom, prénom, date et lieu denais sance, nationalité, situation de famil-le, adresse) ;

- l’écriture d’une fiche établissant lesgrands traits de la personne (particulari-tés physiques, morales, psychologiques,intellectuelles).

Etablir les identités fictives

Faire intervenir des évènements

Les apprenants vont ensuite devoir fairevivre les personnages en suscitant des évè-nements et des incidents  : un crime, unehistoire d’amour, un incendie…

Exemples 5

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L’ILE LE VILLAGE

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- Inventaire des projets individuels etélaboration d’un projet collectif.

- Discussion sur les décisions prioritaires àprendre et sur les moyens de les mettreen œuvre (signalisation de sa présence,fabrication d’outils, recherche de nourri-ture, édification d’un habitat…).

- Etablissement d’une charte, d’un codepénal.

- Election ou désignation d’un respon-sable de l’ile.

- Invention de jeux, sports, loisirs,usages dont on fixe les règles.

- Ecriture de textes fondateurs (hymne,chants guerriers, pacifiques, etc.).

- Etablissement d’une liste de métiersindispensables dans le village.

- Réflexion et argumentation sur l’empla -cement des sites importants pour la viedu village (poste, école, épicerie, etc.).

Donner épaisseur et vie au milieu par des interactions

- Ecriture d’un roman d’amour entre deuxprotagonistes.

- Production de textes ou de jeux de rôlesconcernant des incidents ou évène-ments survenus au travail ou dans la viequotidienne (semailles, moisson, rites,fêtes, catastrophe naturelle, vol, crime,arrivée d’un navire, conflit, découverted’un objet magique ou providentiel…).

- La fin de la simulation peut être traitéecomme un évènement (un bateauaccoste) ou comme un incident (catas-trophe, éruption, etc.).

- Le décès du maire donne lieu à la consti-tution de partis politiques et à l’orga ni -sation d’élections législatives :> présentation des candidatures,

rédaction des professions de foi,> préparation des affiches,> débats.

- La simulation se clôture par la présen-tation des programmes électoraux etpar les élections législatives.

Faire intervenir des évènements et des incidents

Rôle de l’enseignant

Selon F. Debyser, l’enseignant a un rôle mul-

tiple dans le cadre des simulations globales :

- il est le maitre de jeu ;- il prévoit la répartition du travail collec-tif, en sous-groupes, ou individuel ;- il aménage l’espace de la classe pour les

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diverses activités : espace pour les jeux derôle, affichage de certaines productions ;- il conseille les activités en évitant de lesdiriger ;- il gère la mise en forme des productions,leur mise en commun et leur conservation ;- il prépare certaines activités par un tra-vail linguistique ;- il propose des documents complémen-taires ;- il aide à la correction des productionsécrites ;- il corrige, après coup et sans les inter-rompre, les productions orales ;- il évalue certaines des productions ;- il reste vigilant en ce qui concerne la dyna-mique du groupe classe, des sous-groupes, lesdérives psychologiques possibles, les stéréo-types culturels et la qualité du travail.

Intérêt pédagogique

Monter avec sa classe un projet de simula-tion globale présente de multiples intérêts.

Fédérer les activités pédagogiques

La simulation globale permet de convoqueret de fédérer de manière naturelle et com-plémentaire toutes les activités (réflexion,débat, créativité, expressions écrite etorale) traditionnellement réalisées dans laclasse de façon atomisée. Cette techniqueprésente en outre l’avantage d’offrir uncaractère extrêmement architecturé à la pro-gression du cours.

Faire collaborer les apprenants

La construction commune d’un univers oùchaque personnage joue un rôle décisif pourle déroulement de l’histoire favorise ladynamique de classe et la coopération entreles élèves. Confrontés au travail en groupe

et à la prise de décision, les élèves dévelop-pent non seulement des savoir-faire maisaussi des savoir-être.

Donner une dimension ludique aux apprentissages

A travers la simulation globale et la dimen-sion d’invention qu’elle implique, les appre-nants redécouvrent la dimension ludique quistimule l’apprentissage de la langue.

Libérer la parole des élèves

En s’exprimant sous le couvert d’un personna-ge fictif, la parole de l’élève est libérée dansla mesure où ses erreurs ne lui incombent plusen tant qu’individu apprenant. En outre, enplongeant les apprenants dans un contextefictif, les distinctions des rôles à l’intérieur dela classe et les filtres affectifs qui peuventparfois constituer un obstacle à l’appren -tissage d’une langue étrangère s’estom pent.

Intégrer plusieurs disciplines dans un même projet

La construction d’un contexte de simulationpermet de rassembler sous un même cha-peau plusieurs disciplines habituellementdisjointes.

Ainsi, la simulation globale L’ile du Quisi-neuf 6 (histoire d’une ile où se rencontrentles naufragés d’un bateau), réalisée par descollégiens de Marseille, a permis de mener untravail avec d’autres disciplines que le fran-çais  : les mathématiques (calculer son âgepar rapport à sa date de naissance et écrireles chiffres en lettres), l’histoire-géographie(établir la carte de l’ile et la découverte d’unecivilisation ancienne), les sciences de la vieet de la terre (vocabulaire de la faune et dela flore), les arts plastiques (illustrations dudossier), la technologie (utilisation de l’in-

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formatique)… La simulation J’ai vécu dansun village lorrain au Moyen Age 7, réalisée pardes collégiens de l’académie de Nancy-Metz,a également été menée en liaison avec plu-sieurs disciplines. En français, la simu lation apermis l’utilisation de différents outils lin-guistiques (échanger, débattre, informer,convaincre, argumenter, raconter…) et dedifférentes fonctions de la lan gue orale, l’uti-lisation de la langue écrite (textes narratifs,comptes rendus, formulaires, écrits poé-tiques, descriptifs, lettres, fiches d’identité,schémas, cartes, fiches documentaires, etc.)et de la lecture (lecture de recherche, decommunication, lecture linéaire, lecturesélective…). En histoire-géographie, elle apermis d’aborder l’étude du paysage naturel(recherche de documents et sélection, miseen fiches), l’aména gement du territoire(répartition du relief, de la végétation, descours d’eau…), les activités économiquespossibles et la gestion des personnes, l’étudede plans et de cartes. En technologie, l’ac-cent a été porté sur les différentes partiesd’un château fort avec la création d’unemaquette de château fort, la création deplans, l’utilisation d’ou tils, d’instruments demesure et de traçage, etc.

Donner du sens aux activités

Dans les simulations globales, les situationsde communication orale et écrite se déve-loppent dans un contexte qui nécessite detels échanges et qui, par conséquent, donnedu sens aux activités linguistiques. Le faitque les activités aient un sens, soient cohé-rentes et visent la réalisation d’un projetcommun contribue fortement à l’engagementdes apprenants.

Une première illustration

Au Collectif Alpha de Molenbeek, deux forma-trices, France Bakkers et Marie-France Reinin-ger, ont choisi d’animer un atelier de simula-tion globale avec un groupe d’une dizaine depersonnes belges et non belges maitrisantl’oral. Il est cependant tout à fait adaptablepour travailler avec un groupe d’apprentissa-ge de l’oral.

A titre d’exemple, voici la création de lacarte physique du village et un texte des-criptif rédigé par le groupe.

Création de la carte physique du village

Un quadrillage de 64 cases est placé au sol dulocal à l’aide de brins de laine. Les carrés sontdes feuilles de couleurs de format A4 réduitesà la dimension de leur largeur (21 cm).

Le code des couleurs doit être connu de tous.Il y a :- 64 carrés jaunes pour représenter la terreou le sable ;- 16 carrés bleus pour représenter l’eau desmers, des lacs ou des cours d’eau ;- 16 carrés verts pour représenter les forêtsou les bois ;

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- 16 carrés rouges pour représenter le relief,montagnes ou volcans.Chacun à son tour dépose un carré de lacouleur de son choix à l’endroit où il veut.

Quand les 64 cases sont occupées, le toutest recouvert d’une feuille de plastique pourempêcher les feuilles de couleur de bouger.

Pour transformer ce tableau coloré en unecarte de la zone où le village sera construit,on peint la carte sur le plastique.

Pour que chacun puisse garder dans son clas-seur une représentation du terrain tel qu’il aété défini par le groupe, on prend un momentpour en faire une reproduction en couleur.

Le texte rédigé par le groupe

Compote c’est un village sur une ile,quelque part dans l’hémisphère sud.Le climat est tempéré, il y a quatre saisons : le printemps, l’été, l’automneet l’hiver.C’est pour ça qu’il y a des vergers où poussent des pommiers.Une rivière passe près de la forêt, plus loin il y a deux lacs, au sud.Au nord, une chaine de montagnes se lève en hauteur et retombe en falaise dans la mer.De la plage, on voit un volcan.

Une seconde illustration

Voici, à la page suivante, un autre exempleprésentant une activité qui, comme touteactivité tirée d’une démarche de simulationglobale, ne prend son sens qu’au sein del’ensemble de la démarche, ici une simula-tion globale sur le thème du village.

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La géographie du village

Au terme d’activités de produc-tion orales et écrites, les élèvesont baptisé leur village Centi-dées-sur-Sanzidée. Ils construi-sent ensuite le paysage etl’envi ron nement du village.Toutes les propositions sontrecueillies et traduites enimages, en dessins. Cela permetde vérifier la compréhension (enhaut, en bas…), de visualiser,de formaliser les idées. Le des-sin permet de dépasser le chaosinitial et d’organiser la multitu-de des propositions avancées.

Centidées-sur-Sanzidée est con struitsur des ponts qui enjambent larivière Sanzidée. Les élèves ontpris au pied de la lettre le nomdu village. Les ponts ont desfonctions bien précises : le Pontde la Tranquillité abrite l’hôpi talet l’hôtel ; le Pont des Désirs, lescommerces ; le Pont des Plaisirs,le cinéma, les terrains de sportet le Collège du Monde Heureux(on est très heureux au collè-ge !) ; et le Pont de la Paix, le commissariat de police, la caserne de pompiers et lepalais de justice. Les élèves veulent un métro. Pas de problème : le métro circule enboucle sous la rivière Sanzidée et des ascenseurs situés dans les piliers des ponts per-mettent de descendre dans les stations.

La créativité des élèves est grande car ils veulent à tout prix faire vivre leur village. Ilsprovoquent des catastrophes naturelles, des accidents dans le métro. Il faut réparer eton continue à créer. On consulte ensuite des livres de géographie : quel pays ressembleau pays imaginé par les élèves ? La dernière étape consiste à faire décrire le village pourle présenter. Ce qui permet aux élèves de s’approprier le vocabulaire spécialisé et c’estun grand pas pour leur passage de la classe d’accueil vers une classe normale.

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Cette activité a été menée dans une classed’accueil pour élèves primo-arrivants – dontaucun des élèves ne parlait français endébut d’année – au Collège Bernard Palissysitué en REP (Réseau d’Education Prioritai-re) à Paris par Brigitte Cervoni, professeurde français, et son collègue, Serge Crocque-sel, professeur de technologie.

Présenté par Sylvie-Anne GOFFINETLire et Ecrire Communauté française

1. Francis DEBYSER, L’immeuble, Hachette FLE/CIEP,1996, préface.

2. http://membres.lycos.fr/lemarquepage/pedago/1cafe/cafe.htm

3. http://dnb56.ac-rennes.fr/pedagogie/lettres/lp/simglob.htm

4. http://www3.ac-nancy-metz.fr/pasi/IMG/54LonglavilleC_99a.pdf

5. Sources : Sylvain PECH, Une technique d’anima-tion en français langue seconde :

la simulation globale, CASNAV de Créteil ; Rencontre des formateurs SVE Mâcon 2005, Institut national de la Jeunesse et de l’Éducationpopulaire.

