Jean d'Espagnet - l'Œuvre Secret de la Philosophie d'Hermès

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  • 7/27/2019 Jean d'Espagnet - l'uvre Secret de la Philosophie d'Herms

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    LUVRE SECRET DE LAPHILOSOPHIE DHERMS

    A R C A NU M HER M ETIC PHILOSOPHI OPU SJ E A N D E S P A G N E T

    ARCANUM HERMETIC PHILOSOPHI OPUS IN QUO OCCULTA NATUR &ARTIS CIRCA LAPIDIS PHILOSOPHORUM MATERIAM & OPERANDI MODUM,

    CANONICE & ORDINATE FIUNT MANIFESTA

    1EXHORTATION.

    Le commencement de cette Science divine, cest lacrainte et le respect de Dieu ; sa fin, cest la charit etlamour du prochain. La mine dor quelle nous faitdcouvrir doit tre employe renter des temples etdes tablissements hospitaliers (xenodochiis) et fonder des Messes, afin quhommage soit rendu Dieude ce quon tient de sa libralit. On doit encore user decette mine pour secourir sa patrie lorsquelle estvictime de quelque calamit publique, racheter desprisonniers et des captifs, et soulager la misre despauvres.

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    La connaissance et la lumire de cette science sont undon de Dieu, quil rvle par une grce spciale quilui plat. Que personne donc nembrasse cette tude silna le cur pur, et si, dgag de lattachement auxchoses de ce monde et de tout dsir coupable, il ne sestentirement vou Dieu.

    3LES CONDITIONS DE LUVRE.

    La Science de faire la Pierre philosophale rclame uneconnaissance parfaite des oprations de la Nature et delArt concernant les mtaux : sa pratique consiste

    chercher les principes des mtaux par rsolution, et,une fois ces principes rendus beaucoup plus parfaitsquils ne ltaient auparavant, les rassemblerderechef, afin quil en rsulte une mdecineuniverselle, ( la fois) trs propre et trs efficace perfectionner les mtaux imparfaits, et rendre la santau corps indispos de quelque sorte de maladie que cesoit.

    4Ceux qui occupent un haut rang dans les charges et leshonneurs, comme ceux qui sont continuellementembarrasss de leurs occupations particulires et

    ncessaires, ne doivent point prtendre cette science.Elle veut lhomme tout entier, tant capable de lepossder elle seule. Et certes, on ne songe plus selancer srieusement dans des affaires de longue

    haleine, quand on y a pris got : car elle fait mprisercomme ftu de paille tout ce qui nest pas elle.

    5Que ceux qui entreprennent dtudier cette doctrine sedpouillent de leurs mauvaises murs, etparticulirement quils bannissent lorgueil, qui estlabomination du Ciel et la porte de lEnfer ; quilsadressent Dieu dincessantes prires ; quilsmultiplient les actes de charit ; quils sattachent peuaux choses de ce monde ; quils fuient la conversationdes autres hommes ; et quils sappliquent jouir dunetranquillit desprit parfaite, afin que leur entendementpuisse raisonner plus librement dans la solitude, etplacer plus haut ses efforts, car sils ne sont clairs

    dun rayon de la lumire divine, ils ne pntrerontjamais les arcanes de la vrit de cette science.

    6Les Alchimistes qui nappliquent leurs pensers qu decontinuelles sublimations, distillations, rsolutions,conglations ; qu extraire de diffrentes manires lesesprits et les lixirs, et bien dautres oprations plussubtiles quutiles, qui les engagent dans autantderreurs diverses, se mettent au supplice pour leurseul plaisir ; jamais ils ne feront rflexion par leurpropre gnie sur la simple voie quemprunte la Nature,et jamais un rayon de Vrit ne viendra les clairer et

    les guider. Cette trop laborieuse subtilit les carte dela vrit, et submerge leur esprit dans des embarras,pareils aux Syrtes. Toute lesprance qui leur reste, cestde trouver un bon guide et un prcepteur fidle, qui,les ayant retirs de ces tnbres, leur fasse apercevoir lapure clart du Soleil de la vrit.

