Jean de La Croix La Nuit Obscure

7/29/2019 Jean de La Croix La Nuit Obscure

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Saint Jean de la CroixLa Nuit obscure

traduction par l'abb Jean Maillart, jsuite.

premire dition numrique par abbaye-saint-benoit.ch

deuxime dition numrique par jesusmarie.com

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ARGUMENT

LIVRE PREMIER

PREMIER CANTIQUE

CHAPITRE PREMIER On propose le premier vers, et on parle dimperfections de ceux qui commencent.

CHAPITRE II De quelques imperfections spirituelles o

commenants tombent l'gard de l'orgueil.

CHAPITRE III Des imperfections communes aux commerantsl'gard du second pch capital, savoir l'avarice prise dans un sespirituel.

CHAPITRE IV Des autres imperfections auxquelles les commenan

sont sujets, et qui naissent de la luxure spirituelle.CHAPITRE V Des dfauts o le vice de la colre prcipite ceux qcommencent.

CHAPITRE VI Des imperfections dont la gourmandise spirituelle estsource.

CHAPITRE VII Des imperfections qui procdent de l'envie et de paresse spirituelles.

CHAPITRE VIII On explique le premier vers du premier cantique, et commence donner de l'claircissement la nuit obscure.

CHAPITRE IX Les marques par lesquelles on peut connatre qu'u


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CHAPITRE X De la manire de se comporter en cette nuit obscure.

CHAPITRE XI On donne le sens de trois vers du premier cantique.

CHAPITRE XII Des biens que la nuit du sens apporte lme.

CHAPITRE XIII Des autres biens dont la nuit du sens est la cause.

CHAPITRE XIV On donne l'claircissement du dernier vers du premcantique.

ARGUMENT

On met d'abord en ce livre tous les cantiques qufaut expliquer, et on donne ensuite l'explication de chcun d'eux en particulier, avec l'claircissement dchaque vers qui parat la tte des chapitres.

Dans les deux premiers cantiques on explique les effe

de la purgation de la partie sensitive et de la partie rasonnable de l'homme; et dans les six derniers on dclales effets divers et surprenants des lumires spirituellque l'union de l'amour avec Dieu rpand dans l'me.


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I

En una nocheoscura,

Con ansiosos amoresinflamada,

O dichosa ventura

Sali sin ser notada,

Estando ya mi casasosegada.

I

Pendant une nuitobscure, enflammed'un amour inquiet, l'heureuse fortune! je

suis sortie sans treaperue, lorsque mamaison tait tran-quille.

II

A oscura, y segura

Por la secreta escaladisfrazada,

0 dichosa ventura !

II

tant assure et d-guise, je suis sortiepar un degr secret, lheureuse fortune !et tant bien cache


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A oscura y enzelada,

Estando ya mi casasosegada.

dans les tnbres,lorsque ma maisontait tranquille.

III

En la noche dichosa,

En secreto que nadieme veia,

Ni yo mirava cosa,Sin otra luz ni guia,

Sino la que en elcoraon ardia.

III

Pendant cette heu-reuse nuit, je suis sor-tie en ce lieu secret,o personne ne me

voyait, et o je nevoyais rien, sansautre guide et sansautre lumire quecelle qui luisait dans

mon cur.


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IV

Aquesta me guiava

Mas certo que laluzde medio dia,

Adonde meesperava

Quien yo bien me

sabia,

En parte, dondenadie parecia.

IV

Elle me conduisaitplus srement que lalumire du midi aulieu o celui qui meconnat trs-bienmattendait, et opersonne ne parais-sait.

V

O noche que guiaste,O noche amable masque et alborada,

O noche que juntaste

V

O nuit qui m'asconduite ! nuit plusaimable que l'aurore ! nuit qui as uni lebien-aim avec labien-aime, en trans-


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Amado con amada,

Amada en et amadotransformada.

formant l'amante enson bien-aim !

VI

En mi pecho florido,

Que entero para lsolo se guardava,

Alli quedo dormido ;Y yo le regalava,

Y et ventalle de ce-dros ayre dava.

VI

Il dort tranquilledans mon sein qui estplein du fleurs, etque je garde tout en-

tier pour lui seul : jele chris et le rafra-chis avec un ventailde cdre.

VII

VII


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El ayre del amena

Quando ya suscabellos esparcia,

Con su mano sciena

En mi cuello heria,

Y todos mis sentidossuspendia.

Lorsque le vent del'aurore faisait voler

ses cheveux, il m'afrapp le cou avec samain douce et pai-sible, et il a suspendutous mes sens.

VIII

Quedme yolvidme,

El rostro reclinsobre et amado :

Ces lodo y dexme,

Dexando mi

VIII

En me dlaissant eten m'oubliant moi-

mme, j'ai penchmon visage sur monbien-aim. Touteschoses tant perduespour moi, je me suisquitte et abandon-


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cuidado,

Entre las azuzenasolvidado.

ne moi-mme, enme dlivrant de toutsoin, entre les lis

blancs.

LIVRE PREMIER

Ou l'on traite de la nuit des sen

PREMIER CANTIQUE

Pendant une nuit obscur

Enflamme d'un amour inquie

O l'heureuse fortun

Je suis sortie sans tre aperu

Lorsque ma maison tait tranquill

L'me dit, en ce cantique, de quelle manire elle e


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sortie, tant d'elle-mme que de toutes les choses cresavoir : en exerant sur elle-mme une rigoureuse morfication qui la fait mourir soi-mme et aux crature

qui la fait vivre l'amour divin et a Dieu, et qui la remplit de dlices clestes.

Elle ajoute qu'elle a fait cette sortie pendant une nuobscure, entendant par l une espce de contemplatioqu'elle appelle purgation, parce qu'elle produit en l'm

le renoncement d'elle-mme et des choses passagreElle assure qu'elle n'a pu sortir de la sorte que par force et l'ardeur que l'amour de son poux lui a commniques dans cette obscure contemplation. Et c'est iqu'elle exagre les avantages de son sort, qui sont grands, qu'elle est alle heureusement Dieu pendancette nuit, sans que le monde, la chair et le dmon, sennemis, aient pu l'empcher d'atteindre son termparce que la nuit de cette contemplation, c'est--dire mortification qu'elle a pratique en contemplant lchoses divines, a touff toutes ses passions et tous leu

mouvements.

CHAPITRE PREMIER


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On propose le premier vers, et on parle des imperfections deceux qui commencent.


On appelle commenants tous ceux qui se serveencore de la Mditation dans la vie spirituelle. Dieu l

fait passer l'tat de ceux qui profitent en la vie intrieure, lorsqu'il les lve la contemplation; et il leconduit au rang des contemplatifs, afin quils paviennent ensuite l'tat des parfaits, c'est--dire de ceuqui ont acquis l'union divine. C'est pourquoi, pour bie

connatre ce que c'est que la nuit par laquelle l'me dopasser, et pour savoir quelles raison oblige Dieu lfaire passer, il est ncessaire de remarquer daborQuelques-unes des qualits qui sont propres aux commenants, afin qu'ils conoivent mieux l'imperfection dleur tat, et qu'en relevant leur courage abattu, ils so

haitent que Dieu les mette en cette nuit o les mes oncoutume de fortifier leurs vertus et de coter les doceurs inestimables de l'amour divin.

Aprs donc que l'me s'est dtermine embrassle service divin, Dieu la nourrit spirituellement avec a


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tant de douceurs et de caresses que la mre la plus pasionne nourrit son enfant telle mre l'chauff dans sosein ; elle lui donne le lait le plus doux et la nourriture

plus dlicate qu'elle peut avoir ; elle le porte entre sebras, elle le flatte, elle le rjouit de toutes les manirpossibles. Mais, proportion qu'il crot, elle diminue scaresses ; elle se couvre le sein ou elle le frotte d'aloafin que l'amertume en dgote; elle le fait marcher lumme, afin que, quittant les faiblesses des petits enfant

il s'accoutume aux choses plus grandes et plus solideDieu fait de semblables traitements l'me dans ses prmires ferveurs : il lui fait goter, dans les exercices dla vie intrieure, un lait spirituel doux et savoureux, des consolations sensibles. Ainsi l'me sent un plais

dlicieux mettre beaucoup de temps en oraison, mme y passer les nuits entires ; faire de grandepnitences et des jenes trs-rigoureux; frquenter lsacrements ; parler de Dieu et de tout ce qui concernle culte divin et l'excellence des vertus.

Mais, quoique les hommes spirituels s'appliquenttoutes ces choses avec force et avec soin, toutefois opeut dire si lon comprend bien la nature de la spiritulit, qu'ils s'y conduisent dordinaire avec faiblesse avec imperfection. Comme ils ne se portent ces saint

occupations que par la douceur qu'ils y trouvent


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comme ils n'acquirent pas l'habitude des vertus plpreuve des combats qu'il faut soutenir en cet tat, isont sujets plusieurs dfauts qui se glissent dans la d

votion, puisque chacun opre selon l'habitude qu'il s'eforme de la perfection. De sorte que, nayant pas ecore pu s'affermir dans les vertus les plus acheves, est ncessaire qu'ils agissent avec faiblesse comme lenfants.

Afin de voir clairement combien les commenansont faibles dans les vertus qu'ils exercent, attirs par ldouceurs intrieures, je mettrai devant les yeux les imperfections qu'ils commettent par rapport aux sept pchs capitaux, ce qui prouvera qu'ils imitent en leuoprations l'imbcillit des enfants. Il paratra auscombien la nuit obscure, dont nous parlerons inconnent, attire de biens ai les elle, puisqu'elle purge l'mde ces manquements.

CHAPITRE II

De quelques imperfections spirituelles o les commenantombent l'gard de l'orgueil.


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Quoique les choses saintes et divines nous inspired'elles-mmes l'humilit, les commenants nanmoinreoivent, par leur faute, les impressions de je ne sa

quel orgueil secret, parce qu'ils font rflexion sur leuardeur et sur leur diligence dans les exercices de pitIls conoivent de la joie et de la complaisance d'eummes et de leurs actions, et ils ont un grand penchan parler des choses spirituelles dans les conversations, mme les enseigner plutt qu' les apprendre. I

jugent des autres, et ils les condamnent en leur cur dce qu'ils n'embrassent pas la dvotion de la mme mnire qu'eux, et quelquefois ils en disent leurs sentments, semblables en cela au pharisien, qui louait Diequi se vantait de ses uvres, et qui mprisait le pub

cain (Luc. XVIII, 11). Le malin esprit les anime souventla ferveur, la vertu, aux bonnes actions, afin qu'ils edeviennent plus orgueilleux et plus prsomptueux, schant bien que ces choses, au lieu de leur profiter, leunuiront, tant, comme elles sont, vicieuses et criminelleQuelques-uns mme d'entre eux sont assez vains poudsirer qu'il ne paraisse qu'eux seuls de gens de bieC'est pourquoi, lorsque l'occasion s'en prsente, ils improuvent les autres, et de fait et de paroles, et ils fltrissent autant qu'ils peuvent leur rputation: Ils voiecomme parle Jsus-Christ, une paille dans l'il de leu


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frre, et ils ne voient pas une poutre dans leur il. Ils coulenle moucheron qu'ils aperoivent dans les breuvages dautres, et ils avalent le chameau dans leur propre nourritu(Matth., VII, 3 XXIII, 21).