6. www.cndp.fr/vei/acc_scol/doc/lenaufrage1.doc

7. Voir note 4.

Pour en savoir plus :

Francis DEBYSER, Jean-Marc CARRÉ et Francis YAICHE, didacticiens du FLE à l’initiative de cette technique, ont multiplié les expériences et les écrits, puis publié(ou inspiré) un ensemble d’ouvragespédagogiques permettant de monterdes simulations variées. Ces titres– L’immeuble, L’entreprise, L’hôtel,La conférence internationale – sont rassemblés dans la collection Simulations globales chez Hachette FLE.

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Un module de 15 jours pour créerun spectacle : la place du théâtre dans l’apprentissage du français

« Le théâtre, ça fait un peu peur mais on le fait quand même. Je suis tellement contented’avoir osé et surtout d’avoir réussi. Ça me motive pour continuer à apprendre le français. »

Irma

Dans un précédent article 1, Jacinthe Mazzocchetti se faisait l’écho d’ateliersthéâtre intensifs et de leur incidence sur le bien-être et l’intégration de per-sonnes demandeuses d’asile hébergées au sein d’une initiative locale d’accueilou en centre d’accueil ouvert. Pour rappel, ces ateliers menés par le Théâtredu Fil sont proposés aux personnes suivant des cours d’alphabétisation ou defrançais langue étrangère au Miroir Vagabond, association située à proximitéde Marche-en-Famenne. Par rapport à l’apprentissage du français, la particu-larité du théâtre est de se situer avant tout dans l’oralité, dans le concret dela langue, dans le non verbal aussi, pour donner sens et relief aux mots. Ilamène une autre dynamique qui permet de retrouver les cours avec uneapproche différente de la langue et une énergie nouvelle.

Bien que la démarche soit la même pour tous,les spectacles créés au Miroir Vagabond encollaboration avec le Théâtre du Fil – ils sontdéjà 10 à avoir été montés – ne se ressem-blent pas. Au départ, l’équipe s’est surtoutintéressée au thème de l’exil avec, cependant,toujours une attention première au travail dutexte et à la démarche artistique. Par la suite,afin d’éviter les répétitions, les risques de‘tourner en rond’, les animateurs ont ressentila nécessité de changer de registre. Les parti-cipants étaient par ailleurs très heureux decréer et jouer un spectacle éloigné de leurréalité quotidienne.

Les quatre spectacles que j’ai eu l’occasionde voir étaient bien entendu porteurs demessages, mais aussi de rêve et d’humour.Si, en octobre 2006, le thème de la perte,de la disparition d’un être au travers de laphrase ‘Où est le fils ?’ répétée, aménagée etinterprétée à de nombreuses reprises étaitévident, la poésie des décors, des musi ques,les comédiens répartis entre la scène et lepublic alimentaient l’universalité du messa-ge. En janvier 2007, la famille et ses que-relles étaient au cœur de l’histoire présen-tée, tandis que l’humour et le travail autourdu corps, des gestes, des images et des sons

L’oralD O S S I E R

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donnaient matière aux propos. En juin 2007,le mariage et surtout la possibilité de lerefuser traversaient le spectacle créé, maisles danses, les chants et la finesse de l’hu-mour étaient premiers. En novembre 2007enfin, le thème du voyage et de l’erranced’oiseaux à la recherche du ‘Cymorg’, trouvéfinalement au plus profond d’eux-mêmes ettraité sur le ton du mythe, de la poésie etdu rêve, était une métaphore de l’exil.

Entre pré-texte et prétexte

Pour les animateurs du Théâtre du Fil,chaque session reste unique et incertaine.Patrick, metteur en scène, me raconte : « Tumets les bases techniques mais tu as toujoursplein d’inconnues et encore plus pour eux ».Il est nécessaire de s’adapter au groupe, auximprévus, aux timings des uns et des autres.Bien que le travail repose sur un texte d’au-teur, chaque spectacle est une nouvellecréation  : croisement de textes, d’impro -visations, d’émulations collectives. Il y atoujours une piste de départ mais, d’ungroupe à l’autre, le même fil peut mener à unspectacle tout à fait différent en fonc tiondes apports des participants. Ainsi, bien quele texte ne se construise pas à partir desmots et des histoires de vie des personnes,le spectacle repose autant sur les improvisa-tions, les propositions du groupe que sur letexte de départ. Dans ce type de travail,même s’il y a une attention aux messagesvéhiculés, cet objectif n’est pas premier. Lemessage est dans l’acte de jouer plutôt quedans ce qui est dit. C’est en se mettant enscène, en jouant face à un public, en démon-trant leurs capacités à être, à créer, à existerque les personnes impliquées dans ladémarche lancent leur plus profond messa-ge : la nécessité de recommencer, de s’inves -

tir à nouveau, de poser armes et bagages, dese dire soi et enfin, de trouver place.

Créer avec un public en apprentissage amèneaussi les animateurs à penser le spectacleautrement, à réfléchir à ce qu’il est possiblede faire théâtralement avec et autour desmots : le mime, la signification, la pronon-ciation... Le texte est une base de travailmalléable. En réalité, il m’est plutôt apparucomme un ‘pré(-)texte’, dans les deux sensdu terme. C’est un pré-texte dans le sensd’une matière première à alimenter et àmodeler à partir de la richesse et de la créa-tivité du groupe. Mais c’est aussi un prétex-te pour jouer, pour apprendre le français,pour partager avec d’autres et enfin, pour sesentir mieux.

Au fur et à mesure des jours et des séances,un travail autour des mots et puis progres-sivement des phrases, du texte se met enplace. Minutie, finesse et appréhensions semêlent et poussent les comédiens en herbeà travailler de façon intensive à la fois surle sens des mots et sur leur prononciation.En effet, dans ce cadre, il ne s’agit pas seu-lement de dire mais d’être entendu et com-pris. Il y a donc nécessité de ‘bien dire’ etpour ce faire, de prendre le temps d’un véri-table travail de diction et d’expression.Comment jouer un personnage avec sesintentions et ses émotions sans une com-préhension fine de ce qui est dit ? Commentdonner la réplique et toucher le public sansune prononciation au plus juste des mots ?Les comédiens peuvent passer des heuressur une phrase. Le temps des animationsthéâtre est à la fois court et long. Il y a l’in-tensité du spectacle à monter en deuxsemaines mais aussi, dix journées entièresconsacrées au jeu et à la langue française.

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Spectacle Le petit poucet Photo : Corinne ALEXANDRE

Les modules de deux semaines sont à compa-rer avec un séjour linguistique intensif. C’estun peu comme une immersion de 15 joursdans un autre pays.

Bien dire, se mettre en scène

Tous souhaitent que le spectacle soit uneréussite. Pour ce faire, un travail doit êtrefait autour du texte. Les participants expri-ment à la fois le besoin de connaitre et debien dire. Ils veulent absolument com-prendre ce qui est dit, même la partie ‘abs-traite’ des mots, les doubles sens, etc. Ilsrefusent de faire des actions ou de répéterdes phrases qu’ils ne comprennent pas toutà fait. Les mots passent parfois par plusieurslangues avant d’être assimilés. Certains desparticipants font le tour de tous les acteursmoteurs 2 pour être sûrs de connaitre le sensde ce qu’ils vont dire. Le temps investi danscet apprentissage des mots, des phrases et

des significations est conséquent et dépassede loin les heures passées en groupe. Cetemps se prolonge durant les pauses, maisaussi dans les foyers, dans les centres...

L’élaboration progressive du spectacle per-met de passer de l’abstrait au concret (décor,costume...). Les choses prennent progressi-vement sens. Oser jouer sans tout maitrisernécessite un contrat de confiance à consoli-der chaque jour. Pour beaucoup, c’est unesorte de défi. La finalité du spectacle obligeune certaine maitrise de la langue. L’exigen-ce d’être compris par le public motive lesefforts autour de la prononciation. Il fautégalement faire vivre le texte et donc assi-miler de façon appropriée le sens de ce quiest dit. Le concret, l’utilité de la langue sontici manifestes. Au travers du jeu théâtral, lesmots prennent sens autrement. Il y a l’af-fect, les émotions  : «  Ce ne sont plus lesmêmes mots » (Issam).

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Le spectacle produit est un ‘vrai’ spectacle.Les participants insistent sur cet aspect. Ilsjouent pour eux mais aussi pour les specta-teurs. Ils ressentent une certaine fierté d’of-frir un bon moment au public. Pour eux, lespectacle construit est bien plus qu’un exer-cice ; il s’agit de jouer un rôle dans la socié-té, de distraire et de mettre en réflexion. Laforme est très importante. Le décor et lescostumes ajoutent au réel. Même s’ils peu-vent parfois effrayer, s’ils participent eneffet à la montée du stress, ces élémentssont fondamentaux pour passer de l’exerciceau spectacle... Tout est pensé pour que laconfiance perdure et que l’aventure aillejusqu’au bout.

Pour l’équipe d’animation, sécuriser les parti-cipants n’est cependant pas toujours facile.Ils sont, par leur histoire et leur vécu en Bel-gique, à priori méfiants. Le travail en équipeet dans un climat convivial aide à cette miseen confiance mais aussi à l’appren tissage.L’atmosphère est très importante. Le fait de

rire, d’être détendu permet de rentrer dans leprojet avec moins de gêne et d’appréhension.La présence des acteurs moteurs aide à main-tenir un climat souple. Ils sont plus prochesdes participants. Ils peuvent aussi repérer lesdifficultés au plus près. Les metteurs enscène et la responsable/créatrice des décorset costumes ont plutôt une vue de l’ensem -ble du groupe. Les deux se complètent.L’équi pe est à l’écoute des problèmes person-nels, mais le cadre est avant tout celui de lacréation théâtrale. L’objectif est de réussir àemmener le groupe dans une dimension artis-tique et poétique : à la fois dans une autreexpérience de vie, mais aussi dans un autrerapport à la langue. Les participants sontaussi là pour ça, pour sortir de leur histoire,pour être de ‘vrais acteurs’. Au travers de cescréations collectives, on raconte de soi maisautrement, à travers un personnage. En étantsur scène, indirectement ils parlent de leurhistoire. Ils mettent de leur vie dans ce qu’ilsjouent, mais le travail ne se fait pas à partirde leur vécu.

Spectacle Le petit poucet Photo : Corinne ALEXANDRE

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Appréhender la langue autrement

Durant ces séances, un autre rapport à lalangue se met en place. Certains, arrivésdepuis peu, s’aperçoivent, par exemple, qu’ilest possible de communiquer en dehors dela précision de la langue. La méthode esttrès différente d’un apprentissage ‘clas-sique’. Les uns et les autres dépassent pro-gressivement leurs blocages et au final, ilsse dépassent. L’initiation à la langue se faitavec plaisir. Pour les participants, les courset le théâtre sont complémentaires, mais lescours, malgré que tout soit mis en œuvrepour sortir du cadre et des méthodes sco-laires, leur sont parfois plus difficiles d’ac-cès : « Quand on est adulte, c’est pas faciled’être assis, de rester enfermé. Par rapport àl’école, ça faisait 15 ans que je n’étais plusresté assis comme ça » (Tabiam). Le théâtreamène une autre dynamique, qui bienentendu ne suffit pas mais permet deretrouver les cours avec un autre regard surla langue et une énergie nouvelle.

L’exercice théâtral, même s’il y a un travailautour du texte, est avant tout un appren-tissage dans l’oralité, dans le concret de lalangue. C’est aussi un processus de forma-tion par la relation, les émotions, lesaffects. Le travail avec les acteurs moteursoffre différents canaux de passage vers lacompréhension  : le feeling, les gestes, lesregards... Ils mettent les mots en gestes eten actions. Chaque acteur moteur s’appro -prie la consigne et propose quelque chosede différent, les participants se laissent gui-der par la proposition la plus proche deleurs envies et possibilités. Beaucoup insis-tent sur l’importance du non verbal quivient entourer et donner sens aux mots  :

« Avec le théâtre, on se sent plus à l’aise, onbouge, on fait des gestes. Ça donne de l’es-poir de voir qu’à la fois on apprend plus viteà parler et surtout qu’on commence à com-prendre » (Vladimir).