    7Un dbutant en cette tude, sil se sent dou dun espritclairvoyant, dun jugement solide et arrt, duneinclination ltude de la philosophie, particulirement celle de la Physique ; sil a, de plus, le cur pur, lesmurs bonnes, et sil est, en outre, troitement uni

    Dieu mme sil nest pas vers dans la Chimie quil entre nanmoins dans la voie royale de la Nature,quil lise les livres des plus fameux auteurs en cettescience, quil cherche un compagnon qui ait comme lui

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    lesprit juste et soit galement port dinclination ltude, et ensuite, quil ne dsespre point de russiren son dessein.

    8Que celui qui recherche ce secret se garde bien de lalecture, et de la conversation des faux Philosophes. Car

    il ny a rien de plus dangereux ceux qui embrassentquelque science que le commerce dun ignorant, oudun fourbe, qui veut faire passer pour des principesauthentiques ses principes faux, par lesquels un espritsincre et de bonne foi devient imbu dune doctrinemauvaise.

    9Que celui qui aime la vrit ait peu de livres entre lesmains, mais des meilleurs et des plus fidles ; quiltienne pour suspect tout ce qui est facile comprendre,particulirement en ce qui concerne les noms qui sontmystrieux, et tout ce qui concerne les oprations

    secrtes. Car la vrit est cache sous ces voiles, etjamais les Philosophes ncrivent plus trompeusementque lorsquils semblent crire trop ouvertement, ni plusvritablement que lorsquils cachent ce quils veulentdire sous des termes obscurs.

    10Parmi les auteurs les plus clbres qui ont crit le plussubtilement, et le plus vridiquement, sur les secrets dela Nature et de la Philosophie occulte, Herms(Trismgiste) et Morien, entre les Anciens, semblent, mon avis, tenir le premier rang ; parmi les nouveaux,Bernard le Trvisan, et Raymond Lulle, pour lequel jai

    une vnration plus grande que pour tous les autrescar, ce que ce Docteur trs subtil a omis, personnedautre ne la dit. Que lon explore donc, et quon lisesouvent son Premier Testament, et aussi son Codicille,comme si lon devait en retirer un legs de grandevaleur. Qu ces deux volumes, on ajoute les deuxPratiques du mme auteur, ouvrages dont on peut tirertout ce que lon dsire, particulirement lauthenticitde la matire (premire), le degr du feu, et en gnraltout le rgime pour laccomplissement du Grand-uvre ; et cest (prcisment) ce en quoi les Anciens,dans le dessein de nous cacher le secret, ont t tropobscurs et trop rticents. Certes, on ne trouvera nulle

    part ailleurs dmontres plus fidlement et plusclairement les causes caches des choses, et lesmouvements occultes de la Nature. Il traite peu, dansses ouvrages, de leau premire des Philosophes ; maisle peu quil dit de cette eau mystrieuse est trssignificatif.

    11Touchant donc cette eau limpide que beaucoupcherchent, et que peu rencontrent, bien quelle soitfamilire, soffrant tout le monde et servant tout lemonde, qui est la base de louvrage philosophique, ungentilhomme Polonais anonyme, non moins pleindrudition que de vivacit desprit, et dont le nomnanmoins a t indiqu par deux anagrammes qui enont t faites, en a parl dans sa Nouvelle Lumire

    Chimique, dans sa Parabole Enigmatique, et mmedans son Trait du Soufre, assez au long et fortsubtilement : il en a dit tout ce qui pouvait sen dire, siclairement quon ne peut rien souhaiter de plus.