Ils souhaitent si ardemment que leurs matres spirtuels, tels que sont leurs confesseurs et leurs suprieurestiment et approuvent leur esprit et leur manire dvivre, que, lorsque ces directeurs n'ont pas pour eu

cette condescendance, ils se persuadent que ces gens-ne comprennent pas leur intrieur, ou qu'ils n'entendepas la spiritualit. De sorte qu'ils cherchent aussitquelque homme qui soit de leur sentiment, et qui ipuissent dcouvrir le fond de leur me : car ils ont beacoup d'empressement pour trouver des personnes q

fassent tat de leurs vertus, et qui leur donnent lelouanges qu'ils dsirent. Au contraire, ils abhorrecomme la mort, et quelquefois ils hassent tous ceux qsemblent n'en faire nulle estime afin de les remettre ebon chemin par ce mpris apparent. Pleins de la pr

somption d'eux-mmes, ils se proposent plusieurs deseins, mais ils ne les accomplissent jamais.

Ils ont souvent une extrme passion de se faiconnatre aux autres; et, pour cette cause, ils font dmouvements de tte, des gestes et des regards dvot


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de frquents soupirs, d'autres actions extrieures, poufaire entrevoir leurs perfections intrieures. Ils sont ausi trs-aises de tomber en extase devant le monde plut

qu'en secret, et de dcouvrir leurs ravissements auautres, quoique le prince des tnbres en soit ordinairment l'auteur. La plupart s'efforcent encore de s'attirl'amiti et la familiarit de leurs confesseurs, quoiquces liaisons de cur et de conversation leur soient unsource d'envie et d'inquitude. Ils ont honte de dclar

nettement leurs pchs leurs confesseurs, de peur ddiminuer la bonne opinion qu'ils leur ont donne dleurs vertus. C'est pourquoi ils couvrent leurs fautes ddivers prtextes, afin de ne paratre pas si mchanqu'ils sont ; en quoi sans doute ils se trompent, puisqu

c'est plutt s'excuser que s'accuser. D'autres fois ils confessent un autre, afin que leur confesseur ordinairignorant tout le mal qu'ils font, les estime trs-vertueuC'est dans le mme esprit qu'ils racontent volontieleurs bonnes uvres, et qu'ils les exagrent toujourafin qu'on les estime plus grandes et plus parfaitequ'elles ne sont. Cependant la vritable humilit devrales incliner les diminuer, et ne rien dire qui pt leuattirer l'approbation du monde.

Il y en a qui ne se mettent point en peine de leu

fautes; d'autres, au contraire, s'affectent extrmement d


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leurs chutes, les supportent avec impatience, et fchent contre eux-mmes, s'imaginant qu'ils devraietre dj de grands saints. Tout cela marque une impe

fection considrable. Ils prient souvent Dieu avec ardeude les dlivrer de leurs dfauts, non pas tant pour luprocurer de la gloire que pour s'affranchir eux-mmdu chagrin qu'ils en reoivent. Mais ils ne prennent pgarde que, si Dieu coutait leurs vux, ils en seraienpeut-tre plus orgueilleux. Ils ne louent les autres qu

regret, quoiqu'ils souhaitent d'tre lous eux-mmes dautres, et qu'ils recherchent avec adresse leurs appladissements; de sorte qu'on peut les comparer auvierges folles, qui demandrent de l'huile leurs compagnes pour mettre leurs lampes lorsqu'elles allaie

s'teindre (Matth., XXV, 8).Les imperfections qui leur sont ordinaires ont d

degrs diffrents. Quelques-uns tombent dans les plugrandes, qui les prcipitent consquemment dans dgrands maux; quelques autres en commettent d

moindres; d'autres enfin n'en sentent que les premiemouvements ; mais il ne s'en trouve point entre les commenants, qui ne donne, pendant ses ferveurs, danquelques-uns de ces dfauts comme dans un cueil ivitable.


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Mais ceux qui observent en cet tat les rgles de perfection vivent d'une manire bien diffrente et aveun esprit bien plus tempr. Ils lchent de faire d

grands progrs en l'humilit, soit en ne faisant nulle etime de leurs uvres, soit en ne cherchant pas scontenter eux-mmes, soit en jugeant que les autres someilleurs qu'eux, soit en concevant une sainte envie dles imiter, et en dsirant de servir Dieu comme eux, avamour et avec perfection. Plus leur ferveur est enflam

me, et plus les actions qu'ils font et les dlices qu'igotent sont grandes, plus leur humilit les aide connatre combien Dieu mrite, et combien peu de choils font pour sa gloire ; tellement que plus leurs uvrsont considrables, moins ils sont contents d'eu

mmes. En effet, tout embrass de son amour, ils vodraient faire de si grandes choses, que les plus admrables o ils consument leurs forces et leur temps nsont rien dans leur pense. Le soin empress dont camour les anime sans cesse les empche de s'apercevosi les autres font du bien ou n'en font point; ou, s'ils remarquent, ils infrent de l que les autres ont plus dvertu et plus de perfection qu'eux. Si bien que, commils ont une trs-basse opinion d'eux-mmes et de leuactions, ils dsirent que les autres aussi n'en conoiveque du mpris. Lors mme que quelqu'un les estime


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les loue, ils n'y peuvent consentir : de sorte que parlavantageusement de leurs bonnes uvres, c'est, seloleur sens, quelque chose d'trange et d'extraordinaire.

Bien loin de s'riger en matres de la vie spirituellet de vouloir donner des instructions aux autres, ils ereoivent volontiers de tous ceux qui peuvent leur tutiles; ils sont mme prts, si leurs directeurs le commandent, quitter le chemin qu'ils tiennent, et suiv

une autre voie, croyant toujours que leurs dmarches ela vertu ne sont que des garements. Ils ont de la joquand on loue les autres, et de la tristesse de ce qu'ils nsont pas aussi bons serviteurs de Dieu que ces gens-lAu lieu d'avoir du penchant parler de leurs actions, iont mme de la confusion de les dire leurs pres spirtuels, les jugeant indignes d'tre expliques et connudes hommes. Il leur parat bien plus souhaitable de faiclater leurs pchs et leurs vices la vue de tout monde, ou du moins de donner connaissance de cqu'ils sont, dsirant qu'on n'y dcouvre aucune trace d

vertu : pour cette raison, ils se font un plaisir de communiquer leur intrieur des gens qui n'en fassent ntal. Cette manire d'agir est assurment le propre d'uesprit simple, pur, sincre ; et elle plat infinimentDieu, parce que son esprit divin demeure dans ces pe

sonnes humbles, et les excite cacher en elles-mm


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leurs richesses spirituelles, et jeter dehors tout le mqui s'y peut glisser : c'est la grce singulire qu'il acorde aux humbles avec toutes les vertus, pendant qu

la refuse aux orgueilleux.Au reste, leur zle pour Dieu est si ardent et si gn

reux, qu'ils donneraient de bon cur tout leur sangceux qui le servent, et qui s'efforcent de lui gagner demes en toutes rencontres. Lorsqu'il leur chapp

quelque imperfection, ils la supportent avec humilitavec tendresse de cur, avec une crainte amoureuse dDieu; et, mettant toute leur confiance en sa bont et esa misricorde, ils se relvent et s'encouragent mieufaire.

Mais il me semble qu'il y a trs-peu d'mes qumarchent au commencement dans ce degr de perfetion, et nous aurions sujet d'tre satisfaits si la plupane se jetaient pas dans des dsordres tout contraireC'est pourquoi Dieu plonge dans les tnbres d'une obcure nuit toutes celles qu'il veut purifier de ces dfauet de ces vices.

CHAPITRE III


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Des imperfections communes aux commerants l'gard dusecond pch capital, savoir l'avarice prise dans un sensspirituel.

Un grand nombre aussi de ceux qui commencesont infects du poison de l'avarice spirituelle. A peinles verrez-vous jamais contents des dons de Dieu; ils

dsolent et se plaignent de ce qu'ils ne trouvent padans les choses spirituelles la consolation qu'ils dsirenQuelques-uns ne cessent de demander des avis, et ne lassent jamais de recevoir des principes spirituels. Ilisent tous les livres qui traitent de cette matire, et ilsmettent plus de temps qu' faire le bien, n'ayant ngard la mortification et la pauvret d'esprit, qunanmoins ils devraient s'tudier.

Plusieurs encore se chargent d'images et de crod'une grande propret et d'un prix considrable. Tant

ils quittent les unes et prennent les autres; tantt ils lchangent et puis il les reprennent ; tantt ils en veulend'une faon, tantt d'une autre : ils aiment mieux celleci, cause de leur raret et de leur valeur, que celles-lVous en verrez d'autres garnis dAgnus Dei, de relquaires, de mdailles, comme des enfants qui on pen


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au cou de petits grelots d'argent, ou d'autres bagatellpour les amuser. Ce que je ne puis m'empcher ddsapprouver, cause de l'attachement de cur qu'i

ont pour ces choses, quoique bonnes d'elles-mmes. Eeffet, elles sont opposes la pauvret spirituelle, qui rgarde principalement la substance de la dvotion et lobjets qui nous y portent, et qui nglige la multitude la curiosit de ces choses extrieures; surtout parce qula vritable dvotion doit venir du cur, et ne faire t

que de la vrit et de la solidit les choses intrieureCar le reste tant plein de proprit et de dfauts, il encessaire d'en teindre le dsir, pour s'lever la solidperfection. Certes, j'ai connu une personne d'un bosens et d'une grande prudence, qui a port plus de d

ans une croix faite grossirement du bois d'un rameabnit, qui je l'tai pour l'en dtacher. J'en ai vu unautre qui se servait avec attache d'un rosaire fait d'os dpoisson. Il est toutefois certain que leur dvotion n'a pat de moindre valeur devant Dieu, puisque ce n'tait l'ait ni le prix de ces choses qui l'excitait en leur me.

Or, ceux qui vont par le droit chemin la perfection'ont aucun penchant pour ces sortes d'instruments; in'en font point d'amas; ils ne veulent savoir que ce qufaut pour agir saintement en toutes choses; ils ne r

gardent, ils ne dsirent que cela. Pour cette cause, i


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distribuent aux autres ce qu'ils possdent, et se font uvrai plaisir de se dpouiller de tout pour l'amour dDieu et du prochain. Ils ne sont enfin anims que du d

sir d'acqurir la solide vertu, de plaire Dieu cause dlui-mme, et de se dplaire eux-mmes cause dleurs dfauts.