Dans le quotidien des personnes, les seulslieux de communication en français sont lescours d’alphabétisation. Entre eux, à la mai-son ou dans les centres, ils utilisent leurlangue maternelle. Ce temps d’immersion etd’usage obligatoire du français permet ausside mettre en pratique ce qui a été étudiédurant les heures de cours. En effet, durant lesanimations théâtrales, il y a la nécessité decomprendre les consignes, d’associer regards,gestes et mots. De plus, pour communiqueravec le groupe, même pendant les temps depause, en raison de la multiplicité deslangues, il faut tenter de se faire comprendreen français, seule langue commune au grou-pe  : « Tu apprends à prononcer mais aussi àcomment dire une phrase avec les intonationspour parler dans la vie quotidienne » (Madi).

Certains formateurs d’alphabétisation expri-ment leur surprise et leur fierté de voir etd’entendre leurs ‘élèves’ parler sur scène  :« J’étais épatée du progrès réalisé, on com-prend tout ce qu’ils disent  ». Certains desparticipants, effacés pendant les cours, sor-tent de leur coquille. Les formateurs, s’ilssont impliqués dans la démarche, trouventdans cet autre modèle d’apprentissage, unlieu tout à fait complémentaire à leur tra-vail. Le fait que le point de départ desséances soit les cours d’alphabétisation per-met aux formateurs de participer ou de venirvoir ne serait-ce qu’une journée, et dès lorsde se sentir partie prenante du projet.

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Un investissement personnel

Durant ces semaines, personne n’a la possi-bilité de se mettre à l’écart, tous sont dansl’obligation de parler. Issam raconte : « Aucours, tu es timide, tu as peur de te tromperet donc tu ne le fais pas ». Au théâtre, laprésence des acteurs moteurs qui traduisentles consignes en langage théâtral aide lesdernières réticences à tomber. Même sitoutes les nuances ne sont pas comprises,regarder et imiter suffisent dans un premiertemps. Les questions et les demandes deprécisions viennent ensuite, au fur et àmesure de l’avancée du travail.

Au début, la plupart des participants s’in-vestissent de façon très intuitive. Le travailest d’abord de mémorisation auditive : « Onrépète et à force, on dit juste » (Rutlav). Lestextes sont enregistrés et ils restent long-temps dans les souvenirs des participants.Les exercices autour de la prononciation etde l’articulation favorisent la mémoire. Lefait que les autres soient aussi étrangers,que tous se trompent par moment sans quecela ne prête à rire, sans que personne nefasse de commentaires, installe le terraindes possibles. Si l’autre tente le coup, alorsmoi aussi j’ose... Petit à petit, l’idée qu’authéâtre, on peut tout faire prend corps etles participants passent de l’imitation à la création. Et, d‘une fois à l’autre, les progrèsse voient et s‘entendent, que ce soit dansl’apprentissage du français ou dans les com-portements.

Quelques mois plus tard, lors de la deuxiè-me création collective, les mêmes parti ci -pants font des propositions de jeux, depersonnages. On les sent plus investis, plussereins. Les appréhensions et les incom-préhensions se réduisent. Ils savent dans

quelle aventure ils se lancent et du coup,ils s’impliquent davantage, ils cherchent à créer.

« Je ne suis pas là pour m’apitoyer. Je respec-te leur histoire, leur situation, leur mal-être,mais j’ai envie de les booster pour qu’ilsvivent », me dit un des metteurs en scène.L’équipe insiste sur cette nécessité de tra-vailler avec les personnes en demande d’asi-le comme elle le ferait avec n’importe quelautre public. Et les participants le ressen-tent. C’est même pour eux un des élémentsclés. Ils expriment un profond soulagement,un bien-être d’être considérés avant toutcomme des personnes comme les autres etpas comme des ‘malheureux’ ou des ‘étran-gers’. Un des enjeux sous-jacents est aussicelui de la sortie du stigmate négatif et, acontrario, du ‘mythe’. Dans le cadre de ce tra-vail, les personnes en demande d’asile sontdes apprentis comédiens avant tout.

Ils prennent place autrement dans les repré-sentations : ils ne sont ni victimes, ni boucsémissaires, ni coupables, simplement acteurs.Pendant deux semaines, ils rentrent dans lapeau d’un autre... Bien entendu, il y a le per-sonnage joué dans la pièce et ils essayent dedonner le maximum pour le rendre crédible,pour mettre en scène des émotions ou dessituations souvent inconnues. Mais il y aaussi, et dans ce cadre précis, peut être surtout, un autre soi-même... Celui qui seredécouvre capable de rire, de créer, de sedétendre, de rencontrer, de ressentir... Celuiqui peut, l’espace de ces deux semaines,baisser sa garde, se reposer sur les autres,oublier un peu... Celui qui se sent en sécuri-té, dans un groupe où il n’a rien à prouver,où son identité n’est pas perpétuellementmise en doute.

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Un espace de vie et de rencontres

A l’atelier théâtre, tous sont réunis autourdu même projet. Le cadre et la finalité sontpartagés. Il n’est pas toujours simple demarier toutes les personnalités, mais au-delà des différences d’âges, de cultures etde caractères, ça fonctionne. Au fil desjours, le climat autorise la confiance. Lacréation collective prime et chacun s’yinvestit selon ses possibles et ses tempora-lités. Personne n’est obligé de faire quoi quece soit et pourtant, le plus souvent, tousparticipent à l’entièreté sans réticence.

L’atelier est aussi un lieu de vie communau-taire et dès lors d’apprentissage des codesculturels, des habitudes. Les craintes, lestimidités, les retenues s’atténuent en dou-ceur et dans le respect des différences.«  Avant je ne pouvais pas rester avec unefille et parler avec. Avec la religion musulma-

ne et tout ça, c’était difficile et puis authéâtre, c’est venu petit à petit  », me ditIssam. Cultures et religions se mélangent àl’intérieur d’un cadre de tolérance et d’ac-ceptation mutuelle.

C’est un temps d’apprentissage intense et derencontres. L’usage de la langue devientconcret : « Ça m’a aidé beaucoup pour amé-liorer le français, pour apprendre les codesculturels aussi, pour connaitre des gens diffé-rents, pour oser parler avec quelqu’un. Avantj’étais très timide » (Madi). Les participantsracontent l’importance des échanges, lanécessité de créer du lien social, d’aller versles autres afin de sortir de la solitude. Aprèsavoir osé parler devant les autres et devantun public de surcroit, le rapport à la languese transforme et les inhibitions se rédui-sent : « Même dans la vie quotidienne après,tu te sens plus à l’aise. Ça donne du coura-ge » (Vladimir). Madi m’explique qu’accepter

Spectacle Le petit poucet Photo : Corinne ALEXANDRE

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de parler français devant les autres est unpremier défi. Par la suite, franchir le pasdevient moins difficile : « Par exemple, si jen’avais pas fait le théâtre, je n’oserais pas teparler maintenant. Depuis je m’en fous si jeme trompe. Avant c’est un tunnel un peu noiret puis clic-clac, il y a le truc du théâtre et tucommences à communiquer avec l’autre per-sonne. Tu te sens plus libre » (Madi). Une foisle mécanisme enclenché, les uns et lesautres racontent que progressivement, ilsosent parler sans réfléchir. Ils se laissentporter par les mots.

En conclusion

« Avec le théâtre, il y a l’effet de groupe quienrichit le vocabulaire. Et puis on avancemieux dans une ambiance détendue. Cheznous, on pensait que le français était compli-qué, pas attirant ; après le théâtre, ça devientune belle langue » (Léa).

Les participants font un travail impression-nant autour du sens des mots, de la langue.Ils cherchent à savoir, à comprendre. Le faitde partir d’un texte, et non pas d’un assem-blage d’improvisations, même si la mise enscène leur laisse une part importante, obli-ge un véritable travail autour du sens. L’en-jeu du spectacle donne également une autreteneur à la langue, à la nécessité de ne pasdire n’importe quoi et donc de comprendre,mais aussi à la nécessité d’être compris etdonc de travailler autour de la prononcia-tion des mots. L’apprentissage de la langueest poussé par le côté concret de l’aventure,dans un contexte où la motivation est par-fois difficile à trouver lorsque la personnene sait pas pour combien de temps elle res-tera en Belgique, voire en Communautéfrançaise.

Le fait d’être dans un apprentissage collec-tif où se mêlent verbal et non verbal donnela possibilité d’oser doucement, de ne pastout donner avec les mots tout de suite, dese laisser porter par les émotions et le grou-pe. Enfin, le travail en équipe permet aussiune autre forme d’apprentissage. Les acteursmoteurs amènent à la fois un travail person-nalisé et détendu, où on ne se prend pastrop au sérieux. On est là ensemble pourapprendre mais aussi pour se ‘faire du bien’.Leurs différentes approches offrent une plu-ralité d’images et de manières de faire et,donc, multiplient les lieux d’accroche. Cetemps est bien souvent celui du déclic, maisaussi d’un usage à la fois utile et plus relâ-ché de la langue. Il est porteur de motiva-tion et de progrès. Les cours d’alphabé -tisation sont regagnés avec une ouvertureet une approche nouvelles.

Jacinthe MAZZOCCHETTILaboratoire d’anthropologie

prospective/UCL

1. Voir : Jacinthe MAZZOCCHETTI, Un module dequinze jours pour créer un spectacle : Un momentprivilégié vecteur de mieux-être et d’intégrationpour les demandeurs d’asile, in Journal de l’alpha,n°171, novembre 2009, pp. 75-85.

2. L’équipe du Théâtre du Fil se compose d’un ou deuxmetteurs en scène, d’un responsable/créateur desdécors et costumes ainsi que de trois ou quatreacteurs moteurs. En plus de participer à l’animation,ces jeunes comédiens sont partie prenante du spectacle et garants du bon déroulement de l’atelier.

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Le corps-langue : mobiliser/immobiliser le langage

« L’homme est la somme de son langage. »Charles Sanders Peirce

Dans le texte qui suit, Joëlle Cordesse s’attache à montrer, exemple à l’appui,que nous sommes tous des polyglottes qui s’ignorent. « Nous sommes tous desêtres de langage et capables, en situation ‘naturelle’ de nous apprendre ànous-mêmes des langues, à nous sentir légitimes dès la première minute. »C’est ce parti pris que Joëlle Cordesse défend parce que, dit-elle, « ses consé-quences sont immenses ». Et d’abord parce que « la polyglossie est une chan-ce pour l’égalité et un chemin nouveau et inouï d’émancipation collective ».Alors qu’un « corps monolingue est une prison, une prison physique et men-tale, culturelle et symbolique », « tout ce qui concourt à ne pas nous rédui-re à elle nous émancipe ». Parce qu’ensuite ce parti pris « valide à égalitétoutes les langues, jusqu’aux plus rares, jusqu’aux plus personnelles. » Voilàqui donne une perspective à nos cours de français oral…

Nous ne savons pas enseigner les langues.Pourtant nous savons les apprendre, puisquenous en apprenons tous au moins une etparfois davantage, dès le berceau. On peutmême souligner un paradoxe un peu doulou-reux pour les défenseurs que nous sommesd’une école pour tous  : il semble que lespeuples les plus éduqués soient aussi lesplus monolingues, et qu’il ait fallu dansl’Histoire beaucoup d’efforts et de pédago-gie pour éteindre en nous nos penchantspolyglottes ! Avec l’Europe, d’ailleurs, et lamultiplication des échanges et des voyages,(ré)émerge peu à peu, insiste Kristeva, « unsujet polyphonique, citoyen polyglotte d’uneEurope plurinationale » 1. L’enjeu de la

pédagogie des langues se situe là : les nou-veaux polyglottes sont souvent des gens quiréapprennent en situation des langues qu’ilsont mal ou pas du tout apprises à l’écolemais à qui un diplôme supérieur a ouvert lesportes d’un auto-apprentissage légitime. Or,cette nouvelle exigence culturelle de poly-glossie, posée par les intellectuels euro-péens comme un défi à nos habitudes, etcomme une bataille pour la survie de ladiversité des langues face à l’invasion du‘globish’, est d’abord une chance pour l’éga-lité et un chemin nouveau et inouï d’éman-cipation collective. En effet, ce sont ducoup les plus défavorisés par les systèmestraditionnels d’éducation qui deviennent les

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meilleurs alliés objectifs du projet éducatifque devrait se donner la société. Ceux quine parlent pas ou parlent mal la langue dupays où ils vivent, ceux que stigmatise leurétrangeté, sont aussi, et deviennent, lesporteurs précieux de ces langues qui, dansleur diversité, doivent refonder notre identi-té d’Européens. Les écoles des zones d’édu-cation prioritaire et les lieux d’accueild’étrangers pourraient changer de statut etdevenir, par la pratique du multilinguisme,de vraies ‘classes internationales’. Pour citerencore Kristeva : «  le multilinguisme est lelaboratoire d’[une] diversité partageable, etla meilleure réponse aux tentations fonda-mentalistes  ». J’ajouterai «  de toutessortes » ; au risque de choquer, le monolin-guisme d’une société, la défense quasi-reli-gieuse de la pureté de sa langue, ne sont-ilspas une sorte de fondamentalisme ?

