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Université Université Université Université Blaise Blaise Blaise Blaise Pascal Pascal Pascal Pascal Clermont Clermont Clermont Clermont-Ferrand II Ferrand II Ferrand II Ferrand II École doctorale Lettres, Sciences Humaines et Sociales Università degli Università degli Università degli Università degli Studi di Roma Studi di Roma Studi di Roma Studi di Roma La Sapienza La Sapienza La Sapienza La Sapienza – Rome I Rome I Rome I Rome I Facoltà di Lettere e Filosofia Doctorat d’Histoire de l’Art moderne Nathalie Nathalie Nathalie Nathalie LALLEMAND LALLEMAND LALLEMAND LALLEMAND-BUYSSENS BUYSSENS BUYSSENS BUYSSENS JACQUES COURTOIS dit le Bourguignon JACQUES COURTOIS dit le Bourguignon JACQUES COURTOIS dit le Bourguignon JACQUES COURTOIS dit le Bourguignon (alias Giacomo Cortese detto il Borgognone) 1621-1676 Sa vie et son Sa vie et son Sa vie et son Sa vie et son œuvre peint œuvre peint œuvre peint œuvre peint Volume Volume Volume Volume 1 Biographie critique et analyse de l’ Biographie critique et analyse de l’ Biographie critique et analyse de l’ Biographie critique et analyse de l’œuvre uvre uvre uvre Thèse en cotutelle internationale dirigée par Catherine atherine atherine atherine CARDINAL CARDINAL CARDINAL CARDINAL et et et et Caterina Caterina Caterina Caterina VOLPI VOLPI VOLPI VOLPI Soutenue le 5 novembre 2010 Jury Jury Jury Jury : : : : Catherine CARDINAL Maria Celeste COLA Bernard DOMPNIER Guillaume GLORIEUX Étienne JOLLET Cinzia Maria SICCA Caterina VOLPI

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Université Université Université Université BlaiseBlaiseBlaiseBlaise PascalPascalPascalPascal ClermontClermontClermontClermont----Ferrand IIFerrand IIFerrand IIFerrand II

École doctorale Lettres, Sciences Humaines et Sociales

Università degli Università degli Università degli Università degli Studi di RomaStudi di RomaStudi di RomaStudi di Roma La Sapienza La Sapienza La Sapienza La Sapienza –––– Rome IRome IRome IRome I

Facoltà di Lettere e Filosofia

Doctorat d’Histoire de l’Art moderne

Nathalie Nathalie Nathalie Nathalie LALLEMANDLALLEMANDLALLEMANDLALLEMAND----BUYSSENSBUYSSENSBUYSSENSBUYSSENS

JACQUES COURTOIS dit le BourguignonJACQUES COURTOIS dit le BourguignonJACQUES COURTOIS dit le BourguignonJACQUES COURTOIS dit le Bourguignon

(alias Giacomo Cortese detto il Borgognone)

1621-1676

Sa vie et son Sa vie et son Sa vie et son Sa vie et son œuvre peintœuvre peintœuvre peintœuvre peint

Volume Volume Volume Volume 1111

Biographie critique et analyse de l’Biographie critique et analyse de l’Biographie critique et analyse de l’Biographie critique et analyse de l’œœœœuvreuvreuvreuvre

Thèse en cotutelle internationale dirigée par

CCCCatherine atherine atherine atherine CARDINALCARDINALCARDINALCARDINAL et et et et Caterina Caterina Caterina Caterina VOLPIVOLPIVOLPIVOLPI

Soutenue le 5 novembre 2010

JuryJuryJuryJury : : : : Catherine CARDINAL Maria Celeste COLA Bernard DOMPNIER Guillaume GLORIEUX Étienne JOLLET Cinzia Maria SICCA Caterina VOLPI

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_______ REMERCIEMENTS Mes plus vifs remerciements vont tout d’abord à mes deux directrices de thèse, Catherine Cardinal, à Clermont-Ferrand, et Caterina Volpi, à Rome, pour leur disponibilité et leur aide lors de mon parcours universitaire. Toute ma reconnaissance également à Michel Gras et Jean-François Chauvard de l’École française de Rome pour les deux missions de recherche dont j’ai pu bénéficier, de même qu’à Richard Peduzzi, Marc Bayard et Angela Stahl pour leur accueil chaleureux à la Villa Médicis à l’occasion de ces deux séjours. Un grand merci à la Mère Franciska Kaelin et aux sœurs ursulines de Fribourg qui m’ont ouvert les portes de leur maison, permis de consulter leurs archives et d’étudier les œuvres de Jacques Courtois in situ, De même, aux pères Thomas Reddy et Robert Danieluk, pour leur accueil aux archives générales de la Compagnie de Jésus à Rome, à Mauro Brunello et Afonso Seixas Nunes pour leur dévouement, et leur gentillesse, Tous mes remerciements vont aussi aux frères cisterciens du monastère de Sainte-Croix-de-Jérusalem, qui m’ont donné accès à leur réfectoire, permis d’étudier et de photographier les peintures de l’artiste. Enfin, mille mercis à tous ceux, universitaires, conservateurs, collectionneurs privés, personnels des archives et des bibliothèques, amis qui m’ont apporté leur aide, leur soutien, prodigué de précieux conseils, et permis d’étudier tableaux et dessins de Jacques Courtois en France, en Italie et partout ailleurs : Christine Acevedo, Cristina Acidini, Efi Agathonikou, Gaëlle Angei, Paola Astrua, Diederik Bakhuÿs, Juliette Barbarin, Andrea Bartáková, Paola Bassani Pacht, Laura Basso, Paolo Belardinelli, Francesca Berni, Cécile Berthoumieu, Robert Bonfils S.J., Silvia Bordin, Aurélia Botella, Cécile Brun, Carla Brunello, Stephanie Buck, Maurizio Buora, Monique Bussac, Gian Piero Cammarota, Piero Casanova, Marie Cathala, Iris Cedee, Blandine Chavanne, Ezio Chini, Angela Cipriani, Brigitte Coëpel, Cécile Contassot, Roberto Contini, Ghislaine Courtet, Georges Cuer, Jane Cunningham, Elisabetta Dal Carlo, Françoise Daniel, Anne Dary, Maria Antonietta De Angelis, Jean-François Delmas, Paul Delsalle, le comte de Derby, Andria Derstine, la duchesse et le duc de Devonshire, Maria Teresa Di Dedda, Andrea Dixon, Bernard Dompnier, Raphaëlle Drouhin, Delphine Dubois, Donatienne Dujardin, Judith Durrer, Jennifer Eckman, Lord Egremont, S.M. la reine Elizabeth II, Melody Ennis, Jérôme Fabiani, Carla Falcone, Josephine J. Fity, Raffaella Fontanarossa, Jill Forrest, Virginie Frelin, Brigitte Gaillard, Katherine E. Gardner, Véronique Garévorian, Camillo Garlappi, Jean-François Garmier, Stanislas Gautier, Clara Gelao, Eva Maria Gertung, Antonella Gigli, Matthieu Gilles, Marie-Hélène Giuly-Serra, Guillaume Glorieux, Marc Goutierre, Susan J. Grinols, Eleonore Gürtler, Thomas Habersatter, Hasmik Harutyunyan, Michelle Henning, Elisabeth Hipp, Jenny Holladay, Laurence Imbernon, Sylvia Inwood, Pierre-Antoine Jacquin, Dominique Jacquot, Martina Jandlova, Magdalena Jarzewicz, Robert Jones, Caroline Jorrand, Marion Kolanoski, Andreas Krock, Brigitte Lackner, Charles et Jacqueline Lallemand, Chiara Lanzi, Marie Lapalus, Ryszard de Latour, Catherine Leandri, Luca Leoncini, Muriel Le Payen, Marie-Josée Linou, Martin et Alexandra Lobkowicz, Jackie Logan, James Lomax, Luigi Londei, Nadine Lopez, Kim Macpherson, Anne Maillard, Sarah Mainguy, Alessandro Malinverni, Laura Marazzi, Christophe Marcheteau de Quinçay, Raphaël Mariani, Jacques Martel, Harald Marx, Lucia Matino, Susannah Maurer, Marie-Noëlle Maynard, Jane Messenger, Christelle Meyer, Samuel Monier, Ruth Monteyne, Hélène Moulin-Stanislas, Claire Muchir, Michèle Naturel, monsig. Marco Maria Navoni, Uta Neidhardt, István Németh, Giovanna Nepi Sciré, Neviana Nironi, Charles Noble, Jonathan Nolting, Olga Novoseltseva, Eva Nygårds, Concepción Ocampos Fuentes, Louise Oliver, Oriana Orsi, Nicolò Orsi Battaglini, Stéphane Paccoud, Philippe Pagnotta, Chiara Panizzi, Antonio Paolucci, Yves Papin, Lisa Parrott Rolfe, Eugène Pawlak,

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Anne Pean, Franca Pellegrini, le comte de Pembroke, Matthew Percival, Annalisa Perissa, Emilie Perrier-Robbe, Loredana Pessa, Emily Peters, Francesco Petrucci, Orietta Piolanti, Guilaine Pons, Dario Porta, Luciana Prati, Patrick Ramade, Céline Ramio, Christine Ramseyer, Annie Regond, Lorenza Resciniti, Karen E. Richter, Martine Robert, Domenico Rocciolo, Béatrice Roussel, Nathalie Roux, Laurence Sadoux-Troncy, Sylvie Saint-Martin, Giacinta Sanfelice di Bagnoli, Fabio Saporetti, Marie-Anne Sarda, Lothar Schultes, Gero Seelig, Josette Sivignon, Carla Enrica Spantigati, Nicola Spinosa, Chris Stevens, Claire Stoullig, Elisabeth Stürmer, Gudrun Swoboda, Sylvie Taj, Susan Talbot-Stanaway, Alain Tapié, Scott S. Taylor, Emmanuelle Terrel, Jacqueline Thalmann, Patrick Thil, Oliver Tostmann, Rachel Travers, Pierre Tribhou, Delaynna Trim, Xavier Trojani, Isabelle Turpin, Giovanni Valagussa, Marie-Claire Valaison, Alexandra Vaquero, Antoine Verney, Clara Vitulo, Vít Vlnas, Kirstin Waibel, le comte de Wemyss, Lucy Whitaker, Jancis Williams, Olivier Zéder.

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________ RÉSUMÉ

Né dans le premier quart du XVIIe siècle, Jacques Courtois, jeune Franc-Comtois,

franchit les Alpes pour s’installer en Italie. Abandonnant une patrie durablement

ruinée où il ne pourra jamais espérer revenir s’établir, ce fils de peintre parvint

néanmoins à perpétuer la tradition familiale. Actif principalement à Rome, où il

décéda en 1676, l’artiste eut une carrière de près de quarante ans, presque

exclusivement italienne. Si Courtois bénéficia de son vivant, puis tout au long du

XVIII e siècle, d’une grande renommée, lui dont Bernin aurait affirmé à plusieurs

reprises qu’aucun autre peintre contemporain ne parvenait à exprimer aussi bien la

terreur des combats, fut ensuite progressivement oublié. Il en fut de même pour son

œuvre, si bien qu’aujourd’hui ils sont tous deux méconnus, ou pour le moins mal

perçus.

Au fil des siècles, l’histoire de Jacques Courtois s’est progressivement effacée. De

minces notices biographiques, parfois légendaires, se sont imposées et de son œuvre

n’a plus été retenue que la peinture de bataille. Paysages et peinture d’histoire furent

peu à peu oubliés. Ainsi, d’un travail riche et varié, ne perdure plus guère que

l’image d’une monoproduction uniforme.

Cette thèse a pour but de faire redécouvrir le personnage et son travail, en

proposant la toute première monographie dédiée à l’artiste. Celle-ci consiste en une

biographie critique, une analyse et un premier catalogue raisonné de l’œuvre peint.

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________ SINOSSI

Nato in Franca Contea nel primo quarto del XVII secolo, Jacques Courtois

traversa le Alpi per stabilirsi in Italia. Lasciando una patria devastata dove non potrà

mai sperare di fare ritorno, il giovane Courtois, figlio di un pittore, riesce nondimeno

a perpetuare la tradizione familiare. I quarant'anni di carriera dell’artista, attivo

principalmente a Roma, dove morirà nel 1676, si svolgono quasi esclusivamente in

Italia. Pur godendo di grande fama sia in vita che nel corso del XVIII secolo,

Courtois, di cui il Bernini avrebbe affermato più volte che nessun pittore

contemporaneo riuscisse ad esprimere così bene il terrore della battaglia, fu poi

progressivamente dimenticato, così come la sua opera, al punto da essere oggi

ambedue sconosciuti o quanto meno mal percepiti.

Nel corso dei secoli la storia di Jacques Courtois è andata perduta, soppiantata da

scarne e talvolta leggendarie notizie biografiche, e della sua opera si ricordano solo

le battaglie. Paesaggi e dipinti religiosi sono stati poco a poco dimenticati, così che di

un lavoro ricco e vario non permane che l'immagine di una produzione uniforme.

La tesi intende far riscoprire il personaggio e la sua opera proponendo la prima

monografia dedicata all'artista comprensiva di una biografia critica, di un'analisi e di

un primo catalogo ragionato dell'opera pittorica.

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_______ ABSTRACT

Born in the first quarter of the 17th century in the Franche-Comté region, Jacques

Courtois crossed the Alps to settle in Italy. At the time he was a young man, he left

behind a ruined country where he could never hope to live and practise his art. Yet

this painter's son managed to perpetuate the family tradition. He worked mainly in

Rome, where he died in 1676 after an almost exclusively Italian career spanning

nearly 40 years. While Courtois enjoyed great fame during his lifetime and

throughout the 18th century, with Bernini apparently declaring on several occasions

that no other contemporary painter could express the horror of combat so faithfully,

he was gradually forgotten. The same can be said of his work, so much so that today

the man and his œuvre remain a mystery and are even ill-perceived.

Over the centuries, the story of Jacques Courtois has gradually faded. A few

scattered biographical notes, some based on legend, have gained currency and his

work is remembered essentially for his battle scenes. His landscapes and religious

paintings have been forgotten little by little. Thus, a rich and varied body of work is

now viewed as a uniform production.

This thesis aims to reveal the man and his work in a new light by proposing the

first monograph dedicated to the artist. It consists in a critical biography, an analysis

of his art and the catalogue of his paintings.

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______ SOMMAIRE

Volume I Introduction 12

Biographie critique 17

Les années de jeunesse : 1621-1640 21

La première période romaine : 1640-1650 47

Un artiste actif principalement « hors les murs » : fin 1650/début 1651 - 1657 73

La deuxième période romaine : 1657-1676 - Les années de maturité : 100

Jacques Courtois frère jésuite

Analyse de l’œuvre peint 139

Les paysages 142

Les batailles 164

Les œuvres religieuses 204

Technique et mode opératoire 217

Conclusion 228

Fortune critique 231

Annexes 239

Chronologie raisonnée 242

Index vol. I 300

Volume II

Catalogue de l’œuvre peint

Paysages 5

Batailles et scènes en rapport 47

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Batailles religieuses 194

Autres sujets religieux 211

Autres œuvres 262

Œuvres mentionnées dans les sources anciennes 273

Principales œuvres rejetées 293

Sources et bibliographie 323

Liste des œuvres 363

Index vol. II 370

Table des matières 380

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Liste des abréviations utilisées b. busta id. idem c. circa ill. illustration cat. catalogue illis. illisible cf. confer Inv. inventaire chap. chapitre L. largeur cl. cliché photographique mi. microfilm col. colonne ms. manuscrit coll. collection(s) n. note diam. diamètre n.f. non folioté dir. direction n.p. non paginé doc. document no numéro éd. édition, éditeur op. cit. opus cité éd. cons. édition consultée p. page(s) expo. exposition pl. planche f. folio r. recto fac-sim. fac-similé s. d. sans date fasc. fascicule S. J. Societatis Jesu fig. figure t. tome H. hauteur v. verso ibid. ibidem vol. volume(s) A.D.D. Archives départementales du Doubs

A.E.F. Archives de l’État de Fribourg

A.R.S.I. Archivum Romanum Societatis Iesu

A.S.B. Archivio di Stato di Bologna

A.S.F. Archivio di Stato di Firenze

A.S.N. Archivio di Stato di Napoli

A.S.R. Archivio di Stato di Roma

A.S.S. Archivio di Stato di Siena

A.S.S.L. Archivio Storico dell’Accademia di San Luca

A.S.V. Archivio di Stato di Venezia

A.S.V.R. Archivio Storico del Vicariato di Roma

A.U.F. Archives des Ursulines de Fribourg

B.A.V. Biblioteca Apostolica Vaticana

B.n.F. Bibliothèque Nationale de France (Impr. : Imprimés ; Est. : Estampes)

B.N.V.E. Biblioteca Nazionale Vittorio Emanuele

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______ AVANT-PROPOS

Ici n’étant pas le lieu, ni le moment, sans doute conterai-je plus tard cette

aventure de plusieurs années. Belle matière, en effet, à un récit autobiographique

entre France et Italie, parsemé de situations cocasses, de quiproquos, d’émotions

fortes, alternances aussi de périodes euphoriques des découvertes et de grands

découragements devant la tâche à accomplir. Du palais Farnèse à la Villa Médicis,

de la banlieue romaine aux pensions florentines, des ursulines suisses aux jésuites

romains, du village de Saint-Hippolyte sous la neige à Sommerset House et sa

patinoire de Noël, que d’images et de rencontres : personnages felliniens hauts en

couleur, authentiques Romains, novice portugais, Californienne esseulée ou encore

violoneux roumain.

Marcher sur les traces de Jacques Courtois m’aura menée très loin et en même

temps forcée à l’introspection. Depuis bien longtemps, j’avais cru oublier ma

jeunesse franc-comtoise et remiser la solide éducation religieuse que j’y avais reçue.

J’avais fui moi aussi, presque au même âge que Courtois, cette province endormie et

l’assurance de se consumer sans avoir vécu. Partir absolument, certes pas pour les

mêmes raisons mais peut-être avec les mêmes rêves. Choisir pour sujet un Comtois,

peintre, mais aussi frère jésuite dans la Rome du XVIIe siècle, ne relevait assurément

pas du hasard.

À Rome, les yeux fixés sur la chemise et les chaussures de saint Ignace, seule dans

le silence des Camere, j’avais entrevu l’espace d’un instant tout ce qui me séparait

de Jacques Courtois : trois siècles, une annexion française, des Lumières et une

Révolution, mais aussi ce qui nous rendait si proches, ce recoin de nos mémoires,

empli pour toujours du souvenir des clochers à l’impériale, des placides chevaux

blonds, et les hivers brumeux et enneigés de notre enfance.

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______ INTRODUCTION

Né dans le premier quart du XVIIe siècle, Jacques Courtois, jeune Franc-Comtois,

sujet des Habsbourg d’Espagne mais de langue française, franchit les Alpes pour

s’installer en Italie. Fuyant la guerre et la peste, abandonnant une patrie durablement

ruinée où il ne pourra jamais espérer revenir s’établir, ce fils de peintre parvint

néanmoins à perpétuer la tradition familiale. Actif principalement à Rome, où il

décéda en 1676, l’artiste eut une carrière de près de quarante ans, presque

exclusivement italienne. S’il bénéficia de son vivant, puis tout au long du XVIIIe

siècle, d’une grande renommée, considéré comme l’égal de Raphaël et de Gaspard

Dughet1, lui dont Bernin aurait affirmé à plusieurs reprises qu’aucun autre peintre

contemporain ne parvenait aussi bien à exprimer la terreur des combats2, fut ensuite

progressivement oublié, de même pour son œuvre. Tous deux sont aujourd’hui

méconnus ou pour le moins mal perçus.

Du personnage, on se souvient qu’il fut le frère de Guillaume Courtois (1626-

1679), également actif à Rome, et parfois encore qu’il fut marié à une Italienne, qu’il

aurait peut-être assassinée en mari jaloux. Les autres traits de caractère dont Jacques

Courtois se trouva gratifié furent lus dans son œuvre. Ainsi, certains distinguèrent

dans l’Autoportrait du musée des Offices (cat. 158) l’image d’un être mélancolique3,

quand d’autres décelèrent dans ses scènes de bataille mouvementées la traduction

1. N. Pio, Le vite di pittori, scultori et architetti, ms. de 1724, éd. C. et R. Enggass, Cité du Vatican, 1977, p. 53 : « Dicendosi da molti, che in questo mondo tre grand huomini non hanno havuto, nè haveranno pari e sono stati insuperlativo grado eccellenti cioè Raffaelle nelle figure, Gasparo Pusino nelli paesi et il detto padre Giacomo nelle battaglie. » ; L. Pascoli, Vite de’ pittori, scultori ed architetti moderni, Rome, 1730, I, p. 120-121 : « Fu universalmente compianta la perdita di questo valentuomo, e molto molto dispiacque a’ padri Gesuiti, agli amici, ed a’ professori, alcuni de’ quali più appassionati degli altri giunsera fino a dire, che tre soli pittori stati erano in superlativo grado eccellenti, Raffaello per le figure, Gasparo per i paesi, il P. Jacopo per le battaglie. » 2. G. Patrignani, Menologio di pie memorie d’alcuni Religiosi della Compagnia di Gesù, Venise, 1730, p. 108 : « Questi è quel tanto famoso Pittor di battaglie, di cui il Cavalier Bernino più volte affermò, che di quanti Pittori a suo tempo erano chiari in Europa, niuno in esprimere al vivo il terrore delle battaglie, agguagliava il Cortese. » 3. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 121 : « Era egli di natural piuttosto malinconico, che allegro, di corpo anzi pieno, che magro, di proporzionata statura, di non brutto aspetto, e di temperamento sanguigno. » ; F. A. Salvagnini, I Pittori Borgognoni Cortese (Courtois), e la loro casa in piazza di Spagna, Rome, 1937, p. 202 : « Dell’Autoritratto degli Uffizi abbiamo già parlato in più punti di questo lavoro. Esso è opera d’arte di gran pregio, ricca di espressione e di significazione. Il pittore, già prossimo alla fine della sua vita, ha saputo trasfondere nella propria faccia emaciata tutta la melanconia dell’uomo che avendo molto sofferto è pervenuto alla rassegnazione in Dio e al distacco da tutti i beni e i mali della terra. »

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d’un tempérament fougueux et d’une nature impatiente4. Au fil des siècles,

l’effacement progressif et inéluctable des faits réels et le peu de documents

d’archives découverts contribuèrent à imposer de maigres considérations et des

propos rebattus, qui allaient donner de Jacques Courtois une image restreinte, parfois

seulement subjective et souvent inexacte. Des pans de la vie de l’artiste, faits

primordiaux et détails importants, s’envolèrent, entraînant dans leur fuite toute la

complexité du personnage. Oubliés, les origines franc-comtoises, son existence pour

une large part dans la Rome du XVIIe siècle, et surtout les quelque vingt ans

d’engagement jésuite du second séjour romain, correspondant aussi à la maturité

artistique. Cet état en religion mis en avant pour d’autres peintres jésuites

contemporains, tel le Flamand Daniel Seghers (1590-1661) ou encore l’Italien Andrea

Pozzo (1642-1709), fut, étonnamment, rarement pris en compte pour Courtois.

Comment, devenir frère jésuite dans la capitale de la catholicité, en cette période de

continuité de réforme catholique, pourrait être considéré comme un élément de

biographie négligeable ? Il semblait bien improbable que cet engagement religieux

n’ait eu aucune incidence sur son travail, les thèmes traités dans sa peinture et la

manière de les représenter. Comment envisager de parler de cet homme seulement

comme d’un peintre de batailles dans le siècle, dissociant la production de cette

deuxième période romaine de sa vie en religion ?

La spécialisation de Jacques Courtois dans la peinture de bataille et sa réussite

dans le genre avaient, semble-t-il, réussi à occulter ses autres réalisations, les

paysages et la peinture d’histoire, et à reléguer au second plan, voire faire oublier

qu’il fut un fils de saint Ignace. De plus, le succès de l’artiste en tant que peintre de

batailles et la demande pour le genre entraînèrent dans son sillage un grand nombre

de suiveurs dont les copies et les reprises allaient rapidement conduire à la

densification et à l’opacification du corpus des peintures de Jacques Courtois.

Antoine Schnapper évoquait avec justesse, de manière imagée, la « jungle des

4. E. Holt, « The Jesuit battle-painter : Jacques Courtois (le Bourguignon) », Apollo, n° 85, mars 1969, p. 214 : « […] certain aspects of Courtois’s artistic personality (his impatience, for instance, with the erring wife when he has her thrown into prison). Such conduct was so characteristic of the man and, incidentally, so characteristic also of his impetuous draughtsmanship. » ; L. Nardella, « J. Courtois, il Borgognone, pittore di Battaglie », Rivista Militare, 2, 1987, p. 137 : « Il Borgognone era uomo d’azione, di forti sentimenti, di “ natural sanguigno” […] e l’impronta di così passionale temperamento è impressa in ogni scelta, in ogni atto, momento o sentimento della sua vita […] ».

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suiveurs de Courtois »5. Les peintres de la fin du XVIIe siècle puis ceux du XVIIIe,

influencés par notre artiste, dont peu sont aujourd’hui nettement identifiés, l’adoption

de ses formules et de ses motifs novateurs, ainsi que la tendance à user de son

patronyme de manière pratique, comme d’une étiquette générique, pour remédier à la

déshérence d’un grand nombre de tableaux, avaient conduit en fin de compte à une

situation de confusion générale.

La difficulté de démêler les œuvres autographes, des copies et des tableaux des

suiveurs lui ayant abondamment emprunté, ainsi que la dispersion géographique des

peintures, avaient fait avorter les précédentes tentatives de monographie de l’artiste.

En 1914, Georges Blondeau qui s’attela le premier à la tâche, ne remettait qu’une

liste partielle des tableaux de Courtois présents dans les collections européennes,

répartis par pays. De plus, manquait le principal : l’Italie 6. En 1937, Francesco

Alberto Salvagnini proposa pour sa part essentiellement une biographie de l’artiste,

ne s’attachant que très peu à son œuvre7. Enfin, Edward Holt, qui entreprit d’établir

le catalogue raisonné des peintures de Jacques Courtois, dans les années 1960,

décéda avant d’en avoir terminé, nous laissant néanmoins deux articles essentiels8.

De tout temps, les critiques formulées au sujet des batailles de Courtois s’étaient

avérées majoritairement dithyrambiques, cependant, quelques notes dissonantes

furent également entendues. En premier lieu, on loua la vérité de ses représentations9,

qui paraissaient « réelles et non pas feintes »10, leur sincérité11, ainsi que leur

puissance évocatrice digne d’Apelle, qui permettait de saisir même ce qu’il était

impossible de peindre, tels les éclats de bruit et de lumière, la confusion du champ de

bataille et la peur des combattants12. Étaient encore mis en avant le mouvement que

5. A. Schnapper, dans une communication écrite au musée de Caen. Voir F. Debaisieux, Caen Musée des Beaux-Arts. Peintures françaises des XVIIe et XVIIIe siècles, Caen-Paris, 2000, p. 61. 6. G. Blondeau, « L’œuvre de Jacques Courtois dit le Bourguignon des batailles », Réunion des Sociétés des Beaux-Arts des Départements, vol. 38, 1914, p. 114-156. 7. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit. 8. E. Holt, « The British Museum’s Phillips-Fenwick Collection of Jacques Courtois Drawings », The Burlington Magazine, n° 760, juil. 1966, p. 345-350, et même auteur, 1969, op. cit. 9. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 121 ; L. Lanzi, Storia pittorica dell’Italia dal risorgimento delle belle arti fin presso al fine del XVIII secolo, 3e éd., Bassano, 1809, éd. cons. Histoire de la peinture en Italie depuis la renaissance des beaux-arts jusque vers la fin du XVIIIe siècle, Paris, 1824, II, p. 248-249 ; voir la fortune critique. 10. F. Baldinucci, Notizie de’ professori del disegno da Cimabue in qua. Secolo V., dal 1610, al 1670, distinto in decennali. Opera postuma di Filippo Baldinucci fiorentino accademico della Crusca, Florence, 1728, p. 422. 11. G. Blondeau, 1914, op. cit., p. 118 ; voir la fortune critique. 12. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 422.

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l’artiste parvenait à rendre, son « style mâle »13, ses couleurs, pour leur force14, leur

éclat et leur fraîcheur15, et aussi la rapidité de sa touche, si bien que ses tableaux

faisaient « plus d’effet de loin que de près »16. Filippo Baldinucci évoqua également

son mode opératoire, travail alla prima rapide et enlevé mais au bout du compte

parfaitement réalisé, sans qu’il lui fût besoin d’esquisses ou de dessins

préparatoires17.

Mais, tout en reconnaissant l’apport décisif de Courtois dans l’évolution moderne

du genre18, était aussi évoqué le côté traditionaliste et conservateur de sa manière, qui

rapprochait sa production de la peinture de la fin du XVIe siècle19, faisant se côtoyer

dans ses œuvres traits novateurs et passéistes.

Les appréciations les moins élogieuses furent françaises, émanant tout d’abord de

Claude-Henri Watelet et Pierre–Charles Lévesque, à la fin du XVIIIe siècle, qui

regrettaient que dans ces peintures de bataille la « fougue pittoresque (ne se fasse)

qu’aux dépens des formes, du trait & de la vérité »20. Si les deux auteurs relevaient

tout de même quelques qualités dans la production de notre artiste, au siècle suivant,

Charles Blanc se posa comme le plus sévère critique de l’œuvre de Jacques Courtois,

n’y remarquant que défauts, jugeant sa peinture maniériste, décadente, répétitive,

pleine de poncifs, caractérisée par des compositions monotones et confuses, et une

touche lourde21. Ces critiques négatives, qui dénotent parmi les louanges

habituellement entendues, témoignaient de l’existence d’avis divers. Elles nous

incitèrent à étudier minutieusement les peintures de l’artiste en nous demandant ce

qui dans son œuvre avait pu orienter le jugement des auteurs précédents, et si

finalement il ne contenait pas aussi une part de vérité.

13. A. J. Dezallier d’Argenville, Abrégé de la vie des plus fameux peintres avec leur portrait gravé en taille douce…, Paris, 1745-1752, éd. cons. Paris, 1762, IV, p. 151 ; voir la fortune critique. 14. P. A. Orlandi, Abecedario pittorico, Bologne, 1704, éd. cons., éd. augmentée, Venise, 1753, p. 404. 15. A. J. Dezallier d’Argenville, 1745-1752, éd. cons. 1762, IV, op. cit., p. 151 ; voir la fortune critique. 16. L. Lanzi, éd. cons. éd. fr. 1824, II, op. cit., p. 249 ; voir la fortune critique. 17. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 422. 18. G. Sestieri, Pittori di battaglie, maestri italiani e stranieri del 17. e 18. secolo, Rome, 1999, p. 154. 19. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 130 ; E. Holt, 1969, op. cit., p. 221. 20. C.-H. Watelet, P.-C. Lévesque, Dictionnaire des arts de peinture, sculpture et gravure, 5 vol., Paris, 1792, I, p. 188. 21. C. Blanc, Histoire des peintres de toutes les écoles. École française, Paris, 1865, vol. I, notice « Jacques Courtois, dit le Bourguignon ».

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Nous avons, pour notre part, choisi de traiter de l’artiste et de son travail en

proposant tout d’abord une biographie critique, tenant absolument à « reconstruire le

peintre selon l’histoire »22, à l’appui des documents, « références positives »23

indispensables. Suivent une analyse de son œuvre et un premier catalogue raisonné

des peintures de Jacques Courtois, dont nous rapprochons ses dessins, mais aussi

copies et reprises non autographes.

Très progressivement, Jacques Courtois s’est dévoilé, sortant des brumes de

l’Histoire et s’extrayant de sa légende : homme du XVII e siècle ayant définitivement

choisi l’Italie, à la fois chrétien zélé et artiste renommé, à l’œuvre riche et varié, une

image bien différente de celle transmise par les siècles passés.

22. J. Thuillier, introduction (n.p.) de l’ouvrage de J. Bousquet, Recherches sur le séjour des peintres français à Rome au XVIIe siècle, Montpellier, 1980. 23. Id. : « Durant quelque cinquante ans, l’historien d’art laisse à l’archiviste de métier le soin de fouiller ses fonds : oubliant trop aisément qu’on ne trouve que ce qu’on cherche. […] Certes, le document seul n’est pas plus satisfaisant ; il n’est que la référence positive, et l’histoire de l’art commence au-delà. Pour elle, la quête du document est affaire de pure intendance ; mais vouloir se passer de l’intendance, c’est jouer au pur esprit ».

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Jacques Courtois (1621-1676)

Biographie critique

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Biographie critique

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Les biographies de Jacques Courtois, écrites à l’aune de sa renommée artistique,

parties des « Vies d’artistes », furent tout d’abord nombreuses, à la fin du XVIIe

siècle et dans la première moitié du XVIIIe siècle24, avant de se raréfier et de n’être

souvent par la suite que de pâles reprises des plus anciennes. En 1909, la publication

d’une cinquantaine de lettres de l’artiste25, puis la parution en 1937 de l’ouvrage de

Francesco Alberto Salvagnini, I pittori Borgognoni Cortese (Courtois), e la loro

casa in piazza di Spagna26, apportèrent des informations inédites sur le personnage et

sur son existence. Cet ensemble composait la base documentaire de départ.

Notre biographie critique prend tout d’abord appui sur ces écrits et les documents

d’archives déjà publiés, que nous avons vérifiés afin d’être en mesure de confirmer,

ou au besoin d’infirmer, les allégations antérieures. Nous partîmes également en

quête d’éléments nouveaux, ambitionnant de donner de Jacques Courtois une image

plus complète et nous l’espérons, plus juste. Celle qui fut présentée par les

biographes de l’artiste pendant plus de trois siècles varia peu, nous donnant le plus

souvent à voir un peintre de batailles au tempérament fougueux, voire ombrageux, ou

encore, un être mélancolique et déprimé, qui finit par fuir le monde, se retirant chez

les Jésuites.

L’ouvrage d’Émile Mâle, L’art religieux après le concile de Trente27 et les

séminaires de Bernard Dompnier, consacrés à l’histoire du culte et des dévotions à

l’époque moderne28, nous incitèrent à envisager une approche différente du sujet

prenant en compte le facteur religieux, qui paraissait incontournable dans l’étude de

Jacques Courtois et de son œuvre. La vision que nous avions de l’homme et du

peintre nous semblait ainsi moins détonner, et les éléments biographiques s’ordonner

24. P. A. Orlandi, 1704, éd. cons., 1753, op. cit., p. 404 ; N. Pio, ms. de 1724, éd. cons. 1977, op. cit., p. 52-53 ; F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 417-426 ; L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 112-121 ; A. J. Dezallier d’Argenville, 1745-1752, éd. cons. 1762, IV, op. cit., p. 150-154. 25. G. Locatelli, « Per la biografia di Giacomo Cortesi (Courtois) detto il Borgognone delle Battaglie », Bollettino della Civica Biblioteca di Bergamo, no 2-3, 1909, p. 1-21. 26. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit. 27. É. Mâle, L’art religieux après le concile de Trente : étude sur l’iconographie de la fin du XVIe siècle, du XVIIe et du XVIIIe : Italie, France, Espagne, Flandres, Paris, 1932, éd. cons., L’art religieux du XVIIe siècle – Italie, France, Espagne, Flandres, Paris, 1984. 28. Bernard Dompnier est professeur d’histoire moderne à l’université Clermont-Ferrand II. La possibilité d’assister aux cours d’histoire du christianisme et aux séances dédiées à l’histoire du culte et des dévotions à l’époque moderne, proposés par B. Dompnier - que je remercie sincèrement pour ses programmes et intervenants de grande qualité -, a participé de nous mettre sur la piste de Jacques Courtois, homme dévot.

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Biographie critique

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de manière plus cohérente : les origines franc-comtoises, la période militaire à Milan

au service des Habsbourg d’Espagne, son activité artistique, à l’instar du Lorrain

Jacques Callot, uniquement « dans des pays fortement marqués par l’esprit de la

Réforme catholique »29, et enfin son engagement des vingt dernières années, à Rome,

au sein de la Compagnie de Jésus. La lecture attentive des lettres de l’artiste30, dans

lesquelles transparaissent l’homme intérieur, sa foi et ses dévotions, sembla conforter

cette option. Certes, ce n’était pas la seule orientation possible pour appréhender

Jacques Courtois, mais celle qui nous parut être une des clefs du personnage.

Le fil conducteur de nos recherches biographiques fut donc les notices anciennes

dédiées à l’artiste – malgré quelques erreurs, celles rédigées par Filippo Baldinucci31

et Lione Pascoli32 se sont avérées globalement les plus exactes -, ainsi que l’ouvrage

de Salvagnini, plus récent33. Ces biographies étaient toutes trois dignes d’intérêt, mais

cependant pour des raisons différentes. Filippo Baldinucci, contemporain des faits,

affirmait avoir rencontré Jacques Courtois à Florence au milieu des années 1670, et

avoir recueilli un témoignage de la bouche même de l’artiste34. Lione Pascoli, qui au

début du XVIIIe siècle était encore assez proche des faits réels, proposa dans sa

notice des variantes intéressantes par rapport au récit de Baldinucci ; elles

constituèrent donc des pistes de recherche supplémentaires. Quant à Francesco

Alberto Salvagnini, ses investigations, dans les archives suisses de Fribourg, ainsi

qu’à l’Archivio di Stato de Florence lui permirent de collecter des informations de

première main.

Les notices biographiques de Baldinucci et de Pascoli orientèrent donc notre

recherche de nouvelles pièces d’archives. Quant aux documents de Salvagnini, nous

les vérifiâmes physiquement à la source, et poursuivîmes son enquête dans les fonds

d’archives de Fribourg et Florence. Enfin, nous menâmes d’autres recherches à

Besançon, et surtout à Rome. Il apparaissait en effet que la carrière de Jacques

29. R. Taveneaux, « Jacques Callot, témoin de la Réforme catholique », Études sur Jacques Callot, Le Pays Lorrain, 1968, n° 3, p. 102. 30. G. Locatelli, 1909, op. cit. 31. F. Baldinucci, 1728, op. cit. 32. L. Pascoli, 1730, I, op. cit. 33. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit. 34. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 425 : « […] ebbi io comodità di più volte abboccarmi con esso, e ritrar dalla viva voce di lui (che tanto gli fu da’ suoi superiori ordinato) tutte le notizie, che fin quì ho scritto. »

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Biographie critique

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Courtois avait été essentiellement romaine, pouvant être divisée en deux longs

séjours dans la Ville Éternelle, bien distincts, et si différents, que nous évoquons les

deux vies romaines de l’artiste35. Ces deux périodes furent scindées par une césure

assez nette, plusieurs années au cours desquelles Courtois séjourna en Toscane puis

voyagea longuement. Le premier séjour romain, une décennie allant de 1640 à

l’année jubilaire 1650, est celui du début de carrière. Courtois est alors un jeune

artiste parmi d’autres dans la Rome cosmopolite du XVII e siècle. La deuxième

période, plus longue, de 1657 à sa mort en 1676, soit près de vingt ans est celle des

années de maturité. Elle correspond aussi, exactement, à l’engagement religieux de

l’artiste qui, à la fin de l’année 1657, intégra la Compagnie de Jésus.

Si la période intermédiaire entre ces deux vies romaines de Courtois est bien

connue, particulièrement les séjours toscans de 1652-53 et de 1656-57, ainsi que ses

relations avec la famille Médicis, grâce aux travaux de Marco Chiarini36 et de Stella

Rudolph37, en revanche, il apparaissait que la vie de Courtois à Rome, soit près de

trente ans sur les trente-six que compta sa carrière, n’était quant à elle que très

partiellement documentée. Nous lui consacrâmes une bonne part de nos recherches.

Les pièces d’archives déjà mises au jour et celles que nous avons pu découvrir

depuis, ainsi que les lettres de Courtois étudiées en détail, furent de riches sources

d’informations qui, mises bout à bout, permirent de reconstruire l’homme et son

parcours.

35. N. Lallemand-Buyssens, « Rome ou les deux vies de Jacques Courtois », Actes de la VIIe journée d’études des Historiens de l’Art italien, Paris, INHA, 13 novembre 2009, Bulletin de l’Association des Historiens de l’Art italien, no 17, à paraître. 36. M. Chiarini, « I quadri della collezione del Principe Ferdinando di Toscana », Paragone, 1975, no 301, p. 57-98 et no 303, p. 75-108 ; cat. expo. Florence, 1989, Battaglie dipinti dal XVII al XIX secolo delle Gallerie fiorentine. 37. S. Rudolph, « A Medici General, Prince Mattias, and his Battle-painter il Borgognone », Studi Secenteschi, no 13, 1972-1973, p. 183-201.

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Biographie critique

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Les années de jeunesse : 1621-1640

Le Bourguignon, « il Borgognone »

Jacques Courtois, Giacomo Cortese en Italie, fut aussi appelé le Bourguignon, il

Borgognone, dénomination parfois accolée à son nom38 mais aussi souvent employée

seule. Il était alors fréquent qu’un individu soit gratifié d’un surnom évoquant ses

région ou ville d’origine, une caractéristique physique marquante, souvent un défaut,

voire un handicap, ou bien encore sa filiation ou le nom de son maître. Le surnom de

Courtois avait pour origine la province qui l’avait vu naître39, le comté de Bourgogne,

appelé aussi Haute-Bourgogne ou Franche-Comté de Bourgogne, et dont les

habitants étaient alors dits Bourguignons, plus rarement Comtois40. Si celui-ci

marquait un consensus quant à la patrie de l’artiste et n’entraînait pas de confusion

dans l’esprit des hommes du XVIIe siècle, il fut ensuite fréquemment source

d’erreurs, le comté de Bourgogne étant assimilé à l’ancien duché de Bourgogne41, ou

encore à la plus récente région administrative française. Ainsi, Francis Haskell

écrivit : « […] Courtois – ou Giacomo Borgognone, comme l’appelaient les Italiens

– avait quitté Dijon dès l’âge de quinze ans pour venir en Italie […] »42.

Nous notions également que, pour d’autres, Jacques Courtois était français, ce qui

historiquement est tout aussi inexact ; le comté de Bourgogne, possession des

Habsbourg depuis 1493, n’étant définitivement rattaché au royaume de France qu’en

167843. Bien que ce territoire, dont la population était francophone44, ait été un fief

d’Empire, l’étendue et la dispersion géographique des possessions impériales,

faisaient de la petite Comté une terre isolée, mais sans qu’elle bénéficiât pour autant

38. Jacques Courtois dit le Bourguignon, Giacomo Cortese detto il Borgognone en italien. 39. L. Lanzi, éd. cons. éd. fr. 1824, II, op. cit., p. 248 : « Le père Jacopo Cortese, jésuite, surnommé le Borgognone, à cause de son pays natal […] ». 40. P. Delsalle, La Franche-Comté au temps de Charles Quint, Besançon, 2000, éd. cons. Besançon, 2001, p. 9. 41. Le comté de Bourgogne est alors un domaine totalement indépendant de l’ancien duché de Bourgogne, qui lui fait partie du royaume de France depuis 1477. 42. F. Haskell, Patrons and Painters : a Study in the Relations between Italian Art and Society in the Age of the Baroque, Londres, 1963, éd. cons. Mécènes et peintres : l’art et la société au temps du baroque italien, [Paris], 1991, p. 154. 43. Le comté de Bourgogne sera rattaché à la France, de manière définitive, en 1678 (traité de Nimègue) ; donc après la mort de Jacques Courtois qui décéda en 1676. 44. Jacques Courtois s’exprimait donc en français.

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Biographie critique

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d’une véritable autonomie45. La situation géographique de ce territoire et ses

caractéristiques expliquent l’intérêt de son puissant voisin le roi de France et ses

tentatives de conquête46.

Jacques Courtois ne fut donc jamais français, ni bourguignon au sens actuel du

terme, mais franc-comtois. Dans l’Italie du XVIIe siècle, sans équivoque, le terme

Borgognoni désignait les Francs-Comtois ; les « voisins du duché de Bourgogne,

depuis leur annexion à la France, avaient cessé d’être réputés Bourguignons à

l’étranger : ils y étaient devenus des Français »47.

Naissance de Jacques Courtois

Comme pour sa région d’origine, la ville de naissance de l’artiste, Saint-

Hippolyte48, ne fut pas non plus source de désaccords. Les premières divergences

apparurent au sujet de la date de sa venue au monde. Déjà les biographes anciens

étaient partagés : Filippo Baldinucci le disait né vers 162149, Nicolà Pio en 162250,

enfin Lione Pascoli, le plus précis, communiquait la date du 12 février 162151.

Les biographies postérieures, reprenant cette dernière, s’inspirèrent donc

vraisemblablement de Pascoli, pour les plus anciennes. Les notices plus récentes

semblent, quant à elles, avoir tiré leurs informations des dictionnaires d’artistes

francs-comtois écrits à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle52. Celui de

Jules Gauthier, archiviste du Doubs, fut publié en 189253, et le second, rédigé par

45. R. Fiétier (dir.), Histoire de la Franche-Comté, Toulouse, 1977, p. 205-215 ; J.-F. Solnon, Quand la Franche-Comté était espagnole, Paris, 1983, p. 11 et P. Delsalle, 2000, éd. cons. 2001, op. cit., p. 8-16. 46. P. Delsalle, 2000, éd. cons. 2001, op. cit., p. 9. 47. A. Castan, La confrérie, l’église et l’hôpital de Saint-Claude des Bourguignons de la Franche-Comté à Rome, Paris, 1881, p. 13. 48. Petite cité de l’actuel département du Doubs, située à quelques kilomètres de la frontière Suisse. 49. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 418 : « […] circa al 1621, nella città di Sant’Ipolito in Borgogna della Franca Contea, nacque il nostro Jacopo […] ». 50. N. Pio, ms. de 1724, éd. cons. 1977, op. cit., p. 52. 51. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 113 : « Nacque egli a’ 12. di febbrajo 1621 in S. Ipolito Terra non molto grande della diocesi di Besanson nella Francacontea […] ». 52. Nous y notons des erreurs identiques. Par exemple, le prénom du père de Jacques Courtois, ou encore la date de naissance erronée de Guillaume. 53. J. Gauthier, Dictionnaire des artistes francs-comtois antérieurs au XIXe siècle, Besançon, 1892, p. 7.

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Biographie critique

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l’abbé Paul Brune, conservateur des Antiquités et Objets d’Art du Jura, en 191254.

Les fonctions des deux auteurs laissaient supposer qu’ils avaient eu accès aux

archives franc-comtoises, donc que cette date du 12 février 1621 était exacte. Elle

devait cependant plus justement correspondre à la date de baptême de Courtois55,

puisque dans les archives comtoises, seul le registre des baptêmes de Saint-Hippolyte

est en mesure de fournir le renseignement. Cependant, comme le document original

est aujourd’hui manquant56, que J. Gauthier et P. Brune sont parfois très imprécis, et

surtout commettent des erreurs au sujet de certains des membres de la famille

Courtois – par exemple, à propos de l’année de naissance de Guillaume Courtois57, le

frère de Jacques -, la plus grande circonspection s’imposait. Il est possible que ces

deux auteurs aient, eux aussi, repris l’information de Lione Pascoli. Aujourd’hui, en

l’absence de la pièce d’archive, nous ne pouvons pas confirmer que Courtois est né,

ou a été baptisé, le 12 février 1621.

La date de 1622 donnée par Nicolà Pio, reprise par Antonio Bertolotti58 - qui

travailla probablement avec le manuscrit du premier, ouvrage qu’il connaissait59 -,

pourrait avoir été lue dans les catalogues triennaux jésuites60. En effet, en 1658, dans

le primus catalogus nous lisons pour Jacques Courtois : « Natus Mense Februarij

54. P. Brune, Dictionnaire des artistes et ouvriers d’art de la France par provinces. Franche-Comté, 1912, éd. cons. Bourg-en-Bresse, 1992, p. 72-74. Il est probable que déjà Paul Brune s’inspira, en partie, du catalogue de Jules Gauthier ; il en réitère les erreurs. 55. La date de naissance devait être proche puisque les enfants étaient, à cette époque, baptisés peu de temps après avoir vu le jour. 56. Les archives de Saint-Hippolyte sont déposées aux Archives départementales du Doubs, à Besançon (désormais noté A.D.D). Le registre des baptêmes de Saint-Hippolyte, État civil de Saint-Hippolyte, registre paroissial 1570-1681 (mi. R. 924) est fractionné mais apparaît globalement assez complet. 57. J. Gauthier, 1892, op. cit., p. 7 et P. Brune, 1912, éd. cons. 1992, op. cit., p. 72, donnent la date de 1628 mais Guillaume Courtois fut baptisé le 20 janvier 1626 (A.D.D., Saint-Hippolyte. Baptêmes 1621-1681, p. 29) ; voir le document dans notre chronologie raisonnée à cette date. 58. A. Bertolotti, Artisti francesi in Roma nei secoli XV, XVI, XVII, Mantoue, 1886, p. 126 : « Giacomo Courtois, detto il Borgognone, nato nel 1622 a San Ippolito nella Franca Contea […]. 59. Ibid., p. 111 : « […] Avverto che nella biblioteca vaticana vi è la sua biografia manoscritta, lavoro di Nicola Pio del 1724, il quale raccolse molte notizie di 225 artisti, fra cui N. Poussin, Giacomo e Guglielmo Courtois […] ». 60. Les catalogues triennaux sont établis par province, et par maison. Le primus catalogus propose une liste des pères et frères jésuites avec des informations concernant leurs origines, âge, entrée dans la Compagnie de Jésus, statut et grade au sein de l’ordre. Le secundus catalogus, particulièrement intéressant, donne pour chaque membre un commentaire, une appréciation quant à leur état d’esprit et leurs aptitudes.

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Biographie critique

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1622 »61. En revanche, Pio n’aurait pas eu connaissance des listes de 1665, dans

lesquelles il apparaît que Jacques serait né le « 4 febr : 1621 »62.

Si un autre jour est renseigné ici, le 4, nous avons de nouveau la mention du mois

de février 1621, comme chez Pascoli, ce qui pourrait confirmer le mois et l’année de

naissance, à défaut du jour exact. L’étude des registres curiaux de Saint-Hippolyte

permet, malgré l’absence du document précis, de raisonnablement penser que

Jacques Courtois a bien été baptisé en février 1621, puisque nous ne le trouvons pas

les autres mois de cette même année – et pas non plus en 1622, année figurant en

totalité63. Le mois de février 1621, manquant presque complètement, est précisément

une des lacunes du registre des baptêmes, qui semble par ailleurs plutôt complet, à

l’exception de quelques années de la fin du XVIe siècle64. La mention ancienne, et

précise, de Lione Pascoli, fait supposer qu’il détenait une information de première

main, dont nous ne connaissons malheureusement pas l’origine et que nous ne

pouvons donc pas complètement confirmer. Néanmoins, en recoupant tous ces

éléments, il semblerait que Jacques Courtois soit effectivement né en février 1621.

Les Courtois : une famille de peintres

En 1937, Francesco Alberto Salvagnini, s’il n’abordait pas la naissance de

l’artiste, passant rapidement au départ du jeune Jacques, brossait cependant un

premier tableau de sa famille. Les archives de Saint-Hippolyte, qui ne furent pas

consultées par l’auteur, permettent de préciser plusieurs éléments la concernant et au

final d’en compléter la généalogie65.

61. Archivum Romanum Societatis Iesu (désormais noté A.R.S.I.), Rom. 60. Romana Cat. Trien. 1655-1658, f. 160v. ; voir le document dans notre chronologie raisonnée, à l’année 1658. 62. A.R.S.I., Rom. 61. Romana Cat. Trien. 1661-1665, f. 168 ; voir le document dans la chronologie raisonnée, à l’année 1665. Jacques Courtois ne figure pas dans les catalogues de 1669-1672 (A.R.S.I., Rom. 62), ni en 1675 (A.R.S.I., Rom. 63) ; il habite alors à la maison professe du Gesù, dont les résidents ne sont pas listés dans ces registres, pour ces années. 63. Nous ne le trouvons pas aucune des autres années, de 1604 à 1681. 64. Le document est vraisemblablement manquant depuis plusieurs décennies puisqu’au début des années 1980, J.-M. Thiébaud constata aussi cette lacune. Il écrit dans son livre Officiers seigneuriaux et anciennes familles de Franche-Comté, Lons-le-Saunier, 1981, p. 284 : « Jacques Courtois est né à Sant-Hippolyte (Doubs) le 12 février 1621, s’il faut en croire ses biographes, car la page correspondant à la date de naissance n’existe plus dans les registres paroissiaux conservés aux archives du Doubs. […] ». Le registre apparaît effectivement amputé de ce mois de février 1621. Les mois de janvier et mars 1621, quant à eux, y figurent bien. 65. F. A. Salvagnini, le premier, proposa un arbre généalogique de la famille Courtois (1937, op. cit., p. 206). Nous y avions déjà apporté des modifications en 2006 (N. Lallemand-Buyssens, Jacques Courtois (1621-1676), peintre de batailles. Sa vie et son œuvre. Ses peintures de batailles dans les

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Le père de Jacques se prénommait Jean. Fils du peintre Louis Courtois, il fut

baptisé le 3 septembre 159066. Dans les registres curiaux, en latin, il est toujours

mentionné comme Joannis Courtois, donc Jean, et jamais Pierre ou Jean-Pierre, ainsi

qu’il figure souvent, de manière inexacte, dans les notices biographiques67. F. A.

Salvagnini l’appelle Jean-Pierre car, d’une part, il a remarqué que Jules Gauthier et

l’abbé Brune le prénomment Pierre68, que la notice nécrologique de sa fille, Anne, la

présente comme la « fille du sieur Pierre Courtois »69, mais cependant que l’acte de

décès de Guillaume Courtois, mort à Rome le 15 juin 1679, le dit fils de Jean70.

Salvagnini prit donc le parti d’associer les deux prénoms, considérant que leur père

devait se prénommer Jean-Pierre71, ceci expliquant l’emploi de l’un ou de l’autre

prénom72.

À plusieurs reprises, Jean Courtois figure dans les registres curiaux comme

« pictorius »73. Élu maître-bourgeois en 1616 et 162974, il fut l’époux de Philippe

Chénier, que Salvagnini prénommait Felipa et qui, selon lui, était espagnole. Le père

de Jacques aurait fait sa connaissance alors qu’il travaillait en Espagne. Salvagnini le

rapproche en effet d’un Jean Courtois qui était au service de la reine Marie-Anne

d’Autriche, seconde femme de Philippe IV, en janvier 1633. L’auteur ne citant pas

ses sources75, il ne fut pas possible de vérifier ce point, et il n’est donc pas certain

collections publiques françaises, mémoire de Master Recherche inédit, université Clermont-Ferrand II, 2006, I, p. 181). Nous avons complété ce travail et le présentons en annexe. 66. A.D.D., Saint-Hippolyte. Baptêmes 1570-1616, p. 153. 67. E. Bénézit, Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays…, éd. cons. Paris, 1999, IV, p. 29 ; Allgemeines Künstler-Lexikon. Die Bildenden Künstler aller Zeiten und Völker, München-Leipzig, 1999, XXI, p. 600. 68. J. Gauthier, 1892, op. cit., p. 7 et P. Brune, 1912, éd. cons. 1992, op. cit., p. 72. 69. Document présenté dans notre chronologie raisonnée, à la date du 10 décembre 1690. 70. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 36. 71. Id. : « Nessun dubbio quindi che il padre dei tre Courtois si chiamasse Jean Pierre […] ». 72. Dans les documents étudiés, que ce soit dans les archives franc-comtoises ou dans les archives romaines, nous trouvons Jean/Joannis Courtois, pas une fois Pierre ou Jean Pierre. 73. Sur l’acte de baptême de sa fille Claude en 1614, magistri Jean Courtois est dit pictorius (A.D.D., Saint-Hippolyte. Baptêmes 1604-1616, p. 234), ainsi qu’en 1623, lors du baptême d’Henriette (A.D.D., Saint-Hippolyte. Baptêmes 1621-1681, p. 13). 74. J.-M. Thiébaud, 1981, op. cit., p. 288. Concernant l’élection et les fonctions des maîtres-bourgeois, voir, du même auteur, « Saint-Hippolyte », Dictionnaire des communes du département du Doubs, Besançon, 1986, p. 2855. Les maîtres-bourgeois étaient chargés de l’administration, de la police et de la sureté de la ville et avaient des fonctions juridiques, pour lesquelles ils étaient assistés par un procureur-syndic et un greffier. Leur revenait également la tâche d’admettre les nouveaux bourgeois. 75. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 53 : « […] si aggiunge l’altra importante notizia che viene per la prima volta alla luce : il nome della madre dei tre artisti, Filippa Sinieri. Poichè Filippa (Felipa) è nome tipicamente spagnuolo, e poichè sappiamo che Jean Pierre Courtois lavorò al servizio di Anna Maria d’Austria, seconda moglie di Filippo IV di Spagna allora sovrano della Borgogna e Franca Contea, si può arrischiare l’ipotesi che egli abbia sposato una spagnuola conosciuta alla corte di quella Regina. »

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qu’il s’agisse bien de la même personne. Quoi qu’il en soit, la mère de Jacques

n’était pas espagnole. Elle est prénommée Philippa – jamais Felipa - dans les

registres curiaux, c’est-à-dire Philippe en latin - à l’époque un prénom porté

également par les filles. De plus, la famille Chénier était installée à Saint-Hippolyte

depuis plusieurs générations76.

De cette union naquirent au moins sept enfants. Demeure dans les archives la

trace du baptême de cinq filles et d’un garçon77 : Thiennette (baptisée le 7 octobre

1611)78, Claude, une fille (le 20 février 1614)79, Jeanne (le 27 mars 1616)80, Henriette

(le 29 septembre 1623)81, Guillaume (le 20 janvier 1626)82 et Anne (le 3 mai 1631)83.

Jacques, né en 1621, aurait donc été le quatrième enfant et l’aîné des fils.

Les Courtois appartenaient à une famille de peintres, à une époque où les lignées

d’artistes n’avaient rien d’inhabituel, les fils exerçant souvent le métier de leur père,

qui leur enseignait les bases du métier, leur assurant une première formation. Il faut

également tenir compte d’un accès à la maîtrise facilité pour les fils de maître, dans

des métiers aux règles corporatives contraignantes.

À la fin du XVIe siècle, Louis Courtois, le grand-père de notre artiste, était l’un

des trois peintres connus à Saint-Hippolyte, aux côtés de Simon Blampignon et de

Pierre Subtil. Blampignon descendait d’une famille de peintres troyens ayant

travaillé avec le Primatice à Fontainebleau ; les deux autres, Subtil et Courtois,

étaient de souche locale84.

Peu de documents permettent de se représenter la vie artistique de l’époque à

Saint-Hippolyte et l’organisation du corps de métier des peintres dans la petite cité

comtoise. Néanmoins, les recherches de Christian Jouffroy dédiées aux artistes et

76. J.-M. Thiébaud, 1981, op. cit., p. 15 : « Toute différente était la situation des officiers de la terre dont les familles vivaient dans les mêmes seigneuries depuis plusieurs générations, voire plusieurs siècles (comme les Chénier à Saint-Hippolyte) ». L’auteur évoque plusieurs Chénier, chanoines de la collégiale de Saint-Hippolyte, ainsi que des notaires et aussi Jean Chénier, grand maire de la seigneurie en 1632. Ce dernier était le frère de Philippe, la femme de Jean Courtois (Ibid., p. 288). 77. Rappelons que nous n’avons pas retrouvé celui de Jacques. 78. A.D.D., Saint-Hippolyte. Baptêmes 1604-1616, p. 225. 79. Ibid., p. 234. 80. Ibid., p. 244. 81. A.D.D., Saint-Hippolyte. Baptêmes 1621-1681, p. 13. 82. Ibid., p. 29 ; document dans notre chronologie raisonnée, à la date du 20 janvier 1626. 83. Ibid., p. 53. 84. C. Jouffroy, « Artistes et artisans peintres dans l’ancien comté de Montbéliard, XVIe-XVII e siècles », Société d’Émulation de Montbéliard. Bulletin et mémoires, no 109, 1986, p. 293. Louis Courtois est mentionné dans les registres paroissiaux dès 1585.

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artisans peintres du comté de Montbéliard de cette époque, évoquant notamment

leurs relations avec ceux de Saint-Hippolyte85, fournissent quelques informations qui

en donnent une image plus nette. Les deux villes étaient géographiquement proches,

distantes seulement d’une vingtaine de kilomètres. Malgré les différences

confessionnelles entre le Montbéliard luthérien et le Saint-Hippolyte catholique,

certains de leurs habitants entretinrent des liens commerciaux et professionnels,

parfois amicaux. Christian Jouffroy évoque notamment l’amitié de Simon

Blampignon et de Jean Marchant, riche peintre-mercier de Montbéliard86. Le premier

s’approvisionnait en couleurs auprès du second87 et après la mort de son père, le fils

de Marchant, en fin d’apprentissage, se rendit auprès de Blampignon, à Saint-

Hippolyte, sans doute pour prendre conseil avant d’entreprendre son voyage de

perfectionnement88.

Selon Christian Jouffroy, Simon Blampignon aurait été à l’origine de l’essor

artistique que connut Saint-Hippolyte dans la deuxième moitié du XVIe siècle.

Blampignon, protestant originaire de Troyes, s’était réfugié à Montbéliard, où il fut

reçu maître-peintre en 157389. Mais l’année suivante, il s’installait à Saint-Hippolyte

et épousait Jeanne Buessard, Franc-Comtoise de Trévillers90, s’étant tout d’abord

converti au catholicisme. Jouffroy évoque l’arrivée de Blampignon en ces termes :

« Il est évident qu’il apporte un sang neuf, des idées nouvelles et surtout un bagage

artistique solide. Nul doute aussi, en l’absence de renseignements concrets sur Louis

Courtois, qu’il est à l’origine de l’essor artistique de la ville, comme ses confrères et

compatriotes le seront à Montbéliard. »91

Si l’expérience professionnelle de Blampignon et ses anciennes relations

intervinrent très certainement dans le développement du milieu artistique de Saint-

85. Ibid., p. 205-302. 86. Ibid., p. 293 : « Il est utile, sinon nécessaire de rapprocher et comparer le phénomène pictural montbéliardais et celui de la petite ville proche, mais franc-comtoise et catholique de saint-Hippolyte. L’une et l’autre, malgré le différend religieux et politique, subiront les mêmes secousses artistiques, aux mêmes dates (ou peu s’en faut) et avec des effets identiques. » 87. Il en fut probablement de même pour les autres peintres de Saint-Hippolyte qui durent profiter de cette relation de Blampignon à Montbéliard. Ibid., p. 221 : « Aussi Jean Marchant devient-il le premier négociant de couleurs de la contrée, et peu à peu il étend son commerce sur toute une province. Non seulement il approvisionne ses confrères locaux, mais aussi ceux de Besançon comme Richard Barroz, ou Grégoire, marchand-libraire de Belfort. Simon Blampignon de Saint-Hippolyte est aussi un fidèle client. » 88. Ibid., p. 229. 89. Ibid., p. 295. Simon Blampignon est cité à Troyes en 1563-64 et en 1571. 90. Id. 91. C. Jouffroy, 1986, op. cit., p. 293.

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Hippolyte dans le dernier quart du XVIe siècle92, il n’en fut cependant pas à l’origine.

Malgré tout le talent du peintre, cet essor n’aurait en effet pas eu lieu s’il n’y avait eu

simultanément une forte demande d’œuvres d’art, de nombreuses commandes, qui

allaient amorcer et faire perdurer cette dynamique artistique, et ce suffisamment

longtemps pour assurer du travail à près de trois générations d’artistes, de 1575 à

1635.

Il semble également difficile d’expliquer la constitution de plusieurs dynasties de

peintres dans le dernier quart du XVIe siècle, par l’existence d’un marché seulement

local. Saint-Hippolyte était une bourgade de six cents âmes, dans une zone rurale

isolée et dans une province, la Comté, qui ne comptait aucune riche bourgeoisie mais

uniquement une petite noblesse terrienne ; l’abbé Fleury d’écrire : « ni prince, ni

bourgeoisie puissante. Point d’argent, c’est-à-dire, point d’art local »93 ; ce qui n’est

qu’en partie exact car il faut ici absolument prendre en compte le contexte religieux,

et aussi envisager que ces artistes ne furent pas tous sédentaires.

En 1525, les idées de la Réforme commencèrent à se diffuser en Comté, et des

luthériens furent signalés un peu partout dans le diocèse94. Si le mouvement

protestant fut un succès dans le comté de Montbéliard, le comté de Bourgogne résista

à la pression des pays réformés qui l’entouraient95. Les abus du clergé comtois

n’étaient pas moindres qu’ailleurs, une réforme pas moins nécessaire et la tentation

protestante ne fut pas rejetée sans mal. Les décrets du concile de Trente furent

publiés en 1571, par Claude de la Baume. Ce dernier, tout d’abord archevêque laïc,

et marié, s’était montré peu pressé d’entériner des règles qui le concerneraient au tout

premier chef96. Il fallut finalement attendre le renforcement de la centralisation

92. On peut s’interroger sur les motifs qui poussèrent Blampignon à se convertir au catholicisme et à s’installer à Saint-Hippolyte, lui un protestant qui peu de temps auparavant avait quitté Troyes pour se réfugier à Montbéliard, et ce afin d’échapper aux persécutions religieuses et ne pas avoir à abjurer sa foi. Conversion sincère, par amour pour une Comtoise catholique (les mariages entre personnes de confession différente n’étant alors pas tolérés en Comté), ou par intérêt professionnel pour s’installer sur un marché porteur, celui des peintures religieuses ? 93. M. Ferry, Vierges comtoises, le culte et les images de la Vierge en Franche-Comté, en particulier dans le diocèse de Besançon, Besançon, 1946, p. 94. 94. M. Rey (dir.), Les diocèses de Besançon et de Saint-Claude, Paris, 1977, p. 100-101. 95. Le comté de Montbéliard et Bâle, au nord ; le canton de Neuchâtel et celui de Vaud à l’est, ces deux derniers adoptant la religion réformée, respectivement en 1530 et en 1536. 96. Il n’avait fallu pas moins que l’intervention de Pie V, trois années de résidence à Rome, la pression de Philippe II et la venue en Comté du père jésuite Possevin, envoyé par un pape très méfiant, pour faire entendre raison à l’archevêque récalcitrant. Voir L. Fèbvre, Philippe II et la Franche-Comté, Paris, 1970, p. 357-367.

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monarchique décidée par Philippe II, entraînant en Comté une réforme des

institutions et de l’Église, pour étouffer définitivement la Réforme protestante97.

Après la publication des décrets conciliaires, même si les mesures préconisées à

Trente ne se mirent en place que très progressivement dans la province, la rénovation

catholique était en marche. Les cinquante années d’épiscopat de Ferdinand de Rye98,

de 1586 à 1636, dans un diocèse « encerclé par l’hérésie » comme il le clamait lui-

même99, allaient voir progresser la réforme de vie des ecclésiastiques, l’encadrement

des pratiques dévotionnelles des fidèles, et de multiples fondations religieuses,

particulièrement celles des ordres nouveaux100. Le renouveau catholique et ces

implantations s’accompagnèrent d’une forte demande d’œuvres artistiques.

À Saint-Hippolyte, trois générations de peintres y répondirent, se spécialisant

alors dans la peinture religieuse, à l’instar du père de notre artiste101. Dans le premier

quart du XVIIe siècle, cette seconde génération fut d’ailleurs la plus florissante ; les

familles d’artistes en place, les Blampignon, Poux, Henryot, Courtois, attestent d’un

essor artistique local, certes, mais aussi régional. Nous savons que certains Comtois

furent actifs dans les cantons catholiques suisses, en particulier à Fribourg, qui

manquait de peintres et qui fit appel à des talents étrangers102. Ces voisins francs-

comtois, restés dans la foi traditionnelle, y figuraient en bonne place103.

97. Ibid., p. 357-371. 98. En 1586, Ferdinand de Rye (1550-1636) succédait au cardinal de Granvelle, mort à Madrid cette même année. 99. M. Rey (dir.), 1977, op. cit., p. 110. 100. Ibid., p. 109 : « Toutes les villes, grandes et petites et jusqu’à d’humbles villages, virent arriver dans leurs murs moines et moniales ». Jésuites, minimes, capucins, ursulines, tiercelines, visitandines et bernardines s’installèrent alors. Ibid., p. 110 : « Il est difficile de savoir si Ferdinand de Rye fut à la base de toutes ces créations. Cela paraît improbable, mais il en tira cependant vanité quand il envoya au Pape un état de son diocèse, “ diocèse encerclé, dit-il, par l’hérésie ˮ mais où un nombre considérable de nouvelles fondations religieuses permit de réagir contre celle-ci. » 101. Jean Courtois, le père de Jacques, s’était spécialisé dans la représentation d’images sacrées, pour lesquelles il était renommé. Voir F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 418 : « […] la sua continua occupazione fosse il dipignere sacre immagini, nelle quali fu molto stimato. » 102. G. Castella, Histoire du canton de Fribourg depuis les origines jusqu’en 1857, Fribourg, 1922, p. 289 : « L’essor artistique de Fribourg au XVIe siècle permet aussi de toucher du doigt l’action du gouvernement. Il fait appel à des artistes étrangers, leur passe des commandes – les fontaines monumentales, par exemple – leur donne un logis, un salaire et, au bout de quelques années, la bourgeoisie. » 103. Les Mortuaciens, Pierre Crolot, Claude Fréchot et Claude Pichot par exemple.

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Au moins trois membres de la famille Courtois de la deuxième génération furent

peintres. Il s’agit des fils de Louis : Jean, Christophe, et Jacques, un autre enfant

présumé, probable parrain de notre artiste104.

Jacques et son frère Guillaume, qui eut aussi pour parrain un peintre, Guillaume

Poux105, furent les représentants de la troisième génération, la dernière. Un autre

Courtois, possible frère des précédents, aurait lui aussi été peintre. Salvagnini

déclarait le concernant qu’il s’agissait d’une énigme ancienne que « celle de ce

troisième frère Courtois, peintre et frère capucin à Rome »106.

Qu’en est-il exactement ?

« Trois » frères Courtois ?

À plusieurs reprises, Francesco Alberto Salvagnini évoque les trois frères

Courtois : Jacques, Guillaume et Jean-François/Gian Francesco. Ce dernier, qui

serait né en 1627107, entra en religion, devenant le frère capucin Antoine108 ; il y fut

aussi peintre.

Salvagnini s’efforça d’éclaircir les zones d’ombre entourant le personnage109.

Selon l’auteur italien, les biographes les plus anciens mentionnant ce troisième frère

reprirent la notice de Lione Pascoli110. Cependant, ce dernier ne précisait pas son

prénom111, à l’inverse des auteurs plus récents qui l’appellent Jean-Baptiste. Selon

Salvagnini, ce prénom lui fut attribué arbitrairement par Alexandre Robert-Dumesnil,

104. J.-M. Thiébaud, 1981, op. cit., p. 285 : « Louis Courtois est le père présumé d’un sixième enfant : Jacques (parrain possible du « Bourguignon » auquel il aurait transmis son prénom comme c’était alors fréquemment l’usage), peintre lui aussi et maître-bourgeois de Saint-Hippolyte en 1630 […] ». 105. Baptême de Guillaume Courtois dans notre chronologie raisonnée, à la date du 20 janvier 1626. Guilaume Poux était le frère de Claude Poux, graveur de la Monnaie de Besançon. 106. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 51. 107. Ibid., p. 53. 108. Religieux d’une branche réformée de l’ordre des frères mineurs, créée au XVIe siècle. 109. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., chap. IV, p. 49-57, « Il terzo fratello Courtois Cappuccino pittore ». L’auteur propose en illustration deux dessins du Gabinetto Nazionale delle Stampe, à Rome, présentant le portrait des trois frères Courtois dans des médaillons disposés en pyramide (fig. VIII et fig. IX). Sous le portrait de Jean-François/Antoine, nous pouvons lire : « P. Antonio Borgognone pre Capuccino Frello/Minore ». 110. Ibid., p. 51 et Nicolà Pio, ms. 1724, éd. cons. 1977, op. cit., p. 52 : « […] furono tre fratelli quali unitamente hebbero gran genio alla pittura et andiedero studiando per l’Italia ». Filippo Baldinucci, quant à lui, ne dit rien à ce sujet. 111. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 121 : « Ebbe due altri fratelli pittori, che parimente vennero a studiare in Italia. »

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d’après la lettre d’une gravure représentant un capucin en train de peindre112, cet

auteur influençant les écrivains suivants.

Les registres paroissiaux de Saint-Hippolyte ne permettent pas de confirmer

l’existence de ce troisième frère. En effet, n’y figure aucune mention de Jean-

François, ni de Jean-Baptiste, fils de Jean Courtois et de Philippe Chénier, né vers

1627. Le document le plus proche est l’acte de baptême d’un cousin germain de

Jacques et de Guillaume, prénommé Jean-Baptiste113. Fils de Christophe Courtois,

peintre également, il fut baptisé le 20 juin 1626114, porté sur les fonts baptismaux par

Jean-Baptiste Henryot, fils du peintre Jean Henryot. Le prénom Jean-Baptiste était

celui proposé par Robert-Dumesnil, et l’année de naissance 1626, proche de celle

donnée par Salvagnini, c’est-à-dire 1627115. Nous avions donc émis l’hypothèse que

de frère il n’y avait point, et évoqué une possible erreur ; ce troisième « frère »

Courtois, capucin à Rome, devant être ce cousin germain de Jacques et de

Guillaume116.

Cependant, plusieurs éléments ne permettent plus de se satisfaire de cette

proposition. Dans la lettre de Jacques Courtois à ses sœurs, ursulines fribourgeoises,

datée du 6 novembre 1667, nous lisons : « N(ot)re f(rèr)e le Capucin se porte bien. Il

n’est pas loing de Rome »117. Il est vrai que Courtois est alors jésuite, qu’il écrit à des

ursulines et qu’entre religieux, nous pouvions penser que le mot « frère » n’était

pas entendu dans le sens du lien de parenté. Mais déjà, dans le livre des conférences

112. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 51-52. Et voir A. P. Robert-Dumesnil, Le peintre graveur français ou Catalogue raisonné des estampes gravées par les peintres et les dessinateurs de l’école française, Paris, 1835-1871, vol. I, Les artistes du XVIIe siècle, p. 217-218. On lit sur la gravure « J. Bap. in. » ; Robert-Dumesnil proposa d’y voir le troisième fils de Jean Courtois. 113. Il est mentionné dans le dictionnaire de Jules Gauthier, sous le prénom de Jean-Baptiste, comme fils de Jean Courtois, et frère de Jaques et de Guillaume. Gauthier ne précise pas sa date, ni même son année de naissance (J. Gauthier, 1892, op. cit., p. 7). Les répertoires d’artistes, postérieurs, dont le Bénézit, suivirent cet auteur. 114. A.D.D., Saint-Hippolyte. Baptêmes 1621-1681, p. 30 ; N. Lallemand-Buyssens, 2006, I, op. cit., p. 20, p. 182, et même auteur, « Jacques Courtois dit le Bourguignon, une réévaluation biographique. Les origines et la jeunesse franc-comtoises de l’artiste : les clefs pour mieux comprendre le personnage et son parcours », Mémoires de la Société d’Émulation du Doubs, année 2007, Besançon, 20081, p. 50 ; document proposé dans notre chronologie raisonnée à la date du 20 juin 1626. Pour Jean-Baptiste Courtois, J.-M. Thiébaud, 1986, op. cit., p. 285, propose la date de baptême du 20 juin 1627 (il fait erreur sur l’année), mais le dit bien fils de Christophe. Quant à C. Jouffroy, 1986, op. cit., p. 296, il donne la date de baptême du 20 juin 1626, et le dit également fils de Christophe. Ces deux auteurs, qui ont effectué des recherches dans les archives départementales du Doubs, ne citent aucun Jean François Courtois, ni aucun autre frère de Jacques et Guillaume, uniquement des sœurs... 115. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 53. 116. N. Lallemand-Buyssens, 1986, I, op. cit., p. 20. 117. Lettre complète dans notre chronologie raisonnée, à la date du 6 novembre 1667.

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des ursulines de Fribourg, en mai 1655, il était mentionné que la réception d’Anne

Courtois ne se ferait qu’« […] a Condition que ses freres fires touts les Tableau de

Nostre Esglise, et aprire a ladite Anne perfaitement a Crayonner »118. Quand elle

entre en religion, en mai 1655, Jacques n’est pas encore jésuite119, et Guillaume

n’aurait pas été du voyage120 ; les deux frères en question étant donc

vraisemblablement Jacques et Jean-François.

Un autre élément confirme l’existence de ce troisième frère. Il s’agit d’une

mention tirée des archives des capucins de la province romaine, citée par F. A.

Salvagnini121. Le frère Jean Antoine, de Saint-Hippolyte, « Bourguignon », dans le

siècle Jean-François Courtois, fils de « Giovanni e di Filippa Sinieri », prit l’habit le

13 février 1659, à l’âge de 32 ans, au couvent de La Palanzana près de Viterbe. Il y

fut novice puis y fit sa profession religieuse un an plus tard, le 13 février 1660122,

prenant en religion le prénom d’Antoine. Salvagnini en déduisait donc qu’il avait vu

le jour en 1627, et qu’il était un peu plus âgé que Guillaume, né selon lui en 1628,

perpétuant l’erreur habituelle concernant la naissance de ce dernier123.

Le nom des parents de Jean-François, « Giovanni e Filippa Sinieri », donné par

Salvagnini, correspond bien à « Jean (Courtois) et Philippe Chénier », ce qui valide

l’ensemble des informations qu’il nous communique124. S’il existait bien un Jean-

Baptiste Courtois, cousin germain de Jacques et de Guillaume, ceux-ci eurent

également un plus jeune frère, Jean-François, bien que les archives de Saint-

Hippolyte n’en aient gardé aucune trace. Si Jean-François avait 32 ans en février

1659, comme indiqué lors de sa vêture, il serait né en, ou vers, 1627. Guillaume

ayant été baptisé en janvier 1626, la naissance d’un autre enfant début 1627, ou

même fin 1626 est tout à fait possible.

118. Document dans notre chronologie raisonnée, en mai 1655. 119. Jacques Courtois entre au noviciat jésuite romain de S. Andrea a Monte Cavallo, le 13 décembre 1657. 120. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 83. Guillaume n’aurait pu s’absenter de Rome, s’étant engagé à de nombreux travaux. 121. Ibid., p. 52-53. F. A. Salvagnini ne donne pas les références du document mais la précision des renseignements fournis et les recoupements avec ce que l’on sait déjà ne font pas douter de ces informations. 122. Id. 123. Guillaume est né en 1626 et non pas en 1628. 124. Rappelons que Salvagnini n’effectua pas de recherches en Franche-Comté et donc qu’il ne connaissait pas le nom des parents Courtois.

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Jean-François Courtois/le frère Antoine capucin fut également peintre, et les

sources nous apprennent qu’il travailla au décor des maisons de son ordre125. Deux

ouvrages importants de la main du frère Antoine sont toujours connus. Il s’agit des

peintures des parois latérales de la chapelle de la Croix, dans la cathédrale de Segni,

dont la décoration fut réalisée en 1661126, et du décor à fresque de l’abside de la

cathédrale d’Agnani, daté de 1673127. Les premières œuvres furent commandées par

le cardinal Federico Sforza, en 1660-1661. Un passage du manuscrit de Gregorio

Lauri, cité par Vitaliano Tiberia, précise que « la toile de l’autel serait de

Bourguignon [Guillaume Courtois], célèbre peintre, et le décor des parois latérales de

la main du capucin Antoine, frère du précédent »128. Ce nouvel élément en faveur de

la fratrie ne permet plus guère de douter de l’existence de Jean-François, frère de

Jacques et de Guillaume.

Les frères Courtois furent donc au nombre de trois : Jacques, l’aîné des fils,

Guillaume, le second, et Jean-François, le cadet129. Tous furent peintres, de cette

troisième génération d’artistes de Saint-Hippolyte. Aucun ne resta en Comté,

émigrant tous trois en Italie, pour s’établir à Rome ou dans ses environs.

Pourquoi, et quand, quittèrent-ils leur patrie et leurs proches ?

De Saint-Hippolyte à Milan

Les biographes anciens indiquent que Jacques Courtois quitta sa province natale

tout juste âgé de quinze ans130, entreprenant un long voyage afin d’aller étudier et se

125. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 121. 126. Voir l’article de V. Tiberia, à propos de la campagne de restauration menée à la cathédrale de Segni, « Ipotesi segnine per Andrea Generoli e per frà Antonio Borgognone », Beni culturali, II, no 2, mars-avril 1994, p. 35-42. 127. Id. et F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 55 et n. 38, qui cite la notice historique d’Alessandro de Magistris : « L’ottantesimo vescovo Gio. Lorenzo Castiglione d’Ischia, diocesi di Acquapendente ecc. nel dì 13 marzo 1662 fu provisto di questa Chiesa da Alessandro VII. Essendosi deformate dal tempo le Pitture della Tribuna, se’ di nuovo dipingerla nel 1673 dal penello non ordinario di Fra Antonio da Borgogna Cappuccino. » 128. V. Tiberia, 1994, op. cit., p. 39. Manuscrit de Gregorio Lauri, Storia Inedita Originale di Segni fine secolo XVII-inizi secolo XVIII, manoscritto cartaceo n. 630, Rome, Bibliothèque Casanatense : « La 4a (scil.: cappella, n.d.r.), della SS.ma Croce spettante alla Em.ma Casa Sforza, fatta ornare dalla chiara mem.a dell’Em.o Federico Sforza Cardinale dé più degni che vantasse il suo ruolo, di stucchi dorati di tavola d’Altare del Borgognone celebre Pittore e dé Laterali di Frà Antonio Borgognone Capp.no fratello del medesimo ». 129. Nous l’avons donc intégré dans l’arbre généalogique de la famille Courtois, présenté en annexe. 130. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 418 et A. J. Dezallier d’Argenville, 1745-1752, éd. cons. 1762, op. cit., p. 150, indiquent l’âge de Courtois au moment de son départ, information reprise dans les biographies plus récentes.

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perfectionner. Ils n’invoquaient aucune autre raison à ce départ, considérant ce

voyage comme une étape logique dans la formation d’un artiste, à l’exemple de

Filippo Baldinucci qui déclarait : « C’est une chose très ordinaire : les gens de ces

nations, à peine sortis de l’enfance, quittent leur maison, et se rendent dans diverses

parties du monde, pour apprendre différents arts […] »131.

Dans le comté de Montbéliard, l’âge d’entrée en apprentissage se situait vers la

quinzième année. Celui-ci avait une durée de quatre ans, dont un an de dessin132. Une

fois seulement cette période terminée, le futur peintre effectuait « son voyage »,

partant se perfectionner auprès de nouveaux maîtres. Il avait alors près de vingt

ans133. À Saint-Hippolyte, nous savons que ce fut le cas pour Pierre Blampignon, fils

de Simon, âgé de dix-huit ans à son départ134. La formation des fils des autres peintres

de Saint-Hippolyte se déroula probablement de manière identique et c’est sans doute

le parcours qui était initialement prévu pour Jacques Courtois ; son départ ne devant

logiquement pas avoir lieu avant 1639. Si Jacques est parti à l’âge de quinze ans,

donc en 1636, son apprentissage n’était pas terminé et son voyage de

perfectionnement, si c’en était encore un, fut avancé en raison d’évènements graves.

Certes, comme l’écrit Jacques Bousquet dans son livre Recherches sur le séjour

des peintres français à Rome135, un artiste ne quittait pas toujours sa patrie pour fuir

la misère ou les ennuis, mais il semble que pour Jacques Courtois ce fût

malheureusement le cas. La situation à laquelle était alors confronté le comté de

Bourgogne explique pourquoi il serait parti plus tôt que prévu, dès les années 1636-

1637, fuyant deux des trois « fléaux de Dieu », la peste et la guerre136, comme le

firent, à la même période, nombre de ses compatriotes.

131. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 418 : « E’ cosa molto ordinaria di quelli di tal nazione, appena usciti della puerizia, il lasciar le case loro, e in varie parti del mondo portarsi, per apprendere arti diverse ; che però non è da maravigliarsi, se Jacopo, subito che ebbe compiuto il quindicesimo anno di sua età, si mettesse a fare lo stesso […] ». 132. C. Jouffroy, 1986, op. cit., p. 228. En cas de force majeure, pour les orphelins par exemple, l’âge d’entrée en apprentissage était avancé. C. Jouffroy cite l’exemple des enfants Cochin, âgés de 9 et 12 ans quand ils commencèrent leur formation. 133. Ibid., p. 227-229. 134. Ibid., p. 229. Pierre Blampignon fut baptisé le 10 mai 1581. Quand il entreprend son voyage en 1599, il a 18 ans. 135. J. Bousquet, 1980, op. cit., p. 48. 136. G. Louis, La guerre de Dix-Ans, Paris, 1998, voir chap. 3, « Les fléaux de Dieu », p. 143-204. L’auteur y expose la situation de la Franche-Comté pendant la guerre de Dix Ans, confrontée à la peste, la famine et la guerre. Il écrit p. 144 : « De la peste, la famine et la guerre, délivre-nous Seigneur. Jamais sans doute dans l’histoire de la Franche-Comté, une telle prière ne devait être prononcée avec autant de ferveur, d’humilité, sinon de désespoir qu’en ces sombres années de la guerre de Dix Ans ».

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L’épidémie de peste noire de 1635-1640 fut particulièrement brutale et

dévastatrice. Dès 1635, les régions frontalières, dont Saint-Hippolyte, furent

touchées. 1636 sera l’année la plus terrible, l’épidémie submergeant la totalité de la

Comté137. Cette vague pesteuse, alliée à la guerre de Dix Ans (1634-1644), fit de cette

période l’une des plus noires de toute l’histoire de la province. L’année 1636

correspondit également à l’arrivée réelle de la guerre sur le sol franc-comtois,

longtemps épargné par les conflits militaires. Après la déclaration de guerre franco-

espagnole de 1635, le comté de Bourgogne avait réussi pendant une année à se faire

oublier, prônant la neutralité, mais en mai 1636, les troupes françaises assiégeaient

Dole138. La campagne de Franche-Comté commençait. La première phase de cette

guerre, de 1636 à 1639, s’inscrivit dans le cadre de la guerre de Trente Ans et la

province comtoise vit déferler des armées de plusieurs milliers de soldats139, qui

commirent d’horribles exactions sur la population civile.

Saint-Hippolyte, ville fortifiée, au confluent du Doubs et du Dessoubre, avec ses

ponts, était un axe de passage, et devint un objectif militaire ; la ville ne fut donc pas

épargnée par la guerre, surtout en 1636-1637140. L’accumulation de ces sombres

évènements fait penser que Jacques Courtois quitta bien la région à cette période, et

que le souhait d’un complément de formation et l’ambition professionnelle ne furent

pas les principales raisons à ce départ.

La peste et la guerre de Dix Ans entraînèrent une dramatique saignée

démographique et ruinèrent la Comté. En 1644, au lendemain de la guerre, elle a

perdu soixante pour cent de sa population, soit au moins deux cent cinquante mille

personnes, et l’économie de la province est durablement anéantie. À Saint-Hippolyte,

toute vie artistique paraît terminée dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, et

Christian Jouffroy d’écrire : « […] la ville ne semble plus avoir de peintre installé

après 1663 »141. La désolation de leur cité142 et de la région explique que les peintres

137. Ibid., p. 144-145 et p. 166 : « L’année 1636 s’avéra particulièrement éprouvante ; elle mérite sans conteste l’appellation que lui ont donnée les contemporains, celle d’année de la peste. » 138. La France avait depuis longtemps des prétentions territoriales sur cette province francophone. Voir P. Delsalle, 2000, éd. cons. 2001, op. cit., p. 8-16. 139. G. Louis, 1998, op. cit., p. 14. 140. Ibid., p. 33 et p. 40. Pour l’année 1636, Gérard Louis écrit, p. 178 : « Seuls les châteaux, bourgs et villes suffisamment fortifiés avaient pu échapper au vandalisme des Impériaux. L’année 1636 s’achevait donc avec la désolation de la moitié du territoire comtois et la perte des meilleures terres céréalières. » 141. C. Jouffroy, 1986, op. cit., p. 294.

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de Saint-Hippolyte, soit avaient disparu, soit s’étaient exilés, à l’exemple des frères

Courtois. Ces derniers ne purent jamais envisager de revenir s’installer dans leur

patrie, qui mit plusieurs décennies à se relever.

Dans les années 1636-1637, Jacques Courtois ne fut pas le seul à fuir, les Comtois

émigrant en masse vers les pays voisins. La Suisse, la Savoie et l’Italie furent leurs

principales destinations143. L’exode toucha tout d’abord les zones frontalières puis

l’intérieur de la Comté dont certaines régions se dépeuplèrent totalement144. La vague

migratoire comtoise fut donc quantitativement très importante et il est probable que

Jacques Courtois ne soit pas parti seul, se joignant à d’autres habitants de sa ville ou

des environs.

Salvagnini, s’appuyant sur la notice biographique de Pascoli, affirma que les trois

frères Courtois partirent ensemble145. Baldinucci ne dit rien à ce sujet. Comme en

1636-1637 les deux plus jeunes frères étaient seulement âgés de dix ans, cela nous

avait paru assez peu probable. Les documents retrouvés par Laura Russo, à Rome,

permettent de rejeter définitivement les suppositions de Francesco Alberto

Salvagnini, car ils prouvent que Guillaume Courtois ne quitta Saint-Hippolyte qu’en

1639146.

Jacques Courtois se rendit vraisemblablement tout d’abord en Suisse, qui n’est

qu’à une vingtaine de kilomètres de Saint-Hippolyte, pays trop proche pour qu’il ne

fût pas un premier refuge. Pays de Vaud et canton de Fribourg accueillirent en effet

les émigrants comtois147. La Suisse fut choisie pour sa proximité géographique mais

aussi en raison de relations politiques et commerciales anciennes avec le comté de

142. Un siècle plus tard, Saint-Hippolyte n’aura pas retrouvé sa population du début du XVIIe siècle, voir J.-M. Thiébaud, 1986, V, op. cit., p. 2860 : « Malgré un repeuplement partiel, Saint-Hippolyte ne comptait plus que 33 feux en 1735 contre 121 en 1614, enregistrant ainsi la disparition de 72,73% de ses familles. » 143. G. Louis, 1998, op. cit., p. 206-212. Les pays au nord et à l’est du comté de Bourgogne ravagés par la guerre de Trente Ans, ne pouvaient plus être des terres d’accueil pour les Comtois. 144. Ibid., p. 205. 145. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 35. 146. L. Russo, « Notizie su Guglielmo Cortese e la famiglia Pamphilj », Innocent X Pamphilj. Arte e Potere a Roma nell’Età Barocca, dir. A. Zuccari, S. Macioce, Rome, 1990, p. 193-202, voir p. 194. L’auteur retrouva à Rome les déclarations de quatre amis de Guillaume, faites avant son mariage, en 1672. On y apprend qu’il quitta la Franche-Comté en 1639 pour se rendre à Fribourg, où il apprit son métier de peintre jusqu’en 1644. Comme il quitta Fribourg en compagnie de Jean-François, on peut penser que le plus jeune frère fît également son apprentissage à Fribourg, à la même période. 147. G. Louis, 1998, op. cit., p. 208.

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Bourgogne148. Avec la Réforme, les alliances s’étaient défaites entre celui-ci et les

cantons protestants, tandis qu’étaient renouvelées et renforcées celles établies avec

les cantons catholiques149. Celui de Fribourg, resté fidèle à la foi traditionnelle, fut

particulièrement sollicité pour l’accueil des réfugiés comtois150 ; il était probable que

Jacques s’y fût rendu. C’est à Fribourg que Guillaume se réfugia en 1639 - fuyant

Weimar et les Suédois qui envahissaient alors la montagne151. Il y fit son

apprentissage de peintre pendant cinq ans. Si les jeunes artistes protestants du comté

de Montbéliard allaient poursuivre leur formation à Bâle ou Strasbourg152, il est

probable que Fribourg ait été une destination de prédilection pour les apprentis

catholiques de Saint-Hippolyte, même en temps de paix.

Cependant, les quelques cantons suisses choisis ne purent absorber en totalité ce

flux migratoire ; certains Comtois continuèrent donc leur route, vers l’Italie. Ils

privilégièrent tout d’abord le duché de Milan153 qui, comme le comté de Bourgogne,

était une possession du roi d’Espagne, et où nombre de compatriotes s’installèrent154.

Depuis Fribourg, il y a une logique de continuité vers Milan. Pour les Comtois qui ne

purent rester dans la ville suisse, celle-ci dut néanmoins être un relais à l’émigration

vers l’Italie, et plus particulièrement vers le Milanais.

En 1881, Auguste Castan retraçait l’itinéraire et les étapes des Francs-Comtois qui

s’en revenaient de Rome au XVIIe siècle155 ; les étapes de l’aller étaient probablement

identiques et la route de Jacques Courtois fut sans doute proche, de Vevey jusque

dans le Milanais156. Ces émigrants du comté de Bourgogne connaissaient les

148. C. Fleury, Francs-Comtois et Suisses, Besançon, 1869. 149. Ibid., p. 121 : « La ville de Berne, jusqu’alors alliée de Besançon, renonça à cette alliance pour cimenter celles qu’elle avait contractées avec les villes protestantes. De son côté, Besançon renouvela en 1579 son ancienne alliance avec les villes de Soleure et de Fribourg, dans l’intérêt de la foi catholique. » 150. Id. 151. G. Louis, 1998, op. cit., p. 45-50. 152. Jouffroy, 1986, op. cit., p. 228-231. 153. G. Louis, 1998, op. cit., p. 212. 154. D. Monnier, « Les Francs-Comtois à Milan », Travaux de la Société d’Émulation du Jura, année 1846, Lons-le-Saunier, 1847, p. 57-62. Les Francs-comtois étaient installés près de l’église Saint-Étienne (Santo Stefano in Borgogna). 155. A. Castan, 1881, op. cit., p. 41-43, « Itinéraire suivi au XVIIe siècle pour revenir de Rome à Besançon ». 156. Id., De Vevey à Milan : Suisse : Vevey, Villeneuve, Saint-Maurice-en-Chablais (siège de l’abbaye d’Agaune), Martigny (Valais), Saint-Pierre (Val d’Entremont), Passage des Alpes au col du Grand-Saint-Bernard à 2500m (Hospice du Grand-Saint-Bernard) – Italie : Saint Rémy, Aoste, Saint-Vincent, Bard, Yvrée, Santia, Verceil, Novare, Magenta et Milan.

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itinéraires, avec les relais dont ils pouvaient disposer, les étapes où ils pourraient

s’arrêter, calqués sur ceux des pèlerins qui se rendaient à Rome157.

Jacques Courtois fut de ceux qui poursuivirent leur route jusque dans le Milanais,

et sur ce point, les biographes sont unanimes. Filippo Baldinucci relate qu’après un

bien long voyage, le jeune homme rejoint finalement Milan158. Courtois y aurait été

en relation avec le baron de Watteville, maître de camp du roi d’Espagne,

vraisemblablement Charles de Watteville - plutôt que son frère Jean, plus jeune et

qui n’eut pas cette charge avant 1647159. Charles était le neveu du marquis de

Conflans, Gérard de Watteville, qui vint au secours de la ville de Dole assiégée par

les Français en 1636160. Appelé don Carlos de Battebilla par les Espagnols, il fut

militaire puis diplomate - tout d’abord « Mestre de Camp du Cercle de

Bourgogne »161 à Milan, puis gouverneur de Saint-Sébastien et finalement

ambassadeur d’Espagne en Angleterre, en 1661. En 1636, il commandait un régiment

du comté de Bourgogne au service du roi d’Espagne, alors en garnison dans le

Milanais162, la base arrière de l’Espagne pour ses guerres, dans le nord et le centre de

l’Europe.

Avant Vevey, Courtois passa sans doute par Fribourg, la route la plus directe, plutôt que par Jougne et Lausanne. 157. A. Brilli, Il viaggio in Italia. Storia di una grande tradizione culturale dal XVI al XIX secolo, Milan, 1987, éd. cons. Le voyage d’Italie : histoire d’une grande tradition culturelle du XVIe au XIXe siècle, [Paris], 1989, voir p. 18 : « C’est au pèlerinage que nous devons les premiers livres de route, des guides rudimentaires qui tracent des itinéraires à travers les pays d’Europe culminant par les deux pôles de référence italiens : Venise, la porte de l’Orient, et Rome, destination complémentaire et de plus en plus alternative au pèlerinage en Terre Sainte. Les guides des pèlerins ne sont guère plus que des listes approximatives d’agglomérations, d’auberges, de villes, de cols, de gués, de ports d’embarquement. Mais, du moins en ce qui concerne l’Italie, ces guides de pèlerinage définissent déjà – on a presque envie de dire une fois pour toutes – une bonne partie de ce que sera l’itinéraire type du voyage d’Italie du XVIe au XIXe siècle. » 158. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 418 : « […] si messe in ben lungo viaggio, finchè egli giunte alla gran città di Milano. » 159. P. Brune, Une collection de portraits historiques. Les Watteville en Franche-Comté, Paris, 1900, p. 9 : « Il [Jean de Watteville] naquit en 1613 à Milan, où son père commandait un régiment, et passa en Italie toute sa jeunesse. Charles son frère aîné, lui céda la charge de mestre de camp du régiment du cercle de Bourgogne pour aller prendre part à la révolution de Naples ». La révolte de Masaniello eut lieu en juillet 1647, donc quand Jacques Courtois arrive à Milan en 1636-1637, le maître de camp était Charles de Watteville. 160. Les Watteville, barons de Châteauvilain, en Franche-Comté, étaient les descendants de l’une des six familles nobles de Berne. Aux XVIe et XVIIe siècles, essentiellement des hommes d’épée, ils font carrière au sein de l’armée espagnole, en Espagne, à Naples et dans le Milanais. 161. F.-A. Aubert de La Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la noblesse, 3e éd. 1863-1876, éd. cons. 1980, p. 1032. 162. Dans le Milanais, comme à Naples et en Sicile, l’Espagne entretenait des garnisons, les presidios, qui avaient un rôle militaire et politique. Il s’agissait de réserves de soldats expérimentés capables d’intervenir rapidement contre toute menace visant les intérêts espagnols (Turcs, Français, etc.). Voir G. Parker, The Army of Flanders and the Spanish Road, 1567-1659, Cambridge-Londres, 1972, p. 32-

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Baldinucci affirmait que Watteville, enchanté de rencontrer l’un de ses

compatriotes, l’accueillit aussitôt en sa demeure. Le mécénat n’en fut certes pas la

raison, puisque Jacques n’était alors pas un artiste accompli. En pleine guerre de

Trente Ans, il semble plutôt qu’il ait été recruté pour servir, pendant trois années163,

pour les Habsbourg164. Quelle autre solution s’offrait à un jeune garçon sans fortune

qui venait de quitter sa patrie dévastée165 ? Il savait certainement qu’en poursuivant

vers Milan, il y aurait une possibilité d’engagement, à l’instar de bien d’autres

Comtois dans la même situation, qui prirent semblable décision.

Après ces trois années milanaises, Jacques Courtois se remit en route pour un

voyage qui allait finalement le mener à Rome, où il serait arrivé au début des années

1640166.

La formation avant l’arrivée à Rome

« Dans nombre de professions, les fils exercent le métier de leur père et ils sont

dirigés, et éduqués dans ce sens »167. Le jeune Jacques, fils aîné d’un peintre, n’a pu

manquer de recevoir de son père les premiers enseignements du métier. Il se forma

tout d’abord en l’observant et en l’aidant à certaines tâches essentielles, comme la

préparation des toiles168, alors enduites d’un mélange de colle et de céruse169, le

33. Dans un régiment étaient regroupés les soldats d’une même nation, pour des facilités de commandement, et afin d’éviter les troubles. Ibid., p. 29 : « To reduce friction the troops were kept as separate administrative units. The Spanish, Burgundian and Netherlands troops, also the Italian troops raised in Spanish Lombardy, Naples or Sicily, were all serving their own sovereign prince. » 163. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 418 : « Seguitò per tre anni continui la milizia ». Il semble que trois ans ait été la durée d’un engagement militaire en Lombardie, à cette période. Le peintre Livio Mehus, né en Flandres vers 1630, sera également recruté pour trois années en Lombardie. À ce sujet, voir M. Gregori, « Biografia di Livio Mehus », Livio Mehus, un pittore barocco alla corte dei Medici, cat. expo. Florence, sous la dir. de M. Chiarini, 2000, p. 152. 164. Quand les notices biographiques, par exemple celle de P. Brune, 1912, éd. cons. 1992, op. cit., p. 72, reprise par E. Bénézit, éd. cons. 1999, IV, op. cit., p. 28, affirment que Courtois fut engagé dans « l’armée française », c’est inexact. 165. G. Parker, The military revolution : military innovation and the rise of the West, 1500-1800, Cambridge, 1988, éd. cons., La révolution militaire – La guerre et l’essor de l’Occident, 1500-1800, [Paris], 1993, p. 71 : « Mais dans leur très grande majorité, qu’ils fussent Français ou étrangers, ils (les soldats) étaient volontaires. […] aux pauvres affamés l’armée offrait l’une des rares chances de survie. » et p. 72, : « Il y avait assurément d’autres raisons de s’enrôler, mais la misère et le besoin étaient à coup sûr les plus déterminantes. » 166. Au cours de l’année 1640, si l’on en croit F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 420. Concernant l’arrivée de Courtois à Rome, voir notre partie « Un jeune Franc-Comtois dans la ville éternelle ». 167. C. Jouffroy, 1986, op. cit., p. 226. 168. Concernant la palette du peintre et les supports utilisés dans la région à cette époque, voir C. Jouffroy, 1986, op. cit., p. 224-226 et p. 285-288. L’auteur évoque la technique et les matériaux des peintres de Montbéliard à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle. En 1596, l’inventaire de Jean Marchant, le peintre-mercier, marchand de couleurs, qui fournissait Simon Blampignon à Saint-

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Biographie critique

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broyage des couleurs170 et la cuisson des vernis. Selon Baldinucci, Jacques apprit les

rudiments du dessin et de la peinture sous la direction de son père171. Pascoli, pour sa

part, n’évoquait que l’instruction du dessin172, base de l’apprentissage du futur

peintre173. La copie d’après des gravures, dessins et autres petits tableaux, fut aussi

sans doute un exercice pratiqué par Jacques Courtois174.

Après son départ de Saint-Hippolyte, la poursuite de la formation artistique de

Jacques Courtois reste floue. Les écrits de Filippo Baldinucci et de Lione Pascoli

sont les sources auxquelles nous nous référons toujours, en l’absence de documents

d’archives connus pour cette période.

Pendant ses trois années milanaises, Jacques Courtois aurait beaucoup dessiné,

particulièrement ce dont il fut témoin à l’armée175, réalisant pendant sa période

militaire de nombreuses études d’après nature176. Cette information confirmerait

qu’avant d’arriver à Milan, il avait commencé son apprentissage, qu’il était déjà

quelque peu expérimenté et notamment un dessinateur assez habile. Selon

Baldinucci, Courtois fit la rencontre, à Milan, d’un sculpteur177, un familier du baron

de Watteville, qui voyant ses esquisses l’aurait encouragé à persévérer dans cette

voie. Courtois aurait peint des paysages pour Watteville, dans lesquels il intégrait les

faits d’armes du maître de camp. Ce dernier aurait également, ce qui paraît plus

Hippolyte, est particulièrement intéressant. Il donne une idée précise des pigments et couleurs utilisés par les peintres de l’époque à Montbéliard, et à Saint-Hippolyte (« […] 19 pigments, qui, selon la qualité du broyage, deviennent 27 base de couleurs […] ». Ibid., p. 224). En ce qui concerne les supports, la toile était utilisée de manière quasi exclusive (une seule exception avec une œuvre réalisée sur papier, collé sur toile, à Montbéliard. Ibid., p. 225). 169. Ibid., p. 225. 170. Id. : « […] broyage des couleurs (pigment + liant) à l’aide du marbre et de sa molette, quelques-uns possédant un “ moulin à broyer ˮ afin d’affiner ou de modifier les qualités d’un pigment […] ». 171. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 418 : « Stette il fanciullo sotto la cura del padre fino all’età di quindici anni, e da lui apprese i principj del disegno e della pittura. » 172. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 113 : « […] aveva anche avuto da fanciullo qualche istruzion nel disegno […] ». 173. À Montbéliard et donc probablement à Saint-Hippolyte, « l’apprentissage du métier de peintre était fixé à quatre ans dont un an de dessin » (C. Jouffroy, 1986, op. cit., p. 227). 174. Ibid., p. 225. C. Jouffroy évoque les inventaires des peintres montbéliardais. Ils possédaient de nombreuses « feuilles de pourtraictures », c’est-à-dire des dessins et des gravures, et également de petits tableaux leur servant de modèles. Les apprentis ne devaient pas manquer de s’exercer d’après ceux-ci. 175. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 418 : « […] sempre disegnava qualche cosa, o faceva qualche invenzione […] » ; A. J. Dezallier d’Argenville, 1745-1752, éd. cons. 1762, IV, op. cit., p. 150 : « […] il suivit l’armée pendant trois ans, et il dessina les marches, les sièges, les escarmouches, les batailles dont il put être témoin. » 176. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 418. 177. Id. L’auteur n’en précise pas le nom.