L'me ne peut cependant sortir de ces imperfectionni des autres vices, avant que Dieu l'ait mise dans la nu

obscure dont nous parlerons, pour la purifier. Il epourtant ncessaire que l'me s'efforce, autant qu'elpeut, de se purifier elle-mme, afin qu'elle mrite equelque faon de recevoir de Dieu la mdecine qui gurisse de toutes les maladies spirituelles, auxquellelle n'a pu elle-mme apporter remde. Car, quoiqu'eltravaille de toutes ses forces, elle ne pourra, par son idustrie et par son activit, se purifier de telle sortqu'elle soit tant soit peu dispose et propre l'union dParfait amour avec Dieu, s'il ne lui donne lui-mme main pour llever, et s'il ne la purifie dans le feu qui p

rat obscur l'me, de la manire que nous le dirons.

CHAPITRE IV


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Des autres imperfections auxquelles les commenants sontsujets, et qui naissent de la luxure spirituelle.

Outre les imperfections que nous venons de maquer, il y en a d'autres o les commenants s'engagenet que j'omets pour viter la prolixit du discours, mcontentant de dire les principales, qui sont comme l'orgine, la cause des autres.

Quant au vice de luxure, comme je ne prtends paler que des imperfections dont on doit se purger dans nuit obscure, je laisse les pchs qu'on peut faire en cetmatire, et je dis que les commenants sont pleins de cimperfections qu'on peut appeler luxure spirituelle. C

n'est pas qu'elle soit telle vritablement;mais c'est parque quelquefois on en sent et on en prouve les effedans la chair, cause de sa fragilit, pendant que l'a mreoit des communications. Car les mouvements de sensualit s'lvent souvent dans leurs exercices spir

tuels , de sorte qu'il n'est pas en leur pouvoir de les empcher ; et cela quelquefois arrive lorsque l'me est aplique a la plus sublime oraison, ou quand elle partcipe aux sacrements de Pnitence et d'Eucharistie. Oces mouvements naissent tantt de l'une, tantt dl'autre de ces trois causes.


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Pour comprendre la premire, il faut remarquer quy a des gens d'une complexion faible et dlicate, et d'unaturel tendre et sensible. Lorsqu'ils s'occupent actuell

ment aux choses spirituelles, la nature y sent une trgrande douceur ; et c'est de cette douceur que vienneces motions. Quand l'esprit et le sens en jouissenchaque partie de l'homme est ensuite excite au plaisselon ses proprits particulires, savoir : l'esprit, aplaisir spirituel qui vient de Dieu, et le sens, au plais

sensible qui nat du corps. Tellement que l'me est quequefois, selon l'esprit, unie intimement Dieu danl'oraison, et selon, le sens, elle exprimente, avec rsitance et avec ennui, de grands mouvements et dgrandes rvoltes. Car comme ces deux parties ne com

posent qu'un tout, l'une est ordinairement touche de peine ou du plaisir de l'autre. En effet, selon la maximdes philosophes, les sujets reoivent ce qui leur arrive dla manire qui leur est propre et naturelle. Ainsi l'mdans ces commencements, et mme dans les progrqu'elle fait, gote les plaisirs spirituels avec la mme imperfection que la sensualit gote les dlices sensibleMais, lorsque cette partie animale a t rforme danla nuit obscure, o elle est purifie de ses faiblesses, eln'est plus sujette ces dfauts. Elle reoit si abondamment les impressions divines par l'entremise de l'espr


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qu'il semble qu'elle soit toute transporte et toute cachen Dieu : et, de cette sorte, elle est en quelque faon paticipante de l'union de Dieu, et jouit en quelque mani

des avantages qui rejaillissent sur l'me.La seconde cause de ces rebellions sensuelles, c'est

malin esprit, qui tche de les former pour jeter l'mdans le trouble et dans l'inquitude, quand elle s'abadonne aux charmes de la contemplation : et alors, si el

a tant soit peu d'gard ces motions comme quelquchose de dangereuse consquence, elle en souffre dgrandes pertes. Car, en les combattant et en les repousant, elle se relche en l'oraison comme le dmon le prtend. Il y en a mme quelques-uns qui renoncent toutfait ce saint exercice, persuads qu'ils tombent dans dplus grandes faiblesses en ce temps-l qu'en un auttemps : et cela est trs-vritable; car l'ennemi invisibfait ses efforts pour les remplir de sales reprsentationet de mouvements impurs pendant la mditation, afqu'ils l'abandonnent. Il y mle les plus vives images d

directeurs spirituels, et des objets les plus saints, poudsoler ces gens-l, et pour les rduire n'oser plus penser aux choses divines, ni rien voir, ni rien considrer, parce que ces rvoltes les perscutent avec tant dviolence, qu'ils sont clignes de compassion. Que si c

drglements attaquent des personnes mlancolique


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elles n'en sont ordinairement dlivres que quand on la purges de leurs humeurs mlancoliques, si ce n'epeut-tre qu'elles entrent dans la nuit obscure, qui l

retire de ces dsordres.La troisime cause est la crainte que les comme

ants ont de ces rvoltes. Cette crainte les excite amme moment qu'ils s'en souviennent et qu'ils lcraignent actuellement, en voyant, en touchant, en ra

pelant dans leur esprit diverses choses ; mais alors iendurent ces mouvements sans tre coupables et sanoffenser leur Crateur.

Quelquefois, lorsqu'ils parlent des choses spirtuelles, ou qu'ils font de bonnes uvres, ils sont anim

d'une certaine vivacit, d'une certaine force, d'une cetaine gaiet, qui naissent de l'attention qu'ils font aupersonnes qu'ils ont devant les yeux. Il y a en cela unvaine dlectation, qui est un effet de la luxure spirtuelle, Considre dans le sens que nous lui donnons; volont y prend aussi de la complaisance.

D'autres font amiti avec certaines gens, sous prtexte de spiritualit ; mais, eu effet, la sensualit fait pluces liaisons de cur que le pur esprit. Ce qui parat ece que cette amiti n'augmente pas l'amour de Dieu ni

mmoire de sa prsence; au contraire, elle donne d


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grands remords de conscience. Quand l'amiti est vrament spirituelle, elle fortifie l'amour de Dieu propotion quelle croit; et plus on y pense, plus on se souvie

de Dieu, plus on dsire de le possder; de sorte que laccroissements se font galement des deux cts. C'est propre de l'esprit divin d'ajouter bien sur bien, et d'aumenter l'un par l'autre, cause de la conformit et de ressemblance qui se trouvent entre eux.

Mais lorsque l'amiti nat de la sensualit, elle fades effets contraires. Plus elle augmente, plus l'amour le souvenir de Dieu diminuent. La chaleur et la vhmence de l'une font la froideur et le relchement dautres ; et on s'aperoit bientt qu'on a oubli Dieu qu'on ne l'aime plus, quoique la conscience reprochavec amertume ce changement criminel.

Au contraire, si l'amour de Dieu s'allume davantagdans l'me, l'amiti sensuelle se ralentit davantage s'teint dans un oubli ternel. Ces deux amours se combattent directement l'un l'autre ; et, bien loin de s'aidmutuellement, celui quia le dessus touffe l'autre s'tablit plus solidement sur ses ruines. Notre Sauveuexprime ceci en ces termes : Ce qui est n de la chair echair, et ce qui est n de lesprit est esprit ( Joan., III, 6C'est--dire : l'amour qui nat de la sensualit se borne


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la sensualit ; et l'amour qui nat de l'esprit se terminel'esprit de Dieu et le fait crotre en nos mes. Et c'est diffrence qui se trouve entre ces deux amours, et q

nous en donne la connaissance distincte et certainMais lorsque l'me s'est introduite dans la nuit obscurelle les rgle sur la droite raison. Elle donne des forces de la puret celui qui est selon Dieu ; elle touffe oelle mortifie celui qui est selon la sensualit.

CHAPITRE V

Des dfauts o le vice de la colre prcipite ceux quicommencent.

Le dsir drgl d'avoir des consolations spirituellest cause qu'il s'y mle beaucoup de dfauts, qviennent de l'impatience et de la colre. Car les com

menants qui sont privs des douceurs qu'ils avaiencoutume de sentir dans leurs exercices, deviennent nturellement secs et durs dans cet tat ; et l'amertume dcur qui les abat les rend pesants, fcheux eummes, et colres dans les moindres occasions qui prsentent. Ce qui leur arrive souvent aprs qu'ils o


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pass quelque temps dans un profond recueillement dans une oraison pleine de dlices toutes clestes. Caquand ces douceurs se sont vanouies, ils s'ennuient

se dgotent comme des enfants qu'on a sevrs de mamelle et du lait qu'ils suaient avec plaisir. Cepedant, lorsque les commenants rsistent ces dfaunaturels, et ne permettent pas qu'ils aient le dessus, n'y a nul pch; c'est seulement une imperfection qu'oefface par les peines et les aridits de la nuit obscure.

Quelques-uns aussi d'entre eux sont agits d'unautre espce de colre. Ils observent les vices du prchain, et, par un zle trop inquiet, ils s'emportent jusqule reprendre avec indignation, comme s'ils taient lmatres de la vertu, et les docteurs qui l'enseignenttout le monde. Tout cela est bien loign de la douceuspirituelle.

Quelques autres, jetant les yeux sur leurs dfauts'indignent contre eux-mmes avec plus d'orgueil qud'humilit; et leur impatience est si excessive, qu'ils vodraient acqurir en un jour la saintet. Plusieurs se prposent beaucoup de choses, et forment le dessein d'excuter les plus grandes. Mais, parce qu'ils sont destitud'humilit et pleins de confiance en eux-mmes, plus ifont d'actions, plus ils commettent de fautes et


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fchent davantage, ils n'ont pas mme la patience d'atendre que Dieu leur accorde ce qu'ils dsirent. Cela eencore trs-contraire la douceur spirituelle.

Tous ces maux ne se peuvent gurir que dans la nuobscure : mais, comme les esprits sont de diffrents cractres, on en voit de si lents et de si peu sensibles, qupeine travaillent-ils pour leur avancement en la vertu, cette lenteur n'est pas agrable Notre-Seigneur.