    12Les philosophes sexpriment plus librement et plus

    significativement par des caractres et des figuresnigmatiques, comme par un langage muet, que pardes paroles : tmoin la table de Senior, les peinturesallgoriques du Rosaire, et, dans Nicolas Flamel, lesfigures dAbraham Juif ; et, parmi les uvresmodernes, les emblmes secrets du trs docte MichelMaer, dans lesquels les mystres des Anciens sont siclairement rvls et dvoils quils en sont comme deslunettes neuves, qui nous feraient paratre proche denos yeux, et de la manire la plus lumineuse, la vritantique et recule par lintervalle de plusieurs annes.

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    Celui qui assure que le secret de la Pierre Philosophalesurpasse les forces de la Nature et de lArt, celui-l, dis-je, est entirement aveugle, car il ignore le Soleil et laLune.

    14LA MATIRE DE LA PIERRE.

    Les philosophes, sous un langage vari, ont ditnanmoins la mme chose en ce qui concerne lamatire de cette Pierre ; de sorte que plusieurs, qui nese ressemblent point en paroles, tombent daccordcependant sur la chose elle-mme. Leur faon de parler,pour tre discordante, ne laisse pour autant aucune

    tache de fausset ou dambigut notre Science : vuquune mme chose peut tre exprime en plusieurslangues, nonce de diverses faons, reprsente pardes effigies diffrentes, et mme, sous divers aspects,elle peut tre nomme tantt dune faon, tantt duneautre.

    15Quon prenne donc garde la signification diverse desmots. Car les Philosophes ont coutume dexpliquerleurs mystres par des dtours trompeurs, et sous destermes douteux, et mme le plus souvent,contradictoires en apparence, afin de protger par desembarras et des voiles ltude de ces vrits, mais nonpour les falsifier ni pour les dtruire. Cest pour cetteraison que leurs crits sont pleins de mots ambigus,dont le sens est quivoque. Certes, ils nont pas de plusgrand soin que de dissimuler leur rameau dor, qui estcach, comme dit le Pote, dans les retraites secrtesdune sombre fort, laquelle est toute environne devallons qui y font rgner des tnbres ternelles ; et quirsiste quelque force que ce soit. Il se laisse arracherseulement celui qui pourra reconnatre les oiseauxmaternels, et vers qui deux colombes, venant du ciel,dirigeront leur vol.

    16Celui qui cherche lart de perfectionner et de multiplierles mtaux imparfaits hors des mtaux eux-mmes,

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    chemine dans lerreur. Car il faut chercher dans lanature des mtaux lespce mtallique, comme danslhomme celle de lhomme, et dans le buf celle dubuf.

    17LART ET LA NATURE.

    Il faut confesser que les mtaux ne peuvent semultiplier par linstinct et par les forces de la seulenature ; que, cependant, la vertu de multiplier estcache dans la profondeur de leur substance ; et quelleest manifeste et mise en vidence par le secours delart, dont la nature a besoin en cet ouvrage. Car lun etlautre sont requis pour le mener bien.

    18Les corps les plus parfaits sont dous aussi dunesemence plus parfaite ; ainsi, sous la dure corce desmtaux les plus parfaits est cache galement unesemence plus parfaite. Si quelquun sait len tirer, il

    peut se vanter quil est dans le bon chemin : dans lorest la semence de lor, bien quelle soit cache dans saracine, et dans la profondeur de sa substance, plusfortement que dans les autres mtaux.

    19Quelques Philosophes ont dit que leur ouvrage taitcompos du Soleil et de la Lune seulement ; quelquesautres ajoutent Mercure au Soleil, dautres veulent quece soit du soufre et du mercure ; quelques-unssoutiennent que le sel de la nature, ml aux deuxderniers nomms, noccupe pas un moindre rang dansluvre. Or, tous ces Philosophes, bien quils aient crit

    que leur Pierre tait produite, tantt partir duneseule chose, tantt de deux, de trois, de quatre ou decinq, nanmoins, dans leur langage divers, nont tousquune mme intention et quun mme but.