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étonnant, demandé au jeune Courtois de terminer des portraits inachevés de Diego

Velázquez178. Ce faisant, tellement impressionné par la grande manière du peintre

espagnol, notre artiste se détourna alors du métier des armes, lui préférant

définitivement les arts179. Salvagnini se déclare scandalisé de la possible intervention

de Courtois sur des peintures de Velázquez180, mais finalement dit que nous devons

croire les propos de Baldinucci, puisqu’il les tenait de Courtois lui-même, et ajoute

enfin que Watteville, militaire du XVIIe siècle, n’avait pas nos scrupules d’esthètes

du XXe siècle181...

Que le jeune Courtois ait pu terminer des portraits de Velázquez nous avait tout

d’abord paru propos légendaires. Edward Holt émit également des réserves à ce sujet

car, dans la volumineuse littérature et les nombreuses études consacrées à l’artiste

espagnol, il n’est jamais fait mention de ces portraits milanais182. Cependant, la

famille Watteville-Brebbia évoluait effectivement dans la sphère espagnole, habitait

un palais de la ville et devait posséder des portraits de famille. Même s’ils n’étaient

peut-être pas de la main de Velázquez, pourquoi ne pas envisager que Courtois ait pu

les retoucher. Le Portrait du gentilhomme en armure (cat. 157), ainsi que

l’ Autoportrait (cat. 158), fournissent la preuve que l’artiste exécuta des œuvres dans le

genre, même si ces deux tableaux sont plus tardifs.

Après l’épisode milanais, Jacques Courtois se serait rendu à Bologne, attiré par la

renommée de Guido Reni (1575-1642) et de Francesco Albani (1578-1660)183. Il aurait

178. Id. : « In oltre avendo egli in casa più ritratti di Dame e d’alcuni suoi parenti, non del tutto finiti, fatti per mano di un tal pittore Spagnuolo, chiamato Diego Velasco […] ; volle, che Jacopo vi mettesse la mano per finirgli, siccome fece. » 179. Id. : « Questo fu cagione, che il giovane prese grand’animo : e lasciato ogni pensiero della milizia, solo allo studio della pittura e del disegno si diede. » 180. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 37 : « Far ritoccare Velazquez da un ragazzo sedicenne ! ». 181. Id. : « Ce lo racconta il Baldinucci, a cui lo raccontò lo stesso Courtois, e dobbiamo crederlo, non senza gridare alla profanazione. Ma il buon Vattavil, uomo d’arme del Seicento, non aveva gli scrupoli che avremmo noi esteti del secolo XX. » 182. E. Holt, 1969, op. cit., p. 222, n. 6 : « Yet it seems strange that no mention of the Milan portraits, or of Baldinucci’s reference, is to be found in the very voluminous literature on the great Spanish master ». Cependant, Edward Holt fait remarquer que Velázquez, accompagnant Spinola, nouveau gouverneur de Milan, a bien séjourné dans le nord de l’Italie, lors de son premier séjour italien en 1629, stoppant à Milan et à Venise et qu’il a très bien pu laisser derrière lui des portraits inachevés. Id. : « Thus the Spanish master was in Milan some seven years before the youthful Courtois’arrival (1636) and must have left the unfinished works behind before continuing his travels. » 183. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 418, dit à ce sujet : « Correva allora a tutto volo per ogni parte della Lombardia la fama di due pittori Bolognesi, Guido Reni e l’Albano : e pervenuta all’orecchio del Cortesi, tanto bastò e non più, per far sì, che egli lasciata la casa del Vattavill e la città di Milano, a Bologna si portasse. »

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tout d’abord poursuivi sa formation dans l’atelier d’un peintre lorrain, Jérôme184,

auprès duquel il étudia le paysage185. Guido Reni, lors d’une promenade, remarqua un

tableau de Jacques, exposé à l’extérieur de l’atelier du Lorrain. Lui reconnaissant de

bonnes dispositions pour la peinture, il l’aurait à son tour pris dans son atelier

pendant environ six mois, « le gardant toujours auprès de lui, lui prodiguant de

nombreux conseils et le faisant œuvrer »186. Selon Baldinucci, à cette période,

Courtois n’avait toujours pas découvert son admirable penchant pour la peinture de

bataille187.

Lors de ce séjour, l’artiste aurait également fréquenté l’atelier de l’Albane et reçu

son enseignement. Cet épisode bolonais se serait donc avéré primordial pour la

formation de Jacques Courtois188 qui, plein d’ambition, souhaita poursuivre sa route

jusqu’à Rome189. Il allait cependant effectuer deux haltes supplémentaires, à Florence

puis à Sienne.

À Florence, Courtois aurait travaillé quelque temps190 avec Jan Asselijn et Monsù

Montagna, deux peintres du Nord. Jan Asselijn (1615-1652), « excellent peintre de

caprices et de batailles »191, résida en Italie de 1635 à 1643-44, notamment à Florence

et à Rome, où il sera influencé par Pieter Van Laer192. L’artiste Montagna, peut-être

originaire d’Utrecht193, peintre de marines et de navires194, n’est quant à lui pas

clairement identifié. Salvagnini croit qu’il s’agit de Renaud de la Montagne195,

184. Id. : « Giunto in quella città, si mise a stare in casa di un tal Girolamo pittor Lorenese, dove al meglio ch’e’ poteva, andava continuando i suoi studj ». Il s’agirait de Jérôme Colomès, voir Allgemeines Künstler-Lexikon, 1999, XXI, op. cit., p. 364. 185. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 37, écrit : « Trasferitodi poi a Bologna, studiò il paesaggio con un tal Girolamo, pittore Lorenese, non meglio identificato, nella cui casa andò ad abitare. » 186. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 419 : « […] tennelo sempre appresso di se, dandogli molti precetti nell’arte, e facendolo operare. » 187. Id. : « […] non avesse ancora scoperta nè meno a se stesso la mirabile inclinazione a dipigner battaglie […] ». 188. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 38 : « Tanto il Reni quanto l’Albani l’ebbero caro e gli diedero insegnamenti che sempre egli considerò come fondamentali. » 189. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 419 : « […] parendo al giovane la città di Bologna stretto campo alla smisurata voglia, che egli aveva di fare studj grandi, deliberò portarsi alla città di Roma […] ». 190. Id., Filippo Baldinucci dit « alcune settimane », c’est-à-dire quelques semaines. 191. Id. : « […] eccellente pittore di bei capricci e battaglie […] ». 192. Voir la monographie de A. C. Steland-Stief, Jan Asselijn, Amsterdam, 1971. 193. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 419 : « […] Monsù Montagna Olandese (si crede della città di Utrech) […] ». 194. Id. : « […] insigne in dipigner marine e navili […] ». 195. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 38.

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peintre de marines hollandais196, mort à Padoue en 1644 ; ce qui ne semble pas

possible car la correspondance de Jacques Courtois prouve que le peintre que notre

artiste connaissait décéda en 1661197.

Il pourrait peut-être s’agir de Matthieu de Plattemontagne198 (1608-1660), qui

pendant sa jeunesse travailla effectivement en Italie avec Jan Asselijn.

Plattemontagne décéda à Paris en septembre 1660 et il est possible que Courtois n’ait

appris sa mort qu’en 1661. Cependant, lorsque Courtois séjourne à Florence, vers

1639, Matthieu de Plattemontagne était déjà actif à Paris.

Ces incohérences ne permettent pas de clairement identifier le « Monsù Montagna

Olandese »199, actif à Florence à la fin des années 1630. La réaction de Jacques

Courtois lorsqu’il apprit son décès en 1661 laisse néanmoins supposer qu’il s’agissait

d’un peintre qu’il connaissait bien et qu’il côtoya à une période de sa vie.

La dernière étape avant d’arriver à Rome aurait été siennoise, passée dans l’atelier

d’Astolfo Petrazzi (1580-1653)200 qui reçut courtoisement notre artiste, et auprès

duquel celui-ci aurait peint des caprices et des paysages201. Petrazzi, auteur de

compositions religieuses et de natures mortes pour les intérieurs siennois202,

également architecte et graveur, avait institué dans sa maison une académie de

peinture, ouverte aussi aux jeunes étrangers203.

Pascoli, quant à lui, n’évoquait pas ce séjour à Sienne mais en revanche

mentionnait deux autres étapes, à Vérone et à Venise, non indiquées par

Baldinucci204. Comme celles-ci ne sont pas documentées par ailleurs, il est difficile de

se prononcer à leur sujet. En 1656, Courtois effectuant le même trajet de Fribourg à

Rome, se rendit à Venise mais il avait alors de bonnes raisons de le faire, devant y

196. E. Bénézit, 1999, IX, op. cit., p. 770. Celui-ci travailla également à Bologne, Florence, Rome et Venise. Il serait mort à Padoue en 1644. 197. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 9, lettre du 21 août 1661. Jacques Courtois remercie Vanghetti de lui avoir annoncé la mort de Monsù Montagna ; lettre présentée dans notre chronologie raisonnée, à cette date. 198. Matthieu Plattemontagne ou Van Plattenberg « vanté par le Felibien aussi comme peintre de marines, et qui mourut vers 1665 ou environ » (L. Lanzi, éd. cons., éd. fr. 1824, II, op. cit., p. 248). 199. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 419. 200. Ibid., p. 420 : « […] Astolfo Petrazzi pittor Senese, discepolo di Francesco Vanni, che poi operò in Roma. » 201. Id. : « Da questo fu egli cortesemente ricevuto, e nella propria stanza sua dipinse alcuni capricci e qualche paese. » 202. G. Chelazi Dini, A. Angelini et B. Sani, Les peintres de Sienne, Paris, 1997, p. 438-440, et E. Bénézit, 1999, X, op. cit., p. 811. 203. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 38. 204. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 113.

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travailler pour Nicolò Sagredo, l’un de ses grands commanditaires. Effectua-t-il un

trajet identique en 1639 ? C’est possible, mais pas certain.

Avant d’arriver à Rome, Jacques Courtois aurait ainsi eu de nombreux maîtres,

poursuivant sa formation dans plusieurs villes italiennes, somme toute un parcours

conséquent, réalisé de plus au cours d’une seule année, si l’on se fie aux informations

chronologiques communiquées par Baldinucci205 ; ce qui ne représenterait qu’assez

peu de temps auprès de chacun, si toutefois ce que relate le biographe est exact ; tous

n’ayant ainsi probablement pas eu sur notre artiste une influence significative.

Après son séjour de trois années à Milan, Jacques Courtois aurait en quelque

sorte, lui aussi, effectué son « voyage », se perfectionnant auprès de différents

artistes. L’épisode milanais apparaît davantage comme un séjour imposé par les

circonstances et le besoin de subsister, une interruption forcée dans sa formation

artistique. Certes, si l’on en croit Baldinucci, pendant cette période, il aurait

beaucoup dessiné, mais il ne reçut alors vraisemblablement pas de complément de

formation. Ce fut cependant pour lui l’occasion de se forger un répertoire figuratif,

d’engranger des souvenirs, images chocs des combats, qui participeront plus tard de

son succès comme peintre de batailles.

Si les biographes anciens évoquaient tous l’épisode bolonais, certains occultaient

les étapes florentine et siennoise, très certainement considérées par les auteurs des

Vies d’artistes de la fin du XVIIe siècle et de la première moitié du XVIIIe comme

moins valorisantes206. Nous ne savons pas avec certitude si Courtois reçut réellement

l’enseignement de Reni et de l’Albane, et nous pourrions penser que l’École

bolonaise fut citée pour embellir la formation de Courtois207. Cependant, nous notons

que Filippo Baldinucci insistait particulièrement sur la place de Guido Reni dans la

biographie de Courtois. L’auteur qui commence ses notices avec en titre le nom de

l’artiste, puis en sous-titre son principal maître, écrivit pour Jacques Courtois : « Che

ebbe precetti da Guido Reni […] »208. Les réminiscences reniennes notées dans la

205. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 418-420. 206. À l’exemple de A. J. Dezallier d’Argenville, 1745-1752, éd. cons. 1762, IV, op. cit., p. 150. Il n’est pas étonnant que cet auteur évoque seulement le Guide et l’Albane, étant donnée la renommée que ces deux peintres, élèves des Carrache, avaient en France. 207. Nous verrons plus avant que Courtois ne fut pas un brillant fresquiste, ce qui semble étonnant s’il a effectivement été formé par Reni et l’Albane, qui furent aussi de grands peintres de fresques. 208. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 417 : « Qui reçut l’enseignement de Guido Reni […] ».

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fresque Rébecca (cat. 141) de la Chapelle Prima Primaria209 et l’intérêt de l’artiste

pour l’œuvre de Ludovic Carrache (cat. 148) pourraient accréditer un séjour de

Courtois à Bologne, mais peut-être plus tardif. Les maîtres bolonais semblent du

moins avoir eu une influence sur notre peintre même si elle put n’être qu’indirecte.

Le séjour florentin auprès de Jan Asselijn et d’un peintre de marines, Monsù

Montagna, même si ce dernier n’est pas identifié avec certitude, semble très

plausible, sur un plan thématique et stylistique. L’empreinte nordique dans les

œuvres de Courtois, les paysages et les batailles, et également l’existence de marines

(cat. 24), et de représentations de bateaux de sa main (cat. 156 et cat. 161), valideraient

l’influence des deux peintres du Nord. La réception de ce type d’œuvres et le style de

certaines peintures de Courtois rendent probante l’hypothèse d’une poursuite de

formation auprès d’artistes nordiques installés en Italie.

Outre les témoignages de Baldinucci et de Pascoli, l’étude de l’œuvre de Jacques

Courtois permet, malgré l’absence de documents concernant sa formation, d’avoir

quelques certitudes. À l’évidence, Courtois ne bénéficia pas du seul enseignement de

son père. Si nous confrontons un exemplaire de la production paternelle, la Vierge au

Rosaire (ill. 1 ) de l’église de Chaux-les-Châtillon210, avec la première peinture connue

de Jacques à Rome, c’est-à-dire la décoration à fresque du réfectoire de Sainte-Croix-

de-Jérusalem (cat. 129-131), les disparités sont criantes.

209. S. Prosperi Valenti Rodinò, « Jacques Courtois », Dizionario biografico degli Italiani, XXX, Rome, 1984, p. 506. 210. C’est de nos jours la seule œuvre de Jean Courtois qui soit connue. Chaux-les-Châtillon est située à quelques kilomètres de Saint-Hippolyte et fait aujourd’hui partie de la commune des Terres-de-Chaux. L’œuvre, sur toile, est signée « Jean Courtois », et datée « 1620 » (dim. H. 110 cm ; L. 90 cm). Il s’agit d’une œuvre de la maturité de l’artiste, puisque Jean est né en 1590, donc certainement représentative de sa production.

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ill. 1 � Jean Courtois, Vierge au Rosaire, 1620, église des Terres-de-Chaux

Jacques reçut une formation postérieure à celle dont il put bénéficier durant sa

jeunesse franc-comtoise. Un maître, autre que son père, lui enseigna notamment la

technique de la peinture à fresque, un élément qui confirmerait une formation

italienne, en partie du moins (et donc peut-être celle d’un maître fresquiste, comme

Guido Reni à Bologne).

Cependant, l’imparfaite maîtrise de cette technique par l’artiste, ainsi que

certaines maladresses récurrentes dans la réalisation de ses figures sembleraient

confirmer une formation chaotique et peut-être inachevée, avec des lacunes, ce que

tendait déjà à suggérer le parcours jusqu’à Rome, tel que nous le relatent ses

biographes anciens, avec de nombreuses étapes. Les erreurs de proportion (cat. 60),

les incohérences anatomiques (cat. 85, 89, 98, 105) pourraient également témoigner

d’un manque, voire d’une absence totale d’étude du nu et de copies d’antiques.

En quittant sa patrie dans des circonstances difficiles, Jacques Courtois avait peut-

être déjà, ancré au fond de lui, l’espoir de perpétuer la tradition familiale et la volonté

de se rendre à Rome. Il arriva dans la Ville Éternelle au début des années 1640, avec

pour tout bagage une certaine formation artistique mais surtout une déjà grande

expérience de la vie, avec en mémoire une multitude de souvenirs et d’images fortes,

qui allaient s’avérer très précieux pour sa carrière.

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La première période romaine : 1640-1650

Les fonds d’archives jusque-là quasiment muets concernant la vie de Jacques

Courtois à Rome, entre 1640 et 1650, n’étaient au départ pas des plus engageants. Le

volume de documents à étudier, mais également les lacunes importantes de certains

fonds du XVIIe siècle, rendaient la tâche ardue.

Aucune trace concrète de la présence de l’artiste à Rome au cours de cette période

n’avait été découverte. Ni Antonio Bertolotti211, ni plus tard Jacques Bousquet, qui

étudia pour l’essentiel les registres des Stati delle Anime212 et les archives de

l’Académie de Saint-Luc, ne l’avaient retrouvé. Ce dernier auteur, dans l’ouvrage de

référence pour le séjour des peintres français à Rome au XVIIe siècle, déclarait ne

pas être parvenu à identifier Jacques Courtois dans les registres de « l’état des

âmes »213, et renvoyait le lecteur au livre de Salvagnini214.

L’une des principales difficultés réside dans l’emploi du terme Borgognone, qui

n’est pas souvent accompagné d’un nom de famille, ni même d’un prénom. Cette

caractérisation assez vague ne permet pas d’identifier avec certitude l’individu

concerné et donc de tirer profit de toutes les mentions retrouvées. Les pièces trop

211. A. Bertolotti, 1886, op. cit. 212. Le registre des Stati delle Anime ou Liber status animarum était un registre paroissial, institué pour contrôler la communion pascale, rendue obligatoire dès 1215 par le quatrième concile du Latran. Jusqu’au concile de Trente, il y eut peu de contrôles effectifs, mais ensuite dans sa volonté de réforme post-tridentine, l’administration pontificale imposa ce contrôle annuel aux curés de chaque paroisse. Ceux-ci étaient chargés de collecter les billets de communion pascale au domicile des paroissiens et d’établir des registres récapitulatifs. Ces listes sont très précieuses. Elles équivalent à un recensement annuel de la population par quartier, dans chaque paroisse. Les registres permettent d’espérer retrouver la trace d’un individu, un artiste par exemple, et de savoir avec certitude quelle année, et où, il habitait à Rome, par exemple, mais aussi en quelle compagnie, ce qui permet alors d’étudier sa sociabilité. En théorie, ces registres sont une manne pour le chercheur, car comme l’affirme Olivier Michel : « Rome n’en reste pas moins unique dans ce domaine ». Cependant, plusieurs faits noircissent le tableau : « des lacunes », « une tenue des livres irrégulières » et « la richesse fascinante du fonds fait aussi la difficulté de la recherche » (voir O. Michel, Vivre et peindre à Rome au XVIIIe siècle, Rome, 1996, p. 19-24). Au XVIe siècle, on dénombrait 138 paroisses, qui sont encore plus d’une centaine au XVIIe siècle. 213. J. Bousquet, 1980, op. cit., p. 150, n. 50 : « Sur les Courtois, Jacques le fameux peintre de batailles, dont je n’ai pu malheureusement retrouver les traces et Guillaume, voir le livre de Fr. Alberto Salvagnini ». 214. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., ne propose aucun document inédit concernant la première période romaine de Jacques Courtois.

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ambiguës s’avérèrent inexploitables215. Sur le plan des documents artistiques, des

confusions étaient également possibles entre Jacques et son frère Guillaume, alias

Guglielmo Cortese detto il Borgognone, mais également avec François Simonot

(1660-1731)216 dit en Italie Monsù Francesco Borgognone. La date de la pièce

d’archive, le commanditaire, le contexte historico-géographique ou encore la

description des œuvres, quand nous en disposions, ne permettaient pas toujours de

trancher. Les trois peintres furent actifs à Rome à la même période pour les deux

premiers, un peu plus tardivement pour Simonot. Jacques et Guillaume eurent

certaines fois les mêmes commanditaires et peignirent également des œuvres

illustrant un même thème. Lequel des deux frères Courtois réalisa la Conversion de

saint Paul, qui appartint à Nicolò Sagredo217 ? Un « paesaggio di mano del

Borgognone » est-il de Jacques Courtois ou de François Simonot ? Il fallut donc

également tenir compte de ces possibles confusions et ne retenir que les mentions

d’œuvres probables218.

La première période romaine de Jacques Courtois, celle du début de carrière,

s’étend sur une décennie, de 1640 à l’année jubilaire 1650. Si Filippo Baldinucci ne

relatait pas de manière précise le déroulement de ce premier long séjour dans la Ville

Éternelle219, la notice qu’il dédia à notre artiste reste néanmoins la source

d’information de départ la plus complète. Son texte permet tout d’abord d’estimer la

date d’arrivée de Courtois à Rome, et également d’avoir de premiers indices

concernant le début de la carrière du peintre et sa vie privée.

215. Ce fut souvent le cas, par exemple dans les registres des Stati delle Anime, avec de nombreuses mentions « Borgognone » ou « Giacomo Borgognone ». 216. Nous devons la redécouverte de François Simonot à Geneviève et Olivier Michel. G. et O. Michel, « La décoration du Palais Ruspoli en 1715 et la redécouverte de ‘Monsù Francesco Borgognone’ », Mélanges de l’École Française de Rome, Moyen Âge – Temps modernes, 1977, vol. 89, p. 265-340. 217. L. Borean, « “In camera dove dormoˮ : su alcuni quadri di Nicolò Sagredo », Arte Veneta, 50, 1997, p. 126. 218. Les mentions dans les inventaires italiens de batailles ou de paysages de la main du « padre Giacomo Borgognone » ou du « Borgognone gesuita » ne sont, quant à elles, pas équivoques ; elles désignent bien Jacques Courtois. 219. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 420-421.

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Un jeune Franc-Comtois dans la Ville Éternelle

Selon le biographe florentin, dès son arrivée à Rome, Jacques Courtois logea au

monastère cistercien de Sainte-Croix-de-Jérusalem220, où il réalisa plusieurs peintures

(cat. 129-131), commandées par l’abbé des lieux, Ilario Rancati, et achevées « en une

année ; ce qui fut pendant le pontificat d’Urbain, avant la guerre »221. Le pontificat

d’Urbain VIII prit fin en 1644. Au crépuscule de son règne éclata la guerre de Castro,

qui débuta en octobre 1641222. Si l’on en croit Baldinucci, le travail de Courtois à

Sainte-Croix-de-Jérusalem aurait nécessité une année et s’acheva avant le début de

cette première guerre de Castro, c’est-à-dire avant octobre 1641. Nous pouvons en

déduire que l’artiste serait arrivé à Rome dans le courant de l’année 1640. Cette date

est cohérente si nous la confrontons à ce que nous savons déjà : Jacques Courtois

quitta sa patrie vers 1636, s’engagea pour trois ans à Milan et aurait poursuivi sa

formation pendant environ une année, soit au total quatre années, permettant

effectivement d’envisager une arrivée à Rome en 1640.

Le monastère cistercien de Sainte-Croix-de-Jérusalem faisait partie de la paroisse

de Saint-Jean-de-Latran. Aucune trace de Jacques Courtois cependant dans le registre

des Stati delle Anime de 1640223, et l’année 1641 est manquante. Comme il ne faisait

pas de doute que les membres de la communauté religieuse avaient communié à

Pâques, le curé recenseur ne les inscrivit pas individuellement dans le registre de

« l’état des âmes », se contentant de les comptabiliser. À Pâques 1640, les résidents

de Sainte-Croix-de-Jérusalem apparaissent comme suit : « A Santa Croce in

Hierusalem et conventi delli Monachi quali sono in numero di 34 »224. Les résidents

occasionnels venant de l’extérieur n’y sont, soit pas différenciés des membres du

220. Ibid., p. 420 : « Da Siena se ne passò a Roma, dove era appunto un certo Don Ilarione Milanese, Abate Cisterciense, amico suo. Questi, che ben conobbe la virtù del giovane, fecelo alloggiare nel Monastero di quell’Ordine a Santa Croce in Gerusalemme […] ». 221. Id. : « […] in un anno : e ciò fu nel Pontificato d’Urbano, avanti alla guerra. » 222. F. Haskell, 1963, éd. cons. 1991, op. cit., p. 123-127 et p. 276-277. La guerre de Castro marque la fin de règne d’Urbain VIII et des Barberini. En 1644, le pape signa une paix humiliante. Il décéda quelques mois plus tard. Castro était une ville appartenant au duc de Parme, mais enclavée dans les États du pape. Suite à des querelles financières, le duc avait été excommunié et la ville occupée. La France, la Toscane, Venise et Modène s’allièrent pour contrecarrer les ambitions d’extension territoriale du pape ; des troupes étrangères marchèrent une nouvelle fois sur Rome, et la population fut prise de panique craignant un nouveau sac de la ville comme celui de 1527. Il n’est guère étonnant que Baldinucci prenne cet évènement comme repère dans le temps car il dut à l’époque fortement marquer les esprits. 223. Archivio Storico del Vicariato di Roma (désormais A.S.V.R.), Parocchia di San Giovanni in Laterano, Stati delle Anime 1639-1664 (nombreuses lacunes). 224. Id., registre non folioté et non paginé pour cette année 1640.

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monastère, soit pas comptabilisés du tout, ce qui paraît plus étonnant225. Impossible

donc de savoir par ce moyen si le jeune peintre résidait bien à Sainte-Croix en 1640-

1641226.

Filippo Baldinucci ajoutait qu’après avoir terminé son travail au monastère,

Jacques Courtois, ayant économisé une belle somme d’argent, logea ensuite dans une

maison à Rome, mais sans fournir plus de précisions227. Il y avait cependant de

grandes chances que Courtois ait choisi de résider parmi ses confrères sur l’une des

paroisses qui comptaient alors le plus grand nombre d’artistes, c’est-à-dire celles du

nord de la ville. Au XVIIe siècle, les voyageurs arrivant du Nord entraient dans

Rome par la porte du Peuple et s’installaient dans ces quartiers, où les logements

étaient nombreux et bon marché228. Ce fut le cas des artistes. Luigi Salerno affirme

que la préférence des étrangers pour ces quartiers était due à la proximité de leur lieu

d’arrivée, la place du Peuple, alors le grand vestibule de Rome229. Entre la place du

Peuple et la place d’Espagne, et dans les paroisses alentours, nous constatons

effectivement une forte concentration d’étrangers, Flamands, Français, Francs-

Comtois, Lorrains, et autres. Ils vivaient surtout dans les rues convergeant vers la

place d’Espagne, notamment la via Margutta, la via del Babuino et la via Frattina.

Ainsi, les paroisses de Sant’Andrea delle Fratte, de Santa Maria del Popolo et de San

Lorenzo in Lucina qui se partageaient ces quartiers furent celles qui comptèrent le

plus grand nombre d’artistes.

Le jeune homme n’aurait, semble-t-il, pas entretenu de relations particulièrement

étroites avec ses compatriotes déjà installés sur place. La communauté comtoise

présente dans la ville depuis le XVe siècle, au départ constituée de banquiers et de

marchands, avait vu dans le deuxième quart du XVIIe siècle le nombre de ses

membres s’accroître fortement, gonflé par l’arrivée de réfugiés de toute condition, 225. Nous remarquons dans les registres d’autres paroisses, que les serviteurs des communautés religieuses furent parfois clairement recensés. Par exemple, en 1644 dans les Stati delle Anime de la paroisse de S. Martino ai Monti (f. 90v.), les serviteurs du monastère de S. Antonio sont indiqués. Nous apprenons qu’il y avait alors six serviteurs, dont trois Francs-Comtois et un Lorrain… 226. A.S.V.R., San Giovanni in Laterano, Stati delle Anime 1639-1664. Pour l’année 1642, f. 7 v., nous lisons : « A Santa Croce in Hierusalem. Nel Monastero delli Monici cis.ni da vintiquatro fra novizzi et moneci ». Le mode de recensement est identique et seuls moines et novices sont comptabilisés. Il semble improbable que Courtois ait été comptabilisé avec les novices, de toute manière en 1642, si l’on en croit Baldinucci, il avait quitté les lieux. 227. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 420. 228. Y. Bonnefoy, Rome 1630, Paris, 1970, éd. cons. Paris, 2000, p. 141-173 et J. Bousquet, 1980, op. cit., p. 98. Ce dernier fait état d’un relevé de 1633 recensant 1203 courtisanes et prostituées, parmi lesquelles les artistes recrutaient facilement leurs modèles. 229. L. Salerno, Piazza di Spagna, Cava dei Tirreni-Naples, 1967, p. 119.

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chassés par la guerre de Dix Ans, celle-là même qui avait poussé Courtois à l’exil. Si

les premiers arrivants, tout d’abord trop peu nombreux pour créer leur propre groupe

national, s’étaient agrégés à la confrérie de la Purification des Transalpins, fondée en

1473230, et d’autres à celle de Saint-Louis des Français, la venue massive de

nouveaux compatriotes allait permettre, à partir de 1650, de fonder une confrérie

nationale, sous les vocables de saint Claude et de saint André231. Organisation pieuse

et charitable, la confrérie disposait d’un oratoire destiné aux exercices de ses

membres232. Elle établit également un hôpital pour les pèlerins indigents venant de

Franche-Comté233. Enfin, dans le premier tiers du XVIIIe siècle, serait édifiée leur

église, Sant’Andrea e Claudio dei Borgognoni234.

Bien que la présence de ces nationaux fût forte, il semble que Courtois se soit

intégré professionnellement et socialement à Rome235, sans nouer de liens exclusifs

avec ses seuls compatriotes, en dehors des membres de sa famille. Jacques Courtois

ne fit jamais partie des officiers de la confrérie comtoise et ne compta pas non plus

parmi les bienfaiteurs de son église et de son hôpital236.

Jean Girardot de Nozeroy, historien du XVIIe siècle évoquant ses concitoyens

présents à Rome écrivait : « […] on comptoit qu’ils estoient à Rome dix ou douze

mille Bourguignons de tout sexe »237. Les registres de communion pascale fournissent

effectivement la preuve d’une importante colonie comtoise établie dans les quartiers

230. H. Moreau, « Saint-Claude des Francs-Comtois au XVIIe siècle », Les fondations nationales dans la Rome pontificale, Rome, 1981, p. 715. 231. A. Castan, 1881, op. cit., p. 14. La confrérie fut créée « sous l’invocation de saint André et saint Claude, patrons protecteurs de la Franche-Comté », et p. 15 : « Il fut arrêté ensuite que la confrérie se recruterait exclusivement parmi les nationaux de la Franche-Comté et les citoyens de Besançon, ainsi que parmi les enfants mâles desdits nationaux ou citoyens résidant à Rome. » 232. Ibid., p. 15 : « (Les membres de la confrérie) firent le choix d’une petite église que les Bernardins réformés de la province de Piémont possédaient sur la vieille place de Saint-Silvestre et que ces religieux consentaient à aliéner ». Amodié au départ, cet oratoire sera finalement acquis le 3 avril 1656 pour onze cents écus. Voir également H. Moreau, 1981, op. cit., p. 716 : « La confrérie fit aussitôt apposer quatre armoiries sur la porte de son oratoire : celles du pape, du roi d’Espagne, du cardinal Trivulzio (Milanais créé cardinal par Urbain VIII en 1629, décédé à Milan en 1656) et de la Franche-Comté. » 233. A. Castan, 1881, op. cit., p. 16-17. La confrérie avait acheté trois maisons voisines de son oratoire, ayant pour projet cet hôpital. 234. L’église S. Andrea e Claudio dei Borgognoni existe toujours, piazza San Silvestro. 235. On peut dire de même de son frère Guillaume, qui fera carrière à Rome et qui n’y figure pas non plus. 236. A. Castan, 1881, op. cit., voir p. 47-49, la « Liste chronologique des principaux officiers de la confrérie de Saint-Claude (1652-1793) », et p. 74-79 la « Liste des bienfaiteurs de l’église et de l’hôpital de Saint-Claude (1658-1744) ». Mais il est vrai qu’en 1657, Jacques Courtois avait intégré la Compagnie de Jésus. 237. J. Girardot de Nozeroy, Histoire de dix ans de la Franche-Comté de Bourgogne,1632-1642, éd. cons. Besançon, 1843, p. 213.

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nord, entre la piazza del Popolo et la piazza di Spagna238. Identifier Jacques Courtois

parmi tous ces Borgognoni n’était pas tâche aisée car nous étions en présence de

nombreux « Giacomo Borgognone » et « Jacopo Borgognone », avec pour la

majorité aucune indication de nom de famille, d’âge, ni de profession. Nous les

trouvions également en compagnie de colocataires qui ne s’avéraient pas non plus

des indices sûrs.

Au bout du compte, nous n’avons retenu que deux mentions des Stati delle Anime.

À Pâques 1646, Jacques Courtois habitait la paroisse de S. Lorenzo in Lucina239 et en

1649, celle de S. Andrea delle Fratte240. Courtois n’est pas présent les années

précédentes, ni les suivantes, aux adresses relevées, et semble donc avoir souvent

changé de domicile au cours de cette première période romaine.

En 1646, Jacques Courtois habitait dans une auberge tenue par Anibale

Saccovano, sur la paroisse de San Lorenzo in Lucina. Le logement était situé à main

gauche dans une ruelle transversale allant de la via Ferratina241 à la via Bocca di

Leone242. Encore célibataire, il logeait alors en compagnie de neuf autres personnes.

Sa profession et son âge ne sont pas indiqués, et ses prénom et nom, italianisés en

« Jacomo Cortese », correspondant à la forme la plus fréquemment employée pour

l’artiste en Italie : « Giacomo » ou encore « Jacomo » pour le prénom, et « Cortese »

pour le nom. Nous trouvons aussi pour ce dernier « Cortesi », mais moins souvent.

À Pâques 1649, Jacques Courtois, marié à présent, habitait avec sa femme Anna

Maria la paroisse de Sant’Andrea delle Fratte, près du collège des Maronites. Les

Courtois logeaient uniquement en compagnie d’un autre couple, « Nicolò Sapui

Savoiardo » et son épouse. Peut-être s’agit-il de Nicolas Chapuis, doreur, sculpteur et

peintre, auteur de retables baroques, Lorrain de naissance, mais qui fut actif

238. Au XVII e siècle, ils sont très nombreux dans les registres des Stati delle Anime, particulièrement dans les paroisses de S. Maria del Popolo, S. Lorenzo in Lucina, S. Maria in Via et S. Martino ai Monti. Aujourd’hui, deux rues témoignent encore de la présence des Francs-Comtois à Rome, la via Borgognona et la via San Claudio. 239. A.S.V.R., San Lorenzo in Lucina, Stati delle Anime, année 1646, partiellement folioté ; document présenté dans notre chronologie raisonnée, à Pâques 1646. 240. A.S.V.R., Stati delle Anime, Sant’Andrea delle Fratte, année 1649, f. 28 ; document dans notre chronologie raisonnée, à Pâques 1649. 241. Aujourd’hui la via Frattina. 242. Nous avons le renseignement « 2.o vicolo trasversale da fematina verso boca di Leone » dans les Stati delle Anime, même paroisse, année 1645, f. 43v. Anibale Saccovano habitait déjà à cet endroit.

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essentiellement en Dauphiné, et notamment à Grenoble243. Il n’est pas indiqué de

liens particuliers entre les deux chefs de famille, professionnels par exemple, et donc

nous ne pouvons pas conclure que cette cohabitation était celle de deux artistes. La

présence de deux couples sans enfant, soit seulement quatre personnes au total dans

le logement, même sans la présence de serviteur, est le signe d’une certaine aisance

matérielle244, témoignant de fait d’une progression dans la situation de Jacques

Courtois depuis 1646, illustration de l’évolution positive de sa carrière.

L’information la plus intéressante du document réside dans la mention du prêtre

recenseur, qui indique que Courtois est « serv(ito)re di Panflij ». En 1649, Courtois

travaillait donc pour la famille papale, pour le pape lui-même, Innocent X Pamphilj245

et/ou pour le cardinal-neveu Camillo. Pour le prêtre, cette précision, importante,

méritait de figurer sur le registre des Stati delle Anime, pour identifier ce fidèle qui

s’était acquitté de son devoir de communion pascale. Néanmoins, le fait que le curé

n’indique pas sa profession sur le registre des Stati delle Anime, et laisse un blanc

derrière son prénom, comme s’il avait hésité sur le nom de famille, témoigne

probablement du fait que Courtois n’avait pas encore atteint une très grande

renommée.

Nous pouvons penser que les deux Batailles de la galerie Doria Pamphilj (cat. 27-

28), œuvres représentatives de la première période de l’artiste furent réalisées à cette

période ; de même que la Prise de Castro (cat. 116), s’il s’agit bien d’une œuvre de

collaboration entre Carlo Maratta et Jacques Courtois. Ce tableau, célébrant la

victoire des troupes d’Innocent X, en 1649, lors de la deuxième guerre de Castro, dut

être une réalisation succédant de peu l’évènement, donc exécutée vers 1649-1650.

Si d’autres mentions intéressantes figurent dans les Stati delle Anime, elles ne sont

cependant pas suffisamment précises pour nous permettre d’avancer que nous nous

trouvons bien en présence de notre artiste246.

243. E. Bénézit, éd. cons. 1999, III, op. cit., p. 486. On ne sait pas s’il séjourna en Italie, et à Rome en particulier. 244. O. Michel, 1996, op. cit., p. 30 : « La réussite est visible dans le logement […] ». 245. Pape de 1644 à 1655. 246. Citons quand même le « Jacomo Borgognone » (A.S.V.R., S. Lorenzo in Lucina, Stati delle Anime, 1642, f. 5v., « Ferratina dal Corso m.o destra »), et le « s.r Giacomo pittore » (A.S.V.R., S. Lorenzo in Lucina, Stati delle Anime, 1643, f. 51v., « Corso mano destra comin.do dal’Arco »). Ou bien peut-être est-il le « Giacomo Borgognone » qui logeait dans le palais du cardinal Albernozzi en 1642, sur la paroisse de S. Maria in Via, en compagnie d’autres courtisans espagnols et avec d’autres Comtois. Mention alléchante pour plusieurs raisons. Le palais du cardinal était proche du palais du comte Carpegna, la première personnalité, à Rome, qui se serait intéressée à la production de Jacques

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Le début de carrière, les véritables années d’appre ntissage

Dès son arrivée à Rome, Jacques Courtois aurait été logé au monastère cistercien

de Sainte-Croix-de-Jérusalem. Il devait y réaliser le décor à fresque du réfectoire des

moines ; un travail qui nécessita une année et pour lequel il reçut une provision

mensuelle de douze scudi. Le premier commanditaire de l’artiste à Rome fut donc

l’abbé des lieux, Ilario Rancati (ill. 2 ), un religieux milanais érudit, qui dépensa

beaucoup pour les réparations et l’embellissement de l’église et du monastère de

Sainte-Croix, et enrichit également la bibliothèque qui s’y trouvait247.

ill. 2 � Anonyme, Portrait d’Ilario Rancati, Milan, Pinacothèque Ambrosienne

Jacques Courtois ayant séjourné à Milan, il est possible qu’il ait eu une

recommandation pour cet abbé, émanant peut-être des Watteville, dont la piété était

Courtois, selon F. Baldinucci (F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 420). Et Egidio Albernozzi était un cardinal espagnol qui soutint candidature de Giovanni Battista Pamphilj au siège papal, et donc qui aurait pu mettre en relation Courtois et les Pamphilj (A.S.V.R., Stati delle Anime, S. Maria in Via, année 1642, f. 92v.-f. 93). 247. A. Fumagalli, Vita del padre D. Ilarione Rancati, milanese, Brescia, 1762, p. 98-100, : « Nei diciotto anni, in cui presedette Superiore nel Monistero di Santa Croce, spese del denaro, che aveva ad uso proprio, nelle riparazioni, e negli ornamenti e suppellettili di essa Chiesa e Monistero, 3178. scudi Romani, oltre quelli, che impiegò nel provvedere più di due mille Libri, e circa trecento Codici mfs ; i quali per comodo de’Monaci furono da esso lasciati alla Biblioteca del succennato Monistero ; per nulla dire delle altre elemosine, che dispensava segretamente a molti Nobili e Forestieri in povertà ridotti […] ».

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connue, et qui étaient très estimés en Lombardie mais également à Rome248, ou peut-

être, comme l’affirme Pascoli, avait-il personnellement fait la connaissance de

Rancati lors de son séjour milanais249. Il semble improbable qu’un jeune artiste

inconnu, nouveau venu à Rome, ait obtenu cette commande sans l’intervention d’une

relation importante, sans solides recommandations.

L’année passée au monastère de Sainte-Croix-de-Jérusalem, fut donc employée à

la décoration du réfectoire des moines cisterciens (ill. 3 ).

ill. 3 � Rome, Réfectoire du monastère cistercien de Sainte-Croix-de-Jérusalem

L’artiste exécuta au plafond une grande scène centrale, le Miracle de la

multiplication des pains (cat. 129) ainsi que deux ovales latéraux en grisaille,

proposant pour le premier, la Tentation du Christ (cat. 130) et, pour le second, le

Repas d’Emmaüs (cat. 131). D’après ses biographes anciens, Jacques Courtois aurait

réalisé d’autres œuvres à Santa Croce250, mais ils ne précisaient pas lesquelles, si bien

qu’aujourd’hui nous n’en avons pas connaissance251.

248. P. et P. Dupin, Dom Jean de Watteville, Abbé de Baume. L’histoire et la légende, Paris, 1925, p. 25. 249. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 114 : « Alloggiava egli allora nel monistero di S. Croce in Gerusalemme, ove dall’abate, che conosciuto aveva in Milano, ebbe non solo la tavola, e le stanze, ma un assegnamento di dodici scudi il mese, che fu per lui un buon rincontro, ed una gran fortuna. » 250. Pour l’abbé, selon L. Pascoli, pour les moines, selon Baldinucci (L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 114 ; F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 420). 251. F. Baldinucci, 1728, p. 420, ne donne aucun renseignement concernant ces autres peintures. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 114 est plus précis : « Fece per l’abate diversi quadri quasi tutti rappresentanti zuffe, scaramucce, e battaglie. »

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Nouvel arrivant, l’artiste aurait profité de cette période privilégiée, pendant

laquelle il bénéficia du gîte, du couvert et d’un revenu assuré, « pour étudier toutes

les belles choses de Rome »252, en compagnie de Pieter Van Laer et des Bamboccianti

avec lesquels il se lia d’amitié253. Il s’agit de la version de Baldinucci, celle de Lione

Pascoli différant quelque peu. Selon ce dernier, l’abbé Rancati, commanditaire du

décor du réfectoire du monastère, amateur de peinture et grand ami de Bamboche et

de Pierre de Cortone (1596-1669), leur avait présenté Courtois. L’artiste aurait ensuite

suivi leur enseignement, particulièrement celui de Cortone, qui serait devenu le

meilleur ami qu’il ait eu à Rome254.

Une rencontre avec Bamboccio est improbable, car celui-ci aurait quitté la ville en

1639255. Il lui aurait donc été impossible de faire la connaissance de Jacques Courtois

en 1640-1641256. Quant à l’enseignement et à l’amitié de Pierre de Cortone, à Rome,

à cette même période, Baldinucci ne les évoquant pas, il pouvait sembler que Pascoli

avait fait erreur sur la personne, confondant Jacques avec son frère Guillaume, qui

fut plus tard l’un des Cortoneschi257. De plus, en 1641, Pierre de Cortone travaillait à

Florence, au palais Pitti, au décor de la Stanza della Stufa258, et il ne revint

momentanément à Rome qu’en 1643. L’influence de Pierre de Cortone transparaît

cependant dans la Multiplication des pains (cat. 129) de Sainte-Croix-de-Jérusalem259 ;

il n’est pas impossible que Courtois ait vu les œuvres de Cortone à Florence avant

d’arriver dans la Ville Éternelle et de réaliser le décor du réfectoire de Santa Croce.

La mise en page de cette œuvre est en effet proche de celle de L’Âge d’Or (voir cat.

129 et ill. 49 , vol. II). Une rencontre entre les deux artistes put avoir lieu à Rome, mais

plus tardivement, peut-être en 1643 quand Pietro revint dans la ville pour presqu’une

252. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 420 : « […] e con loro s’introdusse a studiare tutte le belle cose di Roma […] ». 253. Id. 254. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 114-115 : « […] veramente il migliore, e maggior amico che avesse in Roma. » 255. J. von Sandrart, Academia nobilissimae artis pictoriae, Nuremberg, 1683, p. 306. 256. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 39. L’auteur remarque l’incompatibilité des dates mais passe outre. Il ne remet pas en cause le passage de la biographie de Baldinucci et déclare que Sandrart, âgé de 77 ans lors de la publication de son ouvrage en 1683, n’avait plus la mémoire des dates exactes... On peut penser que Sandrart, qui ne fut présent à Rome que jusqu’en 1635, n’eut connaissance que de manière indirecte de la date de départ de Van Laer. 1639 n’est peut-être pas exact ; Courtois et Van Laer ont aussi pu ne jamais se rencontrer. 257. M. Fagiolo dell’Arco, Pietro da Cortona e i ‘Cortoneschi’, Gimignani, Romanelli, Baldi, il Borgognone, Ferri, Milan, 2001. 258. S. Roettgen, Fresques italiennes du Baroque aux Lumières, 1600-1797, Paris, 2007, p. 163. 259. Comme nous l’a aimablement fait remarquer Paola Bassani Pacht. Communication orale, Paris, nov. 2009.

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année. Il commença alors la Bataille d’Alexandre contre Darius (ill. 4 ), une œuvre qui

ne pouvait manquer d’intéresser Jacques Courtois.

ill. 4 � Pierre de Cortone, La Bataille d’Alexandre contre Darius, Rome, Palais des Conservateurs

Guillaume Courtois, arrivé à Rome en 1644, soit plusieurs années après son aîné,

a pu profiter du réseau relationnel tissé par son frère Jacques et peut-être

effectivement de son amitié avec Pietro da Cortona260.

Quoi qu’il en fût de cette première rencontre, le registre des Stati delle Anime de

S. Andrea delle Fratte nous révèle qu’en 1649 Jacques Courtois habitait à deux pas

de chez Cortone, tous deux recensés « Isola dell’Angelo Custode »261. Les propos de

Pascoli contiennent sans doute une part de vérité, même si sa chronologie ne semble

pas des plus exactes. Il est vraisemblable que Jacques Courtois et Pierre de Cortone,

proches voisins en 1649, se connaissaient alors.

Pour en revenir à Van Laer, à défaut de suivre directement son enseignement,

Courtois fréquenta très certainement les Bamboccianti, soit par l’intermédiaire de Jan

Asselijn qu’il avait rencontré à Florence et qui rejoignit Rome vers 1639-1640 pour y

260. Si nous rejoignons Dieter Graf, « Guglielmo Cortese », Pietro Da Cortona, cat. expo. Rome, 1997-1998, p. 223, lorsqu’il évoque un premier contact possible entre Pierre de Cortone et Jacques Courtois en 1643, en revanche Guillaume ne pouvait pas être présent car il n’arriva à Rome qu’en 1644 ; Cortone était alors reparti à Florence. 261. Dans le registre des Stati delle Anime, les prêtres fractionnaient l’espace en isole, îlots, « pour pallier l’absence de numéros officiels » et ils numérotaient ou caractérisaient les maisons. Puis, « le curé de la paroisse notait l’état de chaque famille qu’il séparait de la suivante par un trait », voir O. Michel, 1996, op. cit., p. 25-26, qui dit encore : « Famille s’entend au sens large du terme et comprenait non seulement le père, la mère et les enfants, mais tous ceux qui vivaient avec eux : ascendants, collatéraux, amis et serviteurs. »

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demeurer jusque fin 1643-début 1644262, ou encore de Michelangelo Cerquozzi (1602-

1660), qui dès 1630 fut l’un d’eux263. Si une nouvelle fois les versions de Baldinucci

et Pascoli diffèrent, tous deux font néanmoins se rencontrer Courtois et Cerquozzi,

« le fameux peintre Michelangelo des Batailles »264, à Rome, au début du premier

séjour du Borgognone265.

Courtois reçut-il les conseils et l’enseignement de Cerquozzi comme le relataient

Baldinucci et Pascoli ? C’est possible mais les registres des Stati delle Anime

n’apportent pas la preuve de liens entre les deux hommes, de maître à élève par

exemple, ou d’une collaboration entre artistes. Cerquozzi résidait sur la paroisse de

S. Andrea delle Fratte, « Isola incontro San Gioseppe », au moins depuis 1645. Les

lacunes et le mauvais état des registres de 1635 à 1644 ne permettent cependant pas

de se prononcer pour les années correspondant aux débuts de Courtois. En 1645,

nous trouvons Michelangelo Cerquozzi en compagnie de « Franc(esc)o putto »266 ; ce

dernier est dit « discepolo »267 en 1646 ; en 1647 et 1648, nous disposons du

nom complet de ce compagnon : « Francesco Pinardi »268. En 1649, nous avons vu

précédemment où, et en quelle compagnie, habitait Courtois. En 1650, Cerquozzi

loge toujours au même endroit mais cette fois avec « Gio. Fran.co Gerardi pittore

rom.o »269.

En 1645, dans cet îlot « incontro San Gioseppe », près de Cerquozzi résidait

« Giacomo francese »270. Il est tentant d’y voir Jacques Courtois, ce qui prouverait

qu’en 1645 il évoluait bien dans l’orbite de Cerquozzi. Cette mention des Stati delle

Anime n’est cependant pas assez précise pour valider cette hypothèse, qui supposerait

de plus que le francese ait supplanté le borgognone, ce qui fut parfois le cas pour

262. A. C. Steland-Stief, 1971, op. cit., p.16-17. 263. Michelangelo Cerquozzi proposa dans ses petits tableaux de genre, une version plus romaine et moins caricaturale des scènes de la réalité quotidienne qu’avaient l’habitude de peindre les autres bamboches. Il ne fut pas seulement surnommé Michelangelo delle Battaglie (des Batailles) mais aussi Michelangelo delle Bambocciate (des Bambochades). Au sujet de Cerquozzi, voir l’article de Laura Laureati, « Michelangelo delle Battaglie », Paragone, XLIV, 1993, n° 523-525, p. 52-67. 264. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 420 : « […] il famoso pittore Michelagnolo delle battaglie […] ». 265. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 115 et F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 420. Pour Pascoli, c’est Pierre de Cortone qui aurait présenté Courtois à Cerquozzi, tandis que chez Baldinucci, c’est le comte Francesco Maria Carpegna, père du cardinal Gaspare, qui aurait servi d’intermédiaire. 266. A.S.V.R., S. Andrea delle Fratte, Stati delle Anime 1645-1648, année 1645, f. 22. Les registres sont manquants de 1635 à 1642 inclus et nous n’avons rien trouvé sur le registre des années 1643 et 1644, cette dernière année en mauvais état, étant quasiment illisible. 267. A.S.V.R., S. Andrea delle Fratte, Stati delle Anime 1645-1648, année 1646, f. 68. 268. Ibid., année 1647, f. 119v. et année 1648, f. 171. 269. A.S.V.R., S. Andrea delle Fratte, Stati delle Anime 1650, f. 21. 270. A.S.V.R., S. Andrea delle Fratte, Stati delle Anime 1645-1648, année 1645, f. 22.

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Biographie critique

59

d’autres artistes, désignés d’après leur langue maternelle plutôt que d’après leur

origine géographique véritable271. À partir de 1646, plus de « Giacomo francese »

dans les parages de l’artiste romain.

Si nous ne disposions pas des allégations des biographes anciens, les influences et

les rencontres décisives au cours des premières années romaines de Jacques Courtois,

resteraient très floues. Nous ne pouvons pas prouver l’enseignement direct de Pieter

Van Laer et de Pierre de Cortone, ou encore les conseils et l’aide de Cerquozzi.

Néanmoins, il est probable que Jacques Courtois ait effectivement mis à profit ses

premières années dans la Ville Éternelle pour étudier, dessiner, et copier des œuvres,

s’imprégnant du milieu dans lequel il vivait et de son entourage artistique. Ces

premiers temps à Rome furent de véritables années d’apprentissage et de maturation

de sa manière. Elles seront déterminantes dans l’élaboration de son œuvre peint, pour

sa production future. Filippo Baldinucci ne cite pas de précédents iconographiques

précis qui influencèrent Courtois ; Pascoli et Pio, un seul, la Bataille du pont Milvius

de Giulio Romano (ill. 23 ). Celle-ci aurait tant impressionné notre artiste qu’il

souhaita ensuite exclusivement réaliser des batailles.

Si pour cette première période romaine de Jacques Courtois, Baldinucci et Pascoli

évoquent un début de carrière facile et le rapide succès d’un artiste qui s’était

soudain plu à peindre des batailles, la réalité fut sans doute bien différente. À son

arrivée à Rome, après avoir achevé son travail pour l’abbé Rancati, Courtois, jeune

artiste inconnu, ne reçut pas d’autres grandes commandes et dut se résoudre à

travailler pour le marché local. Il semble que sa carrière ait démarré lentement et

qu’il était au départ essentiellement un peintre de paysages. Il faut en effet attendre la

fin de la décennie 1640 pour rencontrer les signes d’une véritable reconnaissance du

peintre, avec des commandes émanant de personnages prestigieux. En 1649, Courtois

travaillait pour les Pamphilj et, à la même période, il expédia des tableaux à

l’extérieur de Rome, notamment à Florence pour le marquis Carlo Gerini272. Enfin, il

271. Le fait que ce soit Giacomo francese et pas Giacomo borgognone ne suffit pas à rejeter cette hypothèse. En effet, nous pouvons faire un parallèle avec le séjour florentin de Jacques Callot, qui était lorrain et qui fut nommé Jacopo Castor di Lorena mais aussi Jacopo franzese/Jacques français. Voir P. Choné, « Pour le vrai Callot », Dossier de l’Art, n° 8, 1992, p. 32. On peut penser que Courtois comme Callot a pu aussi être caractérisé en fonction de sa langue, le français, et pas seulement au regard de son origine politico-géographique. 272. M. T. Di Dedda, « Volterrano, Rosa, Mehus, Dolci, Borgognone e la quadreria del Marchese Carlo Gerini (1616-1673). Documenti e dipinti inediti », Storia dell’Arte, no 119 (n. s. 19), janv.-avr. 2008, p. 31-96.

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Biographie critique

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ne fut convié en Toscane par Mattias de Médicis, frère du grand-duc Ferdinand II,

qu’au début des années 1650. Près d’une décennie aura donc été nécessaire à l’artiste

pour se faire connaître.

Que savons-nous de ses premiers commanditaires ?

Les premiers commanditaires

Pour cette première période romaine, hormis le comte Carpegna273, Filippo

Baldinucci ne communique pas le nom des acquéreurs des tableaux de l’artiste. Il

écrit ainsi, de manière assez vague, « qu’il ne se trouvait alors à Rome pas de

personnage, quel qu’il fût, qui ne souhaitait avoir une œuvre de sa main »274. L’artiste

« en réalisa un grand nombre pour les cardinaux et autres prélats, et les princes »275,

alors les grands commanditaires, collectionneurs et amateurs d’art les plus fortunés.

La seconde partie de ce passage tiré de la notice du biographe florentin nous en

apprend davantage. Elle concerne des tableaux de Courtois, réalisés intra-muros,

mais destinés à être expédiés à l’extérieur de Rome276. Baldinuci évoque deux

commandes précises qui furent envoyées à Florence. La première, une Bataille (cat.

35) pour le marquis Ferdinando Ridolfi, devait à l’origine en accompagner une autre

de la main de Salvator Rosa277. La seconde concernait « molti quadri », destinés au

marquis Carlo Gerini, commande passée par l’intermédiaire de Monanno Monanni,

guardarobiere du palais des Médicis à Rome. Deux grandes Batailles (cat. 33-34), des

pendants, figurent toujours dans la collection Gerini à Florence. Leur paiement

apparaît dans les archives Gerini, en mai 1649, et l’intervention de Monanno

Monanni y est effectivement documentée278.

Pour cette première période romaine de Courtois, Lione Pascoli citait, quant à lui,

le nom d’autres acheteurs prestigieux, tout d’abord, les marquis Sacchetti et

273. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 420 : « […] Padre dell’Eminentissimo Cardinal Carpigna il giovane […] ». Il s’agit du comte Francesco Maria Carpegna, père du cardinal Gaspare. 274. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 420 : « […] non era in Roma personaggio, qualunque si fosse, che non volesse qualche opera di sua mano.» 275. Id. : « Ne fece molte per Cardinali e altri Prelati e Principi […] ». 276. Id. : « […] e molte ancora, che furon mandate in diverse città. » 277. Ibid., p. 420-421. 278. M. T. Di Dedda, 2008, op. cit., p. 75 ; voir la chronologie raisonnée, au mois de mai 1649.

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Carandini, le connétable Colonna et l’ambassadeur d’Espagne279. Les inventaires

Sacchetti et Colonna du XVIIe siècle font effectivement mention d’œuvres de

Jacques Courtois. Deux tableaux figurent en 1688 dans l’inventaire de la collection

du marquis Giovanni Battista Sacchetti (1639-1688), neveu de Marcello et du cardinal

Giulio. Il s’agit, comme les deux petites batailles Pamphilj (cat. 27-28), d’œuvres de la

première période de l’artiste, aujourd’hui conservées à la galerie Capitoline (cat. 31-

32). Si des peintures de Courtois figurent également dans les inventaires de

Marcantonio V Colonna (en 1654), et de Lorenzo Onofrio Colonna (en 1664 et

1679)280, ces collections ayant été dispersées, elles ne sont aujourd’hui plus connues.

La Bataille (cat. 48) et la Chasse au cerf (cat. 21), aujourd’hui à la galerie Colonna, à

Rome, n’apparaissaient pas dans les inventaires de la famille au XVIIe siècle,

s’agissant donc de tableaux ayant été acquis plus tardivement.

Les deux toiles figurant dans l’inventaire de Marcantonio V Colonna, en 1654,

pourraient être des œuvres de la première moitié de carrière de l’artiste mais, selon

nous, la mention des deux tableaux, « due Battaglie in tela di mano d’un Giesuita

longhi p.mi tre è mezzo l’uno alti p.mi tre inc.a con le Cornici alla fiorentina tutte

dorate »281, donnés à Jacques Courtois par E. Safarik, est équivoque. Il s’agit bien de

deux batailles, mais en 1654, Courtois n’était pas encore jésuite… L’attribution nous

semble donc hasardeuse. Nous retrouvons ces deux batailles dans l’inventaire de

Lorenzo Onofrio Colonna, en 1664, où cette fois elles sont enregistrées comme

« opera del Borgognone Gesuita », affirmant plus fermement la mention vague de

1654, mais probablement de manière erronée. Il s’agissait des deux seules « œuvres

de Courtois » mentionnées dans cet inventaire Colonna de 1664, et il faut attendre

l’inventaire de 1679 pour voir apparaître d’autres tableaux de la main de l’artiste,

plus sûrs. Au total y figurent alors sept œuvres (M. 1-3, M. 22-25) dont trois paysages282

(M. 1-3).

Si Pascoli citait également, comme Baldinucci, les envois de tableaux à Florence,

pour Ridolfi et Gerini, et pour d’autres « cavalieri della Toscana », il évoquait

également des expéditions à Naples, à destination du vice-roi et du cardinal

Filomarino, à Milan pour Wattevile, et de nombreux envois dans d’autres villes

279. L. Pascoli, 1730, I , op. cit., p. 115. 280. E. Safarik, Collezione dei dipinti Colonna : inventari 1611-1795, Munich-New Providence-Paris, 1996 et N. Gozzano, La quadreria di Lorenzo Onofrio Colonna. Prestigio nobiliare e collezionismo nella Roma barocca, Rome, 2004. 281. E. Safarik, 1996, op. cit., p. 81, no [130]. 282. Ibid., p. 126-127, nos [109], [131], [141], [153], [376].

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lombardes ainsi qu’en Espagne, mais cette fois sans préciser le nom des

acquéreurs283. Concernant le cardinal Ascanio Filomarino (1583-1666), le prélat

résidait effectivement à Naples à cette période (il y est à partir de 1641) et, en 1685,

l’inventaire de la collection de son héritier, son neveu le duc Ascanio, mentionne

deux batailles de Courtois284 (M. 31-32). Il est possible qu’il se soit agi d’œuvres

réalisées pendant la première décennie romaine de l’artiste, ce qui corroborerait les

propos de Pascoli.

Stylistiquement, les œuvres Sacchetti (cat. 31-32), Gerini (cat. 33-34) et Ridolfi (cat.

35), que nous connaissons encore aujourd’hui, sont caractéristiques de la première

période romaine de Jacques Courtois, ce qui va donc dans le sens des écrits de

Baldinucci et de Pascoli. S’il n’est pas possible de se prononcer quant aux peintures

des autres collections, aujourd’hui non identifiées, néanmoins, les personnages cités

par les deux biographes semblent tous avoir possédé des tableaux de Courtois. Les

Colonna et les Filomarino eurent effectivement des œuvres de l’artiste. Il est aussi

probable que Watteville, l’ambassadeur d’Espagne à Rome et le vice-roi de Naples

en possédaient également. Enfin, qu’il y ait eu d’autres propriétaires toscans et

lombards semble une évidence, puisque Courtois séjourna à plusieurs reprises dans

leur région.

Concernant les œuvres expédiées en Espagne et les collectionneurs espagnols,

parmi les inventaires madrilènes de la fin du XVIIe siècle et de la première moitié du

XVIII e siècle, trois font mention d’œuvres de Jacques Courtois : ceux du comte de

Molina285, de la marquise de Ugena286 (M. 84-85) et du marquis de Portago287 ; ce

dernier ne possédant pas moins de dix-neuf batailles de l’artiste (M. 89-107), et

également un paysage (M. 20).

283. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 115. 284. L. Lorizzo, La collezione del cardinale Ascanio Filomarino. Pittura, scultura e mercato dell’arte tra Roma e Napoli nel Seicento, Naples, 2006, p. 110 : « [58-59] Due Quadri del Gesuita di trè, et uno, e mezo in circa di Battaglie con cornice d’Ebbano negra ». 285. M. B. Burke, P. Cherry, Spanish Inventories 1. Collections of paintings in Madrid 1601-1775, The John Paul Getty Trust, 1997, p. 1105 ; voir la chronologie raisonnée. 286. Ibid., p. 1033, Isabel María de la Cruz Ahedo, Marquesa de Ugena (viuda de Juan Francisco de Goyeneche, Marqués de Ugena y Torrejoncillo, del Consejo de Su Majestad en el Real de Hacienda y Mayordomo de la Reina, Caballero de Santiago) : « Dos Paises de Vattallas ». 287. Ibid., p. 1066, Joseph Gómez de Terán, Marqués de Portago (del Consejo de Hacienda de Su Majestad) : « Batalla ; Dos de Batallas ; Tres batallas ; Pais de una Batalla ; Quatro Batallas ; Batalla ; Quatro Batallas ; Tres Pinturas Batallas ».

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Francis Haskell écrivait au sujet du peintre Michelangelo Cerquozzi : « Nul doute

que la carrière de Cerquozzi n’ait été étroitement liée à l’Espagne et aux partisans

qu’elle comptait à Rome. […] jusqu’à la fin de sa vie il eut pour principaux mécènes

des hommes qui évoluaient dans la sphère d’influence espagnole »288. L’auteur ajoute

: « Quelles qu’aient pu être leurs sympathies politiques, la plupart de ces familles

privilégiaient un goût bien différent de celui qu’on se plaisait à afficher dans

l’entourage plus cultivé des Barberini. […] Leurs préférences allaient presque

toujours à des paysagistes tels que Gaspard Dughet et Salvator Rosa, ou à des artistes

spécialisés dans le genre de sujets chers à Cerquozzi – Jan Miel, par exemple, ou

Giacomo Borgognone, célèbre pour ses scènes de bataille –, ou encore aux

bamboccianti plus tardifs »289.

L’analyse de Francis Haskell semble plutôt juste. Les amateurs des tableaux de

Cerquozzi sont ceux qui achetèrent les œuvres de Jacques Courtois et certains des

premiers grands commanditaires de notre artiste à Rome évoluaient effectivement

dans la sphère d’influence espagnole : le comte Carpegna, la famille Colonna,

« famille la plus hispanophile de Rome »290, ou encore Camillo Carandini, comte

modénois acquis à la cause espagnole291. Toujours selon Haskell, dans leurs choix des

œuvres et des artistes, les collectionneurs de l’époque auraient répondu à deux

visions, une classique et une baroque292. Ceux qui prisèrent la vision classique ne

furent généralement pas ceux qui achetèrent les tableaux de batailles et les

bambochades.

Que Naples, aussi sous le contrôle des Habsbourg d’Espagne, ait été l’autre grand

foyer de développement de la peinture de bataille semble aller dans le sens de

l’analyse des goûts de l’époque en Italie par Haskell. Nous pouvons sans doute

évoquer un « goût espagnol » et un « goût français », la production de Jacques

Courtois répondant au premier. L’envoi des œuvres de l’artiste à Naples, à Milan et

en Espagne, comme nous l’avons noté chez Pascoli, paraît ainsi particulièrement

significatif.

288. F. Haskell, 1963, éd. cons. 1991, op. cit., p. 258. 289. Id. 290. Id. 291. Id. 292. Ibid., p. 201.

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Cependant, en matière de goût, les choses s’avèrent complexes et sont si

intimement liées à la personnalité du collectionneur ou du commanditaire, qu’il serait

surprenant qu’elles répondent toujours, ou seulement, au schéma binaire décrit ci-

dessus. Ainsi, pour les œuvres de Courtois, il existe aussi des contre-exemples, qui

ne correspondent pas à l’analyse proposée par Francis Haskell. Si la collection du

cardinal dal Pozzo, mécène de Poussin, qui privilégiait la vision plus classique, ne

compta effectivement pas de batailles de Jacques Courtois293, les Sacchetti et le

cardinal Filomarino, très liés aux Barberini, donc de la faction opposée aux

hispanophiles, et censés privilégier la vision plus intellectuelle et raffinée, eurent

dans leurs collections des batailles de l’artiste294.

Comme nous l’avons vu, Courtois travaillait pour la famille Pamphilj en 1649. Il

semble que sa carrière ne se soit pas vraiment envolée avant 1645, pas avant que le

pape Innocent X Pamphilj succède à Urbain VIII sur le trône pontifical. En 1644,

après le décès du pape Barberini, qui avait mené une politique pro française,

l’élection d’Innocent X allait entraîner un inversement des faveurs papales. Nous

assistons ensuite à une prééminence espagnole. Les familles aristocratiques qui

évoluaient dans cette sphère d’influence furent alors favorisées. Il est probable que

cette élection ait eu une incidence sur le développement de la demande pour la

peinture qui plaisait particulièrement à ces familles, dont celle de bataille, accentuant

la vogue pour ces représentations à Rome.

À son arrivée à Rome, Courtois était un jeune artiste inconnu, et après l’exécution

de son contrat pour l’abbé Rancati, il ne reçut pas d’autres grandes commandes. Il est

vraisemblable, comme ce fut le cas de Michelangelo Cerquozzi, qu’« avant d’attirer

l’attention des connaisseurs », Jacques Courtois ait « probablement bradé, lui aussi,

ses toiles aux marchands »295. Mais, fort de son expérience militaire milanaise,

l’artiste se trouva à Rome au moment opportun et, lui qui n’était au départ qu’un

peintre de paysages, sut proposer des scènes de combat qui correspondaient au goût 293. A. Brejon de Lavergnée, « Tableaux de Poussin et d’autres artistes français dans la collection Dal Pozzo : deux inventaires inédits », Revue de l’art, 1973, no 19, p. 79-96. 294. La collection d’Ascanio Filomarino comptait notamment 32 paysages et 19 batailles, voir. L. Lorizzo, 2006, op. cit., p. 99. 295. F. Haskell, 1963, éd. cons. 1991, op. cit., p. 256, y parle de Cerquozzi, mais il est vraisemblable que cela se passa de la même manière pour Jacques Courtois. Il est peu probable que ce dernier, inconnu au début de sa carrière, ait de suite eu des commanditaires importants, nobles, princes de l’Église.

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Biographie critique

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naturaliste de ces collectionneurs de paysages et de bambochades. Il allait se

spécialiser dans la peinture de bataille, mais sans pour autant abandonner son activité

de paysagiste296.

Ainsi, la carrière de Jacques Courtois ne démarra que lentement, probablement

pas de manière significative avant 1645, avec un réel envol au cours des années

1646-1647, période où on le connaît encore davantage comme paysagiste297. Sa

renommée comme peintre de batailles ne semble s’établir qu’à partir de la fin de la

décennie 1640, ses tableaux s’exportant alors à l’extérieur de Rome.

L’évolution positive de la carrière de l’artiste entraîna une amélioration de sa

situation matérielle, qui lui permit, en 1647, de fonder un foyer.

Anna Maria Vaiani

De tout temps, la tradition donna à Jacques Courtois une femme italienne. Filippo

Baldinucci affirmait qu’elle se prénommait Maria, qu’elle était jeune, très belle et

très honnête. Il ajoutait que sa mère était milanaise et son père, un certain Vajani, un

peintre florentin qui œuvra au Vatican298. Selon Pierre Jean Mariette, cette Maria

évoquée par Baldinucci ne faisait qu’une seule et même personne avec Anna Maria

Vaiani, femme peintre et graveur, active à Rome299. L’auteur français citait également

Alessandro Vaiani, un artiste qui travaillait à Rome en 1628, mais ignorait « ce que

lui etoient un Sebastien Vaiani […] et l’Anna Maria Vaiani, dont Mellan a gravé le

portrait et qui vivoit en même temps »300.

296. Ses lettres au marchand bergamasque Alberto Vanghetti témoignent de la production de paysages encore après 1657. 297. A. Félibien, Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, Paris, 1685-1688, II, p. 426 et voir nos explications dans l’analyse des paysages. 298. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421. 299. P. J. Mariette, l’Abecedario de P. J. Mariette et autres notes inédites de cet amateur sur l’art et les artistes…publié par MM Ph. de Chennevières- A. de Montaiglon, Paris, 1853-1862, V, notice « Anna Maria Vaiani », p. 356. 300. Ibid., p. 355.

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ill. 5 � Claude Mellan, Anna Maria Vaiani, dessin, localisation actuelle inconnue

ill. 6 � Claude Mellan, Anna Maria Vaiani, gravure,

Paris, B.n.F, Cabinet des estampes

Le portrait gravé par Claude Mellan301 (ill. 6 ), et son dessin préparatoire en

contrepartie302 (ill. 5 ), réalisés vers 1626-1627, nous sont encore connus ; ils furent

justement rapprochés du portrait de Virginia da Vezzo, peintre et femme de Simon

Vouet, exécuté à la même période par Mellan303.

Dans sa gravure, Mellan présente Anna Maria Vaiani comme suit : « Anna Maria

Vaiani pittrice et intagliatrice fiorentina ». Florentine, active à Rome dans la

première moitié du XVIIe siècle, membre de l’Académie de Saint-Luc304, celle-ci fut

donc peintre et graveur. Nous connaissons effectivement cinq gravures de sa main :

une Sainte Madeleine, signée et datée de 1627 (ill. 7 ), trois planches réalisées pour la

Galleria Giustiniana305, et un Vase de fleurs exécuté pour l’ouvrage De florum

cultura du jésuite Gian Battista Ferrari, publié en 1633.

301. Claude Mellan, Portrait d’Anna Maria Vaiani, Paris, B.n.F, Cabinet des estampes, gravure, H. 12,3 – L. 9,2 cm. Inscription en bas à gauche : « CMellan Gall. del. et sc. Romae ». 302. Claude Mellan, Portrait d’Anna Maria Vaiani, localisation actuelle inconnue, dessin à la pierre noire, H. 12 – L. 8 cm. 303. Cat. expo. Rome, 1989-1990, Claude Mellan, gli anni romano. Un incisore tra Vouet e Bernini, no 66, p. 259. Le portrait de Virginia da Vezzo date de 1626. 304. M. Missirini, Memorie per servire alla storia della Romana Accademia di San Luca fino alla morte di A. Canova, Rome, 1823, p. 474. L’auteur cite l’artiste dans la liste des professori accademici di San Luca comme « Vajani Maria pittrice ». 305. Deux volumes, 330 planches présentant une partie de la collection d’antiques de Vincenzo Giustiniani. Les statues figurent dans le premier volume, les bustes, sarcophages, reliefs… dans le second.

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ill. 7 � Anna Maria Vaiani, Sainte Madeleine, gravure, 1627

Depuis la réalisation de son portrait, il semblait qu’Anna Maria Vaiani fût restée

en relation avec Claude Mellan, présent à Rome jusqu’en 1636. Tous deux

travaillèrent en effet pour le catalogue de la collection d’antiques de Vincenzo

Giustiniani, où la technique d’Anna Maria apparaît imitée de celle du Français306.

Pour la Galleria Giustiniana, elle exécuta trois planches représentant, pour l’une,

deux bustes de femmes307 (ill. 8 ), dans une autre deux têtes de philosophes308 ; la

dernière gravure proposait, quant à elle, une statue de Minerve309. Le 28 juin 1632,

Anna Maria Vaiani recevait le paiement de son travail pour Giustiniani310.

306. Voir cat. expo. Rome, 1989-1990, op. cit., p. 291. 307. Galleria Giustiniana del marchese Vincenzo Giustiniani, Rome, 1640, II, pl. 52. 308. Ibid., II, pl. 33. 309. Ibid., I, pl. 3. 310. Document publié par A. Gallottini, Le sculture della collezione Giustiniani. I. documenti, Rome, 1998, p. 64. Les trois gravures sont décrites ainsi : « […] uno con due teste di femina, l’altro con due teste di filosofi, il terzo col disegno della Pallade che stanno tutti in Galleria ».

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ill. 8 � Anna Maria Vaiani, Têtes de femmes, Galleria Giustiniana, II, pl. 52

Anna Maria est aussi connue comme peintre de fleurs311 (ill. 9 ). De plus, nous

savons que le 3 juillet 1632 elle reçut un paiement de 348 scudi pour l’achèvement

de peintures dans la Cappella Segreta des papes au Palais du Vatican312. Elle y avait

terminé les œuvres commencées par son père, Alessandro Vaiani, en juin 1631,

restées inachevées à la mort de celui-ci, survenue en mai 1632. Il s’agissait de

fresques de la Passion du Christ, réalisées au plafond, et d’une Pietà, peinture à

l’huile, pour l’autel de la chapelle. Gian Lorenzo Bernini estima la somme

correspondant à l’achèvement de ces travaux313.

311. H. Bredekamp, Galilei der Künstler. Der Mond. Die Sonne. Die Hand, Berlin, 2007, p. 308. Il existe deux tableaux représentant un vase de fleurs, actuellement en mains privées, signés « AV », qui lui sont attribués. 312. Allgemeines Künstler-Lexikon, 1992, XXXIV, op. cit., p. 40 ; H. Bredekamp, 2007, op. cit., p. 307. 313. J. M. Merz, Pietro da Cortona. Der Aufstieg zum führenden Maler im Barocken Rom, Tübingen, 1991, p. 202 ; Allgemeines Künstler-Lexikon, 1992, XXXIV, op. cit., p. 40 ; H. Bredekamp, 2007, op. cit., p. 307.

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ill. 9 � Anna Maria Vaiani, Vase de fleurs, collection particulière

Horst Bredekamp consacra une partie de son ouvrage, Galilei der Künstler. Der

Mond, die Sonne, die Hand314, à l’intérêt de Galilée pour l’art et à ses rapports

privilégiés avec certains artistes, en faveur desquels il n’hésita pas à faire jouer ses

relations, même après sa condamnation315. Anna Maria Vaiani, recommandée au

savant, fut de ceux-là. En 1630, Galilée fit intervenir son ami Michelangelo

Buonarroti il Giovane auprès du pape Urbain VIII et du cardinal-neveu Francesco

Barberini afin qu’Anna Maria obtînt des commandes316. Cette entremise s’avéra

efficace puisque l’année suivante l’inventaire des biens du cardinal faisait état de

l’entrée de deux peintures de l’artiste dans ses collections : une Vierge à l’Enfant et

saint Jean, copiée d’après Titien, enregistrée le 6 septembre 1631, et une Plante

indienne, un oiseau, des abeilles et un grillon, le 1er octobre 1631317.

314. H. Bredekamp, 2007, op. cit. 315. Ibid., p. 314. 316. Ibid., p. 306-307. Documenté, début juin 1630, dans les échanges épistolaires entre Galilée et Buonarroti il Giovane. Ce dernier confirme à Galilée avoir parlé d’Anna Maria Vaiani à Francesco Barberini. 317. M. Aronberg Lavin, Seventeenth-Century Barberini. Documents and Inventories of Art, New York, 1975, p. 98 : « 484. Adi 6 Sett.re, un quadro con la Mad.na e N.S. in Braccio con San Giovannino con lo splendore e’torno pieno di Cherubini alto p.mi 5 largo p.mi 4 copiata dalla figliola del Vaiana dalla med.ma di Titiano che dono N.S. Papa Urbano VIII » et même page : « 486. Adi P.o

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Les commandes du cardinal-neveu Francesco Barberini ne semblent pas s’être

arrêtées là. Il est en effet vraisemblable qu’il ait permis qu’Anna Maria termine la

décoration de la chapelle secrète du Vatican et qu’elle en reçoive le paiement (1632).

De même, lui obtint-il de réaliser la gravure du vase de fleurs pour le De florum

cultura (1633) de Ferrari, ouvrage qu’il finança.

Entre 1631 et 1633, Anna Maria Vaiani travailla donc pour les Barberini, grâce à

l’intervention initiale de Galilée, relayée par Michelangelo Buonarroti il Giovane.

La présence et l’activité romaine de l’artiste Anna Maria Vaiani sont donc

documentées à plusieurs reprises. Il n’était cependant pas certain qu’elle fût bien la

femme de Jacques Courtois, comme l’affirmait Mariette318. Cette artiste, active à

Rome dans les années 1630, serait née à la fin du XVIe siècle, ou au début du XVIIe,

et aurait donc été beaucoup plus âgée que Jacques Courtois, d’environ vingt ans, soit

presque une génération. Horst Bredekamp souligna fort justement cet écart d’âge et

en concluait que la femme de Courtois devait être une homonyme et non pas l’artiste

italienne319. Cela allait aussi dans le sens des propos de Filippo Baldinucci qui parlait

d’une jeune femme, « una […] fanciulla »320, repris par Salvagnini qui évoquait pour

sa part une jeunesse, « una giovinetta »321. De plus, les biographes anciens les plus

crédibles, les Italiens Baldinucci et Pascoli, ne rapprochèrent pas l’artiste Anna

Maria Vaiani de la femme de Courtois322.

Filippo Baldinucci précisait que les époux vécurent ensemble sept ans, mais qu’ils

n’eurent pas d’enfant, et qu’Anna Maria décéda alors que régnait encore le pape

Innocent, donc avant le 7 janvier 1655, date du décès du pontife. Par déduction, le

mariage aurait donc eu lieu dans les années 1647-1648323. Comme nous l’avons noté

dans les registres des Stati delle Anime, Jacques Courtois était célibataire en 1646, et

Ott.re, un quadro con una pianta Indiana cioe il Corallo con u’ Cardello e tre Ape, e un grillo alto p.mi sette et largo p.mi cinque fatto dalla figliola dell Vaiana sino il mese di febb.o 1631. » 318. P. J. Mariette, 1853-1862, V, op. cit., p. 366. 319. H. Bredekamp, 2007, op. cit., p. 306, n. 81 : « Ihren Namen aber hat Baldinucci auf “ Maria ” verkürzt. Seine Angabe, daß diese den Künstler Jacopo Cortesi geheiratet habe, ist möglich, aber dadurch fraglich, daß dieser im Jahre 1621 geborene Maler und Radierer offenbar erheblich jünger war. Möglicherweise gab es eine zweite Vaiani namens Maria, die er in diesem Fall mit Anna Maria verbunden hat. » 320. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421. 321. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 63. 322. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421 et L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 115. 323. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 63, fit les mêmes déductions. L’auteur pense que le mariage eut lieu vers 1647, car Anna Maria serait morte en 1654.

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marié trois ans plus tard. Leur union aurait donc eu lieu entre Pâques 1646 et Pâques

1649, ce qui correspondait chronologiquement avec les informations de Baldinucci.

À Rome, aux archives du Vicariat, nous avons pu retrouver l’acte de mariage de

Jacques Courtois. Le 24 février 1647, à S. Francesco di Paola ai Monti, Jacques, fils

de Jean Courtois épousait Anna Maria, fille d’Alessandro Vaiani, milanais324. Sa

femme s’appelait donc bien Anna Maria Vaiani325, et elle était mentionnée comme la

fille d’Alessandro Vaiani. À moins d’une double coïncidence, les noms du père et de

la fille, celle-ci et l’artiste peintre et graveur ne faisaient bien qu’une seule et même

personne.

Restait le problème de la grande différence d’âge entre les deux époux, évoquée

précédemment, qui avait fait rejeter l’hypothèse séduisante que la femme de Jacques

Courtois était bien cette artiste italienne.

Nous avons également découvert l’acte de décès d’Anna Maria Vaiani, dans le

registre des défunts de la paroisse de S. Nicola in Arcione326. Anna Maria, femme du

peintre « bourguignon » Jacques Courtois, décéda le 20 janvier 1654. Nous

apprenons qu’elle habitait alors strada Felice et surtout qu’elle était âgée de

cinquante ans environ327. En 1654, Jacques Courtois n’avait que trente-trois ans ! La

grande différence d’âge entre les époux étant confirmée, il ne fait plus guère de doute

que la femme de Courtois était bien l’artiste Anna Maria Vaiani, fille du peintre

Alessandro Vaiani.

Si les repères chronologiques donnés par Baldinucci s’avèrent exacts, Anna Maria

Vaiani n’était en aucun cas une jeune fille comme il l’affirma 328, et les autres

biographes après lui. Lors de son mariage en 1647, elle avait plus de quarante ans, ce

qui peut expliquer de manière naturelle pourquoi le couple n’eut pas d’enfants.

Quand elle épousa Jacques Courtois, Anna Maria Vaiani, amie de Galilée, était

déjà une artiste accomplie, ayant travaillé pour la famille papale, et une femme mûre. 324. A.S.V.R., S. Francesco di Paola ai Monti, Matrimoni 1646-1696, f. 4 ; voir le document inédit dans la chronologie raisonnée, à la date du 24 février 1647. 325. Pas seulement Maria comme la prénommait Baldinuci (F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421). 326. A.S.V.R., S. Nicola in Arcione, Liber Mortuorum 1647-1655, f. 73v. ; document inédit dans la chronologie raisonnée, à la date du 20 janvier 1654. 327. A.S.V.R., S. Nicola in Arcione, Liber Mortuorum 1647-1655, f. 73v. : « Anna maria Vayani mediolanensis uxor Jacobi Cortesi _ Burgundia pictoris etatis sue annorum 50: circiter […] ». 328. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421.

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Si nous avons la réponse à certaines de nos questions, les éléments découverts

entraînent cependant de nouvelles interrogations. Pourquoi Jacques épousa-t-il une

femme de presque vingt ans son aînée ? Anna Maria tint-elle un rôle dans la carrière

de son mari ? Ont-ils réalisé des œuvres en collaboration ? Pouvons-nous envisager

l’existence d’un atelier familial ? Des questions auxquelles, à ce jour, nous regrettons

de ne pouvoir répondre.

En 1647, la situation professionnelle et financière de Jacques Courtois était sans

doute assez bonne puisqu’il fondait un foyer. La spécialisation progressive de

l’artiste dans la peinture de bataille - genre où il était alors plus facile de se faire une

place sur le marché romain, que dans le domaine du paysage où la concurrence était

plus dense -, lui permit de trouver sa voie et de remporter un franc succès à la fin de

la décennie 1640. Nous avons vu qu’il obtint alors, à Rome, des commandes émanant

de commanditaires prestigieux et, qu’à la même période, il expédia des tableaux à

l’extérieur, sa renommée ayant franchi l’enceinte de la Ville Éternelle.

Au début des années 1650, le prince Mattias de Médicis appelait l’artiste à son

service en Toscane. Avec ce séjour débutait une période intermédiaire de plusieurs

années au cours desquelles Courtois voyagea beaucoup, résidant et travaillant

essentiellement hors les murs.

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Un artiste actif principalement « hors les murs » :

fin 1650/début 1651 - 1657

Le séjour toscan au début des années 1650

Cette période de plusieurs années, celle d’un artiste itinérant, essentiellement à

l’œuvre à l’extérieur de Rome, débuta par un séjour en Toscane, où Jacques Courtois

se rendit à l’invitation de Mattias de Médicis329 (ill. 10 ), frère du grand-duc Ferdinand

II. Le prince Mattias, connaissant la renommée de l’artiste et ayant apprécié ses

tableaux souhaita l’avoir auprès de lui330. Il le convia donc en Toscane afin qu’il

travaillât à l’embellissement de ses résidences, lui proposant en contrepartie une

provision mensuelle de 25 scudi, auxquels viendrait s’ajouter le paiement des

peintures qu’il réaliserait pour lui331.

ill. 10 � Atelier de Juste Sustermans, Portrait de Mattias de Médicis,

Florence, Galleria Corsi

329. Concernant la personnalité de Mattias de Médicis et ses relations avec Jacques Courtois, voir l’article de S. Rudolph, 1972-1973, op. cit., p. 183-192 et H. Acton, The last Medici, Londres, 1980, éd. cons. Les derniers Médicis, Paris, 2002. 330. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421. 331. Id.

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Mattias de Médicis (1613-1667) était le troisième fils du grand-duc Cosme II et de

Marie-Madeleine d’Autriche, sœur de l’empereur Ferdinand II Habsbourg332. En

1629, il fut nommé gouverneur de Sienne et entreprit alors d’aménager de manière

somptueuse son palais dans la ville. En 1631, lors d’une visite à son oncle l’empereur

Ferdinand, il découvrit sa vocation pour le métier des armes. Il apprit l’art de la

guerre avec Wallenstein et participa, en Allemagne, à plusieurs batailles de la guerre

de Trente Ans333. Absent de 1631 à 1641, il fut considéré à son retour à Sienne

comme le « champion de la cause catholique couvert de blessures de guerre »334.

Si toute sa vie, Mattias resta l’ancien soldat, passionné de chasse et amateur de

jeux bruyants, il fut également un mécène averti qui « […] toujours, et à grand prix,

recherchait des hommes qui se distinguaient dans tous les arts »335. Il pratiqua lui-

même la gravure, art vers lequel il fut tout d’abord attiré336, collectionnant les œuvres

de Cantagallina, Giulio Parigi et Stefano della Bella et lançant la carrière du Siennois

Giuliano Periccioli337, l’un de ses protégés. Vers le milieu du siècle, l’intérêt du

prince Mattias se tourna également vers la peinture338. Il fut l’un des grands mécènes

de Jacques Courtois, avant de devenir celui de Livio Mehus339.

Au cours des années 1650, il apparaît que Courtois ait été au service de Mattias,

en Toscane, au moins à deux reprises, au début de la décennie tout d’abord, puis en

1656-1657, avant de retourner définitivement à Rome, pour entrer au noviciat jésuite

de S. Andrea a Monte Cavallo, à la mi-décembre 1657340. Le premier séjour ne

332. F. Cesati, Les Médicis : histoire d’une dynastie européenne, 1999. 333. S. Rudolph, 1972-1973, op. cit., p. 184. Mattias participa aux batailles de Nördlingen (1631), de Lützen (1632) et au siège de Regensburg (1634), où son frère François trouva la mort. Jusqu’en 1639, il resta en Allemagne, participant à de nombreux combats. 334. Id. 335. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421 : « […] sempre, e ad ogni gran prezzo, fece procaccio di uomini segnalati in ogni arte […] ». 336. Il fut un grand collectionneur de gravures, dont celles de Stefano della Bella. 337. S. Rudolph, 1972-1973, op. cit., p. 185-186. 338. Déjà avant son départ pour l’Allemagne en 1631, il avait essayé d’introduire des peintres siennois à la cour de Florence, dont Astolfo Petrazzi. Voir Stella Rudolph, 1972-1973, op. cit., p. 185. 339. Livio Mehus (1630-1691), peintre flamand, s’installa très jeune en Toscane. Il travailla surtout à Florence, où il mourra en 1691. Il a été formé par Giuliano Periccioli, graveur siennois protégé de Mattias de Médicis, puis par Pierre de Cortone à Florence, qui travailla de 1637 à 1646 à la décoration du Palais Pitti. Il s’inspire également des gravures de Jacques Callot et de Stefano della Bella, avec lequel il gravera à Florence. Au sujet de Livio Mehus, voir aussi D. Bodart, Les peintres des Pays-Bas Méridionaux et de la principauté de Liège à Rome à XVIIe siècle, Bruxelles-Rome, 1970, p. 122-126. 340. S. Rudolph, 1972-1973, op. cit., p. 187 : « It is fairly certain that he worked on and off for the Prince throughout the first half of the sixteen-fifties, travelled during the years 1655-1657, and stopped again with the Prince on his way back to Rome where he entered the Jesuit Order on December 13th, 1657. »

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débuta vraisemblablement pas avant fin 1650341, car il est probable que Courtois soit

resté une bonne partie de l’année sainte à Rome.

La présence de l’artiste en Toscane est documentée en 1652 et 1653. Le 13

octobre 1652, Mattias de Médicis écrivait de Sienne à Gabriello Riccardi,

ambassadeur florentin à Rome, lui parlant de Jacques Courtois, alors à son service,

en ces termes : « Monsieur Jacques peintre « bourguignon », virtuose peu ordinaire

dans sa profession, qui est à mon service à ma plus grande satisfaction […] »342. Le

prince terminait la lettre en ajoutant de sa propre main qu’il gardait Courtois encore

quelques mois auprès de lui, le temps que les problèmes conjugaux de l’artiste se

résolvent343. Le 30 avril 1653, Courtois encore à Sienne adressait une missive au

prince Mattias, dans laquelle il le priait humblement de venir dès que possible344. Il

est des plus probable que l’artiste soit donc resté au moins six mois à Sienne,

d’octobre 1652 à avril 1653. Nous savons qu’il était de retour à Rome, en mai 1653,

par une lettre datée du 10 du mois, que l’ambassadeur Riccardi adressa à Mattias,

l’informant qu’il avait reçu Jacques Courtois venu lui remettre en main propre un

billet du prince345. Le 19 juillet 1653, l’artiste, toujours à Rome, écrivait à son tour à

Mattias de Médicis346. Nous ne savons pas s’il retourna ensuite en Toscane347 ; ce

premier séjour au service du prince florentin s’étant peut-être achevé début mai 1653.

Ces différents échanges épistolaires ont tous trait à la mésentente entre les époux

Courtois et à leur séparation effective. Mattias de Médicis tenta d’arranger les choses

au mieux, souhaitant que son peintre retrouve rapidement sa sérénité. Il demanda à

341. Aux alentours de 1651, selon Baldinucci (F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 423 : « ciò fu circa all’anno 1651 »). En 1650, année sainte, Mattias séjourna à Rome où il fut l’hôte du pape pendant huit jours, en avril, voir V. Prinzivalli, Gli Anni Santi, Rome, 1899, p. 122. Il est possible qu’à cette occasion il ait fait la connaissance de Courtois qui travailla pour les Pamphilj, en 1649, comme nous l’avons vu précédemment, et peut-être encore en 1650. 342. Archivio di Stato di Firenze (désormais A.S.F.), Archivio Riccardi, filza 315. Ambasceria di Roma. Lettere, XVI, 1652, n.p. Transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, p. 67 : « Monsieur Giacomo Pittore Borgognone, virtuoso non ordinario nella sua professione, e che mi serve con molta mia sodisfazione […] » ; lettre complète dans notre chronologie raisonnée, à la date du 13 octobre 1652. 343. Id. 344. Lettre de Sienne de Jacques Courtois à Mattias de Médicis ; document dans notre chronologie raisonnée, à la date du 30 avril 1653. 345. Lettre de Gabriello Riccardi à Mattias ; voir notre chronologie raisonnée, à la date du 10 mai 1653. 346. Lettre de Rome de Jacques Courtois à Mattias de Médicis ; document dans notre chronologie raisonnée, à la date du 19 juillet 1653. 347. Lettre de Jacques Courtois à Mattias de Médicis, de Rome, le 19 juillet 1653 ; voir la chronologie raisonnée à cette date.

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l’ambassadeur florentin à Rome d’intervenir auprès de Luigi Arrigucci, chez qui

Anna Maria Vaiani avait trouvé refuge. Cette dernière ne voulait absolument pas

retourner auprès de son mari, menaçant si on l’y forçait de dévoiler pourquoi il était

convenu que Courtois se tînt éloigné de Rome. Finalement, ne voyant aucun progrès,

Jacques, à bout de patience, fit arrêter sa femme chez Arrigucci et la fit incarcérer348.

Né en 1575, Luigi Arrigucci était un architecte florentin, actif à Rome, dans les

années 1630-1640. Le 26 juin 1630, il avait été nommé par Urbain VIII, architecte

« soprastante alle fabbriche della nostra Camera », succédant à Carlo Maderno349. Il

travailla à plusieurs reprises en coopération avec Baglione, notamment à la façade de

l’église S. Annastasia et à celle de S. Giacomo alla Lungara en 1641350. Nous avons

trouvé plusieurs mentions le concernant dans les registres de l’Académie de Saint-

Luc. En 1634 et 1637, il figure dans le registre des délibérations comme secrétaire351.

Il fut ensuite l’un des deux censeurs de l’Académie, en compagnie d’Alessandro

Algardi en 1637352, et avec le cavalier Baglione en 1638353. En 1641, il participait à

l’élection du nouveau prince de l’Académie354.

Nous ne savons pas exactement quelles furent les relations d’Arrigucci avec les

époux Courtois, mais il apparaît, dans la lettre du 26 octobre 1652, qu’il avait aussi

eu l’occasion d’apporter son aide à Jacques, peut-être sur un plan professionnel355.

Quant à ses liens avec Anna Maria, Salvagnini remarque qu’Arrigucci devait être

beaucoup plus vieux qu’elle, l’écart d’âge n’étant, selon lui, pas la raison qui

empêchait d’envisager qu’ils aient eu une relation sentimentale ; si cela avait été le

cas, jamais Mattias n’aurait demandé sa coopération à l’architecte florentin356.

L’auteur en concluait qu’il fut plutôt le protecteur d’Anna Maria.

348. Id. 349. I. Belli Barsali, « Luigi Arrigucci », Dizionario biografico degli Italiani, Rome, 1962, IV, p. 323. 350. Id. 351. Archivio Storico dell’Accademia di San Luca (désormais noté A.S.S.L.), vol. 43. Libro originale delle Congregazioni ossiano verbali delle medesime, 1634-1674, f. 6-7 (1634) et f. 19 (1637). 352. Ibid., f. 19v. 353. Ibid., f. 24. 354. Ibid., f. 36. 355. Voir la lettre du 26 octobre 1652 de Gabriello Riccardi à Mattias de Médicis ; document dans notre chronologie raisonnée, à cette date. 356. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 70-71 et voir la lettre du 26 octobre 1652. Nous y apprenons que Luigi Arrigucci a écrit à Jacques Courtois ; auparavant cette lettre fut transmise, non scellée, à Mattias de Médicis, afin que ce dernier en prenne connaissance ; voir la lettre dans notre chronologie raisonnée.

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Les choses n’étant pas explicitement énoncées, il est difficile de lire entre les

lignes, cette affaire étant très confuse, comme l’écrivit l’ambassadeur Riccardi à

Mattias de Médicis357. Le dénouement ne fut pas celui que Jacques Courtois espérait.

Devant sans doute définitivement renoncer à sa femme, dans une lettre inédite au

prince florentin, qui daterait de fin 1653, nous apprenons qu’il envisageait déjà une

autre existence, déclarant que « la seule issue serait l’entrée dans un monastère », et

sollicitant pour ce faire une lettre du prince Mattias358.

Le décès d’Anna Maria Vaiani, peu de temps après, fit couler beaucoup d’encre,

et certains biographes, tel Orlandi dans son Abecedario pittorico359, écrivirent que

Courtois fut inculpé d’empoisonnement. Ces allégations et la supposition que

Courtois s’était réfugié chez les jésuites pour se soustraire à la justice n’ont aucun

fondement. Le contre-argumentaire proposé par Salvagnini est solidement étayé ;

nous le rejoignons360. Jacques Courtois et Anna Maria Vaiani ne s’entendaient plus et

vivaient séparément. Les lettres de 1652-1653 de, et à, Mattias de Médicis, comme

nous l’avons vu précédemment, apportent bien la preuve d’une mésentente

conjugale. Mais rien de compromettant ne figure dans l’acte de décès d’Anna Maria,

où la cause de la mort n’est pas indiquée. Il n’est pas précisé si elle est morte de

fièvre361 ou d’une manière plus subite, qui pourrait laisser penser qu’elle ait pu être

assassinée.

Ne figure pas non plus dans les archives romaines trace d’une quelconque

dénonciation ou d’un procès à l’encontre de Jacques Courtois. Antonio Bertolotti ne

releva rien dans les archives judiciaires à l’Archivio di Stato362, et nos propres

recherches ne nous ont pas fait découvrir de pièce impliquant Jacques dans une

affaire de justice363. Il semble improbable, si Courtois était soupçonné, qu’il n’ait pas

été inquiété et poursuivi au cours des quatre années séparant le décès de sa femme,

en janvier 1654, et son intégration dans la Compagnie de Jésus, à la mi-décembre

357. Lettre du 26 octobre 1652 : « […] dalla quale vedrà quanto sia imbrogliato questo negozio […] » ; document dans la chronologie raisonnée. 358. Voir le document dans la chronologie raisonnée, fin 1653 : « […] il fino sarra l’entram’ in un convento di monici […] ». 359. A. P. Orlandi, 1704, éd. cons. 1753, op. cit., p. 404 : « […] questa morta d’improvviso, ed incolpato d’averle dato il veleno […] ». 360. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 73-77. 361. Souvent dans ces registres des morts, nous lisons que les décès sont dus à la « febre » ou « febre maligna », fréquente cause de mortalité à Rome, à cette époque. 362. A. Bertolotti, 1886, op. cit., p. 126-127. 363. Archivio di Stato di Roma (désormais A.S.R.), Tribunale Criminale del Governatore, Processi 1640-1659.

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1657. De plus, dans les constitutions de l’Ordre, l’homicide, commis en tant

qu’exécutant ou comme commanditaire, figurait au second rang, juste après

l’abjuration de la foi, parmi les motifs faisant obstacle à une admission364.

Les deux biographes les plus fiables, et les plus proches des évènements, ne disent

pas un mot d’une inculpation, ni même de soupçons à l’encontre de Jacques

Courtois. Baldinucci écrit tout simplement qu’Anna Maria s’en alla dans l’autre

vie365 ; Pascoli, qu’elle tomba gravement malade, et qu’elle décéda peu de temps

après366. Salvagnini évoque les fièvres décimant alors les habitants de Rome,

s’appuyant sur le journal de Giacinto Gigli, qui témoignait de la situation367.

Enfin, la lettre que nous avons pu retrouver à l’Archivio di Stato de Florence, que

Salvagnini ne connaissait pas, datant probablement d’avant le décès d’Anna Maria,

nous montre un Jacques Courtois résigné, pensant déjà à se retirer dans un couvent368.

L’artiste ne semblait pas en colère, paraissant vouloir désormais envisager une autre

existence, pour tirer un trait sur la précédente.

Ces premières années de la décennie 1650, qui apparaissent difficiles et

douloureuses pour l’artiste sur un plan personnel, correspondirent cependant sur le

plan professionnel à un cap important de sa carrière, à la reconnaissance de son art,

dix ans après son arrivée en Italie. Les conditions de travail que lui offrait alors

Mattias de Médicis étaient appréciables. L’investissement de ce dernier, afin de

résoudre les problèmes personnels de Courtois, témoigne aussi de sa volonté de faire

tout son possible pour que son peintre puisse travailler sereinement.

Les lettres citées plus haut prouvent que Jacques Courtois travaillait à Sienne, une

ville de résidence dont Mattias était le gouverneur depuis 1629, et où il séjourna

souvent369. Filippo Baldinucci évoque également un artiste œuvrant pour le prince de

364. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 75-76 et les notes n. 61 et 62. La décision d’admettre un individu ayant commis un homicide revient au préposé général. 365. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421. 366. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 116. 367. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 73 (l’auteur consulta le manuscrit du Diario de Gigli, ms. 811, à Rome, à la Biblioteca Nazionale Vittorio Emanuele) ; G. Gigli, Diario di Roma, Rome, 1994, I, p. 687-689 (août-novembre 1653). Gigli évoque de très nombreux malades à cause de fièvres malignes (des épisodes qui semblent aller de pair avec des pluies torrentielles et les inondations du Tibre). Les décès interviennent très rapidement, quelques jours après que la maladie se soit déclarée. 368. Lettre dans notre chronologie raisonnée, à fin 1653. 369. F. Bisogni (dir.), Il Palazzo della Provincia a Siena, Rome, 1990.

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Médicis à l’embellissement et à l’ornementation de la villa de Lappeggi370, une

demeure que ce dernier avait reçue en présent de la part du grand-duc de Toscane, le

récompensant de sa victoire lors de la première guerre de Castro371. Il est donc

possible que notre artiste ait également résidé à la villa de Lappeggi lors de ce séjour,

mais ce n’est pas certain. Il n’y est cependant pas l’auteur des quatre batailles à

fresque que lui attribua Stella Rudolph372 ; celles-ci sont de la main de Pier Dandini,

et furent réalisées plus tard, pour François Marie de Médicis, comme le démontra

Marco Chiarini373.

Nous ne savons pas si Jacques Courtois retourna auprès de Mattias après la mort

de sa femme. Pascoli ne le fait d’ailleurs arriver en Toscane qu’après cet évènement,

pour oublier sa peine374. La chronologie de Baldinucci n’est pas non plus des plus

claire. Le biographe écrit « aux environs de 1651 », lorsqu’il évoque le second

séjour, celui de 1656-1657375. Quoi qu’il en soit, fin 1654-début 1655, Courtois se

remit en route. Il entreprit alors un long voyage qui le conduisit en Suisse, en

Lombardie et en Vénétie.

Fribourg (1655)

Selon Filippo Baldinucci, Courtois, qui avait eu envie de revoir son pays natal,

entreprit un périple, qui allait finalement durer trois années à cause des

« divertimenti » et des difficultés rencontrés en chemin376. Le biographe florentin

évoquait tout d’abord une halte à Fribourg, en Suisse, l’artiste allant rendre visite à

ses sœurs, qui résidaient dans la ville. Il exécuta à l’occasion de ce séjour un tableau

370. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421, : « […] le pitture, che gli faceva fare per abbellimento de’suoi appartamenti e delle sue ville, e particolarmente della Real Villa di Lappeggio […] ». 371. Concernant la guerre de Castro, voir notre note 222. Mattias de Médicis commandait l’armée toscane, alliée d’Odoardo Farnese, contre les troupes du pape Urbain VIII Barberini. En 1643, Mattias remporta une série de victoires importantes, ce qui lui permit, à l’automne, de gagner cette première guerre de Castro. Voir S. Rudolph, 1972-1973, op. cit., p. 185. 372. Ibid., p. 188-191. 373. Cat. expo. Florence, 1989, Battaglie, dipinti dal XVII al XIX secolo delle Gallerie fiorentine, p. 72. 374. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 116. 375. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 423. 376. Ibid., p. 421.

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figurant la sainte martyre de Cologne et ses compagnes, pour le maître-autel de

l’église des ursulines377 (cat. 132).

En 1655, la présence de Jacques Courtois est documentée à Fribourg. Une

délibération du Conseil de la ville, datée du 21 avril 1655, autorisa les peintres

étrangers employés par les ursulines à séjourner quelque temps sur place378. Il

s’agissait de Jacques et de Jean-François Courtois.

Deux sœurs des peintres, Anne et Jeanne, avaient comme nombre de Comtois

trouvé refuge à Fribourg, fuyant la guerre et les misères du temps. En mai 1655,

Anne Courtois fut reçue au sein de la communauté des filles de sainte Angèle, à

condition que « ses freres fires touts les Tableau de Nostre Esglise, et aprire a ladite

Anne perfaitemant a crayonner »379. Les frères Courtois s’étaient donc engagés à

réaliser les tableaux de l’église des ursulines, dont la consécration avait eu lieu un

mois auparavant380, et aussi à apprendre à dessiner à leur jeune sœur381.

L’enseignement dut effectivement avoir lieu, et porter ses fruits car Anne aurait

exécuté plusieurs œuvres pour son couvent (ill. 11 ).

377. Id. 378. F. A Salvagnini, 1937, op. cit., p. 83. Archives de l’État de Fribourg (désormais noté A.E.F.), RM 206. Manual du Conseil 1655, f. 74v. ; document présenté dans notre chronologie raisonnée, à la date du 21 avril 1655. Le Conseil de Fribourg se réunissait quotidiennement pour régler les affaires courantes. Les manuaux (sic) du Conseil contiennent les procès-verbaux de ces assemblées, classés chronologiquement, le jour de la semaine et la date sont précisés pour chaque relation. 379. Archives des Ursulines de Fribourg (désormais A.U.F.), S.U.F. 2111-C1. Livre des Conférences 1652-1694, p. 3-4 ; document dans la chronologie raisonnée. 380. Consécration de l’église le 23 mars 1655 ; mention des annales des ursulines de Fribourg, dans notre chronologie raisonnée, à la date de l’évènement. 381. M. Strub, Les monuments d’art et d’histoire du canton de Fribourg, III, La ville de Fribourg, les monuments religieux, Bâle, 19591, p. 267.