CHAPITRE VI

Des imperfections dont la gourmandise spirituelle est la sourc

Il se prsente beaucoup de choses dire du qutrime vice, qui est la gourmandise spirituelle : peinse trouve-t-il un seul homme entre les commenantquoiqu'il soit d'une prudente conduite en la vie intrieure, sur qui quelques-unes des imperfections que gourmandise spirituelle cause ne rejaillissent, parce qula douceur qui se rpand en leur me au commencment de leurs exercices spirituels les abandonne. C'epourquoi plusieurs, attirs par ces charmes, cherche


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plutt ces tendresses dlicieuses que la puret de cuet la vritable dvotion. Ainsi cette gourmandise lpossde absolument, et les retire du milieu et de la m

diocrit en quoi consiste la vertu, et les fait passer d'unextrmit une autre extrmit, et du dfaut l'excsans garder aucune mesure. De sorte que les uns'puisent d'austrits, et les autres s'affaiblissent djenes, qu'ils ont au-dessus de leurs forces, sans modration, sans rgle, sans conseil, sans soumission au

ordres de ceux qui sont chargs de leur conduite spirtuelle, et mme quelquefois contre le commandement dleurs suprieurs ou de leurs directeurs. Ces gens-l soassurment trs-imparfaits, et privs du bon sens et dla raison, puisqu'ils prfrent ces choses la sujtion et

l'obissance, en quoi rside la pnitence intrieure, rasonnable et discrte, et qui est un sacrifice plus agrab Dieu que toutes les macrations du corps, lesquelltant entreprises sans soumission, sont des sacrifices dfectueux, parce que le seul drglement de la passion du got qui les accompagnent en est le principe, cause et le motif. Et, comme les extrmits sont toujouvicieuses, et que la volont propre rgne en ce genre dvie, ceux qui le suivent accroissent plutt leurs vices quleurs vertus : au moins ils nourrissent leur gourmandispirituelle et leur orgueil, en se retirant de l'obissanc


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Ce qui donne lieu au dmon d'en sduire plusieurs pales dsordres de la gourmandise, qu'il irrite sans cessafin que, ne pouvant rien faire davantage, ils entr

prennent autre chose que ce qu'on leur a ordonn, qu'ils le changent en un autre exercice, ou qu'ils ajoutent quelque nouvelle mortification, parce que touobissance les gne, les inquite et leur parat fort fcheuse. Quelques-uns sont mme si malheureux, qu'iperdent la volont et la rsolution de faire ce que l'obi

sance leur enjoint, quoiqu'ils semblent s'y soumettre; cils n'excutent volontiers, en ces rencontres, que ce qula douceur qui les flatte les excite accomplir. Maiaprs tout, il leur serait peut-tre plus utile d'omettre cchoses que de les faire de cette manire.

On en voit d'autres qui pressent obstinment et avimportunit leurs pres spirituels de leur accorder cqu'ils dsirent, et qui le veulent obtenir presque pforce. Que si on leur refuse ce qu'ils demandent, ils s'afligent comme des enfants; ils sont mcontents; ils s'im

ginent qu'ils ne servent pas Dieu, puisqu'on ne leur pemet pas de faire ce qu'ils voudraient. Car, ne s'appuyanque sur les tendresses de cur et sur la propre volonqui les entretiennent en leur dvotion, aussitt qu'on len prive pour les rendre conformes la volont de Die

ils s'attristent, ils languissent, ils perdent cur, d'auta


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qu'ils croient que s'appliquer au service de Dieu d'unmanire qui lui soit agrable, ce n'est autre chose qujouir, dans les exercices spirituels, de beaucoup d

consolations intrieures.De plus, il s'en trouve qui la gourmandise spir

tuelle te tellement la connaissance de leurs misres de leur bassesse, et imprime un si grand oubli de crainte, de l'amour, de la vnration qu'ils doivent

Dieu, qu'ils ne se font point scrupule d'extorquer dleurs confesseurs le frquent usage de la confession de la communion; et, ce qui est pire, ils ne craignent pde s'approcher de la sainte table sans leur avis, sans leupermission ; et mme ils s'efforcent de leur cacher cetpratique. De sorte que ce dsir drgl de la sainte communion est cause qu'ils reoivent le sacrement de Pntence avec peu d'exactitude et beaucoup de ngligencse mettant plus en peine de manger simplement cetviande divine, que d'y participer avec la puret et la pefection requises. Il leur serait nanmoins plus salutair

et il y aurait plus de vertu, ayant le dfaut qu'ils ont, dprendre des inclinations contraires, et de prier leuconfesseurs de ne leur pas ordonner des communionfrquentes. Cependant le meilleur parti qu'on peprendre, dans ces deux extrmits, est de s'abandonn

avec humilit la volont des pres spirituels. Ma


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ceux qui prsument trop en ceci de leurs bonnes dispsitions, se jettent dans de grands maux, et doivecraindre que cette tmrit ne leur attire quelque pun

tion.Lorsque ces personnes mangent le corps de Jsu

Christ dans la sainte Eucharistie, ils font plutt leurs eforts pour se pntrer de la douceur qui en coule, qupour adorer humblement et louer ce Dieu incarn, q

est prsent en leur poitrine ; ils sont si persuads qutout le fruit de la communion est renferm dans ce goet dans cette dvotion sensible, que, s'ils en sont privils pensent n'avoir rien fait pour leur me, et jugent pefavorablement des effets de la possession de Dieu. Ils npeuvent se mettre en l'esprit que ce qui nous touche sesiblement, dans l'usage de ce trs-divin sacrement, est moindre fruit qu'on en tire, mais que c'est principalment la grce invisible qu'il produit en nos mes.

Aussi Dieu refuse souvent ce got, afin qu'on le rgarde plus purement avec les yeux de la foi. Ils voudraient enfin sentir Dieu et le goter dans la particiption des saints mystres et dans les autres exercices sprituels, comme s'il tait capable d'tre pris et touchd'une manire matrielle et sensible. Tout cela est assrment trs-parfait et trs-oppos la nature et aux pe


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fections de Dieu, qui demande de nous une foi trs-puet trs-simple.

Ils se comportent suivant les mmes principes dan

l'oraison, convaincus que, pour tre bonne, elle doit veser dans le cur des torrents de consolations sensibleDe sorte qu'ils se fatiguent l'imagination, et s'puisent tte pour jouir de ces dlices intrieures. Et, parce qus'ils n'en viennent pas bout ils ont du chagrin

croient mal employer le temps, ils perdent la vritabdvotion, qui consiste en la persvrance dans l'oraisoen l'humilit, en la dfiance de soi-mme, et dans le sedsir de plaire Dieu. Pour cette raison aussi, lorsqu'imanquent une seule fois de se rassasier de ces plaisispirituels, ils ont une extrme peine reprendre la mditation, ou ils en abandonnent l'exercice. Ils font peprs comme les enfants, qui agirent, non point par rason, mais par sensualit : de mme ils ne courent en vie intrieure qu'aprs les consolations sensibles; pour cette fin ils lisent divers livres spirituels,

changent sans cesse les sujets de leurs oraisons. Si bieque c'est avec justice, avec sagesse et avec amour, quDieu ne se fait pas sentira eux. Ce refus de Dieu les prserve de plusieurs inconvnients considrables, que gourmandise spirituelle leur attirerait. Ce qui me fa

dire que la nuit obscure, c'est--dire la mortificatio


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leur est ncessaire pour les dlivrer de ces badineripuriles.

Les mmes hommes sont encore fort tides et fo

lches dans le chemin de la croix : ils abhorrent l'ametume de leur propre abngation; ils sont pleins d'une ifinit d'autres dfauts, auxquels Dieu apporte le remdefficace par les tentations, par les aridits, par les afflitions dont il les exerce, et qui font une partie de la nu

obscure : mais, de peur d'tre trop long, je n'en dirai riedavantage. Il suffit d'assurer ici que la sobrit et la temprance spirituelle tient des routes bien diffrentes : elconduit Dieu par le chemin de la mortification, de crainte, de la soumission en toutes choses, et elle nouapprend que la perfection et la valeur des actions ne strouve pas dans leur multitude, mais dans le renoncment de soi-mme. De sorte que les commenandoivent s'appliquer surtout parvenir cette abngtion, autant qu'ils le peuvent, jusqu' ce que Dieu les prifie dans la nuit obscure.

CHAPITRE VII

Des imperfections qui procdent de l'envie et de la paresse


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spirituelles.

Les commenants se souillent aussi de plusieurs imperfections que l'envie et la paresse spirituelles tranenavec elles. Car, pour ce qui est de l'envie, plusieurs dcommenants se chagrinent et s'affligent sensiblemedu bien spirituel des autres, qui les surpassent en vertet en spiritualit, lis ne souffrent qu'avec peine qu'on l

loue; ils diminuent les louanges qu'on leur donne, ou iaffirment le contraire. Ils sont pntrs de douleur lorqu'on ne les prfre pas ces gens-l, ou qu'on estimles autres autant qu'eux-mmes. Ce qui est contraire charit, laquelle, selon saint Paul, se rjouit du bien sp

rituel et de la perfection d'autrui. Que si la charit etouche de quelque envie, ce n'est qu'une sainte multion, qui lui inspire de la douleur de ce qu'elle ne posde pas autant de vertu que les autres, mais qui nl'empche pas d'avoir de la joie de ce qu'ils en ont pluqu'elle, afin qu'ils rendent plus de service et plus dgloire Notre-Seigneur.

Quant la paresse spirituelle, les commenants s'enuient ordinairement des choses qui sont si spirituellequ'elles ne leur causent aucun got sensible. Ca

comme ils se sont accoutums cette douceur, aussit


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que les exercices de l'intrieur ne les en comblent pas, ien prennent un grand dgot; ils quittent l'oraison, oils ne la font qu'avec rpugnance. Il est nanmoins exp

dient que Dieu les prive de ces dlices sensibles pour lprouver. Ainsi cette paresse les engage prfrer la stisfaction de leur got la perfection, laquelle l'abngation de sa volont propre et de la sensualit condusrement : et de cette manire ils cherchent plus se stisfaire qu' contenter Dieu. De l vient qu'ils estimen

que tout ce qui ne favorise pas leur penchant n'est paconforme la volont de Notre-Seigneur; et qu'acontraire tout ce qui est de leur got est agrable DieIls jugent de Dieu par leurs sentiments, et ils ne jugenpas d'eux-mmes par les sentiments de Dieu. Mais ils

trompent, puisque celui, dit Jsus-Christ, qui voudra saver sa vie la perdra ; et celui qui la perdra pour lamour dmoi la trouvera (Matth., XVI, 25).

Ils s'abandonnent aussi la douleur, lorsqu'on loblige faire des choses qui ne leur donnent aucune d

lectation. Et, comme ils sont fort avides des consolationintrieures, s'ils en sont destitus, ils ne travaillent perfection qu'avec tideur et qu'avec faiblesse. Ils resemblent ceux qui, ayant t nourris dans les plaisirs'exemptent le plus qu'ils peuvent des mortifications

des austrits. Ils fuient la croix, quoiqu'elle soit


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source des dlices de l'esprit les plus solides. Plus lechoses sont spirituelles, plus elles les ennuient. Car,dsrant de marcher dans ces pieux exercices par le chem

le plus large, et de vivre selon les inclinations de leuvolont, ils ont beaucoup de peine et de tristesse d'etrer dans la voie troite dont le Fils de Dieu parle danl'vangile.