C’est dans cet esprit que nous développons,à Perpignan, une recherche sur des pra-tiques d’enseignement multilingue (le plussouvent possible, également multi-âges).Sur l’hypothèse et le constat de fait quenous sommes tous des êtres de langage etcapables, en situation ‘naturelle’ de nousapprendre à nous-mêmes des langues, nousavons élaboré une méthode de recherche quiconsiste à nous faire vivre de manière expé-rimentale de telles situations, afin d’étudiersur nous-mêmes les processus et les condi-tions d’un tel apprentissage. Commentapprenons-nous les langues quand nous lesapprenons  ? Empruntant à d’autres démar -ches de l’éducation nouvelle, en particulieraux ateliers de création, musique, arts plas-tiques, écriture, et à certaines démarches desciences, nous avons posé dans la pratiquele cadre d’un nouveau paradigme mobilisantle corps, l’imaginaire et, en fait le langage

au service de la redécouverte de possiblesoubliés. Et cette expérience interpelle lesconceptions et les théories dominantes deslangues, du langage, et de la polyglossie. 2

La polyglossie ne se construit pas par empi-lement ou juxtaposition de langues. La poly-glossie, comme l’intelligence, est une activi-té, pas un portefeuille plus ou moins biengarni. C’est d’abord prendre conscience denos étrangetés intérieures, de ce qui, ennous, nous étonne et nous semble n’être pasnous. C’est d’abord rouvrir en nous des pos-sibles écartés par les habitudes de notrelangue mais aussi et surtout par les habi-tudes sociales. C’est se donner des stratégiesde développement et de structuration desacquis spontanés et quasi-inconscients denotre langage. La connaissance de plusieurslangues n’est pas le préalable, mais bien uneconséquence de cette activité. Nous sommestous des polyglottes contrariés !

Lire pour voir !Parler pour entendre !

La perception, ça se construit ! En témoignecet atelier inspiré d’une pratique de classede Véronique Busson, membre du groupeGFEN de Perpignan et enseignante en classed’accueil d’adolescents étrangers non-fran-cophones nouvellement arrivés en France. Ils’agit de comprendre un dialogue écrit en lethéâtralisant. Le dialogue du Petit ChaperonRouge et du loup est suffisamment connudans le monde et suffisamment reconnais-sable pour faire identifier le conte à l’écou-te, même dans une langue totalement incon-nue et relativement hermétique, ici le samidu Nord (langue de Laponie). Après cetteécoute, l’oreille s’est un peu ouverte à lapossibilité de s’intéresser à une musique et à

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des sons étranges et à y trouver du sens. Surce début de complicité, l’atelier enchaineavec quelques exercices de théâtre  : déam-buler tous dans la pièce avec une démarchede loup, avec une démarche de petite fille...grommeler tous avec la grosse voix d’unloup, pépier avec la voix fluette d’une peti-te fille. Nous choisissons d’abord notretexte, parmi différentes versions de ce mêmedialogue en différentes langues du Nord  :suédois, norvégien, estonien, finnois, sami.La tâche suivante est de se préparer à joueren chœur un des deux rôles, sachant que,lors du jeu, qui sera improvisé, les deux rôlesseront tenus par deux groupes différentsdans deux langues différentes  ! Au début,dans une ‘lecture’ silencieuse et anxieuse,nous ne distinguons rien, que des lettres lesunes à côté des autres, regroupées enpaquets qui forment des mots indistincts et

confus. Mais le temps de préparation estbref, et très vite nous répétons, en groupe,le dialogue. Au fur et à mesure des répéti-tions, nous avons la surprise de voir se des-siner des reliefs dans le texte. Des groupesde mots se répètent, bien sûr, mais que notreœil ne distinguait pas spontanément avantla mise en action de la voix et du corps. C’estportés par les personnages et leurs voix quenous avons vu émerger le texte de cetassemblage hermétique.

Revenons sur quelques détails de la situation :

1. On peut ‘s’y croire’. Alors même qu’audébut le texte nous échappe et nous appa-rait clos, on en connait le sens global, et lamise en condition par des exercices dethéâtre a construit la situation. Véroniquecommente ainsi cette situation à ses élèvesincrédules : « Vous connaissez ce conte dans

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votre langue, alors, dans les langues étran-gères, vous le re-connaissez.  » Reconnaitreici ne se limite pas à identifier et pouvoirnommer, c’est un nouveau processus deconnaissance qui se met en route, porté parle cadre du déjà connu. On ne découvre pastout, on revisite une histoire sous un nou-veau déguisement. Certains albums renfor-cent cette impression, avec des illustrationstypées qui montrent, par exemple, un petitchaperon rouge vivant dans un igloo.

2. Ensuite, celui qui parle n’est plus tout àfait lui-même, il est le loup du conte norvé-gien, la petite fille du conte finlandais.Dans le rôle, et avec l’excuse de la contrain-te que pose la consigne, il peut s’autoriser àêtre un locuteur apte et légitime de lalangue. On parle une langue pour l’appren -dre, non pour vérifier qu’on l’a apprise.

3. On est paradoxalement dans une situa-tion de parole authentique. La paroleauthentique est, comme ici, action et réac-tion. Elle engage et entraine le corps et lapensée dans une sorte d’enquête à vue, plei-ne de risque et où la conscience n’intervientque pour réguler, non pour fournir le maté-riau, qui émerge et afflue d’on ne sait tropoù, d’un lieu immaitrisé, à l’arrière-plan dela conscience. Ici, c’est la même chose, saufque le matériau nous vient de l’extérieur. Unjugement s’exerce in situ, qui valide l’actede parole au moment même où il se produit,ou juste après. Les sémioticiens, avec Peir-ce, appellent ce phénomène le ‘jugementperceptuel’. C’est ce jugement qui fait quel’on se reprend, que l’on s’excuse : « Pardon,ce n’est pas ce que je voulais dire ». Ce juge-ment est le premier acte de pensée réflexi-ve. C’est lui qui pose les données d’unesituation. Une des erreurs essentielles de

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l’enseignement est de confisquer la penséedes gens en les privant de la nécessitéd’exercer leur jugement perceptuel.

4. L’hyper-complexité de la situation est cequi permet d’établir petit à petit la compré-hension. La comparaison du texte finnoisavec le texte estonien du groupe voisinnous a confirmé nos hypothèses, les motsqui commençaient à signifier pour nous unpeu vaguement ‘yeux’, ‘oreilles’, ‘bras’,‘dents’ se retrouvaient à peu près à la mêmeplace dans les textes finnois et estonien,sous des formes approchantes, mais pasdans le même ordre, le narrateur se donnanttoujours des libertés ! Un des textes ayantdes illustrations pour chaque échange, nousavons même pu décider lequel voulait dire‘yeux’, lequel voulait dire ‘dents’ et ainsi desuite. Et les mots ainsi exhumés un par undu mystère se sont inscrits dans nosmémoires, avec le ton.

Se décréter légitime

En langue étrangère, l’avez-vous remarqué,on peut, même après des années d’études etl’obtention de très hauts diplômes, ne jamaisse sentir légitime dans sa façon de parler oud’écrire, voire même de comprendre. On peut

donc aussi décider, par principe, de se sentirlégitime dès la première minute, et c’est ceparti pris que je voudrais défendre, parce queses conséquences sont immenses.

Lorsque je demande à mes étudiants, à mesélèves, aux participants d’une démarche, deparler une langue étrangère, et quel que soitleur niveau de familiarité avec cette langue,y compris s’ils sont convaincus de ne jamaisl’avoir entendue, j’ajoute : « Il faut que voussoyez convaincants et que le public croiepour de bon que vos personnages viennent dece pays dont vous parlez la langue. » Cetteconsigne est importée d’un atelier d’artsplastiques où l’on nous demandait depeindre, avec la seule couleur rouge, « uncitron très citron ». Je veux entendre « dubrésilien très brésilien ». ou, plus générale-ment, une « langue très langue », ce qui neveut rien dire en soi mais met l’accent sur lefait que ce qui différencie une langue d’uneautre est d’abord d’ordre esthétique et seperçoit globalement, comme une continuité.Dans le cas du citron, la perte du critère évi-dent de reconnaissance que constitue lacouleur contraint à explorer d’autres res-sources graphiques permettant quand mêmede le représenter, et donc une autre sorte deconnaissance, et du citron et de la couleur.Dans le cas de la langue, ce qui est mis horsjeu est du même ordre, c’est une habitude,un leurre et un mensonge – le jaune repré-sente-t-il le citron ? – concernant la naturemême du savoir d’une langue.

L’effet de cette consigne est double : d’unepart elle pousse les membres du groupe àchercher des consensus sur des prononcia-tions de voyelles, sur des intonations, àinventer leur langue, et elle détermine engrande partie la situation que les personnes

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choisissent de présenter. La situation aide àla reconnaissance, et elle aide ceux qui par-lent à se sentir authentiquement dans lerôle. D’autre part, et c’est une conséquencede ce qui précède, ils produisent alors unelangue qui ressemble peut-être à celle qu’ilsprétendent parler, et peut-être pas.

Mais :

1. Personne n’en est juge puisque l’ensei-gnant lui-même est ‘ignorant’ de la plupartdes langues que l’on est en train de tra-vailler. La réussite n’est donc pas dans laconformité à un modèle mais dans le faitd’avoir produit soi-même un modèle.

2. C’est à la réécoute 3 que l’on est le plussaisi d’entendre et de s’entendre parler unelangue qui ressemble à une langue et non àdu français déguisé. Une étudiante (croate)s’extasiant sur l’accent estonien d’un autregroupe : « C’était vraiment bien, vraiment ça,ils parlaient vraiment comme des étrangers ! »

Le polyglotte est d’abord quelqu’un qui saitse libérer du carcan corporel de son monolin-guisme.

3. La représentation de la langue qui estdonnée à entendre s’est inscrite dans lamémoire auditive et langagière des locu-teurs et elle servira désormais de repère àquoi comparer tout discours étranger pou-vant se révéler être cette langue à l’avenir.C’est le début de la curiosité vis-à-vis decette langue particulière, à laquelle un liennous rattache désormais  ; et vis-à-vis detoutes les autres, qui nous deviennent patri-moine, probablement.