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ill. 11 � Anne Courtois (attrib. à), La vénérable Anne de Xaintonge

adorant le Saint-Sacrement, Fribourg, Maison des Ursulines

Cet engagement pris par les frères Courtois explique leur présence à Fribourg en

1655, et la délibération du Conseil les autorisant à séjourner dans la ville.

Le 27 août 1655, c’était au tour de Jeanne Courtois, la sœur aînée, d’intégrer la

Compagnie de Sainte-Ursule. Elle fut reçue à l’unanimité des voix, cette fois à la

condition que ses frères remettent à la communauté cinquante pistoles d’argent, plus

tout le bien qu’ils pouvaient encore posséder à Saint-Hippolyte382.

Salvagnini, et nous le rejoignons, en conclut que Courtois entreprit ce voyage à

Fribourg, puis à Saint-Hippolyte, par devoir, pour régler ces affaires familiales383, ses

parents, Jean et Philippe Courtois, étant décédés. Les graves évènements qui

secouèrent la Comté, et l’absence de soutien parental, avaient poussé les deux jeunes

filles à venir se réfugier dans la ville suisse. Nous en trouvons confirmation dans la

notice nécrologique de Jeanne : « La sœur Jeanne Courtois estoit de saint Hypolite en

Bourgongne, elle vient en c’este ville pour fuyr les guerres de son pays, apres la mort

382. A.U.F., S.U.F. 2111-C1. Livre des Conférences 1652-1694, p. 4 ; document dans notre chronologie raisonnée. 383. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 83.

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de ses parens elle a vescu de son travail, et Dieu l’a touiours assisté d’une facon toute

particuliere, mesme dans la plus grande pauvreté […] »384.

Les ursulines ne disposant pas, ou de peu, de patrimoine foncier, la jeune fille ou

la femme plus âgée qui entrait dans la Compagnie apportait une dot destinée à

assurer son entretien, allégeant ainsi la communauté de ses frais385. Comme les

parents de Jeanne et Anne étaient décédés, et ne pouvaient donc pas s’acquitter de

cette tâche, Jacques et Jean-François Courtois vinrent régler les modalités d’entrée de

leurs sœurs chez les Ursulines. Ils trouvèrent un arrangement avec les filles de sainte

Angèle, équivalant au versement d’une dot. Pour l’intégration d’Anne, en mai 1655,

il fut décidé que les frères Courtois réaliseraient le décor de l’église conventuelle. Ils

se rendirent ensuite à Saint-Hippolyte, afin de vendre les derniers biens familiaux qui

allaient permettre de financer la réception de Jeanne, fin août de la même année386.

Installées à Porrentruy dès 1619, les ursulines avaient dû quitter les lieux en 1634,

chassées par la guerre de Trente Ans. Contraintes de se disperser, une douzaine de

sœurs avaient alors rejoint Fribourg où elles s’étaient établies. Espérées depuis des

années dans la ville, où dès 1622 une fondation était demandée387, leur établissement

remporta rapidement un vif succès. En 1649, quinze ans après leur installation, elles

accueillaient déjà deux cents élèves. Les bâtiments conventuels furent agrandis et la

construction de leur église débuta en juin 1653. Cette dernière fut consacrée le 23

mars 1655, soit un mois avant que les frères Courtois ne séjournent dans la ville. Les

peintures exécutées par Jacques et Jean-François Courtois pour les autels de l’église

conventuelle correspondent aux différentes dédicaces388. Le Martyre de sainte Ursule

et de ses compagnes (cat. 132) constituait la toile centrale du maître-autel, dédié à la

Trinité, à la Sainte Famille, à sainte Ursule et à ses compagnes martyres389. Saint

384. A.U.F., S.U.F. 355. Nécrologe 1639-1864, p. 81 ; document dans la chronologie raisonnée. 385. Ph. Annaert, Les collèges au féminin. Les ursulines : enseignement et vie consacrée aux XVIIe et XVIIIe siècles, Namur, 1992, p. 160-161. 386. Nous n’avons pas retrouvé la trace de vente des biens de la famille dans les archives notariales de Saint-Hippolyte, qui s’avèrent bien maigres pour cette période de 1655. Il est possible que les Courtois aient confié leurs affaires à Richard Bouhelier, notaire de Dampjoux, parrain de Thiennette, la fille aînée. Dans les archives du Doubs, aucun document du XVIIe siècle concernant l’étude Bouhelier. 387. M. Strub, 19591, op. cit., p. 241 et n. 2 : « En 1622 une première démarche avait été faite à Dole en vue d’obtenir pour Fribourg des religieuses ursulines, congrégation enseignante non soumise à la clôture, qui venait d’être fondée ; mais la réponse fut négative […] ». 388. A.U.F., S.U.F. 2095, Annales I, 1634-1728, p. 40 ; document dans notre chronologie raisonnée, à la date du 23 mars 1655. 389. Id.

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Charles Borromée en prière (cat. 134a) et Saint François Xavier (cat. 134b )

constituaient respectivement la toile centrale et le couronnement de l’autel

secondaire, côté Évangile, dédié aux deux saints de la Contre-Réforme390 ; la Vierge à

l’Enfant (cat. 133a) et Saint Ignace (cat. 133b ) étant de même pour le deuxième autel

secondaire, côté Épître, dédié à « Nostre Dame et à St Ignace fondateur de la

Compagnie de Jésus »391. Aujourd’hui, bien que ces ensembles aient été démantelés,

les tableaux sont toujours conservés dans la maison de Sainte-Ursule, à Fribourg.

Fribourg fut un lieu important pour plusieurs membres de la famille Courtois.

Refuge définitif pour Anne et Jeanne392, ville de formation de Guillaume et Jean-

François393, la cité semble avoir été incontournable en cette sombre période de la

guerre de Dix Ans, et pendant les années qui suivirent. Comme elle le fit pour les

Courtois, la cité suisse accueillit en effet de nombreux réfugiés chassés du comté de

Bourgogne394, qu’ils aient été membres de communautés religieuses, telles les

390. Id. 391. Id. 392. Jeanne décéda à Fribourg au couvent des ursulines, le 21 mars 1688 ; Anne, deux années plus tard, le 10 décembre 1690 ; notices nécrologiques des sœurs dans notre chronologie raisonnée, à ces dates. 393. L. Russo, 1990, op. cit., p. 194. 394. Dans les archives de l’État de Fribourg, nous avons trouvé de nombreuses lettres de gratitude et des demandes d’accueil de la part de Comtois, adressées aux avoyers de Fribourg. Par exemple, celle de Marguerite de Rye, datée du 28 mai 1636 : « Messeigneurs, Comme le Roy de France a declaré qu’il vouloit s’emparer de cette Province l’ion creuz ne pouvoir treuver un lieu d’asseurance qu’en vostre Pais. C’est pourquoy ie vous suplie tres humblement de me faire cette grace que de me receuvoir moy et tous mes enfans dans vostre ville de Fribourg. En cela mes Seigneurs vous nous obligerez a conserver un souvenir perpetuel de cette faveur ; que nous iomdrons a celle que nous vous avons desia de tant de courtoisiez que madame de Bauffremont ma belle fille recois tous les iours de vous. Pour mon particulier ie vous puis asseurer que ie suis plus que personne du monde Vostre tres humble Servante. A Pontarlier, le 28é May 1636, Marguerite de Rye Marquise de Listenois » (A.E.F., série « Papiers de France », Franche-Comté 1601-1640). Les registres des procès-verbaux du Conseil de Fribourg témoignent à de nombreuses reprises de la présence et de la gestion de la question des réfugiés comtois. Deux exemples : Au conseil du 11 août 1637, il est fait état des remerciements de la ville de Pontarlier pour l’accueil de ses habitants : « Les Capitaines Maieur, Ch.lain Eschevins et Conseil de la ville de Pontarlier remercient leurs Excell: de l’hospitalité et bienveillance qu’on exerce envers leurs bourgeois en abergeant leurs familles refugiees en ceste ville (à l’)occasion des guerres, (les) prient de continuer en ces mesmes bienveillance. » (A.E.F., Manual 188, p. 473). Au conseil du 20 octobre 1638, est étudiée la demande des visitandines de Besançon qui souhaitent demeurer plus longtemps à Fribourg, où elles se sont réfugiées trois ans auparavant : « de Bourgogne. Les Religieuses de la Visitation Sainte Marie par les guerres et troubles, refugiees tant en ceste ville que è e les Estats de leurs Excellences, remercient Messeigneurs de la faveur d’hospitalité en ce qu’on les ast toleré desia trois ans, prient de les tolerer encor quelque temps si long temps que leurs Excell. le trouveront bon. En bien faisant come iusques a presens, le terme leur est prolongé pour six ans. » (A.E.F., Manual 189, p. 387). Le conseil les autorisa alors à séjourner à Fribourg pendant six années supplémentaires.

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Visitandines de Besançon en 1635395, ou gens ordinaires de tout milieu, ce pays

« offrant » une « hospitalité pleine de charité pour les pauvres et de sécurité pour les

riches »396.

Fribourg était alors un micro-État gouverné par quelques puissantes familles,

fonctionnant de fait comme une oligarchie où se mêlaient étroitement politique et

intérêts personnels des dirigeants397. En 1636, au début de la guerre entre le comté de

Bourgogne et la France, Fribourg afficha sa neutralité, contrainte de ménager les

deux adversaires. Il en allait de la survie de son économie dont l’un des deux grands

pôles, la fabrication et l’exportation de fromages et le mercenariat, pouvait être

menacé si elle s’avisait de prendre parti pour l’un ou pour l’autre camp. En effet,

depuis le XVe siècle, Fribourg s’approvisionnait en sel, denrée vitale pour les

fromagers gruériens, principalement à Salins - des salines comtoises dans lesquelles

certains patriciens fribourgeois avaient aussi directement des parts398-, et de l’autre

côté, la France était alors le principal employeur de soldats fribourgeois.

Ainsi, des intérêts économiques et financiers, et non pas la seule charité

chrétienne à l’égard de coreligionnaires, conduisirent le Conseil de Fribourg à

autoriser les Comtois à séjourner dans leur cité. L’accueil des réfugiés et l’aide à la

Comté pendant la guerre se fit souvent en échange de sel…

La Réforme avait isolé Fribourg, resté fidèle au catholicisme, le micro-État

devenant alors une enclave en territoire bernois. Si la Comté était « encerclée par

l’hérésie » comme l’écrivait l’archevêque Ferdinand de Rye au pape, que dire de

Fribourg, tête de pont catholique cernée par l’ennemi. Cette insularité politique et

confessionnelle donnait aux Fribourgeois un sentiment d’assiégés. « Ainsi, entouré

de pays protestants, grandi par ses luttes difficiles pour garder la foi de ses ancêtres

395. Vingt ans plus tard, le couvent et l’église de la Visitation seront construits. L’établissement des Visitandines et celui des Ursulines à Fribourg parachevait le paysage monastique fribourgeois de la Contre-Réforme. 396. C. Fleury, 1869, op. cit., p. 158. 397. V. Villiger, J. Steinauer et D. Bitterli, Les chevauchées du colonel Koenig. Un aventurier dans l’Europe en guerre (1594-1647), Fribourg, 2006, p. 36 : « Celle-ci (la population fribourgeoise) se répartit en bourgeois (pour l’être, il faut posséder une maison en ville) et habitants ordinaires. Parmi les bourgeois, une classe se constitue alors, qui se comportera de plus en plus comme une oligarchie : le patriciat. Beaucoup de membres masculins siègent au Conseil, dont une formation réduite à 24 membres se réunit chaque jour pour expédier les affaires courantes de l’État ; les procès-verbaux consignés dans les manuaux du Conseil permettent de se faire une idée de ces discussions. À la tête des Conseils et de toute la chose publique, on trouve un avoyer – ou plutôt deux, qui en principe alternent chaque année. Quatre bannerets sont affectés chacun à un quartier, avec notamment des fonctions de police et de défense. Les conseillers exercent aussi le pouvoir judiciaire […] ». 398. Ibid., p. 202.

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et pour assurer sa restauration religieuse dans le dernier quart du siècle, Fribourg se

donna au cours du XVIe siècle sa physionomie caractéristique d’État catholique et

était devenu avec Lucerne l’une des métropoles du catholicisme suisse »399.

L’offensive de la Contre-Réforme, la volonté de maintenir la foi traditionnelle vont

profondément changer la ville de Fribourg, accentuant son aspect religieux ; « si l’on

tient compte des chapelles que l’époque éleva en nombre, on peut dire que la ville se

hérissa de clochers et de clochetons […] »400. Entre 1580 et 1635, la ville vit la

fondation de cinq couvents des ordres religieux nouveaux, nés de la Contre-

Réforme401.

Artistes comtois et fribourgeois étaient en relation, et travaillaient des deux côtés

de la frontière402. Les liens avec Fribourg ont sans aucun doute été renforcés par la

Contre-Réforme. Pour mener à bien les commandes d’art sacré, les Fribourgeois

firent appel à des artistes étrangers. Les Comtois se trouvèrent en bonne place, pour

des raisons confessionnelles et de proximité403.

Nous constatons que les quelques noms aujourd’hui connus d’artistes d’origine

comtoise réfugiés à Fribourg sont ceux de peintres venant des zones frontalières : de

Saint-Hippolyte (Guillaume et Jean-François Courtois), de Morteau (Claude

Fraichot, Claude Pichot)404 et de Pontarlier (Pierre Crolot)405. S’ils profitèrent de

l’asile suisse, pouvant mettre plus facilement et plus rapidement à l’abri leur

personne, leur famille et leurs biens car proches de la frontière, ils ne partirent sans

doute pas en terrain inconnu, bénéficiant vraisemblablement de relations

fribourgeoises, avec des confrères et des commanditaires.

399. M. Strub, Les monuments d’art et d’histoire du canton de Fribourg, II. La ville de Fribourg, les monuments religieux, 1956, Bâle, p. 9 et G. Castella, Histoire du Canton de Fribourg depuis les origines jusqu’en 1857, Fribourg, 1922, p. 263. 400. M. Strub, 1956, op. cit., p. 11. 401. Ibid., p. 10-11. Les jésuites arrivent en 1580, les capucins en 1608, les capucines en 1626, les ursulines en 1634 (de Porrentruy) et les visitandines en 1635 (de Besançon). 402. J. Gauthier, 1872, op. cit., p. 2. Les frères d’Argent, peintres de Besançon, travaillent à Fribourg en 1589-1590 ; p. 12, l’architecte et sculpteur Georges La Seigne, du Russey, y est actif également, au XVII e siècle ; p. 8, le Fribourgeois Edme Curty, peintre verrier, travaille à Dole en 1623-1628. 403. Fribourg est à la même distance de Saint-Hippolyte que Besançon, et moins éloigné que Dole, la capitale de la Comté. 404. M. Strub, « Note sur les peintres bourguignons ayant travaillé à Fribourg au XVIIe siècle », Nos monuments d’art et d’histoire, X, no 3, 19592, p. 65-66. Claude Pichot était vraisemblablement à la tête d’un atelier employant son beau-fils Claude Pichot. Il travailla pour les jésuites de Fribourg, au collège de la ville et dans leur maison de vacances de Marsens, pour les chanoines de Saint-Nicolas, etc. Dans le compte rendu du Conseil du 11 avril 1652, il est indiqué que Claude Pichot s’est « réfugié avec sa famille en notre ville », ibid., p. 65 (A.E.F., Manual 203, p. 92). 405. M. Strub, 19592, op. cit., p. 65. Peintre actif à Fribourg et dans sa région entre 1638 et 1648, dont plusieurs œuvres sont encore connues.

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De 1639 à 1644, Guillaume Courtois fit son apprentissage à Fribourg dans

l’atelier de François Reyff (1578-1646) et d’un frère de François Fraichot, sans doute

Claude, chez lequel il fut hébergé. Il semble qu’il en ait été de même pour Jean-

François puisque les deux frères quittèrent Fribourg en 1644, ensemble, et en

compagnie de Jean-Jacques Reyff406, fils de François. La famille Reyff fut celle qui

« à Fribourg, a brillé du plus vif éclat, dans le domaine culturel, au XVIIe siècle »407.

Essentiellement composée de sculpteurs, dont l’atelier fut des plus dynamique et

prospère au cours de ce siècle, cette famille d’artistes compta également dans ses

rangs un architecte et un peintre, François. Les artistes francs-comtois, des peintres,

collaborèrent avec les Reyff, dont ils étaient complémentaires. Cette absence de

concurrence, la pénurie de peintres dans la ville suisse, expliquent pourquoi les

artistes comtois purent demeurer à Fribourg.

Si nous n’avons pas la preuve que, comme Guillaume et Jean-François, Jacques

ait eu l’intention de poursuivre sa formation à Fribourg, cela semble probable. En

1661, dans une lettre au marchand bergamasque Alberto Vanghetti, Courtois écrit

qu’il effectua deux voyages à Fribourg408. Parlait-il de son départ tout jeune depuis la

Comté, ou bien eut-il l’occasion à une autre reprise, en dehors du voyage de 1655, de

se rendre à Fribourg, depuis l’Italie ?

Pour clore ce chapitre fribourgeois, intéressons-nous à Jean de Watteville (1574-

1649), évêque de Lausanne depuis 1609, mais en résidence dans la ville de

Fribourg409, et au rôle qu’il put jouer. Ce Franc-Comtois, né à Bourg de Sirod dans le

Jura, était en effet l’oncle de Charles de Watteville, le maître de camp du roi 406. L. Russo, 1990, op. cit., p. 194. En 1672, avec Ludovico Gimignani et Giovanni Bonati, Jean-Jacques Reyff et François Fraichot apportèrent leur témoignage pour la déclaration de célibat de Guillaume Courtois, alors requise avant le mariage. Jean-Jacques Reyff s’établit à Rome pendant une trentaine d’années, avant de revenir à Fribourg vers 1680 puis de repartir à Rome où il acheva sa carrière et mourut le 19 mars 1700. Voir G. Pfulg, Un foyer de sculpture baroque au XVIIe siècle : L’atelier des frères Reyff, Fribourg (1610-1695), Fribourg, 1994, p. 54-57. 407. G. Pfulg, 1994, op. cit., p. 29. 408. G. Locatelli, 1909, op. cit., lettre no 3, p. 9 : « […] quando feci il secondo viago a Friborgo […] ; document dans notre chronologie raisonnée, à la date du 1er octobre 1661. 409. Mgr de Watteville fut le premier évêque de Lausanne à résider à Fribourg. En 1536, lors de la conquête du Pays de Vaud par les Bernois, l’évêque de Lausanne, Mgr de Montfalcon, s’y était opposé en faisant notamment appel à une armée étrangère. Il fut dès lors traité en ennemi et sous la menace bernoise dut quitter le siège de son épiscopat. L’évêque et ses successeurs furent contraints de vivre à l’étranger, notamment en Comté. La résidence de l’évêque de Lausanne fut ensuite établie à Fribourg. Voir L. Waeber, « L’arrivée à Fribourg de Mgr de Watteville et la visite du diocèse de 1625 », Revue d’Histoire ecclésiastique suisse, 1942, XXXVI, p. 221-223.

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d’Espagne à Milan, qui aurait enrôlé Courtois dans sa compagnie. Intervint-il à

Fribourg, adressa-t-il les jeunes Comtois qui ne pouvaient rester dans la cité suisse à

son neveu, à Milan ? Peut-être l’évêque est-il également le chaînon qui conduit

jusqu’à l’abbé milanais, Ilario Rancati, et à la commande de Sainte-Croix-de-

Jérusalem, étonnamment échue à Courtois, jeune artiste inexpérimenté, à son arrivée

à Rome. En effet, Jean de Watteville et Ilario Rancati étaient tous deux cisterciens, et

nous savons que depuis l’engagement et l’action du cardinal Charles Borromée en

Suisse, Protector Helvetiae, les liens entre Fribourg et Milan étaient très forts410.

Quand il eut fini de régler les affaires familiales à Saint-Hippolyte et à Fribourg,

Jacques Courtois retourna en Italie, probablement à la fin 1655, ou au début 1656 ; le

voyage à Saint-Hippolyte et la réalisation des tableaux de Fribourg, où il est attesté

en avril 1655, ne l’ayant sans doute pas retenu plus de quelques mois.

Sur le chemin du retour, il est vraisemblable que l’artiste ait de nouveau transité

par Milan. Nous savons qu’il s’y est rendu à plusieurs reprises. Une lettre de 1704,

de Sebastiano Resta à Francesco Gabburri, relate le passage de Jacques Courtois dans

la ville, où il aurait alors cherché à acheter un Paysage de Cornelis Van Poelenburgh

à Filippo Resta, père de Sebastiano411. Ce dernier indique clairement que c’était avant

que Jacques Courtois soit frère jésuite, donc avant décembre 1657. Ce put être à

l’occasion de ce voyage en Suisse, à l’aller ou au retour.

À la suite du séjour fribourgeois, Filippo Baldinucci nous apprend que Jacques

Courtois se rendit à Venise, à l’appel de Nicolò Sagredo. Si le biographe ne

mentionne aucune autre étape412, il apparaît cependant que l’artiste, certainement

après l’étape milanaise, se soit rendu dans la région bergamasque.

410. B. Vogler, Le monde germanique et helvétique à l’époque des Réformes, Paris, 1981, II, p. 448-452. 411. G. Bottari, S. Ticozzi, Raccolta di lettere sulla pittura, scultura ed architettura scritte da’ più celebri personaggi dei secoli XV, XVI e XVII pubblicata da M. Gio Bottari e continuata fino ai nostri giorni da Stefano Ticozzi, Milan, 1822-1825, II, p. 106-109, lettre du 27 février 1704, de Rome, de Sebastiano Resta à Francesco Gabburri à Florence ; voir la lettre dans la chronologie raisonnée. 412. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421 ; L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 117.

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Région de Bergame (1655-1656)

L’existence d’une Vierge à l’Enfant (cat. 136), toile du retable de l’église

paroissiale S. Giovanni Evangelista, à Villa d’Adda, commune située à dix-huit

kilomètres de Bergame, témoigne de la présence et de l’activité de Courtois dans

cette région, à son retour de Fribourg413. L’œuvre signée « I-C-B-F » (Iacomo

Cortese Borgognone fecit), est en effet datée « 1656 ». Bergame, proche de Milan,

étant située sur l’axe allant de Suisse à la République Sérénissime, il semblait

plausible que l’artiste, alors en route pour Venise, ait pu séjourner dans la région

bergamasque. Il existe une version quelque peu différente de Pasino Locatelli. Cet

auteur explique que l’œuvre aurait été commandée à Courtois en 1654 à l’occasion

d’une autre halte à Bergame –au cours du voyage aller pour Fribourg ? -, par les

membres de la confrérie de l’oratoire Saint-Jean de Villa d’Adda, avant que l’artiste

ne quitte les lieux. Le tableau aurait ensuite été exécuté, ou du moins terminé à

Rome, en 1656414, si l’on se réfère à sa datation. L’historique proposé par Locatelli

semble moins probant car Courtois ne fut pas de retour dans la Ville Éternelle avant

fin 1657.

L’hypothèse d’un séjour aux environs de Bergame, au milieu des années 1650, est

renforcée par l’existence d’un deuxième tableau de Courtois, Saint Martin

partageant son manteau (cat. 135), situé dans le chœur de l’église paroissiale Saint-

Martin à Carvico415. Il s’agit probablement d’une commande du comte Carlo

Giacomo De Vecchi, protecteur de l’artiste416, chez qui ce dernier aurait séjourné au

moment de la réalisation de l’œuvre417. Un journal de caisse des archives paroissiales,

garde la trace d’un paiement de Carlo Giacomo De Vecchi, effectué en 1655,

correspondant à l’exécution de travaux dans le chœur de cette église. En 1659, l’état

du mobilier de l’édifice religieux, rédigé à l’occasion de la visite pastorale de

413. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 89. 414. P. Locatelli, Racconti, Bergame, 1877, p. 247. 415. G. Maironi Da Ponte, Dizionario odeporico o sia storico-politico-naturale della provincia bergamasca, Bergame, 1819-1820, I, p. 232 ; L. Pagnoni, Chiese parrocchiali bergamasche, appunti di Storia e Arte, Monumenta Bergomensia, LII, Bergame, 1992, p. 119-120. 416. Dans ses lettres à Alberto Vanghetti, Jacques Courtois lui parle à plusieurs reprises de Carlo Giacomo De Vecchi, commanditaire de plusieurs de ses œuvres ; G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 12, 17, 18 (lettres des 1er juillet 1662, 24 juillet 1666, 21 août 1666 et 19 septembre 1666) ; voir les lettres dans la chronologie raisonnée à ces dates. 417. F. Noris, M. Zanardi, « Presenze straniere », I pittori bergamaschi. Il Seicento, Bergame, 1985, III, p. 5.

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Gregorio Barbarigo, mentionne un tableau figurant saint Martin, dans le chœur418.

L’œuvre fut donc réalisée après les travaux de réfection des lieux en 1655, mais

avant la visite pastorale de 1659. Il est très probable que son exécution ait eu lieu fin

1655 ou en 1656, ce qui cadre chronologiquement avec la réalisation de la Vierge à

l’Enfant de Villa d’Adda, datée de 1656, et confirmerait le séjour de Courtois fin

1655-début 1656 dans la région de Bergame.

Dans ses Vies des artistes bergamasques, Francesco Maria Tassi affirme que

Courtois séjourna plusieurs années à Bergame, avant d’entrer dans la Compagnie de

Jésus419. S’il est difficile de connaître précisément le temps passé par l’artiste dans la

ville et sa région, il apparaît qu’il y effectuât plusieurs séjours. En effet, si en 1655-

1656 il travailla à Villa d’Adda et à Carvico, cités des environs de Bergame, il

demeura et travailla dans la ville même au moins à une autre reprise, peut-être à

l’occasion de son voyage vers la Suisse en 1654.

Les échanges épistolaires de Jacques Courtois avec le Bergamasque Alberto

Vanghetti, marchand de tissus et de tableaux, son amitié avec Evaristo Baschenis

(1617-1677) dont il parle en ces termes : « il sig. Don Baschenis mio antico

padrone »420, ses relations avec le comte Carlo Giacomo De Vecchi, témoignent de

liens étroits et sans doute anciens qui ne se sont probablement pas noués au cours de

la seule halte du milieu des années 1650. Venant de Suisse, l’artiste devait se rendre

à Venise convié par Nicolò Sagredo, il n’est alors vraisemblablement pas resté plus

de quelques semaines dans la région.

Aucun biographe ne mentionne une étape à Bergame à l’occasion du premier

trajet de Milan à Rome à la fin des années 1630. Cependant, le « mio antico

padrone »421 de Courtois, quand il évoque Baschenis, amène à s’interroger. Courtois

a-t-il été l’élève de Baschenis lors de son premier séjour, ou, plus expérimenté, a-t-il

travaillé pour lui lors d’une étape plus tardive ? Il ne semblait rien pouvoir refuser à

Don Evaristo, lui paraissant tout dévoué. Courtois s’enquit souvent de son avis au

418. F. Noris, M. Zanardi, 1985, III, op.cit., p. 348 (Giornale Cassa dal 1632-1698, f. 44r., 45r., 73r., 74r. ; Visite pastorali Barbaraci 1659, f. 21v.). 419. F. M. Tassi, Vite de pittori, scultori e architetti bergamaschi, Bergame, 1793, p. 235. 420. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 17, lettre du 24 juillet 1666 ; document dans notre chronologie raisonnée à cette date. 421. Dans une lettre à Vanghetti, du 24 juillet 1666 (G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 17) ; document dans notre chronologie raisonnée à cette date.

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sujet de ses tableaux422, et il le laissa exécuter des copies de ses peintures. Les deux

hommes se seraient également revus à Rome, en 1663423.

Le 19 mars 1677, l’inventaire après décès des biens d’Evaristo Baschenis fait état

de six batailles, copies du peintre bergamasque d’après des œuvres originales de

Jacques Courtois. Trois de ces copies représentaient la Bataille d’Alexandre contre

Darius424. Décédé quatre mois auparavant, Courtois ne pouvait pas ne pas savoir que

Baschenis copiait ses tableaux et il avait dû donner son accord, à cette pratique

courante.

La présence de deux tableaux de Monsù Montagna, un Paysage et une Fortune de

mer, dans l’inventaire des biens de Baschenis425, ainsi que plusieurs autres dans celui

du marchand de tissus Tommaso Vanghetti, père d’Alberto, établi le 10 avril 1663426,

enfin le fait que ce dernier annonce la mort de Montagna à Courtois en 1661,

pourraient fournir une nouvelle piste de recherche afin de parvenir à identifier ce

peintre de marines. N’était-il pas un artiste actif à Bergame plutôt que le Matthieu de

Plattemontagne, œuvrant à Florence à des dates antérieures à la venue de Jacques

Courtois ? Est-ce qu’en définitive, Courtois n’aurait pas été formé par un autre

Monsù Montagna, mais à Bergame ?

Il est certain que Baschenis, Montagna, Vanghetti et Courtois se connaissaient

tous fort bien. Les activités de Jacques Courtois à Bergame gardent cependant

toujours une part de mystère, même si un séjour fin 1655-1656 semble des plus

probable.

Après cette étape à Carvico et Villa d’Adda, l’artiste se rendit à Venise, où Nicolò

Sagredo, qui fut sans doute son plus grand protecteur, l’avait convié à son service427.

422. Voir les lettres de Courtois à Vanghetti du 10 mars 1662 et du 25 août 1663, dans notre chronologie raisonnée, à ces dates. 423. Voir la lettre du 17 février 1663. 424. Cat. expo. Bergame, 1996-1997, Evaristo Baschenis e la natura morta in Europa, p. 73 ; voir la chronologie raisonnée, à la date du 19 mars 1677. 425. Ibid., p. 74. 426. Ibid., p. 57-59. 427. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421, « […] fu di ritorno per la parte di Venezia, chiamatovi dal Sagredo, che fu poi Doge […] ».

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L’étape vénitienne (1656) : Jacques Courtois et Nic olò Sagredo

Nicolò Sagredo (1606-1676) (ill. 12 ), membre d’une famille patricienne de Venise,

procurateur de Saint-Marc, fut également ambassadeur ordinaire et extraordinaire de

la Sérénissime à Rome, à plusieurs reprises, de 1651 à 1667428. En 1675, sa carrière

s’achevait en apothéose par son accession au doganat.

ill. 12 � Guillaume Courtois, Portrait de Nicolò Sagredo,

Rome, sacristie de l’église Saint-Marc

Très tôt, il fit preuve d’intérêts artistiques élevés et c’est lui qui fut à l’origine de

la collection familiale, réunissant nombre d’œuvres d’art dans le palais Sagredo, à

Santa Sofia, sur le Grand Canal. Les goûts et la collection de Nicolò se distinguaient

de ceux des collectionneurs ambiants, plutôt conservateurs, qui privilégiaient les

œuvres vénitiennes du XVIe siècle. Il fit preuve de modernité, précurseur ouvrant sa

collection aux artistes extra-lagunaires, avec une prédilection pour les œuvres

romaines ; ce penchant étant vraisemblablement une conséquence de son « cursus

honorum di ambasciatore papale »429, l’ambassade de 1651-1655, auprès d’Innocent

X, s’avérant primordiale. Nicolò Sagredo fut l’un des principaux commanditaires de

Jacques et de Guillaume Courtois.

428. C. Mazza, « La committenza artistica del futuro doge Nicolò Sagredo e l’inventario di Agostino Lama », Arte Veneta, 51, 1997, p. 92. 429. L. Borean, 1997, op. cit., p. 123.

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Filippo Baldinucci nous apprend que Jacques Courtois serait resté à Venise une

année, au cours de laquelle il travailla pour Sagredo, mais également « […] pour

d’autres nobles de cette cité, exécutant de nombreux tableaux » 430.

Pour la galerie du palais Sagredo, l’artiste réalisa des scènes de l’Ancien

Testament, « en particulier de celles où prenaient place des batailles »431, peintes à

l’huile sur cuir doré. Les figures devaient faire une brasse de haut ; Sagredo avait

montré à l’artiste des œuvres de Paolo Veronese, exemple dont il souhaitait qu’il

s’inspirât432. Les tableaux sont aujourd’hui à Knowsley Hall dans la collection du

comte de Derby433. Il s’agit du Passage de la Mer Rouge (cat. 137), de la Bataille de

Rephidim (cat. 138), de l’Entrée des Israélites en Terre promise (cat. 139) et de Josué

arrêtant le soleil (cat. 140). À Venise, au palais de Santa Sofia, ces peintures sur cuir

ornaient une pièce appelée la camera delli Borgognoni. Cette salle, dont le plafond

était décoré d’une toile ovale de Brusaferro, Les Arts libéraux, accueillait aussi trois

dessus-de-porte de la main de Jacques Courtois, représentant des batailles ; les

nombreux tableaux de Courtois réunis dans cette salle expliquent l’appellation

qu’elle reçut434.

Nicolò Sagredo était grand amateur des œuvres de Jacques Courtois et le premier

inventaire connu de la collection Sagredo, celui d’Agostino Lama, rédigé à la fin du

XVII e siècle435, répertoria de la main de notre artiste, deux dessins de bataille à la

plume et au lavis et, pour ce qui concerne les peintures, les quatre grandes scènes de

l’Ancien Testament sur cuir (cat. 137-140), dix batailles, dont les deux grandes

batailles aujourd’hui à Dresde (cat. 49-50), cinq paysages, et enfin sept œuvres de

430. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421 : « […] per altri Nobili di quella città fece ancora molti altri quadri. » 431. Id. : « […] di quelle particolarmente dove intervengono battaglie […] ». 432. Id., « […] le quali tutte fece a olio in figure di braccio, perchè quel Signore gli aveva mostrate alcune simili storie di mano di Paolo Veronese sopra cuoi d’oro bellissime, con desiderio che egli facesse le sue a quella somiglianza […] ». 433. L’inventaire de la collection Sagredo, établi par Agostino Lama à la fin du XVIIe siècle, fait état de quatre tableaux sur cuir (« n. 95 un fornimeto di cuori cioè di quattro quadri historiati di battaglie d’antichi dipinti dal Borgognon duc. 8000 »), celui du palais de Santa Sofia réalisé par Tiepolo et Piazzetta, au 23 novembre 1738, de cinq pièces (« Pezzi No 5 quadri grandi sul Cuoridoro che forniscono la camera Battaglie del Borgognone »), voir C. Mazza, I Sagredo, committenti e collezionisti d’arte nella Venezia del Sei e Settecento, Venise, 2004, p. 115, 135. Nous ne savons donc pas si, à l’origine, il y avait quatre ou cinq grands tableaux sur cuir. Seuls quatre furent achetés par le 12e comte de Derby au XVIIIe siècle. 434. C. Mazza, 2004, op. cit., p. 29-30. 435. C. Mazza, 1997, op. cit., p. 88-103 et, du même auteur, op. cit., 2004, p. 110-125. Cet inventaire, partiel, fut vraisemblablement rédigé entre 1685 et 1698 ; voir la chronologie raisonnée à la date 1685-1698.

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collaboration dont trois architectures de Viviano Codazzi, dans lesquelles Courtois

exécuta les figures.

Nicolò Sagredo et Jacques Courtois avaient sans doute fait connaissance à Rome,

où l’artiste avait eu l’occasion de travailler pour l’ambassadeur vénitien. Il avait en

effet participé à l’entreprise de rénovation et d’embellissement de l’église San

Marco, débutée en 1653436, décorant à fresque les lunettes surmontant les deux portes

latérales de l’édifice religieux, de deux scènes de bataille, la Défaite des Amalécites

et la Victoire de Josué437. Ces œuvres se dégradèrent assez rapidement et sont

aujourd’hui perdues. Jacques exécuta ces travaux probablement après son retour de

Sienne (mai 1653) et avant son départ pour Fribourg, donc vraisemblablement au

cours du deuxième semestre 1653 ou en 1654438. Pour Salvagnini, cet ouvrage fut

réalisé en 1657, quand l’artiste rentra à Rome, et alors qu’il est déjà jésuite. Cette

hypothèse ne nous paraît pas recevable car, d’une part, Jacques n’incorpora la

Compagnie de Jésus qu’en décembre 1657, s’installant alors au noviciat de S.

Andrea a Monte Cavallo, ce qui laisse peu de temps pour réaliser les œuvres, et

d’autre part, l’année suivant cette intégration, il fut tout à sa période de mise à

l’épreuve et à sa formation spirituelle. De plus, il aurait alors seulement peint pour

son ordre.

Sagredo était un peu plus âgé que Courtois ; il décéda la même année que l’artiste,

en 1676. Il semble que leurs rapports aient été chaleureux et amicaux. Nicolò

Sagredo fut le grand commanditaire des œuvres de l’artiste, devançant Mattias de

436. Ph. Dengel, Palast und Basilika San Marco in Rom, Rome, 1913. L’auteur cite un document des archives de S. Marco, relatant les travaux réalisés dans l’église de 1653 à 1657, récit d’un chroniqueur, en 1659 (Notizie istoriche concernenti la chiesa di S. Marco). 437. Ibid., p. 93 : « [...] furno ingrandite et di novo fatte le due porte laterali con stipiti di marmo et porte scorniciate di noce, sopra le quali per il di dentro in doi mezze lune grandi furno depinte due battaglie : in una la rotta de Malachiti et nell’altra la vittoria di Gesuè mentre disse : stet sol. ». Dengel affirme qu’il s’agit d’œuvres du père jésuite Cosimo, une erreur provenant de la description des peintures de S. Marco, realisée par Giuseppe Manno, en 1824. Ibid., p. 97 : « Sordini sopra le porte laterali : Sopra la porta, che va al cortile del palazzo vicino la sagrestia, è dipinta in fresco una bellissima battaglia, opera del padre Cosimo Gesuita. Detta pittura in buon essere, ma trovandosi molto sporca, ha bisogno di necessarii ristauri. La compagna sopra la porta incontro va in rovina e ricerca necessario risarcimento ». Les œuvres étaient déjà en mauvais état en 1824, et presque totalement ruinées en 1913. Elles sont aujourd’hui définitivement perdues. 438. Les Stati delle Anime de la paroisse de San Marco ne permettent pas de savoir si Courtois figurait en 1654 dans la « maison » de Sagredo. A.S.V.R., S. Marco, Stati delle Anime 1654, « In casa del Ecc.mo Sig. Imb.e di Venetia Ecc.mo Sig. Imb.e Nicolò Segredo », p. 1555-1556. Il y a une grosse lacune, la page 1556 est malheureusement déchirée et manquante pour les deux tiers. C’est regrettable car les années précédentes les peintres au service de Nicolò figuraient sur le registre.

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Médicis. L’inestimable présent qu’il fit à Jacques Courtois, en 1661, témoigne des

liens forts qui unissaient les deux hommes. En effet, Nicolò offrit à l’artiste jésuite

une relique insigne, le corps de saint Fortunius, découvert le 14 juin 1660 dans les

catacombes romaines de Sainte Priscille. Le pape Alexandre VII avait mis cette

relique à la disposition du cardinal-neveu Flavio Chigi, qui l’avait ensuite offerte à

Nicolò Sagredo439.

Jacques Courtois, à son tour, en fit présent aux ursulines de Fribourg. Le 4 mai

1662, elles reçurent le saint corps dans une caisse, accompagné de son authentique440.

Son ouverture fut effectuée en présence du Grand Vicaire de Fribourg, de deux pères

jésuites et de deux prêtres441. La fête de la translation de la relique eut lieu quelques

mois plus tard, le 1er juillet 1663442.

Jacques Courtois aurait prolongé son séjour à Venise en raison de l’épidémie de

peste qui s’était déclarée à Rome, en mai 1656, et qui y sévit jusqu’en août de

l’année suivante443. Fin 1656-début 1657, il reprenait son chemin, quittant Venise et

Nicolò Sagredo. Il fit halte à Sienne, s’engageant de nouveau quelque temps au

service du prince Mattias de Médicis444.

De retour en Toscane (1656-1657)

Si pour le premier séjour toscan, Filippo Baldinucci ne citait aucune œuvre

précise exécutée par Jacques Courtois pour Mattias de Médicis - disant de manière

générale que l’artiste travailla à l’embellissement des demeures du prince,

notamment à la Villa de Lappeggi -, il en va différemment de cette deuxième

439. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 85-86. 440. A.U.F., S.U.F. 2095. Annales I, 1634-1728, p. 81 : « Lesd. frere Jaque Courtoy leurs escrit qui leurs avoit procuree le st Corp (de) St Fortunius Martyre lequel avoit vecu den la ville de Rome 65. ans et estoit (à) l’embassadeur de Venise Grand Procureur de St Marc [Nicolò Sagredo] qui avoit ce st Depeau dens sa Maison et qui luy en avoit fait present […] » ; document dans notre chronologie raisonnée, à la date du 4 mai 1662. 441. Il existait une hiérarchie des reliques corporelles, allant des plus infimes, ongles et cheveux, par exemple, au corps saint entier, en passant par les membres, tronc, tête, cœur. Le corps de saint Fortunius était une relique insigne. 442. A.U.F., S.U.F. 2095. Annales I, 1634-1728, p. 89 et suivantes. 443. Cet épisode pesteux fut déclaré terminé le 28 août 1657. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 91. 444. Peut-être justement parce que l’épidémie de peste se poursuivait à Rome. Mattias était très bien informé de ce qui se passait sur place. En effet, Gabriello Riccardi l’ambassadeur florentin lui envoyait régulièrement des comptes-rendus concernant l’évolution de l’épidémie, l’état et le succès des lazarets (A.S.F., 5461, f. 75, 78, par exemple).

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période445. Le biographe évoque de nouveau la villa toscane, dans laquelle le prince

avait réservé une salle, pour accueillir quatre grands paysages avec bataille de la

main de Courtois, représentant les entreprises militaires de Mattias les plus

héroïques, en Allemagne et en Toscane446. Il s’agit de la représentation de quatre faits

d’armes auxquels Mattias prit part : deux combats de la guerre de Trente Ans, la

Bataille de Lützen (cat. 52) et la Bataille de Nördlingen (cat. 53), et deux épisodes de

la première guerre de Castro, la Prise de Radicofani (cat. 54) et la Bataille de

Mongiovino (cat. 55). En 1659, les quatre tableaux figurent dans l’inventaire des biens

du prince447 ; nous savons donc qu’ils furent réalisés avant cette date, soit au cours du

premier séjour de 1652-1653, soit en 1656-1657. En 1969, Marco Chiarini proposa

tout d’abord de dater les œuvres du premier séjour, vers 1651-1652448, mais il se dédit

ensuite, s’appuyant sur la chronologie de Baldinucci, qui précisait que Courtois les

exécuta au retour de son grand voyage449. M. Chiarini se ralliait également à l’avis de

Simonetta Prosperi Valenti Rodinò ; il estime depuis, que les quatre grandes batailles

furent réalisées lors du séjour de 1656-1657450. Si la Bataille de Mongiovino (cat. 55),

et également la Prise de Radicofani (cat. 54) - bien que pour celle-ci ce soit un peu

moins flagrant -, semblent des œuvres matures pour lesquelles nous rejoignons

volontiers les deux historiens de l’art italiens, la différence de facture avec les deux

batailles de la guerre de Trente Ans (cat. 52-53) nous conduit à envisager une possible

réalisation en deux étapes, ces tableaux ayant pu être exécutés lors du premier séjour.

Il nous semble très étrange que le prince de Médicis ait attendu un hypothétique futur

séjour de l’artiste en Toscane, en 1656-1657, avant de lui commander ces grandes

batailles. Il n’était pas du tout certain de le garder longtemps à son service et encore

445. Dans la notice biographique rédigée par Lione Pascoli, nous ne trouvons aucune précision concernant les œuvres réalisées lors des deux séjours florentins (L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 116-118). 446. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421-422 : « […] quattro gran paesi con battaglie, in cui rappresentò quattro delle più eroïche imprese da quello fatte in Germania e in Toscana […] ». 447. Transcription présentée dans notre chronologie raisonnée, pour les œuvres de Courtois, à l’année 1659. 448. Cat. expo. Florence, 1969, op. cit., p. 45-46. 449. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 421-422 : « Tornossene poi a Firenze […] fece molte opere stupende : e particolarmente quattro gran paesi con battaglie […] ». Notons que Filippo Baldinucci n’est pas toujours très clair dans sa chronologie, qui présente des incohérences. Il s’est parfois trompé. Par exemple, quand il écrit (Ibid., p. 423) que le deuxième séjour en Toscane fut « circa all’anno 1651 », alors qu’auparavant il affirmait que Courtois avait dû attendre la fin de la peste de 1656 avant de quitter Venise et Sagredo, et de revenir en Toscane. 450. Cat. expo. Florence, 1989, op. cit., p. 74 ; M. Chiarini, S. Padovani, La Galleria Palatina e gli Appartamenti Reali di Palazzo Pitti. Catalogo dei dipinti, Florence, 2003, p. 91.

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moins de le convaincre de revenir plus tard. Il paraît improbable qu’un ancien chef

de guerre engageant un peintre de batailles n’ait pas eu initialement ce projet.

Se pose également la question de savoir quelles œuvres Jacques Courtois aurait

exécutées lors du premier séjour. Hormis la réalisation des deux pale, celles de

Mattias (cat. 160) et de son frère aîné le cardinal Giovan Carlo (cat. 161), peu de temps

après leur admission à l’Accademia della Crusca, le 25 août 1650, nous ne savons

rien de précis concernant la production de cette période. Sept tableaux de l’artiste

figurent dans l’inventaire de la villa de Lappeggi en 1659, dont les quatre grandes

batailles (cat. 52-55). Y sont répertoriées une autre Vue de Mongiovino, avec le prince

Mattias à cheval, et la Signature du traité de paix. Enfin, il est fait mention d’une

œuvre religieuse de grande dimension451, une Adoration des Mages, avec de

nombreuses figures452. Si nous sommes certaine que tous ces tableaux furent exécutés

avant l’inventaire de 1659, il n’est pas possible de proposer une datation pour ces

trois œuvres, aujourd’hui perdues, et dont nous ne possédons aucun visuel.

Il semble qu’au cours de ses séjours au service du prince Mattias, Jacques

Courtois ait également formé au moins un élève, siennois. Deux mentions relevées

dans des inventaires italiens du XVIIIe siècle attirèrent notre attention sur ce point.

La première concerne une bataille de la collection du maréchal von der

Schulenburg453 (inventaire dressé à Venise le 30 juin 1741). Il s’agit d’un tableau,

représentant une « […] bellissima Battaglia con attacco d’una Fortezza, e lontani

con bel Paese », réalisé par le « Pad(r)e Mattias Comp(a)r(e) de Borgognon »454.

La seconde mention figure dans un inventaire siennois de 1757, des biens de la

famille Piccolomini. Il s’agit cette fois de deux paysages pour lesquels nous lisons : «

Due quadretti un braccio scarso con cornici nere filettate d’oro dipintovi paesi da

fra Mattia scolare del Borgognone »455, donc réalisés par « fra Mattia, élève du

Bourguignon ».

451. H. 300 - L. 450 cm, environ. 452. « Un quadro in tela, entrovj l’Adorazione de Magi, con moltiss.me figure […] di mano di Monsù Giacomo Cortesi il Borgognone » ; document dans la chronologie raisonnée, à l’année 1659. 453. Militaire au service de Venise, et collectionneur dont la galerie comptait de nombreuses batailles (treize de Jacques Courtois, également des scènes de combat de Simonini, et Brescianino). 454. A. Binion, La galleria scomparsa del maresciallo von der Schulenburg : un mecenate nella Venezia del Settecento, Milan, 1990, p. 229. 455. Getty, Provenance Index, document d’archives I-3402, item no 64, transcrit par L. Bonelli, Archivio di Stato di Siena (désormais A.S.S.), Archivio Piccolomini Naldi Bandini, Acquisto 30.

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Nous constatons également que dans l’inventaire des biens de Mattias de Médicis,

en 1659, plusieurs batailles de la main de « Fra Mattio senese » sont mentionnées. Il

s’agit de la Bataille de Nördlingen, l’Assaut de Ratisbone, la Prise de Lützen, la

Prise de Volgastro, la Prise de Castiglione et la Prise de Mongiovino456. Enfin, dans

la lettre de Jacques Courtois à Mattias de Médicis, datée du 30 avril 1653 et envoyée

de Sienne, l’artiste semble effectivement être en relation avec un certain fra Mattias.

Il commence sa missive ainsi : « Fra’ Mattias mi prego a volerlo aspettar’ chi

desideraví venirsení a Roma peró mi sonno tratenuto finadeso aspettendelo […] »457.

Jacques Courtois aurait donc en partie formé ce peintre siennois, fra Mattia. Il lui

aurait enseigné la peinture de bataille - nous constatons que plusieurs des

représentations de combat du Siennois, figurant dans la collection du prince Mattias

de Médicis, avaient déjà été traitées par Jacques Courtois -, et il dut également le

former au paysage. Deux Paysages de fra Mattia sont mentionnés en 1729 dans la

collection d’Adriano Sani, à Sienne, animés par des figures de Jacques Courtois (M.

126-127). Les deux artistes auraient donc également collaboré, Courtois se chargeant

du travail de figurista.

Cependant, l’identité de fra Mattia reste encore floue. Fabio Bisogni et Marco

Ciampolini qui rencontrèrent son nom à plusieurs reprises dans les inventaires

siennois, n’ont pas réussi à l’identifier458. À l’Archivio di Stato de Florence, dans la

correspondance adressée à Mattias de Médicis, nous avons trouvé une lettre

intéressante, certainement de la main de ce même fra Mattia459. Il y entretient le

prince Médicis, qu’il appelle « Sereniss.mo Sig.re Prin.pe e Padrone », d’une œuvre

qu’il vient de terminer, Volgastro, et d’une autre à laquelle il travaille, un tableau

représentant la Mort de Wallenstein ; la première proposait donc une scène de

bataille - rappelons que dans l’inventaire de 1659, figurait déjà une Prise de

Inventario de mobili del Palazzo della Villa di Fagnano fatto il di 3 9bre e delle case adiacenti alla fattoria e alle stanze della famiglia, f. 4. 456. A.S.F., Guardaroba Medicea, 703. Inventario della Guardaroba del Principe Don Mattia, f. 2, 22 et 68. 457. A.S.F., Archivio Mediceo del Principato. Carteggi dei Principi, delle Granduchesse e delle Principesse. Mattias di Cosimo II, pezzo 5454, f. 405 ; lettre dans notre chronologie raisonnée, à la date du 30 avril 1653. 458. Cat. expo. Sienne, 1987, Bernardino Mei e la pittura barocca a Siena, p. 26 : « Non possiamo al momento identificare questo pittore, ma certo è che lo abbiamo ritrovato negli inventari di famiglie senesi e dunque un certo prestigio doveva averlo. » 459. A.S.F., Archivio Mediceo del Principato. Carteggi dei Principi, delle Granduchesse e delle Principesse. Mattias di Cosimo II, pezzo 5474, f. 1333 ; document présenté dans notre chronologie raisonnée, aux années 1660-1661.

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Volgastro de sa main –, et la seconde, une scène d’assassinat, celui d’Albrecht von

Wallenstein, qui eut lieu le 25 février 1634.

Dans cette lettre signée, nous prenons connaissance du patronyme complet de

l’artiste siennois, « Fra Mattias della Vinna », qui est, à ce jour, le seul élève avéré

de Jacques Courtois.

Mattias de Médicis fut l’autre grand protecteur de Jacques Courtois, après Nicolò

Sagredo. Selon Stella Rudolph, le passé militaire de l’artiste et celui de Mattias de

Médicis les avaient rapprochés460. Le prince florentin appréciait les représentations de

batailles, mais pas seulement pour leur côté pittoresque à la différence des mécènes

romains ou napolitains de l’époque qui n’avaient pour la plupart jamais fréquenté les

champs de bataille, et qui, selon Haskell, s’ils « appréciaient ces tableaux, c’est parce

qu’ils leur permettaient de vivre par procuration des évènements qui affectaient

l’Europe entière [… ] »461. Il semble que dès 1648, le prince Mattias voulût faire

illustrer les batailles auxquelles il participa462. Pour Mattias, ces tableaux évoquaient

sa carrière militaire, et il commanda les seules grandes batailles historiques

contemporaines, qu’ait exécutées Courtois.

Le séjour toscan de Jacques Courtois se termina à Sienne par son intégration dans

la Compagnie de Jésus, aboutissement sans doute de quatre années de réflexion,

depuis son souhait de se retirer du monde, exprimé fin 1653463. Ce projet avait été

remis à plus tard mais il y avait sans doute réfléchi pendant ces quatre années et avait

aussi pu être conforté dans son choix par l’exemple de ses sœurs qui étaient entrées

chez les Ursulines.

En 1657, lors de son séjour à Sienne, Courtois s’était confié au père jésuite

Girolamo Santi, recteur du collège de la ville, qui l’avait mis à l’épreuve voulant

s’assurer de la solidité de ses intentions. Le prince Mattias souhaita intervenir auprès

des supérieurs d’autres ordres religieux, afin d’obtenir une meilleure situation pour

460. S. Rudolph, 1972-1973, op. cit., p. 186. L’auteur n’évoque pas les rapports entre le prince et Livio Mehus, mais nous pouvons certainement dire de même car le deuxième peintre auquel Mattias fit appel, servit également comme soldat à Milan. 461. F. Haskell, 1963, éd. cons. 1991, op. cit., p. 260. 462. S. Rudolph, 1972-1973, op. cit., p. 187. 463. A.S.F., Archivio Mediceo del Principato. Carteggi dei Principi, delle Granduchesse e delle Principesse. Mattias di Cosimo II, pezzo 5455, f. 645 ; document inédit dans la chronologie raisonnée, à novembre-début décembre 1653.

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Biographie critique

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son protégé, ce à quoi ce dernier aurait fermement répondu qu’il se sentait appelé par

Dieu chez les Jésuites et pas ailleurs464.

En 1657, la lettre annuelle du collège jésuite de Sienne confirme l’entrée de

Jacques Courtois dans la Compagnie de Jésus465. L’artiste y est admis en tant que

coadjuteur temporel ; il est alors enregistré comme « Jacobus Cortesius Friburgensis

pictor, et sculptor »466. Notons qu’on le dit ici fribourgeois et non pas bourguignon. À

l’occasion de cette incorporation, il fit un don de plus de cinq cents pièces d’or au

collège siennois467, se défaisant ainsi d’une partie de ses possessions temporelles.

Le 13 décembre 1657, ayant rejoint Rome, Jacques Courtois entrait au

noviciat jésuite de S. Andrea a Monte Cavallo.

Commençait alors le deuxième grand séjour romain de l’artiste.

464. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 423. 465. A.R.S.I., Rom. 133-II, Romana Historia 1657-1659, f. 336 ; document inédit dans notre chronologie raisonnée, à l’année 1657. 466 . Id. 467. Id.

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La deuxième période romaine : 1657-1676

Les années de maturité : Jacques Courtois frère jés uite

Jacques Courtois retourna donc à Rome à la fin de l’année 1657. Débuta alors la

deuxième grande période romaine, celle des années de maturité et de la stabilité.

Courtois avait trente-six ans et, bien qu’il fût alors un artiste reconnu, vivant de son

art, il fit le choix d’intégrer la Compagnie de Jésus, s’engageant à mener une vie de

pauvreté, de chasteté et d’obéissance, existence bien différente de celle qu’il menait

jusqu’à présent, celle d’un artiste aisé dans le siècle.

Les études consacrées à Jacques Courtois et à son œuvre ont trop souvent fait

abstraction de cet aspect essentiel de sa vie, l’engagement jésuite, qui ne prit fin qu’à

son décès en 1676. Cette période de près de vingt ans représente également plus de la

moitié de la carrière artistique de Courtois, car il ne cessa pas de peindre. Elle est

aussi la mieux documentée. Toutes les lettres de l’artiste au marchand de Bergame,

Alberto Vanghetti, furent écrites alors qu’il était jésuite, une correspondance qui

s’étendit sur douze ans, de 1661 à 1673468. Les documents retrouvés dans les archives

générales de la Compagnie de Jésus à Rome sont également riches d’enseignements.

Ils nous ont permis de compléter la biographie de Jacques Courtois, de percevoir

comment il vécut et travailla au cours de cette période.

Il est surprenant qu’à la différence des peintres jésuites Daniel Seghers et Andrea

Pozzo l’état religieux de Jacques Courtois, n’ait été que très rarement pris en compte

dans l’étude du personnage et de sa production artistique, quand il ne fut pas

complètement occulté. Pourtant, il est essentiel. Comment minimiser ou passer sous

silence cet élément de biographie, en sachant que Courtois fut frère jésuite dans la

capitale du monde catholique, au XVIIe siècle, « ce grand siècle religieux »469 ?

Pouvons-nous seulement considérer cet artiste comme l’un des peintres de batailles

majeurs du Seicento, étudier la production de cette deuxième période romaine en

468. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 1-21. La première lettre est datée du 6 août 1661, la dernière, du 13 janvier 1673. 469. É. Mâle, 1932, éd. cons. 1984, op. cit., p. 18.

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faisant abstraction de son engagement en religion, qui entraîna un changement

d’existence ? Cet évènement n’aurait-il eu aucune incidence directe sur son

travail, notamment sur les genres abordés et les thèmes représentés ?

La vie du frère jésuite

Si Jacques Courtois rejoignit la Compagnie de Jésus, à Sienne, comme en

témoigne la lettre annuelle du collège de la cité toscane470, c’est à Rome qu’il se

rendit ensuite et c’est là que dorénavant il allait résider. À la fin de l’année 1657, il

arrivait au noviciat de Sant’Andrea a Monte Cavallo, où son entrée fut enregistrée le

13 décembre471. À cette occasion fut rédigé l’inventaire de sa garde-robe472, un

document intéressant, qui nous permet de prendre connaissance de quelques détails

matériels intimes, de mieux nous représenter son aspect vestimentaire et ses objets du

quotidien. Jacques Courtois se présenta au noviciat avec quelques effets personnels,

son nécessaire de toilette et ses couverts. Nous remarquons qu’il apporta également

son équipement de cavalier - un coussin de monte et des bottes avec leurs éperons -,

qui pouvait encore lui servir, mais aussi, plus étonnant, une épée.

Il apparaît aussi qu’avant son entrée il s’était départi de toutes ses richesses. Il

n’apporta pas non plus un seul instrument de travail ; aucun matériel de peinture, ni

aucun tableau, gravure ou carnet de dessins ne sont mentionnés dans l’inventaire, soit

que l’artiste ne souhaitât plus peindre, soit qu’il pensât ne plus avoir l’occasion ou

l’autorisation d’exercer cette activité.

Nous savons que Jacques Courtois se sépara de toutes ou partie de ses œuvres, à

Sienne. Une lettre de Volumnio Bandinelli adressée au prince Léopold de Médicis,

qui cherchait à acquérir dessins et peintures de l’artiste, nous apprend que ce dernier

avait vendu tous ses dessins et donné les quelques petits tableaux qui lui restaient au

collège jésuite de Sienne, avant de partir pour le noviciat romain473. La vente de ses

dessins, aide-mémoire, répertoires de motifs indispensables, confirmerait qu’il

470. Voir notre chronologie raisonnée, à l’année 1657. 471. A.R.S.I., Rom. 169, Registr. Novitiorum 1556-1668, f. 41 ; voir la chronologie raisonnée au 13 décembre 1657. 472. A.R.S.I., Rom. 173, Ingressus Novitiorum 1631-1675, f. 118-118v. ; document dans notre chronologie raisonnée, à la date du 13 décembre 1657. 473. A.S.F., Carteggio d’Artisti, cod. 4, lettera 256, f. 1. Lettre du 19 août 1658, de Volumnio Bandinelli au prince Léopold de Médicis ; document dans notre chronologie raisonnée, à la date de la lettre.

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n’avait plus l’intention de poursuivre son métier, se séparant de tout ce qui pouvait

encore lui servir à son activité de peintre.

Le récit de la vie du frère Courtois, rédigé après son décès, relate qu’il se serait

dépouillé de ses dernières possessions à Rome, le 3 décembre, le jour de la saint

François Xavier474. Il aurait remis un petit sac de pierres précieuses à un prêtre de S.

Lorenzo in Damaso, afin qu’il les distribuât aux pauvres, puis se serait défait de tout

ce qui lui restait de quelque valeur, habits, épées475 et argenterie, pour une petite

chapelle. Un peu plus avant dans cette relation, nous lisons qu’il donna une aumône

de cinq cents scudi or au collège de Sienne, information exacte, probablement tirée

de la lettre annuelle de l’établissement toscan, document dont nous avons parlé plus

haut476.

Il est difficile sur ces seules bases d’estimer précisément le patrimoine de Courtois

et son train de vie avant son entrée dans la Compagnie de Jésus. Il fut dans le siècle

un peintre de tableaux de chevalet, et n’eut que peu de grands décors à exécuter. Il

fut sans doute un peintre aisé mais pas autant que Poussin, qui avait accumulé 15 000

scudi ou Claude Lorrain, peintres plus renommés que Courtois, sans parler des

peintres de grands décors tel Pierre de Cortone, qui laissa à sa mort 100 000 scudi477.

En milieu de carrière, nous pouvons estimer le patrimoine de Jacques Courtois à

quelques milliers de scudi. À Sienne, s’il avait fait un don de cinq cents scudi d’oro

au collège jésuite, ce n’était pas sa seule fortune si l’on en juge d’après ce qu’il

distribua ensuite à Rome, dont des pierres précieuses.

Veuf et sans enfant, libéré de tout attachement affectif, Jacques Courtois, après

s’être dépouillé de ses richesses temporelles, avait rejoint le noviciat de Sant’Andrea.

Selon Filippo Baldinucci, des deux années de formation et de mise à l’épreuve

habituelles le frère Courtois n’en effectua qu’une seule. Dispensé de la seconde

474. Biblioteca Nazionale Vittorio Emanuele (désormais noté B.N.V.E.), ms. 1253. Relatione del fratello Giacomo Cortese : « Il giorno di S. Francesco Saverio mi spropriai di tutto quello che havevo di meglio ». Document transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 99-104 ; voir la chronologie raisonnée, à la date du 14 novembre 1676. 475. Il conserva au moins une épée, quelques vêtements et affaires de voyages indispensables. 476. Document dans la chronologie raisonnée, à l’année 1657. 477. R. E. Spear, « Scrambling for Scudi : Notes on Painter’s Earnings in early Baroque Rome », The Art Bulletin, n° 2, 2003. L’auteur fournit de précieuses informations sur les revenus des peintres à Rome au XVIIe siècle, indiquant parallèlement le coût de la vie à cette époque. Voir également J. Delumeau, Vie économique et sociale de Rome dans la seconde moitié du XVIe siècle, Paris, 1957-1959, II, la 3e partie, « Problèmes financiers ». Au Seicento, à Rome, la monnaie courante était l’écu d’or/scudo d’oro, subdivisé en cent baiocchi.

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année, il aurait ensuite été envoyé au Collège Romain478. Cet élément de biographie

se trouve confirmé par la Relatione del fratello Giacomo Cortese, dans laquelle nous

apprenons qu’après seulement dix mois passés au noviciat, le frère Courtois partit

pour le Collège Romain479.

Après cette année probatoire, Courtois prononça des vœux simples. Près de dix

ans plus tard, le 2 février 1668480, dans la chapelle saint Ignace à la maison professe

du Gesù, il prononçait ses vœux perpétuels. À cette occasion, il rédigea par écrit sa

profession, comme c’était l’usage, un document toujours conservé dans les archives

de la Compagnie481. La veille de ce jour, le premier février 1668, apparaît dans le

livre de caisse de la maison professe une aumône de trente baiocchi pour la

« Professione (d)e(i) fratelli Giacomo Cortese e Paolo Pagani p(er) il Grado »482.

Jacques Courtois fit vœu de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Il avait chez les

Jésuites le statut de frère coadjuteur temporel483. Ces frères n’ont pas la charge d’un

sacerdoce et ont l’autorisation d’effectuer quelques tâches matérielles pour la

Compagnie. Courtois pour sa part continua d’exercer ses talents artistiques484. Filippo

478. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 424 : « Appena ebbe egli finito il primo delli due soliti anni del Noviziato, che per lo stesso fine fu dispensato dal secondo, e mandato al Collegio Romano.» 479. B.N.V.E, Fondo gesuitico, ms. 1253. Relatione del Fratello Giacomo Cortese : « […] fu alla fine ammesso nel Novitiato di S. Andrea, dove visse sempre con grandissima umiltà, mortificatione, divotione et obedienza, come anco in Collegio Romano mandatovi dopo dieci mesi. », transcrit et publié par F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 99-104 ; présenté dans notre chronologie raisonnée, à la date du 14 novembre 1676. 480. Le choix de ce jour, le 2 février, n’est pas anodin. C’est la fête de la Purification de la Vierge et celle de la Présentation de Jésus au Temple. En 1669, quatre frères coadjuteur temporels seront admis au grade le 15 août, le jour de l’Assomption, une autre fête mariale importante du calendrier liturgique. A.R.S.I., Rom. 197. Diar. Procuratorum Gener. 1654-1686, Diario Ottolini, f. 98. 481. A.R.S.I., Ital. 48. Catalogus Assistentiae Italiae Coad. Tempor. 1665-1672, f. 91 ; document dans la chronologie raisonnée, au 2 février 1668. 482. A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1176. Libro di cassa che contiene l’entrata, e spese dalli 13 aprile 1663 fino gli 24 febraro 1675, f. 35r. ; document dans notre chronologie raisonnée, à la date du 1er février 1668. 483. A. Guillermou, Saint Ignace de Loyola et la Compagnie de Jésus, [Paris], 1960, p. 171. On distingue dans la Compagnie quatre catégories de membres. Celle des profès qui prononcent les 3 vœux de pauvreté, chasteté et d’obéissance et le vœu spécial d’obéissance au pape ; les coadjuteurs spirituels qui ne prononcent que les trois premiers vœux ; les coadjuteurs temporels, admis aux mêmes vœux et à qui sont confiées quelques tâches matérielles ; enfin les scholastiques, qui après leur noviciat s’engagent à entrer définitivement dans la Compagnie. 484. G. Sale (dir.), L’art des Jésuites, Paris, 2003. J. W O’Malley, p. 29, donne l’exemple de l’architecte Giovanni Tristano qui entra dans la compagnie en 1556 comme frère coadjuteur. Il écrit : « Les Tristano furent les premiers d’une lignée de frères coadjuteurs – architectes et peintres hautement qualifiés […] ». Les peintres jésuites, tel le Flamand Daniel Seghers (1590-1661) ou encore Andrea Pozzo (1642-1709), qui prendra la suite de Courtois à la décoration du corridor menant aux Camere de Saint Ignace, eurent également ce statut de frère coadjuteur temporel.

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Baldinucci confirme qu’il devint frère laïc en religion, ou frère lai485. Il fut donc

frère/fratello et non pas père/padre, une dénomination sous laquelle nous le trouvons

souvent dans les documents italiens des XVIIe et XVIIIe siècles, comme « Padre

Giacomo Cortese »486, un abus de langage.

Dans les catalogues triennaux de la Compagnie sont indiquées les fonctions des

frères coadjuteurs temporels ; informations renseignées dans le premier livre, et

souvent reprises dans le second catalogue, dans lequel le supérieur notait les

aptitudes particulières de chaque membre de l’Ordre. En 1658, le recteur du noviciat,

où Courtois se trouvait alors, le perçut comme un être très intelligent et raisonnable,

prudent, expérimenté, de tempérament mélancolique, doué pour la peinture et de

nombreuses autres choses487.

Les documents d’archives jésuites et les lettres de Courtois permettent de suivre

sa trace à Rome tout au long de ces années. Jacques Courtois habita essentiellement à

la maison professe du Gesù, et également au noviciat de S. Andrea même après avoir

terminé sa formation spirituelle488. En 1658, il est cité au noviciat489, en toute logique

puisqu’il y était arrivé en décembre 1657 et que sa période probatoire n’était pas

terminée. Fin 1658, il se rendit au Collège Romain où il allait demeurer une année, et

où il exécuta alors le décor de la chapelle Prima Primaria (cat. 141-147)490 ; en 1661, il

résidait à la maison professe491 ; à l’automne 1663, Courtois déclarait être au noviciat

dans deux lettres à Vanghetti492 ; en 1665, le frère Jacques figure de nouveau sur les

485. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 423 : « […] e fu ricevuto nella Compagnia, in figura, […] di Fratello coadiutore, che è quanto dire di Laico o servente […] » ; L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 118, écrit « per laico nella religione. » 486. Comme ce fut également le cas pour Andrea Pozzo, qui avait le même statut mais que l’on trouve également appelé « père Pozzo ». 487. A.R.S.I., Rom. 60. Romana Cat. Trien. 1655-1658. Secundus Catalogus, f. 260, no 88. Cité par P. Tacchi Venturi, « Giacomo Cortesi detto il Borgognone. Note storiche », L’Arte, XIII, 1910, p. 218 ; document présenté dans notre chronologie raisonnée, à l’année 1658. 488. Ce que confirme la Relatione : « Fatti poi i voti passò la sua vita parte in S. Andrea, e parte alla Casa Professa […] », B.N.V.E, Fondo gesuitico, ms. 1253. Relatione del Fratello Giacomo Cortese, transcrit et publié par F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 99-104. 489. A.R.S.I., Rom. 60. Romana Cat. Trien. 1655-1658, f. 160v. ; document dans notre chronologie raisonnée, à l’année 1658. 490. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 424 : « Quivi stette un anno, e vi dipinse a olio la Congregazione primaria, con istorie delle donne illustri del Testamento Vecchio, fino a Maria Vergine. » 491. A.R.S.I., Rom. 61. Romana Cat. Trien. 1661-1665, f. 15v. ; document dans notre chronologie raisonnée, à l’année 1661. 492. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 14-15, lettres des 23 septembre et 6 octobre 1663. Voir les documents dans notre chronologie raisonnée à ces dates.

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Biographie critique

105

listes du noviciat493, ensuite il semble qu’il ait davantage résidé à la maison professe

du Gesù jusqu’à sa mort en 1676494.

Au noviciat, il apparaît que le frère Courtois vivait davantage retiré du monde,

avec peu ou pas de contacts avec l’extérieur comme il l’affirma lui-même à

Vanghetti en septembre 1663495.

Salvagnini fait erreur lorsqu’il affirme que Jacques et Guillaume Courtois

habitaient ensemble la « Casa dei Borgognoni », piazza di Spagna. C’est

chronologiquement impossible ; la maison fut achetée par Guillaume en 1671 et

Jacques était alors frère jésuite et ce depuis plus d’une décennie. La devise située au-

dessus de la porte, « Benché di spada armato io son cortese », « Bien qu’armé d’une

épée, je suis courtois » (ill. 13 ), ne peut donc pas être celle de Jacques, même si elle

semblait effectivement parfaite pour un peintre de batailles, ainsi que le souligna

Salvagnini496. C’était vraisemblablement celle de Guillaume ; l’hypothèse avancée

par Riccardo Benucci et ses arguments nous semblent justes497.

ill. 13 � Benché di spada armato io son cortese, devise surmontant la porte

du Palazzo dei Borgognoni, Rome, Piazza di Spagna

493. A.R.S.I., Rom. 61. Romana Cat. Trien. 1661-1665, f. 168 ; document dans notre chronologie raisonnée, à l’année 1665. 494. A.R.S.I., Rom. 78-III. Cat. Dom. Prof. Rom. 1646-1730, f. 9-12 pour 1675, et f. 15-16v. pour 1676 ; voir notre chronologie raisonnée, aux années 1675 et 1676. 495. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 14-15, lettre du 23 septembre 1663 : « […] ora sono al noviziato e non pratico con nessuno in luogo più ritirato. » ; lettre à cette date dans la chronologie raisonnée. 496. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 171. 497. R. Benucci, « L’inventario dei beni di Guglielmo Cortese ed altri documenti inediti riguardanti la sua famiglia e la casa in piazza di Spagna », Rivista dell’Istituto Nazionale d’Archeologia e Storia dell’Arte, serie III, XXIV, 56, 2001, p. 346-347, voir la n. 81.

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Biographie critique

106

Si pendant ces quelque vingt ans jésuites, Jacques Courtois résida pour l’essentiel

à Rome, il ne resta cependant pas sans se déplacer hors les murs. Régulièrement, il se

rendait dans les résidences de campagne des jésuites romains, à Tivoli et à Castel

Gandolfo. L’air y était plus salubre qu’à Rome, et Courtois qui eut assez rapidement

une santé défaillante pouvait s’y reposer, également y peindre et dessiner d’après

nature, paysages environnants et scènes champêtres.

Plusieurs lettres adressées à Alberto Vanghetti témoignent des séjours du frère

jésuite à Tivoli. Le 6 octobre 1663, il écrivait au marchand de Bergame qu’il y partait

pour quinze jours, et qu’il ferait là-bas « quelque chose d’après le naturel parce qu’il

y avait de nombreuses belles vues de cascades et des rochers insolites »498. Une

seconde lettre fut envoyée de Rome juste après son retour, le 25 octobre 1663499. Le

16 mai 1664500 et le 16 mai 1667501, il écrivit encore à Vanghetti depuis Tivoli. Dans

ces deux lettres, il disait y séjourner afin de « […] prendre un peu d’air pur » et il

terminait celle de mai 1664 en confirmant qu’il était « […] à l’extérieur de Rome

pour quelques vacances et pour exécuter des choses d’après le naturel » 502.

Concernant les séjours à Castel Gandolfo, dans le journal du père jésuite Paolo

Ottolini, nous apprenons qu’en 1663 Jacques Courtois et un père irlandais y

accompagnèrent le père vicaire, Gian Paolo Oliva, du 2 au 14 juin503, et qu’ils

séjournèrent à cette occasion dans la villa du Collège irlandais. Ce déplacement se

trouve confirmé dans une lettre à Vanghetti, datée du 25 juin 1663, donc peu après le

retour de Courtois à Rome, dans laquelle celui-ci déclarait être resté quelques

semaines dans cette villa, en raison de ses problèmes de santé, et qu’il en avait

profité pour réaliser des études d’après nature504. En 1667, la villa fut achetée au

Collège irlandais par le recteur du noviciat de S. Andrea a Monte Cavallo505, afin de

498. G. Locatelli, 1909, op. cit., lettre no 26, p. 15 : « […] et la faro qualche cosa dal naturale perche vi sono di molte belle veduta di caschate d’aqua et rupi sasi bizarisime. » ; lettre dans notre chronologie raisonnée, au 6 octobre 1663. 499. Ibid., lettre no 27, p. 15 ; lettre dans notre chronologie raisonnée, au 25 octobre 1663. 500. Ibid., lettre no 33, p. 17 ; lettre dans notre chronologie raisonnée, au 16 mai 1664. 501. Ibid., lettre no 44, p. 19 ; lettre dans notre chronologie raisonnée, au 16 mai 1667. 502. Ibid., lettre no 33, p. 17 : « […] pigliare un poco di buona aria. […] fuori di Roma per un poco di vacanza e a prendere qualche cosa dal naturale […] ». 503. A.R.S.I., Rom. 197. Diar. Procuratorum Gener. 1654-1686, Diario Ottolini, f. 61 ; document inédit, dans notre chronologie raisonnée, au 2 juin 1663. 504. G. Locatelli, 1909, op. cit., lettre no 22, p. 14 ; lettre dans la chronologie raisonnée. 505. A. Lo Bianco, « La decorazione delle fabbriche religiose di Castelgandolfo nei secoli XVII e XVIII. Dalla imprese di Papa Chigi ad una committenza dei gesuiti », L’arte per i papi e per i principi

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Biographie critique

107

servir de maison de campagne. Il était essentiel d’avoir une maison à Castel

Gandolfo afin d’être auprès du pape qui, depuis Urbain VII (1590), y avait sa

résidence d’été. Cette maison apparaît dans les archives jésuites sous le nom de Villa

de Vigna Grande. Nous en possédons un descriptif, rédigé lors de son estimation, le

26 octobre 1685, par l’architecte Mattia de Rossi506.

Le dernier séjour connu de Courtois hors les murs fut d’ailleurs passé à Castel

Gandolfo, à l’automne 1676. Au cours de cette ultime escapade, l’artiste commença

un décor mural dans deux pièces de la villa, dessins au fusain qui restèrent

inachevés507. En 1685, Mattia de Rossi n’en donnait pas le détail, les évoquant ainsi :

« Due stanze in volta con due fenestre, e due porte istoriate con carbone dalla b.

m(ano) del P. Giacomo »508.

Jacques Courtois effectua également plusieurs voyages, plus lointains,

accompagnant des pères jésuites. En 1661, il se rendit à Naples, s’absentant deux

mois509, et le premier septembre 1667, il écrivait à Vanghetti depuis Gênes où il

séjournait510. De retour à Rome début novembre, il adressa alors une longue lettre à

ses sœurs le 6 du mois. Nous apprenons dans celle-ci que son séjour génois avait été

de quatre mois511.

nella campagna romana. Grande pittura del’ 600 e ’700, Rome, 1990, voir p. 134 et n. 91. Gian Paolo Oliva remit une somme de 6 000 scudi au recteur du noviciat pour cet achat. 506. A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Romana Domus Probationis ad sancti Andreae in Monte Quirinali. 856-2. Istrumenti, piante ed incartamenti varii circa I beni di albano, Castelgandolfo, ecc.: saec. XVII-XVIII. « A di 26 Ottobré 1685. Nota distinta di tutto il Corpo della Casa, che si ritrova nella Vigna dé RR PP Gesuiti d.a Comp.a di Gesù in Castel Gandolfo ». Nous pouvons lire, f. 2 : « Io infstó Architetto nella Città di Roma, essendo stato à vedere la Vigna grande delli RR. PP. d.a Comp.a di Gesù posta nel Territ(ori)o di Castel Gandolfo, ad effetto di riconoscere lo stato d.a medesima, come anche la Fabrica, che serve per abitazione, e commodo in essa, due Tinelli grandi, stalla per commodo di undici cavalli, stanze separate dall’abitatione per uso de Vignaroli, et altro […] ». 507. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 425 : « […] fece sul muro col carbone alcuni disegni di sacre storie, che son poi rimase imperfette. » 508. A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Romana Domus Probationis ad sancti Andreae in Monte Quirinali. 856-2. Istrumenti, piante ed incartamenti varii circa I beni di albano, Castelgandolfo, ecc.: saec. XVII-XVIII. « A di 26 Ottobré 1685. Nota distinta di tutto il Corpo della Casa, che si ritrova nella Vigna dé RR PP Gesuiti d.a Comp.a di Gesù in Castel Gandolfo », f. 1v. ; voir la chronologie raisonnée, à octobre-novembre 1676. 509. G. Locatelli, 1909, op. cit., lettre à Vanghetti du 24 décembre 1661, no 4, p. 9 ; voir la chronologie raisonnée, à la date de la lettre. 510. Ibid., lettre no 45, p. 19 ; document dans la chronologie raisonnée, à la date du 1er septembre 1667. 511. A.U.F., S.U.F. 1176. Lettre de Jacques Courtois à ses sœurs ursulines Jeanne et Anne ; lettre présentée dans notre chronologie raisonnée, à la date du 6 novembre 1667. Preuve que cette lettre est de bien de 1667 et non de 1665 comme l’affirmait F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 87-88.

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Biographie critique

108

À la fin de sa vie, en 1675-1676, il semble que Jacques Courtois, dont la santé

s’était encore dégradée, ait effectué un ou plusieurs séjours en Toscane. Filippo

Baldinucci relate qu’il accompagna le père jésuite Giulio Tarugi à Pise pour le

Carême de 1675512. Il passa ensuite quelques semaines à Montefoscoli, village situé à

une trentaine de kilomètres de Pise, dans la maison de campagne du collège jésuite

de Florence513. Ces deux épisodes ne sont pas documentés par ailleurs mais

Baldinucci souligne que c’est là qu’il lui fut facile, à plusieurs reprises, de rendre

visite à Jacques Courtois et qu’il obtint de la bouche même de l’artiste toutes les

informations nécessaires à la rédaction de sa notice biographique514.

D’après les livres de comptes de la maison professe du Gesù, il semble que

Courtois se soit effectivement absenté de Rome mais à partir du 22 septembre 1675,

la compensation financière versée pour son entretien stoppant précisément à cette

date515. La destination, difficilement déchiffrable sur le document, paraît être la

Toscane. Nous savons qu’à la fin de sa vie Courtois travailla pour le grand-duc

Cosme III516. Il avait reçu de sa part la commande de son Autoportrait (cat. 158), qui

devait enrichir la collection d’autoportraits d’artistes commencée en 1664 par son

oncle, le cardinal Leopoldo. Pour répondre à cette demande et afin de ménager sa

santé, Jacques Courtois aurait alors séjourné à la villa médicéenne de Castello, dans

les environs de Florence, où l’artiste put goûter « au charme et à la salubrité d’un air

parfait […] »517. Ce fut probablement à l’occasion de ce séjour, fin 1675 ou début

1676, car nous savons qu’en avril 1676, Courtois était à Montepulciano, dans la

province de Sienne, résidant vraisemblablement au collège jésuite de la ville, que

Gian Paolo Oliva, le père général, lui demanda de rentrer dès que possible pour

travailler au projet de la tribune du Gesù518. Oliva souhaitait cependant que Courtois

512. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 425. 513. Id. 514. Id., : « […] ebbi io comodità di più volte abboccarmi con esso, e ritrar dalla viva voce di lui […] tutte le notizie, che fin quì ho scritto. » Filippo Baldinucci, qui était florentin, rencontra certainement Jacques Courtois en Toscane, à la fin de la vie de l’artiste. Ce dernier put effectivement évoquer son existence et lui donner des renseignements qui servirent à rédiger sa notice biographique, qui globalement s’avère plutôt juste. Néanmoins, elle comporte aussi quelques erreurs et des approximations. Il est probable que l’auteur ait recueilli un certain nombre d’informations exactes et qu’il ait lui-même complété ce qui lui manquait. 515. A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1177. Entrata e uscita con altri conti, 1675-1692, p. 24 ; document inédit dans la chronologie raisonnée au 22 juin 1676. 516. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 425. 517. Id. 518. A.R.S.I., Epp. NN. 8. Epistolae Generalium ad externos 1665-1680, f. 149v. ; document inédit dans notre chronologie raisonnée.

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Biographie critique

109

prît toutes les dispositions pour rentrer en bonne forme, avec suffisamment de forces,

afin d’être capable d’œuvrer à cette grande entreprise519. Nouveau témoignage de

l’état de santé dégradé de Jacques Courtois.

Nous ne savons pas, finalement, si au cours des années 1675-1676, il y eut un ou

plusieurs séjours en Toscane ; l’un au printemps 1675, comme le relate Baldinucci, et

un autre à partir de septembre de la même année, jusqu’au printemps 1676. Il est

possible que Baldinucci se soit trompé de période et aussi qu’il ait confondu

Montefoscoli et Montepulciano ; de plus, sa rencontre et ses entretiens avec Courtois,

malgré ce qu’il affirme ne sont pas certains, au vu de certaines erreurs et

approximations qui figurent dans sa notice biographique, dont nous avons fait

plusieurs fois état… Les documents jésuites prouvent que Courtois s’est absenté de

Rome à partir de septembre 1675 et la lettre de Gian Paolo Oliva à l’artiste, en avril

1676, que l’artiste était bien en Toscane au printemps de cette année.

Le dernier séjour de Courtois à Castel Gandolfo, à l’automne 1676, où l’artiste

s’était rendu car il était « molestato da indisposizione », aurait duré plus d’un mois520.

Selon Baldinucci, le frère Jacques revint à Rome le 9 novembre 1676, en calèche,

accompagné d’un père jésuite. Il se sentait au plus bas en arrivant à la porte de S.

Giovanni in Laterano, souffrant d’une crise d’apoplexie. Pris de convulsions aux

abords de Santa Maria Maggiore, il fut alors décidé de le conduire au plus près, c’est-

à-dire au noviciat de S. Andrea a Monte Cavallo. Malgré tous les soins reçus,

Jacques Courtois ne se remit pas de cet épisode. Il décéda au noviciat cinq jours plus

tard, le 14 novembre 1676, à 12h30 précises si l’on en croit Baldinucci521, aux

premières lueurs de l’aube pour Pascoli522. Certaines notices biographiques donnent

comme année de décès 1675523. Les différents registres et documents d’archives

jésuites mentionnent, sans équivoque, la date du 14 novembre 1676524. Dans la

Relatione525, il est également indiqué 1676 et non pas 1675. Nous avons aussi la

519. Id. 520. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 425. 521. Ibid., p. 426 ; L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 120, donne également comme date de décès le 14 novembre 1676. 522. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 120. 523. P. A. Orlandi, 1704, éd. cons. 1753, op. cit., p. 404 ; P. Tacchi Venturi, 1910, op. cit., p. 218. 524. A.R.S.I., H.S. 49. Historia Societatis Defuncti 1670-1700, f. 120 v. 525. B.N.V.E., Fondo gesuitico, ms. 1253, Relatione del fratello Giacomo Cortesi. Voir Salvagnini, 1937, op. cit., p. 99-104 et notre chronologie raisonnée, au 14 novembre 1676.

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Biographie critique

110

confirmation que Jacques Courtois est mort à la « Casa de S. And(re)a »526, c’est-à-

dire au noviciat.

Nous ne savons pas avec certitude où il fut inhumé. Nous supposons que ce fut

dans l’église du noviciat de S. Andrea, comme pour de nombreux frères et pères

jésuites. Il était en effet décédé sur place et les défunts étaient rapidement inhumés

soit le jour même du décès, soit le lendemain, la sépulture demeurant ouverte si la

mort remontait à moins de vingt-quatre heures527.

La vie du frère Courtois mais aussi son travail artistique suivirent le calendrier

liturgique, et furent rythmés par ses temps importants. Ses journées étaient

pleinement occupées et son engagement, même sans l’exercice d’un sacerdoce,

signifiait une adhésion de chaque instant aux règles jésuites : obéissance, zèle de

l’âme, oraison mentale, mortifications corporelles et spirituelles, et observation

parfaite des trois vœux.

Si Jacques Courtois reçut l’autorisation d’effectuer quelques tâches matérielles

pour la Compagnie, et put ainsi continuer à exercer ses talents artistiques, ce n’était

plus sa raison d’être et cela n’occupait pas la majeure partie de son temps. À l’instar

de Daniel Seghers, Courtois ne peignait certainement qu’après avoir satisfait à toutes

ses obligations religieuses. Nous avons pour le peintre flamand le témoignage

suivant : « […] levé dès quatre heures, celui-ci ayant accompli les exercices pieux de

son état, ̒consacrait le reste du temps à peindre avec un tel zèle qu’il ne se permettait

pas de perdre un instant, soit pour les nôtres (ses confrères, les jésuites), soit pour les

étrangers̓. Si ceux-ci venaient, il ne déposait pas la palette, à moins que ce ne fussent

des princes. ʻEn été, s’il entamait une œuvre importante, il se levait à trois heures, la

plupart du temps̓ »528.

526. A.R.S.I., Rom. 197. Diar. Procuratorum Gener. 1654-1686, f. 117v. ; voir la chronologie raisonnée, au 14 novembre 1676. 527. A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Dom. Probat. 852-6. Libro de’ morti che si sepeliscono nella nostra chiesa : saec. XVII-XVIII (1692-1803). Les sépultures pour les pères et les frères se trouvaient sous les autels principaux, côté Évangile et côté Épître, et sous les chapelles, comme celle de la Passion. Voir f. 1-1v. par exemple. Nous ne disposons malheureusement pas du livre des défunts ensevelis à S. Andrea, pour la période précédente. 528. M.-L. Hairs, Les peintres flamands de fleurs au XVIIe siècle, Tournai, 1998, p. 113.

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Biographie critique

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Si les obligations liées à l’engagement de Jacques Courtois dans la Compagnie de

Jésus ne pouvaient manquer d’avoir des répercussions sur le personnage et son état

d’esprit, elles en eurent également sur son travail.

Le peintre jésuite

Comme le remarqua justement Pietro Tacchi Venturi, lors de son admission au

noviciat de S. Andrea, l’inventaire de la garde-robe de Jacques Courtois ne laissait

pas soupçonner qu’il s’agissait bien des affaires d’un artiste de renom, ni même d’un

amateur de peinture529. L’absence de pinceaux, couleurs, dessins ou gravures tendrait

à signifier qu’en intégrant la Compagnie de Jésus, Jacques Courtois n’envisageait

sans doute pas de poursuivre sa précédente activité, pensant se consacrer uniquement

à sa vocation religieuse. Pourtant, dès 1658, l’année suivant son intégration, le frère

Courtois figurait déjà comme peintre sur les registres de la Province romaine530. Dans

la seconde partie des catalogues triennaux, où sont consignées les appréciations

concernant chaque membre de la Compagnie de Jésus, et où figurent également les

aptitudes de chacun, nous pouvons lire pour Jacques Courtois dès 1658, « talentum :

ad picturam »531 et encore, en 1665, « aptiss.mus ad pingendum »532.

Même si à l’évidence Courtois était disposé à tout abandonner de sa vie passée en

devenant un fils de saint Ignace, il semble que ses supérieurs, en particulier le

Préposé général de l’Ordre, n’aient pas eu l’intention de se passer des talents d’un

peintre renommé. C’est sans doute la raison pour laquelle Courtois demeura à Rome

après en avoir terminé avec sa période probatoire et ne retourna pas à Sienne. Le

Préposé général Goswin Nickel et son Vicaire général, puis successeur, Gian Paolo

Oliva, autorisèrent Jacques Courtois à poursuive une activité artistique. Lione Pascoli

529. P. Tacchi Venturi, 1910, op. cit., p. 217. 530. A.R.S.I., Rom. 60. Romana Cat. Trien. 1655-1658, Primus Catalogus, f. 160 v., n° 88 ; document dans la chronologie raisonnée, à l’année 1658. 531. Ibid., f. 260, n° 88; document dans la chronologie raisonnée, à l’année 1658. 532. A.R.S.I., Rom. 61. Romana Cat. Trien. 1661-1665, Secundus Catalogus, f. 213, n° 34 ; document dans la chronologie raisonnée, à l’année 1665.

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Biographie critique

112

affirmait à ce sujet : « le Père général qui connaissait la valeur du sujet recruté en la

personne du père Jacques, ne le laissa pas oisif […] »533 .

Francis Haskell souligna la fragilité financière des jésuites dès qu’ils devaient

recruter des artistes extérieurs pour réaliser leurs programmes décoratifs ; ceci

expliquant pourquoi ils « durent s’en remettre entièrement au soutien de puissantes

familles qui gouvernaient Rome pour l’édification de leurs églises »534. Il aurait été

étonnant que les talents du frère Courtois ne soient pas employés au mieux. Dans le

siècle, il était un peintre de talent et, en poursuivant cette activité pour la Compagnie,

il correspondait aussi à l’image du jésuite telle qu’Ignace de Loyola l’avait conçue,

celle d’« un homme qui doit atteindre un remarquable équilibre entre la vie

ascétique, la vie mystique et la vie active »535. Comme les frères coadjuteurs

temporels avaient l’autorisation d’exercer quelques tâches matérielles pour leur ordre

et comme peindre était ce que Courtois savait sans doute faire le mieux, il était

probable qu’en intégrant la Compagnie de Jésus il serait invité à continuer.

Les œuvres pour la Compagnie de Jésus

Jacques Courtois n’est sans doute resté que peu de temps sans exercer son ancien

métier. Même au cours de sa période probatoire, temps difficile de mise à l’épreuve

et de formation spirituelle, il aurait continué de peindre. Il apparaît cependant qu’il y

ait eu deux phases dans la production de la période jésuite. Les premières années, il

lui aurait été interdit de travailler pour l’extérieur, son activité artistique étant tout

entière consacrée à l’Ordre. Puis par la suite, les directives le concernant

s’assouplirent, Courtois recevant l’autorisation de réaliser des tableaux pour des

personnalités extérieures, et également de produire à nouveau paysages et batailles

profanes, non plus seulement des œuvres religieuses comme initialement. Cette

inflexion paraît avoir eu lieu à la mi-1661, et fut probablement liée à l’élection de

Gian Paolo Oliva comme Vicaire général, avec droit de succession (7 juin 1661), afin

de seconder le Préposé général en poste, Goswin Nickel, très diminué à la suite de

533. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 118, : « Conoscendo il P. generale l’acquisto che fatto avea la Compagnia, nell’aver acquistato un soggetto del valore del P. Jacopo, non lo lasciava stare ozioso […] ». 534. F. Haskell, 1963, éd. cons. 1991, op. cit., n. 39, p. 131. 535. A. Guillermou, 1960, op. cit., p. 177.

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plusieurs attaques cérébrales536. Au début de son engagement, Jacques Courtois

n’avait pas le droit de recevoir de lettres à l’exception de celles émanant de sa

famille ; Vanghetti avait ainsi dû passer par les sœurs de l’artiste pour lui transmettre

un message537. La correspondance entre Courtois et Vanghetti qui se mit en place à

l’été 1661538 témoigne de cet assouplissement des mesures. Dans ses premières

lettres, si Courtois déclarait avoir besoin de l’autorisation de ses supérieurs avant de

pouvoir honorer les commandes du marchand, après 1662, il n’en fait plus

mention539 ; les ordres de Vanghetti se densifièrent.

La production de l’artiste et la localisation des œuvres des premières années

semblent effectivement confirmer l’interdiction initiale. En effet, la majeure partie

des travaux d’ornementation des édifices jésuites et les tableaux pour les maisons de

l’ordre que Courtois réalisa datent du début de son incorporation.

Les premières œuvres de la période jésuite furent effectuées au cours de son année

de formation spirituelle, au noviciat, en 1658. Pendant cette période probatoire, selon

Pascoli, le père général aurait demandé à l’artiste plusieurs tableaux pour la maison

de S. Andrea540. Au début du XVIIIe siècle, le biographe italien citait cinq œuvres,

toujours conservées sur les lieux541. Il s’agissait de deux représentations de

l’ Adoration des Mages, dont une plus petite en hauteur, et de deux autres tableaux

proposant le Massacre des Innocents, de même dimension, destinés à être mis en

place autour de la crèche de Noël, étant « di misura fatti a posta per adornare il

sito ; ove di Natale si faceva da’ padri il presepio »542. Pascoli évoque un cinquième

tableau, également conservé au noviciat avec les quatre précédents, une Résurrection

du Sauveur, de même dimension que les deux plus petits543. Si Filippo Baldinucci,

536. Gian Paolo Oliva devint Préposé général de l’Ordre à la mort de Goswin Nickel, le 31 juillet 1664. 537. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 7-8 ; voir la chronologie raisonnée à l’année 1658. 538. La première lettre du frère jésuite au marchand bergamasque est datée du 6 août 1661. 539. Après la lettre du 9 juin 1662, plus un mot de la part de Jacques Courtois, concernant ces demandes d’autorisation. 540. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 118 : « […] e del tempo, gli proibì il dipignere per persone straniere, e gli ordinò alcune opere eroiche per la casa del Noviziato […] ». 541. Id. : « […] e vi fece cinque quadri, che ancora si conservano in una sala di detta casa. » 542. Ibid., p. 119. 543. Id.

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quant à lui, ne citait qu’un seul des tableaux, un Massacre des Innocents, sa

chronologie coïncidait tout de même avec celle de Pascoli544.

Après une année de formation et de mise à l’épreuve, peut-être réduite à une

période de dix mois, si l’on se fie à la notice nécrologique de Courtois545, donc à la

fin de l’année 1658, le frère Jacques fut envoyé au Collège Romain, afin de travailler

à l’ornementation de la chapelle Prima Primaria, le nouvel oratoire de la toute

première congrégation mariale. En 1658, les congréganistes avaient obtenu du père

général Goswin Nickel une nouvelle salle plus vaste, en remplacement du précédent

oratoire, devenu trop exigu en raison de l’accroissement du nombre de membres546.

L’artiste y peignit à fresque, exécutant les six lunettes célébrant les femmes de

l’Ancien Testament, Rébecca (cat. 141), Marie, la sœur de Moïse (cat. 142), Déborah

(cat. 143), Yaël (cat. 144), Abigaïl (cat. 145) et Judith (cat. 146), préfigurations de la

Vierge. Courtois réalisa une septième scène, la Victoire de Narsès sur Totila (cat.

147), dans un espace quadrangulaire cette fois, mais toujours situé dans la partie

supérieure de l’oratoire. Le héros, Narsès, était parvenu à vaincre les Ostrogoths,

avec l’aide de la Vierge ; cet épisode célébrait Marie, victorieuse des hérésies, les

Goths, peuplade germanique, étant assimilés aux protestants547.

Ce cycle décoratif fut commencé à la fin de l’année 1658, date à laquelle Jacques

Courtois se rendit au Collège Romain, peut-être dès octobre si nous suivons la

Relatione548. Ses sept fresques étaient terminées en 1659, puisque Macario Sollazzi

en parle précisément dans son opuscule, La nuova Congregazione Prima Primaria,

publié la même année549. Filippo Baldinucci affirmait que l’artiste était resté une

année au Collège Romain afin d’exécuter ces travaux550. L’achèvement du décor de

544. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 423 : « […] onde nel primo anno del suo Noviziato, con gran mortificazione di lui, vollero, che e’ desse qualche tempo a dipigner cose devote : e fra l’altre gli fecero dipignere per lo Presepio la Strage degl’Innocenti. » 545. B.N.V.E., Fondo gesuitico, ms. 1253. Relatione del fratello Giacomo Cortese : « […] fu alla fine ammesso nel Novitiato di S. Andrea, dove visse sempre con grandissima umiltà, mortificatione, divotione et obedienza, come anco in Collegio Romano mandatovi dopo dieci mesi. » ; document dans la chronologie raisonnée à la date du 14 novembre 1676. 546. Les listes des membres de la congrégation Prima Primaria sont aujourd’hui très partielles dans les archives jésuites, si bien que nous ne savons pas si Courtois fut l’un d’eux. 547. S. F. Ostrow, Art and Spirituality in Counter-Reformation Rome. The Sistine and Pauline chapels in S. Maria Maggiore, Cambridge-New York, 1996, p. 228. 548. En comptant dix mois à partir de son entrée au noviciat, à la mi-décembre 1657. 549. M. Sollazzi, La nuova Congregazione Prima Primaria, sotto il titolo della Madre di Dio Annunziata, nuovamente aperta nel Collegio Romano della Compagnia di Gesù, Rome, 1659. 550. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 424 : « Quivi stette un anno, e vi dipinse a olio la Congregazione primaria, con istorie delle donne illustri del Testamento Vecchio, fino a Maria Vergine. »

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l’oratoire, c’est-à-dire tout le registre inférieur, serait mené à bien par Guillaume

Courtois.

Baldinucci et Pascoli s’accordent à dire qu’ensuite les pères envoyèrent Jacques

Courtois à la maison professe du Gesù, où il devait réaliser à la détrempe les Scènes

de la vie de saint Ignace (cat. 152-155), dans le corridor jouxtant les Camere du

fondateur de l’Ordre. Ignace de Loyola avait passé ici ses dernières années et y était

mort le 31 juillet 1556551. Le décor du corridor fut complété à partir de 1682 par le

frère Andrea Pozzo, si bien qu’il porte aujourd’hui son nom. Les œuvres de Courtois

sont situées dans les embrasures des fenêtres et concernaient au départ cinq

ouvertures. Seules les scènes autour de quatre d’entre elles sont encore visibles. Le

réaménagement de l’accès aux Camere effectué dans le dernier tiers du XVIIe

siècle552 est sans doute à l’origine de la disparition des peintures de la cinquième

fenêtre.

Si l’on se fie à la chronologie des deux biographes anciens, Baldinucci et Pascoli,

le cycle aurait été réalisé vers 1660. Les mentions que nous avons retrouvées

concernant l’exécution d’autres œuvres par Courtois à la maison professe, à cette

période, et la présence de l’artiste sur les lieux en 1661, documentée, pourraient

confirmer la datation des Scènes de la vie de saint Ignace, vers 1660-1661. Les livres

de comptes de la maison professe font état d’achat de couleurs et de toiles pour le

frère Jacques Courtois, en vue de la réalisation de plusieurs tableaux pour le

réfectoire de cette demeure. Les tableaux furent exécutés entre la fin de l’année 1660

et le printemps 1661553. Les catalogues triennaux de 1661 confirment que Courtois

résidait alors à la maison professe554. L’artiste jésuite était donc sur place, et put

œuvrer à ces différentes peintures, celles du corridor des Camere, ainsi que celles du

réfectoire. Il apparaît également dans une lettre à Vanghetti qu’un des frères de

l’artiste ait également travaillé pour le réfectoire. Il s’agissait probablement de

551. Id. : « Dal Collegio Romano fu poi mandato al Gesù, dove nel corridojo della Cappella di Sant’Ignazio, dipinse a guazzo la vita del Santo. » ; L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 119 : « Compita questa, fu dal P. generale mandato alla Casa professa, e dipinse i parapetti di cinque fenestre, cioè quattro dentro, ed uno fuori del corridojo, donde si va alle cappelle, e stanze che abitava S. Ignazio ; e vi rappresentò alcuni suoi miracoli. » 552. P.-A. Fabre, « Un sanctuaire romain à l’âge baroque. Recherches sur le système décoratif du corridor d’entrée aux ‘stanzette’ d’Ignace de Loyola, peint par Jacques Courtois et Andrea Pozzo (1640-1688) », Estetica Barocca, Rome, 2004, p. 361-374. 553. Voir les documents dans notre chronologie raisonnée, aux 30 novembre 1660 et 29 avril 1661. 554. Id., voir à l’année 1661.

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Guillaume, plutôt que Jean-François, déjà capucin, car ce peintre reçut des tableaux

de Jacques en dédommagement555.

Seul le Martyre des quarante pères jésuites (cat. 156)556, un tableau commandé par

le père général Gian Paolo Oliva, fut exécuté plus tardivement. Selon Pascoli, il

s’agirait de la dernière œuvre de Courtois si l’on excepte son Autoportrait (cat. 158)557.

Baldinucci lui ne donne pas de repères chronologiques précis. Si stylistiquement ce

tableau est effectivement une œuvre des dernières années, il nous semble qu’on

pourrait envisager une réalisation en 1670 ; l’œuvre marquerait ainsi le centenaire du

massacre représenté (15 juillet 1570), ayant donc pu être commandée à l’artiste en

commémoration de ce martyre.

Enfin, la grande œuvre du frère Jacques Courtois devait être la décoration de la

tribune de l’église du Gesù. L’artiste travailla au projet produisant « molti schizzi,

invenzioni e modelli »558, mais il mourut avant de pouvoir terminer l’entreprise. Gian

Paolo Oliva tenait à ce que « cette grandiose glorification du Triomphe de Jésus »

soit « l’œuvre d’un jésuite »559. Dans une lettre inédite du 18 avril 1676, adressée par

le général jésuite au frère Courtois, nous apprenons qu’Oliva souhaitait que notre

artiste, alors à Montepulciano, en Toscane, revienne rapidement à Rome, pour se

remettre à cet ouvrage important, afin « d’ajouter au chef d’une si belle église une

plus digne couronne »560. Le thème choisi par le Préposé général, Josué arrêtant le

soleil, avait déjà été représenté à de nombreuses reprises par Jacques Courtois. Josué,

personnage biblique, est considéré comme une préfiguration du Christ, et sa victoire

sur les Amorites marquait le triomphe de Jésus et celui de la Compagnie éponyme.

Dans la notice de Filippo Baldinucci, les dernières œuvres de Jacques Courtois

citées sont des scènes religieuses dessinées au fusain, sur les murs de la villa de

Castel Gandolfo. Elles y auraient été exécutées lors du dernier séjour du frère à

555. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 10, lettre du 28 janvier 1662 ; voir la chronologie raisonnée. 556. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 424 : « Fra l’altre opere, che fece, con volontà del Padre Oliva, una fu la bellissima tavola, con figure di due palmi, nella quale rappresentò la morte, e’l naufragio de’ quaranta Padri della Compagnia, seguito sotto il governo di San Francesco Borgia, e sotto la condotta del Padre Ignazio Azzevedo, per la Missione dell’Indie. » ; L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 120 : « […] ed uno assai grande, ove in piccole figure espresse il martirio di quaranti padri della Compagnia, andati colla scorta del P. Azzevedo nell’Indie a far la missione, che mandar doveva altrove, si conserva in una stanza da’ padri della suddetta Casa. » 557. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 120. 558. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 425. 559. F. Haskell, 1963, éd. cons. 1991, op. cit., p. 156. 560. A.R.S.I., Epp. NN. 8. Epistolae Generalium ad externos 1665-1680, f. 149v. ; voir le document inédit dans la chronologie raisonnée, à la date du 18 avril 1676.

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l’automne 1676561, ce qui paraît exact. Ces œuvres restèrent inachevées car l’artiste

rentré à Rome le 9 novembre 1676, gravement malade, y décéda cinq jours plus tard.