Mais c'est assez parler des imperfections de ceux q

commencent s'appliquer la vie spirituelle. Il est aisde comprendre la ncessit qu'ils ont de passer avec grce divine l'tat de ceux qui profilent en cette voiC'est ce qu'ils font lorsque Dieu les introduit dans nuit obscure, o il les garantit de ces dfauts et de ctendresses sensibles, en les jetant dans les tnbres intrieures et dans les aridits, et en les conduisant la vetu parles diffrents moyens qu'il leur inspire. Caquoique les commenants s'exercent de toutes leuforces mortifier leurs passions, ils ne pourront toutfois les touffer, ou du moins les soumettre suffisam

ment la conduite de la raison et de la grce, avant quDieu leur ait donn cette victoire par l'usage de la nuobscure. Mais, pour parler utilement d'une matire difficile, il est ncessaire que Dieu nous donne dgrandes lumires ; et c'est ce que je lui demande ave


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toute l'ardeur possible.

CHAPITRE VIII

On explique le premier vers du premier cantique, et ocommence donner de l'claircissement la nuit obscure.


Cette nuit, qui n'est autre chose, comme nous l'avondit, que la contemplation obscure, produit deux sortde tnbres ou de purgation dans les personnes spir

tuelles, selon les deux parties de l'homme, l'animale et raisonnable. Ainsi la nuit ou la purgation qui purifie lsens s'accommode et se proportionne l'esprit suivanles mmes sens ; et la nuit ou la purgation qui purifl'esprit dispose l'me l'union de Dieu. La nuit qui pur

fie les sens est commune a plusieurs, et surtout aucommenants, dont nous parlerons d'abord. La nuit qpurifie l'esprit n'est le propre que de peu de gens, svoir, de ceux qui sont avancs en la vie intrieure, et qse sont exercs longtemps en cette voie. Nous en traitrons aussi en son lieu.


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La premire nuit est amre cl terrible aux sens ; mala seconde est, sans comparaison, plus formidable l'eprit. Comme plusieurs ont crit de la premire, parc

que c'est une matire commune, j'en lirai ici peu dchose, mais je m'tendrai davantage sur la secondparce qu'on en a peu crit, et qu'on n'en a presque poid'exprience.

Il faut donc rappeler en sa mmoire ce que nou

avons dit, que es commenants agissent et vivent danles voies de Dieu d'une manire basse, grossire, commode leur got et leur amour-propre. Ils s'exercend'ordinaire dans le discours pendant l'oraison, et idonnent aux sens toute la douceur qu'ils y peuvent trover ce qui est ml de beaucoup d'imperfections. Esuite, aprs avoir fait quelques progrs en la vertu, ejouissant des dlices de la mditation, ils touffent peupeu l'amour des choses du monde ; et, en acqurant dplus grandes forces spirituelles, ils rpriment les pasions qui les portent la recherche des cratures: d

sorte qu'ils peuvent soutenir pour l'amour de Dieu lepeines que les aridits leur causent. Mais, lorsque lexercices de la vie intrieure leur russissent selon leudsirs; lorsqu'ils sont combls de consolations, et que lgrces du ciel coulent avec abondance dans leur m

Dieu les relire de cet tat qui a encore quelque cho


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d'imparfait, pour les rendre capables de ses communictions les plus intimes. Il les prive de tous ces plaisisensuels, de toutes ces tendresses, de toutes les lumir

consolantes qu'il rpandait sur eux, parce qu'ils taieencore faibles et tendres, selon le langage de saint JeanJ'ai ouvert une porte devant vous que personne ne saurait femer, parce que vous avez un peu de force, et que vous avegard nia parole, et n'avez pas renonce mon nom (Apoc., I8). Ensuite il les environne de tnbres si paisses, qu'i

ne savent de quel ct se tourner, quelque effort d'imgination et d'esprit qu'ils fassent, pour appeler leur scours le raisonnement et les considrations. Ils npeuvent plus mditer, et leur sens intrieur est abmdans cette nuit, et abandonn la scheresse, de tel

sorte qu'ils ne sentent pas la moindre douceur dans lexercices de pit; au contraire, ils sont plongs dans dtorrents d'amertume. Dieu les traite ainsi pour les acoutumer marcher d'eux-mmes, je veux dire ne plus appuyer sur les consolations sensibles. Mais alocette voie leur parait toute nouvelle, tant contraireleurs premires dmarches.

Ce changement arrive plus souvent ceux qui sont loigns du monde, et qui ont dj pass par lecommencements de la vie intrieure, qu' ceux qui n

sont pas encore entrs dans cette carrire : ce qui vien


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de ce qu'ils se sont dlivrs des occasions de renoncerleurs bons propos, et qu'ils domptent plus facilement ece temps-l l'amour des choses terrestres. Ces dispos

tions sont ncessaires pour entrer dans l'heureuse nudes sens. Ce qui arrive pour l'ordinaire peu de tempaprs qu'ils ont commenc de s'tudier la spiritualit.

CHAPITRE IX

Les marques par lesquelles on peut connatre qu'une personspirituelle est dans la nuit ou la purgation des sens.

Les aridits des commenants peuvent quelquefovenir d'une autre cause que de la nuit ou de la purgtion des sens. Elles naissent souvent des pchs et d

imperfections, ou de la tideur et du relchement d'eprit, ou des humeurs drgles du corps et de ses mavaises dispositions. C'est pourquoi je veux donner dmarques pour dcouvrir si elles procdent de cette pugation, ou de quelques-uns des vices que nous avons epliqus ci-dessus. Jen trouve trois.


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La premire est lorsque celui qui les choses divinne donnent aucune satisfaction sensible ne trouve ausnul contentement dans les cratures. Quand Dieu m

l'me dans la nuit obscure, il la prive de toutes sortes dplaisirs, afin de purifier ses passions. Et c'est alors usigne vident que son dgot et son amertume coulende cette source, et ne viennent pas de ses pchs ou dses imperfections. En effet, si cela tait, la nature corompue ferait paratre quelque penchant, ou quelqu

envie de chercher d'autres dlices que celles des chosclestes. Car, aussitt qu'on lche la bride aux passionelles courent aprs les dlectations sensuelles, suivant force ou la faiblesse de leur penchant. Mais ce dgodes choses naturelles et surnaturelles peut avoir pou

principe la mlancolie, qui ne permet pas qu'on prennaucun plaisir.

La seconde marque de la nuit obscure ou de la pugation des sens est que cette nuit lve l'esprit Dieu, qu'elle remet Dieu souvent eu la mmoire, avec chagr

nanmoins et avec douleur, parce que l'me croit tojours, tant destitue de ses premires consolationqu'elle ne sert pas bien Dieu, et qu'au lieu d'avancer elrecule. On voit par l que ce n'est pas la tideur et le rlchement qui lui causent cette peine. Car c'est le prop

des tides et des lches de n'avoir ni soin des choses d


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vines, ni empressement pour se perfectionner. De nous lirons facilement la diffrence qui est entre l'aridiet la tideur. Celle-ci rend notre volont languissan

dans le culte de Dieu, et ne nous porte pas avec chaleu l'honorer : celle-l nous pique et nous presse vivemede lui procurer de la gloire. Cependant, quoique la scheresse que Dieu emploie pour purifier les sens naisquelquefois de la mlancolie ou de quelque autre hmeur grossire, nanmoins elle n'est pas moins effica

pour purifier l'apptit sensitif, puisqu'il est alors dpouill de toutes sortes de contentements, et que l'mdans cet tat attache toutes ses penses Dieu. Clorsque l'humeur s'est rpandue dans le cur, elle caude l'ennui et dtruit toutes les satisfactions de la natur

sans inspirer les dsirs de servir Dieu, qui accompagnent toujours l'aridit qui purifie les sens. A la vrt, la partie infrieure, n'tant plus soutenue d'aucunconsolation sensible, opre trs-faiblement; mais l'esprne laisse pas d'tre trs-vif et trs-fort en ses oprations

La cause de cette scheresse est que Dieu change lforces des sens en forces de l'esprit; et, comme les senne sont pas capables des biens spirituels, ils restent touvides et tout arides, et n'ont nulle qualit propre poupossder ce qui est purement spirituel. Ainsi lorsqu'on

got l'esprit et les choses spirituelles, la chair et l


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choses matrielles sont insipides; et quand on opre slon les sens, on agit d'une manire languissante et folche. Au contraire, l'esprit se nourrit alors et augmen

ses forces de plus en plus, et veille avec soin et avec aplication, de peur de manquera correspondre aux impressions de Dieu. Mais, comme ce changement le mdans un tat tout nouveau, il n'est touch au commencment d'aucune dlectation spirituelle, et il est encore pntr d'amertume et travaill de scheresses. Ce q

vient de ce qu'il est accoutum ces douceurs, et qules regarde comme un bien agrable. Et, parce qu'il npas le got spirituel assez pur pour sentir un plaisir dlicat, et que cette nuit pleine d'aridits et d'obscuritne l'a pas dispos jouir de ces dlices, il ne peut ni po

sder ce bien spirituel, ni viter les scheresses et lamertumes qui procdent de la privation de ses prmires consolations. Car ceux que Dieu engage dans solitude de ce dsert sont de mme caractre que les Iralites, qui s'ennuyaient de la nourriture qu'ils recvaient du Ciel, quoiqu'elle ft de tous les gots qu'odsirait, et qui lui prfraient la chair et les oignond'gypte. Nous nous souvenons, disaient-ils les larmaux yeux, du poisson que nous mangions en gypte, et qne nous cotait rien ; les concombres, les melons, les poreaux, les oignons, les choux de ce pays-l, nous reviennent


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l'esprit (Num., XI, 4, 5, 6). Voil jusqu'o s'abaisse notapptit; il nous donne de l'inclination pour nos misreet du dgot pour ce souverain bien qui peut seul nou

contenter. Toutefois cela n'empche pas l'esprit de se rvtir d'une certaine force et d'une certaine vigueur, qle fait oprer avec vivacit, et qui vient de la nourrituintrieure et substantielle qu'il prend pendant cette prvation de got et de tendresse spirituelle. Et c'est en ctemps-l qu'il commence entrer dans la contempl

tion : mais cette contemplation est sche, obscure, imperceptible au sens, et inconnue celui mme qui y elev. Elle lui imprime nanmoins un grand penchapour la solitude, et un ardent dsir de demeurer dans repos, ne pouvant se rsoudre a penser aucun obj

particulier, et ne voulant pas mme s'y appliquer. ceux qui prouvent ces choses se tenaient dans un grancalme; s'ils ne faisaient nul cas des oprations intrieures et des actions extrieures auxquelles leur indutrie et leurs discours pourraient contribuer; s'ils s'abadonnaient la conduite de Dieu, sans se mettre en peind'agir; s'ils recevaient ses dons spirituels avec tranquilt; s'ils l'coulaient dans le fond de leur me avec une atention pleine d'amour, aussitt qu'ils seraient parvenu cette sainte oisivet et l'entier oubli des choscres, ils seraient rassasis de cette nourriture int


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rieure, la plus dlicate et la plus douce qu'on se puisreprsenter. Lme doit se garder nanmoins de la rchercher avec empressement ; alors elle ne la gotera

pas : il faut la prendre dans le repos et dans une espcd'inaction, afin qu'elle produise son effet. On peut dienfin que cette nourriture est semblable l'air, qs'chappe quand on serre la main pour le retenir, et qdemeure sur la main quand on la lient ouverte et sanmouvement. De mme, lorsqu'on s'efforce de prend

cet aliment, il fuit; et, lorsqu'on lui ouvre la bouche dcur et qu'on l'attend paisiblement, il y entre et le fortfie. On peut entendre dans ce sens ces paroles du Catique : Dtournez vos yeux de dessus moi, dit l'poussacre son poux, parce qu'ils m'ont fait envoler (Can

VI, 4). Car Dieu met l'me dans une telle disposition, la mne par des routes si diffrentes, que, si elle voulaoprer d'elle-mme suivant sa capacit, elle empcheraplutt qu'elle n'aiderait l'opration de Dieu en elle.