    20Pour nous, afin de lever toutes ces embches et cespiges, et pour parler sincrement de bonne foi, nousassurons que louvrage entier saccomplit parfaitementgrce deux corps seulement, savoir le Soleil et laLune dment prpars. Car la Nature effectue avec cesdeux corps une vritable gnration naturelle, avec lesecours de lart, par lintervention de laccouplemententre le mle et la femelle, do procde une lignebeaucoup plus noble que ses parents.

    21Or il faut que ces (deux) corps soient vierges et noncorrompus, vivants et anims, et non pas morts commeceux dont le vulgaire se sert : car comment peut-onattendre la vie de choses mortes ! On appellecorrompues les choses qui ont dj souffert lacopulation, et mortes celles qui, martyrises par laviolence du feu, ce tyran du Monde, ont rendu lmeavec le sang : fuis donc ce fratricide qui, dans toute la

    conduite de louvrage, cause ordinairement de grandsmaux.

    22Le Soleil est le mle du Grand-uvre, car cest lui quidonne la semence active et informante ; la Lune est lafemelle, qui est aussi nomme la matrice et le vaisseaude la Nature, parce quelle reoit en elle la semence dumle, et la fomente au moyen de son menstrue.Nanmoins elle nest pas entirement prive de vertu

    active ; car cest elle qui, la premire, furieuse etaiguillonne par lamour, assaille le mle, et se mleavec lui, jusqu ce quelle ait satisfait ses amoureuxdsirs, et quelle en ait reu la semence fconde ; et ellene se dsiste pas de ltreindre, jusqu ce quen tantengrosse, elle se retire tout doucement.

    23Par le nom de la Lune, les Philosophes nentendent pasla Lune vulgaire, laquelle dans leur ouvrage est mle,et fait dans laccouplement la fonction de mle. Quonne soit pas malavis au point de faire ainsi une alliancecriminelle et contre nature de deux mles et quonnattende aucune ligne dun tel accouplement. Maisque ladepte joigne en un mariage lgitime, avec laformule dusage, Gabritius Bia, le frre et la sur,afin quil puisse en natre un glorieux fils du Soleil.

    24Ceux qui disent que le soufre et le mercure sont lamatire de la pierre, comprennent par le soufre le Soleilet la Lune vulgaire, et par le mercure la Lune desphilosophes. Ainsi le pieux Lulle parlant sans fard etsans dguisement, conseille son ami, de noprerpour largent quavec le Mercure et la Lune, et pourlor, avec le Mercure et le Soleil.

    25Que lon ne se trompe donc point, en ajoutant deuxun troisime, car lamour ne souffre point decompagnon et de tiers, et le mariage saccomplitseulement entre deux : lamour que lon cherche au-del ntant plus un mariage, mais un adultre.

    26Nanmoins, lamour spirituel ne pollue point lavirginit : Bia a donc pu sans crime, avant de donnersa foi Gabritius, avoir contract un amour spirituel,

    afin den devenir plus vigoureuse, plus blanche et pluspropre aux choses du mariage.

    27La procration des enfants est la fin dun mariagelgitime. Or, afin que lenfant en naisse plus robuste etplus gnreux, il faut que les deux poux soient nets detoute lpre et de toute tache, avant que dentrer dans lelit nuptial ; et il faut quil ny ait en eux rien dtrangerou de superflu, parce que dune semence pure, procdeune gnration galement pure. Par ce moyen, le chastemariage du Soleil et de la Lune sera parfaitement bienconsomm lorsquils seront monts sur le lit damour,

    et quils se seront mls. Celle-ci reoit de son marilme par ses caresses, et lissue de leuraccouplement, il nat un Roi trs puissant, dont le preest le Soleil, et la Lune, la mre.