L’architecte Mattia de Rossi mentionnait ces dessins dans son estimation de la villa

de Castel Gandolfo en octobre 1685 mais n’en fit pas la description562. Figure dans un

inventaire des biens de cette résidence jésuite (non précisément daté), la mention

d’une Sainte Famille « disegnata in muro dal Cortese »563, vraisemblable composante

de ces dessins de Jacques Courtois. Cette Sainte Famille aurait encore été vue au

début du XXe siècle, et fut alors donnée à Pozzo564. Les œuvres ont aujourd’hui

disparu, vraisemblablement recouvertes d’enduit, ou détruites au cours des différents

réaménagements des lieux, aujourd’hui pour partie occupés par une caserne de

carabinieri565.

Si quotidiennement Jacques Courtois vivait au rythme de ses obligations

religieuses, une partie de sa production de frère jésuite, tableaux et décors

éphémères, fut aussi réalisée pour accompagner les temps forts du calendrier

liturgique et les grandes cérémonies catholiques. Pendant son année probatoire au

noviciat de S. Andrea, nous avons vu qu’il exécuta deux représentations de

l’ Adoration des Mages et deux autres du Massacre des Innocents, destinées à orner

les lieux où les pères jésuites dressaient la crèche de Noël.

Nous savons également que l’artiste jésuite participa à la réalisation des décors

accompagnant un autre temps fort, celui de l’exposition du Saint-Sacrement pendant

la fête des Quarante Heures. Cette cérémonie inventée par le catholicisme, instituée à

Milan en 1527, après le passage des troupes impériales, visait à réparer les outrages

faits au Seigneur dont l’irrévérence envers la Sainte Eucharistie. Chaque année,

l’exposition du Saint-Sacrement, pendant les trois jours précédant le Carême, était

l’occasion de scénographies recherchées, souvent fastueuses, alliant décors et mise

en lumière éloquents, mélanges de faste et de dévotion, qui faisaient de ces

561. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 425 : « […] il Padre Generale, per rimetterlo in sanità e in forze, seco il condusse a godere dell’amenità della Villa di Castel Gandolfo, dove si trattenne poco più di un mese, nel qual tempo, per suo diporto, fece sul muro col carbone alcuni disegni di sacre storie, che son poi rimase imperfette. » 562. Voir la chronologie raisonnée, au 26 octobre 1685. 563. A. Lo Bianco, 1990, op. cit., p. 135, 147 (B.N.V.E., Fondo Gesuitico, ms. 1335, f. 28 : « 1 Cornice tonda ad una pittura di Giesú M.a e Giuseppe disegnata in mura dal Cortese »). 564. Ibid., p. 135. 565. Id.

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Quarantore un spectacle impressionnant et émouvant. Si Jacques Courtois n’avait

sans doute pas les compétences pour concevoir lui-même l’ensemble du théâtre, tout

cet apparato, comme le firent par exemple Bernin, Cortone ou après lui chez les

Jésuites Andrea Pozzo, il participa avec son pinceau à la réalisation des décors. Le 3

février 1663, dans une lettre au marchand Vanghetti, Jacques Courtois précisait qu’il

était au Gesù depuis un mois « […] à travailler pour les Quarante Heures qui ont lieu

les trois derniers jours du carnaval et pour lesquelles chaque année est réalisé un

théâtre où est exposé le Saint-Sacrement […] »566. Il est ainsi vraisemblable que,

chaque année, l’artiste participait aux préparatifs du théâtre des Quarante Heures

pour l’église du Gesù.

En 1663 n’est pas renseigné la ou les scènes qui furent représentées à cette

occasion mais nous savons qu’en 1671, il s’agissait de Josué arrêtant le soleil567, et

en 1675, de scènes de l’Apocalypse568.

Il est possible que Jacques Courtois ait contribué à d’autres travaux du même

genre, peut-être pour la fête de l’Immaculée Conception, comme le fit Pozzo569 ;

cependant, les macchine pour les Quarantore étaient parmi les entreprises les plus

importantes, avec celles des fêtes de canonisation.

Les grands cycles de décor, ceux de la chapelle Prima Primaria et du corridor

d’accès aux Camere de saint Ignace, ainsi qu’une bonne partie des tableaux destinés

à orner le noviciat et la maison professe du Gesù furent donc exécutés au cours des

premières années jésuites, probablement avant la fin 1661. À l’exception du Martyre

des quarante pères jésuites (cat. 156) et du projet de la tribune du Gesù, le frère

Courtois semble ensuite avoir davantage produit des tableaux destinés à des

personnalités extérieures à la Compagnie de Jésus.

566. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 13, lettre du 3 février 1663 : « […] a lavorare per le quarantore che si fanno li tre ultimi giorni del Carnovalle che ogni anno si volle fare qualche teatro dove si espone il S. Sagramento […] » ; voir la lettre dans la chronologie raisonnée à cette date. 567. A.R.S.I., Rom. 197. Diar. Procuratorum Gener. 1654-1686, Diario Ottolini, f. 105v. ; voir le document dans notre chronologie raisonnée. 568. Ibid., f. 119 ; voir le document dans notre chronologie raisonnée. 569. M. Fagiolo Dell’Arco, « Pensare effimero : il metodo e la pratica di Fratel Pozzo », Andrea Pozzo, Milan-Trente, 1996, p. 75-95.

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Les œuvres pour l’extérieur

Lione Pascoli affirmait que, dès la fin de sa période probatoire, Jacques Courtois

eut l’autorisation du père général, qui recevait des demandes incessantes d’amateurs

d’art, de réaliser des tableaux pour qui en désirait570. Mais il apparaît davantage,

comme nous l’avons vu précédemment, que ce ne fût vraisemblablement pas avant

l’été 1661. À partir du mois d’août 1661, la correspondance entre Courtois et le

marchand bergamasque Alberto Vanghetti se mit en place et nous constatons au fil

des lettres un assouplissement progressif des mesures concernant l’artiste jésuite, et

notamment la possibilité qu’il a désormais de travailler plus librement pour

l’extérieur. S’il semble que le frère jésuite ait dû demander des autorisations à ses

supérieurs jusqu’en 1662, ensuite il n’en souffla mot. Il paraît également avoir été

assez libre de négocier lui-même les tarifs et de donner ses conditions. Si les tableaux

furent parfois remis au marchand bergamasque en échange d’autres marchandises,

sans contrepartie financière, ce ne fut pas toujours le cas. Nous constatons également

que ce n’est pas parce que Courtois avait fait vœu de pauvreté qu’il ne discutait pas

âprement les prix avec Vanghetti. Il ne voulait pas être dédommagé de ses œuvres en

deçà de leur valeur réelle. Réflexe lui restant peut-être de sa vie précédente, ou

encore une réaction vis-à-vis d’un marchand qui devait parfois exagérément tirer les

prix vers le bas.

En ce qui concerne les commandes pour Alberto Vanghetti, marchand de tissus,

Courtois reçut souvent en échange de ses peintures diverses aumônes, telle de la

toile571 pour de nouvelles œuvres, de la soie pour se faire confectionner une chemise,

des chasubles pour le prêtre officiant des ursulines de Fribourg572, ou encore des

tableaux de la main d’Aniello Falcone573.

À d’autres reprises cependant, les tableaux du frère jésuite furent payés en

numéraire. Nous ne savons pas précisément quelle était ensuite la destination de

l’argent. Le 13 juillet 1664, le frère Domenico Morelli, compagnon et homme de

confiance de Gian Paolo Oliva, perçut quarante scudi des mains de Nicoló Simonelli

570. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 119 « Finiti che gli ebbe, sentendo il P. generale le richieste continue, che gli avea da diversi intendenti dell’arte, gli disse che dipingnesse pure all’avvenire per chi voleva, e lo mandò al collegio Romano di stanza. Quivi tosto riprese a dipigner battaglie, e vedute, ed eran tante le commessioni, che da per tutto ne aveva, per la stima universale che s’era meritevolmente acquistata, che soddisfar non poteva a chi con ansietà gliele richiedeva […] ». 571. Le 21 août 1661 par exemple, mais aussi à de nombreuses autres reprises ; voir G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 9 et les lettres dans la chronologie raisonnée. 572. Ibid., p. 7-8 ; voir la lettre dans la chronologie raisonnée, à l’année 1658. 573. Ibid., p. 14, lettre du 25 août 1663 ; voir le document dans la chronologie raisonnée à cette date.

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guardaroba du cardinal Flavio Chigi, paiement correspondant à une bataille que

Jacques Courtois avait exécutée pour accompagner un tableau de Falcone574. À

Rome, nous avons étudié les livres de comptes de la Compagnie de Jésus, espérant

retrouver la trace des gains provenant de la vente des œuvres de Jacques Courtois,

avec le nom des commanditaires et aussi en contrepartie, au débit, des achats de

matériel comme des couleurs par exemple. Les maigres résultats amènent à émettre

les hypothèses suivantes : soit il n’y eut pas de comptabilité mise en place pour ce

poste, ce qui semble étonnant au vu de la tenue des livres de comptes jésuites, soit

ces entrées et sorties furent notées dans un registre particulier aujourd’hui disparu.

Concernant le paiement du cardinal-neveu Chigi de 1664, nous ne retrouvons pas

précisément la trace de cette entrée dans les livres de comptes jésuites. Cela pourrait

correspondre à la « limosine segreté », une entrée du 29 juillet 1664575, mais ce n’est

pas certain. Il est en tout cas probable que l’artiste, ayant fait vœu de pauvreté ne

reçut pas un baiocco de l’argent remis à la Compagnie en règlement de ses tableaux.

Aucune recette correspondant à la vente d’œuvres de Courtois n’apparaît sur les

livres de comptabilité, de même que les mentions de dépenses sont rares. Seuls

quelques achats précis figurent sur les registres au début de son engagement pour de

l’huile de noix576 par exemple, ou des couleurs577. Si Vanghetti fournit de la toile à

l’artiste à partir de 1661, devraient au moins figurer des achats de couleurs, pinceaux,

etc.

Des acheteurs extérieurs de la période jésuite, nous connaissons quelques noms,

relevés d’une part dans les notices de Baldinucci et de Pascoli, qui d’ailleurs

fournissent des informations identiques, et d’autre part dans les lettres de l’artiste au

Bergamasque Vanghetti. Ceux cités par les biographes sont tous des personnages

prestigieux, les acheteurs de Vanghetti, quant à eux, sont plus obscurs, hormis Carlo

Giacomo De Vecchi et Evaristo Baschenis dont nous avons déjà parlé.

574. V. Golzio, Documenti artistici sul Seicento nell’Archivio Chigi, Rome, 1939, p. 286 ; document dans notre chronologie raisonnée à la date du 13 juillet 1664. 575. A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1176. Libro di cassa che contiene l’entrata, e spese dalli 13 aprile 1663 fino gli 24 febraro 1675, p. 12 ; voir le document inédit dans la chronologie raisonnée, à la date du 29 juillet 1664. 576. A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Dom. Probat., 995. Opsonatorio 1657-1660, (n.p.) : « Martedì 6 detto Agosto 1658 : Per oglio di noce per il Pitore - 10 ». 577. A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Romana Domus Professa, 1182. Entrata, e uscita di Cassa di questa Casa Professa di Roma al presente in mano del P. Gio. Battista Bargiocchi Procuratore di essa : 1656-1663, p. 282 ; voir le document dans la chronologie raisonnée, au 30 novembre 1660.

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Baldinucci et Pascoli citent cinq commanditaires. Pour deux d’entre eux

seulement les auteurs précisent aussi le titre de l’œuvre réalisée : le Passage de la

mer Rouge pour le cardinal Charles de Médicis578 et l’Autoportrait de l’artiste (cat.

158) pour le grand-duc de Toscane Cosme III579. Les trois autres personnalités

évoquées sont : le duc de Mantoue, qui avait admiré les œuvres de Courtois chez

Nicolò Sagredo à Venise et en voulait lui aussi de la main de l’artiste (qui lui en

aurait alors exécuté deux), ainsi que les cardinaux Antonio Barberini et Ulderico

Carpegna580.

Si l’on se fie à la chronologie de Baldinucci, le tableau représentant le Passage de

la Mer Rouge aurait été exécuté pour le cardinal Charles de Médicis à une période se

situant entre les travaux d’ornementation de la chapelle Prima Primaria et ceux du

corridor des Camere à la maison professe, donc vers 1660. Il pourrait s’agir du

tableau passé en vente à Milan, chez Christie’s, en mai 2009 (cat. 151). Son

traitement, extrêmement proche de la fresque du même thème de l’oratoire de la

congrégation mariale (cat. 142) validerait cette datation. Il serait également le premier,

ou l’un des premiers de la période jésuite à ne pas avoir été réalisé pour la

Compagnie.

Concernant les autres commanditaires, il est plus difficile d’estimer à quelle date

leurs tableaux furent exécutés, mais si l’on suit encore Baldinucci, la plupart

l’auraient été après l’accession au généralat de Gian Paolo Oliva. Les acquisitions du

cardinal Antonio Barberini furent faites avant son décès en 1671, donc il s’agit

578. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 424 : « In questo tempo per lo Serenissimo Cardinal Carlo de’ Medici, fece un quadro, in cui figurò il passaggio del Popolo Ebreo pel Mar Rosso, colla sommersione di Faraone. » ; L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 119 : « Dipinse […] uno pel cardinal Carlo de’ Medici, in cui rappresentò il passaggio fatto dal popolo Ebreo del mar rosso colla sommersione di Faraone. » 579. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 425 : « Desiderava intanto il Serenissimo Granduca Cosimo III che nel prezioso Museo de’ ritratti de’ più rinomati pittori, che fatti di propria mano di ciascuno di essi, raccolse la felice memoria del Serenissimo Principe Cardinale Leopoldo di Toscana, dipoi seguitato, e tanto accresciuto da esso Serenissimo Granduca, fosse ancora il ritratto del Cortesi ; onde ne fece passar parola con esso, il quale con somma consolazione (siccome allora mi fu riferito) accettò tal favore. » ; L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 120 : « E questa fu l’ultim’opera che egli fece, trattone il proprio ritratto, che volle da lui il Granduca, in tempo che egli per ricuperar la salute era andato in Toscana a mutar aria. » 580. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 424 : « Aveva il Duca Carlo di Mantova veduto a Venezia le belle opere, che il Cortesi aveva dipinto al Sagredo ; il perchè procurò, e ottenne, che il nominato Generale gli facesse far per se due quadri. Intanto al Padre Nighel succedè per Vicario Generale il Padre Gio Paolo Oliva, per ordine di cui fece molte bellissime opere, che andarono in mano de’ Cardinali Antonio Barberino e Carpigna vecchio […] » ; L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 119-120 : « Dipinse alcuni quadri pel cardinal Ulderigo di Carpegna, altri per cardinal Antonio Barberini, […]. Mandonne due al duca di Mantua […] ».

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d’œuvres exécutées par l’artiste antérieurement581. L’Autoportrait (cat. 158) est quant

à lui une œuvre de fin de carrière, exécutée vers 1675. Concernant le cardinal

Ulderico Carpegna qui mourut en 1679 nous ne pouvons pas estimer à quelle date sa

ou ses œuvres furent réalisées.

Les quelques autres commanditaires connus pour cette période le sont grâce aux

lettres de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. I signori Manganoni et Luigi Groppi

achetèrent par l’intermédiaire du marchand de Bergame chacun un tableau de

l’artiste, au printemps 1664582. Nous trouvons la mention d’une commande pour le

cardinal-neveu Chigi, dans une lettre à Vanghetti du 19 avril 1664, dans laquelle

Jacques Courtois écrit qu’il doit « terminer certains tableaux pour le cardinal Chigi,

qui veut les amener en France »583. Le paiement du 13 juillet de la même année

transcrit par Vincenzo Golzio pourrait correspondre à cet ordre584. Cependant, le

cardinal Chigi ne porta pas en France de tableau de Jacques Courtois, lui ayant

semble-t-il préféré la Bataille d’Arbelles de son frère Guillaume (ill. 30 ), afin

d’accompagner la Bataille héroïque de Salvator Rosa585. Ceci est confirmé lors du

paiement du 13 juillet où il est bien précisé que la bataille de Jacques a été réalisée

comme pendant à une bataille de Falcone, de dimension identique, et non pas à une

de Rosa. Il est possible que le cardinal ait changé d’avis, estimant que la cortonesque

Bataille d’Arbelles de Guillaume Courtois conviendrait davantage à Louis XIV que

la peinture de Jacques.

Enfin, parmi les autres commanditaires de la période jésuite, connus grâce aux

lettres de l’artiste, figurent encore le comte Carlo Giacomo De Vecchi (une Bataille,

581. Dans l’inventaire après décès du cardinal Antonio Barberini figuraient quatre œuvres de Jacques Courtois : deux Paysages avec saint Pierre et deux Batailles (M. Aronberg Lavin, 1975, op. cit., p. 309, 316, et voir la chronologie raisonnée à la date du 19 août 1971). 582. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 16-17, lettres des 8 mars et 19 avril 1664 ; voir à ces dates dans la chronologie raisonnée. 583. Ibid., p. 17, lettre du 19 avril 1664 : « […] finire alcuni quadri, incominciati per servizio dell’Eminentis. Cardinale Ghigi (sic), quali li volle portare in Francia […] ». 584. V. Golzio, 1939, op. cit., p. 286 ; voir la chronologie raisonnée au 13 juillet 1664. Confirmé lors du paiement du 13 juillet où il est précisé que la bataille de Jacques a été réalisée pour accompagner une autre bataille de Falcone. 585. Plusieurs auteurs dont Jonathan Scott font erreur affirmant que la bataille qui accompagnait celle de Rosa était de la main de Jacques Courtois (J. Scott, Salvator Rosa, New Haven–Londres, 1995, p. 147). Deux autres tableaux, le premier de Bernardino Luini et le second, une copie d’après Raphaël, furent offerts à la même occasion à Louis XIV par le cardinal Chigi. Il s’agissait d’un cadeau diplomatique suite à un incident survenu entre les États du pape et la France en 1662. Voir au sujet des quatre tableaux, A. Brejon de Lavergnée, L’inventaire Le Brun de 1683 : la collection des tableaux de Louis XIV, Paris, 1987, p. 207-210.

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lettre de Courtois du 21 août 1666, qui annonce à Vanghetti que l’œuvre est prête)586,

à nouveau le grand-duc de Toscane (cette fois pour quatre Batailles, lettre de

Courtois à Vanghetti, du 30 janvier 1672)587, et enfin le signor Altini (même lettre)588.

Filippo Baldinucci ajoutait encore de manière assez vague que Courtois, à cette

période, réalisa des œuvres pour tous les autres cardinaux et princes de Rome589.

Dans la correspondance avec Alberto Vanghetti figure aussi la mention de

tableaux dont nous avons parfois une description sommaire, ou du moins un titre un

peu moins laconique, mais sans en connaître le commanditaire. Il s’agit à chaque fois

d’œuvres profanes, paysages animés, scènes de pillage et batailles ; nous n’en avons

cependant que rarement le détail. Concernant les paysages, dans la lettre 8 mars

1664, nous pouvons individualiser un tableau que l’artiste proposa au marchand pour

un de ses clients qui recherchait un « paesino con figurine che andassero a spasso ».

Courtois lui proposa un paysage qu’il avait terminé, dans le même goût « in materia

di sassi e acqua con lontananza di marina »590. Une Scène de pillage591, une Marche

de cavalerie et d’infanterie592 et une Bataille à la manière antique593 sont également

mentionnées plus précisément, mais pas assez cependant pour les rapprocher

d’œuvres de notre catalogue.

Les clients de Vanghetti et ceux du peintre Evaristo Baschenis, qui fit aussi

parfois office d’intermédiaire, étaient vraisemblablement pour la plupart des

acheteurs de la région de Bergame.

Parmi les œuvres de la période jésuite, peuvent être incluses les scènes tirées de

l’Ancien Testament, à l’exception des quatre grands tableaux sur cuir exécutés pour

Nicolò Sagredo en 1656. Il s’agit de batailles religieuses : la Bataille de Rephidim

586. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 18 ; voir la chronologie raisonnée, à la date du 21 août 1666. 587. Ibid., p. 20 ; voir la chronologie raisonnée, à la date du 30 janvier 1672. 588. Id. 589. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 424 : « […] e quasi di tutti gli altri Cardinali e Principi di Roma, delle quali sarebbe impossibile il raccontare le qualità, e ’l numero. » 590. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 16, lettre du 8 mars 1664 ; voir la lettre dans notre chronologie raisonnée. 591. Ibid., p. 10 : « […] il zevaligio (sic) furioso […] », lettre du 14 janvier 1662 ; lettre dans notre chronologie raisonnée. 592. Id. : « […] marciata di cavalaria e infantaria […] ». 593. Ibid., p. 14-15 : « […] una battaglia a l’usanza antica con anticaglia a mezza vista e più lontano una città con arti antica e sassi de più belli che abbia mai fatti con alberi e colline […] », lettre du 23 septembre 1663 ; voir à cette date dans notre chronologie raisonnée.

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(cat. 119, 121-122), Josué arrêtant le soleil (cat. 117-118, 123-128), et du Passage de la

Mer rouge (cat. 142, 150-151), exécutées à de nombreuses reprises par Jacques

Courtois. Les thèmes, ainsi que l’aspect stylistique des peintures, permettent de les

estimer des années jésuites.

Les Jésuites et les tableaux du frère Courtois

En histoire de l’art, les Jésuites furent traditionnellement étudiés en tant que

commanditaires des grands programmes décoratifs de leurs églises et ils furent

perçus comme les principaux instigateurs de la peinture baroque et militante de la

Contre-Réforme, où l’image avait pour rôle principal la reconquête des esprits et des

âmes. En matière d’art, si l’on s’en tient à cette unique approche, il apparaît que leur

action aurait finalement consisté en une lutte sans relâche visant au triomphe de

l’Église catholique, architecture et peinture étant des armes idéologiques servant leur

mission.

Si les talents artistiques du frère Jacques Courtois, furent employés à la réalisation

de quelques décors pour les maisons de l’Ordre, il est difficile de comparer son

œuvre avec celui du frère Andrea Pozzo. Même si le projet de la tribune du Gesù

avait été mené à bien, sans doute aurions-nous également été bien loin du Triomphe

du nom de Jésus terminé par Giovanni Battista Gaulli, en 1679, à la voûte de l’église

mère. Courtois ne soutient pas la comparaison. Ses capacités limitées pour les grands

décors ont certainement empêché qu’il soit davantage employé à cette tâche. Il ne

finit d’ailleurs jamais les cycles entrepris pour son ordre ; son frère Guillaume devant

achever les travaux d’ornementation de la chapelle Prima Primaria (il était également

prévu qu’il l’aide à exécuter le projet de la tribune du Gesù), et Pozzo complétant

avec brio le décor du corridor d’accès aux Chambres de saint Ignace. Les peintures

de Jacques dans les embrasures des fenêtres y apparaissent très en deçà. Les

difficultés du frère Courtois ont certainement restreint le nombre et l’ampleur de ses

œuvres murales ; il dut s’en tenir à la réalisation de tableaux de chevalet, ce pour

quoi il était sans conteste plus habile.

Nous constatons que les habituelles considérations au sujet des Jésuites et de la

peinture ne s’appliquent que bien peu à la production de Jacques Courtois au cours

de son engagement religieux. Il ne réalisa pas d’œuvres pour les églises jésuites, ni

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même de véritables tableaux de dévotion comme ceux du frère Daniel Seghers, dont

la production de peintures de petites dimensions est malgré tout plus proche de celle

de Courtois, que ne le sont les grandes entreprises de Pozzo. Si effectivement le frère

Jacques réalisa des peintures religieuses, elles ne furent pas destinées à orner les

autels, ni à magnifier les célébrations de messe, mais davantage réservées à l’espace

privé jésuite. De plus, il continua d’exécuter paysages et batailles, majoritairement

profanes. Si ses œuvres religieuses furent sans conteste dans le droit fil de la

production de la Contre-Réforme, avec aussi la représentation de certains des thèmes

favoris de la Compagnie de Jésus, comme par exemple les scènes de martyres (cat.

156), d’exaltation des saints (cat. 152-155) ou visant à la glorification et à la défense de

la Vierge (cat. 141-147), il put aussi, comme l’avait fait Seghers en peignant ses

guirlandes de fleurs, continuer d’exécuter des sujets qui lui convenaient parfaitement.

Nous constatons que ses lettres au marchand Vanghetti font ainsi seulement état de

paysages animés, de scènes de pillage et de batailles.

Dans les années 1670, le thème choisi par le général des Jésuites Gian Paolo

Oliva, pour la tribune de l’église du Gesù, Josué arrêtant le soleil, avait déjà été

représenté par l’artiste à de nombreuses reprises. Si le personnage biblique Josué

était considéré comme une préfiguration du Christ et sa victoire sur les Amorites, à

l’issue du combat qui les opposa, symbolisait le triomphe de Jésus, et permettait donc

de célébrer la Compagnie éponyme, la représentation de cette bataille de l’Ancien

Testament avait l’avantage d’offrir une parfaite adéquation entre les talents de

l’artiste et la rhétorique jésuite ; comme si Gian Paolo Oliva avait appliqué avec

Courtois le précepte paulinien cher à saint Ignace, qui consistait « à s’adapter à toutes

les personnes, époques et lieux »594. Oliva, pour la tribune du Gesù, ne choisit pas

pour Courtois une Circoncision, ni ne lui assigna la réalisation du Triomphe du nom

de Jésus à la place de Gaulli, parce que l’artiste en était sans doute incapable et que

le Préposé général en avait conscience.

Ces constatations au sujet de la production du frère Courtois incitent à porter un

autre regard sur la relation des Jésuites à la peinture. Tout contenu militant est absent

d’une majorité de peintures exécutées par le frère Jacques Courtois, pourtant un fils

de saint Ignace, donc un artiste à l’intérieur même de l’Ordre. Si ses talents furent

594. G. Sale, 2003, op. cit., p. 12.

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effectivement dévolus les premières années d’engagement à la production d’œuvres

religieuses et uniquement pour la Compagnie, l’inflexion constatée dès l’élection de

Gian Paolo Oliva au poste de Vicaire général, à l’été 1661, témoigne très tôt de

l’intérêt et du rôle de celui-ci dans le déroulement de l’activité artistique de Courtois

au cours des années jésuites. Oliva, confesseur des papes Innocent X et Alexandre

VII, qui correspondait avec tous les Grands de la catholicité, fut aussi l’ami de

Bernin, et Francis Haskell disait de lui qu’il était « le premier jésuite investi d’une

autorité en Italie qui eût un vrai sentiment en matière d’art »595, ce que semble de fait

refléter l’évolution des mesures concernant la production de Jacques Courtois. Oliva

s’adapta de manière intelligente à l’artiste, lui laissant réaliser ce qu’il savait

parfaitement faire, voire en adaptant les programmes décoratifs qu’il souhaitait lui

confier. Il projeta par exemple pour le décor de la tribune du Gesù une représentation

de Josué arrêtant le soleil, et non pas une autre scène évoquant aussi le nom de

Jésus, telle la Circoncision, thème favori des Jésuites pour l’ornementation du

maître-autel de leurs églises596. Gian Paolo Oliva fit en sorte que Courtois apporte

beaucoup à la Compagnie, mais avec ses propres compétences, tout en étant en phase

avec ce qu’il savait faire.

Il faut, avec l’exemple de Jacques Courtois, envisager que les Jésuites aient eu

d’autres usages des peintures de chevalet. Il semble ici difficile de percevoir Jacques

Courtois comme l’instrument de la politique artistique du Préposé général, ou encore

de penser seulement en termes de commerce, ou financiers, comme le fit Haskell en

pointant les difficultés pécuniaires de l’Ordre ; ni même d’espérer, comme nous

l’avons fait au commencement de nos recherches, retrouver dans les comptes jésuites

les recettes correspondant à la vente des tableaux de l’artiste. Ces approches,

impliquant des préoccupations des XXe et XXIe siècles, revenaient sans doute à faire

fausse route ; nous nous devions de penser différemment.

Le désintéressement financier de Bernin et de Mattia de Rossi, la vie et la

production du frère Daniel Seghers et les pratiques de Sebastiano Resta, père

595. F. Haskell, 1963, éd. cons. 1991, op. cit., p. 154. 596. G. Duchet-Suchaux, M. Pastoureau, La Bible et les saints, guide iconographique, Paris, 1990, éd. cons. Paris, 1994, p. 92 : « L’usage liant la circoncision au don du nom a donc été respecté dans le cas de Jésus. En ce même jour, Jésus reçoit son nom, et verse pour la première fois le sang qu’il devait répandre lors de sa Passion. La Compagnie de Jésus a fait de la Circoncision sa fête principale. Dans un grand nombre de ses églises, le grand tableau surmontant le maître-autel a pour sujet la Circoncision. »

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oratorien collectionneur de dessins mais pour ses bonnes œuvres, témoignent d’un

mode de fonctionnement propre au monde catholique de cette période, et permettent

d’entrevoir la destination des tableaux de Jacques Courtois.

Gian Lorenzo Bernini et Mattia de Rossi n’avaient pas l’habitude de se faire payer

de leurs travaux exécutés chez les Jésuites. Les deux architectes recevaient de

menues compensations de la part des pères, cadeaux de remerciement divers, souvent

en nature : du pain, des pigeons, de l’huile597, ou encore de la vaisselle, comme des

plats en terre, ainsi que des tableaux de Jacques Courtois, pratiques documentées

dans les archives de la Compagnie de Jésus598.

Il apparaît ainsi qu’une partie de la production du frère Courtois ait été utilisée par

l’Ordre pour faire des présents, en particulier pour remercier d’autres artistes ayant

travaillé gracieusement à ses chantiers de construction ou à ses programmes

décoratifs. Nous pouvons faire le parallèle avec ce que nous savons de la vie de

Daniel Seghers, en Flandres : « Le chroniqueur de la maison professe des jésuites

relate que les tableaux de Seghers n’étaient pas destinés à la vente, mais à des

cadeaux et, naturellement, aux églises de son ordre »599.

Si nous ne retrouvons pas de rentrées d’argent correspondant à la vente d’œuvres

de Jacques Courtois dans les livres de comptes de la Compagnie, c’est probablement

que nombre d’entre elles furent données, en cadeau de remerciement. Nous pouvons

aussi supposer que certains de ses tableaux furent des « présents par anticipation »,

qui faisaient de leurs destinataires des obligés, et donc réalisés dans l’attente

d’obtenir en retour des aumônes pour la Compagnie de Jésus ; la contrepartie

financière de ces œuvres gracieusement remises apparaissant alors plus tard dans les

livres de comptes en elemosine/aumônes, de manière générale.

Ce mode de fonctionnement était caractéristique des ordres religieux de la Contre-

Réforme. Sebastiano Resta, collectionneur mais avant tout père oratorien, procédait

de cette manière. Il compilait des dessins, confectionnant des albums et les offrait

ensuite à des personnages importants, attendant en retour des aumônes pour son 597. De nombreuses mentions figurent dans les livres de comptes des jésuites romains. Par exemple, le mercredi 4 septembre 1658, Bernin reçut un pigeon en cadeau… (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Dom. Probat., 995. Opsonatorio 1657-1660, n.p./n.f.). 598. A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Dom. Probat. 1017. Notitiae seu Memoriae ab anno 1616 usque ad 1699 et ultra, pertingit re vera ad an. 1720, p. 95 ; A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Dom. Probat. 865. Diversa quoad expensas factas in constructione novae Ecclesiae, Altarium et Sacrarii ab an. 1658 usque ad an. 1676, f. 47-47v. ; voir notre chronologie raisonnée à l’année 1671. 599. M.-L. Hairs, 1998, op. cit., p. 115.

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Ordre600. Une fois pourtant cela ne se passa pas ainsi, Resta ayant dû vendre à un

agent anglais. Cet « hérétique » paya pour l’acquisition des dessins mais sans qu’il y

eût cette fois la moindre intention de charité ; ce mode de fonctionnement lui était

étranger601.

Genevieve Warwick, dans son ouvrage dédié au collectionneur oratorien, aborde

les échanges de cadeaux, les dons mutuels mais uniquement dans le domaine de l’art

et de son marché. En ce qui concerne les Jésuites, la correspondance du Préposé

général Oliva, et certains épisodes de la vie des frères Jacques Courtois à Rome et

Daniel Seghers en Flandres prouvent que cette pratique du don concernait un éventail

d’objets beaucoup plus large incluant les œuvres d’art certes, mais aussi des produits

provenant des missions du Nouveau Monde et des Indes, et surtout des reliques et

des objets de piété. L’espace catholique était ainsi le lieu d’une circulation

importante d’objets, la plupart supports de la spiritualité mais pas seulement ; les

Jésuites, pour leur part, activant pour ces mouvements leur réseau de missions et de

collèges.

Concernant la destination des tableaux de Jacques Courtois, nous pensons qu’il

faut davantage envisager leur utilisation dans les relations diplomatiques entretenues

par le père général des Jésuites, plutôt que de chercher à y voir des exemples

d’œuvres intrinsèquement militantes.

Gian Paolo Oliva fit présent à Ferdinand Charles archiduc d’Autriche d’une

relique, un « quasi atomo dell’ossa di S. Ignazio », pour le remercier d’être un

protecteur des fils de saint Ignace et un des bienfaiteurs de la Compagnie602. De

même, il envoya au roi de Pologne du chocolat du Mexique603.

Il est probable que les œuvres de Courtois servirent en partie de présents pour les

Grands du monde catholique, en remerciement de leurs aumônes, de leur combat

pour la vraie foi, et de leur soutien aux maisons jésuites. Il serait intéressant de savoir

comment les œuvres de Courtois arrivèrent en Bavière chez les Wittelsbach604, ou

600. G. Warwick, The Arts of Collecting : Padre Sebastiano Resta and the Market for Drawing in Early Modern Europe, Cambridge University Press, 2000. 601. Ibid., p. 73. 602. G. P. Oliva, Lettere di Gian Paolo Oliva , Rome-Varese, 1681, I, p. 11-12. 603. Ibid., p. 154. 604. H. Siefert, « La peinture française dans les collections des Wittelsbach », Poussin, Watteau, Chardin, David… Peintures françaises dans les collections allemandes XVIIe-XVIIIe siècles, cat. expo. Paris-Munich-Bonn, 2005-2006, p. 56-64.

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Biographie critique

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encore dans la collection du roi de Pologne (cat. 73), fervents soutiens et défenseurs

du catholicisme.

Certains passages de la vie du frère Daniel Seghers confirmeraient notre

hypothèse concernant la destination des tableaux de Jacques Courtois. Les hautes

personnalités du monde catholique lorsqu’elles rendaient visite au Flamand

repartaient avec une de ses œuvres605 ; d’autres fois elles leur étaient envoyées par les

pères qui reçurent en échange des objets de piété, des croix de grande valeur par

exemple606, ainsi que des reliques607.

Alberto Vanghetti envoya des objets liturgiques aux sœurs ursulines en échange

de tableaux de Courtois. Notre peintre expédia des imagettes de saint François

Xavier au marchand bergamasque. Tandis que Nicolò Sagredo, de son côté, faisait

cadeau à l’artiste d’une relique insigne, le corps de saint Fortunius, offert à son tour

par Courtois à la communauté des ursulines de Fribourg. Exemples multiples et

divers de cette circulation d’objets, de ces échanges dans la catholicité.

Dans ce même cadre, nous pouvons rapprocher l’exemple du frère Jacques

Courtois, de celui de Daniel Seghers et émettre l’hypothèse que de nombreuses

œuvres de l’artiste jésuite, utilisées comme présents - cadeaux de remerciement pour

des actions déjà réalisées en faveur de la Compagnie, ou don par anticipation, en

605. M.-L. Hairs, 1998, op. cit., p. 113 : « Les plus remarquables au moins de ses visiteurs emportèrent une œuvre de l’artiste. Les jésuites expédièrent de ses fleurs en hommage aux familles régnantes. Dekens écrit : “ Le roi catholique, trois empereurs, des archiducs et d’autres grands princes et gouverneurs de la Belgique acceptèrent volontiers ses tableaux ” » ; « L’étude de son œuvre établira que Daniel Seghers en offrit à Frédéric Henri de Nassau ; à sa veuve Amélie de Solms ; à leur gendre, le marquis de Brandebourg ; à l’empereur d’Allemagne ; au Palatin rhénan, Philippe-Guillaume ; à Charles Ier et à Charles II d’Angleterre ; à Guillaume II d’Orange et à la reine Christine de Suède. » 606. Id. : « De leur côté, les grands donnèrent au maître “ d’abondants témoignages de gratitude ”[…] L’histoire de ceux que lui dépêchèrent les princes d’Orange est bien connue. On sait, par les archives de la maison professe anversoise, que Frédéric Henri de Nassau demanda et reçut un tableau de Seghers, au début de 1645. Il manifesta son plaisir en expédiant, par les soins de Constantin Huygens, une lettre signée accompagnant une cassette en velours incarnat, enrubannée d’or. Le peintre devait y trouver une croix en or massif suspendue à un dizain pesant deux livres ; les grains émaillés reproduisaient d’allégoriques oranges ; la pièce d’orfèvrerie ne valait pas moins de 3231 florins. […] Le 18 janvier 1646, l’artiste ayant offert un autre tableau à Frédéric Henri, reçut “ avec une lettre courtoise ”, une croix d’or, longue d’une palme et demie, d’un poids de trois livres trois onces et valant 2000 florins. » 607. Ibid., p. 114 : « Les archives de la maison professe anversoise rapportent encore que le marquis de Brandebourg, Frédéric-Guillaume, électeur du Saint-Empire, admira les deux tableaux offerts au prince d’Orange et qu’il reçut, à son tour, une œuvre de Daniel Seghers. Vers la fin de 1648, parvinrent au donateur une lettre et un cadeau du marquis : des reliques contenues dans une cassette ornée de perles et une agrafe de chape épiscopale, le tout conservé à l’église Saint-Charles Borromée d’Anvers. »

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espérant des subsides en retour -, purent aussi participer au renforcement des liens

entre Rome et le reste du monde catholique.

Jacques Courtois, fervent catholique : sensibilité religieuse et pratiques

dévotionnelles

Émile Mâle écrivait à propos de Rubens : « […] nous avons donc le droit de

penser qu’il ne mettait pas seulement son talent dans ses tableaux religieux, mais

qu’il y mettait aussi sa foi. Affecter de n’attacher aucune importance à cette foi de

Rubens, comme si Rubens était Courbet, c’est vouloir ne le comprendre qu’à

moitié. Rubens n’était pas alors une exception »608.

Au XVII e siècle, de nombreux artistes des contrées catholiques furent des

chrétiens zélés ; nés plusieurs décennies après la publication des décrets du concile

de Trente, ils avaient acquis des habitudes de piété qui leur avaient été inculquées dès

l’enfance. Le dynamique apostolat jésuite gagna nombre d’entre eux, et ces fidèles,

artistes qui dans leur travail mettaient la beauté plastique au service de la foi,

observaient des règles de vie strictes, et accomplissaient leurs dévotions dans des

cadres souvent mis en place par la Compagnie de Jésus. À Anvers, Rubens fut

membre et même préfet d’une congrégation mariale ; à Rome, Bernin effectuait

régulièrement des retraites au noviciat jésuite de S. Andrea, pour y pratiquer les

Exercices spirituels de saint Ignace609. Fin 1657, Jacques Courtois décidait d’un

engagement religieux encore plus fort, choisissant de devenir un des membres de

l’Ordre. Cette décision fut le grand tournant de sa vie et allait marquer d’une

empreinte profonde ses vingt dernières années à Rome, celles de la maturité.

Si les renseignements relevés dans les lettres de Jacques Courtois, datant toutes

des années jésuites, permettent d’appréhender la ferveur religieuse, l’état d’esprit et

certaines des pratiques dévotionnelles du frère coadjuteur temporel qu’il était

devenu, il est plus difficile de savoir précisément quel fut le comportement religieux

608. É. Mâle, 1932, éd. cons. 1984, op. cit., p. 35. 609. A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Tit. XI. Rom. Dom. Probat., 1024. Nomina exercitantium i.e. eorum qui Spiritualia Exercitia in Domo Probationis Romana peragebant, (1650-1693), n.p./n.f. « 1664 – decembre. 90 Mmo Monse Bernino Romano venne à 4 parti à 20 » ; « 1666 – decembre. 71 Monsr Bernini venni à 12 parti à 19 » ; « 1673 – luglio. 68 Cavalr Bernino per la Morté di sua Moglié seguita à 12 di qt° ; si ritiro con noi da quel giorno ; fino à 16 […] ».

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Biographie critique

131

de ce fidèle avant son intégration dans la Compagnie ; nous ne disposons pas pour

cette période de documents le concernant directement.

Nous ne savons pas, par exemple, s’il fut membre d’une congrégation mariale,

mise en place par les jésuites dans un de leurs collèges610. On peut fortement le

supposer au regard de la dévotion des Comtois à la Vierge Marie, et du refus de

Courtois d’intégrer tout autre ordre que la Compagnie de Jésus, et ce malgré les

propositions du prince Mattias611. Les origines de Jacques Courtois, l’étude des

particularismes de la province qui l’a vu naître et grandir, le cadre socioculturel dans

lequel se déroula son enfance, permettent de mieux appréhender le personnage et

éclairent le virage que prit son existence avec son intégration chez les Jésuites612.

Le poids des origines

En observant les grandes étapes du parcours de Jacques Courtois, Franc-Comtois,

soldat des Habsbourg d’Espagne, et finalement frère jésuite à Rome, nous pourrions

être tentée de distinguer dans sa vie l’emprise d’un déterminisme implacable. Pour le

moins, le contexte géographico-politique, culturel et religieux dans lequel Courtois

avait grandi devait être pris en compte - ce qui ne fut que très rarement fait par les

biographes de l’artiste613 -, afin de tenter de percevoir quels facteurs avaient pu

modeler notre homme et dans quel sens.

Jacques Courtois était né dans le comté de Bourgogne et avait passé sa jeunesse

dans une province qui, bien que cernée par des pays réformés, ou tolérants telle la

France, résista à cette pression, arrivant de tous côtés, pour finalement rester fidèle à

la religion catholique et romaine. Si quelques prédicateurs protestants et colporteurs

d’ouvrages avaient bien tenté de faire pénétrer dans la province les idées nouvelles,

610. Au sujet des congrégations mariales, voir L. Châtellier, L’Europe des dévots, Paris, 1987. 611. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 423 : « Lo stesso Principe [Mattias de’ Medici], suo padrone, che avuta tal nuova, con ammirazione, e con dolore lo perdeva, volle provarlo ancora esso ; con offerirgli il suo favore appresso a più Generali d’altre Religioni, in alcuna delle quali professando, egli avesse potuto aspirare a gradi più che mezzani. A che rispondeva il Cortesi, sentirsi da Dio chiamare a quella, non ad altre Religioni. » 612. N. Lallemand-Buyssens, 20081, op. cit., p. 45-66. 613. À l’exception de F. A. Salvagnini, qui l’esquissa. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 97 : « La Borgogna e la Franca Contea erano, come si è detto, sotto la dominazione dei cattolicissimi re di Spagna. Certamente la famiglia dei Courtois, il cui capo Giovanni era pittore di sacre immagini, doveva essere fervidamente religiosa ; e ne abbiamo la prova nel fatto che dei cinque figli di Giovanni a noi noti ben quattro terminarono la loro vita nei monasteri : Giovanna ed Anna fra le Orsoline di Friburgo, Gian Francesco fra i Cappuccini di Roma e Giacomo nella Compagnia di Gesù. »

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le pays essentiellement rural, composé de bourgs isolés, avec sa petite noblesse

terrienne fidèle aux Habsbourg, dont les ancêtres avaient combattu avec Charles

Quint, le peu de bourgeoisie de négoce et de robe, n’offraient pas les conditions

sociologiques propices au développement de la Réforme protestante.

Les décrets du concile de Trente ne furent publiés en Comté qu’en 1571, certaines

résistances s’étant faites jour614, mais le territoire finalement rentra dans le rang, sous

l’accentuation de la centralisation monarchique alors décidée par l’Espagne. Comme

les Pays-Bas méridionaux et le Milanais, autres terres sous domination espagnole, la

Comté allait demeurer fidèle à la vraie foi, et à l’instar de la Lorraine, qui elle aussi

faisait partie de cette « dorsale catholique », l’on vit dès lors se multiplier en Comté

« les fondations religieuses ; tous les ordres y furent représentés, mais deux

particulièrement : les jésuites (et) les franciscains de toutes robes (cordeliers,

minimes, capucins, tiercelins…) »615. Le parallèle avec la Lorraine du XVIIe siècle

nous intéresse tout particulièrement en la personne de Jacques Callot, au parcours et

à la sensibilité religieuse, proches de ceux de Jacques Courtois. Tous deux

originaires de provinces catholiques séjournèrent « dans des pays fortement marqués

par l’esprit de la Réforme catholique »616, et plusieurs de leurs frères et sœurs

entrèrent dans un ordre religieux (sept pour Callot617, trois pour Courtois, plus lui-

même).

Nous constatons que les enfants de Jean Courtois, Anne (ursuline), Jeanne

(ursuline), Jacques (jésuite) et Jean-François (capucin) firent tous le choix d’un des

ordres nouveaux issus de la Contre-Réforme. Cette adhésion familiale paraît

témoigner de son succès en Comté, de la volonté d’engagement actif de la population

de la province, et de la réussite du travail mené par Ferdinand de Rye, pendant les

cinquante années de son épiscopat, de 1586 à 1636.

Jacques Courtois vit le jour dans une région qui se distinguait par une fidélité

exclusive au catholicisme, cinquante ans exactement après la publication des décrets

du concile de Trente, au cours de cette période de continuité de la réforme

614. Voir notre partie « De Saint-Hippolyte à Milan ». 615. R. Taveneaux, 1968, op. cit., p. 99. 616. Ibid., p. 102. Pour Jacques Courtois : le comté de Bourgogne, Fribourg, le Milanais, Bergame et sa région, Rome. 617. Id. La note dominante pour la famille Callot : le franciscanisme. Sur sept frères et sœurs, cinq entrèrent dans un ordre de saint François (cordeliers, capucins, tiercelins), et de tout temps Callot entretint des relations suivies avec les franciscains

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133

catholique. Il reçut les premiers sacrements et eut l’habitude de pratiques

dévotionnelles déjà bien en place. Les zones de montagnes et de plateaux où il avait

grandi étaient caractérisées par une ferveur religieuse plus importante que dans les

zones de plaines de la province. En partirent notamment le plus grand nombre de

« romieux » comtois, les pèlerins qui se rendaient à Rome618.

Dans l’espace restreint de cette province isolée, la population comtoise composée

majoritairement de gens simples, ruraux et habitants de petites cités, se distinguait

par sa forte piété mariale, si bien qu’on use à ce sujet du terme fort de mariolâtrie619.

Après une baisse des dévotions au XVIe siècle, le XVIIe siècle avait vu se multiplier

les sanctuaires mariaux, autour de quelques reliques, également des Vierges de

Montaigu - statuettes sculptées dans le bois du chêne miraculeux du Brabant -, et de

répliques de la Vierge noire d’Einsiedeln. La Comté tout entière s’était d’ailleurs

placée sous la protection des Vierges de Gray et de Salins620.

Outre ces particularismes religieux importants, Jacques Courtois était né trois ans

après le début de la guerre de Trente Ans et avait grandi avec ses rumeurs, jusqu’à ce

que l’épisode régional du conflit européen ne le pousse à l’exil. Le jeune garçon qu’il

était alors fut sans doute marqué par les massacres commis sur ses compatriotes, en

particulier par les Suédois.

Enfin, il ne faut pas négliger l’attraction qu’exerça Rome, sur un plan religieux,

pour un habitant du comté de Bourgogne, mère patrie de catholiques désemparés,

offrant l’ultime protection en ces temps troublés. Les Comtois du XVIIe siècle

regardaient ardemment vers Rome et nombreux furent ceux qui s’y installèrent,

souvent de manière définitive. Rejoindre la capitale de la catholicité, pour une

personne originaire de cette province, envisageait-elle une carrière de peintre,

représentait certainement plus que la simple perspective d’une formation artistique.

618. I. Brian, « Les pèlerins francs-comtois à Rome, 1671-1716 », Pèlerins et pèlerinages dans l’Europe moderne, Rome, 2000, p. 307-326. Voir p. 314-316, concernant l’origine géographique des pèlerins francs-comtois. 619. C. Marchal, « Rassurer, protéger, convertir : les fondements de la piété mariale en Franche-Comté aux XVIIe et XVIII e siècles », Mémoires de la Société d’Émulation du Doubs, no 50, année 2008, Besançon, 2009, p. 61 : « Cette mariolâtrie des Francs-Comtois a souvent suscité l’étonnement et le commentaire dans la littérature apologétique mariale du XVIIe siècle ». 620. M. Ferry, Vierges comtoises, le culte et les images de la Vierge en France-Comté, en particulier dans le diocèse de Besançon, Besançon, 1946, p. 12-13.

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Biographies édifiantes et lettres chargées d’enseig nements

Si le contexte dans lequel grandit Jacques Courtois permet d’entrevoir comment il

fut éduqué, l’influence importante que cela put avoir dans le déroulement de sa vie,

les différentes biographies, les notices nécrologiques de l’artiste et de ses sœurs

ursulines, témoignant de vies religieuses édifiantes, ainsi que ses lettres, nous offrent

des renseignements permettant d’appréhender la ferveur et les dévotions de Courtois.

Déjà chez Filippo Baldinucci, nous relevons quelques informations intéressantes.

Nous y apprenons qu’avant d’entrer chez les Jésuites, Courtois recevait fréquemment

les sacrements621. Puis le biographe relatant un épisode de la vie du frère jésuite,

louait son dévouement, quand accompagné du père Claude Damey, le frère Courtois

assista le père Niccolò Zucchi, dans ses derniers instants622. Courtois espérait à cette

occasion obtenir quelques reliques du saint homme623…

La Relatione, notice nécrologique de Jacques Courtois, insiste sur la profonde

humilité du frère jésuite, sa contrition, son obéissance, sa dévotion, son ardeur

mystique et ses ravissements. Y sont relatés les jours qui précédèrent son entrée dans

la Compagnie de Jésus, récit qu’il aurait lui-même confié à son directeur de

conscience. On y apprend que Courtois fit de nombreux actes de charité, s’occupant

des pauvres et des malades. Enfin, il est également rapporté une vision qu’on lui

prêta. Alors qu’il allait présenter ses respects à Gian Paolo Oliva, nouvellement élu

Vicaire général, le frère Jacques vit le côté du père jésuite, transparent comme du

cristal, y distinguant clairement son cœur, très beau. Le frère Courtois en resta tout

ébahi624.

621. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 423 : « […] assiduo alla frequenza de’ Sacramenti ; onde in processo di tempo avendo cominciato a gustare le cose della devozione, sentissi inspirato a lasciare il secolo, e rendersi Religioso della Compagnia di Gesù. » 622. Ibid., p. 424 : « […] ed io confesso di non aver tal cosa letto, senz’alto concetto formare, non meno della santità del primo [Niccolò Zucchi], che della devozione del secondo [Jacques Courtois]. » 623. Id. 624. B.N.V.E, Fondo gesuitico, ms. 1253. Relatione del fratello Giacomo Cortese. Transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 103 : « Ad uno de’ nostri, che haveva altre volte ricevute gratie straordinarie dal Signore con eccessi di mente, quando la prima volta fu a riverire il P. Oliva eletto Vicario Generale, mentre era da lui con ogni benignità abbracciato, comparve il petto del P. Oliva tutto trasparente come cristallo, sì che vedeva il cuore di lui chiaramente, et era molto bello. Di che restò il fratello sommamente ammirato. E mentre ciò egli riferiva a chi con licenza dei superiori comunicava spesso le cose dell’anima sua, questi fece subito riflessione che il Signore havesse con ciò voluto manifestare di quanto buon cuore e quanto sincero fosse il P. Oliva. » ; document complet dans la chronologie raisonnée.

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135

Les lettres de Jacques Courtois permettent de compléter ce portrait. Si Courtois

eut l’autorisation d’effectuer quelques tâches matérielles pour la Compagnie, et put

donc continuer à exercer ses talents artistiques, cela n’était plus sa raison d’être. Sa

vocation religieuse primait et le comblait comme il l’affirma lui-même dans une

lettre de 1662, à Vanghetti : « […] je rends grâce au Seigneur Dieu qui m’a pourvu

d’une si sainte religion ; il me suffit de correspondre à la grâce de ma vocation et je

suis heureux […] »625.

Enfin, la longue lettre à ses sœurs, datée du 6 novembre 1667626, est une source

d’informations précieuses. Il s’agit d’un discours plein d’affection et de plénitude.

Nous le voyons comblé par son état religieux et il aimerait qu’il en soit de même

pour tout le monde.

Nous pouvons aisément rapprocher cette vie religieuse exemplaire de Jacques

Courtois de celle de ses sœurs, telle qu’elle apparaît dans leur notice nécrologique,

modèle de vie tout aussi édifiante : idéal religieux atteint, exemples de modestie, de

charité, de visions, et de grâces reçues.

Jacques Courtois, pourvoyeur de reliques, d’objets de piété et de bulles

d’indulgences

Au XVII e siècle, l’espace de la catholicité fut caractérisé par une importante

circulation de reliques, d’objets de piété et d’indulgences, visant à affirmer ce que

niait l’hérésie protestante627 et à renforcer les liens entre catholiques. Jacques

Courtois, frère jésuite, résidant à Rome, intervint dans cette distribution en faveur

notamment des ursulines de Fribourg. Il en existe plusieurs témoignages dans les

annales des sœurs.

Pour ce qui concerne les reliques, la communauté de Fribourg reçut de Jacques

Courtois, en mars 1662, un bras de saint Valerien628, et le 4 mai de la même année

625. G. Locatelli, 1909, op. cit., lettre du 1er juillet 1662 : « […] rendo Gratia al sig. iDio ché ma proviste di unna Religione si santa ; basta che io corispondi ala Gratia de la mia vocatione e son contento […] » ; document dans notre chronologie raisonnée à cette date. 626. Document dans notre chronologie raisonnée à cette date. 627. Les protestants étaient hostiles aux indulgences, au culte des saints et à la vénération des reliques qu’ils considéraient comme de l’idolâtrie. 628. A.U.F., S.U.F. 2095. Annales I, 1634-1728, p. 80 ; voir la chronologie raisonnée, au mois de mars 1662.

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Biographie critique

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une relique insigne tant attendue, le corps de saint Fortunius martyr, exhumé des

catacombes romaines de Sainte Priscille, un présent que Nicolò Sagredo avait fait à

l’artiste629. En 1667, nous apprenons également dans la lettre de Courtois à ses sœurs

qu’il leur adressa une relique de saint Charles avec son authentique630, des croix

reliquaires dont une grande de Caravaca que lui avait donnée le cardinal Aquaviva,

des figures de corail, des bagues et encore un crucifix. Il leur fit passer par un

Fribourgeois du Collège Helvétique de Milan, nouveau témoignage de l’activation du

réseau des collèges jésuites dans l’acheminement de marchandises et l’envoi de

reliques et d’objets de piété.

Le frère Courtois leur adressa nombre de ces objets, ainsi que des indulgences. Le

19 mars 1663, il leur envoie du parfum d’Inde, des croix bénies par le pape

(Alexandre VII Chigi), auxquelles sont attachées des indulgences extraordinaires,

cadeaux du général jésuite631 ; le 27 mai 1663, une plaque gravée portant l’image de

saint Fortunius, ainsi qu’une bulle pour des indulgences plénières pour le jour de la

translation du saint corps632.

En décembre de la même année, les sœurs à leur tour lui envoient une relation de

la translation du corps de saint Fortunius, à laquelle elles ont joint divers cadeaux,

petits livres, médailles du saint et une boite remplie de leurs ouvrages633.

Enfin, nous apprenons dans les annales de la communauté des ursulines de

Fribourg, que le 15 septembre 1672, elles reçurent deux bulles de Rome, qui

contenaient des brefs d’indulgences que Jacques Courtois avait obtenues du pape.

L’une procurait des indulgences plénières et la seconde des indulgences pour sept

ans à qui, s’étant confessé, et ayant communié, se rendrait dans leur église

conventuelle le dernier dimanche de juillet634.

629. A.U.F., S.U.F. 2095. Annales I, 1634-1728, p. 81 ; voir la chronologie raisonné, au 4 mai 1662. 630. D. Julia, « L’Église post-tridentine et les reliques. Tradition, controverse et critique (XVIe-XVIII e siècle) », Reliques modernes, cultes et usages chrétiens des corps saints des Réformes aux révolutions, Paris, 2009, I, p. 71 : « […] à l’intérieur des châsses, les reliques doivent avoir, fixée sur la soie dont elles sont enveloppées, une inscription en parchemin donnant le nom du saint auquel elles appartiennent – ce que nous nommons l’authentique – inscription qui sera refaite à neuf si le temps l’a rongée ; […] », instructions tirées des Acta Ecclesiae Mediolanensis, décrets de Charles Borromée, archevêque de Milan. 631. A.U.F., S.U.F. 2095. Annales I, 1634-1728, p. 86-87 ; voir la chronologie raisonnée, au 19 mars 1663. 632. Ibid., p. 88 ; voir le document dans la chronologie raisonnée, au 27 mai 1663. 633. Ibid., p. 105 ; document dans la chronologie raisonnée, au mois de décembre 1663. 634. Ibid., p. 196 ; document dans la chronologie raisonnée, à la date du 15 septembre 1672.

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Nous savons encore grâce à ses lettres, que le frère jésuite Courtois envoya au

marchand de Bergame Alberto Vanghetti une imagette de saint François Xavier,

ayant eu soin auparavant de la mettre en contact avec la relique du bras du saint, bras

avec lequel il avait baptisé un million et demi d’âmes635. Si le saint corps était resté à

Goa où le missionnaire jésuite était décédé, ce bras était conservé à Rome, au Gesù.

Bernard Dompnier écrit : « La distribution de reliques et l’octroi d’indulgences

dans l’ensemble de la catholicité renforcent le lien qui unit les églises locales à

Rome, moins apparent mais aussi souvent plus profond que celui qui s’exprime dans

les relations institutionnelles »636. Nous en avons ici un exemple concret avec les

différentes interventions du frère Courtois. Les nombreux présents de reliques qu’il

fit, les objets de piété et image pieuses, supports de la spiritualité catholique, qu’il

expédia, et l’obtention de brefs d’indulgences à destination des sœurs ursulines de

Fribourg prouvent qu’il fut un des maillons de cette chaîne de distribution très active,

de l’importante circulation d’objets de piété dans le monde catholique. Il recherchait

aussi pour lui-même des reliques ainsi que des récits d’interventions miraculeuses,

tel celui relatant l’aide de la Vierge à des combattants catholiques suisses, au cours

d’une bataille les opposant à des protestants.

Si nous prenons en compte tous les éléments de biographie de Jacques Courtois

ainsi que ces témoignages de sa foi, de sa piété, ses pratiques dévotionnelles, il

semble difficile de douter encore de sa sincérité lorsqu’il décida de rejoindre la

Compagnie de Jésus. N’y voir que dépit ou remords après le décès de sa femme

semble bien improbable, ou pour le moins insuffisant afin d’expliquer son

engagement religieux.

Jacques Courtois, homme mûr qui connaissait le succès professionnel et avait

acquis une belle renommée sur le plan artistique, ne choisit pas de changer de vie sur

un coup de tête, un beau jour de décembre 1657. La décision de se tourner vers une

forme de vie chrétienne plus engagée s’est imposée progressivement à un artiste

dégagé de toute charge familiale, orphelin, veuf, sans enfant, et qui, en frère aîné,

avait veillé deux ans auparavant à l’avenir de ses sœurs, en assurant leur dot pour

635. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 19-20. Lettres du 30 avril 1667 et du 5 mai 1668. 636. B. Dompnier, « Continuité de la réforme catholique », Histoire du christianisme des origines à nos jours. IX, L’âge de raison, 1997, p. 240.

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Biographie critique

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leur entrée chez les ursulines. Elle fut longuement mûrie puisque fin 1653 il

l’évoquait déjà.

Son engagement jésuite correspondait très certainement à des aspirations

profondes, et nous ne pensons pas qu’il faille douter un instant de la sincérité du

sentiment religieux de Courtois. Cette intégration ne fut pas le fait d’un excès de

ferveur soudain. Il faut absolument prendre en compte ses origines franc-comtoises,

et sa jeunesse dans une province au catholicisme exclusif et pour longtemps

ultramontaine, des liens profonds entre ses habitants et la capitale de la catholicité,

qu’ils furent si nombreux à rejoindre637.

Certes il y eut le décès de sa femme, certes ce n’est pas un engagement qu’il fit

tout jeune mais par ce choix il renonçait à sa précédente vie d’artiste, au confort

matériel, à la possession, se dépouillant de tous ses biens, comme nous l’avons vu

plus haut. Il s’engageait à une existence de pauvreté, s’apprêtant à vivre de longues

années en promiscuité avec d’autres frères, disposant de peu de place pour se loger.

Au-delà de l’aspect matériel, cet engagement religieux signifiait aussi l’observance

des deux autres vœux, de chasteté et d’obéissance, de se plier aux exercices

religieux, de pratiquer des mortifications corporelles et spirituelles638.

Les documents nous renvoient l’image d’un frère jésuite serein, comblé par sa

condition, se satisfaisant pleinement de son état, et correspondant sans doute

parfaitement à sa vocation.

637. G. Bordet, « Jalons pour une étude de l’ultramontanisme », Les fondations nationales dans la Rome pontificale, Rome, 1981, p. 773. 638. Voir les sermons de Gian Paolo Oliva, prononcés dans les maisons de l’ordre, notamment à la maison professe du Gesù, au collège romain et au noviciat de S. Andrea. G. P. Oliva, Sermoni domestici detti privatamente nelle Case Romane della Compagnia di Giesù da Gian Paolo Oliva Generale della stessa Compagnia, Venise, 1712-1713.

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Analyse de l’œuvre peint

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Analyse de l’œuvre

140

Ces dix dernières années, le regain d’intérêt porté à la peinture de bataille et les

essais et synthèses qui lui furent consacrés eurent le mérite d’attirer l’attention sur le

rôle important de Jacques Courtois dans le développement du genre dans l’Italie du

Seicento. Cependant, ces études contribuèrent aussi à renforcer l’impression qu’avait

laissée une fortune critique presque unanimement favorable639, et qui concernait

uniquement les batailles de l’artiste, laissant entendre que celui-ci aurait été

exclusivement un excellent peintre de batailles, alors qu’il réalisa également des

paysages et des œuvres religieuses. Le catalogue de son œuvre peint vient corriger

cette première image partiale et rééquilibre quelque peu les choses même si le

résultat est sans doute encore en deçà de la vérité. En effet, les nombreux paysages

disparus, dont certains ne sont aujourd’hui connus qu’au travers des mentions

d’inventaires anciens (voir M. 1-21), ainsi que les œuvres religieuses, parfois décors

éphémères aujourd’hui irrémédiablement perdus, amplifieraient certainement cette

vision d’une meilleure répartition des œuvres de l’artiste dans différents genres.

L’association du nom de Jacques Courtois avec la peinture de bataille conduit à

s’interroger sur les raisons de cette liaison mentale spontanée pérenne. Comment en

sommes-nous arrivés là ? De quoi est-ce symptomatique ? Car, malgré l’existence de

paysages et d’œuvres religieuses qu’il n’est aujourd’hui plus possible d’ignorer, la

spécialisation de l’artiste dans la peinture de bataille, et son empreinte sur le genre

aux XVIIe et XVIIIe siècles, sont incontestables ; le succès de Courtois, déjà de son

vivant, ses nombreux suiveurs et les critiques majoritairement élogieuses, apportent

la preuve que ses formules furent appréciées des amateurs d’art et convainquirent ses

confrères.

Nous analysons ci-après les paysages, les batailles et les œuvres religieuses de

l’artiste, les trois genres qui l’occupèrent pour l’essentiel. Les quelques portraits

connus et les deux pale de l’Accademia della Crusca, qui répondirent à des

commandes ponctuelles, exemples d’une production occasionnelle à la demande

639. Charles Blanc fut l’un des rares à sévèrement critiquer Jacques Courtois. Ch. Blanc, Histoire des peintres de toutes les écoles. Ecole française, Paris, 1865, I , notice « Jacques Courtois » ; voir la fortune critique.

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Analyse de l’œuvre

141

expresse de commanditaires, ne sont sans doute pas les plus représentatives de l’art

de Courtois. Néanmoins elles ont le mérite d’exister, étoffant encore l’éventail de

tableaux produits par notre artiste. Remarquons dans l’Autoportrait des Offices (cat.

158), œuvre autographe certaine, et le Gentilhomme en armure (cat. 157), une belle

aptitude pour un genre qui semble l’avoir particulièrement intéressé ; il affirma

notamment avoir admiré à Gênes des tableaux de Van Dyck, « qui en matière de

portraits n’a pas son pareil »640.

Qu’en est-il de l’art de Jacques Courtois ? Comment évolua-t-il ? Que pouvons-

nous lire dans son œuvre peint, et qu’y a-t-il été vu pendant plus de trois siècles ?

640. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 19, lettre du 1er septembre 1667 ; document dans notre chronologie raisonnée, à cette date.

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Analyse de l’œuvre

142

Les Paysages

En 1969, Edward Holt dans un article fondamental proposa une analyse pertinente

et globalement juste de l’œuvre de Jacques Courtois ; nous le rejoignons sur bien des

points641. Il évoquait notamment l’activité de paysagiste de l’artiste en s’appuyant sur

la notice biographique de Filippo Baldinucci642 et le début de la Relatione del fratello

Giacomo Cortesi643. Il proposa à cette occasion la reproduction de deux paysages, le

Paysage avec un château et des cavaliers (cat. 17) et le Paysage avec un bac et des

figures (cat. 19)644. L’auteur poursuivait en s’interrogeant sur la disparition de cette

partie de la production de l’artiste, suggérant qu’elle devait être masquée par d’autres

attributions, notamment à Salvator Rosa645. L’approche d’Edward Holt fut une

exception ponctuelle, qui n’entraîna pas d’autres recherches dans ce sens ; la

tendance au cours de ces trente dernières années étant au mieux, comme le firent

Simonetta Prosperi Valenti Rodinò et Giancarlo Sestieri, de signaler l’activité de

paysagiste de l’artiste mais en ajoutant qu’on en avait désormais perdu toute trace646,

au pire, de l’omettre totalement en affirmant que tout l’œuvre de Courtois fut

consacré à la guerre et à la peinture de bataille647.

641. E. Holt, 1969, op. cit. 642. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 417-426. 643. B.N.V.E., Fondo gesuitico, ms. 1253. Relatione del fratello Giacomo Cortese. Transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 99-104 ; document présenté dans notre chronologie raisonnée, à la date du décès de l’artiste, le 14 novembre 1676. Le début du texte est le suivant : « Il fr. Giacomo Cortesi coadiutore, Borgognone, Pittore insigne di battaglie, […] segnalato ancora nel dipingere i paesini, entrò nella Compagnia in S. Andrea Novitiato Romano li 13 decembre 1657 in età anni 36. » 644. E. Holt, 1969, op. cit., fig. 6-7, p. 215. 645. Ibid., p. 213. 646. S. Prosperi Valenti Rodinò, 1984, op. cit., p. 504 : « Artista molto stimato nel suo tempo come pittore di paesaggi (di cui oggi si è persa ogni traccia) e di battaglie […] » ; G. Sestieri, 1999, op. cit., p. 155 : « Questi sottolinea quali peculiarità stilistiche dei primi anni romani del Courtois, un colore tonale con improvvise accensioni luminose, cieli ampi e slontananti come in Claude Lorrain, del quale, insieme a Dughet, egli si sarebbe direttamente ispirato per la sua attività di paesaggista, ricordata dal Baldinucci, specificando che si sarebbe esercitato ‘all’aria aperta’. Una specializzazione di cui non ci restano esempi diretti sicuri (probabilmente le sue opere sono oscurate da errate attribuzioni) […] ». 647. J. Delaplanche, « Nascita e riconoscimento di una forma : il genere della pittura di battaglia in Italia », Bollettino d’Arte, XCII, no 140, avril-juin 2007, p. 115 : « Tralasciando le poche composizioni religiose, l’opera di Courtois rimane nel suo assieme tutta dedicata alla guerra e alla pittura di battaglia. »

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Analyse de l’œuvre

143

Pourtant, de nombreux témoignages anciens démontraient de manière évidente

cette autre facette de son art aujourd’hui oubliée. Déjà le jeune André Félibien,

présent à Rome entre 1647 et 1650, alors secrétaire de l’ambassadeur de France,

évoquait l’artiste en ces termes : « Courtois, Bourguignon, faisait assez bien le

paysage »648. C’est succinct, et l’auteur ne disait mot d’une quelconque activité de

peintre de batailles, ce qui tendrait à prouver que Jacques Courtois, ces années-là,

soit sept ans après son arrivée à Rome, était encore davantage perçu comme un

paysagiste et pas en tant que peintre de batailles. D’autre part, le fait que Félibien ne

lui consacre qu’une ligne de son ouvrage semble démontrer que Courtois

commençait à être connu mais n’était pas des plus renommé, et pas encore pour ses

scènes de bataille.

Filippo Baldinucci mentionna cette activité également à plusieurs reprises, dans sa

notice dédiée à Jacques Courtois649. Ainsi, l’auteur nous relate-t-il que lors de son

premier séjour à Milan, un sculpteur des relations de Watteville faisait peindre des

paysages au jeune Courtois, dans lesquels ce dernier insérait ensuite des faits d’armes

du maître de camp650. Plus tard, en chemin pour Rome, lors d’une halte à Bologne,

c’est un de ses paysages animés, « un paese con alcuni corrieri in atto di viaggio »,

qui l’aurait fait remarquer de Guido Reni651. Au cours des étapes suivantes, à

Florence, auprès de Jan Asselijn et Monsù Montagna, puis à Sienne, chez Astolfo

Petrazzi, il aurait aussi peint des caprices et d’autres paysages652. Le biographe

florentin nous rapporte encore, en fin de notice, que la santé de Courtois se dégrada

rapidement à cause des fatigues de sa jeunesse, au cours de laquelle il était si souvent

resté « à l’air libre à peindre des paysages et des vues d’après le naturel […] »653.

Le témoignage de Baldinucci indiquerait que le paysage chez Jacques Courtois fut

plutôt une activité de jeunesse, l’artiste se spécialisant ensuite dans la peinture de

bataille. Cependant, la Relatione jésuite de la vie du frère Courtois évoque un artiste

648. A. Félibien, 1685-1688, II, op. cit., p. 426. 649. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 417-426. 650. Ibid., p. 418 : « Aveva col Maestro di Campo gran familiarità un certo scultore, il quale […] gli fece dipignere diversi paesi, in cui volle, che rappresentasse alcuni proprj fatti di guerra. » 651. Ibid., p. 419-420. 652. Ibid., p. 419 : « […] trattennesi con essi [Giovanni Azzolino, detto Crabat Olandese e Monsù Montagna Olandese] alcune settimane […] dipinse alcuni paesi per suo diporto. », et p. 420 : « […] e giunto a Siena si abbattè a trovarvi Astolfo Petrazzi pittor Senese, discepolo di Francesco Vanni […]. Da questo fu cortesemente ricevuto, e nella propria stanza sua dipinse alcuni capricci e qualche paese. » 653. Ibid., p. 425 : « […] all’aria aperta a dipigner paesi e vedute al naturale […] ».

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Analyse de l’œuvre

144

qui, à son entrée dans la Compagnie, alors un homme mûr de trente-six ans, était

aussi connu pour ses petits paysages654. D’autre part, comme nous l’avons vu dans

notre biographie critique, certaines des lettres de l’artiste de la période jésuite,

adressées entre 1663 et 1667 au marchand bergamasque Alberto Vanghetti,

confirment que Courtois, même tardivement dans sa carrière, dessinait et peignait

encore des paysages655.

Ces quelques missives à Vanghetti sont capitales car elles prouvent que tout au

long de sa carrière Jacques Courtois ne cessa pas de pratiquer le paysage. Elles

permettent également d’estimer le mode opératoire de l’artiste, que vient confirmer a

posteriori l’analyse de ses tableaux. En effet, les mentions de ses escapades à Tivoli

« per fare qualche cosa dal naturale » présupposent une phase de travail en

extérieur656. S’il est tout à fait possible que l’artiste ait peint quelques vues

directement en plein air, à l’instar des pratiques relatées par Sandrart, pour Van Laer,

Poussin et Claude Lorrain, il semble cependant que la majorité des représentations de

Courtois aient été entièrement élaborées en atelier, une fois de retour à Rome, à

l’appui de dessins qu’il avait réalisés en plein air. Le paysage était recomposé, au

moins partiellement, agrémenté d’éléments architecturaux, parfois de fantaisie, et

également animé de figures diverses.

Ses études d’après nature, vraisemblablement pour l’essentiel des dessins réalisés

dans la campagne romaine - les peintures en plein air étant encore assez rares au

XVII e siècle, malgré les exhortations de Sandrart -, étaient destinées à composer de

futurs tableaux, des paysages animés (aucun paysage sans figures à notre

connaissance dans l’œuvre de l’artiste), et servirent également à réaliser ses fonds de

batailles (voir vol. II, ill. 22 et cat. 51 , par exemple). Le cadre de ses combats revêtait 654. B.N.V.E., Fondo gesuitico, ms. 1253, Relatione del fratello Giacomo Cortese, document transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 99-104 ; voir le document dans la chronologie raisonnée, à la date du 14 novembre 1676. 655. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 14-19, lettres des 25 juin et 6 octobre 1663 ; lettres des 8 mars et 16 mai 1664 et lettre du 16 mai 1667 ; documents dans la chronologie raisonnée à ces dates. Dans la lettre du 8 mars 1664, Courtois qui avait reçu la commande d’un petit paysage avec des figures annonçait au marchand qu’il en avait achevé un dans ce goût, avec des rochers, de l’eau, et dans les lointains une vue maritime. 656. Id. : « […] la ho fato alcuni pezeti dal naturalle come lontananza sasi et boscaglia […] » (lettre du 25 juin 1663) ; « […] penso di andare lunedi per quindece giorni forra a Tivoli et la faro qualche cosa dal naturale perche vi sono molte belle veduta di caschate d’aqua et rupi sasi bizarisime. » (lettre du 6 octobre 1663) ; « Apposta sono uscito fuori di Roma per un poco di vacanza e a prendere qualche cosa dal naturale […] » (lettre du 16 mai 1664) ; « aposta sonno uscitò forre di Roma per un poco di vachanza et fare qualche cosa dal Naturale […] » (lettre du 16 mai 1667) ; lettres dans notre chronologie raisonnée.

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Analyse de l’œuvre

145

en effet une importance toute particulière et l’artiste se réjouissait lorsqu’il pouvait

en proposer un particulièrement réussi657. Pour Courtois, le paysage était une

composante indispensable à la qualité d’une bataille – nous y reviendrons plus avant

dans notre analyse.

Ses promenades champêtres visaient donc par des esquisses sur le motif à se

constituer un répertoire, de sites et de détails naturels, aide à la création, compilation

dont il pouvait ensuite s’inspirer. Il était en quête, comme il l’avoua lui-même, de

« boscaglia », « sassi bizzarrissimi »658, « cascate » et aussi plus généralement de

« lontananza »659. Cette recherche de naturalisme, ce souci de vérité, correspondaient

à l’une des tendances de la peinture de paysage au XVII e siècle, visant à une

représentation plus objective des lieux. Les paysages de Courtois sont donc basés sur

une observation directe de son environnement, notamment de la campagne romaine,

mais cependant intègrent une phase de travail en atelier.

Influences et caractéristiques

Il est des plus probable que lors de ses séjours à l’extérieur de Rome, en Toscane,

à Venise, à Milan et dans la région de Bergame, à Gênes ou encore à Naples,

Courtois ne soit pas passé dans un site pittoresque sans le croquer. Cependant, les

paysages que nous connaissons aujourd’hui témoignent avant tout de sa connaissance

de Rome et de la campagne environnante, ce qui somme toute est assez logique

puisque c’est dans la Ville Éternelle qu’il séjourna le plus longuement. S’il apparaît

qu’il ait réalisé des vedute de Rome – une Vue du port de Ripetta (M. 18), par

exemple, est mentionnée, au XVIIIe siècle, dans la collection de Giacinto Sacripanti -

son activité de paysagiste semble cependant avoir été surtout dédiée à l’exécution de

paysages champêtres660. Les séjours du frère jésuite à Tivoli et à Castel Gandolfo sont

documentés, mais il est vraisemblable que Jacques Courtois n’attendit pas son

engagement religieux avant d’explorer les environs de Rome. Ses dix premières

années dans la Ville Éternelle n’avaient pas pu ne pas lui fournir des occasions de

657. Ibid., p. 14-15, lettre du 23 septembre 1663 : « Ne ho per le mani un bello quale credo non aver mai fatto il simile ed è una battaglia a l’usanza antica con anticaglia a mezza vista e più lontano una città con arti antica e sassi de più belli che abbia mai fatti con alberi e colline in somma credo di non aver mai ordinato il sito più bizzarro nè più proporzionato per battaglia. » 658. Ibid., p. 14, lettre du 25 juin 1663. 659. Broussailles, rochers insolites, cascades et lointains. 660. D. Bodart, 1970, op. cit., I, chap. V.

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Analyse de l’œuvre

146

promenade hors les murs, la vallée de l’Aniene et aussi la région des Castelli Romani

étant alors très prisées des artistes.

Si nous n’avons pas identifié tous les lieux qui figurent dans les paysages de

Courtois, il apparaît cependant que la vallée de l’Aniene lui ait tout particulièrement

plu ; son intérêt s’étant surtout porté sur les sites avec les ponts, qui enjambent

l’affluent du Tibre. Nous retrouvons dans ses paysages les ponts Nomentano (cat. 6)

et Lucano (C. 8), et une vue du pont Mammolo est mentionnée dans les inventaires

Colonna (M. 2). Le pont Lucano avec le mausolée de la famille de Plaute (ill. 5 , vol.

II), modèle de sa tour fortifiée, poncif iconographique dans l’œuvre de Courtois, fut

peut-être celui qui lui convint le mieux. Ce pont romain sur la via Tiburtina, près de

Tivoli, lui était sans aucun doute très familier car nous le remarquons aussi à

plusieurs reprises dans ses fonds de bataille. Il figure, par exemple, dans l’une des

batailles Gerini (cat. 33 ) et également dans l’Engagement devant une tour fortifiée

(cat. 74).

Un des paysages, dans lequel ce pont est agrémenté d’une porte quadrangulaire (C.

8), démontre à nouveau le mode opératoire de Courtois, avec une recomposition des

œuvres en atelier, et désigne les modèles qui ont pu l’inspirer. Cette représentation

particulière du pont Lucano indiquerait l’influence de Jan Both, dont le Paysage

italien avec le pont Lucano661 du Rijksmuseum (ill. 14 ), présente cette même porte

imaginaire, dans un site que Both avait également librement recomposé662.

ill. 14 � Jan Both, Paysage italien avec le pont Lucano, Amsterdam, Rijksmuseum

661. Jan Both, Paysage italien avec le pont Lucano, Amsterdam, Rijksmuseum, Inv. Sk-A-51, huile sur cuivre, H. 45,5 - L. 58,5 cm. 662. Inspired by Italy, Dutch landscape painting 1600-1700, cat. expo. Londres, 2002, no 20, p. 114.

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Analyse de l’œuvre

147

Les influences

Les paysages de Jacques Courtois que nous connaissons attestent de plusieurs

influences. La plus nette, et chronologiquement vraisemblablement la première, est

celle des peintres nordiques italianisants. Parmi cette deuxième génération d’artistes

descendus en Italie, Jan Both, Jan Asselijn et Herman Van Swanevelt, laissèrent une

empreinte indélébile dans la production de Courtois. Si Filippo Baldinucci évoquait

une rencontre et un apprentissage auprès de Jan Asselijn à Florence, les premières

années romaines de Courtois, c’est-à-dire le début de la décennie 1640, furent

probablement décisives. On peut d’ailleurs penser à une influence directe des trois

artistes du Nord sur notre peintre, qui put les fréquenter. En effet, Jan Both,

documenté à Rome en 1638, serait resté dans la Ville Éternelle jusqu’en 1641 avant

de partir pour Venise, Van Swanevelt aurait quitté Rome cette même année, et Jan

Asselijn y aurait séjourné au moins jusqu’en 1643663. Si Baldinucci ou Pascoli ne

citent pas les noms de Both et de Van Swanevelt dans leur biographie de Jacques

Courtois, ils relatent cependant l’amitié avec Van Laer et l’influence des

Bamboccianti à ses débuts664.

La typologie de nombreux paysages de Courtois, leur veine naturaliste et leurs

composantes, témoignent de la réception des œuvres des peintres nordiques

italianisants de cette deuxième génération. Cependant, l’héritage de Paul Bril,

transmis aux précédents par l’intermédiaire de Bartholomeus Breenbergh, rentré à

Amsterdam en 1629, doit être également pris en compte dans l’œuvre de notre

artiste. Les vues des ports ou rivages, avec les figures de pêcheurs tirant leurs filets,

prisées par le « Bourguignon » (cat. 6-7*), furent introduites par Bril, ainsi que la

représentation des chutes d’eau. Breenbergh fut le vecteur qui les transmit aux

peintres de la seconde génération. De Bartholomeus, nous retrouvons chez Courtois

les compositions asymétriques, avec une masse de ruines ou de rochers, représentée

sur un côté, et contrebalancée par un paysage expansif de l’autre ; également cette

variation très caractéristique des coups de pinceau, avec certaines parties réalisées

dans une pâte épaisse, quand d’autres sont rendues par touches précises et presque

invisibles (cat. 11).

663. A. C. Steland-Stief, 1971, op. cit., p. 17. 664. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 420 ; L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 114.

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Analyse de l’œuvre

148

Une influence de Cornelis Van Poelenburgh est également envisageable puisque

l’intérêt de Courtois pour ce peintre est documenté dans une lettre de Sebastiano

Resta, dans laquelle celui-ci relate que le « Bourguignon » chercha à acheter un

paysage de Cornelis à Milan665.

La chaleur de la lumière méridionale, les ciels clairs et limpides, les couleurs

brillantes furent les caractéristiques généralement citées pour démontrer l’influence

des peintres du Nord dans les batailles de Courtois - puisque personne, hormis

Edward Holt, ne s’intéressa à ses paysages. C’est peut-être effectivement celles qui

visuellement s’imposent en premier lieu, mais il nous semble qu’un deuxième aspect,

jamais évoqué, est tout aussi parlant. Nous retrouvons en effet l’ordonnancement des

paysages de ces peintres du Nord dans ceux de Courtois : les arbres imposants vus

dans leur individualité, et souvent utilisés comme repoussoir, et plus globalement les

éléments naturels, et architecturaux, qui sont tous à dessein structurant.

Les arbres ne sont pas traités en volume comme chez Annibal Carrache ou

Rubens, mais fortement individualisés et leur feuillage est représenté de manière

précise et appliquée, avec des feuilles détaillées individuellement. De Van

Swanevelt, nous retrouvons parfois l’arbre monumental, aimantant et dominant le

groupe des figures (cat. 1 , cat. 10 et C. 23). Mais ce qui est particulièrement notable,

c’est le choix de Jacques Courtois de ne pas se départir de l’arbre repoussoir dans ses

paysages (cat. 1 , 3-4, 5-6, 11-12, 14*, 17, 19). Quand ce n’est pas un arbre, il s’agit d’un

pan de roche occupant tout un côté (cat. 15-16 , 18). La nécessité d’un faire-valoir,

masse occupant fortement les devants, qui par contraste fait fuir les autres plans et

crée un effet de profondeur, viendrait compenser la faiblesse du traitement de la

perspective666. À la manière de Jan Both, nous retrouvons les arbres majestueux, les

hauts rochers imposants, coupés latéralement mais aussi en leur sommet par le cadre.

L’empreinte de Jan Asselijn, quant à elle, transparaît particulièrement dans

l’utilisation d’éléments architecturaux structurants. Les scènes du Dieppois étaient

dominées par des tours, ponts, murs de ville ou des ruines (ill. 15 ), principalement

celles du Forum romain.

665. G. Bottari, S. Ticozzi, 1822-1825, II, op. cit., p. 106-109, lettre du 27 février 1704, de Rome, de Sebastiano Resta à Francesco Gabburri à Florence ; voir la chronologie raisonnée à cette date. 666. A. Mérot, Du paysage en peinture dans l’Occident moderne, Paris, 2009, p. 134 : « Le style champêtre, sans doute parce qu’il n’est pas lié aux contraintes de l’histoire, s’accomode au contraire d’un plus grand laxisme dans le traitement de la perspective, avec des ruptures d’échelle, des effets de surface, des détails traités de façon ornementale. »

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Analyse de l’œuvre

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ill. 15 � Jan Asselijn, Le gué, Vienne, Académie des Beaux-Arts

Pour Courtois, nous l’avons vu précédemment, les ponts sont une constante dans

ses paysages, mais tours, forteresses isolées, villes fortifiées sur une colline ou

murailles de cités, édifices religieux, clochers, ou encore ruines et constructions

antiques, sont également très présents dans ses représentations. Nous assistons

d’ailleurs parfois à des assemblages fantaisistes comme dans le Paysage (cat. 18), où

le petit temple antique semble camper de manière incongrue sur la rive.

Les éléments architecturaux ont une forte présence. Dominant le paysage ils en

assurent la cohésion spatiale, soit visuellement de manière directe, imposant leur

masse physique, en hauteur ou horizontalement, soit de manière plus subtile,

suggérée par leur fonction martiale (remparts, murs de défense), ou encore parce

qu’ils évoquent une époque révolue, un passé glorieux disparu, dans lequel nous

pouvons lire avec nostalgie les ravages du temps ; tant de grandeur tombée à l’état de

ruine, portant déjà les prémices du sentiment romantique à venir.

Enfin, dernière unité de structure également récurrente chez Courtois, il s’agit des

éléments naturels dans le plan horizontal : chemins ou rivières et étendues d’eau (en

plus des arbres et rochers verticaux déjà évoqués plus haut). Nous remarquons le rôle

particulièrement important de l’eau dans ses représentations, sa quasi omniprésence,

que ce soit une rivière, un bras de mer ou encore un lac. Outre la qualité organisatrice

de cet élément naturel, sa grande variété d’état, surface calme ou démontée, les

reflets et également les différentes couleurs qu’un artiste peut lui donner, lui

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Analyse de l’œuvre

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confèrent une place de choix et en font une composante privilégiée des paysages. De

plus, les activités humaines inhérentes à ces rivages permettent également à l’artiste

d’observer, ou d’imaginer, puis d’insérer dans ses représentations des scènes

pittoresques et vivantes : promenades, pêches, traversées en bac, halages, etc.

Si la nature est prégnante dans les paysages de Jacques Courtois, elle n’est jamais

représentée seulement pour elle-même, mais comme cadre des activités humaines

courantes, ou encore d’un épisode religieux. L’artiste apporte une note très

personnelle avec ses figures humaines et animales : paysages pastoraux avec pâtres

et moutons (cat. 11 et cat. 20), soldats dans un paysage (cat. 14*-15), passages de bac,

pour hommes et chevaux (cat. 3 et cat. 19), cavalcades (cat. 6 et cat. 9), ou encore

voyageurs dans un paysage (cat. 4 , 10, 13 et 17).

En plus de cet intérêt pour le travail des peintres nordiques italianisants, qui ne se

démentira pas tout au long de sa carrière, les paysages de la maturité de Jacques

Courtois montrent la réception d’autres influences, notamment son intérêt pour

l’œuvre de Salvator Rosa, et également pour les paysages de Pierre de Cortone,

particulièrement ceux des monts de la Tolfa.

Les soldats ou « bandits » dans un paysage (cat. 14*-15), d’autres œuvres

mentionnées dans les inventaires anciens que malheureusement nous ne connaissons

plus aujourd’hui, comme les paysages de la collection John Law (M. 12-13) et la

Marine avec un soldat de la collection Piccolomini (M. 21) témoignent à l’évidence

de l’influence de Salvator, d’emprunts au Napolitain que ce soit l’insertion de soldats

dans un environnement rocheux ou la gestuelle expressive et l’ajustement théâtral de

ses figures. La critique britannique ne s’y trompa pas. En Grande-Bretagne, au

XVIII e siècle, Jacques Courtois fut perçu, à raison au regard de certains de ses

paysages, comme un suiveur de Salvator Rosa. Le titre très subjectif d’un paysage de

Courtois anciennement dans la collection de sir Robert Walpole, Banditti (cat. 14*), et

de l’un des deux tableaux d’Hampton Court, Bandits dans un paysage (cat. 15), le fait

d’y voir des « bandits » plutôt que des soldats est symptomatique de cette immense

vogue des Figurine de Rosa en Angleterre au XVIIIe siècle et reflète comment

Courtois était alors situé artistiquement, c’est-à-dire par rapport à Salvator. C’est

sans doute en partie cet engouement outre-Manche pour les paysages de Rosa qui

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Analyse de l’œuvre

151

permit à ceux de Courtois de ne pas sombrer dans l’oubli et de connaître le même

sort que dans le reste de l’Europe667.

Mais outre les figures expressives et théâtrales, la recherche par Courtois dans la

campagne romaine de « sassi bizzarrissimi »668 et leur représentation, renvoient aussi

à « certaines de ces distorsions, déjà à l’œuvre au XVII e siècle chez un Salvator Rosa

[…] »669, dans des tableaux où la prédominance visuelle de certains éléments naturels,

arbres biscornus, et rochers tourmentés, se fait peut-être comme l’affirme Alain

Mérot, « au détriment de l’équilibre de l’ensemble »670. Mais le propos de nos

peintres, leur intérêt et leur dessein n’étaient pas ceux de Nicolas Poussin. Si leurs

paysages ne sont pas recomposés selon un ordre idéal, ils l’étaient à leur manière. La

perte de pureté des lignes, de clarté visuelle, et les compositions et perspectives

moins rigoureuses, étant remplacées par la recherche de surenchère émotionnelle, un

sens du spectacle opérant efficacement.

La Vallée rocheuse du musée d’Adélaïde (cat. 12), aux accents préromantiques,

vaste paysage où la roche domine, à l’arbre unique brisé et torturé, renvoie encore à

Salvator Rosa. Cette représentation avec une figure assise, seule et minuscule face à

la beauté grandiose et sauvage de la nature, porte en elle une intensité dramatique, un

sentiment inquiet et tragique qui la rapproche aussi des représentations des Monts de

la Tolfa, au nord-ouest de Rome, paysages réalisés par Pierre de Cortone (ill. 16-17 ).

Nous y retrouvons le sentiment de solitude au milieu de montagnes imposantes aux

âpres escarpements et cette sensibilité à la beauté brute de la nature.

667. N. Lallemand-Buyssens, « Jacques Courtois et Salvator Rosa », Salvator Rosa e il suo tempo, 1615-1673, Rome, 2010, à paraître. 668. G. Locatelli, 1909, op. cit., lettre du 25 juin 1663. 669. A. Mérot, 2009, op. cit., p. 134. 670. Id.

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Analyse de l’œuvre

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ill. 16 � Pierre de Cortone, Les mines de Tolfa, Rome, Pinacothèque Capitoline

ill. 17 � Pierre de Cortone, Paysage avec le mont Sassone,

Angleterre, collection particulière

Le Paysage au clair de lune de Poznań (cat. 20), bien que proposant une scène

nocturne éclairée par la lune, semble lui aussi très intemporel. L’atmosphère plus

sereine, sans véritable intensité dramatique, malgré l’obscurité, la forte présence des

roches, de branches brisées et de broussailles, en fait une œuvre des plus poétique.

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Analyse de l’œuvre

153

Des paysages avec figures

Tous les paysages de Jacques Courtois que nous connaissons, font partie de la

catégorie des « paysages avec figures »671. Ces figures sont majoritairement

« anonymes », porteuses d’une signification limitée, ne nous contant aucune histoire

connue. Il semble cependant que l’artiste ait aussi lié d’autres fois ses paysages à des

thèmes religieux dans des représentations où, comme chez Claude Lorrain, de petites

figures évoquent des personnages des Écritures saintes.

Nous ne connaissons plus aujourd’hui les deux Paysages avec saint Pierre qui

figuraient dans les collections Barberini, mentionnés pour la première fois dans

l’inventaire après décès du cardinal Antonio Barberini, en 1671 : « 350. Due quadri

Sopraporti Con Vedute di Marine, e Paesi di grandezza p.m 8, e 5- nell uno

rappresenta Christo che chiama S. Pietro al Lido di Mare e nell’altro mostra

ad’Alcuni Gabellotti pagarsi il Tributo a Cesare da S. Pietro, mano del Pr’e Cortese

Giesuita Con Cornice d’orata no. 2 -200- »672.

En 2009, Susanna Marra proposait de mettre en parallèle un paysage de Jan de

Momper de grandes dimensions, le Paiement du tribut673 (ill. 18 ), avec l’un de ces

deux tableaux de Courtois, ses description et grandes dimensions lui semblant devoir

rapprocher les deux œuvres674.

ill. 18 � Jan de Momper, Le paiement du tribut, collection particulière

671. Ibid., voir « Paysages avec figures et figures dans un paysage », p. 135-139. 672. M. Aronberg Lavin, 1975, op. cit., p. 309 ; voir la chronologie raisonnée, à la date du 9 août 1671. 673. Jan de Momper, Le paiement du tribut, collection particulière, huile sur toile, H. 124 ; L. 197 cm. 674. Voir Paesaggio laziale tra ideale e reale, cat. expo. Tivoli, 2009, no 9, p. 42-43 (ill.).

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Analyse de l’œuvre

154

Si l’auteur reconnaissait la main de Momper dans la réalisation du paysage, elle

pensait cependant que les figures avaient été exécutées par un autre peintre,

suggérant qu’il pourrait s’agir de Jacques Courtois. Si nous n’y reconnaissons pas le

pinceau de notre artiste, le rapprochement entre les deux œuvres proposé par S.

Marra est intéressant car il permet d’avoir une idée du Paiement du tribut de

Courtois, acquis par Antonio Barberini. Le traitement du ciel et des nuages, des

roches, des arbres était sans doute très proche, de même que la scène si l’on se réfère

à la description plus détaillée du tableau de Courtois, telle qu’elle apparaît dans

l’inventaire du cardinal Francesco Barberini junior : « 513 Due quadri uno largo

p.mi 7 alto p.mi 5 rap.te S. Pietro, che paga il Tributo, col denaro ritratto dal Pesce,

con Cristo, e gl’altri Apostoli, con veduta di mare con Barche, Monte, con città e

scogli, con casotto di tavola e Gabelliere, che scrive, cavallo con basto, e cane, con

cornice all’antica liscia, e battente a bottoncino dorata, e l’altro alto p.mi 5 largo

p.mi 6 ½ rap.te Christo quando chiama S. Pietro dalla nave, con veduta di mare, div.

Barche, e figure, uomo a cavallo, Paese, e Monte, opera ambedue del P. Giacomo,

con cornice simile alla sud.a, e dorata stimati…700 »675.

Concernant les thèmes religieux liés à un paysage, l’étude par Jeanne Magnin, en

Bourgogne en 1931, de deux paysages de Jacques Courtois, monogrammés « J. C. »

et portant l’inscription « inv. pinx. 1666 », le Christ entre les pèlerins et Tobie et

l’Ange676, est aussi à souligner. La description qu’en donne J. Magnin fait tout à fait

penser à la manière de Jacques Courtois677. Celle du Christ entre les pèlerins est la

suivante : « Dans cette dernière composition le décor abuse quelque peu des ruines ;

ce sont tout à la fois des colonnes corinthiennes et doriques, des fûts renversés, un

hémicycle rompu, des soubassements disjoints, une statue colossale qui se dresse sur

les degrés du temple. Un architecte condamnerait cette accumulation de motifs, le

mélange hétéroclite des ordres, le pauvre galbe des colonnes ; un peintre peut y

675. B.A.V., Ind. II, Cred. VI, Cas. 71, Maz. XC, Lett. I. Getty, Provenance Index, document d’archives I-1, item no 143 et item no 165, f. 58v. ; document dans la chronologie raisonnée. 676. J. Magnin, « Deux paysages de Jacques Courtois en Bourgogne », Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, années 1927-1931, Dijon, p. 187-193. Huiles sur toile, H. 38 ; L. 50 cm. Œuvres rapportées de Rome par le Père Fournier, un moine cistercien, à la fin du XVIIe siècle ou au début du XVIIIe et déposées à Monthelie (Bourgogne) chez ses parents, où elles demeurent pendant un siècle et demi (jusque vers 1850) ; puis propriété de M. François, peintre de Meursault ; étudiées par Jeanne Magnin à Meursault (après 1928, car l’auteur déclare qu’elle n’a pas pu les voir pour la publication de son Paysage français des Enlumineurs à Corot, publié en 1928). 677. Ibid., p. 188 : « […] coloration très montée, plus vive et plus brillante que nature […] »

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Analyse de l’œuvre

155

goûter la qualité de la lumière, la justesse du clair-obscur, la fuite des lointains

jalonnés de bâtiments qui s’estompent à l’horizon et ne permettent pas d’oublier que

Jacques Courtois a été loué de son temps pour s’être attaqué avec succès aux

problèmes de la perspective aérienne. Le groupe formé par le Christ et les pèlerins,

sans rien de remarquable en soi, ni la conception qui est banale, ni la facture qui est

lourde, n’en a pas moins une qualité essentielle : il se place bien, au premier plan où

il se détache à bonne échelle et en valeur forte sur la clarté du chemin longeant un

cours d’eau » 678 ; et celle de Tobie et l’Ange : « Le pendant, Tobie et l’Ange, fait une

tout autre part au sentiment de la nature. Les ruines et les colonnades qui trop

souvent interviennent dans la peinture du XVIIe siècle à la façon des songes dans la

tragédie, ne sont ici que l’accessoire, juste ce qu’il fallait pour mettre une force sur le

ciel clair et de l’équilibre dans la composition. Elle pourrait aussi bien s’en passer ; le

paysage noble et ample ne doit son attrait qu’aux vallonnements boisés, aux

sinuosités de la rivière qui se déroule entre les coteaux, à la paisible lumière tombant

du ciel où flottent des vapeurs orangées. Les figures participent de cette sérénité ; il

importe peu qu’elles manquent de grâce et d’élégance ; elles n’ont pas affaire de

divertir le regard : qu’elles établissent le juste rapport du récit biblique avec la beauté

du site, de l’heure et de la saison, leur fonction est remplie. Le paysage de Tobie

suffirait à classer Jacques Courtois parmi les bon paysagistes du XVIIe siècle ; les

contemporains savaient à quoi s’en tenir »679. Si le premier des deux paysages est un

peu en deçà, Jeanne Magnin souligne la qualité du second, où les talents de

paysagiste de Courtois s’expriment.

Il est regrettable de ne plus connaître ces deux peintures - probablement

autographes si l’on en croit le monogramme « J. C. » qui était celui utilisé par

l’artiste et aussi l’inscription « inv. pinx. 1666 » -, ainsi que les tableaux Barberini,

qui apporteraient un autre éclairage sur le travail de l’artiste, complétant notre vision

d’une production variée et particulièrement de son œuvre de paysagiste.

678. Id., p. 188. 679. Ibid., p. 188-189.

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Analyse de l’œuvre

156

Les œuvres de collaboration

Nous terminerons cette partie dédiée aux paysages, en évoquant le rôle de

figurista de Jacques Courtois, sa participation aux paysages d’autres peintres dont il

exécuta les figures, comme le fit son frère Guillaume dans ceux de Gaspard Dughet.

C’était à l’époque une pratique courante car certains peintres n’aimaient pas ou ne

savaient pas faire les figures.

Avec Viviano Codazzi

L’inventaire de la collection Sagredo, rédigé par Agostino Lama à la fin du XVIIe

siècle, mentionnait sept œuvres de collaboration dans lesquelles Jacques Courtois

avait exécuté les figures, dont trois architectures de Viviano Codazzi : « n. 10 Doi

architetture di Viviano con le figure del Borgognon con soazze nere et oro duc.

580 »680 et « n. 108 un architettura di Vivian con le figure del Borgognon in piccolo

con soazza nera duc. 80 »681. Des quatre autres paysages nous ne connaissons pas le

nom de l’auteur principal, ces œuvres étant mentionnées dans l’inventaire comme

« paesi di maniera fiamenga con le figure del Borgognon »682.

Tous les tableaux de Jacques Courtois qui figuraient dans la collection Sagredo

avaient été acquis par Nicolò, grand mécène de l’artiste et fin connaisseur de ses

œuvres. Il semble donc peu probable que la mention de Jacques Courtois figurista

soit erronée, particulièrement pour les trois architectures de Codazzi. Ce dernier avait

l’habitude de faire appel à des collaborateurs pour ses figures, que ce soit Gargiulio à

Naples, ou encore Jan Miel ou Michelangelo Cerquozzi, entre autres, à Rome. Il est

donc des plus vraisemblable que Jacques ait eu également une activité de peintre de

figures notamment pour Viviano Codazzi, ceci d’autant plus qu’ils évoluèrent tous

deux à Rome dans la sphère des Bamboccianti.

Avec Giacomo Adriano del Lis

En février 1704, dans une lettre à Francesco Gabburri, Sebastiano Resta relatait la

collaboration entre le paysagiste Giacomo Adriano del Lis et Jacques Courtois qui

680. C. Mazza, 1997, op. cit., p. 95 ; même auteur, 2004, op. cit., p. 110. 681. C. Mazza, 1997, op. cit., p. 97 ; même auteur, 2004, op. cit., p. 116. 682. Nos 197 et 203 de l’inventaire Lama. Voir C. Mazza, 1997, op. cit., p. 98-99 et même auteur, 2004, op. cit., p.121-122 ; repris dans notre chronologie raisonnée en ce qui concerne les œuvres de Jacques Courtois.

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Analyse de l’œuvre

157

aurait exécuté les figures de deux de ses paysages683. C’est Giuseppe Pinacci, élève

de Courtois, selon Resta, qui aurait reconnu les figures de son maître dans les

paysages de del Lis. Il est difficile de se prononcer au sujet de cette collaboration,

ceci d’autant plus que le peintre del Lis n’est pas clairement identifié. Il s’agissait

probablement d’un paysagiste nordique puisque Resta en parle comme de Monsù del

Lis et qu’il travailla avec Adriaen Van der Cabel (1631-1705). Ne figure pas dans les

répertoires d’artistes, de peintre nommé Jacques Adrien du Lis/de Lis ou encore de

Jacob Adrian Van Lis684.

Avec Claude Lorrain ?

Depuis que Filippo Baldinucci écrivit que Claude Lorrain employait d’autres

peintres pour réaliser ses figures685, ce fut, selon Marcel Röthlisberger, la porte

ouverte à des « attributions sauvages »686. Le spécialiste de Claude acceptait pour les

œuvres des débuts de l’artiste la participation du figurista Francesco Lauri (v. 1610-

1635)687 - notons que Baldinucci parle lui de Filippo Lauri (1623-1694)688, plus jeune

frère de Francesco. Mais M. Röthlisberger rejeta toute collaboration de Van Laer,

Miel, Angeluccio et Poussin, admettant toutefois que dans quelques cas la main de

Cerquozzi était probable, tout en ajoutant que la question demanderait des

683. G. Bottari, S. Ticozzi, 1822-1825, II, op. cit., p. 113-115, lettre du 28 février 1704, de Rome, de Sebastiano Resta à Francesco Gabburri à Florence ; voir la chronologie raisonnée à cette date. 684. Il ne peut s’agir de Jan Lis qui était mort en 1629 (E. Bénézit, éd. cons. 1999, VIII, op. cit., p. 711 ; Allgemeines Künstler-Lexikon. Die Bildenden Künstler aller Zeiten und Völker, Leipzig, éd. 1929, XXIII, p. 285). Probablement pas non plus Dirck Van der Lisse ou son frère Abraham, dont les prénoms ne correspondent pas avec ceux donnés par Resta (E. Bénézit, éd. cons. 1999, VIII, op. cit., p. 715 ; Allgemeines Künstler-Lexikon, éd. 1929, XXIII, op. cit., p. 287). Cependant ces deux peintres sont intéressants car le premier fut élève de Poelenburgh et le second un de ses suiveurs, et il aurait séjourné en Italie. Il existait également un Jacob Leyssens ou Lyssens dont le prénom correspondrait et qui aurait été actif à Rome, cependant lui-même était un figuriste… (E. Bénézit, éd. cons. 1999, VIII, op. cit., p. 624 ; Allgemeines Künstler-Lexikon, éd. 1929, XXIII, op. cit., p. 176). 685. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 355 : « Adornò i suoi paesi con figure, fatte con tanta diligenza che nulla più ; perchè in queste egli non potè mai correggere un suo molto evidente mancamento di farle troppo svelte, era solito dire, che vendeva il paese, e le figure le donava : anzi per una certa sua natural bontà e continenza, non aveva alcun dispiacere, che chi gli faceva dipignere i paesi o marine, facessevi aggiunger le figure per altra mano, ciocchè per ordinario faceva Filippo Lauri celebre in Roma in simile facolta. » 686. M. Röthlisberger, Claude Lorrain : the paintings, New Haven, 1961, éd. cons. New York, 1979, p. 15 : « Baldinucci is the first to remark that Claude employed special painters for the figures. Ever since, this has opened the way for wild attributions of almost all the figures. » 687. M. Röthlisberger, Tout l’œuvre peint de Claude Lorrain, éd. cons. Paris, 1986, p. 6 : « Au début, les figures étaient quelquefois ajoutées par un spécialiste, en particulier Francesco Lauri (vers 1610-35). » 688. Voir note 667.