Le ton, fondement de la norme grammaticale

Sauriez-vous reconnaitre, dans une file d’at-tente d’aéroport, la langue que parlent lesgens qui attendent le moment d’embarquer ?Déjà avant qu’ils ne parlent, puis quand ilsparlent, même si vous ne les entendez pas ?Je ne garantis pas la réussite totale et par-faite de l’entreprise. Mais le jeu pourraitvous intéresser. Il vous alertera peut-être surune réalité très négligée  : comment noscorps sont façonnés par les langues que nousparlons. Ce qui s’inscrit dans nos corps estune mémoire de sensations associées, degestes culturels fondant la reconnaissancemutuelle à l’intérieur d’un groupe et acquispar une imitation que guide le désir d’appar-tenir. C’est une détermination identitaire siancrée et si profonde que l’on a tendance àcroire à la quasi-impossibilité de s’en déga-ger. Or, les situations répétées que nousvivons et faisons vivre dans nos ateliersmontrent une chose : nous n’avons ce senti-ment d’impossibilité que parce que nousconfondons notre langue et notre langage.

Travail de polyglossie autour du ‘Petit Prince’, lors d’unstage GKEN (Groupe Kenya Education Nouvelle)/GFEN

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Notre langage déborde largement ce quenous découvrons n’être qu’une langue corpo-relle, une des organisations possibles denotre gestuelle, étroitement liée aux mots etaux habitudes linguistiques de notre langue.C’est le ton d’une langue, fondement etmatrice comportementale de notre langue,qui se vit et se construit dans notre corps,mais ce n’est pas plus. Le ton fait partie del’ensemble complexe de normes qui nous ins-crit dans une langue comme son locuteurlégitime. Un corps monolingue est une pri-son. Une prison physique et mentale, cultu-relle et symbolique, dont nous émancipe toutce qui concourt à ne pas nous réduire à elle.

Lorsque je parle une autre langue en meprenant pour un locuteur légitime et en meprojetant dans le personnage d’un locuteurlégitime, j’élabore moi-même les normesaux quelles je suis physiquement capable dem’identifier. L’apprentissage y est jeu etdialogue entre différentes sortes de stéréo-types, différentes sortes de perceptions, impli-quant audaces, étonnements et remords. C’estun jeu qui se joue sur les frontières, entrele dedans et le dehors, moi et l’autre, lascène où se joue la parole et la scène inté-rieure où s’inscrivent son souvenir et satrace. Mais le vrai jeu qui s’établit là est undialogue entre soi et soi, entre celui que jecrois être et celui que je me découvre êtreau moment même où je suis en train dechanger. « En langue étrangère on est quel-qu’un d’autre », dit Julian Green 4.

Cette dualité intérieure de la personne entrain d’apprendre est sans doute une despistes les plus sûres à suivre pour élaborerdes situations pédagogiques. Entendre, voir,c’est comparer une sensation présente à unesensation déjà vécue. Comprendre, c’est

comparer une conception en train de naitreà une conception installée.

Pluraliser pour (se) choisir

Les situations multilingues sont des déclen-cheurs de désir et de volonté. Les rapportsentre langues sont toujours marqués par desrelations de domination, des conflits de légi-timité. Langue maternelle/langue de scolari-sation, langue du cœur/langue du commerce,langue des émotions/langue du pouvoir,langue de l’occupant ou de la coloni sa -tion/langue opprimée, etc. Mettez un groupeen présence de fragments de textes mélan-gés, demandez à chaque personne de recons-tituer les textes, de reconnaitre les langues.Toutes les langues se retrouvent de fait àégalité, ainsi que les personnes, surtout sivous avez pris soin de choisir des languessuffisamment étrangères pour n’être connuesde personne. Nous avons testé de tellessituations de tri avec divers publics. Les cri-tères de reconnaissance les plus systémati-quement cités dans l’analyse qui suit sont lesaccents, les marques de ponctuation.

Si le texte est le même, il est traduisibled’une langue dans une autre. De la compa-raison de plusieurs textes apriori incompré-hensibles émerge non seulement le sensmais un vrai début de compréhension desstructures, et des manières singulières dontchaque langue construit ce sens. Dansl’analyse, ce sont les conjugaisons, lesdéclinaisons, les variations signifiantes demots perçus comme identiques, qui sontnommés comme ayant servi de repère pourla compréhension. Ces situations sont à pri-vilégier dans toute démarche visant l’acqui-sition de l’orthographe, de la grammaire,comme de l’accent. Elles mobilisent en effet

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les trois regards, les trois facultés que néces-site l’observation d’une langue vue de l’inté-rieur, et d’abord le plus fondamental, celui,naïf et esthète, de l’artiste : « The facultieswhich we must endeavor to gather for thiswork are three. The first and foremost is thatrare faculty, the faculty of seeing what staresone in the face, just as it presents itself,unreplaced by any interpretation, unsophisti-cated by any allowance for this or for thatsupposed modifying circumstance. This is thefaculty of the artist who sees for example theapparent colors of nature as they appear. » 5

Viennent alors, accompagnant le chemine-ment de la perception, le regard du boule-dogue (une faculté de discrimination quirepère le même sous le différent et déjoueles pièges des fausses ressemblances), etcelui du mathé maticien (faculté de généra-lisation et d’anticipation de nouveaux pos-sibles). C’est cette logique qu’il s’agit demettre en route et de ne pas contrarierlorsque l’on ensei gne une langue. 6

Outre qu’elles développent une réelle familia-rité et un réel apprentissage des langues aux-quelles elles exposent les participants, l’inté-rêt pédagogique des situations multilinguesest de faire (re)démarrer l’appren tissage sco-laire d’une langue étrangère par la mobilisa-tion du langage. Nous avons davantageappris, dans nos traditions éducatives, à l’im-mobiliser. La peur de l’erreur, la peur des fos-silisations, des mélanges, des confusions, lapeur de l’émotion aussi, et la timidité vis-à-vis du corps, nous ont appris à mettre enéchec ce qui constitue pourtant la véritéanthro pologique des langues. C’est ainsi queles langues s’inventent et que les enfants lesapprennent en milieu ‘naturel’. Conformer lalogique de notre enseignement à celle dulangage met tous les élèves à égalité dans

une quête collective qui les exige tous etvalide à égalité toutes les langues, jusqu’auxplus rares, jusqu’aux plus personnelles.

Joëlle CORDESSELabo de Babel

GFEN (Groupe Français d’Education Nouvelle)

LIEN (Lien International d’Education Nouvelle)

1. Julia Kristeva, Europe des langues, Conférence de presse, Ministère de la Culture, 16 septembre 2008(www.kristeva.fr/europedeslangues.html).

2. Joëlle CORDESSE, Déchiffrer l’invisible des signesd’apprentissage des langues. Une pédagogie del’égalité des intelligences, Thèse de Doctorat, Université de Perpignan, 2006 (en ligne sur le site duLabo de Babel : www.gfen66.infini.fr/labodebabel/).

3. Avec un simple dictaphone numérique, il devient facile d’enregistrer les productions oralespour les faire réécouter immédiatement.

4. Julian GREEN, Le langage et son double, traduitpar Julien Green, Points, Seuil, 1987.

5. Charles SANDERS PEIRCE, Pragmatism as a Principle and Method of Right Thinking, The 1903Harvard Lectures on Pragmatism, Patricia Ann TurrisiEditor, State University of New York Press, 1997, Lecture two : Phenomenology or the Doctrine of Categories, p. 152. Traduction : « Les facultés quenous devons nous efforcer de réunir pour cette tâchesont au nombre de trois. La première est cette facultérare qui consiste à voir la chose qui nous saute à la figure, telle qu’elle se présente, de ne pas la remplacer par une quelconque interprétation, de ne pas la compliquer en tenant compte de prétendues circonstances particulières. Il s’agit de la faculté de l’artiste qui sait voir, par exemple, les couleurs apparentes de la nature telles qu’ellesapparaissent. »

6. Joëlle Cordesse, Apprendre et enseigner l’intelligence des langues, à l’école de Babel, tous polyglottes, Chronique Sociale, Lyon, 2009.

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Bibliographie

- Déchiffrer l’invisible des signes d’apprentissage des langues. Une pédagogie del’égalité des intelligences, Thèse de Doctorat, Université de Perpignan, 2006 (en lignesur le site du Labo de Babel : http://gfen66.infini.fr/labodebabel/)- Apprendre et enseigner l’intelligence des langues, à l’école de Babel, tous poly-glottes, Chronique Sociale, Lyon, 2009- Documents multilingues et témoignages d’animations, en ligne et à paraitre surle site du Labo de Babel : http://gfen66.infini.fr/labodebabel/- Compte-rendu de formation Polyglossie et grammaire, à consulter surhttp://etab.ac-montpellier.fr/0660516c/ (> animations 2009-2010 > Compte-rendu del’animation du 9 septembre)

Joëlle Cordesse a également publié de nombreux articles, notamment dans Dialogue, larevue du GFEN :- Sortir de l’école pour mobiliser l’école ?, in Dialogue, n°112/113, L’éducation nou-velle est-elle populaire ?, juin 2004- Je suis bonne en orthographe parce que je suis curieuse, in Dialogue, n°115-116,La lecture dans tous les sens, février 2005- Lire en V.O., in Educateur SER (Syndicat des Enseignants Romands), numéro spécial,Apprendre les langues, Genève, mars 2005- La didactique des langues, verrou ou levier d’une politique de sauvegarde deslangues menacées  ?, in Actes du Colloque du CRILAUP 2005, L’école, instrument de sauvetage des langues menacées ?, Presses Universitaires de Perpignan, 2006- Apprentissages transversaux, chemins de traverse : que nous disent les languesrégionales des autres ?, in Lenga e país d’òc, n° 47, L‘occitan et le catalan dans lecadre du CECR : réflexions et pratiques – Séminaire du 7 mars 2007, CRDP de Montpellier,février 2008- Ecriture Poétique en langue étrangère  : une pédagogie de l’évènement, in Dialogue, n°117, Poésie et éducation nouvelle, juin 2005- La démarche est pragmaticiste, in Dialogue, n°120, Le savoir ça se construit,l’émancipation aussi !, avril 2006- Faut-il s’autoriser toutes les langues ?, in Dialogue, n°124, Langues, intelligencedes peuples, avril 2007- Pour refonder l’école : instituer la dé-confiscation, in Dialogue, n°126, Défis pourl’éducation, octobre 2007- Y aurait-il un obscurantisme rationaliste ?, in Dialogue, n°132, Culture : combatspour l’émancipation, avril 2009- Contribution à Relever les défis de l’éducation nouvelle : 45 parcours d’avenir,Collectif coordonné par Etiennette VELLAS et Odette et Michel NEUMAYER, ChroniqueSociale, Lyon, 2009

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L’apprentissage de l’oral dans une visée émancipatriceSélection bibliographique

« Qui veut changer le monde ne peut […] faire l’économiede discuter sur les mots. »

Il faut inscrire « la question de la pédagogie des languesdans un contexte socio-politique qui nous permettra

d’en préciser et nourrir les enjeux »Joëlle Cordesse 1

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L’oralD O S S I E R

La sélection qui suit est centrée, non passur la didactique de l’oral dans le cadre pré-cis de cours d’alphabétisation ou de fran-çais langue étrangère mais sur la probléma-tique générale de l’apprentissage d’unelangue. Sa ligne de force est d’envisager laréflexion sur l’ensei gne ment de l’oral et lespratiques d’appre n tissage qui en découlentau sein des pédagogies émancipatrices.

Certes, les pédagogies émancipatrices sontconsubstantielles à notre vision de lasociété et les formations offertes à nos for-mateurs sont à la pointe du sujet, commecelles données par le Secteur Langues duGFEN (Groupe français d’Education Nouvel-le). Bien souvent, nous constatons que,pressés par les nécessités des situationsdes apprenants et les contingences maté-rielles propres des cours, les formateurs setournent rapidement vers des outils pra-tiques (fichiers et méthodes d’exercices).Ceux-ci sont d’ailleurs souvent bien faits etse révèlent, à l’usage, fort efficaces, d’au-tant plus qu’aujourd’hui, la plus part sontbasés sur les principes de la communica-tion et de son analyse.

Toutefois, nous sommes convaincu que lesformateurs construisent autrement leursséquences pédagogiques et choisissent ouutilisent différemment un même matérielselon le bagage théorique qu’ils possè-dent. 2 En outre, le fait de se confronteraux théories socio-linguistiques et auxétudes pédagogiques les plus poussées surl’oral permet aux formateurs ‘d’objectiver’et d’affiner sans cesse leur pratique.