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    28Celui qui cherche la teinture philosophique en dehorsdu Soleil et de la Lune, perd son huile et sa peine. Carle Soleil fournit une teinture trs abondante en rougeur,comme la Lune en blancheur. Ces deux corps sont lesseuls que lon nomme parfaits, parce quils sont pleinsde la substance dun soufre trs pur, parfaitement

    mond par lindustrie ingnieuse de la nature. Teinsdonc ton mercure avec lun ou lautre de ces deuxluminaires, car il est ncessaire quil soit teint aupralable, afin que lui-mme puisse teindre.

    29LES MTAUX PARFAITS.

    Les mtaux parfaits contiennent en eux deux chosesquils peuvent communiquer aux imparfaits, savoir lateinture et la fixation. Car pour autant quils sont teintsdun soufre pur, cest--dire dun soufre blanc, et dun(autre) rouge, et quils sont fixs, autant leur teinture

    teint parfaitement, et ils fixent aussi parfaitement tantbien prpars avec leur propre soufre et leur proprearsenic. Autrement, ils nont pas la facult de multiplierleur teinture.

    30Parmi les mtaux parfaits, le mercure est le seul qui soitpropre recevoir la teinture du Soleil et de la Lune et sen imprgner, dans louvrage de la Pierrephilosophale ; afin quen tant pleinement imbus, ilspuissent teindre suffisamment les autres mtaux.Nanmoins, il doit tre au pralable imprgn etpntr de leur soufre invisible, afin dtre plus

    abondamment imbu de la teinture visible de ces corpsparfaits, et quil puisse la communiquer avec usure.

    31Cependant, la foule des philosophes transpire et setorture extraire la teinture de lor lui-mme. En effet,ils croient que la teinture se spare du Soleil, et quunefois spare, on peut en augmenter les vertus. Maisenfin, lesprance trompe les laboureurs avec des pisvides .

    Car il ne peut se faire que la teinture du Soleil se spareaucunement de son corps naturel, cause de laperfection de celui-ci, nul corps lmentaire plus

    parfait que lor nayant t faonn par la nature, laquelle procde de lunion forte et insparable de sonsoufre tant pur que teignant avec son mercure, lun etlautre tant pour cela parfaitement prpars par lanature, qui ne permet pas que lart puisse les sparerdune vraie sparation. Si lon tire par la violence dufeu, ou celle des eaux corrosives, un peu de liqueurpermanente du Soleil, il faut croire que lon obtient uneportion de son corps liqufi par force, et non lasparation de la teinture. Car toute teinture suit soncorps, et ne sen spare jamais. Cest l une illusion delart inconnue aux artisans eux-mmes.

    32Mme si lon accorde que la teinture est sparable deson corps, il faut avouer cependant que cette sparation

    ne peut pas soprer sans la corruption du corps lui-mme, et celle de la teinture ; vu que lon violente lor,ou bien par le feu de fusion, ce destructeur de laNature, ou bien par les eaux fortes, qui rongent pluttquelles ne dissolvent. Cest pourquoi il fautncessairement que le corps dpouill de sa teinture etde sa toison dor devienne en quelque sorte une chose

    vile et comme un poids inutile pour le dsespoir delartisan, sa teinture toute corrompue ayant moins deforce pour oprer.

    33Que ces philosophes-l jettent donc leur teinture dansle mercure, ou dans nimporte quel autre corpsimparfait, et quils les unissent aussi troitement queles forces de lart le permettent, ils seront cependantpar deux fois frustrs de leur espoir : dabord parcequils exprimenteront que cette teinture ne pntrerani ne teindra ce corps, ce qui serait au-dessus des forceset du poids de la nature ; ce pourquoi, ils ne recevront

    par ce moyen aucun gain dont ils puissent rparer ladpense et labjection du corps ainsi dpouill. Ainsique le dit le proverbe : la pauvret mortelle crotlorsque le travail est perte . De plus, cette teinturetrangre applique un corps tranger ne lui donnerapas la fixation et la permanence parfaites ncessaires ce quil puisse soutenir la touche, et rsister lpreuvede Saturne.