La raison en est qu'en ce degr de contemplation, o

l'me quille les raisonnements de ceux qui avancendans la vie spirituelle, c'est Dieu qui opre en elle dtelle manire, qu'il semble lier ses puissances intrieuret arrter leur activit, ne laissant ni soutien l'entendment, ni douceur la volont, ni espces de discours

mmoire. Car tout ce qu'elle peut faire d'elle-mme e


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ce temps-l n'est bon qu' troubler sa paix intrieure, qu' faire obstacle l'uvre que Dieu fait dans l'esprpendant que le sens exprimente de grandes aridits; l

quelle opration, tant toute spirituelle et trs-dlicatproduit un effet paisible, dlicat, dgag de ces prmires tendresses qui taient si sensibles. Et c'est l sandoute cette tranquillit dont parle le prophte David : LSeigneur, dit-il, annoncera la paix son peuple (PsaLXXXIV, 9), c'est--dire l'me, afin qu'elle soit spir

tuelle. Cest de l que nous tirerons

La troisime marque, qui consiste en ce que lme npeut plus, quelque effort qu'elle fasse, ni mditer ni dicourir, en se servant comme auparavant de l'imagintion pour s'exercer et s'mouvoir. Car Dieu commenalors de se communiquer l'me, non par le sens et pales raisonnements, mais par l'esprit tout pur et sans dicours, et par une simple contemplation, laquelle lsens intrieurs et extrieurs de la partie infrieure npeuvent atteindre. C'est pourquoi l'imagination et

fantaisie n'ont plus rien pour s'appuyer, et ne peuvent donner commencement la mditation, ni la continusi elle est commence, ni contribuer en aucune faon faire.

Il faut remarquer, sur ce sujet, que cet empcheme


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des puissances de l'me, et ce peu de satisfactioqu'elles ont en cet tat, ne sont nullement l'effet d'acune humeur drgle. S'ils en taient l'effet, aprs qu

cette humeur, qui est naturellement changeante, seraconsume, l'me pourrait, avec un peu d'application, rprendre ses premires oprations, et ses puissanctrouveraient facilement leurs premiers appuis. Ou vole contraire dans la purgation de l'apptit sensitif : ausstt que l'me y est entre, il est impossible ses pui

sances d'user de discours dans la mditation. Caquoique cette purgation ne se fasse pas sans interrution dans quelques-uns, quoique quelques autrjouissent par intervalle des consolations sensibles dl'oraison, nanmoins ils avancent toujours de plus e

plus en cette purgation, et mettent fin leurs oprationsensibles, Dieu les disposant ainsi passer plus outrCar ceux qui ne marchent pas par le chemin de contemplation se trouvent souvent dans diffrents tatparce que la nuit ou la mortification des aridits ne dupas toujours chez eux. Quelquefois ils souffrent des scheresses, et ils en sont quelquefois exempts. Quelqufois ils ne peuvent pas raisonner dans l'oraison, quequefois ils le peuvent.

Pour ce qui est de la nuit obscure, Dieu les y fait e

tier, afin de les exercer, de les humilier, de purifier leu


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passions et leurs dsirs, de peur qu'ils ne s'accoutume ces attraits intrieurs, qui contentent la gourmandispirituelle. Il ne les y met pas, pour les conduire

voie de l'esprit, qui est la contemplation obscure. Car n'lve pas la parfaite contemplation tous ceux qfont profession de la vie spirituelle; lui seul sait lecauses de cette conduite. C'est pour cette raison qu'il nprive jamais entirement ces gens-l des considrationet des discours de la mditation; mais il en use quelqu

fois plus libralement avec les uns, et il a quelquefoplus de rserve avec les autres.

CHAPITRE X

De la manire de se comporter en cette nuit obscure.

Pendant que ces aridits assigent l'me, et que cet

nuit l'obscurcit, Dieu la fait passer de la voie du sens voie de l'esprit, c'est--dire de la mditation la contemplation, o elle ne peut ni oprer d'elle-mme, ni discorir. En ce temps-l les personnes spirituelles sont fort iquites, car elles craignent de s'garer en ce chemi

d'avoir perdu tous les biens spirituels qu'elles croyaie


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avoir acquis, et d'tre abandonnes de Dieu, puisqu'ellne reoivent ni soutien ni douceur dans la vie intrieurAlors elles se fatiguent sans cesse l'imagination et l'e

prit, pour rentrer dans les gots sensibles et dans les rasonnements o elles taient auparavant, se persuadaque sans cela elles ne font rien et perdent le temps. Touces efforts nanmoins sont d'autant plus fcheux l'me, qu'elle sent plus de rsistance reprendre ce prmier travail, et qu'elle a plus de penchant et plus d'a

trait demeurer dans le repos de la contemplation.

Mais, tandis que ces gens-l se retirent de cetsainte oisivet, ils ne gagnent rien par leur applicatiolaborieuse. Ils occupent bien leur esprit produire deactes, mais ils perdent la tranquillit intrieure dont ijouissaient auparavant. C'est pourquoi on les peut comparer un homme qui recommence faire l'ouvragqu'il avait achev, ou celui qui rentre en la ville donttait sorti, ou celui qui laisse aller la proie qu'il avaprise, pour courir aprs et la reprendre. Comme le

soins de ceux-ci sont inutiles, parce qu'il ne leur en rvient aucun profit, de mme les efforts de ceux-l sovains, parce qu'il ne leur sert de rien de chercher autchose que ce qu'ils ont, ni de retourner leur premitat. Au contraire, s'ils n'ont point alors de directeur q

comprenne parfaitement leur intrieur, et qui l


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conduise avec beaucoup de prudence, ils reculent alieu d'avancer; ils quittent le droit chemin, ils se rlchent en leurs exercices; ils s'empchent eux-mm

de passer plus outre en la voie de la vertu. Les causes dces dsordres sont l'extrme peine qu'ils se donnentmditer et raisonner en l'oraison, la fatigue et le chgrin qu'ils causent leur propre naturel, et la pensqu'ils ont que leurs pchs et leur ngligence font obtacle leur avancement spirituel. Cependant, c'est un

chose superflue de travailler de la sorte, Dieu les mnant par un chemin trs-diffrent, savoir par celui de contemplation, qui est fort loign de la voie de la mdtation, du discours et des oprations de l'imagination.

Ceux qui en sont rduits l doivent s'encouragersouffrir ce dnuement et persvrer. Ils ne doivenpoint perdre cur ni succomber sous leurs souffrancemais ils doivent mettre toute leur confiance en Dieu. CPre des misricordes donne infailliblement du secou ceux qui le cherchent avec un cur droit et simple,

il leur fournit tout ce qui est ncessaire pour marchpar ces routes, jusqu' ce qu'il les ait conduits la claiet paisible lumire de l'amour divin, laquelle ils arivent par les obscurits de la nuit spirituelle, lorsqu'iont mrit la grce d'y entrer.


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La manire donc de se gouverner dans la nuit dsens est de ne se pas mettre en peine de la mditation du discours, puisque ce n'est plus le temps d'en use

mais de s'abandonner au repos et la tranquillit oDieu met l'me, quoiqu'il semble qu'on ne fait riequ'on perd le temps, et qu'on vit dans la tideur, quempche qu'on ait aucune bonne pense en l'oraison, aucun sentiment tendre et affectueux. Ceux que Dietraite de la sorte feront beaucoup de supporter patiem

ment leur dsolation, et d'tre constants en la primentale; tout ce qu'on demande d'eux en ce temps-lc'est qu'ils laissent leur me en paix ; qu'ils la dgagede toutes connaissances et de tous sentiments; qu'ils ns'inquitent pas de ce qu'ils pourront mditer; qu'ils

contentent de faire une attention tranquille et amoreuse Dieu. Il faut qu'ils persistent en cet tat, sansoin, sans effort, sans dsir de Dieu en eux-mmes et dle goter. Tous ces empressements les troubleraient les loigneraient de l'aimable oisivet de la contempltion que Dieu communique l'me.

Il est vrai qu'ils auront de grands scrupules, s'imagnant qu'ils passent inutilement le temps en l'oraison, qu'ils feraient mieux de s'appliquer d'autres bonnuvres. Mais, nonobstant les agitations de leu

conscience, ils doivent se tenir en paix, se persuadan


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qu'ils vont l'oraison, non pas pour satisfaire le senmais pour fortifier l'esprit. Il leur faut donc dilater leucur et relever leur courage, pour conserver le calme i

trieur dans ce grand dpouillement; car, s'ils voulaieagir eux-mmes et occuper leurs Puissances produidivers actes, ils perdraient les biens spirituels dont Dieenrichit l'me dans le repos de la contemplation. Ils sraient semblables un peintre qui voudrait tirer le vsage d'une personne, laquelle tournerait sans cesse

tte de tous cts; assurment, quelque application quet, il ne pourrait L'attraper: de mme, s'ils s'appliquen faire de continuelles oprations lorsque lme joud'une paisible contemplation, ils interrompront la jouisance que l'me a de Dieu; ils priveront l'me de sa pai

ils la jetteront dans le trouble et dans la scheresse ; iempcheront Dieu de se communiquer elle et de faire voir tout pur dans son intrieur. Car plus ils checheront les appuis de la connaissance et de l'affectioque l'esprit et le cur produisent, plus ils sentiront dvide en lme et d'loignement de Dieu, quoi on npeut suppler parcelle voie, ni apporter aucun remdC'est pourquoi il est expdient lme de se priver sanchagrin des oprations, et mme d'en souhaiter la cesstion. Car Dieu lui donne avec abondance et avec paune contemplation infuse, lorsqu'elle n'touffe pas l'op


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ration; il la remplit de joie afin qu'elle brle de l'amoudivin, que cette obscure et secrte contemplation allumdans son cur.

Nanmoins on ne peut fonder sur cette doctrine unrgle gnrale pour juger s'il faut renoncer a la mdittion et au raisonnement. Car il est constant qu'on ne dojamais en laisser la pratique, sinon lorsqu'on ne peplus s'en servir ; c'est--dire quand Dieu en arrte

cours par le moyen de la purgation du sens, par lpeines qui viennent de l, et parla parfaite contempltion dont lme est prvenue. En tout autre temps et etoute autre occasion, cette aide est ncessaire lmprincipalement la mditation de la vie et de la passiode Jsus-Christ. Car c'est le meilleur moyen que nouayons pour purifier les sens, pour obtenir la patiencqu'il faut pratiquer dans ces croix, pour marcher purment en cette voie, et pour arriver d'une manire admrable une minente contemplation, parce qu'en effcette contemplation n'est autre chose qu'une infusion d

Dieu secrte, tranquille et amoureuse, laquelle, si on ldonne entre dans l'me par des dispositions proprenous enflamme de l'amour divin, comme le vers suivale fait comprendre.