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Analyse de l’œuvre

158

confrontations lors d’une exposition689. L’historien de l’art suisse réaffirmait les

compétences et l’habileté de Claude Lorrain dans la réalisation des figures, et disait

qu’il n’y avait finalement que très peu de tableaux du peintre, de plus seulement

avant la mise en place du Liber Veritatis, dans lesquels les figures avaient pu être

exécutées par d’autres mains ; ces collaborateurs n’étant aujourd’hui pas identifiés690.

Nous avons souhaité soulever la question d’une éventuelle collaboration de

Jacques Courtois, non pas pour le plaisir d’ajouter un nom supplémentaire à la déjà

longue liste des candidats aux figures de Claude, mais parce que nous avons relevé

plusieurs mentions qui, si elles ne constituent en aucun cas des preuves, conduisent à

s’interroger et demandent des éclaircissements. Force est également de constater que

les figures des tableaux du Lorrain très disparates, avec leur manque d’unité

stylistique, incitent d’elles-mêmes les historiens de l’art à s’engouffrer dans la brèche

ouverte par Baldinucci.

En ce qui concerne Courtois, voici les éléments dont nous disposons. En 1931,

Jeanne Magnin revenait sur les critiques de Charles Blanc, un des rares à

déconsidérer le travail de Jacques Courtois, et le contredisait comme suit : « Pour

battre en brèche l’appréciation de Charles Blanc, il suffit de signaler la rare qualité

du concours apporté par Jacques Courtois à Claude Lorrain dans le Siège de la

Rochelle et le Pas de Suze qui furent commandés au maître en 1651 par le comte de

Brienne, jaloux de célébrer les faits d’armes auxquels son père avait eu part. Les

figures y sont au niveau du paysage […]. Jacques Courtois se montre ici le digne

collaborateur du génie de Claude Lorrain ; un art sérieux, sincère, humain a créé

toutes ces figures en parfait unisson avec la poétique du lieu et du moment. »691

689. M. Röthlisberger, 1961, éd. cons. 1979, op. cit., p. 15 : « He used other painters mainly for elaborate figure themes, not for pastorals. The collaborators are clearly not Laer, Miel, Angeluccio, or Poussin. In a few cases Cerquozzi is likely, but the question would require confrontations at an exhibition. » 690. Id. 691 . J. Magnin, 1927-31, op. cit., p. 191-192.

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Analyse de l’œuvre

159

ill. 19 � Claude Lorrain, Le Pas de Suze, Paris, Musée du Louvre

Pour Marcel Röthlisberger, il ne fait aucun doute que ces deux œuvres sont

entièrement de la main de Claude Lorrain et son estimation de datation, début des

années 1630692, semble exclure toute collaboration de Jacques Courtois, trop jeune et

résidant encore en Franche-Comté. Pour notre part, nous ne reconnaissons pas la

main du « Bourguignon » dans les figures du Pas de Suze (ill. 19 ) ou du Siège de la

Rochelle. Il est regrettable que Jeanne Magnin n’indique pas d’où elle tenait ses

informations ; il est peu probable qu’il s’agissait, venant de sa part, d’une

appréciation sans fondement.

Hormis cette affirmation d’une collaboration entre Claude et Jacques, plusieurs

notices relevées dans les catalogues de vente européens de la fin du XVIIIe siècle et

du début du XIXe siècle attirèrent également notre attention. Elles concernent des

paysages de Claude Lorrain avec des figures de Courtois, ainsi qu’un tableau de Gian

Domenico Desiderii, serviteur et assistant de Claude, toujours avec des figures de

l’artiste franc-comtois.

Claude Lorrain et Jacques Courtois

- Hambourg, chez Packischefsky, vente du 4 juin 1798, provenance et acheteur

inconnus, lots nos 290 et 291 : « Claude Gelée, genannt le Lorrain ; Die Figuren von

692. M. Röthlisberger, 1961, éd. cons. 1979, op. cit., p. 489-493, nos 223-224.

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Analyse de l’œuvre

160

Jac. Courtois, genannt Bourguignon. Zwey sehr kostbare Landschaften, von der

besten Art obiger grossen Künstler […] »693 .

- Paris, vente du 27 mars 1801, lot no 87, collection de François Tronchin des

Délices, acheteur Jacques Eynard : « Claude Gellée, dit le Lorrain ; Courtois. Un

Paysage riche et intéressant. Une masse d’arbres ocupent le milieu ; devant passe une

rivière qui est traversée à gué par des figures et animaux ; des deux côtés sont des

troupeaux : les fonds sont enrichis de fabriques ; les figures sont de Courtois. Ce

précieux tableau est du plus beau faire ; il vient du cabinet du Barri » 694.

- Londres, vente Joseph Franz Anton von Waldburg-Zeil-Wurzach, du 14 mai

1804, Truchsessian gallery, lot no 684 : « Claude Lorrain ; Bourgignon (sic). Grand

landscape ; flight into Egypt, the figures by Bourgignon » 695.

- Londres, chez Peter Coxe, vente du 4 juin 1812, provenance et acheteur

inconnus, lot no 86 : « Claude Lorrain ; Courtrois (sic). A Sea Port with Figures by

Courtrois – a reposo » 696.

Desiderii et Jacques Courtois

- Edimbourg (maison de vente inconnue), vente de 1802, provenance John

Hickman, lot no 1 : « John Dominique ; Bourgignone. A Sea Port in Italy ; a grand

Architectural Design ; the Figures introduced by Bourgignone are finely

adapted »697.

Nous constatons que ces différentes mentions concernent plusieurs pays

européens. Nous pouvons sans doute écarter un soudain accès de chauvinisme

français, affirmant une collaboration entre les deux artistes francophones résidant à

Rome. Mais nous notons également que ces ventes concernent une période assez

restreinte, d’une quinzaine d’années à cheval sur les XVIIIe et XIXe siècles, si bien

que l’on peut se demander s’il ne s’agit quand même pas d’une mode, d’une idée

éphémère lancée et reprise sur un court laps de temps.

Nous avons entrepris d’étudier précisément les figures des œuvres de Claude

Lorrain. Le résultat pour ce qui nous intéresse n’est pas probant car il est bien 693. Getty, Provenance Index, catalogue de vente, D-272, lots nos 290 et 291. 694. Getty, Provenance Index, catalogue de vente, F-2, lot no 87. 695. Getty, Provenance Index, catalogue de vente, Br-264, lot no 684. 696. Getty, Provenance Index, catalogue de vente, Br-998, lot no 86. 697. Getty, Provenance Index, catalogue de vente, Br-70, lot no 1.

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Analyse de l’œuvre

161

difficile de reconnaître à coup sûr la main de Jacques Courtois, hormis peut-être dans

les marins, au premier plan de l’Embarquement de sainte Ursule de la National

Gallery à Londres (ill. 20-21 ), ce qui paraît insuffisant pour émettre une hypothèse

solide, plus encore pour espérer confirmer une collaboration entre les deux peintres

francophones.

ill. 20 � Claude Lorrain, L’embarquement de sainte Ursule, Londres, National Gallery

ill. 21 � Idem, détail

À moins de nouvelles découvertes, comme celle d’un document irréfutable, cette

collaboration reste très hypothétique, avec pour l’instant une majorité d’arguments

contre : Marcel Röthlisberger, le spécialiste de Claude Lorrain, n’admet que peu de

collaborateurs au maître, aucune mention d’une collaboration Gellée-Courtois dans

les sources italiennes anciennes, biographies ou inventaires par exemple, et enfin, les

quelques catalogues de vente qui l’évoquent se concentrent sur une quinzaine

d’années (1798-1812), de la fin du XVIIIe siècle au début du XIXe, témoignant peut-

être seulement d’une brève tendance dont nous ne connaissons pas l’origine.

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Analyse de l’œuvre

162

Reste cependant que la possible collaboration Claude Lorrain-Michelangelo

Cerquozzi évoquée par Röthlisberger, les similitudes entre l’œuvre de Michelangelo

et celui de Jacques, le fait que Courtois réalisa certainement des figures pour Codazzi

et du Lis donc peut-être également pour d’autres confrères actifs à Rome, et aussi les

très nombreuses notices de catalogues de ventes européens des XVIIIe et XIXe

siècles, évoquant des paysages de Jacques Courtois « dans le style de Claude

Lorrain », des « copies de Jacques Courtois d’après Claude », et aussi « Courtois

meilleur élève du Lorrain », ne manquent pas d’aiguiser la curiosité.

Il n’est désormais plus possible de ne pas prendre en compte l’œuvre de

paysagiste de Jacques Courtois. Cette production témoigne de son goût pour le genre

où il fit montre d’aisance et d’une belle dextérité et résulte vraisemblablement de sa

première formation, relatée par Filippo Baldinucci, apprentissage de caprices et

autres paysages. Cette activité de paysagiste semble avoir été la production

principale de l’artiste lors des premières années romaines, avec la réalisation de

tableaux de petites dimensions698 pour le marché local, selon toute vraisemblance

dans l’entourage des paysagistes du Nord, présents à Rome, dont l’influence est

nettement lisible dans les tableaux de Courtois. La réception de l’œuvre de Salvator

Rosa permit d’éviter que tous les paysages de notre artiste ne tombent dans l’oubli,

profitant de la vogue outre-Manche pour l’artiste napolitain. Cette influence ainsi que

celle de Pierre de Cortone semblent plus tardives mais doivent être prises en

considération car elles témoignent de l’évolution et de la maturation artistiques de

Courtois. Quant à son activité de peintre de figures, dans les paysages de confrères,

elle semble des plus probables. Nous ne pouvons cependant pas confirmer une

collaboration avec Claude Lorrain, hypothèse qui, dans l’état actuel de nos

connaissances, reste hasardeuse.

Quand au début des années 1640, le jeune Jacques Courtois arriva à Rome, peut-

être en quête d’un complément de formation mais surtout de travail, après en avoir

terminé avec la commande d’Ilario Rancati à Sainte-Croix-de-Jérusalem (cat 129-131),

698. Les paysages de Courtois aujourd’hui connus sont majoritairement des œuvres de petites dimensions (H. 30 - L. 40 cm et des tele da testa, H. 45/50 - L. 60 cm). Il existe également quelques plus grands tableaux, dont des toiles d’imperatore (L. 135 cm).

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Analyse de l’œuvre

163

les premiers temps ne furent sans doute pas faciles avec un marché de l’art très

compétitif auquel il dut s’adapter. S’il apparaît qu’en début de carrière Courtois fut

sans doute principalement un peintre de paysages, ce qui expliquerait les propos

d’André Félibien, la très forte concurrence d’alors dans le genre à Rome, avec des

artistes majeurs comme Poussin, Lorrain, Dughet et la cohorte des Bamboccianti, et

en rapport le peu de rivaux de valeur dans la peinture de bataille, genre en plein

développement, auquel Courtois pouvait apporter son expérience de la guerre, dans

la veine naturaliste du moment, pourraient être les raisons de sa spécialisation

comme peintre de batailles.

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Analyse de l’œuvre

164

Les batailles

Nicolà Pio écrivait en 1724 : « dans ce monde trois grands hommes n’ont et

n’auront pas d’égal […] il s’agit de Raphaël pour les figures, Gaspard Poussin pour

les paysages et le père Jacques pour les batailles »699. Lione Pascoli le reprit peu

après, presque mot pour mot700. Le nom de Jacques Courtois fut ainsi, et est toujours,

instantanément associé à la peinture de bataille. Sa production dans le genre qui lui

valut son succès, et influença les peintres des XVIIe et XVIIIe siècles, lui apporta une

renommée impérissable. Les nombreux suiveurs et copieurs de l’artiste, auteurs

d’une production quantitativement importante, à défaut de toujours l’être

qualitativement, sont pour la plupart encore à découvrir. Les emprunts faits à son

œuvre et cette difficulté à identifier les auteurs des batailles dans la « jungle des

suiveurs de Courtois »701 ne facilitèrent pas la tâche des conservateurs, des marchands

d’art et des collectionneurs. Le nom de Jacques Courtois, très estimé, et le manque

d’études qui furent consacrées à l’artiste font qu’on lui attribua beaucoup,

commodément mais de manière souvent indue. De même, lui prêta-t-on une

multitude d’élèves qu’il n’eut pas.

Dans les musées français et internationaux perdurent encore des attributions à

l’artiste souvent anciennes, et restent conservées sous son nom de nombreuses

représentations de combat non autographes. De la même manière passent toujours en

vente sous ce vocable devenu générique de nombreux tableaux très disparates, sans

qu’on prenne toujours la peine d’ajouter « manière de » ou « genre de » Jacques

Courtois.

Nous avons souhaité, en plus de la redécouverte des autres facettes de l’art de

Jacques Courtois, de la constitution d’un premier catalogue raisonné de l’œuvre

peint, proposer une analyse de sa peinture de bataille qui permettrait de reconnaître

plus sûrement sa main. Si nous replaçons Courtois dans l’évolution du genre,

699. N. Pio, ms. 1724, éd. cons. 1977, op. cit., p. 52 : « […] in questo mondo tre grand huomini non hanno havuto, nè haveranno pari […] cioè Raffaelle nelle figure, Gasparo Pusino nelli paesi et il detto padre Giacomo nelle battaglie. » 700. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 121 : « […] tre soli pittori stati erano in superlativo grado eccellenti, Raffaello per le figure, Gasparo per i paesi, il P. Jacopo per le battaglie. » 701. A. Schnapper dans F. Debaisieux, 2000, op. cit., p. 61.

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Analyse de l’œuvre

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évoquant les précédents et les influences qui le marquèrent, la place qu’il y occupa

lui-même, il n’était pas dans nos intentions de proposer un essai général

supplémentaire dédié à la peinture de bataille et à ses acteurs de l’époque moderne,

domaine de recherche spécifique de spécialistes du genre, avec le risque d’émettre

des propos majoritairement redondants.

Précisons cependant que malgré cet intérêt assez récent pour la peinture de

bataille, datant des années 1990, les travaux antérieurs concernant précisément

l’œuvre de Jacques Courtois, artiste qui n’a jamais eu l’honneur d’une

restrospective, restent minces702. De même, les monographies consacrées aux autres

peintres italiens du genre des XVIIe et XVIIIe siècles sont encore rares703.

Les précédents qui influencèrent Jacques Courtois

En Italie au XVIIe siècle, le thème de la bataille n’est pas un sujet visuel neuf. Dès

l’Antiquité, des précédents iconographiques existaient, avec des représentations

sculptées ou peintes, ou bien encore des mosaïques, qui célébraient la victoire de

l’État ou d’un général à l’issue d’une bataille, ou au terme de plus vastes campagnes.

Après une éclipse pendant le Moyen Âge, au cours duquel, pour les faits d’armes on

préféra les chansons de geste aux images, à la Renaissance, bien que perdurait ce

goût pour la poésie épique notamment au travers des œuvres littéraires à succès de

l’Arioste et du Tasse, nous assistions au retour du thème en peinture. Les Victoire de

Constantin sur Maxence et Défaite de Chosroès (c. 1454-1458) par Piero della

Francesca à Arezzo, la commémoration des victoires florentines, que ce soit les trois

panneaux de la Bataille de San Romano (1435-1440) de Paolo Uccello, la Bataille

702. E. Holt, 1969, op. cit., et S. Prosperi Valenti Rodinò, 1984, op. cit., proposèrent tous deux, à notre sens, les meilleurs articles dédiés à l’œuvre de Courtois. Les différentes publications de Marco Chiarini, concernant les batailles florentines de l’artiste, sont également incontournables et globalement justes. En revanche, les synthèses italiennes de P. Consigli Valente, La battaglia nella pittura del XVII e XVIII secolo, Parme, 1986, et de G. Sestieri, 1999, op. cit., consacrées à la peinture de bataille des XVIIe et XVIII e siècles s’avèrent être essentiellement des compilations de reproductions, sans notices accompagnant les œuvres. Elles ne présentent que peu d’intérêt, l’analyse de l’œuvre de Courtois y étant réduite et trop générale. Elles comportent de plus de nombreuses erreurs d’attribution. Enfin, nous avons retenu des travaux de J. Delaplanche, la monographie Joseph Parrocel, Paris, 2006, que l’auteur dit avoir été l’élève de Courtois, et son article « Nascita e riconoscimento di una forma : il genere della pittura di battaglia in Italia », Bollettino d’Arte, XCII, no 140, 2007, p. 109-128. 703. R. Arisi, Il Brescianino delle Battaglie, Piacenza, 1975 ; L. Muti, D. De Sarno Prignano, Antonio Marini, pittore (1668-1725), Rimini, 1991 ; M. S. Proni, Antonio Maria Marini. L’opera completa, Naples, 1992 ; N. Barbolani di Montauto, Pandolfo Reschi, Florence, 1996 ; A. Della Ragione, Aniello Falcone. Opera completa, Naples, 2008.

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Analyse de l’œuvre

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d’Anghiari (c. 1505-1506) de Léonard de Vinci ou encore la Bataille de Cascina (c.

1505-1506) de Michel-Ange, marquèrent un nouvel intérêt pour les représentations de

batailles. Même si nous étions alors encore loin du genre autonome et que les

formules proposées par les artistes de la Renaissance différaient beaucoup, dès 1490,

dans sa première version du Trattato, Léonard de Vinci proposa une ébauche de

théorisation du genre, donnant des recommandations précises pour la réalisation

d’une scène de combat704. Au cours du XVIe siècle, la Bataille du pont Milvius (1523)

de Jules Romain (v. 1499-1546), et la Bataille des Romains contre les habitants de

Veies (1597) du Cavalier d’Arpin (1568-1640) constituèrent un grand pas dans

l’évolution du thème vers le genre, assurant la transition entre Renaissance et

Seicento, dont elles allaient fortement inspirer les peintres. Si la veine classicisante

romaine eut sans conteste un impact important sur le futur genre, Bernardino Poccetti

(1548-1612) et Antonio Tempesta (1555-1630), actifs à la charnière des deux siècles,

furent les grands acteurs de l’émergence et du développement, à Florence puis à

Rome, d’une tendance plus naturaliste705. Tempesta eut un rôle primordial, concevant

un schéma de composition novateur706, avec un premier plan surélevé, qui permettait

une meilleure répartition des figures, et facilitait la lecture de la scène, tout en

conférant à l’ensemble de la représentation un aspect plus plaisant (ill. 22 ).

ill. 22 � Antonio Tempesta, Bataille entre Turcs et chrétiens, Florence, Gallerie fiorentine

704. L. de Vinci, Trattato della pittura di Leonardo da Vinci, Paris, 1651, éd. cons. A. Chastel, Le Traité de la peinture, Paris, 1987, p. 132-135. 705. Cat. expo., Florence, 1989, p. 13. 706. Id.

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Analyse de l’œuvre

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À la fin du XVIe siècle et surtout au XVIIe, la forte ascension de la peinture dans

les collections, avec la constitution de quadrerie et pinacoteche707, sa diversification

avec l’apparition de sous-genres, une forte demande pour ceux-ci, dits « inférieurs »,

mais aussi progressivement au cours du Seicento la démocratisation du phénomène

de la collection – pratique non plus seulement des nobles et des princes de l’Église,

mais aussi de personnages plus modestes708 -, entraînèrent une réponse picturale

profuse, avec l’importante production de scènes de genre, de paysages et de batailles,

qui allait inciter les artistes à se spécialiser. En Italie, on assista au XVIIe siècle

concomitamment à l’engouement pour la peinture de bataille, à sa diffusion dans les

grands centres artistiques de la péninsule et à son évolution en genre pictural

autonome. Ces représentations de combats plaisaient pour elles-mêmes, sans qu’on y

célèbre systématiquement un évènement précis ou un grand personnage, de même

avaient-elles tendance à se détacher de tout contexte historique, mythologique ou

religieux709.

Jacques Courtois, avec son expérience de la guerre, les images personnelles qu’il

avait gardées des affrontements, sut répondre à cette demande pour la peinture de

bataille, dans sa tendance naturaliste, à ce goût pour le vrai et le bien rendu, déjà

évoqués pour les paysages. S’il contribua au développement du genre en Italie au

XVII e siècle, il ne manqua pas de s’appuyer sur le travail de ses aînés, et fut

également très attentif à la production des artistes contemporains, en particulier celle

d’Aniello Falcone, de Michelangelo Cerquozzi et de Salvator Rosa.

Filippo Baldinucci ne citait précisément aucune œuvre ancienne qui aurait

influencé Jacques Courtois, bien qu’évoquant une période au cours de laquelle

l’artiste avait étudié toutes les beautés artistiques de Rome en compagnie du

Bamboche et d’autres « peintres de valeur »710. Nicolà Pio et Lione Pascoli en

indiquaient une seule : la Bataille du pont Milvius (ill. 23 ) de Giulio Romano711.

707. L. Spezzaferro, « Il collezionismo a Roma nel XVII secolo », Geografia del collezionismo, Italia e Francia tra il XVI e il XVII secolo, Rome, 2001, op. cit., p. 1-23. 708. R. Ago, Il gusto delle cose, Rome, 2006, p. 125-126, 709. F. Saxl, « The battle scene without a hero. Aniello Falcone and his patrons », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, III, 1939-1940, p. 70-87. 710. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 420 : « […] con questo (Bamboccio), e con altri valenti pittori, procurò il Cortesi fare amicizia, e con loro s’introdusse a studiare tutte le belle cose di Roma […] ». 711. N. Pio, ms. 1724, éd. cons. 1977, op. cit., p. 52 : « Portatosi in Roma osservò le belle cose di questa città, e quando vidde la battaglia di Costantino nel Vaticano fatta da Giulio Romano, ivi si fermò con il suo gusto e talento e tanto si invaghì di far battaglie, che in quelle riuscì il più celebre e

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Analyse de l’œuvre

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ill. 23 � Giulio Romano, La Bataille du pont Milvius, Vatican, Chambres de Raphaël, Salle de Constantin

Celle-ci aurait tant plu à notre artiste, qu’il souhaita ensuite se consacrer

uniquement à la peinture de bataille. À Rome, l’impact de cette fresque sur les

artistes du XVIIe siècle et en particulier sur les peintres de batailles fut considérable.

Marco Chiarini souligna très justement le réservoir de suggestions iconographiques

et d’innovations que cette œuvre représenta pour les artistes712. La forte présence du

pont, le rendu du mouvement, par les gestes, le vent dans les crinières et l’envolée

des capes, ainsi que les buccins d’airain zoomorphes que nous retrouvons à plusieurs

reprises dans les œuvres de Jacques Courtois (cat. 92 , 117-118, 120), sans aucun doute

marquèrent notre artiste. Il en retint plusieurs éléments pour sa propre Bataille du

pont Milvius (cat. 120), notamment le guerrier brandissant à bout de bras une tête

décapitée, et la figure de Constantin.

Si l’étude des œuvres anciennes à Rome eut un impact sur l’art de Courtois, il

apparaît également que l’artiste ait mis à profit ses déplacements et séjours dans les

autres grands centres artistiques italiens pour enrichir son répertoire iconographique.

Lors de son séjour à Gênes en 1667, il déclarait s’être beaucoup intéressé aux œuvres

des maîtres anciens qu’il avait pu voir dans les collections de la ville, notamment

celles de Titien et de Véronèse713.

famoso che sia stato al mondo. » ; L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 114 : « Piacquegli talmente questa opera, tanto se ne innamorò, che in cuor si pose di voler dipignere solamente battaglie, e tornò per alcun tempo quasi ogni giorno a vederla, e rivederla. » 712. Cat. expo. Florence, 1989, p. 12. 713. G. Locatelli, 1909, op. cit., lettre du 1er septembre 1667 : « […] setto in Genova al presento avendo acompagniato doi padri genevesi tre mesi sono per un poco di vachaza la quale mi ha giovata assaii esendo questa aria bonisima particorarmente lastata con belisime vile piture otime manni di Titiano di Pavel Veronese et di tuti i valent’homini di prima clase peró in Casa de particolari di Vandiche ché in materia di ritrati non há auti pari et così non ho perso il tempo mentre vo vedendo cosa di mia grandisima sodisfacione » ; voir la chronologie raisonnée, à la date de la lettre.

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Analyse de l’œuvre

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Les séjours toscans, dont certainement déjà le tout premier, avant l’arrivée à

Rome vers 1640, eurent également une influence sur ses représentations. L’intérêt

que Jacques Courtois porta aux peintures de Giorgio Vasari (1511-1574) - celles de la

salle des Cinq-Cents au Palazzo Vecchio (1567-1571), notamment le Siège de Pise (ill.

24) -, transparaît dans plusieurs de ses figures. Il en reprit les trompettes aux joues

gonflées (cat. 43, 71), le geste du capitaine qui tend son bâton de commandement (cat.

28), et aussi certains détails, comme les étendards s’envolant ou tourbillonnant (cat.

27, 49, 73), les canons imposants (cat. 81, 99) et les faisceaux de lances (cat. 30, 32), au

fort retentissement visuel.

ill. 24 � Giorgio Vasari, Le Siège de Pise, Florence, Palazzo Vecchio

De même, Jacques Courtois devait connaître la gravure de Laurentio Zacchia (ill.

25), d’après le groupe central de la Bataille d’Anghiari de Léonard de Vinci714, la

Lutte pour l’étendard, où ce dernier tournait le dos à la traditionnelle représentation

en frise des batailles de la Renaissance, axant sa composition autour d’une mêlée de

quelques combattants, vus en plan rapproché715.

714. Il n’a pas pu voir l’original, dans la Salle du Grand Conseil du Palazzo Vecchio ; en 1563 Vasari avait recouvert cette œuvre inachevée. 715. Au sujet de la Bataille d’Anghiari, D. Arasse, Léonard de Vinci, [Paris], 2003, p. 428-444.

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Analyse de l’œuvre

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ill. 25 � Laurentio Zacchia, La Lutte pour l’étendard, Gravure d’après Léonard de Vinci, 1558

De nombreuses scènes de combat de Jacques Courtois reprendront ce principe de

l’affrontement furieux, mettant aux prises une poignée de combattants, avec un

cadrage serré sur le groupe principal qui a pour effet d’aspirer le spectateur dans

l’œuvre (cat. 40, 43, 58, 71, par exemple).

Enfin, autre exemple de l’influence des maîtres anciens dans l’œuvre de Courtois,

avec celle du Tintoret (1518-1594). L’artiste séjourna à Venise, où il semble avoir été

également sensible aux réalisations du peintre vénitien. L’enseigne agrippé à son

drapeau de la Victoire des Vénitiens sur les Hongrois et la conquête de Zadar, au

palais des Doges (ill. 26 ), plut beaucoup au Franc-Comtois. Le porte-drapeau de

Tintoret apparaît ainsi presque à l’identique dans son œuvre (cat. 86 , C. 87 et ill. 37 ,

vol. II).

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Analyse de l’œuvre

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ill. 26 � Tintoret, La Victoire des Vénitiens sur les Hongrois et la conquête de Zadar (détail),

Venise, Palais des Doges

Du travail de ses aînés, Jacques Courtois semble donc avoir retenu figures et

détails iconographiques, qu’il reprit à son compte, les intégrant à plusieurs reprises

dans ses œuvres.

L’influence des artistes contemporains

Si, comme nous venons de le voir, Jacques Courtois s’est sans conteste inspiré des

maîtres italiens qui le précédèrent, quelle attention a-t-il portée au travail d’artistes

plus proches de lui, qu’ils aient été actifs dans le premier tiers du XVIIe siècle, ou

directement contemporains ?

Nous avons évoqué précédemment, dans le développement et l’ascension du

genre, l’influence d’Antonio Tempesta sur les peintres de batailles du Seicento, et de

son innovation majeure sur le plan de la composition, formule que Courtois adopta.

À Florence de 1612 à 1621, Jacques Callot (1592-1635) copia les dessins de

Tempesta716, un artiste pour lequel il travailla et dont il s’inspira. Courtois ne manqua

716. P. Choné, 1992, op. cit., p. 30.

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Analyse de l’œuvre

172

certainement pas d’étudier les gravures du Lorrain, particulièrement la série des seize

pièces de la Vie de Ferdinand Ier de Toscane. Ce sont probablement des références

visuelles qui comptèrent, notamment pour la réalisation de ses figures (ill. 27 ).

ill. 27 � Jacques Callot, Les troupes en marche (La Vie de Ferdinand 1er de Toscane),

gravure, 1619-1620

Edward Holt écrivit de Jacques Courtois qu’il appréciait les gestes nobles et que

ses effets de composition ainsi que ses motifs semblaient remonter à la

Renaissance717. Cela semble juste au regard des emprunts aux maîtres anciens que

nous avons pu noter. Si nous ajoutons l’influence conjuguée d’Antonio Tempesta et

de Jacques Callot sur Courtois, à celle des œuvres florentines de Leonardo et Giorgio

Vasari, il apparaît que le foyer toscan tînt une place significative dans l’œuvre de

notre l’artiste.

Nous pouvons penser que le premier séjour de Courtois à Florence, au cours

duquel l’artiste œuvra aux côté de Jan Asselijn, aussi auteur de batailles, put être

déterminant pour ses futures œuvres. L’aspect et les caractéristiques des

représentations de combat du début de carrière ont fait supposer, à raison, une

influence nordique, particulièrement visible dans les couleurs lumineuses et les tons

clairs du ciel (cat. 26 à cat. 28 , par exemple). Edward Holt comparait les ciels de la

première période de Courtois d’une part avec ceux de Claude Lorrain, dont ils

possédaient la lumière, mais ajoutait qu’ils avaient aussi les nuages floconneux si

717. E. Holt, 1969, op. cit., p. 221 : « [...] he loved the noble gesture, and his compositional effects as well as individual motifs seem to go back to the Renaissance. »

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Analyse de l’œuvre

173

caractéristiques d’Asselijn, et des autres maîtres néerlandais italianisants718. Nous

avons déjà pu vérifier précédemment pour les paysages la dette de Courtois envers

les peintres nordiques. Les détails anecdotiques très présents dans les représentations

de combat de Courtois sont également empruntés aux peintres du Nord : le tambour

renversé sur la tranche, et le chapeau qui s’est envolé et désormais tombé à terre,

figuraient déjà dans les batailles de ces peintres actifs dans la première moitié du

XVII e siècle, que ce soit chez Palamedes Palamedesz I ou Jan Martszen II.

Les informations données par les biographes anciens de l’artiste, relatant son

amitié avec Van Laer à Rome, puis la fréquentation de Michelangelo Cerquozzi719,

semblent peser en faveur de la fréquentation des Bamboccianti, en début de carrière à

Rome. Si l’influence de Van Laer - vraisemblablement indirecte puisqu’il avait sans

doute déjà quitté la ville quand Courtois s’y installa -, est davantage perceptible dans

les scènes de chasse (cat. 21 et ill. 15 , vol. II) et les bambochades, la fréquentation de

Michelangelo Cerquozzi, alors le chef de file romain pour la peinture de bataille, et

peut-être ses conseils et son entregent, vont certainement jouer un grand rôle et aider

Courtois à se spécialiser aussi dans les batailles. Francis Haskell dit de

Cerquozzi, qu’« il se montra toujours généreux avec ses cadets et ne ménagea pas ses

encouragements à un rival potentiel, Giacomo Borgognone »720.

Bien que les registres des Stati delle Anime n’aient pas pu nous en apporter la

preuve, les deux hommes se connaissaient vraisemblablement puisqu’en 1647, ils

collaborèrent tous deux aux illustrations du deuxième volume du De Bello Belgico de

Famiano Strada, ouvrage célébrant les campagnes d’Alessandro Farnese aux Pays-

Bas.

Romain de naissance, Michelangelo Cerquozzi avait eu deux maîtres flamands :

Jacob de Haase et Vincent Leckerbetien, un peintre de batailles dont Laura Laureati

ne retrouva aucune œuvre721. Leckerbetien aurait orienté la production de Cerquozzi

vers la peinture de bataille, qui fut pour le Romain surtout une activité de jeunesse à

la suite de son maître722. Aucune représentation de combat n’a été retrouvée dans son

718. Ibid., p. 217 : « [...] Claudian skies with the light, fleecy clouds so characteristic of Asselyn and other Italianate Dutch masters. » 719. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 420 ; L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 115. 720. F. Haskell, 1963, éd. cons. 1991, op. cit., p. 256. 721. L. Laureati, « Michelangelo delle battaglie », Paragone, XLIV, no 523-525, 1993, p. 53. 722. Id. : « Sebbene non siano note opere autografe del Leckerbetien, possiamo a ragione ritenere che, almeno per quanto riguarda l’attività di battaglista, il Cerquozzi si fosse orientato inizialmente sulla

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Analyse de l’œuvre

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inventaire après décès en 1660, ce qui pourrait signifier qu’il ne pratiquait plus ce

genre depuis plusieurs années723. Cerquozzi eut pour le moins une production variée :

bambochades, batailles, natures mortes ; cela pouvant expliquer pourquoi, comme le

souligne Haskell, au début des années 1640724 il ne redoutait pas la concurrence de

Courtois ; la peinture de bataille n’étant pas la seule corde à son arc725.

Aux alentours de 1630, Michelangelo Cerquozzi fréquentait Pieter Van Laer et

devint lui-même un peintre de bambochades, même s’il en proposa une version plus

romaine726. D’après L. Laureati, les scènes de bataille n’auraient été pour l’artiste

qu’un aspect parmi d’autres de la réalité quotidienne, telle qu’il la dépeignait dans

ses bambochades727. « Ainsi, sans variations stylistiques, ou de composition notables,

il peignait […] aussi bien la récolte des figues qu’un combat entre Turcs et

Chrétiens »728.

Mais, hormis Michelangelo Cerquozzi, duquel nous retrouvons peu d’emprunts

directs dans la peinture de Jacques Courtois, si ce n’est la reprise du fond de la

Bataille de la galerie nationale du palais Corsini, à Rome (voir cat. 83 et ill. 35 , vol.

II), il semble que les caractéristiques nordiques visibles dans la production de notre

artiste viennent, comme nous l’avions déjà noté pour les paysages, de Jan Asselijn.

La tête du cheval qui semble sourire (ill. 28 ), qui plut beaucoup à Courtois et que l’on

retrouve dans plusieurs batailles (cat. 53, 64 , par exemple), également cet emploi d’un

rouge saturé dans les vêtements, les capes tout particulièrement, nous paraissent

témoigner de l’intérêt que notre artiste porta au maître du Nord.

sua produzione. » ; P. Michel, « Le cardinal Mazarin : un collectionneur romain à Paris », Geografia del collezionismo, Italia e Francia tra il XVI e il XVII secolo, Rome, 2001, p. 336, nous en apprend un peu plus sur Vincent Leckerbetien. Il aurait travaillé au décor du palais Mazarin et l’inventaire après décès du cardinal, en 1661, mentionne un cabinet d’ébène orné de neuf tableaux représentant des batailles et des paysages, dus à ce peintre flamand et à Giovanni Francesco Grimaldi. 723. L. Laureati, 1993, op. cit., p. 54. 724. Né en 1602, Cerquozzi était alors âgé d’une quarantaine d’années, un peintre à la carrière déjà bien établie. 725. Cerquozzi réalise également de nombreuses natures mortes, en plus de ses bambochades. Ces dernières étaient le plus souvent des scènes quotidiennes du peuple romain, plutôt que des batailles. Voir l’article de G. Briganti, « Michelangelo Cerquozzi pittore di nature morte », Paragone, 1954, n° 53, p. 47-52. 726. L. Laureati, 1993, op. cit., p. 52 : « […] Michelangelo Cerquozzi [...] proponeva una versione locale di modelli nordici. » 727. Ibid., p. 58 : « […] il Cerquozzi concepiva la battaglia come uno dei tanti aspetti della vita dell’uomo forse per certi versi eccezionale ma non diverso. » 728. Id. : « Così, senza notevoli variazioni stilistiche e compositive, dipingeva [...] la raccolta dei fichi come lo scontro tra turchi e christiani. »

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Analyse de l’œuvre

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ill. 28 � Jan Asselijn, Rencontre de cavalerie, Amsterdam, Rijksmuseum

L’empreinte des Napolitains, Aniello Falcone et Salvator Rosa, s’avère également

importante, mais cependant plus tardive, intéressant davantage la production de

maturité. Nous savons dans deux lettres de 1663 à Vanghetti que Courtois

recherchait des tableaux originaux de Falcone (1607-1656) et qu’il parvint finalement

à en obtenir deux729, prouvant l’attention particulière qu’il accordait à l’œuvre du

peintre napolitain730. Dans les batailles de Jacques Courtois nous trouvons un

emprunt direct à l’art d’Aniello, celui de la figure du Turc vu de dos, en torsion vers

la gauche (ill. 29 ), reprise dans plusieurs batailles du Bourguignon (cat. 75 et cat. 88).

729. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 14, lettre du 25 juin 1663 : « […] se V. S. mi vol mandare quelli dei quadri di Daniello Falconi ché mi dice nel oltima sua pur ché siene originali et di queli, senza ilusione cio et che non siano rotti ne guasti li vedro volentieri et li saro fedele cio et corispondendo a V. S. in tante penelati che restara sodisfate perchè a dirla quelli che mi furne mandati da sig. Baschenis erano tanti maltrati che li ho persi la_ si che desidero aver qualche cosa che non abia patito di quel Daniele […] », et même page, lettre du 25 août 1663 : « Ho rice(v)uto li doi tondi del Falconi et la ringratia del favore […] » ; documents dans la chronologie raisonnée, à la date des lettres. 730. Bernardo De Dominici dans sa vita d’Aniello Falcone (Vite de’pittori, scultori, architetti napoletani, éd. 1843, III, p. 70-87) fait constamment référence à Courtois. Même si De Dominici n’est pas l’un des biographes les plus crédibles, souvent accusé d’être un fabulateur, le fait qu’il veuille rehausser le prestige de Falcone en disant que Courtois le maître du genre appréciait ses œuvres et qu’ils auraient échangé des tableaux, témoigne de la renommée que Jacques Courtois avait encore au milieu du XVIIIe siècle (De Dominici écrit ses Vite en 1742-43).

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Analyse de l’œuvre

176

ill. 29 � Aniello Falcone, Bataille entre Turcs et chrétiens, collection particulière

Filippo Baldinucci nous apprend dans sa notice biographique dédiée à Salvator

Rosa (1615-1673), que Courtois aurait également possédé une œuvre de cet autre

artiste napolitain. Nous croyons qu’il s’agissait de la Bataille aujourd’hui à la Galerie

Nationale d’Arte Antica du palais Corsini à Rome (ill. 39 , vol. II), dont le

Bourguignon fit des dessins (ill. 40-41 , vol. II), et une copie peinte (cat. 93)731. Comme

nous l’avions déjà constaté pour les paysages, Courtois emprunta à de nombreuses

reprises les figures du génial et inventif Rosa, et particulièrement celles de cette

bataille (ill. 39 , vol. II) : le barbu casqué (cat. 67 et cat. 102), l’homme qui s’enfuit en

tenant son visage blessé (cat. 82-83) ou encore les soldats désarmés qui en viennent

aux mains (cat. 97).

Enfin, Pierre de Cortone semble, comme pour les paysages également avoir eu

une influence sur Jacques Courtois, au travers de la Bataille d’Alexandre contre

Darius (ill. 4 ) du Palais des Conservateurs. Si le cortonesque Guillaume Courtois en

proposa une variante dans l’œuvre qui est aujourd’hui à Versailles (ill. 30 ), le

personnage de Constantin de Jacques Courtois, dans la Bataille du pont Milvius (cat.

120), tient à la fois de celui de Jules Romain (ill. 23 ) et de cette figure d’Alexandre de

Pierre de Cortone (ill. 4 ).

731. N. Lallemand-Buyssens, 2010, op. cit.

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Analyse de l’œuvre

177

ill. 30 � Guillaume Courtois, La Bataille d’Arbelles, Versailles, Musée national du Château

Jacques Courtois proposa des scènes probantes, empreintes d’une vérité de

situation et d’action qui emportèrent l’adhésion. Ces représentations du Borgognone,

fortes et vraies, seront très vite prisées ; ses combattants s’affrontant furieusement

dans des scènes convaincantes. La plupart de ses batailles ne reprennent pas un

évènement militaire précis, à la gloire d’un prince ou d’un chef de guerre, et sont tout

à fait caractéristiques de ces scènes de combat du Seicento, chocs anonymes sans

caractérisation historique précise732. L’artiste s’est également plu à dépeindre d’autres

phases militaires comme les déplacements de troupes, les instants qui précèdent

directement l’engagement et aussi les suites de combats, y montrant sans détour le

secours aux blessés, l’administration des derniers sacrements aux mourants ou encore

le dépouillement des cadavres.

Fréquemment, par un cadrage serré, il met en évidence l’activité de quelques

protagonistes qui émergent de la mêlée. Les visages expriment la rage ou la peur. Les

cris, le bruit des chutes, la respiration des chevaux et le choc des armes deviennent

presque perceptibles. Le vent dans les crinières, le tourbillonnement des étendards et

la fumée des canons et des pistolets se mêlant aux nuages donnent une impression de

mouvement étourdissant. Courtois peint un spectacle puissant et émouvant qui

entraîne le spectateur dans le tourbillon de la bataille.

Bien que Jacques Courtois ait réalisé quatre grandes batailles historiques pour

Mattias de Médicis, il apparaît néanmoins que ce n’est pas dans ce registre qu’il

excellait. L’exécution de celles-ci, comme la réalisation des gravures du De Bello 732. F. Saxl, 1939-1940, op. cit.

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Analyse de l’œuvre

178

Belgico en 1647, ne démontre pas une réelle capacité à apprécier et à rendre la

bataille historique dans son ensemble, mais tient plutôt en une juxtaposition

d’épisodes dissociés, étrangement assemblés, sans véritable cohérence narrative.

Courtois semble s’être appliqué à respecter, les trois codes de représentation du

genre : la perspective cavalière, la topographie et la présence du chef de guerre733,

mais sans parvenir à l’équlibre de l’ensemble et à une bonne lisibilité de

l’évènement.

Nous remarquons que ce n’est pas ce type de représentations qu’on lui envia et

qui inspira abondamment les autres peintres, mais ses combats anonymes, avec la

mise en évidence de quelques protagonistes.

Qu’est-ce qui dans ses scènes, à partir d’un sujet qui n’est pas nouveau, imposa

Jacques Courtois comme une des références du genre en Italie, lui valut d’être copié,

ainsi que des critiques majoritairement élogieuses ?

Filippo Baldinucci louait chez Jacques Courtois ses batailles « vere e non

finte »734, « réelles et non pas feintes ». Un jour que le biographe lui demandait les

raisons du réalisme de ses scènes, l’artiste répondit qu’il représentait ce à quoi il

avait assisté en direct735.

Avant toute considération purement structurelle, en étudiant le traitement du sujet,

apparaît déjà un premier élément de réponse. Il semble en effet qu’avant toute chose,

ce soit le répertoire figuratif de Courtois, plein de force et de vérité, qui ait fait son

succès, comme il avait fait celui de Jacques Callot. Les deux artistes expérimentèrent

directement la guerre, qui les marqua à tout jamais, imprimant dans leur esprit des

images qui y restèrent profondément gravées. Celles que Courtois avait

emmagasinées constituèrent le fondement nourricier de sa création736.

733. C. Foissey, « Jacques Callot à la loupe », L’art de la guerre – La vision des peintres aux XVIIe et XVIIIe siècles, 1998, p. 17. 734. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 419. 735. Id. : « […] l’interrogai, com’egli avesse mai potuto dare alle sue battaglie tanta verità, con dimostrazioni sì proprie, in gran varietà di accidenti : al che egli rispose : che dipigneva tuttociò, ch’egli aveva veduto in fatto. » 736. Parmi les nombreux peintres de batailles, suiveurs de Jacques Courtois, Christian Reder dit Monsù Leandro et Pandolfo Reschi, se distinguent des autres. Ce sont d’anciens soldats...

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Analyse de l’œuvre

179

Le répertoire iconographique de l’artiste

Avant d’analyser les formules que Jacques Courtois utilisa, il convient de dégager

ce qui prévaut dans son répertoire. De nombreux motifs sont en effet tout à fait

caractéristiques de son œuvre, souvent utilisés en leitmotivs, qu’il s’agisse des

figures animant les représentations ou des composantes de l’environnement dans

lequel elles évoluent, détails iconographiques revenant de manière récurrente.

L’ensemble constitue les premiers indices participant de la démarche

d’authentification des œuvres de l’artiste.

Les figures

Les deux grands acteurs des batailles de Jacques Courtois, l’homme et le cheval, y

sont rarement dissociés. En effet, le peintre a privilégié la représentation de chocs de

cavalerie, mais aussi les instants qui les précèdent ou qui les suivent directement,

avec ces mêmes acteurs se préparant au combat ou se relevant de l’engagement. S’il

arrive dans certaines représentations que quelques fantassins participent à ces

combats et que nous remarquions également des pièces d’artillerie, la plupart du

temps les cavaliers et leur monture tiennent le devant de la scène ; ce qui va à

l’encontre de la composition réelle des armées du temps - la cavalerie ne représentait

en moyenne qu’un cinquième des effectifs, contre quatre cinquièmes pour

l’infanterie737 -, et de la force effective de chaque arme. Dès le milieu du XVIe siècle,

la cavalerie n’était plus l’arme dominante. La Renaissance avait vu une évolution des

combats en rase campagne, au cours desquels la puissance de feu de l’artillerie et des

fantassins avait remplacé les charges à franc étrier et les combats au corps à corps738,

pour aboutir au XVIIe siècle à « l’éclipse de la cavalerie au profit de l’infanterie

dans beaucoup d’armées […] »739.

Les scènes de Courtois ne rendent donc pas compte de l’évolution des différentes

armes, d’une réalité militaire globale, où la cavalerie n’est plus prégnante. Elles

témoignent certainement, d’une part, de l’expérience personnelle de l’artiste,

737. G. Parker, 1988, éd. cons. 1993, op. cit., p. 99 : « […] pendant un siècle après Pavie, peu d’armées occidentales eurent plus de 10% de leur effectif combattant à cheval. […] Dans l’idéal, on estimait une armée en opération à 10500 hommes de pied et 2550 chevaux. Dans les années 1640, un officier expérimenté comme Georges Monck considérait encore que les troupes montées devaient constituer un quart ou un cinquième d’une armée engagée principalement dans une guerre de siège. » 738. Ibid., p. 43-44. 739. Ibid., p. 50.

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Analyse de l’œuvre

180

transposant sur la toile son propre vécu, précisément dans une compagnie de

cavalerie. D’autre part, l’impact esthétique de scènes où hommes et animaux sont

étroitement mêlés, empreintes d’un sentiment de noblesse, n’est pas à négliger740.

Dans la mise en valeur du cavalier, nous percevons de nobles réminiscences d’autres

temps, dans la lignée des poèmes épiques du XVIe siècle reprenant l’image du

chevalier médiéval.

Le cavalier et sa monture, véritables compagnons, durablement associés souvent

jusqu’à la mort, constituent donc les acteurs majeurs des scènes de Courtois.

Certaines figures humaines, bien différenciées, apparaissent systématiquement

dans l’œuvre de l’artiste, qu’elles prennent part à l’action ou bien qu’elles soient au

repos. Celles-ci ont une fonction militaire précise et sont identifiables grâce à un

attribut vestimentaire ou à un objet qui leur est associé. Ces personnages favoris de

Courtois, omniprésents dans son œuvre et particulièrement mis en exergue sont : le

chef de cavalerie, le porte-étendard, l’enseigne, le trompette et le tambour. S’ils

tenaient tous un rôle essentiel dans le déroulement des combats, Courtois leur réserva

une place privilégiée aussi parce qu’il s’agissait de personnages esthétiques, à la forte

présence, qui s’imposaient visuellement de belle manière, se détachant du gros de la

troupe.

Le commandant de cavalerie

Nous le reconnaissons à son corselet et à son écharpe de couleur, en sautoir ou en

ceinture, ainsi qu’à son chapeau à plume. Ceintures et plumes avaient une grande

importance car au XVIIe siècle le port de l’uniforme n’était pas encore généralisé, et

« la seule façon pour les officiers de distinguer leurs hommes de ceux de l’ennemi

était de faire en sorte que tous ceux du même camp portassent un insigne de même

couleur, généralement une écharpe, un ruban ou une plume. Les soldats des

Habsbourg, qu’ils fussent espagnols ou autrichiens, portaient toujours une marque

rouge ; les Suédois une jaune ; les Français, une bleue ; les Hollandais, une marque

740. A. Corvisier (dir.), Dictionnaire d’Art et d’Histoire militaire, Paris, 1988, p. 158 : « Les troupes montées ont la réputation d’être une arme aristocratique. »

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Analyse de l’œuvre

181

orange »741. Les combats entre Occidentaux, mis en scène par Jacques Courtois,

opposent la plupart du temps des soldats arborant une écharpe bleue, à d’autres

protagonistes à écharpe rouge (cat. 68 , par exemple). Il ne faut pas y chercher un

indice historique (une opposition systématique Habsbourg/Français), au risque de

surinterpréter la scène car il s’agit avant tout d’une recherche esthétique, celle d’une

opposition de couleurs, entre touches rouges et contrepoints bleus, renforçant

visuellement l’affrontement de la soldatesque.

Le chef de cavalerie est toujours représenté à cheval, qu’il s’apprête à lancer

l’offensive, ou venant après le combat au milieu des blessés. Courtois le place

souvent de manière très distincte du reste de la troupe, renforçant ainsi sa position

hiérarchique. Il le représente la plupart du temps en train de faire un geste noble, le

bras tendu avec son bâton de commandement ou son épée (cat. 28, 60, 89). C’est lui

qui dirige les opérations, on lui obéit. Cette gestuelle existait déjà comme nous en

avons fait précédemment la remarque chez Vasari, Tempesta et Callot ; Courtois

n’en est donc pas l’inventeur mais la reprit à son compte.

Porte-étendard et enseigne

Le porte-étendard de cavalerie ainsi que l’enseigne d’infanterie ont également une

place de choix dans les scènes de Jacques Courtois. Hormis le port d’écharpes de

différentes couleurs, l’étendard et le drapeau, étaient les symboles respectifs de la

compagnie de cavalerie et du régiment d’infanterie, un signe de ralliement auquel les

soldats étaient très attachés. Mais en plus de l’affection qu’on pouvait porter à ses

couleurs, elles avaient surtout un rôle direct dans l’attribution de la victoire ou la

constatation d’une défaite. Geoffrey Parker dit à ce sujet : « De fait, la plupart des

récits de l’époque paraissent bien attribuer la victoire sur le champ de bataille à celui

qui a pris le plus de “couleurs”, la défaite à celui qui en a le plus perdu ; dans

nombres d’actions confuses, ce mode d’évaluation du succès était vraisemblablement

le seul possible »742.

Mais les envolées de drapeaux et les étendards flottant au vent furent aussi pour

les peintres le moyen, très esthétique, de marquer le mouvement et d’animer les

représentations par des taches colorées. Courtois s’est plu à la suite de prédécesseurs

741. G. Parker, 1988, éd. cons. 1993, op. cit., p. 102. 742. G. Parker, The Thirty years’ war, Londres-Boston-Melbourne, 1984, éd. cons. La guerre de Trente ans, [Paris], 1987, p. 286-287.

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Analyse de l’œuvre

182

prestigieux comme Piero della Francesca ou Giorgio Vasari à leur donner de

magnifiques teintes et à les faire ondoyer. Si l’enseigne agrippé à la hampe de son

drapeau semble avoir été repris de Tintoret comme nous l’avons évoqué plus haut,

Courtois est lui-même l’inventeur de certaines attitudes. L’enseigne drapé dans ses

couleurs (cat. 89 , par exemple) est de son cru et sera maintes fois copié (voir C. 89a-b

et R. 9, par exemple).

En ce qui concerne les drapeaux et étendards, la vexillologie ne nous est pas d’un

grand secours dans les représentations de Courtois, afin d’identifier les forces en

présence. L’étendard favori de l’artiste, à bandes rouges, blanches et bleues (cat. 27,

30, 40), est seulement un choix esthétique sans signification particulière. À de très

rares exceptions, comme dans la Bataille de Mongiovino (cat. 55), où l’on distingue

l’étendard à tourteaux de gueule des Médicis, il est possible de lier une famille ou un

commanditaire précis (ici Mattias de Médicis) à la bataille représentée. À deux autres

reprises, nous remarquons l’aigle bicéphale noir du Saint-Empire romain

germanique, sur un drapeau (cat. 73) et sur une bannière de trompette (cat. 89). Cet

indice n’est cependant pas suffisant pour permettre d’identifier précisément le

commanditaire ou encore l’épisode historique représenté, si toutefois il s’agit d’un

combat ayant réellement eu lieu, ce qui n’est pas certain.

Trompette et tambour

Le trompette de cavalerie et le tambour d’infanterie, sont deux autres personnages

qui tiennent une place de choix dans les scènes de Jacques Courtois. Par

l’intermédiaire du trompette étaient transmis les ordres de commandement aux

cavaliers et le tambour rythmait le pas des fantassins743. Ils avaient donc tous deux un

rôle primordial dans les mouvements de troupes.

Les buccinateurs de Jules Romain et les trompettes aux joues gonflées de Giorgio

Vasari sont des précédents qui marquèrent Courtois. Nous retrouvons les joueurs de

buccins zoomorphes dans ses batailles antiques (cat. 91-92, 120), ainsi que dans les

combats de l’Ancien Testament (cat. 117-118 , cat. 126-127). Quant au trompette

« moderne », il est aussi souvent présent dans les représentations de Jacques

Courtois, avec ce détail qui lui plut tant, ses joues gonflées (cat. 28, 33-34, 43, 71, 89).

743. A. Corvisier (dir.), 1988, op. cit., p. 601 ; E. Wagner, Costumes et coutumes militaires de la guerre de Trente ans, Paris, 1979, p. 57-58.

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Analyse de l’œuvre

183

Enfin, l’image dramatique du tambour d’infanterie crevé, renversé sur la tranche

et abandonné à terre (cat. 76 , 80), semble être une interprétation personnelle d’un

motif anecdotique qui existait déjà chez les peintres du Nord comme Palamedes

Palamedesz I, Jan Martszen II et aussi chez Jan Asselijn (ill. 28 ), ce dernier étant sans

doute celui qui influença directement Courtois.

Les blessés et les morts

Ils sont représentés au premier plan, souvent dénudés (cat. 28 , 34, 41). Courtois

insiste sur les corps abandonnés, la blancheur des chairs, avec des effets de lumière,

souvent sur un buste et un bras légèrement replié (cat. 40, 97), sur un visage (cat. 26, 38,

46, 57, 76, 94, 98), ou encore sur un crâne rasé (cat. 71) ou dégarni (cat. 41, 77-78), effet

cocasse dont il paraît être l’inventeur. Si un sentiment de dérision en émane, l’effet

d’éclairage sur le crâne semble également avoir une signification plus profonde,

renvoyant à la vanité des activités humaines, dont l’agitation des gens de guerre ; un

memento mori dans des représentations d’affrontements violents, desquels il semble

impossible de réchapper.

Ce personnage rasé ou dégarni, la lumière se reflétant sur son front, apparaît de

manière récurrente dans l’œuvre de Jacques Courtois, et constitue l’une des

signatures de l’artiste.

Le Turc

Certaines représentations de Jacques Courtois mettent aux prises Turcs et

Occidentaux, ou Turcs et chrétiens, titre le plus souvent porté par ces œuvres (cat. 75-

76, 84-85, 88, 96- 98, 102-103).

Chez l’artiste, le « Turc » est caractérisé par son turban et par une longue tunique

coupée aux coudes, laissant apparaître une chemise blanche plus fine dont on

aperçoit surtout les manches (cat. 76). Le personnage porte également une ceinture de

soie ou de coton. Son portrait moral est traduit par des traits rudes et des yeux

perçants (cat. 79, 95, 98). Sa grande force physique, ainsi que sa détermination, sont

rendues par une musculature hypertrophiée (cat. 76, 102). Quelques figures

apparaissent aussi dans ces tableaux le crâne rasé, parfois surmonté d’une houppe de

cheveux (cat. 99). Ces détails iconographiques illustrent l’idée qu’on avait alors du

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Analyse de l’œuvre

184

« Turc », en partie construite sur les récits de voyage744, mais aussi produit de

l’imagination, de fabulations ancrées dans la mémoire collective occidentale.

La figure du Turc fut un prétexte esthétique, qui donna à Jacques Courtois

l’opportunité d’insister sur le moiré des étoffes (cat. 100), les boutons brillants

fermant les tuniques (cat. 76), ou encore sur les peaux de tigre ou de lion, tapis de

monte de cavaliers chevauchant à cru (cat. 84, 102).

L’image du Turc proposée dans ces scènes de bataille est tout à la fois menaçante

et séduisante, mélange de noirceur et de scintillements, témoignant de la répulsion

mais aussi de l’attrait pour cet étranger, proche voisin si différent. Elle rejoignait

celle qui apparaissait dans la littérature distractive des Temps modernes, où se

côtoyaient déjà le détestable et le merveilleux de l’Islam745.

Dans de très rares cas, il s’agit de combats historiques précis, comme par exemple

la Bataille d’Antioche (cat. 106*). Mais la grande majorité n’a aucune correspondance

directe avec des évènements réels. Cependant dans certaines représentations, la

présence des couleurs des forces qui s’affrontent, drapeaux ou étendards portant pour

les uns les trois demi-lunes blanches sur fond rouge ou vermeil (cat. 80, 94), et pour

les autres la croix de Malte (cat. 80, 95), marquait la volonté de signifier, sans

équivoque possible, des combats entre Turcs et Chrétiens.

Si l’image de l’ennemi turc au turban fut donc clairement énoncée et comprise de

manière littérale, c’était aussi une image symbolique, désignant le protestant,

englobant ainsi en plus de l’adversaire extérieur, l’ennemi chrétien de l’intérieur,

tous deux étant perçus comme des agents de Satan746.

Le traitement du thème de la Victoire de Narsès sur Totila (cat. 147), célébrant la

puissance de la Vierge victorieuse de l’hérésie, en fournit un exemple747. Narsès,

considéré comme l’un des « nobles champions » de la Vierge, homme très pieux,

faisait preuve d’une grande dévotion envers celle-ci. Dans son entreprise de 744. Y. Bernard, L’Orient du XVIe siècle à travers les récits des voyageurs français : regards portés sur la société musulmane, Paris, 1988, p. 133 : « Tous les voyageurs ont été marqués par la force et l’adresse de ce peuple au combat » et p. 135 : « C’est un peuple doté d’un regard furieux et cruel ; […] Les Arabes craignent toujours plus pour la vie de leurs chevaux que pour la leur. » 745. M. Rodinson, The western image and western studies of Islam, Paris, 1968, éd. cons. La fascination de l’Islam, Paris, 1989, p. 41-43. 746. J. Delumeau, La peur en Occident, XIVe-XVIIIe siècles, Paris, 1978, p. 22. 747. S. F. Ostrow, 1996, op. cit., p. 228.

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Analyse de l’œuvre

185

libération de l’Italie du joug des Goths de Totila, ayant invoqué l’aide de Marie,

après avoir reçu son signe, il engagea la bataille et parvint à se défaire de l’occupant.

Les Goths, peuple germanique non chrétien, furent assimilés aux protestants ; ils

figurent en peinture, en Turcs, coiffés du turban.

Les habits du Turc furent donc les effets endossés par les ennemis religieux

contemporains, Turcs et protestants, mais également par ceux du passé. L’amalgame

fut aussi réalisé entre Sarrasins, Maures, et Turcs, mais aussi avec les Amalécites et

les Amorites, adversaires des Hébreux dans l’Ancien Testament. Ainsi, le turban

servit-il aussi bien à figurer de « véritables Turcs », que les Goths de Totila (cat. 147),

mais également les Maures défaits par saint Jacques (voir la Bataille de Clavijo

d’Aniello Falcone, ill. 31 ), ou encore les Amalécites et les Amorites opposés aux

Israélites dans les batailles que livra Josué (cat. 117-119, 122-123 , par exemple). Les

soldats hébreux, quant à eux, tout proche-orientaux soient-ils, y sont occidentalisés,

se présentant romanisés.

ill. 31 � Aniello Falcone, Saint Jacques à la bataille de Clavijo, localisation actuelle inconnue

Plutôt que de se servir de la figure allégorique de l’hérésie de Cesare Ripa, plus

savante, qui fut finalement peu employée dans les images748, celle du « Turc » à

l’inverse fut abondamment usitée, désignant l’ennemi religieux quel qu’il soit,

englobant hérétiques et infidèles en tout genre.

748. B. Dompnier, « Les marques de l’hérésie dans l’iconographie du XVIIe siècle », Visages de l’hérétique, Clermont-Ferrand, 1995, p. 83.

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Analyse de l’œuvre

186

Enfin, au-delà de tout affrontement armé, l’image de cet Autre, voisin si différent,

servit aussi à désigner plus globalement l’étranger. Par exemple, les Canariens

assistant depuis la rive au martyre des quarante pères jésuites (cat. 156), ne prenant

aucune part au massacre des religieux, sont figurés en Turcs. Ce ne sont ici pas des

ennemis, ni même une menace, seulement des étrangers, quelque peu exotiques.

Nous constatons que le thème de l’affrontement entre Turcs et chrétiens fut peu

représenté par notre artiste pendant sa première moitié de carrière (deux fois

seulement, cat. 29 et cat. 51), mais à plus de vingt reprises au cours de la seconde, à

partir de 1656-1657 (cat. 71 , 75-76, 79-82, 84-85, 88, 90, 94-100, 102-104). L’influence du

milieu culturel, dans lequel Courtois évoluait depuis près de vingt ans, la demande

pour ce thème en Italie, représenté à de nombreuses reprises par les peintres

napolitains, notamment par Salvator Rosa pour les Médicis (ill. 32 ), est à prendre en

considération.

ill. 32 � Salvator Rosa, Bataille entre Turcs et chrétiens, 1642, Florence, Palais Pitti

Dans l’Italie du XVIIe siècle, l’image du Turc, souvent présente dans la peinture

de bataille, à la fois figure esthétique, image comprise littéralement mais aussi

symbolique, revêtit donc des acceptions et des fonctions diverses. Si l’on excepte les

desseins dynastiques médicéens en Toscane, l’attrait pour ces combats opposant

Turcs et Chrétiens fut essentiellement une histoire de goût, une mode picturale, qui

se développa dans les grands centres dynamiques de la péninsule, se diffusant ensuite

moins rapidement, et plus tardivement, dans les cités à l’économie moins florissante,

mouvement qui se poursuivit au XVIIIe siècle. Si la figure du Turc s’avéra idéale

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Analyse de l’œuvre

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pour le spectacle baroque, offrant ses traits orientaux et ses effets exotiques aux

artistes, se concentra aussi sur elle les ressentiments des Occidentaux catholiques.

Elle devint une convention de représentation, permettant de désigner opposants

religieux, anciens et modernes. Le Turc vite esquissé à l’aide de son turban,

immédiatement reconnaissable, compris de tous comme l’ennemi, solutionna les

problèmes iconographiques que posait la nécessité d’une différenciation visuelle

entre catholiques et protestants, par exemple, ou encore entre Hébreux et Amorites

ou Amalécites. Cette utilisation faussée, mais explicite, fonctionna car elle reposait

sur un antagonisme séculaire, la confrontation ancienne de deux cultures, qui

s’étaient affrontées militairement à de nombreuses reprises, et s’opposaient sur de

nombreux plans, notamment religieux et politique.

Les chevaux

Le cheval est l’autre grand acteur des scènes de Courtois. Il est omniprésent, que

ce soit dans les combats, les épisodes qui précèdent la bataille ou ses suites.

Il est l’élément transmetteur de prestige, celui qui fait passer l’aura du chevalier

médiéval au cavalier des Temps modernes, et de manière concrète, celui qui élève le

cavalier au-dessus de la simple piétaille. Les nombreux portraits et statues équestres,

des monarques et des grands personnages de l’époque, témoignent de l’acception de

puissance et de prestige liée à cette représentation à cheval

Le cheval occupait alors une place importante dans la vie courante et pas

seulement sur le plan militaire. Il est le moyen de déplacement le plus rapide sur

terre, et Daniel Roche rappelle qu’« entrées, joutes, tournois, carrousels ont

longtemps tenu une place prioritaire dans la ville moderne »749. Il est à l’époque

moderne indispensable à l’homme et à la plupart de ses activités.

Mais plus encore que l’utilité qu’on peut en tirer, il est initiateur de passion. On se

souvient des Gonzague qui au XVIe siècle firent orner une salle de leur Palais du Te,

avec l’image et le nom de leurs chevaux favoris, et que dire de la « passion des

chevaux, naturelle chez un Bourguignon »750. C’est dans des compagnies de cavalerie

légère et avec leurs chevaux que les Comtois acquirent leur réputation de soldats de

valeur en participant aux campagnes militaires des Habsbourg, « en Italie contre le

749. D. Roche (dir.), Le cheval et la guerre, Paris, 2002, p. 33. 750. J.-F. Solnon, 1983, op. cit., p. 58.

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Analyse de l’œuvre

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roi de France qui dispute la péninsule aux Habsbourg, en Allemagne contre les

protestants rebelles à l’empereur, en Méditerranée où les Infidèles menacent la

Chrétienté »751. La Comté était déjà à l’époque une région d’élevage et elle fournissait

les armées en chevaux.

Ce plaisir à peindre les chevaux est manifeste chez Jacques Courtois. Nous

pouvons penser qu’il eut l’habitude de les côtoyer et de les dessiner pendant sa

jeunesse et ensuite sur le champ de bataille. Il traduit dans ses scènes avec beaucoup

de vérité, la peur dans les yeux des animaux et leurs naseaux dilatés. Il les montre

blessés et chutant lourdement, et c’est en grande partie par leur intermédiaire, que le

peintre réussit à conférer à ses représentations leur charge émotionnelle.

Dans son œuvre, les scènes dont le cheval est absent sont extrêmement rares. Tout

semble prétexte à leur représentation, pas seulement dans les batailles ou autour des

combats, mais aussi dans la peinture religieuse et les paysages. Nous notons de

nombreux poncifs, comme le cheval de couleur claire, blanc ou gris, au premier plan

(cat. 27-28, 33, 40, 43, 46 , par exemple), ainsi qu’une tête de cheval, crinière au vent,

émergeant de la mêlée, et présentant toujours le même profil, le droit (cat. 53, 64),

vraisemblable emprunt à Jan Asselijn (voir ill. 28 ). Par l’intermédiaire des chevaux, le

peintre anime visuellement ses scènes. En leur donnant des robes de couleur

différente et en les alternant, il parvient à donner encore davantage de rythme à ses

tableaux.

Les figures comme moyen d’authentification et de da tation

Les types physiques et l’évolution des figures, notamment les traits de visage des

hommes et l’aspect des chevaux, permettent d’authentifier les œuvres de Courtois et

aident également à estimer leur datation. La façon de représenter les figures est

identique pour une période donnée, avec une tendance à l’accentuation des caractères

physiques, une exagération de leurs traits et de leur expressivité, au fur et à mesure

que l’on avance dans le temps.

Tous ces personnages peints par Jacques Courtois ont des types physiques

particuliers. Leur examen rigoureux et détaillé est primordial car si les différentes 751. Ibid., p. 47.

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Analyse de l’œuvre

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figures du peintre, avec leurs gestes et leurs attitudes, ont été copiées à maintes

reprises, chaque artiste avait une manière bien à lui de les représenter ; les figures

s’avérant de véritables signatures.

Leurs caractéristiques, leurs attitudes et leur expressivité (ou bien encore leur

absence d’expression), leur évolution dans le temps permettent aussi d’estimer la

date de réalisation des œuvres. Les premières figures de Jacques Courtois sont assez

inexpressives, ne poussant aucun cri ; les visages ne reflètent aucune peur ou rage.

Les chevaux présentent une tête fine au museau effilé et les combattants moustachus

ou barbus au nez fins ont des visages communs (cat. 26-31). Leur tenue vestimentaire

est de plus assez peu individualisée, très répétitive.

L’évolution progressive va vers un renforcement des traits de visage - l’artiste

dépeignant de rudes et farouches combattants -, vers une accentuation des

expressions et l’exagération des musculatures des hommes et des chevaux.

Faiblesses des figures : formation lacunaire ou ten dance maniériste ?

L’étude des œuvres de Courtois fait apparaître, tout particulièrement dans les

scènes de bataille et autour des combats, des faiblesses dans la représentation des

figures. Parfois les proportions ne sont pas correctes (un cheval mort au premier plan

peut avoir la taille d’un chien, cat. 60), les raccourcis sont trop accentués (les jambes

du blessé, cat. 105 , ou l’épée qui ne ressemble plus qu’à un poignard, cat. 86 et cat. 88),

mais les plus flagrantes sont sans doute les maladresses anatomiques, problème

récurrent chez Courtois, particulièrement la difficulté dont il fait montre dans le

rendu de certaines articulations en mouvement, défaut que Watelet et Lévesque

avaient observé752. Torsions du cou improbables, des hommes (cat. 85) et des chevaux

(cat. 35), buste trop long (cat. 88), poignet retourné (cat. 89), épaule déboîtée (cat. 98).

752. C.-H. Watelet, P.-C. Lévesque, 1792, I, op. cit., p. 187 : « (certains peintres de batailles) qui n’ont pas vu seulement une escarmouche, s’excitent à renchérir sur les désirs de leurs Amateurs, & exagèrent tellement les actions, les mouvemens, les expressions, qu’ils déboîtent les membres & estropient leurs combattans avant qu’ils soient frappés, ou qu’ils ayent éprouvé la moindre chûte ». Les auteurs terminaient leur notice en prodiguant des conseils, incitant les peintres à se rendre sur le champ de bataille, sinon à étudier l’anatomie afin de respecter dessin et proportions. Ibid., p. 189 : « Si vous êtes donc entraîné irrésistiblement à peindre des batailles, allez dans les champs de combats, & observez-y de sang-froid les expressions & les accidens ; &, si cette manière d’étudier vous semble trop hasardeuse, étudiez au moins l’anatomie des hommes & des animaux, & ne perdez pas de vue, dans le feu de l’action, les principes du dessin & de la véritable harmonie. »

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Analyse de l’œuvre

190

Nous pouvons considérer que cela témoigne soit de réelles difficultés techniques,

d’une incapacité à rendre correctement la réalité de certains mouvements, dues à une

formation écourtée ou incomplète, avec pas ou peu d’études anatomiques, soit d’un

manque d’application, voire d’une action volontaire de la part de l’artiste, ce qui

nous paraît moins probable. Quand Jacques Courtois reprit la Bataille de cavalerie

(cat. 35) pour réaliser le tableau de Karlsruhe (cat. 36), il ne corrigea pas directement

la faiblesse de l’encolure du cheval sans doute parce qu’il en était incapable mais

contourna le problème en présentant l’animal avec une nouvelle tête dans le

prolongement du cou sans plus aucun mouvement de torsion.

Ces difficultés se remarquent du début à la fin de carrière de l’artiste, sans

amélioration, ce qui pèserait en faveur d’un manque de formation. Il ne parvint

jamais vraiment à combler cette lacune même quand il fut plus expérimenté.

Malgré l’intérêt de l’artiste pour l’œuvre de Vasari et de Tintoret, il ne nous

semble pas que ces « défauts » anatomiques, bustes trop longs par exemple, soient

des touches maniéristes volontaires.

Quand Baldinucci loue les batailles de Jacques Courtois qui paraissent « réelles et

non pas feintes », c’est sans doute davantage pour la véracité des situations, que pour

la vérité du rendu...

Les scènes de Jacques Courtois

Hormis les figures individuelles de l’artiste, dont on a vu qu’elles n’étaient pas

toutes de son cru, ses grands apports iconographiques tiennent aussi et peut-être

surtout dans ses scènes convaincantes, tirées de son expérience militaire milanaise,

de ses propres souvenirs (c’est d’ailleurs ce qu’il déclara lui-même à Baldinucci : il

peignait ce qu’il avait réellement vu753).

Concernant les combats proprement dits qui, la plupart du temps, mettent aux

prises quelques cavaliers vus en plan rapproché, deux actions se détachent. Elles

opposent deux protagonistes s’affrontant au pistolet ou à l’arme blanche, dans une

action simultanée des deux guerriers, ou bien présentant l’un des adversaires qui

devance le geste de son ennemi. Dans ces affrontements, le coup de feu tiré à bout

portant (cat. 26-27, 31, 33, 35-36, 38-39, 46-47, 58, 67-68, 70, 73-74, etc.) et les épées

753. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 419.

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Analyse de l’œuvre

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s’apprêtant à porter un coup (cat. 69, 71-72, 76, 79-80, etc.) sont les images fortes qui

ressortent des représentations de Courtois, actions accentuées visuellement par la

fumée sortant du pistolet et l’effet de lumière sur l’avant-bras qui tient l’épée ou le

sabre.

Des détails poignants comme le cheval blanc ou gris s’effondrant sur ses

antérieurs (cat. 79, 84, 90, 96-98), le tambour crevé (cat. 49, 55, 76, 80), ou plus

anecdotiques, tel le drapeau replié appuyé sur un tronc d’arbre ou sur un rocher (cat.

44-45), ou encore le chapeau des cavaliers s’envolant dans le feu de l’action (cat. 64,

69, 86) participent à la théâtralisation des représentations.

Dans les suites de combat, Courtois choisit de privilégier les scènes émouvantes,

comme le dépouillement des morts (cat. 28, 41, 61), les derniers sacrements donnés

aux mourants (cat. 105), ou encore le champ de bataille jonché de cadavres (cat. 34,

60).

Ce sont ces scènes qui lui seront empruntées à maintes reprises.

Les fonds de batailles

L’intérêt de Courtois pour le paysage se retrouve dans l’élaboration de ses fonds

de bataille soignés. Rares en effet sont les représentations de combat desquelles le

paysage est absent (cat. 69 et 71), que ce soit celles de chocs de cavalerie vus avec un

cadrage serré, dans lesquelles l’ouverture, la plupart du temps latérale, permet de

distinguer le paysage dans le lointain (cat. 27-28, 32 , par exemple), ou dans de vastes

représentations, vues avec davantage de recul, laissant une part plus importante au

cadre dans lequel se déroule la scène (cat. 48-51, 52-55, 57).

Des leitmotivs iconographiques marquent cet environnement où évoluent les

figures de Jacques Courtois. Deux catégories de motifs reviennent fréquemment : les

constructions humaines et les montagnes. Les premières sont soit des villes entières

avec des éléments de fortification, placées en fond de scène, soit des constructions

isolées. La tour ronde et le pont, également fortifiés, ont sa préférence. Les monts ou

les montagnes, parfois enneigées, sont quant à eux omniprésents, si bien qu’on peut

se demander si le peintre n’a pas été, comme bon nombre de voyageurs de l’époque,

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Analyse de l’œuvre

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profondément marqué par son passage des Alpes, lorsqu’il se rendit en Italie754. Ces

montagnes sont parfois représentées aux plans intermédiaires (cat. 48, 59 , par

exemple), cependant il est à noter que, la plupart du temps, elles constituent une des

composantes du lointain, peintes dans des tons gris-bleu pâles, participant de

marquer la perspective atmosphérique.

Nous retrouvons également les éléments dont nous avons déjà parlés pour les

paysages : l’arbre repoussoir ou une branche morte occupant fortement l’un des

angles inférieurs ou l’un des côtés de la représentation (cat. 45, 48-49, 62, 74, 103).

Enfin, notons l’importance du ciel et des fumées émanant de la bataille. La plupart

du temps, une épaisse colonne de fumée monte vers le ciel et se mêle aux nuages.

L’ensemble se détache sur un fond de ciel bleu lumineux. Les nuages blancs et gris,

de type cumulus, présentent de grosses volutes cotonneuses et, de manière tout à fait

caractéristique, vont en s’évasant vers le bord haut du tableau, comme s’ils s’y

écrasaient, autre effet visuel trahissant le pinceau de Jacques Courtois (cat. 31, 37, 46,

51, 55, 57, par exemple).

En ce qui concerne cette occupation de l’espace, nous pouvons ajouter que dans

les chocs de cavalerie et les représentations des suites de combat, la scène principale

occupe souvent les deux tiers du tableau et le paysage le tiers restant. Malgré cette

relative importance de la scène par rapport au paysage, ce dernier est toujours

présent, témoignant d’un réel intérêt de l’artiste. Le rapport scène-paysage va même

parfois s’inverser, le paysage devenant alors le véritable sujet du tableau malgré la

présence de quelques petits cavaliers qui n’ont plus qu’un rôle de figurants (cat. 45,

par exemple).

754. M. Beal, A Study of Richard Symonds, New York, 1984, p. 26, nous dit au sujet du passage des Alpes de l’Anglais Richard Symonds, se rendant en Italie : « This passage over the Alps was too dangerous to be undertaken alone, so he was accompanied by a ‘vetturino’, a guide familiar with the route, who arranged meals, lodging and the hire of horses, on the way. Like many other seventeenth century travellers, Symonds found the Alpine crossing a hazardous experience. »

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Analyse de l’œuvre

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Les formules de l’artiste

Après avoir passé en revue les éléments iconographiques les plus caractéristiques

du répertoire de Jacques Courtois, il convient désormais d’étudier les formules qu’il

utilisa. L’ordonnancement de ses œuvres, ses schémas de composition privilégiés, sa

palette chromatique, et son utilisation de la lumière, tous ces signes visuels qui

orientent notre lecture de l’œuvre, lui seront empruntés tout comme le furent ses

motifs.

Organisation et traitement de l’espace

Dans les représentations de Jacques Courtois, le champ figuratif délimité par le

cadre, portion d’espace majoritairement de format oblong, est le plus souvent scindé

en trois ou quatre plans, au rôle structurant et marquant la profondeur. Dans les chocs

de cavalerie de l’artiste, la scène principale avec ses acteurs, hommes et chevaux,

prend place au premier plan. Suit un plan intermédiaire, la plupart du temps marqué

par des bâtiments isolés – souvent la tour fortifiée -, ou par un deuxième groupe de

combattants. Enfin, au-delà, un arrière-plan, souvent identique, en l’occurrence un

paysage montagneux, parachève la structuration de l’espace. Des combats éloignés,

une ville au pied des montagnes, ou des éléments architecturaux plus isolés,

établissent parfois un plan intermédiaire supplémentaire. La réduction de la taille des

figures et l’utilisation de la perspective atmosphérique participent également de

marquer la profondeur. Ainsi, l’éloignement est rendu par une dégradation des

couleurs, et par l’utilisation du sfumato.

La plupart des schémas de construction utilisés par Jacques Courtois dans ses

chocs de cavalerie sont ouverts. L’artiste privilégie surtout les compositions

asymétriques, en diagonale (cat. 76) ou triangulaires (cat. 28, 31). Une grande

triangulation, allant jusqu’à inclure parfois la moitié de l’espace, accueille la scène

principale, centre d’intérêt autour duquel tout s’organise. Les compositions sont

parfois fermées (cat. 58), mais c’est assez rare chez Courtois. L’ouverture des

tableaux est majoritairement latérale, à droite ou à gauche de la scène principale. En

cas de composition pyramidale, l’un des deux espaces latéraux sera fermé, par un

édifice ou des soldats, l’ouverture occupant le côté opposé (cat. 96).

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Analyse de l’œuvre

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Il arrive que le peintre opte pour une composition en frise, totale ou partielle (cat.

75, 92). Il s’agit alors de batailles héroïques, souvent à connotation antique. Cette

option, rappelant les représentations de combat en frise prisées à la Renaissance,

elles-mêmes réminiscences des bas-reliefs antiques, confère à ces représentations

davantage de prestige bien qu’elles restent majoritairement anonymes.

Les représentations de Courtois sont donc puissamment marquées par les axes

obliques, diagonale, et côtés du triangle principal ou de la pyramide centrale. Nous

observons également des jeux de triangulations et des obliques secondaires qui se

répondent.

Les scènes de combats restreints, qui représentent la majorité des batailles du

peintre, sont présentées avec un cadrage serré sur les protagonistes du premier plan,

tout en proposant une ouverture avec un point de vue en légère plongée sur le

paysage. Ce schéma tend à aspirer le spectateur dans la scène, sensation accentuée

par les puissants effets de raccourci du premier plan, qui participent de lancer la

perspective. L’occupation forte d’un angle, avec des effets de raccourci qui attirent le

regard du spectateur et l’amènent dans le tableau, par une branche morte par exemple

(cat. 74), un combattant ou un cheval tombés au sol (cat. 27-29, 40, 58 , par exemple), est

également typique des compositions de l’artiste.

Les grandes lignes de force sont donc des obliques. Elles sont, soit réellement

tracées, - dans le paysage, par les crêtes des montagnes, l’orientation de la fumée, et

par les acteurs de la scène principale avec l’orientation des corps, les bras tendus

prolongés par les épées, les lances - ou bien, seulement suggérées par des contrastes

de couleurs et par la lumière. Diagonale et obliques génèrent une dynamique,

amplifiant le mouvement des combattants directement perceptible. Nous remarquons

ainsi plus d’obliques dans les scènes de combat que dans les suites de bataille, par

exemple. Cependant, même si l’ordonnancement dominant est dynamique, la

présence d’horizontales – ligne d’horizon, base des nuages, alignement des têtes -, et

de verticales, plus nombreuses – corps des cavaliers se prolongeant dans celui de leur

monture, pattes des chevaux, lances, arbres repoussoirs - ébauche un schéma

orthogonal stabilisant la représentation. Un équilibre se crée donc entre mouvement

et stabilité. L’utilisation d’une composition pyramidale pour une scène de combat va

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Analyse de l’œuvre

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dans le même sens, la pyramide posée sur sa base induisant une grande stabilité (cat.

96).

Ainsi, la peinture de bataille de Jacques Courtois tout en étant très dynamique

n’apparaît jamais instable. De même, ne donne-t-elle que rarement l’impression

d’être désorganisée, ou brouillonne, avec une grande importance donnée à la lisibilité

de l’œuvre. La reprise par Courtois de l’innovation d’Antonio Tempesta, cette mise

en place d’un premier plan légèrement surélevé où figure le groupe principal, permet,

à la fois, de voir les principaux acteurs de manière frontale, et également de dominer

le paysage au loin, avec une ligne d’horizon placée assez bas. Cette manière habile,

plutôt que de proposer toute la scène vue en plongée, autorise une meilleure

organisation, avec la répartition des groupes de figures plus harmonieuse, conférant

une excellente lisibilité à la représentation.

Pour les quelques grandes batailles historiques, comme la Bataille de Nördlingen

(cat. 53), réalisées pour Mattias de Médicis, Jacques Courtois privilégie la

traditionnelle vue à vol d’oiseau, qui fait de nous des spectateurs plus éloignés de

l’action mais bénéficiant en contrepartie d’une belle vision panoramique sur les sites

et paysages. La Bataille de Mongiovino (cat. 55), la plus mature des quatre

représentations, propose quant à elle une habile synthèse entre les deux schémas

précédents, avec une scène principale vue de plus près, alliée à un vaste panorama, ce

qui en fait une représentation très réussie.

Les formules utilisées par Jacques Courtois furent assez répétitives, l’artiste

privilégiant surtout le premier schéma, simple mais bien rodé et qui fonctionne

parfaitement. Quand à de rares occasions il s’en écarta, ses représentations furent

moins heureuses (cat. 71). L’artiste y revint très vite, conscient qu’il conditionnait la

lecture de l’œuvre, et mettait en valeur, ou non, les éléments iconographiques.

La palette chromatique et les jeux de lumière

Au XVIII e siècle, Antoine Joseph Dezallier d’Argenville louait les couleurs de

Jacques Courtois, écrivant qu’il leur donnait « un éclat et une fraîcheur qui en

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Analyse de l’œuvre

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rehaussoient la beauté naturelle »755. Il s’avère aujourd’hui délicat de toujours

disserter sereinement, et objectivement, de la palette chromatique employée par

Jacques Courtois, l’état de conservation de ses tableaux étant globalement très

moyen. Plusieurs œuvres sont ruinées (cat. 111), certaines étant même définitivement

perdues (voir C. 23). Le temps ayant fait son œuvre et Courtois n’étant pas un artiste

considéré aujourd’hui comme « majeur », ses tableaux sont souvent confinés dans les

réserves des musées et rares sont ceux qui ont été nettoyés, restaurés, et qui ont

bénéficié d’une étude scientifique. Vernis jaunis, altérations directes de la surface

colorée peuvent fausser le jugement.

Cependant, tout en nous gardant d’un avis trop affirmé quant à la subtilité des

couleurs de l’artiste, nous pouvons néanmoins à l’appui des œuvres en bon état et

nettoyées dégager les grandes caractéristiques de sa palette, ainsi que son évolution

au fil de sa carrière.

Les batailles de Jacques Courtois sont caractérisées par une palette à dominante de

couleurs chaudes, qu’il associe à quelques couleurs neutres. À l’exception des bleus,

il use assez peu de couleurs froides. À cette gamme de tons chauds, des bruns, des

rouges et des jaunes dorés, qu’il privilégie donc, il oppose des contrepoints de bleus,

soit réchauffés, soit un peu éteints, et des couleurs neutres comme des gris colorés et

des blancs, notamment pour les chevaux.

Le rythme donné à sa peinture provient d’une palette fondamentale, celle des trois

couleurs primaires que sont le rouge, le bleu et le jaune, qui forment les notes

toniques de la scène. Il y a ainsi, de manière systématique dans son œuvre, des effets

rythmiques liés au rouge, notamment dans les vêtements, qui font circuler le regard.

Nous notons la grande qualité de ces trois couleurs primaires, qu’il emploie parfois

saturées, notamment le rouge. On peut sans doute y voir de nouveau l’influence de

Jan Asselijn qui avait l’habitude d’utiliser un rouge pur (ill. 33 ).

755. A. J. Dezallier d’Argenville, 1745-1752, éd. cons. 1762, IV, op. cit., p. 151.

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Analyse de l’œuvre

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ill. 33 � Jan Asselijn, Paysage côtier avec des cavaliers, Vienne, Académie des Beaux-Arts

C.-H. Watelet et P.-C. Lévesque critiquaient les peintres de bataille qui, à la suite

de Courtois, utilisaient « du rouge, du jaune, jettés par paquets & comme au hasard,

ne ressemblent ni au feu du canon & de la mousquetterie, ni à aucun élément »756. Ce

fut en effet l’une des caractéristiques marquantes de la manière de notre artiste qui

sera reprise par Pandolfo Reschi (ill. 34 ) et Christian Reder (ill. 35 ), par exemple.

ill. 34. Pandolfo Reschi, Bataille, Florence, collection Lovatelli

756. C.-H. Watelet, P.-C. Lévesque, 1792, I, op. cit., p. 188.

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Analyse de l’œuvre

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ill. 35. Christian Reder, Bataille, Florence, Gallerie fiorentine

Courtois utilise très peu de couleurs dérivées, comme les oranges et les violets.

Les verts font exception, mais il les emploie essentiellement pour les éléments du

paysage, plus rarement pour les vêtements ou les accessoires. En l’absence de

végétation, il privilégie pour l’environnement les gris bleutés et les bruns ; les noirs

étant moins utilisés. On trouve peu d’effets de complémentarité ; le peintre ayant

davantage opté pour les contrastes entre couleurs chaudes et couleurs neutres, ce qui

dans les combats, renforce l’impression de confrontation.

Quelques peintures de la fin de carrière sont caractérisées par des essais

chromatiques inhabituels, l’artiste rompant notamment certaines couleurs de blanc.

Nous remarquons par exemple des bleus pâles et des roses, assez surprenants, dans

les tenues de guerriers (cat. 123), ainsi que des jaunes acides (cat. 97). Cela nous

conduit de nouveau à nous interroger quant à une possible tendance maniériste de

l’artiste, que nous avions déjà évoquée à propos des maladresses anatomiques de

certaines figures. Si ces dernières, présentes tout au long de sa carrière, semblent

davantage être dues à un manque de formation, les essais de couleurs paraissent

quant à eux volontaires (à moins d’un problème de vue lié à l’âge, ce qui n’est pas

impossible). Les batailles permirent à Courtois de faire un usage immodéré de la

couleur, prééminente dans ses représentations, davantage que dans les paysages, car

participant d’une narration spectaculaire. Dans sa volonté d’effets colorés toujours

plus riches, l’artiste perçut sans doute à un moment les limites du processus

d’évolution de sa palette. Il fit alors des essais de couleurs insolites ; ce qui pourrait

expliquer cette tendance de fin de carrière.

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Analyse de l’œuvre

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L’artiste fit le choix de l’expressivité par la couleur, qui prime sur le trait.

Courtois la mit au service de la scène avec une volonté de recherche d’émotion,

d’effets éloquents qu’il accentua par son utilisation de la lumière. Dans ses dernières

batailles, les traits qui marquaient les détails s’effacent au profit de taches de

couleurs, particulièrement visibles dans le visage des combattants et la tête des

chevaux (voir cat. 103 à cat. 105).

La lumière est un élément fondamental des peintures de bataille de Jacques

Courtois. Supposée naturelle puisque les scènes représentées se déroulent dans un

espace extérieur, la plupart du temps nous n’en voyons pas la source. L’artiste

semble avoir eu une nette préférence pour un éclairage venant de la gauche.

La lumière de Courtois est dorée comme celle de Claude Lorrain et pas seulement

pour les œuvres du début de carrière. Mais il est difficile de savoir d’où lui vint ce

goût, car on se souvient qu’il a côtoyé des peintres du Nord, mais qu’il a également

séjourné à Venise et à Gênes, où il dit avoir admiré les œuvres de Titien et de

Véronèse757.

Sa lumière est d’une part structurante, accentuant les principales lignes de la

composition et apportant du rythme par l’alternance d’éclairages et de zones

d’ombre. Mais il y a chez lui une dramaturgie de la lumière tout à fait baroque.

Jacques Courtois en fait une utilisation théâtrale au service de son propos, appuyant

sur certains éléments, parfois aux dépends de la vérité physique. Les éclairages

marqués sur les figures, les corps dénudés des blessés et des morts, sur les chevaux et

toujours avec des ombres propres fortement marquées, les reflets sur les étoffes,

démontrent une volonté de l’effet, de recherche d’émotion. Jacques Courtois, metteur

en scène, fit le choix du spectacle enlevé et de l’éloquence, et non pas celui de la

sobriété, ni de la stricte vérité naturaliste.

757. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 19, lettre du 1er septembre 1667 : « […] avendo acompagniato doi padri genevesi tre mesi sono per un poco di vachaza la quale mi ha giovata assaii esendo questa aria bonisima particorarmente lastata con belisime vile piture otime manni di Titiano di Pavel Veronese et di tuti valent’homini di Prima clase […] » ; lettre dans la chronologie raisonnée, à cette date.

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Analyse de l’œuvre

200

Évolution de la manière de l’artiste

Edward Holt distinguait deux manières dans l’œuvre du peintre. La première,

correspondant à la jeunesse de l’artiste et au premier séjour romain, est, dit-il,

caractérisée par une touche nordique marquée, des tons clairs et des couleurs

lumineuses. L’auteur faisait ensuite état d’une seconde manière, qui serait apparue au

début des années 1650, à partir du séjour de l’artiste en Toscane. Les tons clairs de la

première période auraient alors fait place à des tons plus sombres, proches de ceux

du ténébrisme, Courtois ayant reçu, selon lui, l’influence des peintures napolitaines,

présentes à Florence758.

L’hypothèse d’Edward Holt était plausible, mais en établissant le corpus des

peintures de l’artiste, nous constatâmes que non seulement les couleurs évoluèrent,

mais également la touche du peintre. Les batailles de Jacques Courtois offrent un

éventail assez large qui permet d’étudier cette évolution, plus difficile à distinguer

dans les paysages retrouvés, moins nombreux, ou encore dans les œuvres religieuses

qui ne sont pas toutes des huiles sur toile ; les techniques différentes pouvant fausser

le jugement.

Hormis les changements que nous avons déjà évoqués sur le plan iconographique,

notamment au niveau des figures, et qui aident à la datation des œuvres, les deux

autres évolutions majeures furent donc les suivantes : celle de la palette chromatique

dont les tons s’intensifièrent - si l’on fait abstraction des quelques essais tardifs

d’ajout de blanc et de couleurs acides -, et également celle de la touche, de plus en

plus apparente et qui se renforça si bien, qu’en fin de carrière elle se fit au détriment

du dessin (ill. 37 ).

Ces mutations apparaissent concomitantes. À partir du début des années 1650, on

assiste en effet à un renforcement des couleurs, qui se font plus vives et lumineuses -

nous ne distinguons pas pour notre part dans l’œuvre de Courtois le ténébrisme

napolitain dont parlait Edward Holt -, et de la touche, qui était auparavant très

fondue. Celle-ci évolue vers un véritable travail dans la matière, avec des effets

d’empâtements beaucoup plus nombreux.

Les premiers tableaux de l’artiste, telles les deux petites Batailles Pamphilj (cat.

27-28), par exemple, présentent une facture tout à fait lisse. Exception faite de

758. E. Holt, 1969, op. cit., p. 217-218.

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Analyse de l’œuvre

201

minuscules virgules blanches, pour marquer la lumière, la touche est quasiment

invisible (ill. 36 ). Il semble que Jacques Courtois ait peint ces œuvres très

minutieusement, avec précision, donc certainement très lentement. Jacques Courtois

avait, en début de carrière, une technique plutôt « nordique », ce qui confirmerait

qu’il ait reçu et retenu l’enseignement de maîtres du Nord.

Le grand changement se produisit, selon nous, probablement à partir des années

jésuites, au cours desquelles Courtois travaillait seul, et à un rythme soutenu

puisqu’il se plaignait à Alberto Vanghetti d’être surmené759. La mort de Cerquozzi en

1660, faisant alors de Courtois le peintre de batailles le plus réputé à Rome, a pu

encore accélérer la pression à laquelle notre artiste était soumis. Dans ses dernières

années, il semble être au sommet de sa gloire, sa renommée s’accompagnant d’une

augmentation de la demande et donc d’une hausse des prix ; ce qui apparaît

nettement dans les dernières lettres à Vanghetti, où l’artiste dit ne plus vendre

désormais à n’importe quel tarif.

Il nous semble que cela put être une des causes de cette évolution de manière. La

technique flamande, très lisse, prudente et lente, n’était plus adaptée à la pression de

la demande qu’il connut alors. Comme Courtois n’avait pas la possibilité d’avoir des

élèves, pas d’atelier, la nécessité de travailler seul et vite le força à s’adapter. Il put

décider de se tourner alors vers une peinture en pleine pâte au faire plus rapide.

Mais l’artiste de la maturité put également se laisser gagner par les pratiques du

milieu artistique dans lequel il évoluait depuis deux décennies, adoptant la technique

des peintres qu’il côtoyait à Rome.

759. G. Locatelli, 1909, op. cit. Par exemple, dans la lettre du 7 juillet 1668, Jacques Courtois déclare à Alberto Vanghetti : « […] ho tanti lavori per le manni che non mi lasciano camparé » ; voir la lettre dans la chronologie raisonnée, à cette date.

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Analyse de l’œuvre

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ill. 36 � Jacques Courtois, détail de cat. 37

ill. 37 � Jacques Courtois, détail de cat. 104

Nous distinguons, pour notre part, au fil de la carrière de Jacques Courtois, une

intensification des couleurs plutôt qu’un assombrissement de sa palette, avec

simultanément une accentuation de la touche ; une première manière lisse, faisant

progressivement place à une couche picturale plus épaisse, avec des effets

d’empâtements plus nombreux. Les premiers signes de cette mutation semblent dater

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Analyse de l’œuvre

203

du début des années 1650 ; ils vont aller en se renforçant, pour finalement aboutir

dans les œuvres de fin de carrière à un effacement du trait au profit de taches

colorées (ill. 37 ).

Le succès de Jacques Courtois en tant que peintre de batailles et la demande pour

le genre aux XVIIe et XVIIIe siècles entraînèrent dans le sillage de l’artiste de

nombreux copieurs et suiveurs. L’engouement des collectionneurs pour ses œuvres

imposa Courtois comme la référence du genre et eut pour effet la production de

nombreuses imitations. Ses propositions, les éléments novateurs de son œuvre

inspirèrent de nombreux peintres de batailles. La renommée de l’artiste et les

emprunts faits à son art, quand ce n’est pas la production de copies conformes

comme celles de Reschi (cat. 59 et C. 59, par exemple), sont en grande partie la cause

des difficultés d’attribution passées et actuelles.

L’étude de la peinture de bataille des XVIIe et XVIIIe siècles en Italie qui n’en est

qu’à ses balbutiements et le peu de monographies existantes rendent cependant

encore difficile l’estimation du poids réel de Courtois sur le genre. Nous avons pu

dans notre catalogue mettre en évidence l’influence de Jacques Courtois sur Reschi,

Reder, Brescianino et Marini, mais peut-être précisément parce qu’il s’agit des rares

monographies dont nous disposons.

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Analyse de l’œuvre

204

Les œuvres religieuses

Il s’agit ici de tenter d’analyser cette partie de la production de Jacques Courtois

pour laquelle malheureusement, comme pour les paysages de l’artiste, un certain

nombre d’œuvres, dont des peintures importantes, a disparu. Décors éphémères et

autres tableaux réalisés lors de la période jésuite, destinés à accompagner les temps

forts du calendrier liturgique, que ce soit les scénographies pour l’exposition du

Saint-Sacrement lors des prières des Quarante Heures, ou pour la fête de Noël, avec

la réalisation de tableaux devant être disposés autour de la crèche du noviciat – telles

les représentations de l’Adoration des Mages et celles du Massacre des Innocents

dont témoignait Pascoli760 -, mais aussi d’autres œuvres exécutées pour des

commanditaires privés nous sont aujourd’hui inconnues. Nous pensons en particulier

à la grande toile de l’Adoration des Mages, mentionnée en 1659 dans la collection du

prince Mattias de Médicis761, et aux deux lunettes de l’église Saint-Marc de Rome,

commande de Nicolò Sagredo.

Nous devons, malgré ces disparitions qui restreignent l’éventail des œuvres

religieuses de la main de Courtois, tenter de nous appuyer sur les peintures qu’il nous

reste. Nous pouvons aussi prendre en compte celles qui sont mentionnées par les

différents biographes et dans les inventaires anciens, afin d’appréhender cette part du

travail de Courtois, qui le voit peintre d’histoire, de connaître les thèmes religieux

abordés au cours de sa carrière, ainsi que le style de ses réalisations, tout en gardant à

l’esprit que nous n’en avons vraisemblablement qu’une image partielle.

Si Jacques Courtois réalisa quelques peintures religieuses avant son entrée dans la

Compagnie de Jésus en décembre 1657, il n’avait pas produit de petits tableaux de

dévotion, l’artiste se dédiant essentiellement à la réalisation de paysages et de

batailles. Au cours de cette première moitié de carrière, la plus grande part de sa

760. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 118-119 ; passage dans notre chronologie raisonnée, à l’année 1658. 761. A.S.F., Guardaroba Medicea, 703. Inventario della Guardaroba del Principe Don Mattia, f. 44 : « Un quadro in tela, entrovj l’Adorazione de Magi, con moltiss.me figure con cornice nera rilevatarabescata, e filettata d’oro, largo b.a 7. 5/6, alto b.a 4. 5/6 di mano di Monsù Giacomo Cortesi il Borgognone ». Grande toile, H. 300 - L. 450 cm env. ; voir notre chronologie raisonnée, à l’année 1659.

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Analyse de l’œuvre

205

production religieuse consista en effet en peintures de grandes dimensions, répondant

à des commandes précises : le décor du réfectoire du monastère de Sainte-Croix-de-

Jérusalem (cat. 129-131), commande d’Ilario Rancati, les tableaux pour les sœurs

ursulines de Fribourg (cat. 132 , 133a-b et 134a-b), la toile pour le chœur de l’église

paroissiale de Carvico (cat. 135) commandée par Carlo Giacomo De Vecchi, le retable

de Villa d’Adda (cat. 136) réalisé pour la famille Mojoli, les quatre vastes scènes de

l’Ancien Testament, sur cuir (cat. 137-140), de Nicolò Sagredo, et l’Adoration des

Mages, commande du prince Mattias de Médicis762. Il s’agissait dans chaque cas

d’œuvres importantes, destinées à orner des lieux de culte ou conventuels précis, et

connus à l’avance, ou encore de commandes émanant des grands mécènes de

l’artiste. Nous constatons que ces premières réalisations ne furent pas très

nombreuses et que de plus, - hormis le décor du réfectoire du monastère de Sainte-

Croix-de-Jérusalem, datant du début du séjour romain (1640-1641), le Passage de la

Mer Rouge de la collection Devonshire (cat. 149), un tableau à la facture hésitante qui

paraît être une œuvre assez précoce, et peut-être aussi l’Adoration des Mages de

Mattias, exécutée probablement avant fin 1657 -, les autres œuvres ne sont pas

antérieures à 1655.

La grande majorité des peintures religieuses de Jacques Courtois, connues à ce

jour, datent donc de la maturité de l’artiste, à partir de la mi-carrière (1655-1656) et

surtout après, de la deuxième moitié de son activité artistique, avec une production

qui se serait logiquement accrue au cours des années jésuites (décembre 1657-

novembre 1676), bien qu’il continuât concomitamment à peindre batailles et

paysages profanes. Nous pouvons y voir plusieurs raisons.

Tout d’abord, il est possible d’envisager, comme le fit F. A. Salvagnini, que

l’artiste, après le décès de sa femme en janvier 1654, ait traversé une profonde crise

spirituelle qui le conduisit finalement à entrer dans la Compagnie de Jésus763. Ce

dramatique évènement a pu alors davantage l’orienter vers un type d’œuvres qu’il

n’avait que très peu représenté avant cette épreuve personnelle. Il semble cependant

très improbable que Courtois ait eu assez d’influence sur ses mécènes, au point de

décider de leurs commandes, même si ses relations avec Mattias de Médicis et

Nicolò Sagredo, par exemple, étaient excellentes et donc qu’il ait pu

762. Voir l’inventaire des biens du prince Mattias ; document dans la chronologie raisonnée, à l’année 1659. 763. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 76-77.

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Analyse de l’œuvre

206

occasionnellement leur soumettre l’idée d’un sujet qu’il aurait aimé réaliser.

Courtois, tout comme la grande majorité des peintres d’œuvres religieuses

importantes, était un exécutant, en aucun cas l’inventeur d’un programme, ni le

prescripteur du thème représenté.

Mais, nous pouvons aussi penser qu’avant 1655 la maturité artistique de Jacques

Courtois était insuffisante pour lui permettre de s’atteler à la réalisation de thèmes

religieux, pour lesquels nous constatons qu’il fit preuve de difficultés récurrentes,

exécutant des œuvres répétitives et généralement moins réussies que ses batailles et

ses paysages. Il était inhabituel qu’un jeune peintre inexpérimenté héritât de

commandes religieuses d’envergure, placées au sommet de la hiérarchie des genres

et demandant des compétences plus élevées que la peinture de paysages par exemple.

Jacques n’était pas un peintre d’histoire comme le fut son frère Guillaume, n’ayant

vraisemblablement pas eu la formation adéquate. Il est probable que sans son

incorporation chez les Jésuites, cette part de sa production aurait été extrêmement

réduite. C’est sans doute la raison pour laquelle nous notons seulement des peintures

religieuses dans son corpus et l’absence de scènes mythologiques ou historiques,

hormis quelques batailles pour ses dernières.

L’accroissement de la production d’œuvres religieuses dans sa deuxième moitié

de carrière ne paraît pas surprenant au regard de la biographie de l’artiste, en tenant

compte du virage opéré dans son existence, fin 1657 ; les vingt dernières années de

sa production artistique étant celles d’un frère jésuite. En effet, comme l’écrivit

Lione Pascoli, le Préposé général jésuite, connaissant les talents du frère Courtois, ne

le laissa pas inactif764. Ainsi, après une première année passée au noviciat, où son

activité put être réduite, le novice se consacrant essentiellement à sa période

probatoire, l’engagement religieux de Courtois devait l’orienter vers l’exécution

d’œuvres davantage en rapport avec son nouvel état.

764. L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 118.

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Analyse de l’œuvre

207

Les thèmes

Les représentations religieuses de Jacques Courtois sont dans le droit fil de la

production italienne de cette période de continuité de la réforme catholique, dans

l’esprit du concile de Trente765, s’appuyant sur les modèles mis en place au cours de

plus d’un demi-siècle post-tridentin et héritières de l’action borroméenne766. Quand

Courtois commença à être actif à Rome, au début des années 1640, l’iconographie et

les formules esthétiques expérimentées pendant les premières décennies du XVIIe

siècle étaient déjà bien en place767.

Iconographie et sujets de dévotion visaient toujours à affirmer ce que niait

l’hérésie protestante. L’iconoclasme, les attaques contre la Vierge, dont la place et le

rôle furent minimisés, et dont l’Immaculée Conception était niée, l’hostilité au culte

des saints et à la vénération des reliques, considérés comme de l’idolâtrie, le rejet du

sacrement de Pénitence, et de celui d’Eucharistie auquel seule une valeur symbolique

était reconnue, avaient entraîné dans la catholicité des réponses artistiques profuses,

mais contrôlées et orientées.