C’est pourquoi, nous n’avons pas hésité àciter deux grands penseurs dont les tra-vaux ont constitué une critique et undépassement du structuralisme. La démar -che de Bernstein a consisté «  à lier unethéorie de l’appren tissage et une sociolo-gie des conditions de classe en montrantque l’appar tenance de classe détermineles différences dans le développementcognitif, dans le style cognitif, dans lesmodes de pensée et dans la définition dumoi, différences manifestées dans lesmodes d’usages du langage, et en partieproduites et renforcées par eux  » 3. Demême, celle de Bourdieu aide à prendre de la hauteur pour comprendre ses propres

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pratiques socio-pédagogiques et le rôlequ’elles jouent dans le processus de lareproduction sociale. 4

Ainsi, au fil des lectures, nous percevonstoute l’importance et la complexité de lalangue dans l’existence sociale de l’êtrehumain et les implications qu’il faut endéduire pour son apprentissage. Le langa-ge est à la fois un des principaux vecteursde la reproduction sociale (Bernstein,Bourdieu) et donc, grâce à une prise deconscience du processus, peut devenir undes principaux leviers de l’émancipation(Louis, Defays, Cordesse, Médioni,…).Cette émancipation se traduira notam-ment dans l’aisance de la prise de paroledont nous savons l’importance lorsd’entre tiens d’embauche, de la défense deses droits face à différentes administra-tions ou sociétés privées, dans les rela-tions de travail, etc.

Dans un souci de cohérence par rapport àcette introduction, la sélection ci-après seprésente sous forme d’un continuum enpartant des ouvrages les plus généraux,les plus théoriques, pour aller progressive-ment vers les plus particuliers, les outilspratico-pratiques – pour lesquels nousavons volontairement limité la sélection 5

– mais il va de soi qu’une part relative dethéorie et de pratique peut se retrouverdans chaque document.

BERNSTEIN Basil, Langage et classesociales : Codes socio-linguistiques etcontrôle social, Les Editions de Minuit,Coll. Le sens commun, 1975, 347 p.

Le nom de Basil Bernstein est si fortementassocié à la notion du ‘handicap linguistique’des enfants des classes populaires que la

plupart des discussions développées autourde son œuvre méconnaissent la richesse deses développements théoriques, la cohéren-ce et la complexité de ses analyses. Le livre présenté ici réunit une série de textesqui jalonnent un itinéraire théorique : étudesempiriques qui sont des exemples d’opéra -tion nalisation sans sacrifices théoriques, éla-borations théoriques visant à approfondir età généraliser la thèse en soumettant les pre-miers concepts à des rectifications progres-sives. Les re-formulations succes sives de lathéorie, les développements de la rechercheempirique tendent à poser toujours plus pré-cisément le problème essentiel, celui del’intéri orisation de l’ordre social par l’inter-médiaire des formes de langage définiescomme ‘codes socio-linguistiques’. Les analy ses de Bern stein, reprenant et sou-mettant à l’épreuve empirique les analyses deCassirer, Sapir et Whorf sur la fonctionconsti tuante du langage, les thèses de Dur-kheim sur la relation entre structure socialeet structures logiques, font éclater les limitesconventionnelles de la psychologie, de lasociologie, de la linguistique, pour relier lesocial au logique et au psychologique.

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BOURDIEU Pierre, Ce que parler veut dire : L’économie des échanges linguistiques, Fayard, 1982, 244 p.

Le discours n’est pas seulement un messagedestiné à être déchiffré ; c’est aussi un pro-duit que nous livrons à l’appréciation desautres et dont la valeur se définira dans sarelation avec d’autres produits plus rares ouplus communs. L’effet du marché linguistiquene cesse de s’exercer jusque dans les échan -ges les plus ordinaires de l’existence quoti-dienne : en témoignent les changements delangue que, dans les situations de bilinguis-me, sans même y penser, les locuteurs opè-rent en fonction des caractéristiques socialesde leur interlocuteur ; ou, plus simplement,les corrections que doivent faire subir à leuraccent, dès qu’ils sont placés en situationofficielle, ceux qui sont ou se sentent les pluséloignés de la langue légitime.Instrument de communication, la langue estaussi un signe extérieur de richesse et uninstrument du pouvoir. Et la science socialedoit essayer de rendre raison de ce qui estbien, si l’on y songe, un ‘fait de magie’ : onpeut agir avec des mots, ordres ou motsd’ordre. La force qui agit à travers les motsest-elle dans les paroles ou dans les porte-paroles  ? On se trouve ainsi affronté à ceque les scolastiques appelaient le ‘mystèredu ministère’ qui investit la parole du porte-parole d’une force qu’elle tient du groupemême sur lequel elle l’exerce.

LOUIS Vincent, Interactions verbales etcommunication interculturelle en FLE :De la civilisation française à la compé-tence (inter)culturelle, Ed. ModulairesEuropéennes, Iris, 2007, 312 p.

Comment définir l’approche interculturelle enfrançais langue étrangère (FLE)  ? De quellemanière, concevoir l’apprentissage des para-mètres culturels qui constituent la ‘partitioninvisible’ de tout échange verbal  ? Afin derépondre à cette double question, cetteétude propose d’abord d’analyser le discoursthéorique tenu par les didacticiens pour com-prendre comment la remise en cause de l’en-seignement de la civilisation française a per-mis l’avènement de la double notion de‘compétence culturelle’ et de ‘découverteinterculturelle’ et par là, un renouvèlementde l’apprentissage culturel en FLE.Le dispositif d’apprentissage de la compé-tence (inter)culturelle présenté ici s’appuiesur l’analyse des situations de communica-tion et le repérage des paramètres culturelsde l’interaction s’opère au travers de tâchesqui sont proposées aux apprenants dans lecadre de situations-problèmes. La découver-te interculturelle des usages sociaux quiprésident à toute interaction est ainsi envi-sagée comme un instrument pédagogiquedestiné à faciliter la communication entrefrancophones et non-natifs.

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DEFAYS Jean-Marc, DELTOUR Sarah, Le français langue étrangère et seconde :Enseignement et apprentissage, Mardaga, 2003, 288 p.

Cet ouvrage présente de manière systéma-tique et critique tous les aspects de l’ensei-gnement du français langue étrangère et fran-çais langue seconde, tant sur le volet de ladidactique par le biais de la linguistique, dela psychopédagogie et de l’appro che culturel-le, que sur le volet de la pédagogie où sontanalysées les différentes métho des et activi-tés de classe. Il développe les trois nouveauxparadigmes de l’ensei gnement des languesque sont la communication – indispensable à l’acqui sition d’une langue –, l’interculturel – essentiel à l’échan ge avec l’autre –, et sur-tout l’appren tissage au service duquel doit semettre cet enseignement.Alternant réflexions théoriques et conseilspratiques, l’ouvrage est destiné tant auxenseignants en formation initiale qu’à leurscollègues plus expérimentés (professeurs delangue ou éventuellement d’autres disci-plines) qui souhaitent faire le point ou sespécialiser. Il peut être lu comme un traité ouconsulté comme un référentiel ; il comprendun index et de nombreux renvois bibliogra-phiques qui permettent à tout lecteur d’enfaire son vadémécum.

CUQ Jean-Pierre, GRUCA Isabelle, Cours de didactique du français langue étrangère et seconde, Presses universitaires de Grenoble, Coll. Françaislangue étrangère, 2005, 504 p.

Le Cours de didactique du français langueétrangère se propose de donner aux étudiants,aux jeunes chercheurs et aux enseignants enformation continue une vue générale desconnaissances actuelles en français langueétrangère, accompagnée d’un grand nombred’informations pratiques et bibliographiques.La première partie montre comment la didac-tique du français langue étrangère s’est peuà peu structurée en discipline autonome.Elle définit ses références majeures, les rela-tions qu’elle entretient avec les disciplinesvoisines et s’attache surtout à décrire l’appa-reil conceptuel qui lui est propre  : lesdiverses situations d’apprentissage et d’en-seignement, la classe et ses acteurs.La deuxième partie examine les méthodolo-gies, les méthodes, et les concepts et notionsqui leur sont attachés : compétences de com-préhension et d’expression, évalua tion et cer-tifications. Elle s’attache aussi aux méthodo-logies particulières comme le français langueseconde, l’ensei gnement du français langueétrangère aux jeunes enfants et le françaispar objectifs spécifiques.

Par l’étude d’une série d’outils d’inter vention(grammaire, lexique, littérature, traduction) etde quelques-unes des principales techniques ettechnologies de la classe de lan gue, la troisiè-me partie amène le lecteur au niveau le pluspratique de l’analyse, celui de la pédagogie.

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DOLZ Joaquim, SCHNEUWLY Bernard, Pour un enseignement de l’oral : Initiation aux genres formels à l’école,ESF, Coll. Didactique du Français, 2009, 210 p.

Cet ouvrage, aboutissement d’unerecherche impliquant chercheurs etenseignants, propose une démarchesystématique d’ensei gne ment à tra-vers un travail sur l’oral dans sesmultiples formes. Dans cette pers-pective, il essaie d’abord de défi-nir clairement les caractéristiquesdes formes de l’oral qui méritentun enseignement de longuehaleine. Il montre ensuite com-ment analyser les capacitésorales des élèves dans différentessituations de communication. Il présenteenfin les principes qui guident l’élaborationdes séquences structurées d’enseignement.Pour illustrer la démarche, un ensemble deséquences didactiques sont présentées por-tant sur des situations de communication enpublic bien distinctes : le débat, l’interviewpour une radio scolaire, l’exposé devant laclasse et la lecture à d’autres d’un conte.Pour chacune de ces situations, le lecteurrencontrera un modèle didactique quiregroupe les dimensions enseignables et desdispositifs d’apprentissage destinés à desélèves du primaire et du secondaire.Les formateurs et les enseignants qui s’inter-rogent sur l’enseignement de l’oral trouverontdans cet ouvrage des repères indispensablespour mieux organiser leur travail en classe,ainsi que de nombreux exemples d’activités etd’exercices en vue de développer les capacitéslangagières des élèves.

CORDESSE Joëlle, Apprendre et enseigner l’intelligencedes langues : A l’école de Babel, tous polyglottes,Chronique sociale, 2009, 192 p.

« Ce livre apporte des argu-ments théoriques éprouvéset puissants à l’appui despratiques de création, decoopération et de projet misau service de l’apprentissagedes langues, mais plus large-ment de toutes les compé-tences qui relèvent du langa-ge et de son développement.Il intéressera les praticienssoucieux de pouvoir continuerà donner toute sa place à l’ac-

tivité des personnes de tous âges, à leuraction créatrice, à leur sens esthétique et àleurs capacités d’auto-correction. Du pari du‘Tous capables’ à la logique du ‘Tous poly-glottes’, ce sont quatre démarches d’auto-socio-construction de savoirs linguistiquesqui sont proposées à l’analyse sémiotique(science des sémioses, c’est-à-dire des évène-ments de la pensée qui créent et modifientnos habitudes d’interprétation, nos‘schèmes’), conduisant à une vision réinven-tée de la notion de ‘contenu’ et de la pro-grammation. Les différents courants de l’édu-cation nouvelle pourront se recon naitre danscette synthèse qui réunit créa tion, imaginai-re et savoir rationnel, action, production,coopération et conscientisation, dans unmême paradigme du développement de soipar les autres et par l’intelligence des autres,paradigme de l’étran geté, une formation à lacommunication multi culturelle et à la paix. »(Présentation tirée du site du GFEN Pyré-nées-Orientales : http://gfen66.infini.fr)

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MÉDIONI Maria-Alice, La co-constructiondes savoirs au service de l’apprentissaged’une langue étrangère, in Journal de l’al-pha, n°145, février-mars 2005, pp. 6-7

Cet article rappelle et définit les termes duprocessus de co-construction des savoirs,développé par le GFEN, et appliqué ici àl’apprentissage d’une langue. «  Il ne s’agitpas de devenir des bons techniciens de lapédagogie. Notre travail d’enseignant ou deformateur est davantage de permettre laconstruction d’un rapport dynamique à lalangue, une langue investie par la personne,et non pas observée de l’extérieur comme unobjet neutre à commenter. Une langue impré-gnée de subjectivité qui constitue la viesociale de la classe ou de la formation elle-même, une langue imprévisible souvent, trèsdifférente des listes de structures préfabri-quées et enseignées telles quelles, plaquéessur une pensée d’élève guidée là où on veutqu’elle aille. Nous pensons que ce rapportsocial et subjectif à la langue est une desconditions pour que les apprenants puissenty ‘entrer’, avant de commencer à construirel’exigence formelle qui leur est trop souventdemandée à priori. » (p. 7)

Secteur Langues du Groupe français d’éducation nouvelle, Réussir en langues : Un savoir àconstruire, Chronique sociale/GFEN, Coll. Pédagogie formation, 1999, 300 p.