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CHAPITRE XI

On donne le sens de trois vers du premier cantique.

Enflamme d'un amour inquie

On n'aperoit pas d'abord l'ardeur de l'amour diviparce qu'il ne commence pas alors s'allumer dans cur, soit cause de l'impuret qui infecte encore la nture, soit parce que l'me ne l'a pas laiss agir paisiblment en elle pour s'embraser, d'autant qu'elle ne connaissait pas encore elle-mme. Nanmoins, soqu'elle se connaisse ou ne se connaisse pas elle-mmelle commence quelquefois sentir un ardent dsir dDieu ; en sorte que plus elle avance, plus elle se voit toche de l'amour divin ; elle ne comprend pas toutefod'o nat cet amour. Cependant cette ardeur s'au

mente tellement, qu'elle dsire Dieu par les mouvments d'un amour inquiet, comme le prophte royal, trouvant dans cette obscure nuit, le dit lui-mme en ctermes : Mon cur a t enflamm ; mes reins ont t chags ; j'ai t rduit au nant, et je ne l'ai pas connu (Ps

LXXII, 21). C'est--dire : Mon cur, mon Dieu, s'est a


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lum de ton amour dans la contemplation; mes tedresses et mes affections sont changes; et de sensuellqu'elles taient, elles sont devenues spirituelles par l

scheresses et les aridits qui les ont purifies et qui lont fait cesser. Mon me, sans savoir par quel chemelle marche, se voit comme anantie dans toutes lechoses qu'elle gotait auparavant avec plaisir, dans partie suprieure et dans la partie infrieure ; elle se seaussi blesse d'amour, mais elle ne comprend pas com

ment tout cela se fait. Cependant les flammes de camour s'accroissent de telle sorte en son cur, et ludonnent de si puissants dsirs de son Dieu, que cetsoif brlante semble lui desscher les os, et que le feu la force de cet amour causent la nature de grandes la

gueurs et de grandes dfaillances.David a expriment cette vivacit d'amour : Mo

me, dit-il, a dsir trs-ardemment le Dieu vivant (PsaXLI, 2). Comme s'il disait : La soif dont mon me brlatait fort vive. Ainsi on peut dire que cette soif vive l'a

mourir. Mais, quoique sa vhmence ne soit pas toujours continuelle, et qu'il y ait quelquefois de l'interrution, communment nanmoins il reste toujours quelqusoif dans l'me. Il faut cependant remarquer qu'on ndcouvre point cet amour au commencement ; qu'on n

trouve que du vide et de l'aridit ; que l'me, agite d


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ces scheresses, et touche imperceptiblement de camour secret, tombe dans des dsirs inquiets de Diedans l'affliction et dans la crainte de ne pas servir saint

ment son Crateur. Cette peine et ces soins empresspour Dieu sont un agrable sacrifice la majest divineet c'est la contemplation qui met l'me dans ces rcherches de Dieu, si soigneuses et si ardentes, jusqu' que ces aridits aient purifi le sens de ses affections nturelles et sensibles ; cette contemplation allum

l'amour divin dans le cur.

Pendant que l'apptit sensuel se purifie ainsi dancette nuit obscure et aride, l'me n'a qu' souffrir commun malade qu'on traite ; et, de cette manire, elle serdlivre de ses dfauts, et pratiquera plusieurs vertupour se rendre capable de recevoir les impressions dcet amour, comme on le va dire dans l'exposition dvers suivant :

O l'heureuse fortune

En effet, comme Dieu n'introduit l'me dans cetnuit que pour purifier les sens de la partie infrieure,

pour les soumettre et les unir l'esprit, elle en tire de


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grands avantages, qu'elle compte pour un extrme boheur d'tre sortie pendant cette nuit des liens troits dsens de la partie animale, ce qui lui fait dire ce vers :

O l'heureuse fortune

pour l'intelligence duquel il est ncessaire d'observer lfruits que l'me trouve en cette nuit, cause desque

elle s'estime trs-heureuse d'avoir pass par cette obscrit et par cette purgation, et qu'elle renferme en cvers :

Je suis sortie sans tre aperu

Cette sortie signifie la dlivrance de lme de sa sujtion la partie sensuelle, dans la recherche de Dieu pdes oprations faibles, limites et dangereuses, tell

que sont les oprations de cette partie. Car elle tombapresque chaque pas, en mille imperfections et en milignorances, comme nous l'avons montr ci-dessus eparlant des sept vices capitaux, desquels cette nuit retil'me, en touffant dans elle les gots et les douceurs d

la partie infrieure et de la partie suprieure, en inte


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rompant ses raisonnements, et en lui apportant une innit d'autres biens, et surtout l'acquisition des vertus. Csera sans doute une singulire consolation celui q

prouve ce rude tat, de voir que ce qui parat si durl'me et si contraire la satisfaction de l'esprit, lui soune source de biens si considrables. Biens qu'il acquieen passant par cette nuit, en se dtachant des craturet entrant dans le chemin qui le mne aux biens ternelN'est-ce pas l une flicit souveraine et le sort le plu

heureux du monde? En effet, l'extinction de l'apptit de son attachement aux choses cres lui procure utrs-grand avantage. De plus, notre Sauveur dit queporte de la vie est petite ; que le chemin qui y conduit etroit, et qu'il y a peu de personnes qui le trouvent (Matth

VII, 14.). L'me a le bonheur d'y entrer et d'y persvreavec patience. Car cette petite porte est la nuit qui dpouille l'me des oprations et des plaisirs du sens, afqu'elle y entre par la foi, oui est fort loigne de tous lesens, et que, marchant ensuite par le chemin de la nude l'esprit, elle entre plus avant, et passe jusqu' dechoses plus parfaites par une foi trs-pure, qui est moyen par lequel elle va Dieu et s'unit lui.

A la vrit, cette voie est si troite, si obscure et horrible, qu'il n'y a point de comparaison entre les t

nbres et les souffrances de la nuit du sens et de la nu


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de l'esprit, et que, pour cette cause, beaucoup moins dgens y entrent; mais aussi les biens qui en viennent sonbeaucoup plus grands. Or, c'est des biens de la nuit d

sens que nous traiterons maintenant le plus brivemequ'il sera possible, afin que nous puissions ensuite paler de la nuit de l'esprit.

CHAPITRE XII

Des biens que la nuit du sens apporte lme.

La nuit ou la purgation des sens procure de grands biens l'me, quoiqu'elle ne le croie pas, qucomme Abraham fit un grand festin lorsque son fiIsaac fut sevr, de mme on se rjouit dans le cilorsque Dieu svre l'me, lui te les langes de son enfance, et la fait marcher d'elle-mme. Il la prive du la

qui la nourrissait; il lui donne du pain dur, du pain dforts; pain propre soutenir l'esprit, quand il est viddes tendresses et des gots du sens, dans ses aridits dans ses tnbres; pain enfin qui n'est autre chose que contemplation infuse. Et c'est l le principal bien qu

l'me reoit alors, et qui est la source de ses autres bien


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Le premier de tous ces biens est la connaissance d'ele-mme et de sa misre. Car les grces et les faveuque Dieu lui accorde sont enveloppes, confondues

obscurcies dans cette connaissance; en sorte que l'mne les dcouvre pas distinctement, et n'en peut avoir dcomplaisance. De plus, ses aridits, la privation dedouceurs abondantes qui remplissaient auparavant spuissances, et la difficult qu'elle sent faire le biel'obligent connatre et confesser sa bassesse et sa m

sre, qu'elle n'apercevait pas tandis qu'elle jouissait ddlices et des consolations intrieures de l'oraison. Nouavons dans lExode une excellente figure de cette vri(Exod. III, 9). Dieu, voulant humilier les Isralites et leporter a se connatre eux-mmes, leur commanda d

quitter les beaux habits dont ils se paraient les jours dfte, et de prendre les habits communs des artisans, afque la grossiret et la bassesse de ces vtements leufissent Concevoir de quelle manire ils mritaient quDieu les traitt. Il en usa ainsi parce que comme la rcherche et la beaut de leurs habits leur inspiraient de vanit et de l'estime d'eux-mmes, ainsi la pauvret et laideur de leurs vtements leur donnaient de l'humiliet du mpris d'eux-mmes. Ce qui nous apprend qul'me reconnat la vrit qu'elle ne voyait pas. Car, lorqu'elle est pare des dons de Dieu comme d'un habit d


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fte, lorsqu'elle est remplie de douceurs et soutenue dgrces sensibles, lorsqu'elle croit rendre quelque serviet quelque honneur Dieu, elle est contente d'elle-mm

et se plat en ses avantages. Il est vrai qu'elle ne s'eprime pas de la sorte l-dessus, et qu'elle ne semble pavoir ces sentiments ; mais la satisfaction qu'elle prenaux douces communications de Dieu les explique asseclairement. Nanmoins, lorsqu'elle est couverte, pouparler ainsi, des babils de l'affliction, de l'aridit, du d

laissement, lorsque les lumires qui l'clairaient sonteintes, elle reoit l'entire connaissance d'elle-mmelle ne s'estime plus rien, elle n'est plus contente d'ellmme, elle est enfin convaincue que d'elle-mme elle npeut rien faire.