Dans l’œuvre de Jacques Courtois, nous constatons que la défense et la

glorification de la Vierge, l’exaltation des saints, et aussi l’affirmation des

sacrements de Pénitence et d’Eucharistie concernent l’essentiel de sa production

religieuse. La dévotion à la Vierge - avec le thème de la Vierge à l’Enfant (cat. 133a),

élargi à la Sainte-Famille (œuvre disparue de la villa jésuite de Castel Gandolfo), aux

Saintes Conversations (cat. 136) et aux représentations autour de la Nativité (avec au

moins trois réalisations de l’Adoration des Mages) - arrive en première place. Le

cycle de la chapelle Prima Primaria, avec ses représentations des femmes de l’Ancien

Testament, est également une glorification du nom de Marie (cat. 141-146). De même

765. Le décret sur les saintes images ne fut voté qu’à la session finale de décembre 1563. Il insistait essentiellement sur la décence et le bon usage des images sans donner cependant de conventions de représentation précises en matière d’art. Voir A. Tallon, Le concile de Trente, Paris, 2000, p. 77-78 : « Ainsi dans le domaine artistique, les appels du concile à la décence et à la clarté doctrinale des œuvres demeurent bien vagues. Il est impossible de fonder une esthétique sur les décrets conciliaires, comme le font trop souvent encore historiens et historiens d’art. », et voir id., doc. 7, « Le décret sur les saintes images ». 766. Ibid., p. 79-81 : « Le diocèse et la province [le Milan de saint Charles Borromée], parmi les plus vastes, riches et peuplés de la Chrétienté, devinrent un véritable laboratoire tridentin. Le caractère unique de cette expérience, la large publicité qui lui fut donnée firent que dans une large mesure, la Réforme tridentine devint la Réforme borroméenne. » 767. C. Michel, « Art religieux et représentation du divin », p. 1036 dans M. Venard (dir.), 1997, op.cit.

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Analyse de l’œuvre

208

que la Victoire de Narsès sur Totila (cat. 147), dans le même oratoire, célèbre la

Vierge triomphant des hérésies.

Les tableaux mettant en scène les saints viennent en second. Figurent les saints de

la Contre-Réforme, récemment canonisés : saint Charles Borromée (cat. 134a),

canonisé en 1610, saint Ignace (cat. 152-155) et saint François Xavier, canonisés en

1622. Pour autant, les saints anciens ne sont pas oubliés, avec plusieurs

représentations de la Conversion de saint Paul (cat. 148 , M. 119, et peut-être également

M. 118, ainsi que le tableau pour Nicolò Sagredo768, bien que pour les deux derniers il

puisse aussi s’agir d’œuvres de Guillaume Courtois), et l’épisode de la Charité tiré de

la vie de Saint Martin (cat. 135 et M. 120), ce dernier participant d’affirmer que les

bonnes œuvres contribuent aussi au Salut, autre dogme rejeté par les protestants.

Nous trouvons également la représentation d’une sainte martyre, avec le retable de

sainte Ursule (cat. 132), exécuté pour les ursulines fribourgeoises.

Les sujets liés aux sacrements contestés par la Réforme protestante, tel celui

d’Eucharistie, ont également souvent été traités au cours de la période jésuite, avec la

participation de l’artiste aux décors fastueux de l’exposition du Saint-Sacrement pour

les Quarantore, mais déjà plus tôt sous la direction d’Ilario Rancati, puisqu’il

s’agissait aussi du thème principal du cycle décoratif du réfectoire du monastère de

Sainte-Croix-de-Jérusalem ; la Multiplication des pains (cat. 129) et le Repas

d’Emmaüs (cat. 131) étant des symboles eucharistiques (les gestes du Christ,

bénédiction, fraction et distribution du pain, préfigurant puis rappelant ceux de la

Cène).

Concernant le sacrement de Pénitence, lui aussi contesté, nous ne connaissons pas

de tableau de Courtois exaltant les vertus du repentir, figurant notamment les saints

pénitents comme Marie-Madeleine. Si ce n’est l’existence d’un dessin de l’artiste, un

Saint Jérôme dans un paysage (ill. 38 ), sans doute destiné à la réalisation d’un

tableau, mais que nous ne connaissons plus aujourd’hui. La mise en page relèverait

cependant plus du paysage avec figures religieuses, dans le genre des Paysages avec

saint Pierre, mentionnés dans les collections Barberini.

768. L. Borean, 1997, op. cit., p. 126.

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Analyse de l’œuvre

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ill. 38 � Jacques Courtois, Saint-Jérôme dans un paysage, dessin, Londres, British Museum

Si la plupart des thèmes avaient déjà eu l’occasion d’être représentés par Jacques

Courtois avant qu’il intègre la Compagnie de Jésus, il en est un qui concerne plus

particulièrement la période jésuite : Josué arrêtant le soleil. À l’exception de l’une

des deux lunettes de l’église Saint-Marc et d’une bataille sur cuir (cat. 140), réalisées

toutes deux pour le Vénitien Nicolò Sagredo, avant 1657, il apparaît en effet que les

représentations de cette bataille de l’Ancien Testament furent exécutées au cours de

l’engagement religieux de Jacques Courtois. Il s’agit aussi du thème le plus présent

dans l’œuvre peint de l’artiste, avec dix représentations connues, dont sept que l’on

peut stylistiquement rattacher aux années jésuites (cat. 117-118 et cat. 123 à cat. 127),

plus un grand projet non finalisé, sur le même thème, celui prévu pour orner la

tribune du Gesù. Nous savons également qu’en février 1671 la scénographie pour

l’exposition du Saint-Sacrement lors des Quarante Heures, au Gesù, mettait en scène

Josué arrêtant le soleil769. Il est des plus probable que Courtois participât alors à la

préparation du décor, comme il l’avait déjà fait de manière certaine en 1663770, et

ainsi qu’il le faisait très probablement chaque année.

C’était un sujet que l’artiste connaissait bien. Il l’exécuta à de nombreuses

reprises ; nous avons dit plus haut pourquoi il convenait tout à la fois à Jacques

769. A.R.S.I., Rom. 197, Diario Ottolini, f. 105v. : « Dom(eni)ca di quinquagesima 8 di Febraro si esposto le 40 hore in chiesa n(ost)ra con l’apparato rappresentante Giosué che fece fermare il sole, furono 33 Cardi(na)li, fece il sermoni il P. Carlo Bor_. » 770. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 13, lettre du 3 février 1663 ; lettre dans la chronologie raisonnée, à cette date.

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Analyse de l’œuvre

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Courtois et aux Jésuites, expliquant vraisemblablement le choix du Préposé général

Gian Paolo Oliva, pour le projet d’ornementation de la tribune de l’église mère.

Trois autres thèmes représentés par Courtois sont tirés de l’Ancien Testament.

Deux épisodes de l’Exode, le Passage de la mer Rouge et la Bataille de Rephidim, et

un autre, du Livre de Josué, l’Entrée des Israélites en Terre promise (cat. 139).

Le Passage de la Mer Rouge fut exécuté au moins à cinq reprises par l’artiste

(cat. 137, 142, 149-151), et la Bataille de Rephidim (cat. 119, 121-122, 138) quatre fois.

Cette dernière qui voit Josué et les Israélites l’emporter sur les Amalécites grâce à

l’intercession de Moïse, véhicule un message d’espérance, et exalte également les

vertus de la prière. Deux représentations de chacun de ces thèmes furent réalisées par

l’artiste avant son intégration dans la Compagnie de Jésus, les autres ensuite.

Enfin, un des thèmes favoris de la Compagnie de Jésus, le martyre, fut représenté

au moins une fois par le frère Courtois. Il s’agit du grand tableau du Martyre des

quarante pères jésuites (cat. 156), figurant le massacre de missionnaires de l’Ordre,

en route pour le Brésil, survenu le 15 juillet 1570. Si les scènes de martyre visaient à

familiariser les fils de saint Ignace avec la mort et notamment les futurs

missionnaires avant leur départ, cette œuvre commandée à Courtois par le Préposé

général de l’Ordre, Gian Paolo Oliva771, nous semble davantage revêtir une valeur

commémorative. Stylistiquement, il s’agit d’une œuvre de la fin de carrière de

l’artiste, et nous pensons qu’elle a pu être réalisée pour célébrer le centenaire de ce

martyre, en 1670 donc.

Les thèmes religieux exécutés par Jacques Courtois se situent donc dans la lignée

de la production de l’époque. Une grande importance fut accordée aux

représentations visant à la glorification et à la défense de la Vierge, à l’exaltation des

saints, à l’affirmation des sacrements d’Eucharistie et de Pénitence. Avec de plus, au

cours des années jésuites, des peintures rappelant et exaltant le nom de Jésus, tel

Josué arrêtant le soleil. Les autres thèmes tirés de l’Ancien Testament, avec le choix

de cavalcades (une scène représentée comme telle par Jacques Courtois, l’Entrée des

Israélites en Terre promise, cat. 139), de batailles (celle de Rephidim, cat. 119, 121-122,

771. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 424.

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Analyse de l’œuvre

211

138) ou encore l’engloutissement de l’armée de Pharaon (avec le Passage de la Mer

rouge, cat. 137, 142, 149-151), convenaient parfaitement aux talents de Jacques

Courtois.

Jacques Courtois et la peinture d’histoire : faible sses et difficultés

Les remarques et les jugements les plus fréquents au sujet des œuvres religieuses

de Courtois s’accordent à en souligner la faiblesse, d’autant plus étonnante qu’elle

contraste nettement avec la dextérité dont il fit preuve dans ses batailles. Jacques y

est perçu comme un artiste traditionaliste, au style sec et rigide, plus proche sur le

plan décoratif de la production de la fin du XVIe siècle que du style officiel alors en

vogue dans la peinture religieuse, celui de Pierre de Cortone772. Il souffre également

de la comparaison avec le travail de son frère Guillaume, considéré comme « più

moderno rispetto ai suoi tempi »773, véritable peintre d’histoire, alors que Jacques se

présente dans ce domaine davantage comme un peintre occasionnel.

Certaines œuvres de Jacques Courtois apparurent si médiocres que d’aucuns

n’hésitèrent pas à considérer qu’il ne pouvait s’agir que du produit de collaborations,

voire qu’elles avaient été exécutées en totalité par des assistants ; Courtois s’étant

alors seulement chargé de donner des directives. Ainsi, pour Simonetta Prosperi

Valenti Rodinò, les œuvres de Fribourg (cat. 132-134) sont si faibles, que Jean-

François Courtois, le frère de Jacques, n’a pu qu’intervenir, de même pour le cycle

des Camere de saint Ignace à la maison professe du Gesù (cat. 152-155), dont les

représentations négligées, toujours selon le même auteur, tendent à indiquer que

Courtois conçut le projet mais ne l’exécuta pas personnellement774. Seul le décor de la

chapelle Prima Primaria, « sa réalisation religieuses la plus vaste et la plus réussie »,

trouve grâce à ses yeux et notamment la lunette de Rebecca, dans laquelle S. Prosperi

discerne des accents vénitiens et l’influence de Guido Reni775. Les historiens de l’art

qui se penchèrent sur la production religieuse de Courtois estimèrent que le cycle des

772. S. Prosperi Valenti Rodinò, 1984, op. cit., p. 506-507 : « […] era molto lontano dallo stile ufficiale della pittura religiosa dell’epoca dominata dal cortonismo : ciò pesa negativamente sulla riuscita delle scene di soggetto religioso, e la sua pittura si fa stranamente più rigida e secca, diversificandosi totalmente, e in senso negativo, dallo stile barocco e moderno del fratello Guglielmo Cortese. » 773. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 130.. 774. S. Prosperi Valenti Rodinò, 1984, op. cit., p. 507. 775. Ibid., p. 506.

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Analyse de l’œuvre

212

fresques du Collège Romain fut de loin sa meilleure réalisation dans le domaine

sacré, la plus importante et également la plus personnelle776. La raison de cette

embellie serait le contexte belliqueux de la plupart des épisodes traités, lui permettant

donc d’inclure des affrontements, registre dans lequel l’artiste sembla de fait plus à

l’aise. Cinq représentations sur sept intègrent en effet un fond de bataille. Seuls les

sujets Rébecca (cat. 141) et Abigaïl (cat. 145) proposent des scènes empreintes de

sérénité, sans plan incluant combats ou guerriers en péril.

Les autres œuvres religieuses réussies de Courtois, c’est-à-dire les batailles de

l’Ancien Testament, les scènes faisant intervenir l’armée de Pharaon, ou les saints

représentés en soldats, tels saint Paul et saint Martin, auraient tendance à renforcer

l’idée que Courtois ne maîtrisait vraiment que des thèmes à connotation guerrière,

dont il avait l’habitude. Le Passage de la Mer Rouge qui voit l’armée de Pharaon

engloutie, les batailles de Josué contre les Amalécites et contre les Amorites, sont les

thèmes leitmotivs de la production religieuse de Courtois, ainsi que Saint Martin

partageant son manteau (cat. 135 et M. 120) ou la Conversion de saint Paul (cat. 148 et

M. 119), les deux saints figurant en soldats romains.

La synthèse des thèmes religieux les plus représentés dans son œuvre fait

apparaître que Josué arrêtant le soleil fut traité au moins à dix reprises (cat. 117-118,

123-128, 140), en comptant la lunette de San Marco aujourd’hui disparue, la Bataille

de Rephidim, à quatre (cat. 119, 121-122, 138), et le Passage de la Mer Rouge, cinq fois

(cat. 137, 142, 149-151). S’il s’agit ici d’épisodes de l’Ancien Testament - l’Exode et

l’installation en Terre Promise étant semés d’âpres combats -, le Nouveau Testament,

notamment avec deux représentations du Massacre des Innocents donna aussi la

possibilité à Courtois d’exprimer son potentiel. Le Préposé général Oliva, dont nous

avons évoqué l’intérêt et les compétences en matière d’art, sut orienter la production

du frère Courtois, exploitant au mieux les capacités du peintre, dans des

représentations offrant un mélange de religiosité et de violence. Sans conteste,

Jacques Courtois, peintre d’histoire, fit preuve de grandes difficultés dans la

776. F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 130 : « Aggiungiamo, a modo di conclusione, che la decorazione dell’Oratorio della Congregazione Prima Primaria al Collegio Romano è l’opera più complessa, più importante e più personale tra quelle di carattere religioso compiute da Giacomo Cortese. In essa sono fuse con innegabile armonia di composizione, di stile e di colorito, due doti possedute in grado elevato dall’artista : quella di singolare battaglista, già apprezzata in tutta Europa durante la vita da lui trascorsa nel secolo, e quella di pittore di soggetti sacri, acquisita quasi totalmene con la sua dedizione alla vita ascetica. »

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Analyse de l’œuvre

213

réalisation de ce type d’œuvre, dès qu’on sortait des thèmes qui lui convenaient et

qu’il maîtrisait.

Simonetta Prosperi Valenti Rodinò, évoquant les fresques du réfectoire de Sainte-

Croix-de-Jérusalem, déclarait que Jacques Courtois était « più impacciato nella

pittura di gran formato »777. Le mot impacciato, que nous pouvons traduire par

« embarrassé » ou « emprunté » caractérise bien l’impression que laissent certains

décors. Si les grandes dimensions peuvent effectivement être une explication

plausible, elle n’est, à notre avis, pas la seule. En effet, nous pouvons opposer à S.

Prosperi que l’artiste, au cours de sa carrière, a peint de grands tableaux de bataille

très réussis (cat. 33-35 et cat. 55, par exemple). Selon nous, l’utilisation de techniques

plus difficiles et mal maîtrisées par Courtois, telle la peinture à fresque ou celle à la

détrempe, liées de plus bien souvent à un accès malaisé aux parties murales à orner

(plafond, lunettes, ou embrasures de fenêtres dans son cas), pourrait être une autre

raison. Jacques Courtois ne fut pas un grand fresquiste, à l’inverse de son frère

Guillaume, ce qui était probablement dû à un manque de formation. Ceci pourrait

expliquer ses difficultés et aussi, en fin de carrière, les tergiversations et finalement

le retard pris dans « l’affrescatura di tutta la grande tribuna della chiesa madre »778,

le décor à fresque de la tribune du Gesù. Alors que Jacques Courtois avait été retenu

pour ce projet, il mourra avant de pouvoir réaliser ce qui devait être sa grande œuvre,

le financement en étant toujours repoussé et les travaux ne débutant pas. N’est-ce pas

le choix de Gian Paolo Oliva d’imposer un peintre, jésuite certes, mais qui n’avait

sans doute pas la réputation d’être un grand décorateur, qui fit si longtemps hésiter le

financeur, Ranuccio Farnese, duc de Parme779, et qui au bout du compte fit avorter

l’entreprise ?

Si la récurrence des thèmes dans les œuvres religieuses de Courtois trouve sans

doute son explication dans leur adéquation aux capacités de l’artiste, qui réitéra à

satiété ceux qui convenaient le mieux à sa manière, nous constatons également que

les représentations d’un même sujet sont caractérisées par de nombreuses redites

internes, par une reprise des figures notamment, et par l’existence de répliques

777. S. Prosperi Valenti Rodinò, 1984, op. cit., p. 504. 778. P. Pecchiai, Il Gesù di Roma, Rome, 1952, p. 108. 779. Ibid., p. 269-270 ; F. Haskell, 1963, éd. cons. 1991, op. cit., p. 154-157.

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Analyse de l’œuvre

214

presque exactes d’œuvres complètes (cat. 125-127). Il semble donc que même pour la

réalisation de sujets où l’artiste aurait dû se sentir plus en confiance, il se soit borné à

répéter ses formules, une fois au point et bien en place.

Manifestement cette tendance témoigne d’un manque d’aisance pour la peinture

d’histoire, avec des problèmes de conception, un manque d’inventivité, une

sécheresse créative, qui pourraient expliquer ces leitmotivs. Cependant les apparentes

difficultés techniques et artistiques de Jacques Courtois pour le genre ne sont pas les

seules causes que l’on puisse évoquer, car il fut aussi capable de produire des scènes

réussies et plus « modernes » comme le Martyre des quarante pères jésuites (cat. 156)

qui, s’il s’agit d’un massacre, est cependant bien loin des habituels chocs de cavalerie

de l’artiste. N’oublions pas non plus que beaucoup de ses réalisations religieuses,

sans connotations guerrières, nous sont aujourd’hui inconnues et qu’elles nous

apporteraient sans doute une autre vision de cette partie de sa production artistique.

La Nativité, l’Adoration des mages, ou encore la Sainte Famille, étaient

probablement bien différentes ; ces représentations se rapprochant peut-être de la

lunette figurant Rebecca (cat. 141), si appréciée des historiens de l’art. Nous avons

aussi connaissance d’une Sainte Conversation de Jacques Courtois, grâce à un dessin

préparatoire mis au carreau (ill. 39 ), dont la peinture correspondante est perdue, qui

aurait également pu contribuer à offrir un éclairage nouveau sur cette activité du

peintre.

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Analyse de l’œuvre

215

ill. 39 � Jacques Courtois, Sainte Conversation, dessin,

Providence, Rhode Island School of Design

Nous pouvons encore nous demander, concernant la peinture religieuse de

Jacques Courtois, si les sujets eux-mêmes dans leur signification et leur poids

spirituel n’auraient pas également eu une incidence sur l’artiste, tétanisant sa

créativité. Son rapport affectif à la Vierge, sa foi, ses croyances profondes, son

immense respect des personnages sacrés ont pu retenir sa main. La peur de mal faire,

le sentiment d’être indigne de représenter des scènes qui ne seraient sans doute à ses

yeux jamais assez belles pour rendre toute la dévotion qu’on leur devait, pourraient

expliquer le côté traditionaliste relevé dans ses œuvres religieuses ; ayant pour

résultat la recherche de modèles iconographiques rassurants et surtout correspondant

à la perception que l’artiste se faisait des convenances visuelles en tant que fervent

catholique. Jamais Jacques Courtois n’aurait pu représenter la Mort de la Vierge

comme le fit Caravage.

Pourtant, Courtois s’intéressa aussi à l’œuvre moderne de Pierre de Cortone,

comme nous pouvons le constater dans le décor du réfectoire de Sainte-Croix-de-

Jérusalem, qui s’inspire de celui de la Sala della Stufa au Palais Pitti, dans lequel, il

est vrai, la main de Cortone n’apparaît pas encore pleinement baroque. Notre artiste

se serait ensuite davantage tourné vers l’école bolonaise, si l’on en juge par les

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Analyse de l’œuvre

216

réminiscences reniennes vues dans le cycle de la Chapelle Prima Primaria, ou encore

par l’emprunt de la figure de saint Paul à Ludovic Carrache (cat. 148).

Dans ses représentations religieuses, Jacques Courtois apparaît ainsi écartelé entre

avancées modernes et résistances conservatrices, le rigorisme du chrétien zélé qu’il

était, ne lui autorisant sans doute pas, pour les œuvres religieuses autant de liberté

qu’il pouvait en prendre dans l’exécution de ses paysages et de ses batailles.

Les difficultés de Jacques Courtois pour la peinture d’histoire, l’absence de

grandes entreprises développant des thèmes mythologiques, antiques ou historiques,

la maturation assez lente de l’artiste et son incorporation dans la Compagnie de

Jésus, alors qu’il commençait à acquérir quelque renommée, pourraient également

expliquer pourquoi il ne fut pas membre de l’Académie de Saint-Luc. Aucun

biographe ne le relate et nous ne l’avons pas trouvé dans les registres de l’Académie

à Rome780.

Il peut sembler surprenant qu’un peintre, considéré comme l’égal de Raphaël et de

Gaspard Dughet781, n’ait pas compté parmi les membres de l’Académie. Ça l’est

moins si nous prenons en compte les étapes et le déroulement de sa carrière. Quand

Jacques Courtois commençait à être connu, dix ans après son arrivée à Rome, il

décidait de partir pour la Toscane, et pendant plusieurs années s’absenta

régulièrement de la cité. Quand il revint durablement dans la Ville Éternelle, fin

1657, c’était pour devenir frère jésuite. L’occasion d’une entrée à l’Académie ne se

présenta sans doute pas et quand elle aurait pu avoir lieu les préoccupations de

Courtois étaient autres782.

780. A.S.S.L., vol. 43. Libro originale delle Congregazioni ossiano verbali delle medesime, 1634-1674. 781. N. Pio, ms. 1724, éd. cons. 1977, op. cit., p. 53 ; L. Pascoli, 1730, I, op. cit., p. 121. 782. Jacques Courtois ne fut pas non plus membre de la Compagnia de Terra Santa. Voir V. Tiberia, La Compagnia di S. Giuseppe di Terrasanta da Gregorio XV a Innocenzo XII, Martina Franca, 2005.

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Analyse de l’œuvre

217

Technique et mode opératoire

Jacques Courtois fut essentiellement un peintre de tableaux de chevalet. Il réalisa

peu de décors muraux, à fresque ou à la détrempe, techniques plus ardues qu’il

semble avoir mal maîtrisées. Bien que peu d’études scientifiques aient été consacrées

à Jacques Courtois, artiste n’occupant plus depuis longtemps le devant de la scène, la

constitution du corpus de ses peintures, le témoignage des biographes anciens, ainsi

que les éléments relevés dans les archives et dans ses lettres, permettent de dégager

les caractéristiques techniques de son œuvre et d’entrevoir son mode opératoire.

Comment travaillait-il ? Quel usage fit-il des dessins ? Eut-il un atelier et forma-t-

il des élèves ?

Quelques aspects techniques

Le support

Jacques Courtois privilégia la peinture sur toile. En effet, à ce jour, à l’exception

des pale des frères Médicis (cat. 160-161), sur bois, nous n’avons pas trouvé dans ses

tableaux une seule œuvre qui n’ait pas été réalisée sur toile, support de prédilection

des artistes au XVIIe siècle ; le bois et le cuivre étant moins présents, et plutôt

réservés à de petits tableaux. La toile était appréciée pour sa souplesse, souplesse

structurelle mais également souplesse d’utilisation. Il est possible de la tendre sur un

châssis, bien souvent fabriqué par le peintre lui-même, et donc de lui donner les

dimensions que l’on souhaite. De plus, elle est facile à transporter car on peut la

rouler, même lorsqu’elle est peinte.

Cette constatation concernant le support habituellement utilisé par Courtois, la

toile, ne manquera pas d’alerter devant des « œuvres de Jacques Courtois », réalisées

sur bois ou sur cuivre.

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Analyse de l’œuvre

218

Plusieurs lettres de Jacques Courtois adressées à Alberto Vanghetti, marchand

de tableaux mais également de tissus, font état de nombreuses commandes de pièces

de toile783. Très souvent Vanghetti dédommagea Courtois avec ce produit, ce qui

occasionna de nombreux différends entre les deux hommes, l’artiste estimant que ses

œuvres n’étaient ainsi pas suffisamment « payées ». Dans une lettre du 5 mai 1663,

l’artiste déclare que le nouveau tableau qu’il allait exécuter ne le serait cette fois pas

en échange de toile mais bien contre argent sonnant et trébuchant784.

Quant au type de toile que le peintre commandait, les lettres nous fournissent

aussi quelques informations. Courtois apparaît très attentif au support de ses

peintures, déclarant privilégier sa qualité plutôt que sa finesse785. Dans une autre

lettre, il se plaignait d’avoir seulement reçu « une pièce de toile ordinaire » ne

correspondant pas à ce que Vanghetti avait promis de lui faire parvenir786. La toile

italienne du XVIIe siècle était une toile de chanvre assez grossière787, et il semble que

Jacques Courtois ait souhaité obtenir, à l’extérieur, une toile de « meilleure qualité »,

comme il en fait la demande à Alberto Vanghetti.

Concernant la provenance de cette toile, dans plusieurs lettres, Courtois déclara

avoir eu des nouvelles du recteur du collège jésuite d’Ancône, l’informant qu’il avait

réceptionné les colis que le peintre attendait788. Il est vraisemblable que la commande

de toile passée au marchand de tissus Vanghetti, qui était au fait du négoce de

marchandises, arrivait par bateau au port d’Ancône, sur l’Adriatique, où le P. Retore

la réceptionnait pour le peintre jésuite.

783. G. Locatelli, 1909, op. cit. Jacques Courtois fait état de « toile » et de « pièces de toile » qu’il a commandées ou reçues dans les lettres n° 2, 5, 6, p. 9-10. 784. Ibid., p. 14, lettre du 5 mai 1663 : « […] il quadro lo farò ma non a conte della tella perche come li disi delaltra volta li quadri ché V.S. á auti non furono pagati unna parta con le telle mandatomi et così per non tedirla il quadro per quanto piacer li poso far comé amico caró annó eseré vinti docatoni […] » ; lettre dans la chronologie raisonnée, à cette date. 785. Ibid., p. 9, lettre du 21 août 1661 : « [ …] ciercha poi de la tela ho più cara ché prevalgá in bontà che in sotileza. » ; lettre dans la chronologie raisonnée, à cette date. 786. Ibid., p. 10, lettre du 10 février 1662 ; lettre dans la chronologie raisonnée, à cette date. 787. À propos de la toile utilisée alors en Italie, M. Beal, 1984, op. cit., p. 85 : « Nevertheless, in a note on the English painter Robert Walker, Symonds refer to the popularity of coarse textured canvas in seventeenth century Italy ; this canvas was often woven from hemp. Walker told Symonds that he preferred finely woven canvases to the coarse Italians ones. » 788. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 9-10, lettres n° 3, 5, 6, 7, années 1661 et 1662.

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Analyse de l’œuvre

219

Formats et dimensions

Pour ses tableaux, Jacques Courtois privilégia le format oblong, posé à

l’horizontal, la plupart du temps rectangulaire, mais des œuvres ovales sont

également mentionnées dans les inventaires anciens (dans celui de Camillo Pamphilj,

en 1666789, par exemple, et voir également M. 8-9, et M. 28-29).

Il semble également que le « Bourguignon » ait à l’occasion exécuté quelques

tondi. Nous connaissons le Combat entre un cavalier et des fantassins de

l’Accademia Carrara de Bergame (cat. 40), et deux tondi, des paysages, sont

mentionnés dans l’inventaire du cardinal Mario Albrizzi en 1680 (M. 5-6). Ce format,

dans lequel le regard est attiré au centre du cercle, participe de focaliser l’attention

sur un épisode de guerre restreint, tel celui dépeint dans la toile de Bergame. Comme

Courtois appréciait particulièrement ce cadrage serré sur quelques combattants, nous

pouvons supposer qu’il exista d’autres tableaux de l’artiste de format circulaire.

Francis Haskell, évoquant le peintre Michelangelo Cerquozzi, notait une évolution

dans les dimensions de ses œuvres au fur et à mesure de l’avancement de sa carrière ;

la taille des tableaux augmentant, parallèlement à la renommée croissante de

l’artiste790. Nous pensions qu’il avait pu en être de même pour Jacques Courtois. Il

n’en est rien. D’une part, tôt dans sa carrière, le peintre réalisa des tableaux de

grande taille, dès 1649 avec les Batailles Gerini (cat. 33-34) et vers la même période la

Bataille de cavalerie pour Ferdinando Ridolfi (cat. 35). D’autre part, il continua

d’exécuter de petites œuvres jusqu’à la fin de sa vie (cat. 104-105 , par exemple). Les

lettres échangées avec Vanghetti, entre août 1661 et janvier 1672, font état de

nombreuses commandes de « quadretti », de « batagline » ou « picoline battaglia »,

789. Archivio Doria Pamphilj, Inventario e descrizione di tutti e singoli beni trovati dopo la morte della chiara memoria dell’illustrissimo e eccellentissimo Signor principe Don Camillo Pamphilj, scaff. 86, N. 23, f. 1-444. Transcrit dans J. Garms, Quellen aus dem Archiv Doria-Pamphilj zur Kunsttätigkeit in Rom unter Innocenz X, Rome-Vienne, 1972, p. 333, 345, 419 et 421, et en partie dans L. Salerno, 1977-80, III, op. cit., p. 1136-1138 : « (f. 35) Un quadro in tela ovato alto palmi 2. Largo palmi 3, rappresenta una Battaglia, che combatte con un Capitano à Cavallo con la mano alla spade, et un soldato che li tira alla vita con una picca cornice intagliata indorata. Mano del Borgognone. - / Un quadro ovato come sopra con un Capitano mano del suddetto » ; voir la chronologie raisonnée, au mois de septembre 1666. 790. F. Haskell, 1963, éd. cons. 1991, op. cit., p. 258-259 : « Et pourtant, le succès que remporta Cerquozzi auprès de l’aristocratie romaine se reflète bien dans son art. Il semble, si tant est qu’on puisse établir une datation, que les petits tableaux représentant des scènes de la vie populaire aient été peints, pour la plupart, au début de sa carrière – l’artiste était alors un fidèle disciple de Van Laer et destinait surtout ses toiles aux marchands ; ce n’est que plus tard, pour des œuvres de commande, qu’il adopta un format plus grand et élargit l’éventail de ses thèmes. »

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Analyse de l’œuvre

220

et encore de « paesino »791. Ainsi, en aucun cas, pour ce qui concerne la production

de notre peintre, les dimensions des tableaux sont une aide à la datation ; un petit

tableau pouvant tout à fait être une œuvre tardive, et inversement.

En étudiant le corpus des peintures de Jacques Courtois, nous constatons que les

paysages représentés étaient plutôt de petites dimensions, souvent inférieures aux tele

da testa792, et avec seulement deux toiles d’imperatore793 (cat. 12 et cat. 18). Les

batailles, quant à elles, étaient plus grandes, voire très grandes. Enfin, les batailles

tirées de l’Ancien Testament et les œuvres religieuses, ont majoritairement de très

grandes dimensions, supérieures à la toile d’imperatore.

Préparation de la toile

Pour la préparation de sa toile, puis la pose des couleurs, Jacques Courtois semble

avoir procédé de la même manière que ses collègues romains de l’époque. Après un

encollage, qui était destiné à réduire le pouvoir absorbant du support, la toile recevait

une ou deux couches de préparation qui pouvait être colorée, appelée imprimatura794.

Lors de la restauration des deux tableaux du Louvre, la Bataille de Rephidim (cat. 122)

et Josué arrêtant le soleil (cat. 123) , le rapport fait état d’une sous-couche gris foncé

qui apparaît nettement dans le ciel à cause de nombreux déplacages795. Il n’est pas

précisé s’il y avait une première préparation brun-rouge, comme c’était fréquemment

le cas pour de nombreuses œuvres du XVIIe siècle, avant l’application d’une seconde

couche, qui était souvent de couleur grise796.

Nous ne savons pas non plus s’il y avait un dessin sous-jacent ; sur une

préparation grise, les dessins de contour généralement exécutés à la craie blanche,

une fois l’œuvre achevée, ne sont plus visibles797. Filippo Baldinucci rapporte que

Courtois n’effectuait absolument aucune esquisse préparatoire, ni ébauche, ni dessins

791. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 8-20. « petits tableaux », « petites batailles », « petits paysages ». 792. Environ 50 x 60 cm. 793. Soit une longueur de six palmi, environ 135 cm. 794. M. Beal, 1984, op. cit., p. 81. 795. Pour le tableau, Josué arrêtant le soleil, n° inv. 3438, compte-rendu de la visite du Département des peintures à Versailles des 21 janvier 1994 et 16 mai 1997 et concernant le Josué défait les Amalécites, compte-rendu de la visite de restauration du 10 juin 1994 (Documentation du Louvre). 796. S. Bergeon, E. Martin, « La technique de la peinture française des XVIIe et XVIII e siècles », Techné, I, 1994, p. 69-70 : « La seconde préparation, souvent de couleur grise, est utilisée au XVIIe siècle, assez foncée chez Poussin et Vignon, plus claire chez d’autres peintres comme Vouet. Cette couleur, à base de blanc de plomb, est encore utilisée au XVIIIe siècle […] ». Jacques Courtois comme Nicolas Poussin, tous deux ayant effectué l’essentiel de leur carrière à Rome, semblent donc avoir utilisé une préparation gris foncé. 797. Ibid., p. 70.

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Analyse de l’œuvre

221

mais qu’avant de peindre, il griffait sa toile avec le manche d’un pinceau faisant

apparaître ses différents groupes, puis qu’il peignait ensuite à grands coups798.

Au cours des années jésuites, nous pouvons penser que le peintre préparait lui-

même la toile qu’il achetait à Vanghetti, mais il lui arriva également de s’en procurer

de toute prêtes, auprès d’« imprimeurs »799. Dans une lettre du 2 novembre 1662 au

marchand Alberto Vanghetti, nous apprenons que le peintre n’avait pas de garçon

d’atelier qui lui broyait ses couleurs ou lui préparait ses toiles car, à Rome : « nous

avons des gens qui vendent des couleurs finement broyées et aussi des toiles

préparées, si bien qu’il n’est pas nécessaire d’employer des aides pour le faire »800.

Ces achats de toiles prêtes à peindre avaient l’avantage de permettre à l’artiste de

pouvoir commencer à travailler immédiatement ; la peinture à l’huile devant en effet

être appliquée sur une préparation complètement sèche, sous peine de voir les

couleurs à l’huile sécher mates.

La pose des couleurs

Au cours des années jésuites, Jacques Courtois utilisait donc des pigments déjà

préparés, disponibles dans les botteghe romaines. Nous n’avons cependant retrouvé

que peu de traces de ces achats dans la comptabilité jésuite801.

La peinture à l’huile exige de travailler gras sur maigre ; plus on progresse dans le

tableau et plus la peinture sera chargée en huile, pour éviter les ennuis au séchage, les

craquelures par exemple. L’étude scientifique effectuée à l’occasion de la

restauration des deux tableaux du Louvre nous apprend que le ciel du Josué arrêtant

le soleil (cat. 123) aurait été peint très progressivement du sombre au clair à partir

d’une sous-couche épaisse et foncée802. Le 16 juin 1995, un autre compte-rendu fait

état de repeints très durs localisés dans le haut du ciel de la Bataille de Rephidim (cat.

122). Comme ces tableaux sont des pendants, on peut supposer que pour le précédent

c’est la même chose - un compte-rendu du 16 mai 1997 parlant de très importantes

usures dans le ciel - et nous pouvons émettre l’hypothèse qu’une cause constitutive a 798. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 422. 799. M. Beal, 1984, op. cit., p. 88. 800. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 12 : « Quì [a Roma] abbiamo chi ci vende i colori belli macinati e così le tele apparecchiate che non occorre garzoni per questi effetti. » ; voir la lettre dans la chronologie raisonnée, à la date du 2 novembre 1662. 801. Voir la chronologie raisonnée, au 29 avril 1661. 802. Compte-rendu de la réunion de restauration du 13 décembre 1985 (Documentation du Louvre).

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Analyse de l’œuvre

222

pu entraîner ces problèmes, peut-être même assez rapidement puisqu’il y a des

repeints dans cette zone. Nous pouvons penser que cela est dû au pigment utilisé

pour peindre le ciel, peut-être le smalt, souvent employé par les peintres du XVIIe

siècle pour les ciels, d’utilisation délicate car difficile à broyer finement, et donc ne

donnant pas une peinture bien fluide803.

Si plusieurs tableaux de Courtois sont aujourd’hui en assez mauvais état (cat. 111 ,

par exemple), voire définitivement ruinés, il apparaît que dès la fin du XVIIe siècle

certaines œuvres étaient déjà irrémédiablement perdues, telle l’Attaque de bandits du

marquis Pier Antonio Gerini, dont Pandolfo Reschi dut exécuter une copie afin que

le collectionneur florentin puisse en conserver le souvenir (voir C. 23) ; les problèmes

de conservation des œuvres de Jacques Courtois survenant donc très tôt.

Quel usage des dessins ?

Comment notre artiste passait-il de la première idée de l’œuvre au tableau fini, du

« dessein au dessin »804 tout d’abord, puis à la réalisation de l’œuvre peinte ?

Filippo Baldinucci affirmait que Jacques Courtois ne concrétisait pas à l’avance,

par un dessin par exemple, l’idée qu’il avait d’un tableau, passant directement de la

conceptualisation de l’œuvre à son exécution. Il écrivait : « celui-ci pour commencer

une œuvre n’avait pas l’habitude, comme le font les autres peintres, de réaliser des

esquisses, des dessins, des ébauches ou autre, mais il prenait une toile, sa palette et

ses pinceaux, et avec le manche de ceux-ci, il griffait légèrement la toile faisant

apparaître ses groupes : et puis il peignait à grands coups, le tout étant au final

parfaitement réalisé »805. Ce point de vue, initié par Filippo Baldinucci et souvent

réitéré par la suite, contribua à la légende de l’artiste, à l’image du peintre au

caractère impétueux et travaillant vite.

803. S. Bergeon, E. Martin, 1994, op. cit., p. 72 ; R. D. Harley, Artist’s pigments, 1600-1835, Londres, 1970, p. 53. 804. J. Thuillier, Nicolas Poussin, Paris, 1994, p. 72-73. 805. F. Baldinucci, 1728, op. cit., p. 422 : « [...] egli in cominciar le opere sue non fu solito, come quasi ogni altro pittore, di formare invenzioni con schizzi o disegni, bozzette o altra cosa, ma presa la tela, la tavolozza e pennelli, coll’asta di essi alquanto appuntata, sfregando leggiermente essa tela, vi faceva apparire delineati i suoi gruppi : e poi co’ colori di primo e forte colpo, il tutto riduceva a perfezione. »

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Analyse de l’œuvre

223

Si l’on en croît le biographe florentin, notre peintre aurait donc privilégié le fa

presto, œuvrant rapidement, sans véritable préparation. Nous pouvons concevoir une

telle exécution en cas de travail répétitif parfaitement au point, caractérisé par

l’emploi de quelques schémas de composition, dans lesquels l’artiste introduit des

motifs iconographiques, qu’il connaît de tête comme le laisse entendre Baldinucci. Si

l’assertion du biographe pouvait sembler plausible, l’étude conjointe des dessins et

des peintures de Jacques Courtois amène à modérer ce point de vue.

Dans les feuilles de l’artiste, nous trouvons l’éventail complet de ses motifs

figuratifs et il apparaît à l’évidence qu’en premier lieu ses dessins étaient utilisés

comme source d’inspiration, comme aide-mémoire. Nous y relevons les principaux

éléments de paysage ainsi que ses figures. L’artiste les assemblait ensuite, organisant

ses groupes pour composer une nouvelle œuvre (cat. 81 , ill. 31-32 , vol. II).

Dans le cas de petites peintures avec peu de figures, il est possible d’admettre que

parfois son mode opératoire ait pu se passer de dessins préparatoires, mais il ne

s’agissait en aucun cas de la seule manière de procéder de notre artiste. Il eut aussi

besoin, avant de peindre, de matérialiser son idée, l’aspect général d’une scène au

moyen d’un dessin, même rapide. Courtois affirma lui-même à Vanghetti qu’il

réalisait des esquisses avant de peindre806. Il aurait donc été bien improbable de ne

pas trouver de véritables feuilles préparatoires de la main de l’artiste, concrétisant un

concetto, que nous pourrions précisément rapprocher de peintures.

Nous avons, dans notre catalogue raisonné, présenté les dessins exactement

préparatoires (voir cat 72 , ill. 27 , vol. II ; cat. 82 , ill. 33 , vol. II), dont certains mis au

carreau (cat. 128 , ill. 47 , vol. II), de plusieurs peintures. Il semble également que

Courtois ait parfois composé ses représentations en assemblant plusieurs feuilles, à

l’exemple de l’une des batailles Harrach (cat. 81 et ill. 31-32 , vol. II).

Certaines de ses esquisses furent exécutées d’après d’autres maîtres. Dans le cas

de figures isolées, telle celle de saint Paul emprunté à Ludovic Carrache (voir cat. 148

et ill. 53-54 , vol. II), l’artiste les insérait ensuite dans ses propres tableaux. Il lui arriva

également de reprendre des œuvres complètes comme la bataille de Salvator Rosa (ill.

39, vol. II) dont l’artiste peignit une copie (cat. 93).

806. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 18, lettre du 21 août 1666, par exemple ; voir la chronologie raisonnée à cette date.

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Analyse de l’œuvre

224

Enfin, nous avons évoqué dans notre analyse des paysages de l’artiste, l’utilisation

de dessins exécutés d’après le naturel, en particulier dans la campagne romaine, et

qui lui servaient ensuite à composer ses œuvres en atelier, paysages animés ou fonds

de bataille (cat. 51 , ill. 22 , vol. II, par exemple).

Un atelier et des élèves ?

Les biographes anciens les plus fiables, Filippo Baldinucci et Lione Pascoli,

jamais n’évoquèrent un atelier du peintre, ni ne lui donnèrent d’élèves. Seul Dezallier

d’Argenville écrivit : « Il n’est point dit que le Bourguignon ait formé d’autres éleves

que Parrocel le pere »807. J. Delaplanche ne remit pas en cause cette affirmation isolée

et considèra que Joseph Parrocel (1646-1704) fut effectivement l’élève de Jacques

Courtois à Rome, bien que le séjour du premier en Italie soit un mystère et qu’il n’en

ait retrouvé aucune trace808. Parrocel serait arrivé à Rome vers 1667 et « devint

l’élève de Jacques Courtois, le batailliste le plus célèbre de la Péninsule. Au moment

de l’apprentissage de Parrocel, il vivait avec ses deux frères François et Guillaume

Courtois, peintres également, dans un petit palais sur la place d’Espagne. Après

quelques années de formation auprès de Jacques Courtois, Parrocel résolut de partir

pour Venise afin d’y étudier les coloristes »809.

Si l’influence de Courtois est lisible dans l’œuvre du peintre français, il est, selon

nous, improbable que Parrocel ait été directement l’un de ses élèves à Rome. Quand

Jérôme Delaplanche affirme qu’il effectua sa formation auprès de Jacques Courtois,

qui habitait dans un petit palais place d’Espagne, avec ses frères Guillaume et Jean-

François, c’est inexact. En 1667, Jacques était déjà frère jésuite depuis dix ans. Il

résidait à la maison professe du Gesù ou au noviciat, où il lui était impossible

d’accueillir des apprentis, comme il le confia lui-même à Vanghetti. En 1662, dans

deux lettres au marchand bergamasque, qui lui avait adressé à Rome un jeune

807. A. J. Dezallier d’Argenville, 1745-1752, éd. cons. 1762, IV, op. cit., p. 153. 808. J. Delaplanche, Joseph Parrocel (1646-1704), la nostalgie de l’héroïsme, Paris, 2006, p. 16 : « Joseph Parrocel s’installa à Rome vers 1667. Le séjour en Italie reste un mystère complet dans la carrière de l’artiste et n’est mentionné par aucun historien italien contemporain. Antonio Bertolotti (1886) ne connaît le séjour que d’après Dezallier d’Argenville. La recherche du domicile de l’artiste grâce aux stati di anime dans les paroisses où résident ordinairement les peintres à Rome n’a donné aucun résultat. La recherche dans les inventaires de quelques collections de peintures des amateurs de l’époque n’a pas rencontré plus de succès. » 809. Id.

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Analyse de l’œuvre

225

homme qui souhaitait étudier, Jacques Courtois lui faisait part de son embarras de ne

pouvoir le satisfaire, invoquant deux raisons : il n’a rien à donner à copier810 et il est

surtout dans l’incapacité de prendre cet élève auprès de lui, ayant juste assez de place

pour lui-même811. Courtois estimait de plus n’avoir aucune autorité en matière

d’enseignement et déclarait se satisfaire pleinement de sa vocation religieuse812.

Au terme de notre recherche, en prenant en compte les notices biographiques

anciennes et les documents d’archives retrouvés, nous n’avons pu identifier qu’un

seul élève de Jacques Courtois, le Siennois fra Mattia, ou Mattias, della Vigna, qu’il

aurait formé lors de son ou ses séjours toscans, au service du prince Mattias de

Médicis. Les biographes anciens, hormis Dezallier d’Argenville proposant Joseph

Parrocel, ne citaient aucun élève, et les documents romains sont muets.

Pendant son premier séjour à Rome, Courtois ne semble pas avoir eu d’atelier. En

1649, s’il est en compagnie de Nicolas Chapuis, à supposer que ce soit bien le peintre

de Grenoble, ce qui n’est pas certain, il n’est pas fait état de relations

professionnelles sur le registre des Stati delle Anime. Ensuite, alors qu’il commençait

à être connu, il quitta Rome pour la Toscane, puis voyagea longuement. Enfin, quand

il revint définitivement dans la Ville Éternelle, Jacques Courtois intégrait la

Compagnie de Jésus, où il était dans l’incapacité de tenir un atelier et d’accueillir des

élèves. Aucune mention de disciples jésuites ne figure dans les archives de l’ordre, et

Courtois qui se dit surchargé de travail, n’ayant plus le temps de respirer813, n’avait

vraisemblablement pas d’aides. Seuls deux autres peintres sont mentionnés sur les

registres de la Province romaine pendant les années jésuites de Jacques, et ils ne

semblent pas avoir travaillé de concert avec le frère Courtois : Pierre de Lattre,

d’origine belge, frère jésuite depuis le 2 février 1626 – qui aurait réalisé un des

810. G. Locatelli, 1909, op. cit., p. 11, lettre du 1er juillet 1662 : « […] cirche di quel Giovene chè vorebe setudiare io non saprei che mi faré perchè non hó che dar da ricopiare. » ; voir la chronologie raisonnée, à cette date. 811. Ibid., p. 12, lettre du 28 octobre 1662 : « […] in casa non lo posso tenere e di più dove dipingo io, non vi è a mala appena luogo per me, sicchè mi dispiace che non si possa servire gli amici in quello che desiderano. » ; voir la chronologie raisonnée à cette date. 812. Ibid., p. 11, lettre du 1er juillet 1662 : « […] un pover fratello come sono io nella Religione mia non a senza licenza alcuna autorità né meno di parlaré perchè cosi conviene et rendo Gratia al sig. iDio ché ma proviste di unna Religione si santa ; basta che io corispondi ala Gratia de la mia vocatione et son contento […] » ; voir la chronologie raisonnée à cette date. 813. Ibid., p. 20, lettre du 7 juillet 1668 : « […] ho tanti lavori per le manni che non mi lasciano camparé […] » ; lettre dans la chronologie raisonnée, à cette date.

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Analyse de l’œuvre

226

tableaux de l’église Saint-Ignace -, et Giuseppe Tonini, un Siennois, qui entra dans la

Compagnie le 9 août 1672.

À cet éclairage, les mentions d’« atelier du peintre » et d’« élève de Jacques

Courtois » perdent beaucoup de leur crédit.

Concernant Giuseppe Pinacci (1642-1718), dont Sebastiano Resta affirme qu’il fut

l’élève de Courtois814, nous ne pouvons le confirmer avec certitude. Cependant, il

reste selon nous, l’un des élèves les plus plausibles de notre artiste (ill. 40 . Il

connaissait bien l’œuvre de Courtois si l’on en juge par l’aspect du nuage ou de la

fumée qui vient s’écraser contre le bord supérieur du cadre)815. Il était siennois,

comme fra Mattias, et nous savons que la Toscane fut la région où nous sommes

certaine que Jacques Courtois forma au moins un élève ; ces séjours toscans étant

peut-être les seules périodes de son existence au cours desquelles il eut cette

occasion.

ill. 40 � Giuseppe Pinacci, Après la bataille, Prato, Palazzo degli Alberti

Pinacci, né en 1642, était sans doute trop jeune en 1652-1653 pour qu’on envisage

une formation lors du premier séjour toscan de Courtois ; si elle eut lieu, ce fut

probablement au cours du second, fin 1656-1657.

814. G. Bottari, S. Ticozzi, 1822-1825, II, op. cit., p. 113-115 815. A. P. Orlandi, 1704, éd. cons. 1753, op. cit., p. 236. Dans son Abecedario pittorico, Orlandi affirme que Pinacci étudia le dessin auprès de Livio Mehus et qu’il aurait ensuite étudié les batailles de Jacques Courtois, à Sienne. Mehus et Courtois furent deux des protégés du prince Mattias de Médicis.

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Analyse de l’œuvre

227

Ainsi les nombreux peintres de batailles de la fin du XVIIe siècle et du début du

XVIII e qui se réclamèrent de Jacques Courtois, n’ont très probablement été que des

suiveurs de l’artiste, n’ayant pas directement reçu son enseignement. Ils s’inspirèrent

de ses œuvres, ou encore les copièrent à l’instar de Pandolfo Reschi qui profita des

tableaux de Courtois présents dans les collections florentines, dont la collection

Gerini.

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______ CONCLUSION

Si, historiquement, la guerre de Dix Ans marqua implacablement le destin de

Jacques Courtois en le forçant à l’exil, et si la fidélité de sa patrie aux Habsbourg

d’Espagne put tracer les étapes de son parcours jusqu’à Rome, aussi être à l’origine

de rencontres décisives pour sa carrière, le contexte socioculturel et surtout religieux

dans lequel il grandit fut primordial. Il participe de la compréhension du personnage,

éclairant sa personnalité et expliquant le grand tournant de son existence, son

engagement jésuite.

Le jeune Jacques Courtois, qui était arrivé à Rome au début des années 1640,

réussit à vivre de son art et à s’intégrer définitivement dans son pays d’accueil.

Hormis quelques voyages, il fut romain d’adoption, sa carrière étant caractérisée par

deux longs séjours dans la Ville Éternelle, soit près de trente années sur les trente-six

qu’elle compta. Sans nier l’attrait artistique de Rome, pour ce jeune aspirant peintre,

l’aura spirituelle de la capitale de la catholicité, pour un adolescent façonné par la

Réforme catholique dans une province fidèle à la foi traditionnelle, pour longtemps

ultramontaine, et dont la population était connue pour sa mariolâtrie ne doit pas être

négligée. Cela nous permet de mieux percevoir pourquoi cet artiste en pleine

ascension sociale, qui commençait à être reconnu et qui vivait confortablement de

son art, fit « soudainement » le choix d’une vie religieuse qui concernerait ses vingt

dernières années.

Les documents d’archives et la correspondance de Jacques Courtois nous ont

permis d’approcher l’homme intérieur, nous délivrant l’image d’un catholique

fervent. Courtois n’était pas un cas isolé, et son parcours n’avait rien d’exceptionnel

au XVIIe siècle, même pour un artiste. Outre les exemples de Rubens et Bernin déjà

évoqués, Émile Mâle donna de nombreux témoignages des dévotions d’autres

peintres de l’époque. Guerchin priait une heure tous les matins avant d’aller entendre

la messe, et après sa journée de travail se rendait dans une église pour de nouvelles

oraisons ; Carlo Dolci, très pieux, ne se faisait pas payer de ses tableaux pour les

ordres pauvres ; ou encore l’exemple de Mattia Preti qui « devenu vieux, cessa de

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travailler pour pouvoir pendant quelques années se préparer à l’éternité »816. Si

nombre d’entre eux furent membres de congrégations, desquelles ils suivaient

assidûment les exercices, Jacques Courtois poussa plus loin son engagement

religieux, décidant d’entrer dans la Compagnie de Jésus, un des ordres nouveaux de

la Contre-Réforme.

Il fut trop souvent fait abstraction de cet aspect essentiel de sa vie qui, pourtant, ne

manqua pas d’avoir une influence sur la production des vingt dernières années, avec

notamment la réalisation d’œuvres religieuses, destinées à l’ornementation des

maisons de son ordre, et l’exécution de décors accompagnant les temps forts du

calendrier liturgique, qui ne doivent plus être ignorés. Au cours de ses premières

années jésuites, Jacques Courtois réserva son art à sa communauté, mais il allait

ensuite avoir l’autorisation de peindre pour l’extérieur, et put à nouveau produire des

batailles et des paysages majoritairement profanes. Si les contraintes liées à son état

de frère jésuite et ses obligations religieuses eurent une incidence sur la diversité des

œuvres produites, elles influèrent certainement aussi sur leur quantité et leur facture.

L’artiste avait alors moins de temps pour peindre, et il dut œuvrer plus vite. Il

disposait également de peu de place pour travailler et il lui était impossible d’avoir

un atelier et des élèves.

Cette entrée en religion dans la Rome du XVIIe siècle, sans conteste, pesa sur les

réalisations de Jacques Courtois et apparaît comme un élément de biographie

incontournable, intéressant les années de maturité artistique. Mais il est un deuxième

paramètre tout aussi important, qui façonna Courtois et sa peinture : sa carrière

presque exclusivement italienne. La production de cet étranger définitivement

installé en Italie, rebaptisé Giacomo Cortese, detto il Borgognone, fut fortement

influencée par son environnement artistique. Contrairement à nos compatriotes qui le

maintiennent dans l’école française, historiens de l’art anglo-saxons et italiens

incluent Jacques Courtois dans l’école italienne817, tant son pays d’accueil laissa son

empreinte dans sa production.

Réceptif au travail de ses illustres prédécesseurs et des confrères qu’il côtoya,

l’artiste bâtit un œuvre pictural personnel, synthèse de sa personnalité, de son vécu et

de sa réception d’apports extérieurs. Si l’influence des peintres nordiques installés en

816. É. Mâle, 1932, éd. cons. 1984, op. cit., p. 35-36. 817. Voir F. A. Salvagnini, 1937, op. cit., p. 21,193-194, et la fortune critique.

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Italie est lisible dans ses paysages et ses batailles, témoignant sans doute de la

poursuite de sa formation auprès de maîtres du Nord, la maturité arrivant et le séjour

en Italie se prolongeant, Jacques Courtois s’ouvrit à l’art italien. Son intérêt pour les

maîtres anciens, dont l’artiste admira les œuvres à Rome et également lors de ses

voyages et de ses séjours dans les grands centres artistiques de la Péninsule, mais

également pour ses contemporains, notamment Pierre de Cortone, Aniello Falcone et

Salvator Rosa, imprimèrent à ses œuvres une italianisation marquée. La réception de

cette modernité et son assimilation par Jacques Courtois constituèrent, selon nous,

une étape essentielle dans le processus de maturation de son œuvre peint. Ses

emprunts de figures aux peintres italiens, et l’adoption progressive par l’artiste d’un

langage plus expressif, où couleurs et effets de lumière concourent pleinement à une

mise en scène théâtrale, permettent de le considérer comme un des acteurs de la

peinture baroque italienne.

Si incontestablement, Jacques Courtois fut un excellent peintre de batailles, dont

le répertoire et les schémas novateurs pesèrent sur le genre, il n’est aujourd’hui plus

possible de le circonscrire à cette seule activité, perpétuant une image rebattue de

l’artiste et de son œuvre, vieille de près de trois siècles. Pour en avoir une idée plus

juste et plus complète, il faut également tenir compte des autres facettes de sa

production : paysages et peinture d’histoire.

Cette dernière, qui n’est sans doute pas la plus réussie, ni la mieux maîtrisée par

notre artiste, est aussi digne d’intérêt, car sa peinture religieuse, qui apparaît à la fois

passéiste et moderne, est peut-être celle qui illustre le plus justement Jacques

Courtois. Elle nous laisse entrevoir un personnage ambivalent, où le fidèle catholique

rigoriste, respectueux du sacré à en être figé dans sa créativité, côtoya l’artiste

sensible et ouvert qui reçut et assimila la leçon italienne, cette modernité artistique

dans laquelle il évolua.

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Fortune critique

L’homme

Pellegrino Antonio Orlandi : Abecedario pittorico, Bologne, 1704.

[…] partì poi per Siena, dove s’ammogliò con Donna, di cui gelosissimo vivea ; questa morta d’improvviso, ed incolpato d’averle dato il veleno, ritirossì nei Padri della Compagnia di Gesù, per i quali lavorando opere varie, meritò l’abito Religioso. [éd. cons. 1753, p. 404].

Filippo Baldinucci : Notizie de’ professori del disegno da Cimabue in qua…, Florence, 1728.

S’egli è vero, come verissima cosa è, che quando l’uomo per la varia e molta cognizione di cose, o per alcuna eccellenza di nobil arte, in vece di lasciarsi muovere da malnati pensieri d’ingorda ambizione, riducesi alla mente la sua grandezza, la sua gloria, i suoi tesori esser riposti solamente nel cielo, si può fermamente di lui credere, che e’ sia giunto a quella soprana virtù, la quale, oltre al cinger le tempie de’ suoi immortali e sempre verdeggianti allori, concede ancora a chi sale il suo monte, la prudenza del serpente, la semplicità della colomba, la vittoria di se medesimo ; come non si potrà ora credere lo stesso del Padre Jacopo Cortesi, il quale potendo al pari di qualsivoglia altro più celebre pittore, non solamente come un altro Orione farsi arrogante, ma eziandio, come l’avido Mida, convertire in oro col suo prodigioso pennello tutto ciò ch’ei volesse : indirizzato in quella vece dalla pietà e dal culto di Dio a chieder l’abito della Compagnia di Gesù, e sottoporsi ad una obbedienza rigorosa, se stesso abbastando, e la propria virtù agli occhj degli uomini, per quanto fu da se, nascondendo, ha saputo fare acquisto di doppia gloria. [p. 417]. Ed è da notarsi, che egli molti giorni avanti, e nello stesso dì dell’accidente, disse di aver male, e d’aspettarsi qualche grave infermità ; anzi da ciò indotto, si era egli risoluto di tornarsene a Roma, siccome ancora (come egli medesimo aveva detto) per celebrare più devotamente la Festa del Beato Stanislao Kostka della medesima Compagnia : e a gran ragione crediamo ora, che egli per le sue religiose virtù fortisse di ottenere assai più vantaggiosamente l’intento, con essere ammesso alla conversazione in cielo, di chi egli desiderò di onorare in terra. [p. 426].

Lione Pascoli : Vite de’ Pittori, Scultori ed Architetti moderni, Rome, 1730, vol. 1.

Non è Jacopo il primo tra i soldati, che dalla militar disciplina passato sia allo studio delle facoltà più sublimi, e delle più belle arti. Nè egli sarà l’ultimo tra’ professori, che disprezzato il nome, la stima, il credito della professione, ed abbandonati i comodi, il dominio, le ricchezze della casa, i divertimenti, la libertà, i piaceri del mondo, si ritiri alla povertà, all’ubbidienza, a’ rigori delle religioni. [p. 112].

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Luigi Lanzi : Storia pittorica dell’Italia, Bassano, 1795-1796.

Il avait autrefois porté les armes, et les images de la guerre ne cessèrent pas de l’occuper au milieu de l’oisiveté de Rome et du cloître. [éd. cons. éd. fr. 1824, II, p. 248].

Charles Blanc : Histoire des peintres de toutes les écoles. Ecole française, Paris, 1865, vol. 1.

Lorsqu’on regarde le portrait du Bourguignon et qu’on le voit vêtu d’un habit de religieux, on a quelque peine à s’expliquer comment un tel goût pour la représentation des batailles a pu entrer dans l’âme d’un père jésuite, et l’on est naturellement curieux de connaître la biographie d’un maître qui présente dès l’abord un si étrange contraste. Les portraits du Bourguignon le représentent comme un homme bilieux et sombre, aux épais sourcils, à l’œil noir. Sa femme, dont il était, nous l’avons dit, extrêmement jaloux, étant venue à mourir après sept ans de mariage, on le soupçonna de l’avoir empoisonnée. Lui, devenu veuf sans enfants, il se retira chez les Pères Jésuites, où il prit l’habit de frère laïque. [notice « Le Bourguignon », p. 2].

Francesco Alberto Salvagnini : I Pittori Borgognoni Cortese (Courtois), e la loro casa in piazza di Spagna, Rome, 1937.

Intorno a Giacomo abbiamo riportato i giudizi dati dai suoi superiori nell’Ordine Gesuitico; giudizi che collimano col ritratto fisico-morale che ne dà il Pascoli in poche parole : « Era egli di natural piuttosto malinconico che allegro, di corpo anzi pieno che magro, di proporzionata statura, di non brutto aspetto e di temperamento sanguigno ». A questi dati precisi possiamo forse aggiungere quella violenza di sentimento, quella passionalità che senza dubbio lo turbò gravemente nella sua dolorosa vicenda coniugale, e che si manifestò tanto irruente anche nella crisi che lo condusse alla vita religiosa. [p. 199].

Edward Holt : « The Jesuit Battle-Painter : Jacques Courtois (le Bourguignon) », Apollo, no 85, mars 1969.

The real cause of Courtois’s withdrawal from the world, which had brought him fame and fortune, into the Jesuit order is not known and leads to endless speculation. It should be remembered that he came from a very devout family. [p. 215-216]. Tinged with a certain pathos, the face that confronts us in his Self-Portrait, though surely not the face of a man capable of murdering his wife, is nevertheless sad, and Pascoli in fact, stressed his melancholy nature. [p. 216].

Simonetta Prosperi Valenti Rodinò : « Jacques Courtois », Dizionario biografico degli italiani , vol. XXX, Rome, 1984.

A Roma si vociferò che il C(ourtois) avesse avvelenato la moglie, probabilmente per motivi di gelosia, ma questa diceria non trova fondamento reale. Il fatto che il pittore pochi anni dopo sia entrato a far parte della Compagnia di Gesù, così scrupolosa e severa con i propri novizi, sembra far escludere ogni ipotesi di uxoricidio. [p. 505].

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L’artiste

André Félibien : Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, Paris, 1688, vol. 2.

Courtois Bourguignon faisoit assez bien le païsage, de mesme que Franchisque Milet flamand qui taschoit d’imiter la maniere du Poussin. [p. 669].

Pellegrino Antonio Orlandi : Abecedario pittorico, Bologne, 1704.

Esercitossi per molto tempo nell’arte militare, poi per genio particolare alla pittura, principiò a dipignere, variando Maestri dal variare paesi […].

Ritornato a Roma, per la sublimità dell’opere sue, tinte d’un fondo strepitoso, e colorite d’una forza terribile, fu accolto dalla prima Nobiltà, carico di gloria, e d’onore, quasi settuagenario morì dopo l’anno Santo del 1675. [éd. cons. 1753, p. 404].

Nicolà Pio : Le vite di pittori, scultori et architteti, ms. 1724.

Dicendosi da molti, che in questo mondo tre grand huomini non hanno havuto, nè haveranno pari e sono stati insuperlativo grado eccellenti cioè Raffaelle nelle figure, Gasparo Pusino nelli paesi et il detto padre Giacomo nelle battaglie. [éd. cons., C. et R. Enggass, 1977, p. 53].

Filippo Baldinucci : Notizie de’ professori del disegno da Cimabue in qua…, Florence, 1728.

Pare, che della nuova e maravigliosa maniera di questo pittore, alcuna cosa dir si dovesse ; ma perchè le opere sue, per numero infinite, e per eccellenza singolarissime, da per loro stesse abbastanza parlano, ogni altra cosa tralasciando, dirò solo, potersi affermare di lui lo stesso, che a gran lode di Apelle fu detto ; cioè, di aver’egli dipinto, non solo le cose che dipigner si potevano, ma quelle ancora, che non si potevano dipignere ; tali sono, tuoni, lampi, saette, fumi, fuochi, aria, nebbia ed altre a queste simili ; ma non solo tali cose, che pure all’occhio si presentano, dipinse il Borgognone maravigliosamente ; ma quel che è più, le sue finte battaglie, fanno in un certo modo, se non sentire all’orecchio, rappresentare con terrore al pensiero il gridar de’ soldati nelle zuffe, lo stridere de’ feriti, il lamentare de’ moribondi, lo strepitar delle bombarde, lo scuoter delle mine, per così dire, come se vere fossero e non finte. Aggiungerò cosa, che ha molto del singolare : e fu, che egli in cominciar le opere sue non fu solito, come quasi ogni altro pittore, di formare invenzioni con schizzi o disegni, bozzette o altra cosa, ma presa la tela, la tavolozza e pennelli, coll’asta di essi alquanto appuntata, sfregando leggiermente essa tela, vi faceva apparire delineati i suoi gruppi : e poi co’ colori di primo e forte colpo, il tutto riduceva a perfezione. [p. 422].

Lione Pascoli : Vite de’ Pittori, Scultori ed Architetti moderni, Rome, 1730, vol. 1.

Fu universalmente compianta la perdita di questo valentuomo, e molto molto dispiacque a’ padri Gesuiti, agli amici, ed a’ professori, alcuni de’ quali più appassionati degli altri giunsero fino a dire, che tre soli pittori stati erano in superlativo grado eccellenti, Raffaello per le figure, Gasparo per i paesi, il P. Jacopo per le battaglie. Nelle quali ben si conosce, che egli era stato del mestiere ; perchè ha rappresentata nuda, semplice, e pura la verità, ed

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in ispecie ne’ fumi, ne’ fuochi, negli spari della moschetteria, e delle bombarde, negl’incontri, negli attacchi, e ne’fervori delle mischie con tanti varj accidenti così ben espressi, ed imitati, che par di vedere i veri guerrieri fieramente insieme azzuffati combattere, ferire, cadere, fuggire, grondar sangue, morire, vincere, e trionfare. [p. 120-121].

Antoine Joseph Dezallier d’Argenville : Abrégé de la vie des plus fameux peintres avec leur portrait gravé en taille douce…, Paris, 1745.

Le pere de Jacques Courtois s’appelloit Jean & étoit peintre ; il eut ce fils en 1621, dans la ville de saint Hypolite en Franche-Comté, & il n’eut pas de peine à lui inspirer le goût de sa profession. La nature l’y avoit destiné d’elle-même, & il ne fit dans la suite que développer cet heureux penchant. [éd. cons. 1762, IV, p. 150]. Il donnoit à ses couleurs un éclat & une fraîcheur qui en rehaussoient la beauté naturelle ; son style étoit mâle, & son feu paroissoit dans les sujets qui demandoient de la force & de la vigueur. [éd. cons. 1762, IV, p. 151]. Rien n’est si recherché que ses ouvrages ; l’on y apperçoit un feu & une intelligence qu’on ne trouve point dans les autres peintres de batailles. Rarement le Courtois faisoit-il des esquisses & des desseins ; la hante de son pinceau qu’il éguisoit, lui servoit à tracer sa pensée sur la toile, & il peignoit ensuite le tableau sans le quitter. [éd. cons. 1762, IV, p. 152].

Claude-Henri Watelet, Pierre-Charles Lévesque : Dictionnaire des Arts de peinture, sculpture et gravure, Paris, 1792.

Vous, Artistes ou Amateurs, qu’enthousiasme le feu que vous appercevez dans une rencontre peinte par Bourguignon ; après ce premier & juste tribut, remarquez au moins que quelquefois cet habile Artiste, & sur-tout ses imitateurs, ne montrent une certaine fougue pittoresque qu’aux dépens des formes, du trait & de la verité. [I, p. 188].

Luigi Lanzi : Storia pittorica dell’Italia, Bassano, 1795-1796.

Il donna une telle expression de vérité à ses guerriers, que l’on croirait voir le courage même combattre pour l’honneur et pour une légitime défense. On s’imagine presque entendre, pour me servir des expressions d’un autre écrivain, le bruit des armes, les hennissements des chevaux, les cris des mourants. Il fut presque inimitable dans son genre ; et ses élèves eux-mêmes disaient que leurs soldats combattaient en jouant, et ceux du Borgognone en réalité. Il peignait rapidement, ce qui fait que ses batailles ne sont point rares dans les galeries. Il fut rapide dans sa touche, plein d’ame dans sa couleur, et fait plus d’effet de loin que de près par cette raison ; […] . [éd. cons. éd. fr. 1824, II, p. 248-249].

Charles Blanc : Histoire des peintres de toutes les écoles. Ecole française, Paris, 1865, vol. 1.

On trouve assez souvent, chez les marchands de tableaux ou dans les ventes publiques de petites Batailles d’un ton vigoureux et même poussé au noir, sur lequel saillit la croupe d’un cheval blanc au galop, dont le cavalier, en chapeau à plumes et en bottes fortes, reçoit un coup de pistolet en pleine poitrine ; le tout s’enlevant sur un ciel obscurci par d’épais nuages

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de fumée et sur un terrain jonché de mourants et de morts […]. En apercevant des morceaux de ce genre, l’amateur qui les reconnaît aussitôt à leur touche mâle et fière mais un peu lourde, à leur ton de couleur, à leur mouvement, au costume des personnages et même aux dimensions de la toile, l’amateur s’écrie : Voilà un Bourguignon ! C’est qu’en effet le nom de Bourguignon est attaché à ces sortes de tableaux, si bien qu’il est regardé comme le maître par excellence des petits combats de cavalerie, comme le vainqueur inévitable de toutes les rencontres de la peinture. [notice « Le Bourguignon », p. 1]. En se vouant désormais à ces sortes de représentations, Courtois devait avoir pour admirateurs tous ceux qu’il avait pris pour modèles. Comme eux, du reste, il était bien de son temps ; car à l’exception de Nicolas Poussin et de Claude, qui, chacun dans leur sphère, tenaient pour le style, toute la peinture était alors tombée dans le maniérisme, et la décadence était universelle. La touche avait pris partout la place de l’expression, la pratique de l’art en était devenue l’essentiel. [notice « Le Bourguignon », p. 2-3]. Le Bourguignon se distingue de ses contemporains, et par sa manière de peindre, et par le choix de ses modèles. Les soldats qu’il mit en scène étaient d’ordinaire ceux de la cavalerie française de son temps, dont il avait étudié les uniformes, les montures et les allures lorsqu’il suivait notre armée dans le Milanais. Il eut également cela de particulier qu’il peignit ses petites batailles au premier coup, alla prima, avec entrain, avec feu, d’une touche empâtée et qui paraît fougueuse ; qui paraît, disons-nous, car cette furie d’exécution cache beaucoup de poncif ; ce mouvement des figures est appris par cœur, et si l’on y regarde bien, après le premier effet de surprise que produit toujours une peinture mouchetée de clairs et d’ombres, on s’aperçoit que les figures du Bourguignon ne combattent point leur combat, qu’elles en jouent simplement la pantomime ; que ses fuyards ne fuient pas pour de bon, mais seulement pour que le tableau soit accidenté de coups de sabre ; qu’enfin ses soldats se battent de pratique et sont peints de même. [notice « Le Bourguignon », p. 4]. En somme, le Bourguignon n’est qu’un peintre de genre, aussi bien dans ses tableaux que dans ses gravures autographes. Jamais l’idée du style, jamais l’intention de choisir les formes n’entrèrent dans son esprit. Il est assurément fort difficile de représenter un combat autrement que de mémoire, si on ne le compose pas de pure imagination ; mais du moins on peut demander au peintre qui enlève de caprice une bataille, qu’il y ait autre chose dans son tableau qu’une vérité insignifiante et banale. Bourguignon n’a pas su donner à ses rencontres le genre d’intérêt qui résulte d’un épisode imprévu, du choix des formes, de la beauté des montures. Ses chevaux ont les boulets engorgés, un col sans race, une tête sans caractère. Ils ne sont ni fringants comme ceux de Wouwermans, ni fins et forts comme ceux de Vander Meulen. Ils sont vulgaires sans même avoir le cachet sauvage des rosses de Pierre de Laer. Mais, du reste, hommes ou chevaux, les figures du Bourguignon ne jouent guère qu’un rôle de clair-obscur dans ses compositions monotones et confuses, uniquement faites pour réveiller et amuser l’attention par quelques lumières vives et répétées, semblables à des coups de pistolet dans le brouillard. [notice « Le Bourguignon », p. 8].

Georges Blondeau : « L’œuvre de Jacques Courtois dit le Bourguignon des batailles », Réunion des Sociétés des Beaux-Arts des Départements, vol. 38, 1914.

[…] le Bourguignon, même dans son pays d’origine, est l’un de ces illustres inconnus que la faveur publique ignore, que les amateurs d’art connaissent à peine, mais dont ils ne recherchent point les œuvres. [p. 115].

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La foule des critiques d’art de notre époque ne s’intéresse point à l’œuvre du peintre de Saint-Hippolyte ; on cite son nom, par habitude, pour ne point paraître l’ignorer et, dans les catalogues des ventes célèbres, il figure à côté des plus modestes artistes, comme remplissage. De tous les détracteurs du Bourguignon, celui qui a le mieux réussi à le renverser de son piédestal, est sans contredit Charles Blanc, dont la plume distribue l’éloge avec autant de largesse que de facilité à des artistes de second ordre. [p. 117]. Ainsi Ch. Blanc refuse de voir dans les ouvrages du Bourguignon l’une des principales qualités que tout observateur impartial ne manque pas d’y reconnaître : la sincérité. [p. 118]. Car tout le monde sait, ce que Ch. Blanc semble ignorer, à savoir que, de tous les artistes qui ont jamais touché un pinceau, il n’en est pas un qui, plus que le Bourguignon, ait eu le dangereux honneur de susciter autant d’imitateurs et de copistes. Trop de succès est parfois mauvais pour un artiste ; l’admiration des vrais connaisseurs remplacée par le mercantilisme des placiers, l’émulation de quelques élèves maladroits, la jalousie et la concurrence de nombreux émules contribuèrent, à notre avis, beaucoup plus vite que tout autre événement resté mystérieux, à donner à Jacques Courtois ce caractère sombre et bilieux qui apparaît dans son portrait au Palais des Offices. [p. 120]. Les écrivains qui se sont occupés de Jacques Courtois ont préféré s’attarder sur certains épisodes romanesques de son existence et ne paraissent pas s’être souciés de donner une liste un peu approfondie de ses œuvres. La majeure partie de celles-ci leur était d’ailleurs inconnue ; ce qui n’a pas empêché certains d’entre eux de prétendre à les juger dans leur ensemble. [p. 127]. Lorsque M. Bernardi et ses émules auront terminé ce travail d’érudition artistique, qui dépasse nos forces et notre compétence, alors seulement on pourra avoir une opinion exacte. L’œuvre du peintre de Saint-Hippolyte, dépouillé de cette robe de Nessus, dont ses imitateurs l’ont travesti, apparaîtra plus beau, plus vivant, plus vrai. Le talent du Bourguignon des Batailles, depuis si longtemps méconnu, reprendra sa place dans les annales de la Renommée. [p. 128].

Francesco Alberto Salvagnini : I Pittori Borgognoni Cortese (Courtois), e la loro casa in piazza di Spagna, Rome, 1937.

[…] non ostante siano nati [Giacomo e Guglielmo Cortese] in terra francese e portino l’epiteto di Borgognoni, appartengono alla storia dell’arte italiana. Ed è strano che gli scrittori italiani moderni, trattando di quell’arte e di quel secolo, mostrino di ignorarli. Non così gli scrittori francesi i quali, pur di comprenderli nel serto delle loro glorie nazionali, li classificano sotto il titolo e nel ciclo illustre dell’Ecole française con più di patriottismo che di verità storica. [p. 21].

Senza negare, nell’analisi della loro costituzione artistica, talune tracce di sangue franco-fiammingo, sia quali residui della loro provenienza da una terra dominata per secoli da tale pittura, sia ed ancor più quali influenze subìte dall’ambiente cosmopolita che praticarono in Roma, noi abbiamo sostenuto e sosteniamo che essi appartengono totalmente, alla scuola italiana del Seicento. Se altrove abbiamo osservato che Giacomo ci appare più tradizionalista, più conservatore, più vicino all’ultimo Cinquecento, e Guglielmo più del tempo suo, più giovane pur senza cadere negli eccessi del seicentismo ; abbiamo pur rivelato

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che le loro più riconoscibili influenze sono, per Giacomo i leonardeschi, i veneziani e i bolognesi, e per Guglielmo i romani. [p. 193-194].

Edward Holt : « The Jesuit Battle-Painter : Jacques Courtois (le Bourguignon) », Apollo, no 85, mars 1969.

Courtois’s contribution to the development of landscape-painting in the 1630s, at a time when Claude, Asselyn, Gaspard Dughet and others were trying their hand in this specialized field, has largely passed unnoticed. [p. 213]. The characteristics that impress one in Courtois’s work are the nobility of style, the Baroque propinquity, the Callotesque elegance and his liking for the early tones of the Bamboccianti. […] Courtois in some respects seems closer in spirit to the sixteenth century than to the very decorative and ostentatious period in which he lived. In many ways Courtois was a traditionalist ; he loved the noble gesture, and his compositional effects as well as individual motifs seem to go back to the Renaissance. Perhaps the real secret of Courtois’s phenomenal success as a battle-painter is simply that he loved to paint such scenes. [p. 221].

Simonetta Prosperi Valenti Rodinò : « Jacques Courtois », Dizionario biografico degli italiani , vol. XXX, Rome, 1984.

Il grande affresco [il Miracolo dei pani e dei pesci], tuttora conservato, dimostra come il Courtois fosse più impacciato nella pittura di gran formato, e in particolare in quella di soggetto religioso, dove si mostrò sempre meno vivace che nel suo più congeniale repertorio battaglistico. Tutte queste esperienze giovanili, fuse e assimilate dal Courtois, contribuiscono a creare un linguaggio personalissimo e nuovo, vagamente nordico, nella pittura italiana del Seicento, misto di realismo e di fervore romantico, cui si rifecero tutti i pittori di battaglie dei secc. XVII e XVIII. [p. 504]. È assai difficile stabilire una cronologia all’interno dell’opera del Courtois, che ripete sempre gli stessi temi di battaglie, analizzati con oggettività nordica ma senza troppa indulgenza al particolare. [p. 505]. L’importanza del Courtois come pittore battaglista va oltre i limiti cronologici della sua attività artistica : egli può essere considerato come l’iniziatore di un genere pittorico che ebbe numerosi seguaci, tra cui in Italia, per es., P. Reschi, F. Simonini, A. Calza, F. Monti, G. Pinacci. [p. 508].

Giancarlo Sestieri : Pittori di battaglie, maestri italiani e stranieri del 17. e 18. secolo, Rome, 1999.

Il maggiore protagonista nel genere della « Battaglia », lungo l’arco di due secoli, fu senza dubbio Jacques Courtois, francese di nascita ma profondamente italianizzato. La fama

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acquisita in vita, e mantenuta saldamente nel sec. XVIII, di cui fanno fede gli entusiastici apprezzamenti dei biografi, dal Baldinucci ai successivi, si sintetizza nel suo appellativo di « Giacomo Borgognone delle Battaglie », con cui fu universalmente più noto in Italia ed Europa. A tali elogi corrispondono i meriti, ossia la sostanza della sua opera. Infatti il Courtois rappresenta veramente il perno decisivo della moderna evoluzione di questo genere, della cui piena affermazione seicentesca egli fruì proficuamente, ma alla quale contribuì anche attivamente. In effetti egli tirò le fila dei più attualistici conseguimenti del settore, dovuti ai suoi maggiori predecessori, quali M. Cerquozzi e S. Rosa (e di certo dovette ben conoscere le opere di A. Falcone e A. de Lione), non mancando però al contempo di considerare anche la linea tradizionale, impersonata da P. da Cortona. La validità della sua azione di sintesi si sostanzia nell’originalità della sua nuova angolazione interpretativa ed espositiva ; cosicché egli, nel breve giro dei due decenni centrali del Seicento, si pose quale punto di riferimento primario, ed in effetti essenziale, per tutto il successivo sviluppo del genere. Dal Reschi, il Brescianino e il Calza, che ne furono i principali mediatori tra Sei e Settecento, allo Spolverini e il Simonini, sino ai veneti, che ne perpetuarono la basilare impostazione con personali avanzamenti, rapportati alle nuove esigenze estetiche e contenutistiche del sec. XVIII. [p. 154].

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Annexes

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Annexe

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Carte géographique

L’espace géographique de Jacques Courtois au XVIIe siècle

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Annexe

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Arbre généalogique

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Chronologie raisonnée

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Chronologie raisonnée

N.B. : Nous proposons une transcription des documents d’archives au plus près du texte. Nous avons notamment respecté l’italien tel que l’écrivait Jacques Courtois. Nous développons quelques abréviations quand la compréhension est moins aisée. Pour les pièces déjà publiées dont nous avons repris les originaux, nous proposons si nécessaire, notre propre transcription en l’indiquant dans ce cas.

Les années de jeunesse : 1621-1640 1621, février Naissance de Jacques Courtois à Saint-Hippolyte, petite cité du comté de Bourgogne. Il est peut-être né, ou aurait été baptisé, le 12 du mois (Pascoli, 1730, I, p. 113 ; Gauthier, 1892, p. 7 ; Brune, 1912, éd. cons. 1992, p. 72). Aujourd’hui, en l’absence de l’acte de baptême, il est impossible de confirmer ce jour ; ceci d’autant plus que nous trouvons également la date du 4 février 1621, dans les archives jésuites (voir dans la chronologie raisonnée, à l’année 1665). 1626, 20 janvier Saint-Hippolyte. Baptême de Guillaume, frère de Jacques, fils de Jean Courtois et de Philippe Chénier. L’année de naissance, 1628, traditionnellement donnée pour Guillaume Courtois dans les notices biographiques est erronée.

Guillelmus filius Joannis Courtois de St Hyppolitte et Philippa Chenier eius uxoris bapt.us fuit a me Steph.o Petit pbro canonico vicario perpetuo in ecclesia dicti loci die vigesima Januarij anno d.ni millio sexcentesimo vigesimo sexto eum susceperunt hon. Guillelmus Poux pictor et Anthonia filia defuncti Ludovici Courtois _ de St Hyppolitte. (A.D.D., Saint-Hippolyte. Baptêmes 1621-1681, p. 29. Document reproduit dans N. Lallemand-Buyssens, 2006, p. 183. Publié dans N. Lallemand-Buyssens, 20081, p. 51).

1626, 20 juin À Saint-Hippolyte, baptême de Jean-Baptiste, fils de Christophe Courtois et de Jeanne Coulois. Il est un cousin germain de Jacques et de Guillaume.

Jo(ann)is Bap(tis)ta filius Xtophorij Courtois de St Hyppolitte et Joanna eius uxoris bapt.us fuit a predicto pbro die vigesima Junij anno d.ni millio sexcentesimo vigesimo sexto eum susceperunt Jo(ann)is Bap(tis)ta filius Joannis Henryot, et Joanna filia Guillelmi Hugon _ de St Hyppolitte. (A.D.D., Saint-Hippolyte. Baptêmes 1621-1681, p. 30. Document reproduit dans N. Lallemand-Buyssens, 2006, p. 182. Cité dans N. Lallemand-Buyssens, 20081, p. 50).

1631-1636 Jeunesse de Jacques Courtois à Saint-Hippolyte et probable première formation auprès de son père, Jean, peintre de sujets religieux.

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Chronologie raisonnée

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1634-1644 Guerre de Dix Ans dans le comté de Bourgogne ; les affrontements militaires s’étendirent réellement sur huit années, de mai 1636 à mai 1644. 1635-1640

Épidémie de peste noire en Comté. 1636 Tentative de conquête française du comté de Bourgogne. Siège de Dole.

Vers 1636 Jacques Courtois fuit Saint-Hippolyte et la Comté pour tout d’abord vraisemblablement se réfugier en Suisse. Une halte et une tentative de séjour à Fribourg sont plausibles. Puis, poursuite de sa route jusqu’en Italie.

1636-1639 Engagement militaire dans le Milanais, dans une compagnie de soldats comtois aux ordres de Charles de Watteville, au service de l’Espagne (Baldinucci, 1728, p. 418). Une expérience qui va compter pour Jacques Courtois dont les souvenirs de cette période, et sans doute de premiers dessins, constitueront la base du répertoire iconographique du futur peintre de batailles. À Filippo Baldinucci qui louait ses batailles qui paraissaient « vraies et non pas feintes », et qui l’interrogeait sur l’origine de cette vérité des représentations, l’artiste aurait répondu qu’il représentait tout ce à quoi il avait personnellement assisté (Baldinucci, 1728, p. 419).

Vers 1639-1640 Courtois quitte Milan. Probable poursuite de sa formation artistique lors de séjours à Bologne, Florence et Sienne, si l’on en croit Filippo Baldinucci, qui évoque l’enseignement de nombreux maîtres en l’espace d’une année : Jérôme Lorrain, Guido Reni et l’Albane à Bologne, Jan Asselijn et Monsù Montagna à Florence et enfin Astolfo Petrazzi à Sienne (Baldinucci, 1728, p. 418-420). Arrivée à Rome vers 1640.

La première période romaine : 1640-1650 Vers 1640-1641 Jacques est logé pendant une année au monastère cistercien de Sainte-Croix-de-Jérusalem. Il reçoit une pension mensuelle de douze scudi pour l’exécution d’une commande de l’abbé des lieux, Ilario Rancati : le décor à fresque du réfectoire des moines (Baldinucci, 1728, p. 420). L’artiste y exécute, au plafond, le Miracle de la multiplication des pains (cat. 129), la Tentation du Christ (cat. 130) et le Repas d’Emmaüs (cat. 131).

1640-1645 Vraisemblable fréquentation des Bamboccianti au début du séjour romain. Si l’influence de Pieter Van Laer fut peut-être indirecte car le Bamboche quitta Rome vers 1639, celles de Jan Asselijn et de Michelangelo Cerquozzi sont quant à elles des plus probables. Courtois aurait également rencontré Pierre de Cortone avec lequel se seraient noués des liens d’amitié

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Chronologie raisonnée

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(Pascoli, 1730, I, p. 114), peut-être dès 1643, lorsque ce dernier revient momentanément à Rome.

1646, Pâques Jacques Courtois est recensé sur le registre de communion pascale de la paroisse de San Lorenzo in Lucina, un des quartiers nord de Rome, où nombre d’artistes ont élu domicile. Ses nom et prénom sont italianisés en « Jacomo Cortese ». Célibataire, il habite en compagnie de neuf autres personnes un logement dans une auberge. Celle-ci est située à main gauche, dans une ruelle transversale, allant de la via Frattina (anciennement Ferratina), à la via Bocca di Leone. Le « C » en face de son nom indique qu’il a bien présenté son billet de communion pascale au prêtre recenseur.

[da ferratina verso boca di leone mano sinistra] 2.o vicolo traversale da ferratina m.o sinistra --------------------------------------------- Anibale Saccovano cam.a loc.a C Francesca Passava serva C Jacomo figlio di lei C S.r D. Roberto Garzia C S. D. Pietro Moreno C Jacomo Cortese C Bartolomeo Giuncheti C Gio. Scipione Giuncheti C D. Pietro Sariano C Gioseppe spagnolo alla stufa Il Cava.re Conte Cecchi fiorentino C --------------------------------------------- (A.S.V.R., S. Lorenzo in Lucina, Stati delle Anime 1646, partiellement folioté. Reproduit dans N. Lallemand-Buyssens, 20081, p. 58).

1647 Publication du deuxième volume du De Bello Belgico de Famiano Strada, célébrant les campagnes d’Alessandro Farnese aux Pays-Bas, pour le compte de l’Espagne. Courtois collabore aux illustrations, gravant quatre planches : la Prise d’Oudenaarde, le Combat de Steenberg, la Prise de l’Ecluse et la Prise de Berck. Michelangelo Cerquozzi en fut également l’un des illustrateurs. 1647, 24 février Mariage de Jacques Courtois. Il épouse Anna Maria Vaiani, fille d’Alessandro, dans la paroisse de San Francesco di Paola ai Monti, où celle-ci résidait.

Die 24 februarij 1647

Denunciatio.bus premissis tribus diebus festivis continuis, quarum p.a habita est die 10, 2.a die 17, et 3.a die 24 februarij 1647, inter missarum solemnia, nulloq. imped.to detecto, A.R.P. fr. Fra.cus a’ Regina meo nomine de licentia Ill.mi do.ni vices q. Jacobum filiu. q.m Joannis Cortese s. Hippoliti dioec. Bisonsona in Borgondia, et Annam Mariam filiam q.m Alexandri Vaiani Mediolanse puellam habitantem in hac n.tra Parochia ecc.a Parochiali S. Martini ad montes interrogavis, eorumq. mutuo consensu habito p. verba de pr.ti matrim.o coniunxit, presentibus notis testibus d. Giorgio Manuio mediolanense q.m Christofori, Matthia Mangaia q.m Do.ci in quond. fidem fr. Joannes a’ Renda Parochus s. Fra.ci de Paula ad montes (A.S.V.R., S. Francesco di Paola ai Monti, Matrimoni 1646-1696, f. 4. Inédit).

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Chronologie raisonnée

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1647-1650 André Félibien présent à Rome ces années-là n’évoque Jacques Courtois, dans ses Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, que très succinctement, parlant de l’artiste uniquement comme d’un peintre de paysages (Félibien, 1688, II, p. 669. Voir la fortune critique). Cette activité de Courtois paraît avoir été la première, et la principale, au début du séjour romain. Si en 1647 il avait déjà commencé à se spécialiser dans la peinture de batailles, il semble qu’il était alors encore davantage perçu comme un paysagiste. Près d’une décennie sera nécessaire à l’artiste pour se faire connaître comme peintre de batailles, et pour que sa renommée franchisse les murs de Rome.

1649, Pâques Jacques Courtois et Anna Maria habitent la paroisse de Sant’Andrea delle Fratte, ilôt dell’Angelo Custode, près du collège des Maronites. Ils logent en compagnie de Nicolas Chapuis, un Savoyard, et sa femme. Jacques est dit « servitore di Panflij » sur le registre des Stati delle Anime. En 1649, l’artiste travaille donc pour la famille Pamphilj, pour le pape Innocent X et/ou le cardinal-neveu Camillo. Les deux petites Batailles de la galerie Doria Pamphilj (cat. 27-28), œuvres de la première manière, ainsi que la Prise de Castro (cat. 116) tableau réalisé en collaboration avec Carlo Maratta, célébrant la victoire des troupes d’Innocent X en 1649, ont sans doute été réalisées à cette période. Jacques Courtois loge alors près de Pierre de Cortone, « le meilleur ami qu’il ait eu à Rome », si l’on en croit Lione Pascoli (Pascoli, 1730, I, p. 115). En 1649 Cortone habitait également l’ilôt dell’Angelo Custode, près du collège des Maronites (A.S.V.R., S. Andrea delle Fratte, Stati delle Anime 1649, f. 27v.).

[Isola dell’Angelo Custode] Collegio de Maroniti ------------------------------ C Nicolò Sapui Savoiardo C Antonia di Ligori moglie C Jacomo ser(vitor)e di Panflij C AnnaMaria moglie ------------------------------- (A.S.V.R., S. Andrea delle Fratte, Stati delle Anime 1649, f. 28. Reproduit dans N. Lallemand-Buyssens, 2006, p. 184. Cité dans N. Lallemand-Buyssens, 20081, p. 58 et n. 88, même page).

1649, mai La renommée de Jacques Courtois, peintre de batailles, s’étend. L’artiste expédie des tableaux à l’extérieur de Rome, notamment en Toscane, à destination des marquis Ferdinando Ridolfi (cat. 35) et Carlo Gerini (Baldinucci, 1728, p. 420-421). Le marquis florentin Carlo Gerini reçoit deux grandes batailles de Courtois, achetées à Rome par l’intermédiaire de Monanno Monanni, guardarobiere des Médicis. Le paiement des œuvres est enregistré en mai 1649 dans les archives familiales (Di Dedda, 2008, p. 75). Les œuvres se trouvent toujours dans la collection Gerini, à Florence (cat. 33-34).

Addì 4 di maggio 1649 Io Venanzio Costantini ho ricevuto dal Sig:re Monanno Monanni scudi 90 moneta quali sono per prezzo di doi quadri di battaglie di Monsu Jacomo Borgognone bislonge e due cornice di al breccio bianco li sue et in fede lo più sotto Io Venanzio Costantini mano pp addì 20 maggio 1649 ho ricevuto dall’Ill.mo Sig:r Gerini s novanta per mio rimborso_ et in fede io Venanzio Costantini. (A.S.F., Archivio Gerini, 1420. Ricevute, filza 3. Transcrit par M. T. Di Dedda, 2008, p. 75).

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Chronologie raisonnée

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1650 Année sainte. Jacques Courtois est certainement actif à Rome une bonne partie de l’année, compte tenu de sa piété, et aussi de l’afflux de pèlerins dans la ville qui était un gage de travail. Du 9 avril au 5-6 mai 1650, Mattias de Médicis est à Rome pour les célébrations de l’année sainte (Prinzivalli, 1899, p. 122 et n. 2, p. 122-123). Une rencontre entre les deux hommes a pu avoir lieu à cette période, et le projet du séjour de l’artiste en Toscane être décidé alors. Un artiste actif principalement hors les murs : fin 1650/début 1651-1657

Fin 1650/début 1651 - avril 1653 Séjour de Jacques Courtois en Toscane au service de Mattias de Médicis, frère du grand-duc Ferdinand II. Si la présence de l’artiste est documentée à Sienne, d’octobre 1652 à fin avril 1653, il aurait séjourné en Toscane dès 1651, si l’on en croit Filippo Baldinucci (1728, p. 423). À l’occasion de ce séjour, Courtois aurait également été actif à Florence.

Fin 1650/début 1651 Au début de son séjour, Jacques Courtois exécute deux pale (cat. 160-161), celle du prince Mattias de Médicis et celle de son frère le cardinal Giovan Carlo, suite à leur entrée à l’Accademia della Crusca, le 25 août 1650. 1652, 13 octobre La présence de Jacques Courtois est documentée à Sienne, dans une lettre de Mattias de Médicis à l’ambassadeur florentin à Rome, Gabriello Riccardi, évoquant les problèmes conjugaux de l’artiste. Mattias demande à Riccardi d’intervenir auprès de Luigi Arrigucci, un architecte florentin actif à Rome, qui protégerait Anna Maria de son mari. Arrigucci doit coopérer afin que le peintre puisse retourner auprès de sa femme. En attendant que les choses s’arrangent, Mattias garde Courtois à son service quelques mois encore.

Ill.mo et Ecc.mo Sig.re Monsieur Giacomo Pittore Borgognone, virtuoso non ordinario nella sua professione, e che mi serve con molta mia sodisfazione, desidera, che Luigi Arrigucci desista di protegere contro di lui Angiola Vaiani con le due sorelle. Prego però V.ra Ecc.za a farne una buona passata col med(esim)o Arrigucci, con persuaderlo a cooperar più tosto all’unione, e quiete di quella Casa, acciò il Pittore possa con ogni libertà, et à suo piacimento tornare dalla sua moglie, et assister ad essa, et a gl’interessi suoi proprij. Et discorrendo con l’Ecc.za V.ra l’Arrigucci di divorzio, o d’altro in pregiudizio del Pittore, mi faccia ella piacere di farsi dar copia della scrittura, e me la mandi, che se si vedrà esser valida e con quelle cautioni necess(a)rie al divorzio, si penserà al rimedio, o si lascerà correre. Premo grandemente in questo neg(ozi)o per sollievo di Monsieur Giacomo, però mi farà V.ra Ecc.za cosa gratissima a passarne offitii efficaci per consolat(io)ne di esso. Et confermandole il mio desiderio di ser(vir)la, dal Cielo le auguro ogni prosperità. Siena, 13 ottobre 1652. Per servire V.ra Ecc.za Il Principe Mattias. Le prince ajoute de sa main : Quello che io desidero è che l’Arrigucci cooperi all’aggiustamento, e che Giacomo Pittore possa tornar liberamente a star dalla moglie, et in tanto per qualche mese si tratterà a lavorare qui per me. (A.S.F. Archivio Riccardi, filza 315. Ambasceria di Roma. Lettere, t. XVI, 1652, n.p./n.f. Transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, p. 67).

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Chronologie raisonnée

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1652, 19 octobre De Rome, réponse de Gabriello Riccardi à la précédente lettre. L’ambassadeur florentin va se charger de cette affaire et en réfèrera au prince Mattias.

Ser.mo Mio Sig.re Devo rispondere a due humaniss.me di V.A. una de 13., l’altra de 15. del. corrente, con là prima ella comanda, ch’io passi offizii col. Sig. Arigucci à favore di Monsù Giacomo Pittore, conforme obbedirò, et appresso rimarrà V.A. avvisata di quanto io n’haverò ritratto. Con la seconda sua lettera mi son’ comparsi gli avvisi di francia, de quali rendo à V.A. somme gr.d.e reverentem.te me l’Inchino. Di V.A. Di Roma 19. ott.re 1652 Sig.e Pnpe Mattias Rev. et Dev. Serv.e Gab.o Riccardi (A.S.F., Archivio Mediceo del Principato. Carteggi dei Principi, delle Granduchesse e delle Principesse. Mattias di Cosimo II, pezzo 5451, f. 294. Cité, et partiellement transcrit, par F. A. Salvagnini, 1937, p. 68).

1652, 26 octobre De Rome, dans une lettre à Mattias de Médicis, l’ambassadeur florentin Riccardi fait le compte-rendu de la mission qui lui avait été confiée concernant Courtois. Si Luigi Arrigucci protège effectivement la femme du peintre, auparavant il serait également venu en aide à ce dernier. Il semble à Riccardi que Courtois souhaite davantage rentrer à Rome, plutôt que retourner auprès de sa femme. L’ambassadeur trouve cette affaire très confuse, et pense qu’on pourrait envisager un divorce. Anna Maria Vaiani ne veut absolument pas revenir vivre auprès de son mari ; si ce dernier l’y oblige, elle révèlera ce pourquoi il était convenu qu’il s’éloigne de Rome.

Al S.re P. Mattias lì 26 Ott.e 1652. In conformità del comandamento di V. A. feci vedere al sig. Luigi Arrigucci quello ella si compiaceva scrivermi a’ conto del Pittore Borgognone, ed il s.r Arrigucci dice che non solo protege la mog(li)e del d(ett)o Pittore contro di lui, ma che egli sa molto bene quanto l’ha aiutato, come il medesimo confessa da una mano di lett(er)e che gli ha scritto, et confessato questa verità; et qui inclusa mando a V. A. una lett(er)a a sigillo in falso del sig.re Arrigucci che scrive al Pittore dalla quale vedrà quanto sia imbrogliato questo negozio ; et perchè mi pare che il Pittore havessi più voglia di poter tornare a Roma che di ritornare con la moglie. Se questo fussi, penserei si potessi fare un divorzio, et che ogniuno facessi i fatti sua, già che il s.r Arrigucci mi dice assai chiaramente che la moglie non vuol tornare con il marito et se egli la volessi forzare, caverebbe fuori di quelle cose, per le quali gli è convenuto andarsene fuori di Roma. Io aspetterò che V. A. mi comandi quel di più che devo fare per obbedirla sempre come devo, et reverentemente me l’inchino. (A.S.F. Carte Riccardi. Dell’Ambasceria di Roma esercitata dal s.r Marchese Gabbriello Riccardi. Risposte dal p.mo luglio a tutto nov.bre 1652, pezzo 34, n.p./n.f. Transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, p. 68-69).

1653, 30 avril Lettre de Jacques Courtois à Mattias de Médicis. L’artiste attend impatiemment le prince à Sienne et le prie humblement de venir le plus rapidement possible. Courtois mentionne fra Mattias, sans doute le peintre siennois qu’il forma.

Serenissimo Mio Sig.re Fra’ Mattias mi prego a volerlo aspettar’ chi desideraví venirsení a Roma peró mi sonno tratenuto finadeso aspettendelo, peró vogliá nostra altezá á farli la grattia che desidrá di venirsene il più presto chi si possibili mentrí à vostrá altezzá h(u)milmente minc(h)ino. Di Siena lotimo Apprile 1653 Di Vostrá Altezá Serenissima, humilissimo é Dev.mo Serv. oblig.mo S.mo Sig.re Principe Mattias Jacomo Cortesi

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Chronologie raisonnée

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(A.S.F., Archivio Mediceo del Principato. Carteggi dei Principi, delle Granduchesse e delle Principesse. Mattias di Cosimo II, pezzo 5454, f. 405. Inédit).

1653, 10 mai Lettre de Gabriello Riccardi à Mattias de Médicis. À Rome, l’ambassadeur florentin a rencontré Jacques Courtois qui lui a remis une missive du prince. Riccardi s’est donc offert de se mettre au service de l’artiste et de faire tout son possible pour lui.

Seren.mo mio Sig.re Monsù Giacomo Pittore è venuto à presentarmi l’humanissima lettera di V.A. in conformità della quale io me gli sono offerto p. tutte le occorenze di suo servizio, e spero che dall’opre egli comprenderà meglio la mia prontezza. Ricevo tanta consolazione dalli benigni comandamenti dell’ A. V.ra, che conviene ch’io la supplichi à far meno grazia più spesso, mentre con profonda humiltà me le inchino. D. V.A. Ser.ma Di Roma 10 Maggio 1653 S. Pnpe Mattias Humil. et Dev. obb. Gab. Riccardi (A.S.F., Archivio Mediceo del Principato. Carteggi dei Principi, delle Granduchesse e delle Principesse. Mattias di Cosimo II, pezzo 5454, f. 724. Inédit).

1653, 19 juillet De Rome, lettre de Jacques Courtois à Mattias de Médicis. Arrigucci avait promis d’envoyer Anna Maria chez sa mère. Courtois ayant appris qu’en réalité il cache toujours sa femme chez lui, la fait arrêter. Luigi Arrigucci la tirera de prison à grand renfort d’argent. Notre artiste supplie Mattias d’intervenir afin de mettre un terme à cette situation qui, selon lui, va « à l’encontre des préceptes de Dieu ». Depuis la précédente lettre du mois de mai, Courtois semble être demeuré à Rome.

Seren.mo mio Sig. Dal’ultima volta che feci riverenza a V.A. mi ocorse che larriguci [Luigi Arrigucci] promesi al Sig.re Ambaciatori [Gabriello Riccardi] di non vollersi più ingeriri di mia moglia e che l’aveva mandato a casa di sua madre e di poi sepi che la tenessi in casa sua secretamento la feci piliare per manno di sebiri e carcer(a)re, il deto Ariguci la fate cavare di prigione con forze di danari e fa quanto polle contra di me, e come V.A. Seren.mo sa bennisimo che il deto Ariguci se dicarava di non protegere mia moglia contra di me, e ora si secopre che non sole la protegiote ma la volleva tener’ contra il preceto di Dio e del Mondo, che però suplico V.A. Seren.mo e ricore a la sua benignità acio non mi sia fate torte e riverentamento me l’inc(h)ino. Di V. A. Seren.mo Roma 19 luglio 1653

Dev.mo Ser. Oblig.mo Iacomo Cortese (A.S.F., Archivio Mediceo del Principato. Carteggi dei Principi, delle Granduchesse e delle Principesse. Mattias di Cosimo II, pezzo 5407, f. 212. Transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, p. 72, avec une erreur dans les références du document ; cette lettre étant le folio 212 et non pas le 412).

1653, novembre ou début décembre Lettre de Jacques Courtois à Mattias de Médicis. Le lieu de départ de la missive n’est pas indiqué et elle n’est pas datée. Cependant, à l’Archivio di Stato di Firenze, elle est classée entre les lettres de novembre 1653 et celles de décembre 1653. Courtois s’y déclare très reconnaissant de la diligence dont a fait preuve l’ambassadeur Riccardi, pour résoudre cette affaire. Il exprime, déjà à cette période, son intention de se retirer dans un couvent et, à cette fin, demande une lettre de recommandation au prince Mattias.

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Chronologie raisonnée

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Ser.mo mio Sig.re Con ogni debiti riverenza dico a Vostra altezza ser.mo come lEcellentisimo Sig.r Amba(s)c(ia)tore feci la diligentia per ag(gi)ustamenti di quei mii interessi é finalmenti credo che il fino sarra lentram̓ in un convento di monici chi p. talli cause deti desi(de)ri la grattia di Vostra Alteza di unna letria al sig.r Ambaciatore acio p. cosi sollecitani questo negotio é a V.stra alteza ser.mo humilmente minchin(o). Di Vostra Alteza Ser.mo Humilisimo e Dev. Ser. Oblig. Jacomo Cortese (A.S.F., Archivio Mediceo del Principato. Carteggi dei Principi, delle Granduchesse e delle Principesse. Mattias di Cosimo II, pezzo 5455, f. 645. Inédit).