Le parti-pris qui fonde les démarches propo-sées par le GFEN est que pour ce qui est del’acquisition d’une langue seconde commepour celle de sa langue maternelle, chacunfait usage du langage, dans une visée quiest d’abord pragmatique. L’enseignementd’une langue est conçu non comme inven-taire de règles à mémoriser mais commeengagement dans des activités langagières.Comment faire partager, quand on est ensei-gnant, sa passion pour une langue, une cul-ture  ? Comment apprendre à communiqueret pour quoi faire  ? Comment ‘faire’ de lagrammaire  ? Comment saisir les occasions(expositions, films,...) pour en faire desmoments d’acti vité intellectuelle et deconstruction du savoir ? Pour répondre auxinterrogations de chaque enseignant/forma -teur, ce livre propo se des pistes de réfle xionet des stratégies concrètes dans différenteslangues et différentes situations. De quoigarnir plus largement sa ‘caisse à outils’pour les enseignants débu tants ou non,comme pour les formateurs.

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Secteur Langues du GFEN (sous la directionde Maria-Alice MÉDIONI), (Se) construireun vocabulaire en langues, ChroniqueSociale, Coll. Pédagogie-Formation, 2002, 244 p.

La question du vocabulaire est une préoccu-pation importante pour un enseignant delangue. Car si parler c’est autre chose quecommuniquer une information, alors il fautbeaucoup de vocabulaire. Mais commentpeut-on penser ensemble (enseignant etélèves) la construction et l’acquisition duvocabulaire en langues ?On retrouve dans ce livre les grands prin-cipes du GFEN  : construction de savoirs àplusieurs, incitation à élaborer des straté-gies personnelles d’appropriation (durable),utilisation des ressources de l’imaginationpédagogique. On y découvre des repères,des pistes de réflexion, des témoignages etdes pratiques concrètes (ateliers, situationsd’apprentissage, projets...) dans différenteslangues et différentes situations (du niveauprimaire à la formation d’adultes), et réin-vestissables par tous.

Langue(s) intelligence des peuples[dossier], Dialogue, n° 124, mai 2007, 68 p.

Ce numéro de Dialogue développe uneréflexion et défend des pratiques qui permet-tent à chacun et grâce à tous d’élaborer desconcepts, de construire et d’inventer sa pen-sée, de connaitre et d’inventer la langue,transformant ainsi son rapport au monde, auxautres et à soi-même, ouvrant des possiblespour un monde solidaire et émancipateur. Il comporte de nombreux récits d’expé riencesprenant en compte le plurilinguisme et lareconnaissance des langues maternelles, despratiques analysées sur l’ensei gnement dufrançais, à des primo-arrivants, dans desclasses bilingues (français-langues kanak,français-occitan…) ou dans des classes ordi-naires. Plusieurs articles mettent en évidenceles rapports entre langue et sujet, langue etconstruction de la pensée dans l’appren -tissage des mathématiques, de la langueorale, dans l’écriture ou dans un travail derecherche-traduction en sciences. Le conceptde pluralité culturelle est ici préféré à celui dediversité et on lira avec intérêt les articlesportant sur le lien entre politique linguistiqueet démocratie culturelle. Le numéro s’attacheégalement à mettre en relief les luttes depouvoir, luttes culturelles et politiques qui setiennent derrière la guerre des langues, entraitant de l’arabi sation de l’Algérie après ladécolonisation, du statut de l’espéranto ou decelui des langues régionales.

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Sylvie ABDELGABER, Maria-Alice MÉDIONI(coordination), Enseigner les languesvivantes avec le Cadre Européen[dossier], Cahiers Pédagogiques, Collection des hors-séries numériques,n°18, aout 2009, 190 p.

L’objectif de ce dossier est d’apprécier lesévolutions de l’enseignement des languesdepuis les premiers pas du Cadre Européencommun de Référence pour les Langues : lesinter rogations qui se manifestaient en 2005ont-elles trouvé des pistes de réponse  ? Laréflexion, la formation ont-elles réussi àoutiller les enseignants ? Le dynamisme,l’enthou siasme des premiers moments s’est-ilmaintenu ? L’inquiétude, voire le rejet de lanou veauté sont-ils toujours aussi vifs ? Lesauteurs présentent ici une réflexion ancréedans la réalité de terrain et soucieuse deprésen ter des points de vue contrastés,complé mentaires souvent, contradictoiresparfois, représentatifs du débat bien réel surla question de l’enseignement des langues.Un document de présentation (16 p.) de cet hors-série numérique des Cahiers Pédago-giques est téléchargeabl à partir de la pageweb  : www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?article6339Le document complet est téléchargeable àpartir du catalogue en ligne du Centre dedocumentation du Collectif Alpha, à la page :www.cdoc-alpha.be/ListRecord.htm?selectobjet=3&what=enseigner+langues+vivantes

Collectif Alpha, Simulations globales[mallette pédagogique], 2006

Une simulation globale est une tentative col-lective de construction d’un microcosme (unimmeuble, un cirque, un village, une ile...)mis en place par les participants au moyen deplans, de cartes, d’illustrations, de rédactionde biographies imaginaires, d‘inven taires, dejeux de rôles, etc. Cette méthode pédago-gique convient particulièrement bien à l’ap-prentissage d’une langue étrangère et, vu sagrande souplesse, peut être utilisée tant avecdes enfants qu’avec des adultes, apprentisdébutants ou plus confirmés.Après une introduction générale, on trouvedans le document qui accompagne la mallet-te  : deux courts chapitres sur l’utilisationdans le cadre des cours d’alphabétisation etl’organisation pratique, suivi par un chapitreplus important sur le déroulement d’une simu-lation globale avec le développement d’unexemple concret. Vient ensuite une bibliogra-phie dont les ouvrages référencés se trouventdans la mallette, ainsi qu’une webographierecensant les sites les plus intéressants.Document téléchargeable à la page : www.collectif-alpha.be/rubrique88.html

JUPP T.C., HADLIN S., HEDDESHEIMER C.,LAGARDE J.P., Apprentissage linguistique et communication : Méthodologie pour un enseignementfonctionnel aux immigrés, Clé International, Coll. Didactique deslangues étrangères, 1982, 176 p.

Adapté de l’ouvrage anglais Industrial Engli-sh, ce livre explique les principes d’un coursde langue orale axé sur la communication à l’aide de nombreuses suggestions d’exer -cices en l’appliquant à un public particulier :

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les travailleurs immigrés. Cette adaptationfrançaise analyse aussi, à la lumière d’uneexpérience menée en France, quelques-unesdes principales difficultés rencontrées par lepraticien : la détermination des besoins lan-gagiers, la définition des objectifs d’appren -tissage, l’établissement d’une progression,l’éva lua tion. Outre la présentation des prin-cipes et métho dologie d’un cours de languefonctionnel (partie théorique), l’intérêt del’ouvra ge réside aussi dans l’application origi-nale de cette méthode au monde du travail.

Ouvrage collectif coordonné par Lire etEcrire Verviers, Parler pour apprendre.Apprendre pour parler : Fiches etconseils pédagogiques pour animer desclasses de français langue étrangère etseconde – adolescents et adultes, Lire etEcrire en Wallonie, 2003, 104 p.

Réalisé par Lire et Ecrire Verviers avec la col-laboration de l’Université de Liège et duCentre d’Autoformation de la Communautéfran çaise, ce recueil propose à la fois des réfle -xions méthodologiques et des activités pouraméliorer les capacités de communication.Il comporte deux types de fiches : activités decommunication et activités d’entrai nement oude systématisation de la langue. Les activités

de communication ont pour but d’appren dre àposer des actes de parole dans les diversessituations de la vie quotidienne (exemples : seprésenter, s’infor mer, s’orien ter…). Les exer-cices d’entrai ne ment renforcent l’apprentissa-ge par le réin ves tis sement de structures langa-gières dans différents contextes.Une dizaine d’encarts proposent des syn-thèses de réflexions pédagogiques sur lesthèmes suivants : les principes des métho descommunicatives ; quelques pistes pour dyna-miser la classe ; l’enseignement de la langueen immersion ; les conditions de la commu -nication  ; la programmation des séquenceset des activités ; apprendre grâce aux situa-tions-problèmes ; sélection et utilisation dessupports  ; la découverte interculturelle  ; lagrammaire aujourd’hui  : un change ment destatut ; apprendre à apprendre.

Collectif Alpha et Lire et Ecrire Centre-Mons-Borinage, Mille-et-une idéespour se parler : 113 fiches d’activitésorales, Collectif Alpha, 1995, 232 p.

Cet outil propose un ensemble de techniquesd’animation et de démarches pédagogiquespour animer les groupes d’alphabétisation ety améliorer l’expression orale. Il se présentesous la forme de fiches indépendantes avec demultiples entrées possibles grâce à plusieursindex (thématique, grammatical, niveaux...)qui permettent de s’orienter parmi les 113fiches proposées. La présentation des fiches a été organisée endeux parties :- La première partie propose des fiches clas-sées par thèmes autour de 3 axes : l’identité(se présenter, la famille, la maison...), la viesociale (les magasins, téléphoner, s’orien -ter...), la culture (comment faire de la diver-sité culturelle une richesse) ;

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- La deuxième partie propose des fichesclassées par techniques d’animation pouvantconvenir quel que soit le thème travaillé :briser la glace, constituer des sous-groupes,mémoriser du vocabulaire... Chaque fiche estdécrite de la façon suivante : objectifs prin-cipaux, niveau(x) concerné(s), durée de l’ac-tivité, nombre de participants requis, maté-riel nécessaire, déroulement de l’activité,variantes et prolongements possibles.

FUSTIER Michel, Exercices pratiques decommunication à l’usage du formateur,Ed. d’Organisation, Les livres outils, 2002, 382 p.

Ce guide méthodologique propose des exer-cices de groupe pour stimuler et approfondirla communication interpersonnelle. Cesexercices sont regroupés en cinq thèmes,non étanches, et portant sur : le message ;la vérité et l’erreur ; les situations particu-lières de communication  ; le monde  ; lesautres. Ils peuvent être choisis aléatoire-ment ou selon les objectifs du formateur.Chaque série d’exercices est présentée de lamême manière : le thème de l’exercice, sondéroulement ainsi que des pistes deréflexion pédagogique et des exemples. Tousles exercices, conçus pour des adultes enformation continue, sont également adaptéspour des jeunes (en milieu socio-éducatif)et des enfants (en milieu scolaire).

HINGLAIS Sylvaine, Enseigner le français par des activitésd’expression et de communication, RETZ, Coll. Outils pour la formation, 2001, 96 p.