Dieu cependant estime plus et aime mieux la peinqu'elle souffre, en se persuadant qu'elle ne serf pas saitement son Crateur, que toutes les uvres qu'elle fasait, et toutes les douceurs qui se rpandaient dans socur, quoiqu'elles parussent trs-sublimes. La raison e

est que ces richesses spirituelles lui donnaient occasiode tomber en plusieurs imperfections. Au contraire, elrecueille de grands fruits de la connaissance d'ellmme et de ses scheresses. Elle apprend s'approchde Dieu avec plus de respect et de soumission ;ce qui e

toujours ncessaire dans le sacr commerce que nou


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avons avec lui. Elle n'tait pas si respectueuse danl'abondance de ses dlices spirituelles, et les bienfaits dDieu la rendaient un peu plus hardie et moins rserv

en ses conversations avec lui. C'est ce qui arriva Molorsqu'il entendit la voix de Dieu qui lui parlait. Charmde cette bont, et ne prenant pas garde ce qu'il allafaire, il voulut approcher; mais Dieu l'arrta : Ne venpas plus prs de moi, dit-il, et dchaussez-vous (Exod., III, 5

On infre de l avec combien de vnration et de dicrtion, et avec quel dgagement d'affection et de dsil faut agir avec Dieu. Aussi Mose fut depuis ce templ si circonspect et si retenu, que non-seulement il n'euplus la prsomption d'approcher de Dieu, mais qun'osa pas mme le regarder fixement ni le considreCar, s'tant dpouill de la satisfaction que la prsencdivine versait en son cur, il reconnut distinctement dvant Dieu sa misre; et ces bas sentiments de lui-mmle disposrent entendre la parole du Seigneur. Dieu servit aussi, pour se communiquer familirement a

saint homme Job, non pas des plaisirs intrieurs et de gloire dont il jouissait, mais des souffrances les plus afreuses qu'on se puisse imaginer (Job., II, 5). Il le rduis coucher sur un fumier, couvert d'ulcres, rong dvers, abandonn de ses proches, perscut de ses ami

pntr de douleurs et d'amertumes. Mais ce fut en c


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tat pitoyable que le Tout-Puissant jugea qu'il lui taglorieux d'enrichir ce pauvre des trsors les plus sblimes de sa sagesse, et de combler ce malheureux d

ses dlices les plus douces et les plus consolantes.Il est propos, puisque l'occasion s'en prsente, d

remarquer ci l'utilit qu'on tire de la nuit, c'est--dire dla mortification des sens. Elle fait l'accomplissement dce mot d'Isae : Votre lumire natra dans les tnbres (Is

LVIII, 10). Car Dieu claire l'me et lui donne la connaisance, non-seulement de sa petitesse et du mprqu'elle mrite, mais encore de la grandeur et de l'excelence de son Crateur. Il dlivre l'esprit des dsirs degots sensibles et des appuis du sens, lesquels l'obscucissaient dans les choses spirituelles; et il lui donne puret et la clart ncessaires pour comprendre la vritIl use aussi des peines et des aridits du sens pour aumenter les lumires de l'me, selon le langage d'un prphte: La tribulation donnera de l'intelligence (Isa., XXVIII, 19); c'est--dire qu'elle fera entendre comment Die

dgage l'me de ses obstacles par le moyen de cette nuobscure et de cette contemplation sche et sans tedresse, et comment il l'lve surnaturellement la parcipation de sa sagesse divine. C'est ce que le mme Isaexplique admirablement : A qui donnera-t-il la science

l'intelligence, dit-il, sinon ceux qui ont t sevrs et arr


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chs la mamelle (Isa., XXVIII, 9) ? D'o l'on conclut qule premier lait des douceurs qui viennent du discours des autres oprations des puissances de l'me n'est p

une si bonne disposition pour recevoir ces divines ifluences, que le dtachement de ces mamelles et la prvation de ces dlices intrieures.

C'est pourquoi il est utile et ncessaire l'me dn'avoir nulle affection pour la crature, de ne s'y poin

appuyer et de s'lever bien au-dessus pour parler avrespect ce Souverain de l'univers, et pour l'coutavec toute la soumission possible, comme le prophHabacuc l'assure de lui-mme : Je me tiendrai debout suma forteresse, dit-il, et j'y affermirai mes pas, et je considrrai pour connatre ce qu'on me dira (Habac., II, 1). C'est-dire je dtacherai mes sens des gots intrieurs ; je n'emploierai pas mon imagination ni mon esprit faire deraisonnements, afin que ce dnuement me rende cpable d'entendre ce que Dieu me dira. Il est donconstant que la connaissance de soi-mme et celle d

Dieu coulent de cette nuit obscure comme de leusource. Ainsi saint Augustin faisait cette demande Dieu : Que je te connaisse, Seigneur, et que je mconnaissCar, suivant la maxime des philosophes, on connat trbien les extrmits l'une par l'autre.


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Mais, afin de montrer plus videmment la force ddlaissement sensible qui arrive en cette nuit, pour obtnir de lui les lumires dont l'me est alors claire,

produirai cet endroit de David o il explique l'efficacide cette nuit pour nous conduire la sublime connaisance de Dieu :J'ai paru devant vous, dit-il, dans une terdserte, sans chemin et sans eau, comme dans le sanctuairafin que je visse ta puissance et ta gloire (Psal., LXII, 3). C'eune chose sans doute admirable que le prophte ne di

pas que les douceurs spirituelles lui ont t des dispostions propres connatre les grandeurs de Dieu, maque c'a t l'aridit de la partie animale, lorsqu'elle a abandonne et prive de tout plaisir, comme le signifcette terre dserte et sche. Il n'assure pas non plus qu

les saintes penses et les sacrs entretiens qu'il avait eusi souvent avec Dieu lui eussent ouvert le chemin connaissance de la puissance divine, mais qu'il y taparvenu par l'impossibilit d'arrter son esprit en Dieet d'avancer en la voie spirituelle par les raisonnementpar les considrations et par les oprations de l'imagintion; ce qui est exprim par cette terre sans chemin. Dsorte que la nuit obscure du sens est le moyen dconnatre Dieu et de se connatre soi-mme. Nanmoincette connaissance n'est pas si pleine ni si parfaite qucelle qu'on acquiert par la nuit obscure de l'esprit; c


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elle n'est, en quelque manire, que le commencement comme l'entre de cette seconde connaissance.

Outre ces avantages, la nuit ou les scheresses d

sens procurent l'me l'humilit d'esprit, qui est unvertu contraire l'orgueil spirituel, et qui la purifie dimperfections dont elle se souillait rendant sa prospriet ses premires consolations. Car sa propre expriencla contraignant d'avouer qu'elle est strile eu bien

trs-misrable, elle n'a pas la moindre pense de croiqu'elle vit mieux que les autres, et qu'elle est plus avace qu'eux dans les intrieures, comme elle se l'imagnait auparavant : au contraire, elles est persuade qu'isont plus clairs qu'elle et plus parfaits.

Et c'est de l que son amour pour le prochain prennaissance. Elle en conoit beaucoup d'estime, et ne jugplus, comme elle faisait qu'elle est fervente et qu'il elche dans le service de Dieu. Elle n'a devant les yeuque sa pauvret spirituelle et sa faiblesse, et elle ne s'arte plus considrer d'autre personne qu'elle-mme. Lroi-prophte fait un beau portrait de cette humilit eces ternies : J'ai gard un profond silence, et je me suis hmili; je n'ai rien dit pour ma dfense, et ma douleur s'est rnouvele (Psal., XXXVIII, 3). Il parle de la sorte, parce qutous les biens que son me possdait lui paraissaient te


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lement anantis, que non-seulement il n'avait plus riendire,mais la douleur aussi que la connaissance de spropres misres lui causait l'empchait de parler des r

chesses spirituelles des autres.Ceux encore que Dieu tient en cet tat deviennen

parfaitement obissants et soumis en tout ce qui regardla conduite de l'intrieur. Convaincus de leur bassesse de leur incapacit, ils coutent tous ceux qui les e

seignent, et ils dsirent d'tre instruits de ce qu'idoivent faire par quiconque veut avoir cette charipour eux. Tout cet orgueil aussi et toute cette prsomtion qui leur enflaient le cur lorsqu'ils taient inonddes torrents de la grce sensible s'vanouissent : ils dfont enfin en ce temps-l de tous les dfauts donnous avons fait le dtail en parlant de l'orgueil spiritue

CHAPITRE XIII

Des autres biens dont la nuit du sens est la cause.


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Cette nuit corrige l'me de ses imperfections l'gard de l'avarice spirituelle; car elle touffe l'avidique l'me sent des biens intrieurs et des consolation

qui la portent tantt un exercice, tantt un autrsans se contenter d'aucun. La raison en est que, n'y trovant, au lieu de douceur et de paix, qu'amertume et qutrouble, elle s'y applique si lgrement, qu'elle a sujet dcraindre que l'usage peu frquent qu'elle en fait ne luattire quelque dommage, comme l'excs des mm

exercices lui causait quelque perte. Il est nanmoins vritable que Dieu donne ordinairement ceux qu'il apelle cette nuit une humilit solide et une grandpromptitude pratiquer le bien, quoiqu'il n'y mle acune douceur, afin qu'ils l'excutent dans la seule vue d

Dieu ce qu'on leur ordonne. De cette manire ils rnoncent la proprit de plusieurs choses o ils nprennent plus de satisfaction.

Quant la luxure spirituelle, il est clair aussi qul'amertume qui afflige le sens dans les fonctions de l'e

prit dlivre l'me de toutes les impurets que ce victrane aprs soi, et qui taient les fruits amers de la doceur que les exercices spirituels rpandaient sur les pasions.

Pour ce qui concerne la gourmandise spirituell


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cette nuit obscure prserve l'me des dfauts qui rjaillissent de l sur elle. Mais, comme ils sont innombrables, je me contenterai de dire que l'me, quand el

surmonte cette gourmandise par la mortification dsens, se garantit de tous les maux funestes que nouavons rapports en traitant de ce vice. En effet, Dieu rprime alors sa concupiscence et son apptit, et les empche de se repatre d'aucune douceur sensible, dquelque source qu'elle coule : tellement que les passion

de l'me diminuent et semblent perdre leurs forces. Esuite l'me entre et demeure dans une profonde paix, dans des consolations toutes divines.

Il vient encore de l un second bien : c'est que l'mse souvient presque continuellement de Dieu, et craibeaucoup de reculer dans les voies spirituelles : bietrs-signal, et l'un des plus grands que la mortificatiodu sens produise; car l'me est purifie des imperfetions qu'elle commettait aveugle par ses passions.

Un troisime fruit de cette nuit du sens est que l'ms'exerce en mme temps dans toutes les vertus. Tellesont la patience, qui clate dans les scheresses spirtuelles lorsqu'on y persvre; l'amour de Dieu, parque sa seule considration, et non le plaisir, excite faide bonnes uvres; la force, puisque l'me, rempl


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d'amertume et accable de difficults, se fortifie davatage en ses saintes oprations : enfin toutes les vertules thologales, les cardinales et les morales, rgne

pendant ces aridits. Le roi-prophte a renferm tous cbiens en ces paroles : Mon me n'a pas voulu recevoir consolation que les plaisirs sensuels lui prsentaient. Je msuis souvenu de Dieu, et ce souvenir m'a combl de joie ; me suis exerc dans l'oraison et dans les vertus, et mon espra t enflamm, jusqu la dfaillance, du dsir de possd

Dieu ; et de cette sorte jai purifi mon cur de toutes les afections terrestres (Psal., LXXVI, 4).

Les mmes peines qui regardent la mortification dsens et des passions dlivrent aussi l'me de tout qu'il y a d'imparfait dans l'envie, dans la colre et dan

la paresse spirituelle, et lui procurent les vertus qui sonopposes ses vices. En effet, elle est alors tellement hmilie et adoucie, qu'elle exerce une aimable douceuenvers Dieu, envers le prochain, et envers elle-mmCar ne se fche plus ni contre elle-mme cause de s

propres fautes, ni contre le prochain cause de ses dfauts; ni elle ne fait plus paratre de chagrin l'gard dDieu, comme si elle n'en tait pas contente cause de soustraction de ses grces sensibles; ni

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Jean de La Croix La Nuit Obscure