Vers 1653-1654 Jacques Courtois travaille pour Nicolò Sagredo à Rome. Le Vénitien a entrepris de faire rénover et embellir l’église San Marco, des travaux qui débutent en 1653. Notre artiste orne les lunettes surmontant les portes latérales de scènes de bataille. Les œuvres progressivement détériorées sont aujourd’hui perdues. L’une d’elles représentait la Bataille de Rephidim et l’autre la Victoire de Josué, thèmes souvent exécutés par l’artiste. Il les reprendra en 1656 à nouveau pour Nicolò (cat. 138 et cat. 140)

[…] furno ingrandite et di novo fatte le due porte laterali con stipiti di marmo et porte scorniciate di noce, sopra le quali per il di dentro in doi mezze lune grandi furno depinte due battaglie : in una la rotta de Malachiti et nell’altra la vittoria di Gesuè mentre disse : stet sol. (Notizie istoriche concernenti la chiesa di San Marco, dans Ph. Dengel, 1913, p. 93)

1654, 20 janvier À Rome, strada Felice, paroisse de S. Nicola in Arcione, décès d’Anna Maria Vaiani, épouse de Jacques Courtois, à l’âge de cinquante ans environ. Courtois était alors dans sa trente-troisième année.

Anna Maria Vaiani, peintre et graveur, dont Claude Mellan fit le portrait (ill. 5-6 ) et la femme de Courtois ne faisaient sans doute qu’une seule et même personne. Cette hypothèse avait été rejetée en raison d’un écart d’âge qui paraissait trop élevé entre Anna Maria, active à Rome dans les années 1620-1630, donc née au début du siècle et Jacques, né vingt ans plus tard (Bredekamp, 2007, p. 306, n. 81). La différence d’âge existait bien ; elle est confirmée par cet acte de décès.

Le corps d’Anna Maria fut transporté à Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines.

Die 20 mensis Januarii 1654

Anna maria Vayani mediolanensis uxor Jacobi Cortesi é Burgundia pictoris etatis sue annorum 50: circiter infirma existens in lecto in quadam domo posita in strada felice ut vulgo dicitur veriferatis vicibus ob morbi longitudinem sacraliter confessa est mihi Fran.co Cribari Curato et V.o p.petuo huius venerabilis ecc. sancti nicolai in Arcionibus et absoluta, nec non etiam fuit sanctiss.a eucharestia pro viatico refecta, et oleo sancto corroboram, animus s.mo Deo ex ritu _ precibus _ mé datus in comunione fidelicim reddidit. Cuius cadaver ex eadem domo fuit vigore festi die sequiti ad ecc.am sancti Caroli ad quatuor fontes translatus, et in eadem cum capsa lignero conditum. (A.S.V.R., S. Nicola in Arcione, Liber Mortuorum 1647-1655, f. 73v. Inédit).

1654-début 1655 Jacques Courtois entreprend un long périple qui le conduit en Suisse. À l’aller, une halte et un séjour à Bergame, évoqués par Pasino Locatelli, sont plausibles (Locatelli, 1877, p. 247). Au printemps 1655, Courtois est à Fribourg.

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1655, 23 mars Consécration de l’église des Ursulines de Fribourg. Le maître-autel est dédié à la Trinité, à la Sainte Famile, à sainte Ursule et aux onze mille vierges ; les deux autels secondaires sont dédiés à saint Charles Borromée et saint François-Xavier, côté Évangile, et à la Vierge Marie et saint Ignace, côté Épître.

[…] L’esglise sud. fust dedie a Ste Ursule les patronnages sont comme les tableaux des autels, assavoir le grand autel et dedie a la ste Trinites et Jesus Marie et Joseph a Ste Ursule et aux onze milles Vierges et Martyres L’un des petit autel et dedie a Nostre Dame et a St Ignace Fondateur de la Compagnie de Jesus. Et lautres a St Charle, et a Sainct François Xavier, de la Compagnie de Jesu. (A.U.F., S.U.F. 2095, Annales I, 1634-1728, p. 40. Inédit).

1655, mercredi 21 avril À cette date, délibération du Conseil de Fribourg, autorisant le séjour dans la ville de peintres étrangers, qui doivent travailler pour les sœurs ursulines. Il s’agit de Jacques et de Jean-François Courtois.

Bewüsse frembde Mahler, deren sich die Ursulinnen ietz bedienen wolten, mögen ein Zytt lang sich hier auffhalten. (A.E.F., RM 206. Manual du Conseil 1655, f. 74v. Cité et transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, p. 83, n. 67. Nous proposons ci-dessus notre propre transcription).

1655, mai À Fribourg, réception d’Anne Courtois chez les Ursulines. Pour sa dot, il a été convenu que ses deux frères réalisent les tableaux de l’église conventuelle, et également lui apprennent à dessiner.

En may 1655, l’Anne Courtoy fut receuë pour estre des Nostre, et eu toutes les voix, mais a Condition que ses freres fires touts les Tableau de Nostre Esglise, et aprire a ladite Anne perfaitemant a Crayonner. (A.U.F., S.U.F. 2111-C1. Livre des Conférences 1652-1694, p. 3-4. Cité et transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, p. 83, n. 66. Ci-dessus notre transcription plus près du texte).

1655, printemps-été Jacques et Jean-François Courtois travaillent à Fribourg aux tableaux de l’église des Ursulines. Les œuvres réalisées pour les trois autels sont fonction des dédicaces. La toile du maître-autel présente le Martyre de sainte Ursule et de ses compagnes (cat. 132). L’autel secondaire, côté Évangile, propose en son centre Saint Charles Borromée en prière (cat. 134a), et comme couronnement, une représentation de Saint François Xavier (cat. 134b ). Enfin, le deuxième autel secondaire, côté Épître, a pour toile centrale une Vierge à l’Enfant (cat. 133a) et pour couronnement un Saint Ignace (cat. 133b ). 1655, été Les frères Courtois retournent probablement à Saint-Hippolyte pour régler les affaires familiales et assurer la dot de Jeanne, qui doit rejoindre sa sœur chez les Ursulines fribourgeoises.

1655, 27 août À Fribourg, réception de Jeanne Courtois chez les Ursulines. La dot se monte cette fois à cinquante pistoles d’argent, plus tous les biens de Saint-Hippolyte, dont nous n’avons pas le détail.

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Chronologie raisonnée

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Le 27.me Aoust 1655, toutes les sœurs Professe donnere leurs voix a la Jeanne Courtoy pour entrer en Nostre Maison, et y faire les vœux de la Compagnie, den l’abis seculier, estant toute fois entretenuë comme les autres sœurs le tout a Condition que ses freres donnasse, 50. pistoles argens sec, et touts les bien qu’il pouvoit avoir a sainct Ippolite. (A.U.F., S.U.F. 2111-C1. Livre des Conférences 1652-1694, p. 4. Cité et transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, p. 82, n. 65. Ci-dessus notre transcription, fidèle au texte).

1656 Jacques Courtois est de retour en Italie et fait halte dans la région de Bergame. Lors de ce séjour, il réalise à Carvico un Saint Martin partageant son manteau (cat. 135), toile destinée à orner le chœur de l’église Saint-Martin. Il s’agit probablement d’une commande de Carlo Giacomo De Vecchi, mécène de l’artiste, dans la villa duquel ce dernier logeait (Locatelli, 1877, p. 243 et suiv.). Courtois exécute également une Vierge à l’Enfant et trois saints (cat. 136), à Villa d’Adda, dans l’église Saint-Jean-l’Évangéliste. Le tableau est signé « I.C.B.F. » et daté « 1656 ». Courant 1656 Jacques Courtois quitte la région bergamasque afin de se rendre à Venise où il travaille pour Nicolò Sagredo. Il réalise pour le patricien vénitien plusieurs scènes de l’Ancien Testament, de grandes dimensions, sur cuir doré, aujourd’hui à Knowsley Hall dans la collection du comte de Derby (cat. 137-140). L’artiste aurait prolongé son séjour sur la lagune, y restant près d’une année, en raison de l’épidémie de peste qui avait débuté à Rome, en mai (Baldinuci, 1728, p. 421). L’épisode pesteux ne se terminera qu’en août 1657. Fin 1656-1657 En route pour Rome, Courtois s’arrête et séjourne à Sienne ; il est de nouveau au service de Mattias de Médicis. Il aurait exécuté lors de ce séjour les quatre grandes batailles pour le prince, hauts faits d’armes auxquels ce dernier prit part au cours de sa carrière militaire (Baldinucci, 1728, p. 421-422 ; Prosperi Valenti Rodinò, 1984, p. 506 ; cat. expo. Florence, 1989, p. 74). Si les deux batailles de la première guerre de Castro (cat. 54-55) datent probablement de ce séjour, les deux représentations de la guerre de Trente Ans, la Bataille de Lützen (cat. 52) et la Bataille de Nördlingen (cat. 53) qui paraissent moins maîtrisées le furent peut-être déjà à l’occasion du séjour toscan du début des années 1650.

En 1657, à Sienne, Jacques Courtois prend la décision d’entrer dans la Compagnie de Jésus, concrétisant enfin ce qu’il envisageait de faire dès la fin de l’année 1653 (voir dans la chronologie raisonnée, à novembre-décembre 1653). La lettre annuelle du collège jésuite siennois apporte la preuve de son incorporation cette année-là, comme frère coadjuteur temporel. Jacques Courtois y est dit « peintre et graveur fribourgeois ». Nous apprenons qu’il fait un don à cette occasion de plus de cinq cents pièces d’or, se délestant déjà d’une partie de ses biens temporels. Cette dernière information qui apparaît dans la Relatione del fratello Cortese, notice biographique manuscrite rédigée après la mort du frère Courtois, est donc exacte (B.N.V.E., Fondo gesuitico, ms. 1253. Transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, p. 99-104. Voir dans la chronologie raisonnée au 14 novembre 1676).

Ex Collegio Senenti Societ. Jesu pro annuis litteris 1657 Hoc anno millesimo sexcentesimo quinquagesimo septimo ingressi sunt in scholastici […] , in coadiutores _ temporales Santus Gaius Senensis, et Jacobus Cortesius Friburgensis pictor, et sculptor non ultima fama, et dono reliquit Senensi Collegio aureus supra quingentos. (A.R.S.I., Rom. 133-II, Romana Historia 1657-1659, f. 336. Inédit).

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Chronologie raisonnée

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La deuxième période romaine : 1657-1676

Les années de maturité : Jacques Courtois frère jés uite 1657, 13 décembre Jacques Courtois, de retour à Rome, entre au noviciat jésuite de Sant’Andrea a Monte Cavallo pour sa période probatoire.

[1657] Giacomo Cortesi Borgognone Coad. 13. Decembr. (A.R.S.I., Rom. 169, Registr. Novitiorum 1556-1668, f. 41. Inédit).

Un inventaire de la garde-robe de l’artiste est réalisé à cette occasion. Il n’apporte que quelques affaires personnelles, vêtements, nécessaire de toilette et couverts. Nous constatons qu’il ne possède plus aucun bien de valeur et qu’il n’a pas avec lui son matériel de peinture, ne pensant alors vraisemblablement pas poursuivre cette activité.

Giacomo Cortese Borgognone d’anni 35 venne a S. Andrea alli 13 di Decembre portò un Cappello, Un feraiolo giustacore Giuppone e Calzoni di panno franzese biscio Un berettino alla Venetiana negro Una Camisciola, Un paro di sottocalzoni e sottocalzette, et sottostivali di saia reversa rossa di Fiorenza Un paro di calzette di stame di Fiandra biscio, Un paro di Calzette di seta negra Un paro di sottocalzette, scarpini e berettino di lana bianca Una spada con pendoni di corame negro, Un Giuppone d’operetta bianco, Camiscie tre, sottocalzoni di tela pari due sottocalzette pari cinq(ue) tre pari di tela, un paro di filo et un paro di bambace, sciugatorelli due, fazzoletti dieci, berettini di notte cinq(ue) scarpini pari cinq(ue) Collari sette, un paro di guanti, Una cintura da pender la spada di corame con fibbie d’argento, Un berettino di velluto verde guasto, Un specchietto, due pettini d’osso, Una forbicetta, un Cortelluccio, Una cinta negra, Un paro de stivali con suoi speroni Una valiscia, Un cuscino da cavalcare con le staffe un mezzo anello d’argento per tener sul Cappello, un paro di scarpe Un paro di pianelle, Una tela incerata da coprir il cappello. Io Iacomo Cortesi manno propria. (A.R.S.I., Rom. 173, Ingressus Novitiorum 1631-1675, f. 118-118v. Transcrit par P. Tacchi Venturi, 1910, p. 217, sans les références de la pièce d’archive).

1658 En 1658, Jacques Courtois figure sur la liste des membres de la Compagnie de Jésus, de la Province romaine. Au cours de sa première année d’engagement, il réside au noviciat de S. Andrea a Monte Cavallo pour sa période de formation spirituelle et de mise à l’épreuve. Nous avons la confirmation de sa date d’intégration : le 13 décembre 1657. Courtois est déjà cité comme peintre. Il est indiqué ici qu’il est né en février 1622, erreur probable.

Primus Catalogus Provinciae Romana Anni 1658 Domus probationis S. Andrea anni 1658 Nomen & Cognomen n. 88 - Jacobus Cortesius Patria. Burgundus Ætas. Ann: 37. - Natus Mense Februarij 1622 Vires. Bones Tempus Societatis. Mens. 8 – [ingressus] 13 Xbris 1657 Ministeria quæ, & quandiu. Pictor (A.R.S.I., Rom. 60. Romana Cat. Trien. 1655-1658, f. 160v. Reproduit dans N. Lallemand-Buyssens, 2006, p. 177. Cité par N. Lallemand-Buyssens, 20081, n. 91, p. 59).

Dans la deuxième partie du catalogue triennal, nous pouvons lire les appréciations du recteur du noviciat, le père Domenico Vanni, concernant le novice Jacques Courtois. Il est perçu

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Chronologie raisonnée

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comme très intelligent et raisonnable, prudent, expérimenté, de tempérament mélancolique et doué pour la peinture et de nombreuses autres choses.

Secundus Catalogus Provi.ae Rom.ae Anni 1658 n. 88 Ingenium valde bonum Iudicium valde bonum Prudentia bona Experientia rerum bona Complexio melancholica Talentum ad picturam et (a)lia multa (A.R.S.I., Rom. 60. Romana Cat. Trien. 1655-1658. Secundus Catalogus, f. 260, no 88. Transcrit par P. Tacchi Venturi, 1910, p. 218)

Au début de sa période jésuite, Jacques Courtois n’a pas l’autorisation de peindre pour des personnes extérieures à la Compagnie de Jésus. Lors de sa période probatoire au noviciat de S. Andrea a Monte Cavallo, le Préposé général lui aurait commandé des œuvres pour cette maison de l’Ordre. Au début du XVIIIe siècle, Lione Pascoli affirme que cinq tableaux de Courtois sont encore conservés au noviciat : quatre œuvres destinées à orner les lieux où les pères dressaient la crêche de Noël (deux représentations de l’Adoration des Mages et deux du Massacre des Innocents), plus une Résurrection du Sauveur, aujourd’hui disparues (Filippo Baldinucci, 1728, p. 423, n’évoquait quant à lui qu’une scène du Massacre des Innocents, tout en indiquant aussi qu’elle avait été réalisée pour la crêche de Noël). Si l’on se fie à la chronologie de Pascoli, les quatre premières œuvres auraient été exécutées au cours de l’année 1658.

Conoscendo il P. generale l’acquisto che fatto avea la Compagnia, nell’aver acquistato un soggetto del valore del P. Jacopo, non lo lasciava stare ozioso, e valendosi dell’occasione, e del tempo, gli proibì il dipignere per persone straniere, e gli ordinò alcune opere eroiche per la casa del Noviziato ; e vi fece cinque quadri, che ancora si conservano in una sala di detta casa. Vedesi in uno assai grande bislungo l’adorazione de’ Re Magi, con altro piu piccolo per alto, rappresentante lo stesso soggetto, che l’accompagna. Vedesi nell’altro della stessa misura del grande la strage degl’innocenti, col compagno del piccolo, che rappresenta la medesima strage. E questi quattro furon così di misura fatti a posta per adornare il sito ; ove di Natale si faceva da’ padri il presepio. Si vede nel quinto la resurrezzione del Salvatore, che è quasi della stessa grandezza de’ piccoli. Finiti che gli ebbe, sentendo il P. generale le richieste continue, che gli avea da diversi intendenti dell’arte, gli disse che dipingnesse pure all’avvenire per chi voleva, e lo mandò al collegio Romano di stanza. Quivi tosto riprese a dipigner battaglie, e vedute, ed eran tante le commessioni, che da per tutto ne aveva, per la stima universale che s’era meritevolmente acquistata, che soddisfar non poteva a chi con ansietà gliele richiedeva […]. (L. Pascoli, 1730, I, p. 118-119)

1658, 19 août De Rome, lettre de Volumnio Bandinelli, en réponse au prince Léopold de Médicis, qui cherche à acquérir des œuvres d’art, dont celles de Jacques Courtois. L’artiste aurait déclaré à Bandinelli avoir vendu tous ses dessins avant d’entrer chez les Jésuites. Quant aux quelques petits tableaux qu’il lui restait, il en aurait fait don au collège jésuite de Sienne, avant de partir pour Rome.

Ser.mo Sig.r Principe mio Sig.re Il Borgognone hora Giesuita mi dice, che prima che entrasse nella Compagnia vendé tutti i disegni che haveva ; ne gli resti altro, che alcuni piccoli quadri, che donò al Collegio di Siena nel suo partir di là. […] Di Roma il 19 di Agosto 1658 D. V.A. Ser.ma humiliss.o devot.mo et obblig.mo V(olu)mnio Patr(iar)ca di Cost(antinopo)li (A.S.F., Carteggio d’Artisti, cod. 4, lettera 256, f. 1. Inédit)

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Chronologie raisonnée

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1658, 18 octobre Suite de l’affaire, dans une lettre de Sienne, de Lodovico De Vecchi à Léopold de Médicis. Le prince a envoyé De Vecchi chez les jésuites siennois afin d’acquérir les œuvres que Jacques Courtois leur aurait laissées. Les pères ne savent rien des dessins que l’artiste avait avec lui. Parmi ses peintures, il leur reste encore une Vierge à l’Enfant, copie d’après Titien. Les pères jésuites en veulent cent scudi, mais De Vecchi ne trouve pas l’œuvre des plus belle.

Ser.mo Sig.r Principe […] Significavo à V.A.S. nella lettera smarrita, ch i Padri Giesuiti non hanno notizia alcuna de disegni che teneva appresso di se il Borgognione, ne da altri hó potuto rintracciare in qual mano sieno capitati, dubitando che non l’habbia esitati fuor di qua, o’ pure li tenga appresso di se. Restano anco fra le sue Pitture una madonnina con un Cristo in collo di Tiziano, grandezza _ b.o p. ogni verso, et i Padri Giesuiti ne stanno in pretenzione di (scudi) 100. Non però pami che sia cosa bellissima. In ogni caso che di pittura capitasse cosa degna del gusto esquisito di V.A.S. gliene darò parte, e mentre resto pregandole sempre nuovi aug.ri di felicità e grandezza umilm.te me l’inchino. Siena li 18 8bre 1658 D. V.A.S. Umiliss.o Devt.o Obbl.mo Lodovico d. Vecchij (A.S.F., Carteggio d’Artisti, cod. 9, ins. 19, lettera 9. Partiellement transcrit dans Barocchi, Gaeta Bertelà, 2007, p. 564)

c. 1658 Lettre d’Alberto Vanghetti à Jeanne et Anne Courtois, sœurs ursulines. La missive n’est pas datée, mais le texte fait penser que nous sommes au début de l’engagement jésuite de Jacques Courtois, peut-être pendant son année probatoire. Vanghetti se plaint en effet de ne pas pouvoir le joindre depuis qu’il est frère jésuite, les pères de l’Ordre l’autorisant à recevoir uniquement les lettres des membres de sa famille. Le marchand bergamasque est donc contraint de passer par l’intermédiaire des deux religieuses pour lui transmettre un message. Les choses s’arrangeront puisque Courtois recevra ensuite plus facilement les lettres de Vanghetti, à partir de l’été 1661. Nous apprenons ici que le peintre a exécuté un petit tableau pour Alberto Vanghetti en échange duquel le marchand s’est engagé à fournir deux chasubles pour le prêtre célébrant des Ursulines de Fribourg. Par cette lettre, il demande aux sœurs de bien vouloir transmettre à Jacques Courtois la commande d’une paire de tableaux, de la dimension incluse, pour lesquels il le laisse libre de choisir le sujet. Vanghetti ne souhaite pas être nommé dans la lettre, craignant que les pères jésuites interdisent alors au frère Courtois de les réaliser. En contrepartie, le marchand de tissus promet aux sœurs tout ce dont elles auraient besoin pour leur église, broderie d’or ou pièce de soie.

Molto R. SS. Oss.me Con l’occasione che qui si tratenne il sig. Giacomo Cortese fratello delle ss. vostre gli fu commodo di gratiarmi d’un quadretto delle sue opere, in concambio del quale gli diedi di fare due pianeti che servono per il sacerdote che celebra, e dovevano valere nel tempo, che le signorie vostre si facevano monache, per quanto lui mi disse, e con tale occasione incontrai con seco buonissima amicitia, a segno, che per mantenerla più volte l’ho pregato d’un paio de’ suoi quadretti, con donarli per contra quello desiderava ; ma perche hora è fatto Giesuita non è possibile che si possi havere sue risposte stando che quelli Rev. Padri non li lasciono capitare lettere alcune, se non sono de’ suoi parenti. E perchè non so neanche dove dovessi scrivere per haverne, mentre stavo pensando m’è soggionto le loro signorie, le quali, se mai potessi pregarle honorarmi d’una sua lettera diretta al suddetto sig. suo Fratello mi sarebbe gratissimo, con la quale lettera dicessero a questo signor suo fratello, che per un amico suo gli fa bisogno d’un paio de pezzetti de quadri, sopra dipinto quello che a lui paresse,

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Chronologie raisonnée

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dell’occlusa misura d’altezza e longhezza ; ma non nominarli persona alcuna se non che li facii per servire le loro signorie perchè altrimenti gli sarebbe vietato da detti Rev. Padri Giesuiti, e subito fatti li mandi a Venetia al P. Hieremia Tirabosco a dispositione de loro signorie che io li direi poi al sig. Tirabosco quello occorre. Quando me ne faccino degno, cosa che li prego più presto sii possibile per la longhezza delli viaggi, che vi andarebbe gran tempo, all’incontro gli prometto tutto quello gli facesse bisogno per la loro Chiesa, di recami d’oro o panni di seta, o conforme quelli che il suddetto sig. suo fratello costì portò. Subbito haute le mostre le manderò e quando per non haver altra conoscenza della mia persona, non mi prestassero fede, potranno, avanti mandino a me la lettera del sig. suo fratello, dirmi il suo bisogno, che subito le servirò, et impararanno a conoscermi sì per questa volta, come per altra occasione che bisognandoli mai qualche cosa, vederebbero di havere in questi miei paesi un servo fedele. Li stimmo tanto cortesi ne’ fatti quanto nel nome, e perciò mi prometto d’ogni loro cortesia, staro attendendo ciò per sua gratia segua, et in mentre gli prego da N. S. il colmo d’ogni sua contentezza. Delle SS. loro m. Rev. Bergamo li… Devotissimo serv. Alberto Vanghetti (Codice conte Guido Morlani, carta 86. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, à Bergame, carta 9, publiée par G. Locatelli, 1909, I. Lettera d’Alberto Vanghetti alle sorelle Cortesi, monache di S. Orsola in Friburgo, p. 7-8).

1658-1659 À la fin de l’année 1658, Jacques Courtois quitte le noviciat pour se rendre au Collège Romain, afin d’y exécuter les fresques de la chapelle Prima Primaria. Il s’agit de réaliser le décor du nouvel oratoire de la première congrégation mariale, mère et modèle de celles qui essaimèrent ensuite dans les fondations jésuites. Le frère Courtois peint à fresque six lunettes dédiées aux femmes illustres de l’Ancien Testament, préfigurations de la Vierge Marie (cat. 141-146), ainsi que la Victoire de Narsès sur Totila (cat. 147), l’un de ses « nobles champions ». Ce sont parmi les œuvres de Jacques Courtois les rares de datation sûre puisqu’elles figurent en 1659 dans l’opuscule de Macario Sollazzi La nuova Congregazione Prima Primaria, sotto il titolo della Madre di Dio Annunziata, nuovamente aperta nel Collegio Romano della Compagnia di Gesù. Guillaume Courtois achèvera un peu plus tard les travaux d’ornementation de l’oratoire (E. Schleier, 1970, p. 3-25). 1659 Inventaire des biens du prince Mattias de Médicis à la villa de Lappeggi. Sept tableaux de Jacques Courtois figurent dans cet inventaire dont les quatre grandes batailles historiques auxquelles Mattias participa : les deux épisodes de la guerre de Trente Ans, la Bataille de Lützen (cat. 52) et celle de Nördlingen (cat. 53), ainsi que les deux combats de la première guerre de Castro, la Prise de Radicofani (cat. 54) et la Bataille de Mongiovino (cat. 55). Les trois autres œuvres mentionnées sont aujourd’hui inonnues. Il s’agissait d’une très grande Adoration des Mages, d’une autre Vue de Mongiovino de plus petites dimensions que la bataille encore connue, et de la Signature du traité de paix dans lequel, en raison de dimensions différentes, il semble difficile de voir le tableau traitant du même thème que nous connaissons encore (cat. 59). Toutes ces œuvres furent donc réalisées avant la rédaction de cet inventaire, et nous pouvons estimer avant le départ de l’artiste de Toscane en 1657.

Apparaissent dans les collections de Mattias de Médicis, ancien militaire, de nombreuses autres représentations de bataille, de la main de Giuliano Periccioli, artiste dont le prince fut également le protecteur, et de fra Mattias, à ce jour le seul élève de Jacques Courtois que nous ayons identifié. Celui-ci représenta pour le prince de Médicis, entre autres, les batailles de Lützen, de Nördlingen et de Mongiovino.

Enfin, figure aussi un Portrait équestre de Mattias de Médicis, de la main de Giovanni Battista Vanni, dans lequel Courtois aurait peut-être exécuté le cheval et le fond de tableau (voir cat. 159*).

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[Nel Salotto a man. dritta della loggia] n°. 6 Un quadro, entrovi una Veduta di Battaglia, in tela, con suo ornam.to nero filettato, e rabescato d’oro, lungo b.a 6. 2/3, largo b.a 3. 2/3 di mano del P. F. Mattio senese n°. 1. n°. 7 Un quadro in tela, entrovi la Veduta d’una Marciata, con ornamen.to nero filettato, e rabescato d’oro, lungo b.a 6. 5/6, e alto b.a 3 2/3, di mano del Periccioli di Siena n°. 1. n°. 8 Due quadri in tela, entrovj due battaglie, che in uno la Rotta tra Sorano e Pitigliano, e nell’altro la presa di Citta’ della Pieve, con ornamentj nerj, filettatj, e rabescatj d’oro, alti b.a 2. lunghi b.a 3 2/3 di mano di (suivi d’un blanc) n°. 2.

[Nel Salotto dal Portico a’ pie’ di Scala] Un quadro in tela, entrovj la Battaglia di Norlinga, con ornam.to nero, rabescato, e filett.o d’oro, alto b.a tre – largo b.a 5 1/3 di mano di Fra Mattio n° 1 Un quadro in tela, entrovj l’assedio di Ratisbona con con ornam.to nero rabescato, e filettato d’oro, alto b.a 3, largo b.a 5 1/3 di mano di Fra Mattio n° 1 Due quadri in tela, entrovj in uno la Presa di Lusen, nell’altro la Presa di Volgastro, con ornam.ti nerj, rabescatj, e filett. d’oro, alti b.a 3, larghi b.a 5.1/3 do mano di fra Mattio n° 2.

[Nel Salone nella retroscritta loggia, quale salone è dipinto di mano del Colonna] Un’altro quadro grande simile in tela, di misura, intaglio d’ornam.to, e doratura entrovj il Ritratto del Ser.mo s.re Pnpe Mattias a Cavallo, con la veduta di Volgastro, di mano di Gio : B.a Vannj fiorentino n°. 1.

[Nel passare dalla retroscritta cam.ra (celle de S.A. = Mattias), anzi stanza, alla cam.ra della cantonata] Due quadri in tela, entrovj in uno la Veduta di Mongiovino, con l’Armata, con la presa di i Prigionj che passano accantj il Ser.mo Pnpe Mattias a’ Cavallo e, nell’altro la veduta di più soldatj, e di ofiziali, che trattano capitolj di Pace con i Papalinj, con ornam.ti nerj il fondo tutti intagliati, e doratj con trofei nelle cantonate, alti b.a 2. ¾, e larghi b.a 2. 5/6 di mano di monsù Jacomo Cortesi Borgog.ne. n°. 2.

[Nel passare contiguo alla cam.ra retroscritta (contigua à d. passare, che fà cantonata, e riesce con le due finestre dalla parte del Giardino, e della Ragnaia), nel qualo passaro è anco la stanza della libreria] Un quadro in tela, entrovj l’Adorazione de Magi, con moltiss.me figure con cornice nera rilevatarabescata, e filettata d’oro, largo b.a 7. 5/6, alto b.a 4. 5/6 di mano di Monsù Giacomo Cortesi il Borgognone n° 1.

[Segue il Salotto a’canto alla retroscritta cam.ra, che hà due finestre nella loggia dipinta, e la Porta, che entra nel Salone] Un quadro in tela, entrovi la Veduta della Presa di Castiglione del lago, con ornam.to nero rabescato, e filett. d’oro, largo b.a 5 1/6, e alto b.a 3 con cord.e e nappe di filat. d’ore, di mano di fra’ Mattio n° 1. Un quadro in tela, entrovj la veduta della Presa di Mongivino, con ornam.to nero, rabescato, e filett. d’oro, alto b.a 3 ; e largo b.a 5 1/6, con cord.e, e nappe di filaticcio di colore dore, di mano di fra’ Mattio n° 1.

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[Nella sala del Trucco, contigua à d. passare] Un quadro in tela, entrovj la Veduta della rotta data à Papalinj sotto Pitig.no con ornam.to nero, con intaglio, e trofei sù le cantonate, tutti doratj, alto b.a 3. 1/6 ; largo b.a 5.1/2 di mano di Monsù Jacomo Cortesi Borgognone n° 1

[Segue la stanza del Trucco] Un quadro in tela, entrovj la Battaglia di Lusen, con ornam.to nero, con intagli, e trofei sù le cantonate, tutti doratj, alto b.a 3. 1/6, e largo b.a 5.1/2 di mano di Monsù Jacomo Cortesj Borgognone n° 1 Un quadro in tela, entrovj la Battaglia di Nerlinga, con ornam.to nero, con intagli, e trofei sù le cantonate, tutti doratj, alto b.a 3. 1/6, e largo b.a 5.1/2 di Monsù Jacomo Cortesi Borgognone n° 1 Un quadro in tela, entrovj la Presa di Mongivino, con ornam.to nero, con intagli, e trofei sù le cantonate, tutti dorati, alto b.a 3. 1/6, e largo b.a 5.1/2 di mano di Monsù Jacomo Cortesi Borgognone n° 1 (Dans la marge : « mandati a‛ fiorenza in Guardaroba ») (A.S.F., Guardaroba Medicea, 703. Inventario della Guardaroba del Principe Don Mattia, f. 2, 22, 25, 40, 44, 68, 71-72. Document cité dans cat. expo. Florence, 1977, p. 173 et cat. expo. Florence, 1989, p. 72, mais non transcrit). À l’Archivio di Stato de Florence, est conservé un autre inventaire daté 1669, donc après le décès du prince Mattias (1667) qui fournit des informations identiques (A.S.F., Guardaroba Medicea, 779ter. Inventario della Villa di Lappeggi dell’anno 1669).

1660, 30 novembre et 24 décembre Dans les livres de comptes de la maison professe du Gesù, apparaît en 1660, une dépense du frère Jacques Courtois pour un montant de 46,40 scudi. Elle correspond à l’achat de trois toiles, de couleurs, ainsi que d’une autre grande toile avec son imprimatura, destinées à la réalisation de tableaux pour orner le réfectoire de cette maison. Nous avons ici la preuve, comme l’artiste l’affirme au marchand Vanghetti, en 1662, qu’il achetait aussi des toiles déjà préparées à Rome (voir dans la chronologie raisonnée à la date du 2 novembre 1662). Le frère menuisier, Domenico Stanghellino, est également à l’origine d’une dépense de 7 scudi en novembre, puis de 1,40 en décembre, pour l’achat de planches destinées à l’encadrement des tableaux.

Il s’agit d’œuvres aujourd’hui disparues, dont nous ne connaissons pas le sujet. Il devait cependant être en rapport avec le lieu auquel elles étaient destinées, le réfectoire, comme ce fut le cas à Sainte-Croix-de Jérusalem (cat. 129-131). Guillaume Courtois aurait aussi peint des tableaux pour le réfectoire de la maison professe du Gesù, en échange desquels il aurait reçu des tableaux de Jacques (voir dans la chronologie raisonnée au 28 janvier 1662).

Uscita A di 30 Detto [novembre 1660] A spese diverse (scudi) cinquantatre & 40 m.a _ 46.40 al f. Giacomo Cortese Pitt(o)re desse, cioe 9. p(er) pagare tre tele di quadro, 12.40 p(er) colori, e 25. p(er) la tela e imprimitura della tela p(er) il quadro grande, e 7. dati al f. Stanghellino [fratello Domenico Stanghellino, menuisier] p(er) comprar tavole p(er) le cornici di d(etti) quadri, che tutti hanno da servire p(er) il Refett(ori)o 53.40 (A.R.S.I, Fondo Gesuitico, Romana Domus Professa, 1182. Entrata, e uscita di Cassa di questa Casa Professa di Roma al presente in mano del P. Gio. Battista Bargiocchi Procuratore di essa : 1656-1663, p. 282. Inédit)

A di 24 detto [dicembre 1660] A spese div(ers)e (scudo) uno & 40 m.a al f. Stanghino [fratello Domenico Stanghellino, menuisier] p(er) pagare un lavorante p(er) le cornici del quadro del Refett(ori)o 1.40

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Chronologie raisonnée

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(A.R.S.I, Fondo Gesuitico, Romana Domus Professa, 1182. Entrata, e uscita di Cassa di questa Casa Professa di Roma al presente in mano del P. Gio. Battista Bargiocchi Procuratore di essa : 1656-1663, p. 284. Inédit)

1660-1661 À cette période probablement, réalisation par Courtois des Scènes de la vie de saint Ignace (cat. 152-155), à la détrempe, dans la longue salle attenant aux Camere du fondateur de la Compagnie, à la maison professe du Gesù. Les embrasures de cinq fenêtres furent ornées. Seules quatre sont aujourd’hui visibles, le décor de la cinquième fenêtre étant recouvert de plusieurs couches d’enduit (Lucas, 1996, p. 141). 1661 Les catalogues triennaux de la Province romaine apportent la preuve qu’en 1661 Jacques Courtois résidait à la maison professe du Gesù, donc sur les lieux où il travaillait à cette période, c’est-à-dire le réfectoire de la maison professe et la salle jouxtant les Chambres de saint Ignace. Une erreur est commise dans l’année d’entrée de l’artiste dans la Compagnie de Jésus, qui est 1657 et non pas 1658 (le jour et le mois sont exacts). Nous ne disposons pas pour 1661 des appréciations de ses supérieurs comme c’était le cas en 1658.

P(rimu)s Catalogus Domus Professa Rom.ae Soc. Iesu 1661 Nomen & Cognomen Jacobus Cortesius Patria Burgundus Ætas 39 Vires Bones Tempus Societatis 3 [anni] [ingressus] 13. Dec. 1658 Ministeria quæ, & quandiu. Pictor (A.R.S.I., Rom. 61. Romana Cat. Trien. 1661-1665, f. 15v. Inédit).

1661, 29 avril Nouvelle dépense pour le grand tableau destiné au réfectoire de la maison professe, qui n’était pas encore tout à fait terminé en avril 1661, puisqu’il y a encore un achat de couleurs. Mais il s’agit sans doute des dernières touches, car deux autres dépenses sont également enregistrées pour l’encadrement et pour l’accrochage des œuvres du réfectoire.

A di 29 detto [aprile 1661] A spese div(ers)e (scudi) diciotto & 90 m.a spesi, cioé 5. p(er) colori p(er) il quadro di N(ostro) Refettorio, 12.40 p(er) la cornice e indoratura di (detto) quadro, e 1.50 al festaiolo p(er) mettesi d(etto) quadro, e levare, e mettesi altri quadri e farsi altre fatighi p(er) Casa (A.R.S.I, Fondo Gesuitico, Romana Domus Professa, 1182. Entrata, e uscita di Cassa di questa Casa Professa di Roma al presente in mano del P. Gio. Battista Bargiocchi Procuratore di essa : 1656-1663, p. 236. Inédit)

1661, 6 août Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le marchand bergamasque a commandé une Scène de pillage à l’artiste, pour accompagner un autre tableau. Nous savons que Courtois traita ce thème à d’autres reprises. Un tableau figurait dans la collection du marquis Pier Antonio Gerini, qui n’est plus connu aujourd’hui que grâce à la copie que Pandolfo Reschi en réalisa (C. 23). Un autre est mentionné en 1679 dans l’inventaire de la collection de Lorenzo Onofrio Colonna (M. 3).

Dans cette missive, Jacques Courtois déclare disposer de peu de temps de liberté et confirme également qu’il doit avoir l’autorisation de ses supérieurs avant d’honorer cette commande. Il demande à Vanghetti de lui préciser les dimensions du tableau et veut également recevoir de la toile de bonne qualité. Une partie des tableaux exécutés par Courtois pour le marchand

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Chronologie raisonnée

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de tissus bergamasque se fit en échange de toile. Nous en trouvons plusieurs fois la mention dans la correspondance de l’artiste.

Les échanges épistolaires entre les deux hommes se mirent en place à l’été 1661. Cet assouplissement des mesures à l’encontre du frère jésuite Courtois - qui peut désormais aussi recevoir des lettres provenant de personnes autres que les membres de sa famile -, semble lié à l’élection de Gian Paolo Oliva au poste de Vicaire général avec droit de succession (le 7 juin 1661), pour seconder le Préposé général en place, Goswin Nickel, gravement malade.

Molto Ill.mo Sig. mio Oss. Hè vero ché V. S. mi scrisi altré volta et perchè non potevo servirla non li risposi però V. S. mi perdoni vedo in quel’húltima sua come la desidera un sevaglìstio per accompagniare un altro quadreto ; vedrei che V. S. restì servita ; ma come di già desi a quel Monsigniore chè mi portò la letrea di V. S. le occupationi mi laciano poco tempo di libertà et vi volé licenza deì miei superiori non potendo fare cosá alcuna senza di esa ; basta ché V. S. si conteti di aspetare un poco avendo alcuni lavori per le mani di considerationi. Cirche di quel’ ché V. S. dice, delli soii settami non né doperiamo ; è ben verò ché pigliere volentieri di quele boné telle che si fabbricano costì se mal non mi ricordo mi paré ché ne vedeti e anco nè provasi di rare qualità : se vora mandarmi le misure del quadreto V. S. facì come volé mentre per fin caramento la saluti è la ringratia de la memoria che conserva di suo fedel serv.re, di Roma 6 Agosto 1661. Di V. S.

indegnio serv. in X.to Jacomo Cortesi, de la Comp. di Gesù.

(Codice conte Guido Morlani, carta 3. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 1, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 1, p. 8).

1661, 21 août Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste a bien reçu les mesures de la Scène de pillage qu’il doit réaliser pour le marchand bergamasque ; il le servira dès que possible. Il en profite pour lui demander de lui fournir de la toile, affirmant préférer sa qualité à sa finesse. Enfin, il remercie Vanghetti de lui avoir appris la mort de monsù Montagna, que l’artiste semblait bien connaître. Ce peintre, hollandais selon Baldinucci, n’est pas identifié avec certitude ; le biographe florentin affirme qu’il fut l’un des maîtres de Courtois à Florence (F. Baldinucci, 1728, p. 419).

Ho riceuto la gratisima di V. S. et inclusa la misura del quadro cio è delo sepogli ché V. S. desidra : la serviro quanto prima potro ; ciercha poi de la tela ho più cara ché prevalgá in bontà che in sotileza. V. S. potrà con hocasion di qualche bale di merchadentia mandarla è potra per ricapito al Pàre Retore del Colegio Germanico, la ringratia de la nova che la mi da de la morte di monsu montagnio per poterli aplicare qualche ben alanima sua ; non mi ocorendo altro solo che salutarla caramento come facio pregando il sig. Iddio li concedi ongni vero ben, di Roma li 21 Agosto 1661. (Codice conte Guido Morlani, carta 4. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 1, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 2, p. 9).

1661, 1er octobre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. La toile demandée par l’artiste lui a été envoyée au collège jésuite d’Ancône, dont le recteur doit la lui faire suivre. À réception, Courtois exécutera la Scène de pillage commandée par le Bergamasque.

Dans cette lettre figure également un témoignage de la dévotion de Courtois. Il cherche à obtenir le récit d’une intervention de la Vierge, en Suisse, au cours d’une bataille qui opposa catholiques et protestants. Quatre mille catholiques y taillèrent en pièces 14000 hérétiques,

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grâce à l’apparition de Marie, en habit blanc, qui sema la confusion dans les rangs protestants (peut-être fait-il référence à la première bataille de Villmergen, le 24 janvier 1656). Courtois précise être passé sur les lieux de la bataille, lors de son second voyage à Fribourg. Il y aurait rencontré un ancien combattant. Ce dernier, estropié au cours de l’affrontement, lui relata cette apparition divine. Le récit de cette intervention mariale se vendait à Bergame lorsque Courtois y habitait (possible séjour de 1656) ; il l’aurait alors acheté. Il souhaite en obtenir un nouvel exemplaire car il s’agit d’un évènement digne de mémoire.

Nella gratisima di V. S. intendo come há inviato in Ancone la tella ; hora si scrivera al P.re Retor del’ nostro colegio acio procuri di riscodrela e mandarcela per la prima e migliore ocasion che trovara ; io poi servirò V. S. in fargli hun seitligio conforme il gusto suo più fiero che potrò esprime ; credo che potrò servire V. S. de la misura mandatomò, bastaro solo dirmi il gustó suo del sugeto : se chapitati per fortuno ne le sue mane un certe relation che a tempo mie si vendeva in Bergamo del fato seguito fra li cantoni chatolici ed eretici zvizerit nel qual mi ricordo si racontava come comparve in favori de chatolici la S.ma Vergine in abito bianco è mesé tal confusion ne nemici che quatro mile ne tagliareno 14 mile de gli eretici et in fato quando feci il secondo viago a Friborgo pasai nel propri logo dove fu fatto la setragia é ci vene racontata da un di queli che era secapato con una mano setropio è confesave di aver visto quela sig. così bela che nerastavano sopratuti amirati ed abagliati, ne la vista, e così gli catolici li davano in capo senza potersi difendré : io veramente ne avevo pregato un amico che procurase di trovarmela, ma non ho mai visto niento : io medesimo la comprear quando la si vendeva per la città di Bergamo ; se per sorte li capitasi, come ho deto, mi farebe gran’ piacer di mandarmela perchè è cosa degna di memoria : mè perdoni de la briga mentre per fin caramente la salute pregandoli dal Sig. Dio ongni vero ben. di Roma il 1.o Ottobre 1661. (Codice conte Guido Morlani, carta 5. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 1, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 3, p. 9).

1661, 24 décembre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le frère Courtois s’est absenté de Rome pendant deux mois, pour accompagner un père jésuite à Naples.

Fin décembre 1661, l’artiste dit résider à la maison professe du Gesù.

Ho riceuto dué de le sué ne le quale hò inteso come V. S. vorebe che consegniasi li doi quadreti allamico suo qual deve tratenersi in Roma circa un mese ; sepero che la servirò ; in quanto a le tele non abiamo nova nisuna se bene si et fata diligenza : il non aver risposto á V. S. la cagione et setato perchè sonó setató a cómpagniare un padré de nostri a Napoli et così il viagio et setato quasi di dué mesi. Orá nel mio ritorno hó trovato una sua de lì 7 Xmbre e laltra mi fu mandata a Napoli. V. S. mandi per recapito al Giesu dove io setó mentre perfin li agurò un’ bon capo dani con’ infiniti aprê, di Roma li 24 Dic. 1661. (Codice conte Guido Morlani, carta 23. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 4, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 4, p. 9).

1662, 14 janvier Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Courtois est toujours à la maison professe. L’artiste n’a pas reçu la toile promise par le marchand, pour lequel il doit réaliser deux tableaux : une Scène de pillage et une Marche de cavalerie et d’infanterie.

Ho inteso nella sua deli 5 Genar com V. S. ere setato avvisato di avere il recapito delinvolto de le due peze di tele è chè laltra pezza poteva esere vicino a Roma ; circa li quadri di V. S. ne ho cominciato uno, averei carro che V. S. me la facessi chapitare al Giesù mentre la mi fa gratia di metermelo in liberia : abiamo scrito in ancona a ciò la mandino quanto prima a Roma seperò che S. V. averà sodisfatione in quanto ali caprici ne li quadreti è lune sara il

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zevaligio furioso quanto si potrà, l’altrio la marciata di cavalaria e infantaria non voglio tediarla solo salutarla caramente come facio pregandogli dal signor Dio vera felicità. di Roma li 14 Gennaio 1662. (Codice conte Guido Morlani, carta 8. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 2, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 5, p. 10).

1662, 28 janvier Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le père recteur du collège d’Ancône a reçu la toile attendue par l’artiste qui, quant à lui, a presque terminé les tableaux commandés par Vanghetti. N’y manquent que quelques coups de pinceau. L’artiste cependant ne semble pas satisfait du prix qu’il en a obtenu, déclarant que par le passé il ne les aurait pas cédés pour cinquante scudi. Il affirme en effet en avoir exécutés de moins réussis pour son frère, en dédommagement de son travail pour leur réfectoire (voir dans la chronologie raisonnée aux 30 novembre et 24 décembre 1660). Ce dernier les vendit ensuite à un peintre, cinquante scudi l’unité.

Ho nova di Ancona come il nostro P. Retore ha riceuto il fagoto de le due peze de tela vene da mè li zorni pasati un rispondente di V. S. et mi disi che aspetava quel’altro fagotino con legalanteria che mi sinifico per il pasati et io li disi che aspetavo un coriero conforme V. S. mi avisò, al quale dovevo consengniarli alcuni quadreti li quali erano in ordine mancando pochissime penelate et credo che V. S. rasterà gustata : et ben vero che non lì averei fati per il pasato per cinquanta secudi de la sorte che V. S. li vederà ed ìn verità ne ho fati alcuni per un mio fratelo qual ebei occasion di far ulcune oper per il nostro refetorio ed in cambio glie ne feci alcuni ma di minor gusto li a venduti ad un pitore più di cinquanta scudi luno, aproportion lo dico solo perchè V. S. vedi come lo servita esendo io obligato a la sua cortesisima maniera di tratare et prego il Sig. li conceda vera felicita di Roma li 28 Genaro 1662. (Codice conte Guido Morlani, carta 9. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 2, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 6, p. 10).

1662, 10 février Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Courtois a reçu via Ancône de la toile mais qui ne correspond pas à celle qu’il attendait ; c’est seulement une pièce de toile ordinaire. Il veut savoir ce qu’il doit en faire.

Les tableaux pour le marchand sont terminés, comme il le lui a déjà écrit.

Ho ricevuto il fagotino che V. S. mi mandava per lavolte di Ancona, ma non corisponde a le letre ché mi scrisi cio è vi et soló una pezza di tella ordenaria la tengo apresó di me per saper da V. S. quel ne devero fare : li quadri di V. S. son in ordine et di già li scrisi per il pasato come avevo fato tutto quel ché mi si ricercava non mi ocorando altro ché salutarla pregando il sig. iDio voglia concedreli ongni vero ben di Roma 10 feb. 1662. (Codice conte Guido Morlani, carta 11. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 2, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 7, p. 10).

1662, 10 mars Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste a remis les deux tableaux terminés à un courrier, ami de Vanghetti. Il demande au marchand de montrer ces œuvres au peintre Evaristo Baschenis, pour les lui faire estimer, sous-entendant sans doute qu’il n’en a pas été suffisamment dédommagé.

Volsi vedere la tella et nellaprire et in seppiegarla vi trovaie tuta doii le pezze, le feci vedere ma non riusciurno approposito per quel che desideravo fare ; mi fu dato altrasi dal suo

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rispondente l’altra peza con hote sechatole di confeti nela ringratio consegniai al corsero amico di V. S. li doii quadri acomodati acio non patiscino et li racomandaii la diligenza averò care ché V. S. li faci vedere al sig. Don Evaristo Baschenis ma non già dirli quelo che V. S. mi a mandato per degnio rispeto intendendo di non ricevere in pagamento ma ben sì per lamicizza chè pasá fra di noii esendomi setati ricesti deti quadri dapiu persona li quali nelarte intendono moltó avevó carro sapere quelo ne dirà deto sig. Baschenis et se sarano di gusto di V. S. alaquale prego da Dio hogni vero ben di Roma li 10 Marzo 1662. (Codice conte Guido Morlani, carta 12. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 2, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 8, p. 10).

1662, mars Jacques Courtois fait présent d’une relique aux sœurs ursulines de Fribourg. Il s’agit d’un bras de saint Valérien, accompagné de son authentique.

Presant de relique (par le frère Courtois) Le mois de Mars, les sœurs receure une fort belle Relique d’un bra de St Valeriant que le Frere Jaque Courtoit de la Compagnie de Jesus leurs envoya depuis Rome avec une patente fort otentique, de la certainetee desd. relique, a laquelle pattente, Monsieur le Grand Vicaire Foux aplicat aussi son seau. (A.U.F., S.U.F. 2095. Annales I, 1634-1728, p. 80. Cité par F. A. Salvagnini, 1937, p. 86, sans les références du document, et non transcrit).

1662, 28 avril Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste ne peut pas exécuter d’autres tableaux pour le marchand bergamasque car ses occupations ne lui en laissent pas le temps.

Vego il desiderio di V. S. in volere altri quadri e benche avesi desiderio di servirla le mie ocupatione non mel permeseno et mi dispiace non poterla servire non ebi altra letrá de le sué ché però non mi averà per manchevoli di risposta et non mi ocorando altro solo pregarli dal sig. iDio vera felicità. di Roma li 28 Aprile 1662. (Codice conte Guido Morlani, carta 14. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 2, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 9, p. 11).

1662, 4 mai Jacques Courtois envoie aux sœurs ursulines de Fribourg une autre relique, qu’il avait reçue en cadeau de Nicolò Sagredo. Il s’agit du corps de saint Fortunius martyr, exhumé des catacombes romaines de Sainte Priscille, le 14 juin 1660. Le pape Alexandre VII l’avait mise à disposition du cardinal-neveu Flavio Chigi qui en avait ensuite fait présent à Sagredo (Salvagnini, 1937, p. 85-86).

Les sœurs avaient eu la nouvelle du cadeau de Courtois une année auparavant mais craignaient d’avoir été oubliées car elles n’avaient toujours rien reçu. Sagredo lui-même les contacta en leur demandant une voie sûre pour leur envoyer la précieuse relique. Pour acheminer le saint corps, les ursulines firent appel aux Sollicoffre (Zollikoffer) de Saint-Gall, de riches marchands, protestants…

Lesd. frere Jaque Courtoy leurs escrit qui leurs avoit procuree le st Corp (de) St Fortunius Martyre lequel avoit vecu den la ville de Rome 65. ans et estoit (à) l’embassadeur de Venise Grand Procureur de St Marc [Nicolò Sagredo] qui avoit ce st Depeau dens sa Maison et qui luy en avoit fait present. Depuis quelles urent aprit cete bonne nouvelle, il ce passa un annee avent qu’elle le receure, ce qui leurs fesoit a croire qu’il estoit perdu. Peu apres, elles receure(n)t une lestre dud. Mons.r l’ambassadeur, qui leurs demandoit une voy assuree pour leurs faire attenir lesd. St Corp, ce qu’elle firent, se servant pour cet esfect des solicofre de st

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Gal. et receure la Caisse le 4.me May avec une ioye qui ne se peut dire. La Caisse fust ouverte par Mons.r le Grand Vicaire, en la présence de deux R.d Peres Jesuiste, et de deux prestre et de Mons.r Maretou. Elle estoit ornee d’un Brocar couleur de feu beau a Ravir, l’on y trouva dedant les pattante et Bule auttentique de la Certainetee de ce St Corp. (A.U.F., S.U.F. 2095. Annales I, 1634-1728, p. 81. Cité et partiellement transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, p. 86, sans les références du document).

1662, 20 mai Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste ne semble pas vouloir se contenter de la toile envoyée par Vanghetti, estimant qu’il aurait facilement négocié les tableaux réalisés pour vingt ou vingt-cinq doppie (soit l’équivalent de soixante ou soixante-quinze scudi).

Vego de la di V. S. come non gli importarebe il tempo, io per dirglila non mi farebe bisognio di tanta tella quanto importarebe li quadri che V. S. desidra. Ma se la volesi mandaré quele telli così belle e così bone per chapare io mi rimeto perché li quadri mandate a V. S. come di gia li scrisi qua a Rome non mi sarebe costate fatiche il trovarne vinti dopia et anco vinticinche et però per unna volta si pole fare cortesia et per la micitiá ché pasó vorei poterla servire in cosa di suo sodisfation mentre perfin li prego dal sig. iDio ongni vere contenti. Roma 20 Magio 1662. (Codice conte Guido Morlani, carta 15. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 2, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 10, p. 11).

1662, 9 juin Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le marchand souhaite lui commander trois tableaux mais Courtois ne veut pas demander de nouvelle autorisation à ses supérieurs. Il revient sur leur divergence de prix, évoquée dans la précédente lettre. Les œuvres réalisées valaient plus de vingt doppie, les toiles reçues en échange pas plus de six... Dernièrement l’artiste a obtenu cent scudi pour deux tableaux un peu plus grands. Il ajoute qu’il faudra lui accorder un délai pour leur exécution car il a à peine le temps de respirer.

Vego della di V. S. de lì 29 Magio come pur vorebe queli 3 quadri per dirgliela non mi basta lanimo di ciedre nova licenza a miei superiori settando ché come disi di gia a V. S. li doi quadri che li mandai inportavano sopra vinti dopia et le telle di V. S. non furono settimati più di sei dopia a tuto rigore ; che perciò se V. S. si ricordi li disi che per una volta si poteva far cortesia et li dico in verità che holtimamente mi è setata pagato per doi quadri poco più grandi di quelli centé secudi et mi da tempo di farli quando potrò per ché non hó tempo di respirar a mala penna, lacio pensare a V. S. il reste si che mi dispiace non poter sodisfare a la sua curiosita mentre per fin li prego dal sig. iDio hogni vero ben. li 9 Giugno 1662. (Codice conte Guido Morlani, carta 16. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 3, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 11, p. 11).

1662, 1er juillet Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le marchand bergamasque veut commander un tableau de bataille avec des lointains. L’artiste souhaite en connaître les dimensions avant de lui dire s’il peut s’en charger. Nous apprenons également que Vanghetti lui a adressé un jeune homme qui voudrait se former. Courtois en est bien embarrassé car il n’a rien à lui donner à copier. Par le passé, d’autres personnes lui ont été recommandées mais il ne put s’en occuper. Il estime n’avoir aucune autorité en la matière, se contentant de sa condition de frère jésuite.

Intendo come V. S. desiderarebe un quadro di bataglia con qualche lontenanza, mandi la misura che li saperò dire quello sì potra fare : cirche di quel Giovene chè vorebe setudiare io non saprei che mi faré perchè non hó che dar da ricopiare et tanto più chè ve ne sonó de li

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altri li qual me si racomandeno et non poso servirli : qui in Roma settentara se non há chi ne tengi core perchè li pitore non soleano pigliare giovene in casa et per dirla a V. S. un pover fratello come sono io nella Religione mia non a senza licenza alcuna autorità né meno di parlaré perchè così conviene et rendo Gratia al sig. iDio ché ma proviste di unna Religione si santa ; basta che io corispondi ala Gratia de la mia vocatione et son contento et per fin li prego da Dio ongni vero ben. di Roma il primo di Loglio 1662. V. S. mi faci gratia ricapitare linclusa et mi perdoni il fastidio. (Codice conte Guido Morlani, carta 17. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 3, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 12, p. 11).

1662, 22 juillet Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Courtois a bien reçu les dimensions pour la bataille commandée par Vanghetti, cependant comme il y a trois morceaux de fil, il ne comprend pas ce que souhaite le marchand (habituellement Vanghetti lui joint des fils correspondant aux mesures souhaitées). Courtois évoque de nouveau le jeune garçon, venu se former à Rome, que Vanghetti lui a adressé. S’il vient le voir, le pauvre religieux qu’il est fera son possible pour le servir.

Ricevo la misura ma per esere in tre fili cio e tre pezi non capisco la sinification : la ringratia del cavezo di tella ché dice di mandarmi per la prima ocasione non dubito ponte de la sua generosità ; se quel giovene vera da me non mancaro di far tuta la diligenza a me posibile et vorei poter aver ocasion di servirla in queló che pole un pover religioso quale la saluta caramente et li prega dal […] di Roma li 22 Loglio 1662. (Codice conte Guido Morlani, carta 18. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 3, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 13, p. 12).

1662, 28 octobre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste a tardé à lui répondre car il s’était absenté de Rome. Le jeune peintre que le marchand lui a recommandé est venu plusieurs fois lui rendre visite. Courtois, ne pouvant le garder auprès de lui, a tenté de lui trouver une place chez un ami qui loge des peintres. Il lui a donné un tableau à copier. Le résultat n’est pas très bon et il pense que ce jeune, auquel il a prodigué quelques conseils, n’a pas beaucoup de pratique. Il répète qu’il ne peut pas le prendre auprès de lui car où il travaille, il dispose de juste assez de place pour lui-même.

L’essere stato fuori di Roma per qualche tempo è stato cagione che non ho scritto in risposta alla gratissima di V. S. e però mi scuserà la tardanza. Il giovane venne più volte, finalmente lo trovai che mi aspettava : ma mi rincresce che non puote aver il suo intento perchè come di già dissi a V. S. non ne tengo più : e ben vero che cercai di trovargli un luogo in casa di un amico mio quale tiene ordinariamente pittori in casa, e li diedi subito un mio quadro per copiare e lo fui poi a vedere ieri che di già lo aveva copiato, ma mi pare che sia molto indietro, credo che abbia esercitato poco l’arte io li diedi quegli avvertimenti che mi parvero necessari e dove lo potrò servire lo farò volentieri ; in casa non lo posso tenere e di più dove dipingo io, non vi è a mala appena luogo per me, sicchè mi dispiace che non si possa servire gli amici in quello che desiderano. Non mancherò d’insegnarli il modo migliore che saprò, ma come ho detto a V. S. il giovane è assai novo nell’arte e per fine li prego… di Roma li 28 Ottobre 1662. (Codice conte Guido Morlani, carta 19. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 3, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 14, p. 12).

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1662, 2 novembre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le jeune apprenti peintre est reparti chez lui, une sage décision selon Courtois. Rome n’est pas une ville qui convient à tous. Il faut avoir suffisamment d’argent, car l’usage n’est pas de prendre des peintres chez soi. Il y a en effet des vendeurs de couleurs et de toiles préparées, si bien qu’il n’est pas besoin d’employer de garçons à cet effet. Il regrette encore de ne pas avoir pu l’aider. Le jeune homme doit être de Bergame ou des environs car Courtois demande à ce qu’on lui laisse copier quelques-uns de ses tableaux, qui se trouvent alors chez Carlo Giacomo De Vecchi.

Il Giované se ne ritorna a la patria e veramente laudó la sua risolutione perché come gia disi a V. S. Roma non fa per tuté sorte di gente, hó bisognia aver di molti quatrini hó vero unna soda virtù p.ché non si usa pigliare pitor in Casa et cosi bisognia far da se qui abiamo chi ci vende li qolori belli macinati et cosi le telle apareciati ché non hócore garzoni per queste efeti. Mi rincrescé che non abi potuto aiutarlo V. S. faci la carità di laciarli copiar qualche quadri deli soi et cosi ho pregato il sig.re Carlo Jacomo Vecci li far copiar deli soi mentre per fin di tuto core li pregó dal sig.re Dio ongni vero ben. di Roma li doi Novbr. 1662.

Indeg.mo ser. in x.to Jacomo Cortesi

Della Comp.a di Giesu (Codice conte Guido Morlani, carta 20. Original actuellement à la G.U.L.L., Talbot Collection, Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti (2 nov. 1662). Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 3, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 15, p. 12).

1662, 11 novembre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Notre artiste n’est pas pressé de travailler pour le marchand bergamasque. Il y a toujours des différends au sujet des prix entre les deux hommes.

Ciercha di quel quadro che V. S. mi scrisi di mandargleli non et ancora finito et finito che sia non et in poter mio il mandarglelo : alore quando li scrisi se V. S. mi avesi diciarato quello che voleva sependre’ non mi sarei impegniato con altri ma mi diceva solamente di mandare alcuni regali se io li disi che il meretava cento scudi V. S. si pole immaginare che non gle lo dicevo per cerimonia sapendo la fatica che vi avevo meso lo mostraii al giovene dal quale V. S intenderà se et vero il tuto : la tella chè mi aviso avere inviata non et ancora comparsa la vedro volontiera se et tanta bella come intendo dalla di V. S. alla quale prego… di Roma li 11 Nov. 1662. (Codice conte Guido Morlani, carta 21. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 3, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 16, p. 12).

1662, 23 novembre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Cela importe peu à l’artiste que l’ami du marchand ne veuille plus du tableau qu’il lui a peint.

Courtois demande à Vanghetti de lui expédier de la toile à la première occasion.

Non importe niente che quel amico di V. S. non pigli il quadro per che et verissimo che mintendevo di scudi moneta romanna : la ringratia a dongni modo circha le telle che V. S. mi dice che mi volle mandar come non vi et altro impedimento che il pagare qual che cosa di piu di doii ducatoni sé V. S. volessi far il piacere di mandarla per la prima ocasione del coriere pagarò io quì quello di più chè V. S. mi dira che volle il coriero ma soprá tuto V. S. lacomodi daripararla per li tempi cative aciò non patisca il bangnarsi mentre per fin li aguri li santisime feste del S. Natalle. Com il bon capó dani et infiniti apresi colme di vera fellicita. Roma li 23 Nov. 1662.

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(Codice conte Guido Morlani, carta 22. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 4, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 17, p. 13).

1662, 2 décembre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’ami de Vanghetti, destinataire de l’œuvre, souhaite que Courtois apporte quelques améliorations à son tableau. Si le marchand ne trouve finalement pas preneur, l’artiste le conservera pour lui, affirmant qu’il n’en fait pas d’aussi réussi à chaque fois. Finalement, pour satisfaire le marchand et son client, Courtois en baisse le prix, leur laissant à dix ducatoni. Il leur assure que son frère qui est dans le métier (Guillaume), à chaque fois que Jacques décide de baisser le tarif de ses tableaux, veut les lui acheter.

Dalla gratissima di V. S. intendo come un suo amico piglierebbe il quadro se si facesse qualche agevolezza ; io per dirgliela ero risoluto, che se non trovava quello che ne voleva, lo volevo tenere per me, perchè di tal sorta di quadri non se ne fanno ogni volta, che si vuole, poichè non sempre si ha quella buona vena, e in vero questo l’ho fatto con buona vena, e di buon gusto. Ora per compiacere V. S., e per servire l’amico suo, mi contento lasciarle dieci ducatoni, e le assicuro che mio fratello, che è dell’arte, ed intende bene di questa materia, ogni volta che mi risolveva di fare qualche agevolezza nel prezzo, lo voleva pigliare lui, e le basti questo per assicurarla, che ne averà onore, e per fine Le prego dal Sig. Iddio ogni vero contento. Di Roma 2 Dic. 1662. (Codice conte Guido Morlani. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 4, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 18, p. 13).

1662-1663 Inventaires des tableaux de Giovan Carlo de’ Medici, conservés à Florence, dans la demeure de la via della Scala. Deux batailles de Jacques Courtois y figurent.

L’inventaire de 1662, incomplet, décrit quelques-uns des tableaux, avec leurs dimensions et une estimation de leur valeur.

16. Due quadri bislunghi entrovi due battaglie del Borgognone adornamento intagliato et dorato – braccia 2-7/8. Doble 56 (A.S.F., Strozziane, Ia serie, filza 25/39, Inventario de’ Quadri che si ritrovano in Via della Scala nel Casino di Sua Altezza R.ma di gl.me Card.le Gio Carlo de’ Medici da vendersi all’incanto ; l’anno 1662, f. 106-111. Getty, Provenance Index, document d’archives I-395, p. 491, item no 16).

L’inventaire de 1663 concerne l’ensemble de la collection de la résidence via della Scala mais dimensions et valeurs ne sont pas indiquées. À la mort de Giovan Carlo, le grand-duc de Toscane Ferdinand II hérita de ses biens. Nous ne savons pas aujourd’hui de quelles batailles il s’agissait.

[Nella prima Camera verso la Grotta, dipinto nella volta della medesima La Quiete, con suo ornamento di stucco, rabescato e tocco d’oro, con fregio attorno simile] Due quadri bislunghi, entrovi due battaglie di mano del Borgognone, con adornamenti simili intagliati, a fogliamo con maschere, alle Cantonate, et in Mezzo tutti dorati. (A.S.F., Misc. Medicea, filza 31, inserto 10, Inventario o Recognizione delle Masserie che si trovano nel Casino di Via della Scala, f. 3. Getty, Provenance Index, document d’archives I-396, p. 399, item no 16).

1663, 3 février Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Jacques Courtois est au Gesù depuis environ un mois, où il travaille à la fête des Quarante Heures. Comme chaque année est élaboré un

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théâtre pour l’exposition du Saint-Sacrement. L’artiste est très occupé et pour cette raison n’a rien commencé sur la toile de Vanghetti. De plus, il doit terminer plusieurs tableaux pour des personnes qualifiées…

Si è fatto diligenza per quello che V. S. mi avvisa nella sua gratissima del 24 Gennaro ma il correre non ha aportato niente ci sono setato in persona et perche non potevi parlarli vi rimandai doii altre volte et cosi mi mandò dire che non c’è niente et un mese in circha che sono al Giesù a lavorare per le quarantore che si fanno li tre ultimi giorni del Carnovalle che ogni anno si volle fare qualche teatro dove si espone il S. Sagramento di che non ho fin orra cominciato niente nella sua tella ed ho da finire alcuni pezzi di quadri incominciati per Sig.i quallificati, ma spero di poterla servire con mio magior soddisfatione mentre li tempi e le giornate miglioreranno e per finir caramente la salute con pregargli… Roma li 3 febb. 1663. (Codice conte Guido Morlani, carta 38. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 4, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 19, p. 13).

1663, 17 février Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste se réjouit de bientôt le revoir à Rome, ainsi que le peintre Evaristo Baschenis. Il a toujours beaucoup de travail et s’en excuse auprès de son correspondant.

Ho riceuto il fagottino benissimo conditionne et franco d’ogni cossa : intendo da Mons. Baschenis come V. S. et per venire in breve a Roma et ne sento particolar gusto, se parleremo a boca : son molto impegniato in lavori et però V. S. mi averà per iscusato et nostro Signor la feliciti et li concedi… di Roma li 17 febb. 1663. (Codice conte Guido Morlani, carta 37. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 4, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 20, p. 13).

1663, 19 mars Les ursulines de Fribourg ont reçu une lettre du frère Jacques Courtois, accompagnée de présents : du parfum d’Inde, soixante-trois croix de Caravaca bénies par le pape, et auxquelles sont attachées des indulgences extraordinaires. Ces croix sont un cadeau du Préposé général jésuite.

Et le 19. Mars elle receure une lestre du frere Jaque de la Compagnie de Jesus, et avec icelle une Boite remplie de perfun de L’inde ; puis de plut 63. croix de Caravaqua, qui outre les Dignitee quelles on d’elle mesme, avoit encor les Indulgences Extraordinaire comme aussi la Benediction du Sainct Pere le Pape pour l’heure de la Mort lesquelles Croix ce fust le R.d Pere General de la Compagnie de Jesus qui les envoya pour toustes leurs Communautee. (A.U.F., S.U.F. 2095. Annales I, 1634-1728, p. 86-87. Transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, p. 86).

1663, 5 mai Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste doit à nouveau peindre une œuvre pour le marchand, mais ne souhaite pas cette fois le faire en échange de toile. Il lui réalisera pour vingt ducats, un prix d’ami selon lui.

Ricevo la gratissima sua de li 20 Aprile et vedo come desidera dintendre la riuscita della tella mi par di aver detta in una ltra mia che mi riucì bella et bonna un’ poco setreta : mi fu settimata da dodici in quatordici scudi : io per dirla a V. S. il quadro lo farò ma non a conte della tella perche come li disi delaltra volta li quadri ché V. S. á auti non furono pagati unna parta con le telle mandatomi et così per non tedirla il quadro per quanto piacer li poso far comé amico caró annó eseré vinti docatoni et se V. S. sinformerà adaltri ne voglio quindicé doblé siche il piacer che fo a V. S. non lavera ne per un mio fratello et perfin…

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Di Roma 5 Magio 1663. (Codice conte Guido Morlani, carta 39. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 4, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 21, p. 14).

1663, 27 mai Les ursulines de Fribourg viennent d’obtenir du frère Jacques Courtois une plaque avec l’image de saint Fortunius, ainsi qu’une bulle procurant des indulgences plénières pour le jour de la translation de la relique (le 1er juillet 1663).

Le 27.me May, les sœurs receure(n)t du Frere Jaque Courtoy, de la Comp. de Jesu, la plaque ou estoit engravee l’image de St Fortunius ; et une Bule pour les Indulgence pleniere, pour le iour de la translation du Corp dud. St mais comme elles en avoit desia pour la feste de Ste Ursule, lad. Bule, at estee nule, ce qui fit quelle la renvoyere afin d’en avoir un(e) autre. (A.U.F., S.U.F. 2095. Annales I, 1634-1728, p. 88. Inédit).

1663, 2 juin Extrait du journal du père jésuite Paolo Ottolini. Jacques Courtois et un père irlandais accompagnent le Vicaire général Gian Paolo Oliva à Castel Gandolfo. Ils séjournent dans la maison de campagne du Collège irlandais, du 2 au 14 juin.

[1663] Alli 2 di Giugno il P. Vicario [Gian Paolo Oliva] andò a Castelgandolfo alla villa del Coll(egi)o Ibernese, condusse li due Compagni, il f. Giac(om)o Cortese Pittore, il P. Fil(ipp)o LaRocca Ibernese, essi, tornarono a Roma li 14 detto. (A.R.S.I., Rom. 197. Diar. Procuratorum Gener. 1654-1686, Diario Ottolini, f. 61. Inédit).

1663, 25 juin Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le séjour du frère Courtois à Castel Gandolfo est confirmé dans cette missive écrite à son retour, à Rome. Courtois déclare avoir passé quelques semaines dans ce lieu qui convient à sa santé fragile, et où il peut également exécuter des études d’après le naturel. L’artiste souhaite toujours obtenir vingt ducats pour le tableau demandé par Vanghetti, sans compter la toile qui lui a été envoyée. Il voudrait également obtenir des peintures de la main d’Aniello Falcone, des originaux et en bon état de conservation ; ceux qu’Evaristo Baschenis lui avait précédemment envoyés étaient ruinés. Courtois souhaite profiter de cet envoi pour recevoir également des tableaux du peintre bergamasque.

Lessere settato in villa alcuné setimane et settato cagione il non aver risposto a V. S. che per alcune mie indispositione mi cónvene andarvi ed anco per mio settudio ché la ho fato alcuni pezeti dal naturalle come lontananza sasi et boscaglia si che seperò di far qualche cosa di meglio per lavenire circá di quello che V. S. mi dice in ordine al suó quadró io credevo di avermi dicarato abastanza ed era per parlarli come amico mi intendevó vinti ducatoni senza quella tella ché già mi ha mandato et credo di farli piacere grande io non mi coró piu di tella se V. S. mi vol mandare quelli dei quadri di Daniello Falconi ché mi dice nel oltima sua pur ché siene originali et di queli, senza ilusione cio et che non siano rotti ne guasti li vedro volentieri et li saro fedele cio et corispondendo a V. S. in tante penelati che restara sodisfate perchè a dirla quelli che mi furne mandati da sig. Baschenis erano tanti maltrati che li ho persi la.. si che desidero aver qualche cosa che non abia patito di quel Daniele et se tuta dun viago la mi volesi favorire di mandarmi quelli del Sig. Dón Baschenis mi sarebe gratissimo perche piu volta mi há scrito chè settentava trovare chi li volessi fare il servitio a inviarmeli la prego a salutarlo di mia parte et dirgleli che setto atorno a soi quadreti et che vedra qualche diversità di maniera settante che come si tratta di amico io fo gran diferenza nel operare et perfin caramente la saluta. di Roma li 25 Giugnio 1663.

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(Codice conte Guido Morlani, carta 40. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 5, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 22, p. 14).

1663, 25 août Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Courtois a reçu deux tondi de la main du peintre napolitain Aniello Falcone et remercie le marchand Vanghetti de cette faveur.

Ho riceuto li doi tondi del Falconi et la ringratia del favore ; intendo come V. S. mi voleva mandare qui altri doi ma che quello ché li ha non gliela voluto dar però per quanto sono informato V. S. li potra aver ma bisogniara darli quello chè ragionevole et son certo che V. S. li potra aver io non li voglio per me che ne ho quanto mi basta di quelli grandi che il sig. Don Baschenis mi mandò che però V. S. sependi quello chè et di ragionevole et mi di aviso che gliene daro conto nel suo quadro mando al sig. Baschenis li doi soi V. S. li vegi un poco perchè mi pare di aver operato meno male del mio ordenario et sentirò volontiero il suo parere mentre per fin… di Roma li 25 Agosto 1663. (Codice conte Guido Morlani, carta 41. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 5, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 23, p. 14).

1663, 23 septembre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste a exécuté des tableaux pour des acheteurs, qui en sont très satisfaits. Il s’agit d’une commande passée par l’intermédiaire de Baschenis. Ces peintures avaient également bien plu à Rome, à des gens de l’art. Jacques Courtois a actuellement une autre œuvre qu’il estime des plus réussie. Il s’agit d’une bataille antique proposant des vestiges au plan intermédiaire, et à l’arrière-plan une ville avec des édifices antiques, des rochers, des arbres et des collines. L’artiste estime que c’est un des sites de bataille des plus insolites et des mieux proportionnés qu’il ait jamais réalisé (il s’agit d’une toile d’imperatore). Il n’en veut pas moins de cent scudi. Il ne l’a encore montrée à personne car il réside actuellement au noviciat, où il est retiré, sans contacts avec l’extérieur.

Intendo dalla gratissima sua come li quadri fatti per commissione del Rev. Baschenis sono piaciuti a quei signori ed a V. S. In Roma pur piacquero a chi li vidde particolarmente a quelli dell’arte. Godo che sieno stati soddisfatti. Ne ho per le mani un bello quale credo non aver mai fatto il simile ed è una battaglia a l’usanza antica con anticaglia a mezza vista e più lontano una città con arti antica e sassi de più belli che abbia mai fatti con alberi e colline in somma credo di non aver mai ordinato il sito più bizzarro nè più proporzionato per battaglia. E’ più di sei palmi longo e proporzionato in larghezza per dirlo in confidenza a V. S. l’ho fatto per sfogare il talento e da tempo che ne aveva voglia. Basta che li dica che è di mia intiera soddisfazione. Il prezzo non ne voglio meno di 100 scudi et ben vero che sinora non l’ho fatto vedere perchè ora sono al noviziato e non pratico con nessuno in luogo più ritirato. Mi scusi se lo attediato mentre per fine li prego dal Signore ogni vero bene. Roma li 23 settembre 1663. (Codice conte Guido Morlani, carta 10. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 7, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 24, p. 14-15).

1663, 29 septembre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Courtois a reçu la nouvelle de l’envoi des tableaux de Baschenis. Le marchand Vanghetti souhaite obtenir une petite bataille comme celle que l’artiste a réalisée pour le peintre bergamasque. Courtois lui dira combien on lui en propose dans la profession. Il en réalise peu de cette dimension car il n’aime pas les faire si petites. Actuellement il travaille à une plus grande, dont le prix sera au moins de huit doppie (soit l’équivalent de vingt-quatre scudi).

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Ricevo la nova come li quadri del sig. Baschenis sono inviati et a suo tempo la ringratiaro : ciarcha a la prima letra di V. S. che desiderava unna batagline come quella più picoline mandata al deto sig. Baschenis io li diro quello che me la pagano altri della profetione et ne fo poche perchè non gusto farli tanto picoline esendo che in quel tempo ne farei unna altro tante più grande per il suo prezo sara 8 dopie il meno et per fin caram. la sallute. di Roma li 29 sett. 1663. (Codice conte Guido Morlani, carta 42. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 5, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 25, p. 15).

1663, 6 octobre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Courtois déclare être actuellement au noviciat de Sant’Andrea et non pas à la maison professe. Il pense aller lundi pour quinze jours à Tivoli, où il fera des choses d’après le naturel car il y a là-bas de belles cascades et des roches insolites.

Ha mezz’ora di nota mi viene detta chè anno riscosa li quadri di dogana però non li posso dir nieta fin a questa altro ordenario perche non setto al Giesu ma al Novitiato di Monto Cavallo di Santo Andrea et penso di andare lunedi per quindece giorni forra a Tivoli et la faro qualche cosa dal naturale perche vi sono di molte belle veduta di caschate d’aqua et rupi sasi bizarisime. Mi farà grattia di riverire il sig. Baschenis di mia parte ed a V. S. caram. la saluta. Roma li 6 Ottobre 1663. (Codice conte Guido Morlani, carta 43. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 5, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 26, p. 15).

1663, 25 octobre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Encore un désaccord, concernant le prix de la petite bataille que Courtois doit réaliser pour Vanghetti. Le marchand ne lui en donnerait que douze ducatoni. L’artiste ne le servira pas et lui déclare que ce n’est pas la peine de commander de petits tableaux afin d’obtenir de meilleurs prix, parce que leur réalisation lui demande plus de temps que pour les grands… Il a bien reçu les tableaux de Baschenis, bien conditionnés. Vanghetti ne doit pas faire ses comptes avec la toile envoyée car l’artiste lui a déjà expliqué ce qu’il lui devait en plus. Le marchand verra lui-même qu’il a bien employé son argent quand il recevra son tableau.

Nel mio ritorno di Tivoli ricevo unna gratissima sua’ laqualle mi dice che V. S. volle sependre dodeci docatoni per quella picoline bataglia. Mi bispiace il non poterlo servire tanto più perche et così picoli ma acio che V. S. sapia non bisognia volerli picoli per averne più bon mercato perche mi robano piu tempo de li grandi, riceveti li quadri del sig. Don Baschenis benisimo conditionati rendo gratia a V. S. si come’ ho’ fato al detto sig. Baschenis non bisognia che V. S. faci il suo conto con quelle telle mandatomi perche di già li disi quello che’ mi doveva mandar di più delle telle et V. S. vedra che avera benissimo sepeso li suoi danari quando vedrera il quadro et vi et gran diferenza da quadri a quadri io mi elegerei sempre laver un quadro bono che dieci et cento’ di tristi il quadro et a bon termine landaro perfetionando et V. S. non guardi al pasato mentre per fin… Roma, 25 Ottobre 1663. (Codice conte Guido Morlani, carta 44. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 5, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 27, p. 15).

1663, 17 novembre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le marchand bergamasque ne veut pas payer plus de douze ducats pour l’œuvre et donc souhaiterait seulement un petit paysage avec quelques figures. S’il consent à payer cinq doble, Courtois le donnera à faire à l’un de ses

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amis. Notre artiste ne souhaite plus d’autres peintures de la main d’Aniello Falcone et il ne réalisera pas le tableau de Vanghetti pour moins de ce qu’il était convenu.

Da la gratisima di V. S. ho inteso come la S. V. non volle pasare dodici ducatoni et che vorebe solamente un paesino con qualche figurine, se vol arivare a cinque doble li farò servitio di fargliene dare un fato per un mio amico et è conforme il suo desiderio ma con’ questo che mandi il danaro á chi si dovera consegniare il quadreto : quadri del falcone non ne voglio piu il quadro fato per V. S. non glilo poso dare a meno di quello che li ho deto piu volta perche li fo’ gran piacere et perfin li prego. Roma, 17 Novembre 1663. (Codice conte Guido Morlani, carta 45. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 6, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 28, p. 16).

1663, 22 décembre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste ne lui a pas envoyé les deux tableaux espérés car, encore une fois, il y a des divergences de prix entre les deux hommes. Courtois en veut trente-cinq scudi et non pas vingt-huit ; c’est la raison pour laquelle il ne les a pas expédiés au marchand.

Da loltima di V. S. vego coma mi dice di pigliare dal sig. Giov. Batt. Manganoni scudi ventiotto per li doi quadri et io rispondo a V. S. che’ anno á essere tranta5 et non ventiotto che però non li hó mandati li quadri conforme mi comandava nella sua intanto li do le bone feste del S. Natalle con un santo Capo dani et infiniti apreso et Nostro sig. la feliciti. di Roma, li 22 Dicembre 1663. (Codice conte Guido Morlani, carta 46. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 6, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 29, p. 16).

1663, décembre Les ursulines de Fribourg ont écrit au frère Jacques Courtois pour lui relater la translation du corps de saint Fortunius (1er juillet 1663). Elles ont joint à leur lettre des cadeaux. Il s’agit de petits livres, de médailles du saint, et d’une boite remplie de leurs ouvrages, pour le Préposé général, et le frère Courtois afin de le remercier de leur avoir procuré cette relique insigne.

En ce mesme mois les sœurs envoyere au Frere Jeaque Courtoy de la Comp. de Jesu tous ce qui cetoit passee a la translation du Corp de St Fortunius, et des petit livres, et Meda(il)le dud. St et ioint une boite remplie de toutes sortes de Beatilles, et des plus beau de leurs ouvrages qui estoit pour le Reverend Pere General, et le R. Pere Daynée, et pour luy, ce qui fust pour temougner leurs gratitude, pour le digne presan qu’il leurs avoit procuree dun Corp dun si grand St pourquoy toutes la Communautee doit conserver un souvenir perpetuels. (A.U.F., S.U.F. 2095. Annales I, 1634-1728, p. 105).

1664, 29 janvier Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le marchand lui a envoyé de la toile qui ne compense pas l’exécution du petit tableau. Toujours des différends concernant l’estimation des œuvres à leur juste valeur.

V. S. mi dice delle telle mandatomi, io li poso rispondre come ho detto de l’altrevolta che non mi á pagato il quadro più picolino di queli doi che ebe si che non ocore parlarne piu delle tele il quadre che V. S. pretende se ho a tratarla di rigore non ne voglio menno di dodici doble si che V. S. si poterebe persuadere che la tratavo come amico mentre li laciavo per vinte ducatoni che’ sarebene 7 doble et non li so dir altro solo che… Roma li 29 Gennaio 1664. (Codice conte Guido Morlani, carta 57. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 6, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 30, p. 16).

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Chronologie raisonnée

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1664, 8 mars Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste doit remettre un tableau au courrier ; afin que Vanghetti en soit satisfait, il en a repris les rochers et y a ajouté un tronc et de l’eau. Pour un ami du marchand, qui veut un petit paysage avec des figures en promenade, Courtois affirme avoir réalisé une œuvre dans le même goût en matière de rochers et d’eau, qu’il trouve réussie. Il lui fait, par amitié, au prix de douze ducats. Nous avons ici un témoignage de la poursuite de l’activité de paysagiste de Jacques Courtois pendant les années de maturité.

Mi pervennero le sue due lettere tutte in un tempo, e viddi come mi comandava di consegnare il quadro al Corriere ma perchè mi premeva che V. S. restasse sodisfatta in conformità di quello che le ho scritto altra volta oltre quello, che era nel quadro ho di novo rifatto li sassi con l’aggiunta di un tronco ed acqua, le quali cose vagliono più di quanto mi abbia mai fatto. Intanto che si asciuga V. S. mi dirà se vuole che glielo mandi insieme con quello del sig. Don Evaristo Baschenis, conforme il medesimo mi scrisse, e nell’istesso tempo le ho da dire, che per gratificare l’amico di V. S., quale voleva il paesino con figurine che andassero a spasso, ne ho fatto uno che è dell’istesso gusto in materia di sassi e acqua con lontananza di marina, quale mi è riuscito di mia sodisfazione. Mi pare che Ella mi dicesse che non voleva spendere più di dodici ducatoni, ed io per amore di V. S., glielo voglio dare per detto prezzo. Ho riscossi li venti scudi di moneta romana, attenderò il suo avviso per prontamente eseguirlo. Il sig. Manganoni mi promise di venire a vedere il detto suo quadro, e per fine Nostro Signore la benedica. Roma, 8 Marzo 1664. (Codice conte Guido Morlani. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 9, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 31, p. 16).

1664, 19 avril Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste a remis le tableau au courrier. Il est désolé de ne pas avoir pu y joindre quelques dessins ; un cavalier ultramontain l’ayant dépouillé de tout ce qu’il avait de bon. Courtois ne peut pas faire de dessins aboutis pour le marchand, mais seulement des esquisses. Il n’a pas terminé le tableau pour Baschenis et doit le laisser de côté pour l’instant car il doit auparavant achever ceux du cardinal Chigi, qui doit les amener en France (voir le paiement du 13 juillet 1664).

Ho consegnati li quadri al Corriere, qual’è il sig. Agostino Bellavite, mi dispiace non aver potuto servire V. S. conforme il suo desiderio con aggiungervi qualche disegno, perchè un Cavagliere oltramontano mi spogliò di quanto aveva di bono, se bene non soglio fare disegni finiti, ma solamente schizzi. Non ho in ordine il quadro del Sig. Baschenis, perchè mi bisognò lasciarlo per finire alcuni quadri, incominciati per servizio dell’Eminentis. Cardinale Ghigi, quale li volle portare in Francia, e così sono rimasto addietro. Ma spero quanto prima finirlo, et per finire la ringrazio delli ricevuti dodici scudi dal Sig. Luigi Groppi. Roma, 19 Aprile 1664. (Codice conte Guido Morlani. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 9, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 32, p. 17).

1664, 16 mai Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Courtois séjourne de nouveau à Tivoli, pour quelques vacances, afin de respirer un peu d’air pur et de réaliser des études d’après nature. Vanghetti veut encore deux tableaux, de la dimension du fil inclus. L’artiste ne les fera pas pour moins de vingt doble l’unité. De plus, il lui faudra du temps car actuellement il a beaucoup à faire.

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Chronologie raisonnée

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La gratissima di V. S. mi pervenne a Tivoli dove sto per alcuni giorni a pigliare un poco di buona aria. Godo che V. S. e l’amico siano stati soddisfatti. Veggo come vorrebbe due quadri della grandezza del filo incluso, et che vorrebbe sapere il meno prezzo. Io non posso farli per meno di 20 doble l’uno, ma bisognarà darmi tempo perchè ho molto da fare. Apposta sono uscito fuori di Roma per un poco di vacanza e a prendere qualche cosa dal naturale, e per fine caramente la saluto. Di Tivoli 16 Mag. 1664. (Codice conte Guido Morlani. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 9, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 33, p. 17).

1664, 5 juillet Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le marchand souhaitait obtenir un prix pour la réalisation d’un pendant au tableau envoyé précédemment. Il sera de quatorze doble.

Intendo come V. S. vorebe saper il prezo per un compagnio del quadro mandatoli il manco sarà quatordeci doble io non hò la misura se V. S. si risolve di volerlo ne pigliàro tanta tella ma li si mandarano le monstra acio resti servito chi la adoperara et caramente… Roma li 5 Lolio 1664. (Codice conte Guido Morlani, carta 58. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 6, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 34, p. 17).

1664, 13 juillet Confirmation de l’achat d’une bataille de Jacques Courtois par le cardinal-neveu Flavio Chigi. Dans les comptes du prélat, apparaît le paiement d’une somme de quarante scudi, versée au frère jésuite Domenico Morelli, homme de confiance du Vicaire général Gian Paolo Oliva. Il s’agit d’une bataille sur toile de quatre palmi (89 cm), réalisée pour en accompagner une autre de la main d’Aniello Falcone. Dans l’inventaire des biens du cardinal dressé en 1692 figurent deux batailles et deux paysages de Courtois (voir dans la chronologie raisonnée à l’année 1692). L’une des batailles est une tela da testa et la seconde fait trois palmi. Nous n’y retrouvons donc pas celle-ci. Par ailleurs, il ne semble pas que Flavio Chigi ait finalement apporté de peinture de Jacques Courtois en France, comme il en avait peut-être eu l’intention au départ (si l’on en croit notre artiste, dans sa lettre à Vanghetti du 19 avril 1664). La Bataille d’Arbelles de son frère Guillaume, aujourd’hui à Versailles, qui accompagnait la Bataille héroïque de Salvator Rosa, semble avoir été préférée par le cardinal-neveu comme présents pour Louis XIV (le cardinal Chigi offrit quatre tableaux à Louis XIV, à Fontainebleau, le 28 juillet 1664, présents diplomatiques suite à un incident entre la France et les États du Pape survenu en 1662. Un tableau de Bernardino Luini et une copie d’après Titien accompagnaient les batailles de S. Rosa et G. Courtois. Voir Brejon de Lavergnée, 1987, p. 207-210).

876 Detti Li piacerà pag.re al P.re Dom. Morelli della Comp.a di Giesù s. 40 p. il p.ro di una Battaglia dipinta in tela di p.mi 4 e tre fatta fare p. serv. dell’Em. Sig.r Card. Chigi. 13 luglio 1664 Giustificazione : “ Faccio fede io infra.tto come... ha fatto fare p. serv.o di S. Em.za P.rone una Battaglia dipinta in tela di palmi quattro e tre, p. accompagare una della med.a misura di mano di Aniello Falcone Napolitano dal P.re Giacomo Cortese Borgognone p. il prezzo di scudi quaranta. Questo dì 11 Luglio 1664. Nicolò Simonelli Guard.ba”. (Giornale di Cassa B, f. 61, 19 luglio. Libro Mastro 111/126. Dans V. Golzio, 1939, p. 286).

Il existe une ligne dans les livres de comptes des jésuites romains qui pourrait correspondre à cette rentrée d’argent, notée en « aumônes secrètes ». Nous n’avons trouvé par ailleurs aucune trace précise et explicite qui correspondrait à la vente de tableaux de Jacques Courtois dans leurs livres.

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Chronologie raisonnée

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A di 29 di Luglio [1664] Dà limosine (scudi) quaranta portò N. comé limosine segreté 40 – (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1176. Libro di cassa che contiene l’entrata, e spese dalli 13 aprile 1663 fino gli 24 febraro 1675, p. 12. Inédit).

1664, 31 juillet Décès du Préposé général des Jésuites, Goswin Nickel. Le Gênois Gian Paolo Oliva lui succède à cette date. Dès le 7 juin 1661, Oliva avait été élu Vicaire général, avec droit de succession, afin de seconder Nickel, malade et diminué par plusieurs attaques cérébrales. 1664, 2 août Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste n’a pas répondu de suite au marchand, car il n’a pas reçu de toile de sa part.

Non risposi subito a la gratissima sua perche non poteti aver la risolutione qualle non se ne fara altro pero V. S. non mandara tella alcuna se mi ocorera altro avisaro V. S. qualla salute car. et li prego… Roma li 2 Agosto 1664. (Codice conte Guido Morlani, carta 59. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 6, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 35, p. 17).

1665 En 1665, Jacques Courtois apparaît dans les registres jésuites de la Province romaine, comme résident du noviciat de S. Andrea. Une autre date de naissance est communiquée ici : le 4 février 1621. Elle est peut-être exacte mais nous ne pouvons pas le confirmer, l’acte de baptême de Courtois n’existant plus dans les archives de Saint-Hippolyte. La date d’entrée de Courtois dans la Compagnie de Jésus est ici correctement renseignée.

Primus Catalogus Domus Probationis Rom.ae anni 1665 No 34 Nomen & cognomen. Jacobus Cortesius Patria Burgundus Ætas. An: 42 4 febr: 1621 Vires. Bones Tempus Societatis. 13 Dec. 1657 Ministeria quæ, & quandiu. Pictor (A.R.S.I., Rom. 61. Romana Cat. Trien. 1661-1665, f. 168. Reproduit dans N. Lallemand-Buyssens,2006, p. 178. Publié dans N. Lallemand-Buyssens, 20081, p. 59).

Les appréciations du recteur du noviciat, le père Domenico Brunacci, concernant Jacques Courtois, confirment celles de 1658. Il indique également que le frère excelle en peinture, et ajoute qu’il sait écrire…

Catalogus 2.s Domus Probationis Romanae Anni 1665 34. Boni Iudicij, et Prudentia Complexionis melancholica multa experientia rerum. Aptiss.mus ad pingendum ; novit scribere. (A.R.S.I., Rom. 61. Romana Cat. Trien. 1661-1665, f. 213. Transcrit pas P. Tacchi Venturi, 1910, p. 218, n. 2).

1666, 22 juillet Dans les comptes de la maison professe, apparaît en entrée une somme de quatre-vingts scudi, remise au père Domenico Vanni. Elle correspond à l’allocation annuelle versée pour l’entretien du frère Jacques Courtois. Ce dernier semble avoir eu un statut un peu particulier car il est un des rares membres de l’Ordre pour lequel ce versement est individualisé, avec le

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Chronologie raisonnée

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Préposé général et son compagnon le frère Domenico Morelli. Pour les autres jésuites, une somme globale était versée (pour l’année 1669, par exemple, le noviciat reçut la somme globale de 1688,9 scudi « Dalli Contribuz.ni di Alim.ti ». A.R.S.I, Fondo Gesuitico, Rom. Dom. Probat. 1017. Notitiae seu Memoriae ab anno 1616 usque ad 1699 et ultra, pertingit re vera ad an. 1720, p. 72).

[Entrata] A 22 d(et)to [Luglio 1666] Da limosine (scudi) ottanta tanti dati al P. N. Vic.r Prep.o [P. Domenico Vanni] p(er) gli alim(ent)i di un anno del f. Giacomo Cortesi 80- (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1176. Libro di cassa che contiene l’entrata, e spese dalli 13 aprile 1663 fino gli 24 febraro 1675, f. 27. Inédit).

1666, 24 juillet Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste ne fera pas de dessins pour le marchand ; les esquisses qu’il réalise à grand peine ne peuvent servir à d’autres que lui. Il adresse ses meilleurs souvenirs à De Vecchi auquel il a écrit à plusieurs reprises mais sans recevoir de réponse. Il n’a pas non plus de nouvelles de Baschenis. Enfin, il se tient à la disposition de Vanghetti pour toute commande, mais serait bien gêné de lui envoyer des choses confuses comme ces esquisses qu’il n’exécute qu’avec difficulté…

La gratisima di V. S. mîa mesi in pensîero per che io non soglio fare di segnia : lì sechiti che fo dificilmente posano servire a daltri per chè cón faticha me ne servo io : cón questa ocasione voglio pregare V. S. a fare riverenza al sig. Carlo Giacomo Vechi mio singolarisimo sig. io li hó scrito più volta ma non hó uto risposta, et veró ché supongo ché sia fora in vila il sig. Don Baschenis mio antico padrone non ne so novua ché són molti mesi et ne senti fastidio se bene li scrisi alcun tempo fa : se V. S. mi comandara qualché cosa che la posi serviré mi sara somo honore ; mi arosirei di mandarli cosá confuse come li sechizi che soglio fare che a molta fatica io l’intendo in tanto la ringratia della memoria che conserva di un ché li vive affetionatissimo nel Sig. e li prego o. v. fellicita. Roma li 24 Luglio 1666. (Codice conte Guido Morlani, carta 63. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 6, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 36, p. 17).

1666, 21 août Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le frère jésuite a bien reçu la lettre du marchand mais a égaré le fil inclus (des dimensions souhaitées). Il lui en réclame donc un autre. À réception, Courtois cherchera un peintre et verra s’il se contente du prix proposé. Il se dit à nouveau désolé de ne pouvoir réaliser des esquisses pour le marchand, n’ayant pas le temps de s’y appliquer et, de plus, répète qu’elles ne peuvent servir qu’à lui. Courtois remercie Vanghetti des nouvelles qu’il lui a données de Baschenis et de De Vecchi. Il conserve pour ce dernier un tableau achevé et ne voudrait pas avoir à le céder à quelqu’un d’autre. Il attend donc des nouvelles du comte par l’intermédiaire de Vanghetti.

Mi fu datta carissima di V. S. in tempo di notte, e nell’aprire di essa bisogna che il filo cadesse, e non fu possibile poterlo ritrovare, e ben vero che me ne accorsi solo la mattina seguente. Se la mi manderà un altra misura, cercarò qualche pittore di buona maniera, e vedrò se si contenterà del prezzo. Mi dispiace non poter contentarla ne schizzi che la desidera, a mala pena ne posso serbare me, e non ho tempo di poter applicare in cose tali. La ringrazio della bona nova che mi da del sig. Baschenis, come del sig. Carlo Giacomo Vecchi, del quale tengo un quadro fatto di suo ordine, et è delli più copiosi, che m’abbia fatto di grandezza de tela d’Imperatore. Non vorrei disgustar detto signore con darlo via ; lo terrò anche per qualche tempo per averlo tempo fa avvisato che era all’ordine senza aver avuta alcuna risposta. Vorrei destramente che V. S. vedesse se veramente è di umore di volerlo, e mi scusi della troppa confidenza, mentre per fine le prego dal Sig. Dio ogni vero bene, e di core la riverisco.

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Chronologie raisonnée

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Roma, 21 Agosto 1666. (Codice conte Guido Morlani. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 6, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 37, p. 18).

1666, septembre Inventaire après décès de Camillo Pamphilj (1622-1666). Seules deux batailles de Courtois sont clairement mentionnées, à la villa de Belrespiro. Malgré leurs dimensions proches, elles ne semblent pas pouvoir être rapprochées de nos deux Batailles (cat. 27-28), en raison de leur format « ovato ». Quant à la Prise de Castro (cat. 116), deux œuvres pourraient coïncider, un tableau de la villa de Belrespiro, et un autre conservé au palais de la place Navone (ce dernier semble le plus convaincant – la description correspondant malgré l’absence du nom du ou des auteurs). Deux autres batailles, apparemment des pendants, mais sans nom d’auteur, également au palais de la place Navone, pourraient être les Batailles (cat. 27-28).

[6 septembre 1666] Villa di Belrespiro Nel palazzo nuovo [Stanza ultima a man sinistra che fa angolo nella Facciata verso Roma] (f. 8) Un quadro in Tela rappresenta quando fù spianata Castro cornice dorata intagliata. Stanza de mappamondi (f. 35) Un quadro in tela ovato alto palmi 2. Largo palmi 3, rappresenta una Battaglia, che combatte con un Capitano à Cavallo con la mano alla spada, et un soldato che li tira alla vita con una picca cornice intagliata indorata. Mano del Borgognone. - / Un quadro ovato come sopra con un Capitano mano del suddetto. [13 septembre 1666] Palazzo in Navona [Seconda stanza contigua (alla prima stanza a piedi della galleria per andare verso pasquino)] (f. 287) Due quadri simili di due battaglie alti 2 palmi cornice liscie dorate.

[Stanze nell’appartamento d’abasso] [Seconda stanza] (f. 293) Un quadro alto palmi sette in tela con dentro una battaglia con case, e diversi angeli per aria cornice tutta dorata intagliata con due adornamenti dorati per attaccaglia con palombe inargentate. (Rome, Archivio Doria Pamphilj, Inventario e descrizione di tutti e singoli beni trovati dopo la morte della chiara memoria dell’illustrissimo e eccellentissimo Signor principe Don Camillo Pamphilj, scaff. 86, N. 23, f. 1-444. Transcrit dans Garms, 1972, p. 333, 345, 419 et 421, et en partie dans Salerno, 1977-80, III, p. 1136-1138).

1666, 19 septembre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le marchand recevra d’ici peu le paysage commandé (celui que Jacques Courtois a donné à faire à un autre peintre).

V. S. sarà servita del paese quanto prima, e credo ne restarà gustata. Non è comparso alcuno circa di quel negozio del Sig. Vecchi mi dirà a chi si doverà consegnare fatto che sarà il quadro ne mi occorrendo altro per adesso solo che salutarla di tutto core pregandole dal Sig. Dio ogni vero bene. Di Roma li 19 Sett. 1666. (Codice conte Guido Morlani. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 6, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 38, p. 18).

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Chronologie raisonnée

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1666, 16 octobre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste pense que le paysage sera bientôt terminé car il a vu le peintre chargé de le réaliser, il y a quelques jours de cela. Ce dernier lui a affirmé que l’affaire était en bonne voie.

Credo, che il Paese sarà finito perchè alcuni giorni sono passò da me il Pittore, e mi disse, che era a buon termine, si che all’arrivo di questa mia credo sarà in ordine, e non mi occorrendo altro di cuore la saluto e le prego… Roma li 16 Ott. 1666. (Codice conte Guido Morlani. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 7, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 39, p. 18).

1666, 6 novembre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Courtois a vu le paysage qu’il avait donné à faire à cet autre peintre. Il lui a tant plu qu’il le remit immédiatement à un courrier à destination du marchand bergamasque. Il s’agit d’un coup de vent, avec quelques figures, qui pourrait, selon Nicole Boisclair, être un paysage de Gaspard Dughet (voir N. Boisclair, Gaspard Dughet, sa vie, son œuvre, Paris, 1986, n. 15, p. 97. L’auteur, citant une note de 1832 de la main d’Aurelio Carrara, publiée par R. Bassi-Rathgeb en 1956 : « R. Bassi-Rathgeb : “ Circa uno pseudo Poussin ”, Bergorum, vol. 50, N.S. 30, 1956, p. 113-114, publia en 1956 une note d’Aurelio Carrara, confirmant que l’on copiait encore Dughet en Italie au XIXe siècle : “ Bergamo 27 marzo 1832. Il quadro di Gaspare Dughet detto Poussin, rappresentante una burrasca in terra fu da me comprato per mezzo del Sig. Prospero Arrigoni in casa dei sig. Morlani, alli quali vi pervenne per eredità dei Sigg. Ghirlandi, che lo ottenero pure da casa Vanghetti, ai quali fu mandato da Roma dal sig. Giacomo Cortese detto il Borgognone con lettera di suo pugno presso me sottoscrito esistente (perchè gentilmente ceduta e staccata del libro delle lettere presso loro esistenti del Borgognone al sig. Alberto Vanghetti 6 nov. 1666. Il celebre paesista sig. Ronzoni nel mezzo di quest’anno 1832 lo copiò in modo da confondersi collo stesso originale in una tela vecchia di imprimatura rossa di dimensione eguale, calante però in lunghezza di circa un’oncia ; […] ”).

Subbito riceputa la gratissima sua andiedi a trovare il Pittore, quale mostrandomi il Paese mi piacque tanto, che subbito gli ordinai che l’involtasse con diligenza, e lo consegnai al Corriere, si che V. S. resterà servita nel presente ordinario. Vi sono poche figure, ma la cosa espressa non comporta di farcene altre, e vedrà quanto rappresenta bene una Borasca con vento, che in vero non si può far meglio, e se ora non fosse stato per via di amicizia, non si avrebbe potuto averlo per altrettanto. Spero, che restara gustata mentre per fine le prego… Mi faccia grazia di riverire il sig. Don Evaristo Baschenis.

Roma 6 Nov. 1666. (Codice conte Guido Morlani. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 7, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 40, p. 18).

1666, 15 décembre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le marchand n’est pas satisfait du paysage expédié. Pour Courtois, cela n’est absolument pas un problème ; il peut lui rendre ses six ducatoni. Avant de lui envoyer le tableau, Courtois l’avait montré à Ciro Ferri, qui l’estima à dix ou douze ducats. Que le marchand le lui retourne donc, l’artiste lui rendra son argent et gardera le tableau pour lui. Si Vanghetti n’avait pas été un ami, c’est d’ailleurs ce qu’il aurait fait, car l’œuvre lui plaît.

Se V. S. si trova mal contento del Paese mandatole, non si pigli fastidio, lo rimandi pure, che le farò ben rendere li sei ducatoni. Ma prima di inviarlo lo faccia vedere al Sig. Ciro Ferri da mia parte, e mi contento che le dica che io lo stimo dieci ed anche dodici ducatoni. Mandandolo lo recapiti a qualche suo amico, e a quello che me lo consegnara gli daro li sei

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Chronologie raisonnée

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scudi, e me lo terrò per me, perchè a dirgliela liberamente se la non mi era quell’amico che è, non l’averei mandato per il gusto che vi riconosceva dentro, et attendendo li suoi comandi le prego ogni felicità. Roma 15 dic. 1666. (Codice conte Guido Morlani. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 7, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 41, p. 18).