L’auteur, qui a une formation musicale etthéâtrale, a conçu cet ouvrage à partir del’idée qu’une langue s’apprend tout autantavec le corps et la sensibilité qu’avec la raison. Essentiellement pratique, ce recueil defiches pédagogiques décrivant, étape parétape, chaque animation, propose :- des activités d’échauffement et de pra-tique réflexe de l’oral (pour améliorer la pro-nonciation, la diction et assimiler les idio-matismes et la conjugaison) ;- des activités d’improvisation (pour stimu-ler les capacités de communication, assimi-ler la grammaire de façon ludique et motiverla production écrite) ;- et enfin, des activités de mémorisation(pour enrichir le vocabulaire et la syntaxe etstimuler la créativité).Aussi, « le contenu de ce recueil s’intègre ence sens à toute forme d’enseignement quimet en jeu la rééducation ou l’apprentissagede la langue comme premier atout de l’ex-pression de soi ». (Avant-propos, p. 5)

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SAGOT Henri, Pourquoi pas ! : 1. Méthodeaudiovisuelle de français pour adolescentset adultes [coffret], Pedagogi-A, 1985

Le matériel pédagogique de la méthode Pour-quoi pas  ! est regroupé dans quatre coffretsdisponibles au centre de documentation. « Ilpropose à l’apprenant un itinéraire baliséd’exercices structurés et gradués qui s’enchai -nent suivant un certain ordre [et qui permet-tent] d’introduire telle ou telle richesse, telle outelle fonction : appréhension, capacité d’audi -tion, repérage, organisation et transcription desons ou d’items, mobilisation de la créativité etde l’imagination, expression, etc. De ce fait,l’étrangeté, la distance qui existait au départentre l’apprenant et la langue s’efface peu àpeu… » (Livre du maitre, p. 30)« L’approche est globale… parce que toutes lesressources de celui qui apprend sont mobilisées :son intellect, sa mémoire, mais également sonaffectivité, sa créativité. L’apprenant se trouvedonc au centre du problème  : il vit la languequ’il apprend, il vit l’acte de communicationdans la langue cible. […] Dans Pourquoi Pas !,tout au long du parcours suivi par l’apprenant,la progression se fait en spirale : on réenvisageplusieurs fois les mêmes faits de langue en leséclairant différemment. On progresse par macro-objectifs en braquant chaque fois le projecteursur la notion plus spécifique qu’on voudrait tra-vailler. Ainsi l’élève peut, par approximationssuccessives et de plus en plus fines, construirelui-même sa compétence de communication,élaborant petit à petit les règles qui régis -sent l’outil linguistique qu’il est en train de découvrir.  » (DREZE Wivine, La méthodologie

S.G.A.V. aujourd’hui : une pratique pédagogiquequi permet à l’apprenant de vivre la langue qu’ilapprend, in Enjeux, n° 27, décembre 1992, pp. 10 et 11).

Eduardo CARNEVALECentre de documentation

du Collectif Alpha

1. Citations tirées de : Apprendre et enseigner l’intelligence des langues : A l’école de Babel, tous polyglottes (Chronique sociale, 2009, p.14) etFaut-il s’autoriser toutes les langues ?(in Dialogue, n°124, mai 2007, p. 4).

2. Une position semblable a été développée par LucileBLANC dans l’article Langues, identités et rapport à l’apprentissage : « Nous sommes d’habitude plutôten recherche d’outils. Pourtant, notre travail de terrain avec les stagiaires doit être sous-tendu par desenjeux et une démarche clairs. Les outils ne viennentqu’en dernier lieu. » (in Journal de l’alpha, n°149,octobre-novembre 2005, p. 36).

3. Jean-Claude CHAMBOREDON, in Basil BERNSTEIN,Langage et classe sociales : Codes sociolinguis-tiques et contrôle social, Les Editions de Minuit,Coll. Le sens commun, 1975, p. 19.

4. Dépassant « l’acte de communication qui, commela parole saussurienne, est destiné à être déchiffré aumoyen d’un chiffre ou d’un code, langue ou culture »,Bourdieu souligne que « les échanges linguistiquessont aussi des rapports de pouvoir symbolique oùs’actualisent les rapports de force entre les locuteursou leurs groupes respectifs » (in Ce que parler veutdire : L'économie des échanges linguistiques,Fayard, 1982, pp. 13 et 14).

5. Le lecteur intéressé par d’autres ouvrages pratiquespourra faire une visite aux rayons portant les cotes ‘O MET’ et ‘O PRAT’ (fichiers pratiques, exercices et méthodes de l’oral) du Centre de documentation ou consulter son catalogue en ligne.

Les ouvrages et les outils pédagogiques sont disponibles en prêt au Centre de documentationdu Collectif Alpha : Rue de Rome 12 - 1060 Bruxelles - Tél : 02 533 09 25 - Courriel :[email protected] - Site : www.centredoc-alpha.be - Revues à consulter sur place.

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LIVRES-MEDIAS-OUTILSHontes et fiertésPeut mieux fier !

La déconsidération, l’humiliation liées à laposition sociale ne sont pas des dysfonc-tionnements des rapports sociaux, elles sontconstitutives de ces rapports. Les regards,les mots, les attitudes de ceux qui sont enposition dominante signifient aux pauvresleur sous-humanité par défaut... Dans l’éco-le, c’est dévastateur : les identités sont là,en construction, toutes molles et sans cara-pace, avec leurs histoires, leurs désirs, leursforces, leurs faiblesses, et les profs enreconnaissent certaines qui répondent àleurs attentes et blessent les autres, sou-vent sans s’en rendre compte...

Les mots qui font mal sont inscrits dans lestémoignages publiés dans ce numéro deTraces de Changements. Aux côtés d’autresarticles qui rappellent que seule la solidaritépermet de combattre les effets des positionssociales et qu’à la ‘honte d’être vu d’en haut’ne peut répondre que la ‘fierté d’avoir résis-té’ ! Car, comme le dit l’édito, « il ne s’agitpas seulement d’aider mais bien de combattre.Un mot, une main tendue, un coup de pouce,un regard bienveillant peuvent parfois redon-ner de la confiance et de l’estime de soi, maissi tout par ailleurs – l’organisation des cours,les remarques de l’autorité, l’organisation desréunions de parents, les évaluations des professeurs ou des conseils de classe, l’orga -nisation des inscriptions scolaires, les conseilsd’orientation… – affirme le contraire, si glo-balement la relation reste fondée sur un rap-port de domination, alors même l’aide est

humiliante. Le respect de soi vient aussi durespect que l’on vous porte. »

Hontes et fiertés. Peut mieux fier !,Traces de Changements, n°190, mars-avril 2009, 10 p.

A commander à CGé :Tél : 02 218 34 50Courriel : [email protected] : www.changement-egalite.be

Des savoirs pour réfléchirDe l’école primaire à l’université

Comprendre, expliquer,représenter, connai tre,tester, résoudre, obser -ver, construire, choisir,agir,... : des mots uti-lisés couramment parles enseignants etéducateurs. Ce livres’adresse aux interve-nants de l’éducationdésireux de mieux comprendre le sens de ces termes lorsqu’ils sont utilisés dans des

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situations concrètes : de l’art culinaire à laprise de décision lors de conflits, en passantpar l’élaboration de projets…

Il montre comment les savoirs, même les plusthéoriques, sont liés à l’action, qu’elle relèvedu technique, de l’éthique ou du sociopoli-tique. Il met aussi en évidence que ‘connaître’implique toujours une articulation de la rai-son et du cœur. Ensuite, en insistant sur lerôle de ceux qui produisent les savoirs, il aideà comprendre la dimension humaine et cri-tique des connaissances, lesquelles sontstructurées par et pour les humains.

Livre à lire en complément des ouvragesprécédents de Gérard Fourez : Des compé-tences négligées par l’école (voir Journal del’alpha, n°159, p. 97) et Des compétencespour la vie (voir n°163, pp. 73-74).

Gérard FOUREZ, Des savoirs pour réfléchir. De l’école primaire à l’université, Couleur Livres, 2008, 96 p.

A commander à Couleur Livres :Tél : 071 32.63.22Courriel : [email protected] : www.couleurlivres.be En vente également en librairie.

Pour en finir avec les dons, le mérite, le hasard

« En ces temps de contre-réformes, tout concourt àremettre à l’honneur lesnotions de don, de mériteou de hasard comme fon-damentaux d’une éduca-tion réservée à celles et

ceux qui ont ‘bien de la chance’, de la chan-ce d’avoir de l’argent, par exemple. Criminali-sation, comportementalisme, individualisa-tion et psychologisation servent à masquer – à justifier  ? – la ségrégation scolaire :autant de dénis des processus éducatifs dansl’acte de comprendre le monde ! »

A l’initiative du GFEN (Groupe français d’Edu-cation nouvelle), un collectif d’auteurs, philo-sophes, sociologues, chercheurs en scien cesde l’éducation, indiquent d’autres voies théo-riques pour continuer à penser l’éducabilitédu petit d’homme, les chemins de son éman-cipation, en reprenant le pari de l’égalité, du‘tous capables !’, et ce dans d’autres termesque ‘l’égalité des chances’, dont l’apparentegénérosité ne masque qu’imparfaitement laparenté avec le ‘chacun pour soi’ libéral.

En des approches parfois renouvelées, grâceà l’apport de nouvelles avancées scientifiques– comme les neurosciences – ce livre se veutcombattif dans la mesure où ses auteursprennent résolument le contrepied de la mar-chandisation de l’éducation, et affirmentque, pratiquement et théoriquement, il estpossible de construire, avec les autres, et enparticulier avec les jeunes en situation d’éducation, un rapport différent aux savoirs,un rapport à savoir émancipateur.

Ouvrage collectif à l’initiative du GFEN,Pour en finir avec les dons, le mérite, le hasard, La Dispute, 2009, 272 p.

A commande au GFEN :Tél : 00 33 1 46 72 53 17Courriel : [email protected] : www.gfen.asso.frEn vente également en librairie.

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LIRE ET ÉCRIRE COMMUNAUTÉ FRANÇAISErue Charles VI 12 – 1210 Bruxellestél. 02 502 72 01 – fax 02 502 85 56courriel : [email protected] : www.lire-et-ecrire.beportail de l’alpha : www.alphabetisation.be

LIRE ET ÉCRIRE BRUXELLESrue de la Borne 14 (4e étage) – 1080 Bruxellestél. 02 412 56 10 – fax 02 412 56 11courriel : [email protected]

LIRE ET ÉCRIRE EN WALLONIErue St-Nicolas 2 – 5000 Namurtél. 081 24 25 00 – fax 081 24 25 08courriel : [email protected]

Les Régionales wallonnes

LIRE ET ÉCRIRE BRABANT WALLONboulevard des Archers 21 – 1400 Nivellestél. 067 84 09 46 – fax 067 84 42 52courriel : [email protected]

LIRE ET ÉCRIRE CENTRE-MONS-BORINAGEplace communale 2a – 7100 La Louvièretél. 064 31 18 80 – fax 064 31 18 99courriel : [email protected]

LIRE ET ÉCRIRE CHARLEROI - SUD HAINAUTrue de la Digue 1 – 6000 Charleroitél. 071 30 36 19 – fax 071 31 28 11courriel : [email protected]

LIRE ET ÉCRIRE HAINAUT OCCIDENTALquai Sakharov 31 – 7500 Tournaitél. 069 22 30 09 – fax 069 64 69 29courriel : [email protected]

LIRE ET ÉCRIRE LIÈGE-HUY-WAREMMErue Wiertz 37b – 4000 Liègetél. 04 226 91 86 – fax 04 226 67 27courriel : [email protected]

LIRE ET ÉCRIRE LUXEMBOURGplace communale 2b – 6800 Libramonttél. 061 41 44 92 – fax 061 41 41 47courriel : [email protected]

LIRE ET ÉCRIRE NAMURrue Relis Namurwès 1 – 5000 Namurtél. 081 74 10 04 – fax 081 74 67 49courriel : [email protected]

LIRE ET ÉCRIRE VERVIERSbd de Gérardchamps 4 – 4800 Vervierstél. 087 35 05 85 – fax 087 31 08 80courriel : [email protected]

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