1667, 12 mars Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Un ami du marchand veut un tableau de la mesure qui lui a été envoyée. Vanghetti lui en donnerait six doppie, mais Courtois en veut vingt.

L’artiste lui envoie un dessin et lui demande en échange une aumône de soie blanche, de celle que Baschenis lui avait conseillé d’acheter et qui lui convient très bien, le protégeant efficacement du froid. Il s’en fera confectionner une chemise.

Ho intesó come desiderá pér un suo amico un quadro della misura mandatomi et vorebe sependere sei dopia non la pose servire meno di vinti dopia et perche non hó tempo di darli parola li mando un mio disegnìo et se mi vora faré unna limosina di mandarmi con’ sua comodita da farmi una camisciola di quella saia biancà chè il signor Don Baschenis mi feci comprare la quale mi fece si bona riucita per ripararmi dal freddo pregaro il Signor per la retributione et li auguro… Roma, li 12 Marzo 1667. Faccìmà gratia di riverire il deto sig. Baschenis. (Codice conte Guido Morlani, carta 65. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 7, publiée par P. Locatelli, 1877, p. 288-289 et par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 42, p. 19).

1667, 30 avril Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le frère Courtois a expédié au marchand de Bergame une imagette de saint François Xavier. Avant de lui envoyer, il lui a fait toucher la relique du saint, son bras droit, avec lequel il baptisa un million et demi d’âmes (relique conservée au Gesù).

Courtois a bien reçu la soie demandée, pour sa chemise.

Credo che a questa ora V. S. avera ricepeto unna inclusa ove li mando unna imagineta del santo Francesco Xaverio quale hó fatto tocare la reliqua delle bracio dextro con il quallo batezó un milione et mezo di anime pregaie il sig. Giacomo Mara che glielo facesi chapitare, et mi promisi di farlo li dicevo di aver riceputo la saia di tutta perfetione delaquale di nova larendo infinite gratia, l’oltimo di aprile 1667 Roma. (Codice conte Guido Morlani, carta 66. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 7, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 43, p. 19).

1667, 16 mai Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Courtois a reçu la lettre du marchand à Tivoli, où il réside pour quelques jours, au bon air, et afin de travailler d’après le naturel. Il est heureux que Vanghetti et son ami soient satisfaits du tableau envoyé. L’artiste a reçu une autre mesure, et déclare qu’il pourra réaliser des œuvres de cette dimension, mais pas pour moins de vingt doble l’unité. Il a également besoin de temps car il est actuellement très occupé.

La gratisima di V. S. mi perveni a Tivoli dove setto per alcuni giorni a pigliare un poco di bonna aria gaudo che V. S. et lamico siano settati sodisfati vego come vorebe dei quadri della

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grandezza del filo inclusa et che vorebe saper il meno prezo io non poso farli per meno di vinti doble luno ma bisognara darmi tempo perche hó di molto da fare : aposta sonno uscitó forre di Roma per un poco di vachanza et fare qualche cosa dal naturale et…, di Tivoli li 16 Maggio 1667. (Codice conte Guido Morlani, carta no 82. Transcrit par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 44, p. 19).

1667, 1er septembre Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le marchand bergamasque n’a jamais reçu l’image de saint François Xavier que Courtois lui avait envoyée. Quand l’artiste sera de retour à Rome, vers la mi-octobre, il ne manquera pas de lui en adresser une autre. Il ne veut toujours pas exécuter de dessins pour Vanghetti et d’ailleurs affirme ne pas se souvenir d’avoir satisfait une seule commande de dessins en dehors de celle d’un Milanais, il y a dix-huit ans.

Courtois séjourne à Gênes pour trois mois, où il a accompagné deux pères jésuites. Il dit y prendre des vacances, le changement d’air lui faisant du bien. À Gênes, il peut également profiter des merveilleuses peintures de Titien, Véronèse, Van Dyck qui n’a pas son pareil pour les portraits, et d’autres grands peintres. Il ne perd pas son temps en voyant ces choses qui le comblent grandement.

Da Roma mi vien mandata una gratisima sua et intendo comé non ha maie riceputo li magine di Santo Xaverio mi dispiace ma tornato a Roma non mancarò di servir V. S. com mandarglene un altra : la ringratio di quelle galantaria ché dice di avermi mandato seperó di tornare a Roma nel mezo di Ottobre intendo come la vorebe alcuni disegni mi dispiace di no poterla servire perche non mi ricordo di aver fato in vita mia disegno alcuno se nò unno chè fece ad un cav. Milanesi diceottani sono non hò mai atesi a fare disegni sollo qualche sechizi prima di cominciaré quadri quali non servono ad altri chè a me perchè per soli pensieri mi vagliano non cio pacienza in finirli setto in Genova al presento avendo acompagniato doi padri genevesi tre mesi sono per un poco di vachaza la quale mi ha giovata assaii esendo questa aria bonisima particorarmente lastata con belisime vile piture otime manni di Titiano di Pavel Veronese et di tuti i valent’homini di prima clase peró in Casa de particolari di Vandiche ché in materia di ritrati non há auti pari et così non ho perso il tempo mentre vo vedendo cosa di mia grandisima sodisfacione : secusi il tedio ché li do mentro con’ ogni afeto li faccio… Genova il primo di Settembre 1667. (Codice conte Guido Morlani, carta 67. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 8, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 45, p. 19).

1667, 6 novembre De Rome, lettre de Jacques Courtois à ses sœurs Jeanne et Anne, ursulines fribourgeoises. Il s’agit de la seule lettre connue en français, et la plus longue ; les autres étant toutes de courtes missives en italien. Nous constatons qu’elle est bien rédigée et qu’y transparaît toute la foi de Jacques Courtois, la grande sérénité que lui procure son engagement religieux. Jacques Courtois adresse aux ursulines de Fribourg une relique de saint Charles avec son authentique, ainsi que des croix reliquaires, dont une grande qui lui a été donnée par le cardinal Acquaviva, des figures de corail, des bagues, et enfin un crucifix de corail, avec une croix de cuivre doré. Nouvel exemple de la circulation de reliques et d’objets de piété dans l’espace de la catholicité, avec l’activation du réseau des maisons jésuites pour leur acheminement (dans ce cas précis, le collège de Gênes et le Collège helvétique de Milan sont mis à contribution, pour l’envoi aux sœurs ursulines de Fribourg). Dans cette lettre, Jacques se déclare désolé que Guillaume ne fasse pas plus pour ses sœurs. Enfin, il leur donne des nouvelles de Jean-François, leur frère capucin, qui se trouve actuellement dans les environs de Rome.

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A mes tres cheres sœurs en N.S. S.rs Jeanne & Anne Courtois

de la maison de Ste Ursule A Fribourg

en Suisse Mes très chères Sœurs La paix de JESUS Rome 6. Novemb. 1667 A mon retour de Gennes ou j’ay fay quelq. sejour de 4. mois, j’ay trouvé icy v(ot)re chere lettre dattée du 22 7.bre qui m’a fort consolé, y apprenant l’estat de v(ot)re santé & les bonnes & s(ain)tes volontés & desirs que N(otre) S(ei)g(neu)r vo(u)s do(nn)e de le servir toujours de mieux en mieux. J’y ay aussy remarqué les sentiments tres tendres de v(ot)re bon cœur & de v(ot)re gratitude & reconnoissance de ce que le bo(n) Dieu a voulu vous faire part par mon moyen. Je le prie de vous combler de ses s(ain)tes graces & benedictions en revanche de v(ot)re cordiale affection en mon endroit, & me donner l’occasion de vous faire encor du bien. Je souhaiterois fort que n.re f(rèr)e Guillaume fit plus qu’il ne fait pour vous. Il faut attendre que le ciel luy en do(nn)e la volonte efficace. Cependa(n)t priez bien N(ot)re S(ei)g(neu)r pour luy et pour moy qui me confie fort en vos s(ain)tes prieres et de toute v(ot)re _ communauté que ie salue fort. Je vous ay escris dez Gennes environ le milieu d’octobre & envoyé ensemble une boette de mediocre grandeur pleine de diverses belles choses, & particulierement une relique de st Charles avec son authentique pour estre exposée et venerée en v(ot)re Eglise. Outre cela il y a des reliquaires, dez croix de reliques & sur tout une grande de Caravaca qui (est) pleine de reliques, que le Card(in)al Aquaviva m’a do(nn)é avec d’autres petites figures de coral & diverses bagues entre autres une d’or et autres choses. Je consignay la d(it)e boette au R. P. Gueringel à Gennes qui ma promis de vous l’envoyer par quelque voye bien asseurée. Je m’en suis remis sur luy co(mm)e estant un Pere à qui ie me fie entiereme(n)t. Mandez moy quand vo(u)s l’aurez receue & tout le contenu d’icelle, afin que ie puisse juger si tout est arrivé à bon port. J’ay deplus laissé entre les mains de nos PP. de Gennes un Crucifix de coral, qui a la Croix de cuivre doré, avec un feuillage d’argent aux extrémités, dont la valeur peut estre de 8. Pist(oles). Nos dits PP. m’ont promis de vous le faire tenir aussy par une voye asseurée. Je pense que ce sera par un Capitaine frib(o)urg(e)ois arrivé depuis peu avec sa fée aud(it) Gennes. Et je croy que l’autre boette vo(u)s sera envoyée par quelq. Frib(o)urg(e)ois du College Helvetiq. de Milan. Voyez tenez la main, & informez vo(u)s, co(mm)e vo(u)s pourrez de ces voyes, & de mon costé, jescriray a Gennes et req.ma(n)derez le tout. Vous voyez co(mm)e je ne m’oublie pas de vo(u)s & de v(ot)re s(ain)te maison quand il me vient quelq. Bo(nn)e & belle chose entre les mains. C’est pour vous do(nn)er plus de courage d’estre bien contentes dans le service de Dieu en sa s(aint)te maison & vous inviter à bien continuer de prier Dieu pour moy qui suis de tout mo(n) cœur. Saluez la R M. Sup(érieu)re & toutes vos Sœurs de ma part. N(ot)re f(rèr)e le Capucin se porte bien. Il n’est pas loing de Rome. Le P Claude Damey vo(u)s salue aussy tres cordialement & vo(u)s remercie de v(ot)re cher souvenir & de vos libéralités. Mes tres cheres sœurs

V(ot)re tres hu(m)ble & cordial frère en N(otre) S(ei)g(neu)r.

Jacques Courtois, Iésuite On me fit esperer à Gennes que la boette ou est le Crucifix ira franche de port. Je prie N S. que vo(u)s receviez le tout. (A.U.F., S.U.F. 1176. Lettre de Jacques Courtois à ses sœurs Jeanne et Anne, 6 novembre 1667. Transcrit par Salvagnini, 1937, p. 87-88, avec quelques erreurs et oublis. L’auteur se trompe en datant la lettre du 6 novembre 1665. Nous proposons ci-dessus notre propre transcription, plus près du texte original).

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1668, 1er février Dans le livre de comptes de la maison professe, à cette date, figure en entrée une aumône de trente baiocchi pour la profession des frères Jacques Courtois et Paolo Pagani. Nous sommes à la veille du jour qui verra le frère Courtois prononcer ses vœux définitifs.

Entrata 1668 Febraro A p(rim)o d(et)to. Da limosine (scudi) ventinove e trentacinque raccolti dà P.ri _santi, e (baiocchi) trenta p(er) la Prof(ession)e (d)e(i) fratelli Giacomo Cortese e Paolo Pagani p(er) il Grado. 29.65 (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1176. Libro di cassa che contiene l’entrata, e spese dalli 13 aprile 1663 fino gli 24 febraro 1675, f. 35r. Inédit).

1668, 2 février Jacques Courtois prononce ses vœux solennels, le jour de la fête de la Présentation de l’Enfant Jésus au temple, et de la Purification de la Vierge. Les dates importantes du calendrier liturgique étaient choisies pour les vœux, particulièrement les fêtes mariales. L’année suivante, en 1669, quatre frères coadjuteurs temporels sont admis au grade le jour de l’Assomption (A.R.S.I., Rom. 197. Diar. Procuratorum Gener. 1654-1686, Diario Ottolini, f. 98).

Io Gacomo Cortesi prometo all Oni potente’ Iddio in presenza della sua santissima Madre Verginé Maria é di tutta la Corte celeste et à voi Molto Reverendo Padré Nostro Gioanni Paulo Oliva Proposito Generale della Compagnia di Giesù che’ tenete il luogo di Dio et alli Vostri successori perpetua Poverta Castita et Obedienza secondo il modo espresso nelle lettere Apostoliché é Constitutioni di detta Compagnia. In Roma nella Capella del’ N. S. P. Igniatio della Casa Professa della Compagnia di Giesù. Alli. 2. di febré 1668. Gacomo Cortesi sudetto di mano propria. (A.R.S.I., Ital. 48, Catalogus Assistentiae Italiae Coad. Tempor. 1665-1672, f. 91. Reproduit dans P. Tacchi Venturi, 1910, p. 218-219. Transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, p. 112, d’après la reproduction de Tacchi Venturi, sans les références du document d’archive. Reproduit dans N. Lallemand-Buyssens, 2006, p. 185 et même auteur, 2007, p. 62).

1668, 5 mai Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le frère Courtois s’est procuré une autre image de saint François Xavier. Comme la fois précédente, avant de l’envoyer au marchand Vanghetti, il l’a mise en contact avec la relique du saint conservée au Gesù.

Ho procurato unna immagine di S.to Francesco Xaverio et fatto tocare la reliquia la mando a V. S. pregando il detto S.to voglia ottenerli li gratie ché giustamenté la desidra et più la finalie saluta colme di ongni felicita come gliene… Di Roma li 5 Magio 1668. (Codice conte Guido Morlani, carta 70. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 8, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 46, p. 20).

1668, 7 juillet Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Un nouveau différend de prix entre Courtois et le marchand de Bergame. Le frère jésuite ne veut donc pas le servir. De plus, il a beaucoup trop de travail.

Mi dispiace di non poterla servire in ordine al quadro ché V. S. mi ricerca pérche di quela grandeza non li fo per meno di quindici doble et V. S. mi diceva 8, siame lontano et poi ho tanti lavori per le manni che non mi lasciano camparé : ringratia al bon afeto che la conserva di me suo afetionato et li prego dal Sig…

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Chronologie raisonnée

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Roma li 7 luglio 1668. (Codice conte Guido Morlani, carta 71. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 8, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 47, p. 20).

1668, 7 août Versement de 77,65 scudi à la maison professe, en compensation de l’entretien annuel du frère Jacques Courtois.

Entrata 1668 Agosto A di (7) d(et)to Da limosine (scudi) settantasette & sessantacinque p(er) alimenti del f. Giacomo Cortesi a buon conto (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1176. Libro di cassa che contiene l’entrata, e spese dalli 13 aprile 1663 fino gli 24 febraro 1675, f. 38r. Inédit).

1670, 27 janvier Quatre-vingts scudi reçus à la maison professe pour l’entretien du frère Courtois, pour l’année 1669.

Entrata 1670 Gen(a)ro A 27 d(et)to Da limosine (scudi) ottanta per gli alim(en)ti di un’ anno finito a Novembre pass(a)to del f. Giacomo Cortesi (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1176. Libro di cassa che contiene l’entrata, e spese dalli 13 aprile 1663 fino gli 24 febraro 1675, f. 46. Inédit).

1670, 20 novembre Une entrée de 79,60 scudi est enregistrée dans les livres de comptes de la maison professe, correspondant à l’entretien du frère Courtois, pour l’année 1670.

Entrata 1670 Novembre A 20 d(et)to. Da limosine (scudi) settantanove, & sessanta dati dal P. G.le p(er) alim(en)ti del f. Cortese essendo calante l’oro sedici _ (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1176. Libro di cassa che contiene l’entrata, e spese dalli 13 aprile 1663 fino gli 24 febraro 1675, f. 50. Inédit).

1671, 8 février La scénographie pour l’exposition du Saint-Sacrement lors de la fête des Quarante Heures propose une représentation de Josué arrêtant le soleil, un décor éphémère auquel Jacques Courtois mit probablement la main, puisqu’il s’agit du thème qu’il exécuta le plus souvent. Nous savons qu’il participait à la réalisation de ces théâtres (voir dans la chronologie raisonnée, la lettre du 3 février 1663).

Dom(eni)ca di quinquagesima 8 di Febraro si esposto le 40 hore in chiesa n(ost)ra con l’apparato rappresentante Giosué che fece fermare il sole, furono 33 Cardi(na)li, fece il sermoni il P. Carlo Bor_. (A.R.S.I., Rom. 197. Diar. Procuratorum Gener. 1654-1686, Diario Ottolini, f. 105v. Inédit).

1671, 14 février Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Pendant une année, Jacques Courtois ne peut rien promettre au marchand, étant déjà fort occupé.

Mi perdonera se non risposi subito a la gratisima sua nella quale mi ricercava un quadro la misura del oclusa erra tagliatta e percio non li sodire altro ché il tempo sara quello che agustara, et il prezo et la grandeza, per un annò non li posso prometré cosa alcuna settanti li lavori ché ho per le mani et promesì : la ringratio de la memoria ché tieni di me qual non manco benche ne le mei frede orationi di racomandarla al Signor…

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Chronologie raisonnée

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Roma li 14 febbraio 1671. (Codice conte Guido Morlani, carta 74. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 8, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 48, p. 20).

1671, 20 février Document concernant l’exécution d’une peinture par Jean de la Borde, dans la nouvelle sacristie de l’église du noviciat de S. Andrea. Ce peintre s’est offert de réaliser un saint André, à peu de frais, conforme au dessin qu’il soumit à Bernin. Il a accepté de se contenter du peu que les pères jésuites lui donneraient, estimant davantage l’occasion d’acquérir quelque renom.

C’est Jacques Courtois qui recommanda l’artiste au père recteur du noviciat. Il pourrait s’agir du peintre français, élève de Pierre Mignard, agréé à l’Académie en 1683 (Bénézit, 1999, IV, p. 363), qui aurait donc séjourné en Italie.

Noi Infratti p. la verità ricercati facciamo piena, et indubitata fede, qualm.te volendo il P. Rettore del Noviziato di S. Andrea della Comp.a di Gesù in Monte Cavallo far dipingéré qualché cosa nel vano della volta della nuova sagréstia di d.a Chiesa, si li offerì p. dipingerla Monsù Giovanni della Borde, il quale, sentita l’intenzione del P.re Rettore, che éra di voler spender poco, e p. tal causa, non volerci altro che una semplice Prospettiva, si raccomandò, e fece pregare il P. Rettore, acciò gli volesse far grazia d’ammetterlo à quest’opera, offerendosi di farsi un S. Andrea conformé al disegno, ché havrebbe fatto, e mostrato al S.r Cav.re Bernino, dicendo, che in quanto al prezzo si contentava di camparsi, é di quello, che gl’havesse dato il P. Rettore, e nel resto stimava più l’occasione di far palesé la sua virtù p. acquistare un poco di nomé. Dalle quali preghiere, et esibizioni finalm.te mosso il P. Rettore, ammise il detto pittore à fare l’opera sudetta. Infede p. questo di 20 febraro 1671. Io Gacomo Cortesi dela Compagnia di Giesu fo fede come soppra per essere settato mezano in racomandaré il deto pitore al P.ré Retoré manno propria. Io Gioseppe Cantiani de la Comp.a di Giesu fo fede come sopra e di più fo fede come al sud.o monsu Giovani prima che cominciasse il lavoro io medesimo dissi dordine del P. Rettore più di una volta che non gli voleva dare più che quindici o venti scudi et egli mostrava sempre di restarne contento mano propria. (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Dom. Probat., 865. Diversa quoad expensas factas in constructione novae Ecclesiae, Altarium et Sacrarii ab an. 1658 usque ad an. 1676 (et postea), A-X-14, carta 3. Inédit).

1671, 9 août Inventaire après décès du cardinal Antonio Barberini (1607-1671). Le cardinal possédait quatre tableaux de Jacques Courtois, deux Paysages avec saint Pierre et deux Batailles.

[Quadri] [Stanza n.o 26] 350. Due quadri Sopraporti Con Vedute di Marine, e Paesi di grandezza p.m 8, e 5- nell uno rappresenta Christo che chiama S. Pietro al Lido di Mare e nell’altro mostra ad’Alcuni Gabellotti pagarsi il Tributo a Cesare da S. Pietro, mano del Pr’e Cortese Giesuita Con Cornice d’orata no. 2 -200-

[Stanza n.o 57 (sic) – della Libreria] 490. Due Quadri di grandezza di p.mo 8. e 6 rappresentante due Battaglie Con Cornice mano del Pre Cortese Giesuita no. 2 -200- (Inv. Antonio Barberini, 1671. IV. inv. 71490, p. 494, 526. Transcrit par M. Aronberg Lavin, 1975, p. 309, 316).

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Chronologie raisonnée

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Son frère, le cardinal Francesco, et son neveu, Maffeo Barberini, prince de Palestrina héritèrent des tableaux du cardinal Antonio. Nous retrouvons les deux batailles dans l’inventaire des collections de Maffeo, réalisé après 1672.

47. Due Battaglie p longo longhe p.mi 8 e alte p.mi 5 con Cornice liscie tutte dorate mano del Pre Jacomo Giesuita (Inv. Maffeo Barberini, après 1672. VII. Alpha. 72+, sec. B, p. 1. Transcrit par M. Aronberg Lavin, 1975, p. 364).

Les deux paysages sont mentionnés au palais Barberini aux Quatre Fontaines, dans l’inventaire des peintures du cardinal Carlo, établi entre 1692 et 1704, année de sa mort.

[P.ma Stanza doppo l’anticamera a’ mano dritta di d.o Appartam.t (appartamento terreno)] [Seconda Stanza contigua alla detta] 59. Due quadri rapresentanti due marino e Scogli con figure diverse al: p.mi: 6: 1: 8: Cornice dorate del P. Borgognone Giesuita (Inv. Carlo Barberini, 1692-1704. VI. Inv. 92-04, f. 195v. Transcrit par M. Aronberg Lavin, 1975, p. 430).

Le cardinal Francesco Barberini Giuniore (1662-1738), fils de Maffeo hérita des quatre tableaux de Jacques Courtois. Ils apparaissent dans deux inventaires, le premier du 4 août 1730, dans ses appartements au palazzo alle Quattro Fontane ; le second date de 1738-1740.

3620 Un quadro p. longo, rappresenta una Battaglia de’ Turchi longo pmi 8 ½, alto pmi 6 incirca con cornice liscia indorata, si dice mano del P. Giacomo 500

3642 Una Battaglia p. longo de’ Turchi alta pmi 5, larga pmi 7 in circa con cornice liscia tutta dorata, mano del P. Giacomo 400

(Biblioteca Vaticana, Archivio Barberini, Ind. II, Cred. VI, Cas. 71, Maz. XC, Lett. I. Getty, Provenance Index, document d’archives I-1, item no 143 et item no 165).

513 Due quadri uno largo p.mi 7 alto p.mi 5 rap.te S. Pietro, che paga il Tributo, col denaro ritratto dal Pesce, con Christo, e gl’altri Apostoli, con veduta di mare con Barche, Monte, con città e scogli, con casotto di tavola e Gabelliere, che scrive, cavallo con basto, e cane, con cornice all’antica liscia, e battente a bottoncino dorata, e l’altro alto p.mi 5 largo p.mi 6 ½ rap.te Christo quando chiama S. pietro dalla nave, con veduta di mare, div. Barche, e figure, uomo a cavallo, Paese, e Monte, opera ambedue del P.Giacomo, con cornice simile alla sud.a, e dorata stimati…700

(Biblioteca Vaticana, Archivio Barberini, Cred. VI, Cas. 71, Maz. XC, Lett. I, no 34, f. 58v. Getty, Provenance Index, document d’archives I-529, item no 196a-b).

1671, 18 novembre Quatre-vingts scudi reçus à la maison professe en compensation de l’entretien du frère Courtois, pour l’année 1671.

Nov(emb)re 1671 Entrata A 18 d(et)to Da limosine (scudi) ottanta p(er) alim(ent)i del f. Giacomo Cortese p(er) tutto _ (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1176. Libro di cassa che contiene l’entrata, e spese dalli 13 aprile 1663 fino gli 24 febraro 1675, f. 56r. Inédit).

1671 L’architecte Mattia de Rossi, élève et collaborateur de Bernin, reçoit des cadeaux de la part des pères jésuites, en remerciement de son dessin d’un nouveau tombeau pour l’église du noviciat, et du suivi des travaux de l’édifice sous les ordres de Bernin. Il est gratifié de deux

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Chronologie raisonnée

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plats de majoliques peints par Raphaël ou son école, ainsi que deux petites batailles du frère Jacques Courtois.

Mattia de Rossi fit de même que Bernin, qui travaillait souvent gracieusement pour les jésuites, étant remercié avec du pain, de l’huile d’olive ou des pigeons.

In quest’anno 1671 si è fatto un sepolcro nuovo nella nostra Chiesa, il cui disegno l’ha’ fatto il s.r Mattia de Rossi Architetto di legno inargentato e dipinto e lumeggiato d’argento con uno splendor dietro di tela, e si è posto nel vano sotto s. co_etto accanto alla Cappella del B. Stanislao, e tutt’il vano si è parato di damaschi rossi trinati d’oro e prestatici dal s.r Card. Antonio Barberini. […] Il s.r Mattia de Rossi si è fatto un regalo di due piatti di maiolica antica dipinti, p(er) quanto si crede, da Raffaello d’Urbino, almeno da qualcheduno di quella scuola, i quali si tenevamo per vendersi, e non si era mai trovato compratore. Una volta furono stimati (scudi) 50- ma’ non perche valessero tanto. Questo regalo se gli è fatto non solo p(er) il d(ett)o disegno, et assistenza al lavoro molto continua fatta da lui, ma’ ancora p(er)che continua ad assistere alla fabrica della nostra chiesa eseguendo gli ordini del s.r Caval. Bernini ; p(er) il quel effetto se li sono regalati due quadretti di battaglie fatti dal n.ro f. Giacomo Cortesi, che da lui sono stati molto graditi. (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Dom. Probat. 1017. Notitiae seu Memoriae ab anno 1616 usque ad 1699 et ultra, pertingit re vera ad an. 1720, p. 95. Inédit).

Ces pratiques sont confirmées dans un autre document des archives jésuites, non daté. À l’exemple de Bernin, Mattia de Rossi n’acceptait pas d’argent pour le travail effectué pour les jésuites, mais recevait quelques cadeaux de remerciement.

Il noviziato di S. Andrea della Comp.a di Giesù à M(on)te C(a)vallo non hà mai assegnata provisione stabilé à Sig.ri Architetti, ne prima nè dopo il Sig.r Cav.re Mattia de Rossi, il che hanno pratticato, e pratticano attualmente più altri Luoghi Pij. Il Sig.r Mattia hà servito il Noviziato per molti anni nella fabrica della Chiesa, nel disegno delle Cappelle, e della Sacristia, sotto la direzione del S.r Cav.re Bernini, é siccome il S.r Bernini non hà voluto mai accettare provisione di danaro, così ne meno si è preteso dal S.r Mattia p(er) l’aiuto prestatogli. Al Sig. Cav.re Bernini si sono mandati p(er) atti di gratidune più regali di quadri di Battaglie del nró fréllo Borgognone, d’oglio, di pane, e simili, mà parendogli, che avessero specie di pagam(ent)o, presto si dichiarò di non voler accettar altro dal Noviziato, se non il Pane per la sua bocca, chegli fù dato sino all’ultimo de suoi giorni. Similm.to il sig.r Mattia ad esempio del Sig. Cav.re Bernino non hà mai preteso, ne accettato recognizione alcuna di danaro, e si è contentato di varij regali d’oglio, di vino, ed’ altro, che si sono commisurati à Disegni, e Lavori che andava facendo : Or se il Principale non hà preteso recognizione in danaro, né stabile, né varia, molto meno può pretendersi dagli Eredi. Nella fabrica della Porteria fece il S.r Mattia più accessi d’ordine del Papa, come Architetto di Palazzo, à quali intervenne anco il S.r Cav.re Fontana il vecchio, fecé anco il disegno della Porteria d’ord.e del Papa, il quale dopo che cadde à terra il muro vecchio del n(ost)ró Giardino non volle più in piedi i muri cascanti della Porteria vecchia. Per il disegno, per li Modelli, e p. l’assistenza alla detta fabrica della Porteria è stato riconosciuto con frequenti et abondanti Regali per li quali dimostrato sempre soddisfatto, senza dar mai segno alcuno, ne al principio, ne al fine di detta fabrica di pretendere recognizione alcuna di danaro. De regali dati d’Oglio, Vino, et altro, ne fù già data la nota estratta da libri al Sig.r Dom.co De Rossi fréllo del S.r Mattia 20. anni sono in occasione, che mise fuori una simile pretensione, specialm.te pretendendo, che fusse pagata à gli Eredi la mercede p[er]la speditione delle misure, che non fù fatta dal Sig.r Mattia per esser mancato di vita, prima di farla, mà gli fù risposto, che la mercede delle misure non tocca pagarsi dal noviziato, mà dalli Capi mastri, che fecero il lavoro à Cottimo, ascendente alla Somma di (scudi) 2200 in c.a C’i Capi mastri pretendono di non esser tenuti à pagare all’Archit.o il Lavoro, che non hà fatto ; Onde il Sig.r Dom.co non fece altra istanza. (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, 865. Diversa quoad expensas factas in constructione novae Ecclesiae, Altarium et Sacrarii ab an. 1658 usque ad an. 1676 (et postea), A-X-19, f. 47-47v. Document cité par F. Haskell, 1963, éd. cons. 1991, p. 168, mais non transcrit).

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1672, 30 janvier Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le peintre a reçu du marchand la commande d’une Scène de pillage. L’artiste va tenter de le satisfaire bien qu’il soit actuellement très occupé. Il doit en effet exécuter des œuvres pour le signor Altini, quatre tableaux de bataille pour le grand-duc de Toscane et pour d’autres encore. Le prix sera d’au moins quinze doppie, un prix d’ami. Courtois reçoit habituellement cent scudi pour un petit tableau (la renommée de l’artiste semble s’être accrue ; la valeur de ses œuvres allant en augmentant).

Ho inteso nella grattisima sua il suo desiderio ché è di unno seppoglio : io veramento benche mi ritrovi carico di lavori per li sig. Eccel. Altini et dafari quatrì pezzi di quadri di batagli per il Serenissimo Grande duca di Toschana e per di molti altri Sig. di portatta non dimenno vedró com unpoco di tempo di compiacergli : il prezo sara il menno quindici dopia per esere lei per ché orá me li paganó cento secudi il pezzo per piccoli che siannó intornó á qui doi quadri ché la mi dice se non li vegó non ne poso tratare masime che me né chapitarono quatre pezzi del Basanno bono, che era l’istoria de larcha di Noè uno quando si fabbrica larcha, laltra il dilovio, la terza dopo il dilovio, la quarta quando gli animali entranno ne larcha di bellisima maniera come dico a V. S. il non vederli non mi potrè risolvere… Di Roma li trenta Genaio 1672. (Codice conte Guido Morlani, carta 76. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 8, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 49, p. 20).

1672, 12 mars Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Il s’agit juste d’un mot très bref, dans lequel l’artiste déclare ne pas pouvoir servir le marchand.

Non avendo adirgli altro sollo di non poterla servire come li prego… Roma li 12 marzo 1672. (Codice conte Guido Morlani, carta 77. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 8, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 50, p. 20).

1672, 9 avril Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. L’artiste affirme ne pas être en colère, mais considère qu’il n’a désormais plus le temps d’exécuter des tableaux pour n’importe quel tarif.

Vego nella grattissima sua ché la pensava che io fosi incolere peró non é così non ebi tempo di tratenermi secó : li dico ben ché ora non e più quel tempo di far li quadri per tuti sorti di prezzo ora di quella grandezza che V. S. pretende menno di trenta doppia non gli fó sé farei poco ho asaii pellate poco in porta : chi fa trenta pol far trenta : e só ché V. S. non a ocasione di aver a malle se la tratto come farei il magiore amico a la quale li prego ogni vero ben et la riv… Roma 9 Aprile 1672. (Codice conte Guido Morlani, carta 13. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 8, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 51, p. 20).

1672, 15 septembre Jacques Courtois a obtenu deux bulles du pape pour les ursulines de Fribourg. L’une procure des indulgences plénières, la seconde des indulgences pour sept ans, à ceux qui s’étant confessés, et ayant communié se rendraient dans l’église conventuelle le dernier dimanche de juillet.

Le 15 7.bre les sœurs receure deux Bules que le frere Jaques Courtoy de la Compagnie de Jesu, leurs avoit optenu de sa S.teté ; dan l’unne d’icelle, estoit des Indulgence perpetuelle ; et l’autre, des Indulgence pleniere pour 7. ans durent a tous ceux qui, estant Confesse, et Comunie visiteroit leurs Eglise au dernier Dimanche de Juillet.

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(A.U.F., S.U.F. 2095. Annales I, 1634-1728, p. 196. Cité par Salvagnini, 1937, p. 88, mais sans les références du document et non transcrit).

1672, 15 novembre Entrée dans les livres de comptes de la maison professe, d’une somme de 79,50 scudi en compensation de l’entretien annuel du frère Jacques Courtois, pour l’année 1672.

A di 15 detto [novembre 1672] Da Alimenti (scudi) settantanove & 50 m. recati dal P. V. Prep. disse havuti dal P. Generale in dop.e 26 d’Italia, et una di Spagna calanti in tutto giulij 16, disse p(er) gli alim(en)ti del f. Giac(om)o Cortese (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1176. Libro di cassa che contiene l’entrata, e spese dalli 13 aprile 1663 fino gli 24 febraro 1675, p. 66. Inédit).

1673, 13 janvier Lettre de Jacques Courtois à Alberto Vanghetti. Le frère Courtois accuse réception d’un envoi du marchand, bien conditionné, dont nous ne connaissons pas le contenu.

Ringratio al sig. Alberto del fagotino ho riceuto ben condotrinato et me li godero per amor suo non harono in comodarsi tanto di nove la ringratio. Roma 13 gennaio 1673. (Codice conte Guido Morlani, carta 80. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, publiée par G. Locatelli, 1909, II. Lettere del Borgognone ad Alberto Vanghetti negoziante in Bergamo, lettre no 52, p. 21).

1673, 15 novembre Entrée d’une somme de quatre-vingts scudi reçue de Gian Paolo Oliva par l’intermédiaire de Domenico Morelli, pour l’entretien du frère Courtois, à terme échu, pour l’année 1673.

A di 15 detto [novembre 1673] Da detti (scudi) ottanta m. havuti dal P. Generale p(er) le mani del f. Morelli suo compagno per gli alimenti d’un anno finito questo di del f. Giac(om)o Cortese (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1176. Libro di cassa che contiene l’entrata, e spese dalli 13 aprile 1663 fino gli 24 febraro 1675, p. 82. Inédit).

1674, 9 novembre Idem pour l’année 1674.

A di 9 detto [novembre 1674] Da V_ti (scudi) ottanta m. havuti dal d(etto) [P. V. Prep.] disse datili dal P. Gen(era)le p(er) gli alim(en)ti del f. Giac(om)o Cortese p(er) un anno da finire à 15 stante - (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1176. Libro di cassa che contiene l’entrata, e spese dalli 13 aprile 1663 fino gli 24 febraro 1675, p. 96. Inédit).

1674, décembre Madrid, inventaire après décès du comte de Molina, Antonio Mesía de Tovar, décédé le 30 novembre 1674. En décembre, est inventoriée sa collection de peintures, qui sera ensuite mise en vente début 1675. Seuls deux artistes espagnols sont mentionnés, dont le peintre de batailles Juan de Toledo ; on estimait qu’une œuvre de cet artiste valait moitié d’un tableau de Jacques Courtois (Burke, Cherry, 1997, p. 662). La collection du comte espagnol comptait une bataille du « Bourguignon ».

[46] 47 Una lamina Pequeña Con marco de ebano de Una batalla de mano de el Borguinon tasada en çien dus [ducados] 1100 (M. B. Burke, P. Cherry, 1997, p. 664. Doc. 93, f. 424).

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1675 En 1675, Jacques Courtois figure parmi les membres de la maison professe du Gesù.

[Catalogo de soggetti della casa Professa di Roma dell’Anno 1675]

1 P. Gio Paolo Oliva Preposito Generale [Fratelli Coadiutori] 16 Domenico Morelli Compagno di N. P. Gnle. 17 Domenico Stanglino Falegname 22 Giacomo Cortese Pittore (A.R.S.I., Rom 78-III, Cat. Dom. Prof. Rom. 1646-1730, f. 9-12. Inédit).

1675 De Milan, lettre de Gio Battista Fachinetti à Alberto Vanghetti. Commande d’un tableau à Jacques Courtois, qui soit à son goût.

Secondo al servicio que V. S. mi ha faborito di comandarme de fare fare il quadro al P.re Iesubita pitore Le o proposto el di che le poco pero per l’amor de l’amichitia lo fara le 2 dopie Italia. V. S. si servirà mandare mecco per darle de caparra que le pago : le o recomandato sia de suo gusto non bisona dare pressa che il mì a promeso de intremeterlo con le sue opere : intanto mi comande dove mi trobara capace de il suo servicio. – Milano 5 dell’annno 1675. – Delle S. V. Ill. Affecionatissimo servitore Juan Battista Faquineti. Ancora io lo servirò del S. Andrea. (Codice conte Guido Morlani, carta 89. Transcription ancienne conservée à la Biblioteca dell’Accademia Carrara, Bergame, carta 10, publiée par G. Locatelli, 1909, III. Lettera di Giov. Battista Fachinetti ad Alberto Vanghetti, p. 21).

1675, 24 février Exposition du Saint-Sacrement à l’occasion de la fête des Quarante Heures. Cette année-là, le théâtre réalisé proposait une représentation de l’Apocalypse. Courtois a pu participer à son exécution, car il ne serait parti en Toscane qu’en septembre 1675.

Il med(esi)mo giorno 24 dom(eni)ca di quinquagesima si fece l’espos(itio)ne del S(antissi)mo Sacram(en)to in Ch(ies)a n(ost)ra in un Teatro grande rappresentante l’Apocalisse, la matt(in)a alla Cappella _ furono 27 Card(ina)li, fece il sermone il P. Franc(esc)o Verciulli.

(A.R.S.I., Rom. 197. Diar. Procuratorum Gener. 1654-1686, Diario Ottolini, f. 119. Inédit).

1675-1676 Inventaire après décès du cardinal Léopold de Médicis. Y figure au no 123 le Combat de cavalerie (cat. 70). Les deux autres batailles ne sont aujourd’hui plus connues.

A dì 11 Gennaio [1676]

(f. 62v.) 123 M. Un quadro in tela alto 3/4 largo b. 1 1/6, dipintovi una battaglia con molte figure che due si tirano una pistolettata et uno ne casca in terra assieme con il cavallo, di mano del Borgognone, con adornamento intagliato e dorato n.1

(f. 63) 131 M. Un quadro in tela alto 3/4 largo b. 1 1/6, dipintovi una battaglia piccola con molte figure, che due combattono a spada a cavallo, et un cavallo morello morto, e tre soldati morti, di mano del Borgognone, con adornamento simile e straforato n. 1

(f. 90v.) 604 M. Un quadro in tela alto b. 1 1/6 largo b. 1 1/2, dipintovi una battaglia, di mano del Borgognone, di cavalleria, con adornamento liscio dorato e picchiettato n.1

(A.S.F., Guardaroba Medicea 826, f. 62v.-63, 90v. Source et transcription Memofonte).

1676 Jacques Courtois figure sur la liste des membres de la maison professe du Gesù.

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1 P. Gio Paolo Oliva Preposito Generale [Fratelli Coadiutori] 17 Dom(eni)co Morelli Comp. di N. P. 18 Dom(eni)co Stangalino Indisprost. 25 Giacomo Cortese Pittore (A.R.S.I., Rom 78-III, Cat. Dom. Prof. Rom. 1646-1730, f. 15-16v. Inédit).

1676, 18 avril Lettre du Préposé général Gian Paolo Oliva à Jacques Courtois, le pressant de rentrer à Rome afin de travailler à la tribune du Gesù. Le frère Courtois se trouve alors en Toscane, à Montepulciano.

18 Aprile 1676 (a) M(on)te Pulciano, (al) f. Giac(om)o Cortese L’occasione imminente di metter mano allà Pittura della Tribuna di questa chiesa n(ost)ra Primaria del Giesù, mi fa qui haver bisogno e della v(ost)ra presenza e del v(ost)ro pennello. Desidero p(er)tanto, che troncata ogni dimora, vi porghiate in viaggio à questa volta. Dovrete farlo bensi con ogni comodità. Poiche mi preme suprema(men)te che ritorniate con vigore di sanità, e con forze abili à si grande op(e)r(a) p(er) la q(ua)le non _ che nel divertim(en)to. De mesi addietro, e nella vista di alcuni lavori celebri, havete concepute idéé proportionate ad aggiugner al capo di si bella Ichiesa una più degna corona. (A.R.S.I., Epp. NN. 8. Epistolae Generalium ad externos 1665-1680, f. 149v. Inédit).

1676, 22 juin Entrée enregistrée dans les livres de comptes de la maison professe du Gesù, d’une somme de soixante-dix scudi, remise par le père général Gian Paolo Oliva, pour l’entretien du frère Jacques Courtois du 15 novembre 1674 au 22 septembre 1675, le frère s’étant ensuite absenté (probablement en Toscane).

A di 22 detto [giugno 1676] Da Vitti (scudi) settanta m. havuti dal P(adre). Gen(era)le p(er) gli alim(en)ti del C f. Giacomo Cortese dalli 15 nov.e 1674 à tutti li 22 sett.e 1675, essendo poi va via To__na (Toscana ?) (A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Domus Professa, 1177. Entrata e uscita con altri conti, 1675-1692, p. 24. Inédit).

1676, octobre-novembre Lors de son dernier séjour à la villa de Castel Gandolfo, Jacques Courtois dessine des scènes religieuses au fusain sur les murs de la maison jésuite (Baldinucci, 1728, p. 425). Il s’agit de ses dernières œuvres (aujourd’hui disparues, probablement recouvertes d’enduit. Anna Lo Bianco au cours de ses recherches n’a pas pu les retrouver, voir A. Lo Bianco, 1990, p. 135). Le dessin d’une Sainte famille est mentionné dans un inventaire jésuite non précisément daté (Lo Bianco, 1990, n. 105, p. 146).

1 Cornice tonda ad una pittura di Giesú M.a e Giuseppe disegnata in muro dal Cortese (B.N.V.E., Fondo Gesuitico, ms. 1335, Inventario delle Robbe che sono in Casa Nra di Castel Gandolfo, che sono pntemete in uso separato dalle cose part.ri di N.P.G., f. 28. Publié par A. Lo Bianco, 1990, p. 147).

Le 26 octobre 1685, des œuvres au fusain sont vues par l’architecte Mattia de Rossi, lors de son estimation de la villa de Vigna Grande, mais il n’en donne pas de description.

[A di 26 Ottobré 1685] Nota distinta di tutto il Corpo della Casa, che si ritrova nella Vigna dé RR PP Gesuiti d.a Comp.a : di Gesù in Castel Gandolfo.

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19°. Due stanze in volta con due finestre, e due porte istoriate con carbone dalla _ M. del P. Giacomo

(A.R.S.I., Fondo Gesuitico, Rom. Dom. Probat., 856–2. Istrumenti, piante ed incartamenti varii circa i beni di Albano, Castelgandolfo, ecc. : saec. XVII-XVIII, f. 1v. Inédit).

1676, 14 novembre Décès de Jacques Courtois, au noviciat de S. Andrea a Monte Cavallo.

[Morti nella Casa professa di Roma dopo li 27 di Giugnio 1640 quando venni ad habitarvi] F. Giacomo Cortese nella Casa di S. And.a di anni 59 14 nov.re [1676] (A.R.S.I., Rom. 197. Diar. Procuratorum Gener. 1654-1686, f. 117v. Inédit).

[1676] Jacobus Cortesius Roma 14. novembris [provincia] Rom. (A.R.S.I., H.S. 49. Historia Societatis Defuncti 1670-1700, f. 120v. Document reproduit dans N. Lallemand-Buyssens, 2006, p. 186 et cité par le même auteur, 20081, p. 61).

Notice nécrologique du frère Courtois rédigée par celui qui fut son père spirituel ou son confesseur, destinée à être traduite en latin pour les Lettere annue della casa di Probazione in Roma (F. A. Salvagnini, 1937, p. 97-98).

Il fr. Giacomo Cortesi coadiutore, Borgognone, Pittore insigne di battaglie, tanto che il Cav. Bernino diceva non esservi in Europa pittore che in quel genere l’uguagliasse, e perciò dicevasi comunemente il Borgognone delle battaglie, segnalato ancora nel dipingere i paesini, entrò nella Compagnia in S. Andrea Novitiato Romano li 13 decembre 1657 in età anni 36. Nel secolo, dopo essergli morta la moglie, si diede a vita molto perfetta, chiamato da Dio a quella con inviti e stimoli anco di straordinari favori, essendo più volte nell’orationi e in altri tempi per lungo spatio colmato non solo di tenerissimi sentimenti di divotione, ma anco di ardori mistici e di rapimenti, co’quali restava tutto assorto in Dio, con eccessi di mente, e intelligenze meravigliose, e ben dagli effetti si manifestava esser quella opera di Dio, poichè ne riceveva contritione veementissima delle sue colpe, umiltà profondissima, e abborrimento sommo alle vanità del mondo, con brame grandi di seguir Christo Signor nostro, e per lui mortificarsi in tutte le cose, e spropriarsi di quanto possedeva, e ben l’eseguì perfettamente. Ne lasciò egli stesso di sua mano la seguente Memoria al suo Padre spirituale che glielo comandò, e così dice : « Il giorno di S. Francesco Saverio mi spropriai di tutto quello che havevo di meglio. La mattina per tempo mi levai con grandissimo desiderio di trovare il Signore Iddio, cioè la vera divotione, desideroso di dar gusto al Signore Iddio con vari atti di contritione, et aspirationi con veementi, grandi impatienze di voler saper la volontà di Dio. Andai a Santa Bibiana, dove era la festa, e qui ebbi molti atti di contritione de la mia vita passata con lacrime e tenerezza, e me ne stetti a sentire ivi più messe con grandissimo raccoglimento. Tornandomene al Giesù, dove si celebrava la festa di San Francesco Saverio, mi sentii tutto infiammar di desiderii d’una vita perfetta e soprafatto da una violenza sopranaturale mi venne desiderio di spropriarmi di ogni cosa di questa vita, et appunto mi ero messa in saccoccia una scatoletta, dove teneva alcune gioie, come diamanti e perle, li quali mi risolsi di darle via a qualche poverello ; et immediatamente mi venne innanzi il mio confessore (era un prete di S. Lorenzo in Damaso) et io mi accompagnai con essolui, e gli conferii il tutto, dandogli quelle gioie, acciò le distribuisse ai poveri. Di poi il detto mio Confessore mi donò li tre tomi del P. Rodriguez, acciò mi esercitassi in essi, e mi confessavo ogni giorno. Il detto mio Confessore mi disse, se io haverei voluto aiutare per una Cappellina ; e così mi spropriai di tutto quel che mi trovavo, come abiti, spade, et alcuna poca argenteria che mi trovavo. Finalmente mi diede un ritrattino di una donna dipinta sul rame, acciò la convertissi in qualcosa di spirituale, e vi feci il Salvator nostro ; il quale dopo di haverlo finito, un dopo pranzo guardandolo mi sentii come parlarmi al cuore, come se il Signor mi dicesse alcune di quelle parole, che disse a San Pietro dopo di haverlo negato, ma con tale amabilità, che mi riempii di tanta confusione e contritione, buttandomi in terra prostrato ; e mi parve di vedere

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Giesù Christo Salvatore come in età di 33 anni in uno splendor così grande, con un conoscimento tale, che conoscevo più che se io havessi letto tutte le scritture sagre dal principio della creation d’Adamo insino al dì presente ; e davo in grido così grande, che non mi pareva esser più quel di prima ; mi ricordo che proferiva parole come dire « mio sole, mio sole » più volte replicato. Di poi tornando in me restai dubbioso se quel che era passato fosse illusione del maligno ; ma perchè continuava il pentimento, et una certa quiete insolita, mi andai dal mio Confessore, il quale, dopo di haverlo informato in confessione, mi disse che era cosa buona ; stante che di già erano passate alquante settimane che mi ero confessato di tutta la vita con grandissimo sentimento e diligenza, e con tornare più volte, che non mi sarei mai soddisfatto, se il medesimo Confessore non mi diceva che mi quietassi ; e così mi disse, che per li segni che conosceva, non ero caduto in peccati particolarmente gravi. E così di lì a qualche tempo mi venne ispiratione, per il desiderio che mi sentiva di vivere in castità, di offerire l’anello sponsalitio a la Santissima Vergine nostra Signora, e così feci ; il quale dopo fatto ciò mi sentii tutto mutato in un altro, e stetti più di cinque anni che non sapevo cosa fosse il vivere di questo mondo, perchè non sentivo gravezza, nè difficoltà in operare, benchè fosse cosa difficile e ripugnante al senso. Insomma mi pareva di essere in Paradiso. Non facevo altro che correre ora agli ospedali a servire e confortare con portare alcuna cosa a quegli ammalati con grandissima mia consolatione, e così alle prigioni. La notte poi andavo cercando di trovare qualche poverello, portandogli qualche cosa da mangiare, o vero qualche limosina ; e lo facevo con tanto ardore, che mi sarei voluto trasformare in quelli ; e questo lo dico con mia grandissima confusione. Nel levarmi la mattina mi sentivo tale raccoglimento, quale bene spesso non mi lasciava finire di vestirmi, che subito mi prostravo in terra, e rimanevo senza discorsi, con tal quiete e consolatione, che mi pareva di ricevere nodrimento di Paradiso, ma senza alcuna mia fatica. Se volevo discorrere o raccomandarmi, o vero chiedere, mi veniva detto di haver più di quello che potevo dimandare, e così nell’intendere ; e non mi sarei curato di finir già mai ; i sentivo dir nell’interno : « non ti pigliar ansietà di cosa alcuna, non dubitare, io sono e sarò sempre teco » e così ero contentissimo, e mi trovavo disposto a qualsifosse patimento, o fatica. Alcune volte mi veniva interiormente detto con tanta familiarità che non mi pigliassi pensiero di me, ma attendessi a chi parlava in me, non potendo trovare più megliore, nè più dilettevole, nè più fruttuosa cosa, che quella che di presente godevo ; e così mi ricordavo delle parole di S. Paolo : « Gaudete semper in Domino ». E così mi passavano le giornate con tal ardore, e consolatione intera, che mi venivano in fastidio tutti gli oggetti di questa vita. Altre volte mi venivano discorsi intellettualmente con tal fondamento, che mi pareva non poter tutti i libri, e scienze humane arrivare ad una minima giota di quanto intendevo ; e non mi sarei mai infastidito, nè staccato l’intelletto con dire : « questo è da par vostro » più volte replicandolo ». Sin qui il medesimo fr. Cortesi di suo pugno. Da questo racconto a bastanza apparisce la vita, che menò questo fratello per non pochi anni prima di entrar nella Compagnia, e quanto da Dio fu favorito di lumi e sentimenti straordinari. L’istesso più ampiamente a bocca spiegò al suo Padre spirituale in Collegio Romano e in S. Andrea. Da Roma poi in quegli anni sopra detti andò a Siena, dove il Principe Mattias lo faceva lavorare, e lo favoriva, e regalava largamente. Ma egli se bene nell’abito esteriore manteneva il decoro conveniente, non lasciò però mai l’istesso tenor di vita. Era il suo vitto molto povero, e tutto quel che gli era donato, et era quasi giornalmente di cacciagioni e varie delicatezze dal Prencipe, e da altri, tutto sempre mandava all’ospedali, prigioni, o a conventi di poveri religiosi ; e così anco distribuiva in elemosine, i denari che acquistava. Et un giorno al nostro Collegio di Siena si diede di limosina cinquecento scudi, havendo ivi per suo confessore il Rettore P. Girolamo Santi con cui giornalmente conferiva le cose dell’anima. Intanto sentendosi con gran forza chiamar da Dio alla Compagnia, e abbandonare del tutto il mondo, fu alla fine ammesso nel Novitiato di S. Andrea, dove visse sempre con grandissima umiltà, mortificatione, divotione et obedienza, come anco in Collegio Romano mandatovi dopo dieci mesi. Fatti poi i voti passò la sua vita parte in S. Andrea, e parte alla Casa Professa, occupandosi nel suo mestiere, secondo gli ordini del P. Oliva Generale ; e come sempre fu in lui ammirabile lo staccamento da tutte le cose, non si curò mai nè pur di sapere a che servissero le fatiche de’ suoi lavori, bastandogli di consacrarli a Dio per mezzo della obbedienza ; e dove che il suo nome per l’eccellenza singolarissima nell’arte sua era celebre anco fuor d’Italia, egli pareva che non si

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Chronologie raisonnée

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riconoscesse degno di stima veruna, come se fosse il minimo di casa, e visse sempre con gran ritiramento. Egli è quello, di cui nella predica fatta sopra le virtù del P. Oliva Generale defunto si pone il seguente racconto : « Ad uno de’ nostri, che haveva altre volte ricevute gratie straordinarie dal Signore con eccessi di mente, quando la prima volta fu a riverire il P. Oliva eletto Vicario Generale, mentre era da lui con ogni benignità abbracciato, comparve il petto del P. Oliva tutto trasparente come cristallo, sì che vedeva il cuore di lui chiaramente, et era molto bello. Di che restò il fratello sommamente ammirato. E mentre ciò egli riferiva a chi con licenza dei superiori comunicava spesso le cose dell’anima sua, questi fece subito riflessione che il Signore havesse con ciò voluto manifestare di quanto buon cuore e quanto sincero fosse il P. Oliva. L’anno poi 1676 la sera di San Martino nel ritornare da Castel Gandolfo verso S. Maggiore fu sorpreso da un forte accidente di apoplisia, e benchè fosse allora soggetto della Casa Professa, portato per maggior comodità al Noviziato di S. Andrea, quivi dopo haver più volte ricevuta l’assoluzione per segni dati e l’estrema unzione, morì a’ 14 novrembre ». (B.N.V.E., Fondo gesuitico, ms. 1253. Relatione del fratello Giacomo Cortese. Transcrit par F. A. Salvagnini, 1937, p. 99-104)

Nous retrouvons effectivement la notice, en latin, aux archives jésuites (A.R.SI., Rom. 186. Romana Elogia Defunctorum 1650-1700, f. 192v.-194v.).

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Chronologie raisonnée

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Après la mort du peintre :

quelques documents de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe

1677, 19 mars Inventaire après décès du peintre bergamasque Evaristo Baschenis. Ce dernier était une relation de Jacques Courtois, qui en parlait comme de son « antico padrone » (voir dans la chronologie raisonnée la lettre du 24 juillet 1666). Les deux peintres s’échangèrent des tableaux.

Dans cet inventaire, la présence de six peintures de la main de Baschenis copiées d’après des batailles de Courtois, dont trois d’après la Bataille d’Alexandre contre Darius (dont nous ne connaissons plus le tableau original) témoigne de la production de nombreuses copies déjà du vivant de notre artiste.

(c. 53) Una copia di Battaglia di Alessandro con Dario cavata da una di Monsù Giacomo con cornice adorata lasciata al detto Rev.do Sig. D. Gio.Batta Salvagni come al sudetto codicillo » (c. 54) Due Battaglie di mano del Rev. D. Evaristo di Alessandro con Dario cavata da una di Monsù Giacomo, una con cornice intagliata, et altra senza cornice Un altra pure di mano di detto Rev.do cavata da altra di Monsù Giacomo Due copie di Battaglie di mano come sopra più piccole cavate da simili di Monsù Giacomo, una con cornice adorata, l’altra con cornice sola intagliata (Bergame, cat. expo. 1996-1997, p. 73).

1688 Inventaire après décès du marquis Giovanni Battista Sacchetti (1639-1688). Deux batailles de Jacques Courtois y figurent. Leur historique est ensuite retracé jusqu’à leur entrée à la Pinacothèque Capitoline, où ils sont toujours conservés (cat. 31-32). Ils sont mentionnés dans l’inventaire après décès du fils de Giovanni Battista, le marquis Matteo, en 1744, puis en 1747 dans l’inventaire des tableaux de la Casa Sacchetti, avant l’achat en 1748 par la Chambre Apostolique.

Una battaglia con uno che stà sopra un cavallo bianco, e spara un archebugio etc. alto palmi 2⅓ largo palmi 3 once 4 del P. Giacomo Borgognone

Una battaglia, soldati vicino alla tenda, e cavallo insellato alto palmi 2⅓ largo palmi 3¼

(Guarino, Masini, 2006, p. 462).

En 1744, dans l’inventaire après décès du marquis Matteo Sacchetti (1675-1744) :

Altro [quadro] alto palmi due, e tre largo palmi tre, e quattro rappresent.e una Battaglia del Borgognone Altro [quadro] alto palmi due, e tre largo palmi tre, e quattro rappresentante una Battaglia

del Borgognone (A.S.R., Notai Capitolini, Uff. 25, vol. 583, f. 407-408. Getty, Provenance Index, document d’archives I-881, item nos 257 et 263).

En 1747, dans l’Inventario de Quadri della Casa Sacchetti :

133 Altro alto palmi 2.3 largo palmi 3.4 rappresentante una Battaglia, del Borgognione scudi 25

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Chronologie raisonnée

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140 Altro alto palmi 2.3 largo palmi 3.4 rappresentante una Battaglia del Borgognione scudi 25 (A.S.R., Notai Segretari e Cancellieri R.C.A., vol. 1649 (1748), f. 59v-60. Getty, Provenance Index, document d’archives I-918l, item nos 133 et 140).

1688, 21 mars Mort de Jeanne Courtois au couvent des ursulines de Fribourg. Dans sa notice nécrologique, nous avons la confirmation qu’elle vint à Fribourg pour fuir la guerre de Dix Ans ; ses parents Jean et Philippe Courtois étant décédés. Il est précisé qu’elle put entrer chez les ursulines, en tant que sœur coadjutrice, grâce à l’intervention de ses frères qui vinrent de Rome pour veiller à son intégration.

La notice relate la vie religieuse exemplaire de la sœur Jeanne, sa dévotion particulière à la Vierge Marie, ses efforts de contrôle de soi, l’abandon de toute volonté personnelle pour une grande obéissance à ses supérieures. Est également évoquée une vision de la sœur, qui vit distinctement le tableau de La Vierge que Jean-François Courtois, le capucin, était en train de peindre à Rome.

35. La sœur Jeanne Courtois. La sœur Jeanne Courtois estoit de saint Hypolite en Bourgongne, elle vient en c’este ville pour fuyr les guerres de son pays, apres la mort de ses parens elle à vescu de son travail, et Dieu l’a touiours assisté d’une facon toute particuliere, mesme dans la plus grande pauvreté, car toute sa vie est remplie d’effects miraculeux de la providence divine en son endroit, ausi avoit elle une tres grande confience en Dieu, et à ses confesseurs à qui elle avoit tout son recours, n’entreprenant pas la moindre chose sans leur avis ; sa vocation dans la Religion à esté aussi extraordinaire, et miraculeuse come le cours de sa vie, puisque ses freres qui estoient à Rome furent poussé par un instint du Ciel de venir iusqu’icy pour la chercher et loger avec sa sœur ; elle entra dans nostre Compagnie le 12. 7bre 1657. agée de 39. ans, et y à vescu 33 ans en qualité de coadiutrice dans une vie tout afait innocente, pure, et Angelique, accompagnée d’une naïve simplicité, et realité enver ses superieures pour qui elle n’avoit rien de caché, c’est par ce moyen qu’on à sçeu plusieurs graces dont Dieu l’a avantagée, elle avoit une vision avec Dieu presque continüelle, avec une devotion si solide qu’elle obtenoit tout ce qu’elle demendoit pour elle ; et pour les autres, s’il leur estoit utile, elle avoit sur tout une tendre devotion enver la sacrée Vierge laquelle luy fit ausi des grandes faveurs, luy parlant mesme une fois entre autre estant seculiere, et sur le point d’estre mise hors la ville come estrangere, et en danger de souffrir beaucoup de miseres, priant dans l’Esglise de nostre Dame, c’ete Mere de bonté luy dit distinctement qu’elle ne devoit rien craindre, qu’elle l’assisteroit tousiours, et iamais ne l’abandonneroit ; une autre fois depuis qu’elle fut Religieuse, et quelque tems avant sa mort elle luy fit voir un tableau de Nostre Dame de Compation que son frere le Capucin paignoit dans Rome pour une petite chapelle qui est dans l’enclos de la Maison, come elle prioit Dieu, et la s.te Vierge dans laditte chapelle de luy faire la grace de voir ce tableau avant que de mourir, tout à coup come si on eut tiré un rideau, elle vid clairement ledit tableau de la mesme façon qu’il est à present ; elle s’humilioit éxtremement quand il luy eschapoit quelques parolles aigres, ou tant soit peu contraires à la charité, et souffroit avec une grande patience celles qu’on luy disoit, quoy que bien sensibles ; son obeissance estoit si ponctüelle, et éxacte qu’une seule parolle, ou moindre signe de la volonté de ses sup: estoit pour elle une loy inviolable, mais aussi quand elle y manquoit, nostre Seigneur l’en tançois doucement, come il luy est arrivé une fois qu’elle n’avoit pas accomplit un comendement de la sup: allant apres cela faire sa devotion devant une craiche, et priant Dieu de luy faire la grace d’accomplir tousiours sa s.te volonté, le petit Jesus luy respondit ouy mais vous n’avez pas éxecuté le commandement de vostre sup: depuis lors elle fut encor plus soigneuse que iamais de pratiquer c’este vertu, et de ne rien faire sans congé, n’y en santé, n’y en maladie, donnant méme un tesmoignage de son obeissance quelques moments avant sa mort, car come elle panchoit la teste tout en bas la sup: luy dit qu’elle devoit un peu lever la teste, elle prit cela pour un comendement, si bien qu’un peu avant que d’entrer à l’engonie elle s’efforssoit encor de la dresser ; sa derniere maladie à esté une Idropisie qui luy à duré une année, et luy à causé des ouvertures aux iambes fort

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Chronologie raisonnée

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douleureuses, qui la firent souffrir come une martyre, la gangrene s’y estant mise par deux fois, mais on à mit si bonne diligence qu’on l’a esteint, en fin une petite fievre l’a emporté dans trois iours, le iour de s. Joseph elle à encor entendu la messe sur le chœur, et y à comunié, et le lendemain à sept heures du soir on luy à administré les saints sacremens qu’elle à reçeu avec une grande devotion, et presence d’esprit, et expira le 21 Mars 1688. à onze heures àvant midy, agée de 72 ans, on l’a innumée au lieu, et en la maniere accoutumée.

(A.U.F., S.U.F. 355. Nécrologe 1639-1864, p. 81-85. Inédit)

1690, 10 décembre Décès d’Anne Courtois au couvent des ursulines de Fribourg. La notice nécrologique la concernant confirme qu’elle participa par ses travaux de peinture à l’embellissement de l’église conventuelle, et elle témoigne de même que pour Jeanne de la vie religieuse édifiante de cette sœur enseignante. Sa grande dévotion pour la Vierge et sa croyance en l’Immaculée Conception sont soulignées.

38. La sœur Anne Courtois ; La sœur Anne Courtois étoit native de s.t Hypolite en Bourgongne fille du sieur Pierre Courtois peintre de vacation, elle entra en la compagnie le 5. 7bre, agée de 24 ans. et 5. mois, et y à vescu 35 ans avec l’edification de toute la comunauté, qui luy est fort obligée à raison du grand zele qu’elle a touiours temoigné pour le bien de la maison, la soulageant par ses travaux assidus, et par ses ouvrages de peintures, et autres employant fort bien les talens que Dieu luy avoit donné ; elle avoit un soin tout particulier de travailler pour orner, et embellir l’Eglise, et s’est montré fort fervente à se bien acquiter de tous ses offices et au s.t employ de l’instruction, ressentant sensiblement quand l’occasion luy en eschapoit, elle se plaisoit extremement dans les choses spirituelles et à tout ce qui la pouvoit porter à la recolection, employant pour c’est effect tout l’argent qu’elle pouvoit avoir à acheter des livres ; elle s’est montré singulierement charitable à assister les malades tirant à leur fin, et pour les ensevelir aussi le bon Dieu à benit sa charité par des grandes faveurs qu’elle à reçeu à la fin de sa vie ; sa derniere maladie à été une Idropisie qui l’a seisie subitement la nuit de la s.te Croix du mois de May et la tenue sept mois dans l’infirmerie avec des douleurs estranges causées par l’ouverture des iambes, qui distilant une grande quantité d’eau accre, la fesoit souffrir come une Martyre, Dieu la voulant purifier en ce monde par un purgatoire exterieur, et interieur, la laissant souffrir sans aucuns goust, n’y consolation, iusqu’a la veille de l’inmaculée Consception de la Vierge, auquel mistere elle étoit fort devote, qu’elle fut touchée de l’apoplexie, un quard avant les onze heures avant midy, demeurant quatre iours sans parler, entendant neanmoins tout ce qu’on luy disoit, si bien qu’elle eu le bon-heur de recevoir les saints sacremens, ayant étée inspire efficacement de faire une Confession annuelle tres exacte la veille de c’est accident ; elle à été fort bien assistée de son Confesseur qui l’a veillé deux nuit de suite, et reçeu ses derniers soupirs. Monseigneur de Lausanne luy est venu donner sa benediction une heure avant qu’elle expira, qui fut le 10. xbre, entre les 5. et 6. heures du soir, agée de 59. ans et 7. mois ; on la innumée au lieu, et maniere accoutumée.

(A.U.F., S.U.F. 355. Nécrologe 1639-1864, p. 90-91. Inédit)

1692 Inventaire des biens du cardinal Flavio Chigi (1631-1693), le 1er mai 1692. Sa collection comptait quatre tableaux de Jacques Courtois : deux batailles et deux paysages.

(f. 54) 9 Un Quadro Tela da Testa, cornice tutta dorata, et intagliata con una Battaglia mano del Borgognone

(f. 60) 119 Un Quadro Tela di p.mi 3, cornice tutta dorata, et intagliata, con una Battaglia, mano del Borgognone

(f. 256) 218 Un Quadro in Tela da Testa, con cornice indorata, con un Paesino, mano del Borgognone

(f. 259) 288 Un’altro Quadro in Tela da mezza Testa con cornice color’ di noce, et oro, con Paesino senza figure mano del Borgognone

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Chronologie raisonnée

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(B.A.V., Archivio Segreto Vaticano, Fondo Chigi, 1805, f. 54, 60, 256, 259. Salerno, 1977-80, III, p. 1123-1124 ; Petrucci, dans Benocci, 2005, p. 464-495).

En 1705, nous retrouvons les deux paysages dans l’inventaire après décès du prince Agostino Chigi (1634-1705), dressé du 2 décembre 1705 au 12 janvier 1706 :

(f. 601) Un quadro in tela da testa, con cornice indorata, con un Paesino, mano del Borgognone

(f. 606) Un altro quadro in tela da mezza testa con cornice color di noce, et oro, con Paesino senza figure, mano del Borgognone

(A.S.R., vol. 3248, f. 601, 606. Getty, Provenance Index, document d’archives I-724, item nos 436 et 506).

Entre 1685 et 1698 Inventaire des biens de la famille Sagredo rédigé par Agostino Lama. Toutes les toiles de la main de Jacques Courtois auraient été acquises par Nicolò Sagredo (Mazza, 1997, p. 92), le grand mécène de l’artiste. Au no 19 de l’inventaire figurent les deux batailles aujourd’hui à Dresde (cat. 49-50) et au no 95, les scènes de l’Ancien Testament sur cuir, aujourd’hui à Knowsley Hall dans la collection du comte de Derby (cat. 137-140). Les autres tableaux, dont les œuvres de collaboration dans lesquelles Jacques exécuta les figures, sont aujourd’hui inconnus.

n. 10 Doi architetture di Viviano con le figure del Borgognon con soazze nere et oro duc. 580

n. 19 doi battaglie grandi del Borgognon, una con combattimento, l’altra con finimento di guerra con soazze nere duc. 4000

n. 43 doi paesini di maniera fiammenga con diverse figurine e cavalli fatti nelli detti del Borgognon con soazza nera duc 100

n. 95 un fornimento di cuori cioè di quattro quadri historiati di battaglie d’antichi dipinti dal Borgognon duc. 8000

n. 99 due battaglie del Borgognon bislonghe d’antichi con soaza dorata duc. 1000

n. 108 un architettura di Vivian con le figure del Borgognon in piccolo con soazza nera duc. 80

n. 111 doi battaglie del Borgognon con soazze nere duc. 200

n. 127 doi paesini uno del Borgognon et l’altro del Bamboci con soazze d’intaglio nere et oro duc. 120

n. 147 due battaglie del Borgognon cioè un spoglio et un finimento di battaglia duc. 700

n. 160 doi battaglie fatte a penna a acquarella del Borgognon con soazze dorate duc. 25

n. 185 doi quadretti del Borgognon dipinti per alto con cavallini paesi et altro duc. 200

n. 192 due battaglie grande del Borgognon soazze nere e fillo d’oro duc. 400

n. 197 doi paesi di maniera fiamenga con le figure del Borgognon soazze verde et oro duc. 60

n. 203 due paesi di maniera fiammenga con le figure del Borgognon con soazze nere et oro

duc. 60 (Biblioteca della Soprintendenza dei Beni Artistici e Storici di Venezia, ms. Agostino Lama, Notta d’inventario secondo e stime fatte per contanti da me Agostino Lama Pitore de quadri di ragione delli N. N. H. H. Sagredi fu di sier Stefano nel loro palazzo in contrà di S.ta Sofia. Reproduit dans C. A. Levi, 1900 ; transcrit et publié par C. Mazza, 1997, p. 95-99, et même auteur 2004, p. 110-112, 115-119, 121-122).

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Le 12 août 1676, dans le testament de Nicolò figurait une Conversion de saint Paul de la main du Bourguignon. Il n’est pas possible de connaître l’auteur de manière certaine, ce dernier pouvant tout aussi bien être Jacques que Guillaume Courtois, qui tous deux exécutèrent ce thème (« Tengo diversi conti con Lattanzio Zucconi che ha maneggiato le cose mie con infinita amorevolezza e mia obbigatione di doversi stare alla sua decisione et alla sua fede, essendo tale la mia volontà, che a lui lascio il quadro della Conversion di Paulo del Borgognon », A.S.V., Notarile Testamenti, b. 1167/250, notaio Alessandro Contarini. Publié dans L. Borean, 1997, p. 130).

1704, 10 février

De Rome, lettre de Sebastiano Resta à Francesco Gabburri, Florence. Sebastiano témoigne d’un voyage de Jacques Courtois à Milan et de son intérêt pour l’œuvre de Cornelis Van Poelenburgh, dont Courtois aurait cherché à acquérir un tableau, alors en possession du père de Sebastiano, Filippo Resta.

[…] Il signor Maffeo Capponi ogni cosa che fosse per comprare, mi mostrava, ma negli ultimi anni (ne’ quali gli venne a notizia monsù Giacomo) e che già era ammaestrato a comprare da se, non mi mostrava i suoi acquisti se non poche volte l’anno, perché io m’ero ritirato dalla pittura, astraendo da quella per far un concreto con l’astratto ; ed ho memoria che mi parlava di questo Monsù Giacomo. Parmi che facesse paesi con figure e pezzi di battaglie.[…] Mio padre [Filippo Resta] n’aveva uno in rame piccolo di Cornelio [Cornelis Van Poelenburgh], che quando passò da Milano il P. Gesuita Giacomo Cortese, voleva barattar con roba sua ad ogni partito, né mio padre volle dargli orecchio.[…] (G. Bottari, S. Ticozzi, 1822, II, p. 101-105).

1704, 27 février

De Rome, lettre de Sebastiano Resta à Francesco Gabburri. Sebastiano Resta relate le même épisode que précédemment, précisant que Courtois, n’était alors pas encore frère jésuite et qu’il souhaitait échanger le paysage de Poelenburgh contre une ou deux de ses batailles. Le père de Sebastiano, Filippo, qui peignait aussi des paysages ne voulut pas se séparer du tableau du peintre néerlandais.

[…] Pulemburgh, già ammaestrato ne’ paesi e nelle figurine ancora da Abram Blomart in Utrech, venne giovane in Italia, dove da’ suoi paesani ebbe il soprannome di Brusco, e da latri quello di Satiro (come usano questi Fiamminghi, che si denominano dai costumi tra di loro). In Roma s’affaticò a studiar l’opere di Raffaelle d’Urbino, e ne’ paesi studiò d’imitare il suo paesano Adamo Elzheimer e diventò eccellente : Tractus campestres elaboravit admiranda elegantia figuris venustissimis exornatos, dice nella sua Vita il Sandrart, e dice che lo fece dipingere per Rubens con gusto del medesimo Rubens, e che per la sua fama fu chiamato al servizio del re d’Inghilterra, onorato con isplendidissimo salario. Morì poi in patria stimatissimo per tutti que’ paesi. In Milano mio padre Filippo Resta n’aveva uno piccolo de’ suoi paesi, per cui monsù Giacomo Cortese, prima che fosse Gesuita, gli esibiva di fargli una o due battaglie di sua mano ; ma mio padre, che dipingeva anche lui di paesi, non volle privarsene.[…] (Lettre publiée par G. Bottari, S. Ticozzi, 1822, II, p. 106-109).

1704, 28 février

De Rome, lettre de Sebastiano Resta à Francesco Gabburri. Selon Resta, Jacques Courtois aurait peint avec Giacomo Adriano du Lis. L’auteur évoque aussi une collaboration entre les deux artistes, Courtois ayant exécuté les figures dans deux paysages du premier. C’est Giuseppe Pinacci, que Resta dit avoir été l’élève de Courtois, qui aurait reconnu les figures de son maître dans les tableaux de du Lis. Ce dernier, vraisemblablement un peintre

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Chronologie raisonnée

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nordique, n’est pas précisément identifié, mais nous avons de nouveau la mention de l’activité de figurista de Courtois.

Mi è successo di trovar questi due paesi, dell’autore che VS. Ill. cerca ; cioè di monsù Giacomo Adriano del Lis, il quale praticava col padre Giacomo Cortese Gesuita, e con Vandercabl, tutti due con cornice, per nove scudi moneta […].

Questi due di monsù Giacomo du Lis sono di tinte fiere. Gli tenga qualche giorno all’aria, che si rischiariranno un poco più. L’imprimiture di quel tempo avevano questo diletto di assorbire delle mezze tinte, ma tanto rivengono fuora all’aria ; se no, un poco d’olio dietro alla tela, o come stimerà meglio il maestro dell’arte signor Pinacci, il quale nelle figurine di questi due pezzetti riconoscerà lo stile del padre Giacomo suo maestro.[…] (Lettre publiée par G. Bottari, S. Ticozzi, 1822, II, p. 113-115).

1697-1708

Inventaire des tableaux du Palais Pitti. Y sont mentionnées la Conversion de saint Paul (cat. 148), la Bataille de cavalerie (R. 15) que nous croyons de Reschi, et la Bataille entre Turcs et chrétiens (cat. 51). Les deux Paysages (no 506) sont aujourd’hui inconnus.

239. Un quadro di Giacomo Cortesi detto il Borgognone, che rappresenta la caduta di S. Paolo, con varie figurine e cavalli tutto in piccolo, alto tre quarti, largo soldi dicianove con suo adornamento dorato.

240. Un quadro del medesimo autore entrovi una battaglia, figurine intere piccoline, alto due terzi, largo braccia uno e un terzo con suo adornamento dorato.

506. Due quadri compagni di Giacomo Cortesi detto il Borgognone, entrovi due paesini che in uno vi è un arco antico, dal quale si vedono in lontananza alcune figurine et alcune fabriche antiche. Ne l’innanzi vi sono due figure, che una in piedi e l’altra a sedere in terra, volti in schiena, che accenna verso quelli altri figurini. Vi sono due bovi et in lontananza un altro figurino con un asinello avanti et alcuni alberi, fra quali uno nell’inanzi su la mano dritta, nell’altro vi è un’architettura con colonne et un deposito antico, con bassi rilievi con due figurine che lo stanno osservando e nell’inanzi vi è un albero con due altre figure, che una a sedere appoggiata a un pezzo di colonna, che beve a fiasco e l’altra pure a sedere in terra in atto di spegnere il sudetto deposito, con alcune altre figurine e monti in lontananza, alti cinque ottavi, larghi mezzo braccio scarsi, con suoi adornamenti dorati e suoi cristalli davanti.

646. Un quadro del medesimo autore, entrovi una battaglia tra cristiani e turchi a cavallo, che confusi e rotti corrono in qua e in là battendosi. Le figure principali e nel davanti sono un turco vestito in turchino con turbante in capo su un cavallo baio stellato in fronte e balzano davanti, in atto di fuggire e di voltarsi a dietro, quale viene inseguito da un cristiano con armatura e morione su un cavallo sauro sfacciato e balzano davanti in atto di por mano alla spada. Per terra vi sono diversi morti, che i principali sono due turchi, che uno bocconi, vestito di rosso e l’altro con il corpo all’insù, vestito di turchino, con berretto rosso in capo. Vi sono diversi cavalli in terra, fra quali un morello et un leardo bardato di turchino con moltissima gente, che combatte, chi con sciabole, chi con spade e chi con pistole. Più su vi è la veduta di una città su un piano, nel quale vi è altra gente che combatte, vi è una batteria di cannoni che batte la città, con monti in lontananza, divisi in tutto il quadro in più degradazioni, alto braccia uno e soldi uno, lardo braccia uno, soldi cinque alto braccia uno e soldi uno, largo braccia uno, soldi cinque e 4, con suo adornamento dorato. (A.S.F., Guardaroba Medicea 1185, Inventario dei quadri del Reale Palazzo Pitti [1697-1708], f. 454-456. Source et transcription Memofonte).

1713-1714

Inventaire après décès des biens du prince Ferdinand de Médicis (1663-1713) au palais Pitti. Nous retrouvons la Conversion de saint Paul (cat. 148) et la Bataille entre Turcs et chrétiens

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Chronologie raisonnée

299

(cat. 51) présents dans l’inventaire précédent du Palais Pitti. Le troisième tableau de Courtois mentionné dans l’inventaire, un Paysage avec fabrique, n’est aujourd’hui plus connu.

(f. 6v.) Un simile alto br. 3/4 largo s. 19, dipintovi di mano di Jacopo Cortesi, detto il Borgognone la caduta di S. Paolo, con più figure, una delle quali con bandiera et un cavallo bianco, che fugge, con adornam:to intagliato e tutto dorato, segn:to N. 239 (f. 20r.) Un simile alto br. 1 s. 1, largo br. 1 s. 5, dipintovi di mano di Jacopo Cortesi detto il Borgognone, una battaglia fra Cristiani e Turchi, che in terra si vedono diversi turchi morti, con veduta di una città, che vi è una batteria di cannoni, e molta gente che si battono, con adornam:to sim:e al sudd:o, segn:to N. 646. (A.S.F., Guard. Med. 1222. M. Chiarini, 1975, 301, p. 65, 76).

(f. 44v.-45r.) Un simile in tela alto s. 13, largo br. ½, dipintovi di mano di Jacopo Cortesi detto il Borgognione, architettura di fabbrica antica, cioè colonne, et una base entrovi basso rilievo, con più figure in diverse attitudini, con paese in lontananza, con cristallo sopra, et adornam:to d’albero scorn:to liscio e tutto dorato N. 506. (A.S.F., Guard. Med. 1222. M. Chiarini, 1975, 303, p. 97).

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Index

300

Index volume 1

des noms de personnes et de lieux

A ACTON, Harold, 73 AGO, Renata, 167 ALBANI, Francesco, 41 ALBERNOZZI, Egidio, cardinal, 54 ALBRIZZI, Mario, cardinal, 219 ALEXANDRE VII, pape (Fabio Chigi), 94, 126,

136, 262 ALGARDI, Alessandro, 76 AMSTERDAM, Rijksmuseum, 146, 175 ANGELINI, Sandro, 43 ANNAERT, Philippe, 82 APELLE, 14, 233 ARASSE, Daniel, 169 ARIOSTO, Ludovico (l'Arioste), 165 ARISI, Raffaella, 165 ARONBERG LAVIN, Marilyn, 69, 153, 283,

284 ARRIGONI, Prospero, 277 ARRIGUCCI, Luigi, 76, 246, 247, 248 ASSELIJN, Jan, 42, 43, 45, 57, 143, 147, 148,

149, 172, 173, 174, 175, 183, 188, 196, 197, 243

AUBERT DE LA CHESNAYE DES BOIS, François-Alexandre, 38

B BAGLIONE, Giovanni, 76 BALDINUCCI, Filippo, 14, 15, 18, 19, 22, 29,

30, 33, 34, 36, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 48, 49, 50, 54, 55, 56, 58, 59, 60, 62, 65, 70, 71, 73, 74, 75, 78, 79, 87, 90, 92, 94, 95, 99, 102, 103, 104, 107, 108, 109, 113, 114, 115, 116, 117, 120, 121, 123, 131, 134, 142, 143, 147, 157, 162, 167, 173, 176, 178, 190, 210, 220, 221, 222, 223, 224, 231, 233, 243, 246, 251, 253, 259, 289

BANDINELLI, Volumnio, 101, 253 BARBARIGO, Gregorio, 89 BARBERINI, Antonio, cardinal, 121, 153, 154,

283 BARBERINI, Francesco junior, cardinal, 154 BARBERINI, Francesco, cardinal, 69, 70, 284 BARBERINI, Maffeo, 284 BARBIERI, Giovanni Francesco, dit Guercino

(le Guerchin), 228 BARBOLANI DI MONTAUTO, Novella, 165 BASCHENIS, Evaristo, 89, 90, 120, 123, 175,

261, 267, 268, 269, 270, 272, 275, 278, 293 BASSANI PACHT, Paola, 56 BEAL, Mary, 192, 218, 220, 221 BELLI BARSALI, Isa, 76 BÉNÉZIT, Emmanuel, 25, 39, 43, 53, 157

BENUCCI, Riccardo, 105 BERGEON, Ségolène, 220, 222 BERNARD, Yvelise, 184 BERNINI, Gian Lorenzo (Bernin), 5, 12, 68,

118, 126, 127, 130, 228, 283, 284, 285 BERRETTINI, Pietro, dit Pietro da Cortona

(Pierre de Cortone), 56, 57, 58, 59, 74, 102, 150, 151, 152, 162, 176, 211, 230, 243, 245

BERTOLOTTI, Antonio, 23, 47, 77, 224 BINION, Alice, 96 BISOGNI, Fabio, 78, 97 BITTERLI, Daniel, 84 BLAMPIGNON, Pierre, 34 BLAMPIGNON, Simon, 26, 27, 34, 39 BLANC, Charles, 15, 140, 158, 232, 234 BLONDEAU, Georges, 14, 235 BODART, Didier, 74, 145 BOISCLAIR, Nicole, 277 BONATI, Giovanni, 86 BONNEFOY, Yves, 50 BORDET, Gaston, 138 BOREAN, Linda, 48, 91, 208, 297 BORROMÉE, Charles, cardinal, 83, 87, 208,

250 BOTH, Jan, 146, 147, 148 BOTTARI, Giovanni Gaetano, 87, 148, 157,

226, 297, 298 BOUHELIER, Richard, 82 BOUSQUET, Jacques, 16, 34, 47, 50 BREDEKAMP, Horst, 68, 69, 70, 249 BREENBERGH, Bartholomeus, 147 BREJON DE LAVERGNÉE, Arnaud, 64, 122,

273 BRIENNE, Henri-Auguste de Loménie, comte

de, 158 BRIGANTI, Giuliano, 174 BRIL, Paul, 147 BRILLI, Attilio, 38 BRUNACCI, Domenico, 274 BRUNE, Paul, 23, 25, 38, 39, 242 BUESSARD, Jeanne, 27 BUONARROTI, Michelangelo, il Giovane, 69,

70 BURKE, Marcus B., 62, 287

C CALLOT, Jacques, 19, 59, 74, 132, 171, 172,

178, 181 CARANDINI, Camillo, 63 CARPEGNA, Francesco Maria, 53, 60, 63 CARPEGNA, Ulderico, cardinal, 121, 122 CARRACHE, Annibal, 148 CARRACHE, Ludovic, 45, 216, 223 CARRARA, Aurelio, 277 CASTAN, Auguste, 22, 37, 51 CASTELLA, Gaston, 29, 85

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Index

301

CERQUOZZI, Michelangelo, 58, 59, 63, 64, 156, 162, 167, 173, 174, 219, 243, 244

CESARI, Giuseppe (dit le Cavalier d'Arpin), 166

CESATI, Franco, 74 CHAPUIS, Nicolas, 52, 225, 245 CHARLES QUINT, 132 CHASTEL, André, 166 CHELAZI DINI, Giuletta, 43 CHÉNIER, Philippe, 25, 31, 32, 81, 242, 294 CHERRY, Peter, 62, 287 CHIARINI, Marco, 20, 39, 79, 95, 165, 166,

168, 299 CHIGI, Agostino, prince, 296 CHIGI, Flavio, cardinal, 94, 120, 122, 262,

273, 295 CHONÉ, Paulette, 59, 171 CIAMPOLINI, Marco, 97 CODAZZI, Viviano, 93, 156, 162 COLONNA, Lorenzo Onofrio, 61, 258 COLONNA, Marcantonio V, 61 CONSIGLI VALENTE, Patrizia, 165 CONTARINI, Alessandro, 297 CORVISIER, André, 180, 182 COSME II, grand-duc de Toscane, 74 COSME III, grand-duc de Toscane, 108, 121 COULOIS, Jeanne, 242 COURBET, Gustave, 130 COURTOIS, Anne, 25, 26, 32, 80, 81, 82, 83,

132, 250, 254, 295 COURTOIS, Christophe, 31, 242 COURTOIS, Claude, 26 COURTOIS, Guillaume, 12, 23, 25, 26, 30, 31,

32, 33, 36, 37, 48, 56, 57, 83, 85, 86, 91, 105, 115, 124, 156, 176, 177, 208, 213, 224, 242, 255, 257, 273, 279, 297

COURTOIS, Henriette, 26 COURTOIS, Jean, 25, 26, 29, 31, 45, 46, 71,

81, 132, 242, 294 COURTOIS, Jean-Baptiste, 31, 32, 242 COURTOIS, Jean-François (frère Antoine,

capucin), 30, 32, 33, 80, 82, 83, 85, 86, 132, 211, 250, 294

COURTOIS, Jeanne, 26, 80, 81, 82, 83, 132, 250, 294

COURTOIS, Louis, 25, 26, 27, 30 COURTOIS, Thienette, 26 COXE, Peter, 160 CROLOT, Pierre, 29, 85 CURTY, Edme, 85

D DA VEZZO, Virginia, 66 DA VINCI, Leonardo, 166, 169, 170, 172 DAMEY, Claude, 134 DANDINI, Pier, 79 DE DOMINICI, Bernardo, 175 DE ROSSI, Mattia, 107, 117, 126, 127, 284,

285, 289 DE SARNO PRIGNANO, Daniele, 165 DE VECCHI, Carlo Giacomo, 88, 89, 120, 122,

205, 251, 265 DE VECCHI, Lodovico, 254 DEBAISIEUX, Françoise, 14, 164 DEL LIS, Giacomo Adriano, 156, 157 DELAPLANCHE, Jérôme, 142, 165, 224

DELLA BELLA, Stefano, 74 DELLA FRANCESCA, Piero, 165, 182 DELLA RAGIONE, Achille, 165 DELSALLE, Paul, 21, 22, 35 DELUMEAU, Jean, 102 DENGEL, Philipp, 93, 249 DESIDERII, Gian Domenico, 159 DEZALLIER D'ARGENVILLE, Antoine Joseph,

15, 18, 33, 40, 44, 195, 196, 224, 225, 234 DI DEDDA, Maria Teresa, 59, 60, 245 DOLCI, Carlo, 228 DOMPNIER, Bernard, 18, 137 DUCHET-SUCHAUX, Gaston, 126 DUGHET, Gaspard, 12, 63, 142, 156, 163,

216, 277 DUPIN, Pierre et Paul, 55

E ENGGASS, Catherine et Robert, 12, 233 EYNARD, Jacques, 160

F FABRE, Pierre-Antoine, 115 FACHINETTI, Gio Battista, 288 FAGIOLO DELL'ARCO, Maurizio, 56 FALCONE, Aniello, 119, 120, 122, 167, 175,

176, 230, 268, 269, 271, 273 FARNESE, Alessandro, 173, 244 FARNESE, Ranuccio, 213 FEBVRE, Lucien, 28 FÉLIBIEN, André, 65, 143, 163, 233, 245 FERDINAND CHARLES, Archiduc d'Autriche,

128 FERDINAND II, empereur, 74 FERDINAND II, grand-duc de Toscane, 60,

73, 246, 266 FERRARI, Gian Battista, 66 FERRI, Ciro, 277 FERRY, Marcel, 133 FIÉTIER, Roland, 22 FILOMARINO, Ascanio, cardinal, 61, 64 FLEURY, C., abbé, 84 FLORENCE

Collection Lovatelli, 197 Galleria Corsi, 73 Palais Pitti, 185, 186 Palazzo Vecchio, 169

FOISSEY, Colette, 178 FRAICHOT, Claude, 29, 85, 86 FRAICHOT, François, 86 FRIBOURG, Maison des Ursulines, 81 FUMAGALLI, Angelo, 54

G GABBURRI, Francesco, 87, 148, 156, 157,

297 GALILEI, Galileo (Galilée), 69, 70, 71 GALILEI, Maria Celeste, 69 GALLOTTINI, Angela, 67 GARGIULIO, Domenico, 156 GARMS, Jorg, 219, 276 GAULLI, Giovanni Battista, dit il Baciccia ou

Baciccio, 124, 125 GAUTHIER, Jules, 22, 23, 25, 31, 85, 242

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Index

302

GERINI, Carlo, 59, 60, 245 GERINI, Pier Antonio, 222, 258 GIGLI, Giacinto, 78 GIMIGNANI, Ludovico, 86 GIRARDOT DE NOZEROY, Jean, 51 GIUSTINIANI, Vincenzo, 66, 67 GOLZIO, Vincenzo, 120, 122, 273 GOZZANO, Natalia, 61 GRAF, Dieter, 57 GREGORI, Mina, 39 GRIMALDI, Giovanni Francesco, 174 GROPPI, Luigi, 122 GUILLERMOU, Alain, 103, 112

H HAIRS, Marie-Louise, 110, 127 HASKELL, Francis, 21, 49, 63, 64, 98, 112,

116, 126, 173, 174, 213, 219, 285 HENRYOT, Jean, 31 HENRYOT, Jean-Baptiste, 31 HICKMAN, John, 160 HOLT, Edward, 13, 14, 15, 41, 142, 148, 165,

172, 200, 232, 237

I INNOCENT X, pape (Giovanni Battista

Pamphilj), 36, 53, 64, 91, 126, 245

J JOUFFROY, Christian, 26, 27, 31, 34, 35, 37,

39, 40 JULIA, Dominique, 136

L LA BAUME, Claude de, 28 LA BORDE, Jean de, 283 LA MONTAGNE, Renaud de, 42 LA SEIGNE, Georges, 85 LAMA, Agostino, 91, 92, 156, 296 LANZI, Luigi, 14, 15, 21, 43, 232, 234 LATTRE, Pierre de, 225 LAUREATI, Laura, 58, 173, 174 LAURI, Filippo, 157 LAURI, Francesco, 157 LAURI, Gregorio, 33 LAW, John, 150 LECKERBETIEN, Vincent, 173, 174 LÉVESQUE, Pierre-Charles, 15, 189, 197, 234 LO BIANCO, Anna, 106, 117, 289 LOCATELLI, Giuseppe, 18, 19, 43, 86, 88, 89,

100, 104, 105, 106, 107, 113, 116, 118, 119, 122, 123, 135, 137, 144, 151, 168, 175, 199, 201, 209, 218, 220, 221, 223, 225, 255, 259, 260, 261, 262, 263, 264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 273, 274, 275, 276, 277, 278, 279, 281, 282, 283, 286, 287, 288

LOCATELLI, Pasino, 88, 89, 249, 278 LONDRES

British Museum, 209 National Gallery, 161

LORIZZO, Loredana, 62, 64

LORRAIN, Claude, 102, 142, 144, 153, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 172, 199

LOUIS XIV, 273 LOUIS, Gérard, 35, 36, 37 LOYOLA, Ignace de, 103, 112, 115 LUINI, Bernardino, 273

M MACIOCE, Stefania, 36 MADERNO, Carlo, 76 MAGNIN, Jeanne, 154, 155, 158, 159 MAIRONI DA PONTE, Giovanni, 88 MÂLE, Emile, 18, 100, 130, 228, 229 MARATTA, Carlo, 53, 245 MARCHAL, Corinne, 133 MARCHANT, Jean, 27, 39 MARIE-ANNE d’Autriche, 25 MARIE-MADELEINE d'Autriche, 74 MARIETTE, Pierre Jean, 65, 70 MARINI, Antonio, 203 MARRA, Susanna, 153, 154 MARTIN, Elisabeth, 220, 222 MARTSZEN II, Jan, 173, 183 MATTIA/MATTIAS, fra (Mattias della Vinna),

96, 97, 225, 226, 247, 255 MAZZA, Cristiana, 91, 92, 156, 296 MÉDICIS, Charles de, cardinal, 121 MÉDICIS, Ferdinand de, prince, 298 MÉDICIS, François Marie de, 79 MÉDICIS, Jean Charles de, cardinal, 96, 246,

266 MÉDICIS, Léopold de, cardinal, 101, 108, 253,

254 MÉDICIS, Mattias de, prince, 60, 72, 73, 74,

75, 76, 77, 78, 79, 94, 95, 96, 97, 98, 131, 177, 182, 195, 204, 205, 246, 247, 248, 251, 255

MEHUS, Livio, 39, 74, 98 MELLAN, Claude, 66, 67, 249 MERISI, Michelangelo (dit le Caravage), 215 MÉROT, Alain, 148, 151 MERZ, Jörg Martin, 68 MICHEL, Christian, 207 MICHEL, Geneviève, 48 MICHEL, Olivier, 47, 48, 53, 57 MICHEL, Patrick, 174 MICHEL-ANGE (Michelangelo Buonarroti),

166 MIEL, Jan, 63, 156, 157, 158 MIGNARD, Pierre, 283 MILAN, Pinacothèque Ambrosienne, 54 MISSIRINI, Melchior, 66 MOMPER, Jan de, 153 MONANNI, Monanno, 60, 245 MONNIER, Désiré, 37 MONTAGNA, Monsù, 42, 43, 45, 89, 90, 143,

172, 243, 259 MONTI, Francesco (dit il Brescianino), 96,

165, 203 MOREAU, Henri, 51 MORELLI, Domenico, 119, 273, 275, 287, 288 MUTI, Laura, 165

N NARDELLA, Lia, 13

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Index

303

NICKEL, Goswin, 111, 112, 113, 114, 126, 259, 274

NORIS, Fernando, 88, 89

O OLIVA, Gian Paolo, 106, 107, 108, 111, 112,

113, 116, 119, 125, 126, 128, 134, 138, 210, 213, 259, 268, 273, 274, 287, 289

ORLANDI, Pellegrino Antonio, 15, 18, 77, 109, 226, 231, 233

OSTROW, Steven S., 114 OTTOLINI, Paolo, 106, 268

P PAGANI, Paolo, 103, 281 PAGNONI, Luigi, 88 PALAMEDESZ I, Palamedes, 173, 183 PAMPHILJ, Camillo, cardinal, 53, 219, 276 PARIGI, Giulio, 74 PARIS

Bibliothèque nationale de France, Cabinet des estampes, 66

Musée du Louvre, 159 PARKER, Geoffrey, 38, 39, 179, 181 PARROCEL, Joseph, 165, 224 PASCOLI, Lione, 12, 14, 18, 19, 22, 23, 24,

30, 33, 36, 40, 43, 45, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 70, 78, 79, 87, 95, 104, 109, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 119, 120, 121, 147, 164, 167, 168, 173, 204, 206, 224, 231, 232, 233, 242, 244, 245, 253

PASTOUREAU, Michel, 126 PATRIGNANI, Giuseppe, 12 PECCHIAI, Pio, 213 PERICCIOLI, Giuliano, 74, 255 PETRAZZI, Astolfo, 43, 74, 143, 243 PETRUCCI, Francesco, 296 PFULG, Gérard, 86 PHILIPPE II, roi d'Espagne, 28, 29, 132 PHILIPPE IV, roi d'Espagne, 25 PICHOT, Claude, 29, 85 PINACCI, Giuseppe, 157, 226, 237, 297, 298 PIO, Nicolà, 12, 18, 22, 23, 24, 30, 164, 167,

216, 233 PLATTEMONTAGNE, Matthieu de, 43, 90 POCETTI, Bernardino, 166 PORTAGO, Joseph Gomez de Teran, marquis

de, 62 POUSSIN, Nicolas, 64, 102, 144, 151, 157,

158, 163, 220 POUX, Claude, 30 POUX, Guillaume, 30 POZZO, Andrea, 13, 100, 103, 104, 115, 117,

118, 124, 125 PRATO, Palazzo degli Alberti, 226 PRETI, Mattia, 228 PRIMATICCIO, Francesco (dit le Primatice),

26 PRINZIVALLI, Virginio, 75, 246 PRONI, Maria Silvia, 165 PROSPERI VALENTI RODINÒ, Simonetta,

45, 95, 142, 165, 211, 213, 232, 237, 251 PROVIDENCE, Rhode Island School of

Design, 215

R RANCATI, Ilario, abbé, 49, 54, 55, 56, 59, 64,

87, 162, 205, 208, 243 RAPHAËL, Raffaello Sanzio dit, 12, 164, 216 REDER,Christian (dit Monsù Leandro), 178,

197, 203 RENI, Guido, 41, 42, 44, 46, 143, 211, 243 RENZI, Felice, 86 RESCHI, Pandolfo, 165, 178, 197, 203, 222,

227, 258, 298 RESTA, Filippo, 87, 297 RESTA, Sebastiano, 87, 126, 127, 128, 148,

156, 157, 226, 297 REY, Maurice, 28, 29 REYFF, François, 86 REYFF, Jean-Jacques, 86 RICCARDI, Gabriello, 75, 76, 77, 94, 246, 247,

248 RIDOLFI, Ferdinando, 60, 61, 219, 245 ROBERT-DUMESNIL, Alexandre, 30, 31 ROBUSTI, Iacopo, dit il Tintoretto (le Tintoret),

182 ROCHE, Daniel, 187 RODINSON, Maxime, 184 ROETTGEN, Steffi, 56 ROMANO, Giulio, 59, 166, 167, 168, 176, 182 ROME

Eglise Saint-Marc, 91 Monastère de Sainte-Croix-de-Jérusalem,

55 Palais des Conservateurs, 57 Pinacothèque Capitoline, 152

ROSA, Salvator, 60, 63, 122, 142, 150, 151, 162, 167, 175, 176, 185, 186, 223, 230, 238, 273

RÖTHLISBERGER, Marcel, 157, 158, 159, 161

RUBENS, Pierre-Paul, 130, 148, 228 RUDOLPH, Stella, 20, 73, 74, 79, 98 RUSSO, Laura, 36, 83, 86 RYE, Ferdinand de, archevêque, 29, 84, 132

S SACCHETTI, Giovanni Battista, 61, 293 SACCHETTI, Giulio, cardinal, 61 SACCHETTI, Marcello, 61 SACCHETTI, Matteo, marquis, 293 SACCOVANO, Anibale, 52 SACRIPANTI, Giacinto, 145 SAFARIK, Eduard, 61 SAGREDO, Nicolò, 44, 48, 87, 89, 90, 91, 92,

93, 94, 98, 121, 123, 129, 136, 156, 204, 205, 208, 209, 249, 251, 262, 296

SALE, Giovanni, 103, 125 SALERNO, Luigi, 50, 276, 296 SALVAGNINI, Francesco Alberto, 12, 14, 15,

18, 19, 24, 25, 30, 31, 32, 33, 36, 41, 42, 43, 47, 56, 70, 75, 76, 77, 78, 80, 81, 88, 93, 94, 102, 103, 104, 105, 107, 109, 131, 134, 142, 144, 205, 211, 212, 218, 229, 232, 236, 246, 247, 248, 250, 251, 262, 263, 267, 280, 281, 290, 292

SANDRART, Joachim von, 56, 144 SANI, Bernardina, 43 SANTI, Girolamo, 98

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Index

304

SANZIO, Raffaello (dit Raphaël), 122, 285 SAXL, Fritz, 167, 177 SCHLEIER, Erich, 255 SCHNAPPER, Antoine, 13, 14, 164 SEGHERS, Daniel, 13, 100, 103, 110, 125,

126, 127, 128, 129 SESTIERI, Giancarlo, 15, 142, 165, 237 SFORZA, Federico, cardinal, 33 SIEFERT, Helge, 128 SIMONELLI, Nicolo, 119 SIMONOT, François, 48 SOLLAZZI, Macario, 114, 255 SOLNON, Jean-François, 22, 34, 187 SPEAR, Richard E., 102 SPEZZAFERRO, Luigi, 167, 174 STANGHELLINO, Domenico, 257 STEINAUER, Jean, 84 STELAND-STIEF, Anne Charlotte, 42, 58, 147 STRADA, Famiano, 173, 244 STRUB, Marcel, 80, 82, 85 SUBTIL, Pierre, 26

T TACCHI VENTURI, Pietro, 104, 109, 111, 252,

253, 274, 281 TARUGI, Giulio, 108 TASSI, Francesco Maria, 89 TASSO, Torquato (dit le Tasse), 165 TAVENEAUX, René, 19, 132 TEMPESTA, Antonio, 166, 171, 172, 181, 195 THIÉBAUD, Jean-Marie, 24, 25, 26, 30, 31, 36 THUILLIER, Jacques, 16, 222 TIBERIA, Vitaliano, 33, 216 TICOZZI, Stefano, 87, 148, 157, 226, 297, 298 TINTORET, Iacopo Robusti, dit le, 170, 171,

190 TITIEN, Tiziano Vecellio, dit le, 69, 168, 199,

254, 273, 279 TONINI, Giuseppe, 226 TRISTANO, Giovanni, 103 TRONCHIN, François, 160

U UCCELLO, Paolo, 165 UGENA, Isabel Maria de la Cruz Ahedo,

marquise de, 62 URBAIN VII, pape (Giovan Battista Castagna),

107 URBAIN VIII, pape (Maffeo Barberini), 49, 51,

64, 69, 76, 79

V VAIANI, Alessandro, 65, 68, 71, 244

VAIANI, Anna Maria, 52, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 76, 77, 78, 244, 245, 246, 247, 248, 249

VAIANI, Sébastien, 65 VAN DER CABEL, Adriaen, 157 VAN DYCK, Antoon, 279 VAN LAER, Pieter, dit Bamboccio ou

Bamboche, 42, 56, 57, 58, 59, 144, 147, 157, 167, 173, 174, 219, 243

VAN POELENBURGH, Cornelis, 87, 148, 157, 297

VAN SWANEVELT, Herman, 147, 148 VANGHETTI, Alberto, 43, 65, 86, 88, 89, 90,

100, 104, 105, 106, 107, 113, 115, 118, 119, 120, 122, 123, 125, 129, 135, 137, 144, 175, 201, 218, 219, 221, 223, 224, 254, 257, 258, 259, 260, 261, 262, 263, 264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272, 273, 274, 275, 276, 277, 278, 279, 281, 282, 286, 287, 288

VANGHETTI, Tommaso, 90 VANNI, Domenico, 252, 274 VANNI, Giovanni Battista, 255 VASARI, Giorgio, 169, 172, 181, 182, 190 VATICAN, Chambres de Raphaël, 168 VELÁZQUEZ, Diego, 41 VENISE, Palais des Doges, 171 VERONESE, Paolo, 92, 168, 199, 279 VERSAILLES, Musée national du Château,

177 VIENNE, Académie des Beaux-Arts, 149, 197 VILLIGER, Verena, 84 VOGLER, Bernard, 87 VOUET, Simon, 66

W WAGNER, Eduard, 182 WALDBURG-ZEIL-WURZACH, Joseph Franz

Anton von, 160 WALLENSTEIN, Albrecht Wenzel Eusebius

von, 74 WALPOLE, Robert, 150 WARWICK, Genevieve, 128 WATELET, Claude-Henri, 15, 189, 197, 234 WATTEVILLE, Charles de, 38, 40, 61, 86, 143,

243 WATTEVILLE, Gérard de, 38 WATTEVILLE, Jean de, 38 WATTEVILLE, Jean de, évêque de Lausanne,

38, 55, 86, 87

Z ZACCHIA, Laurentio, 169, 170 ZANARDI, Margherita, 88, 89 ZUCCARI, Alessandro, 36 ZUCCHI, Niccolo, 134