    34Quils changent donc tout de suite de route, et quilsmnagent mieux leur temps et leur dpense, lestudiants de lalchimie qui se sont laisss mener

    jusqu prsent par les vagabonds et les imposteurs ;quils sappliquent avec zle un ouvrage vraimentphilosophique, afin quils ne soient point sages troptard comme les Phrygiens, et ne soient point forcs desexclamer avec le Prophte (Ose, VII) : des trangersont dvor le fruit de ma force .

    35Plus de travail et plus de temps semploient dansluvre philosophique quil ne sy fait de dpenses.Car il reste peu de frais soutenir celui qui possde lamatire convenable. Cest pourquoi ceux qui tchentdaccaparer de grandes sommes dargent, et placent

    dans les dpenses le plus difficile secret de luvre,montrent plus de confiance en la bourse dautrui quenleur savoir propre. Que lapprenti trop crdule se gardedonc de ces voleurs, car lorsquils promettent desmontagnes dor, ils ne font que des embches votreor : ils rclament quun Soleil marche devant eux, parcequeux-mmes dambulent dans les tnbres.

    36LE MERCURE PHILOSOPHIQUE.

    De mme que ceux qui naviguent entre Charybde etScylla risquent le naufrage aussi bien ici que l, de

    mme ils ne sont pas menacs dun moindre pril, ceuxqui, aspirant la conqute de la Toison dor, flottententre les quivoques du soufre et du mercure desPhilosophes, ces deux cueils. Les plus perspicaces, par

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    la lecture assidue des auteurs les plus graves et les plussincres, et par la lumire dun rayon du Soleil, ontacquis la connaissance du soufre, mais ils sont restssuspendus au seuil du mercure des Philosophes. Carles auteurs en ont parl avec tant de dtours et demandres, et lont appel de tant de noms ambigus,quon le dcouvre plutt par une imptuosit desprit,

    et sans y penser, que lorsquon le cherche force deraison et de sueur.

    37Pour immerger plus profondment leur mercure dansles tnbres, les philosophes lont fait multiple, et enchaque partie et chaque rgime du Grand uvre, ilsapportent le mercure, qui cependant est toujoursdiffrent. Ainsi nen obtiendra jamais la connaissanceparfaite quiconque ignorera lune des parties deluvre.

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    Les philosophes ont reconnu principalement troissortes de mercure : savoir, aprs que soit accomplie laprparation du premier degr, et la sublimationphilosophique, ils appellent alors cette matire leurmercure ou mercure sublim.

    39Secondement, dans la seconde prparation, que lesauteurs nomment la premire (parce quils omettent lapremire), le Soleil tant redevenu cru et dissous en sapremire matire, ils appellent cette matire ainsi crueou dissoute, le mercure des corps, ou des Philosophes.Alors cette matire sappelle (aussi) Rebis ou Chaos, ou

    Monde entier, parce que tout ce qui est ncessaire pourluvre sy trouve et quelle suffit seule pour faire lapierre philosophale.

    40Enfin, ils appellent quelquefois mercure desPhilosophes, llixir parfait et la mdecine teignante,quoique de manire impropre, car le nom de mercurene convient qu ce qui est volatil (cest pourquoi toutce qui se sublime quelque stade de louvrage que cesoit, ils lappellent aussi mercure) ; mais llixir, parcequil est trs fixe, ne doit pas tre appel du simplenom de mercure. Aussi lont-ils appel leur mercure,

    la diffrence du volatil. La voie droite pour tudier etdiscerner tant de mercures des Philosophes ne semontre vraiment qu ceux-l, que chrit le justeJupiter, ou quune ardente vertu a levs jusquauxdeux .

    41Llixir sappelle mercure des Philosophes, cause desa ressemblance et de sa grande conformit avec lemercure cleste ; car celui-ci, bien que priv desqualits lmentaires, est nanmoins trs propre lesinfluer : ce Prote versatile emprunte et accrot lanature et le gnie des diverses plantes, raison delopposition, de la conjonction, ou de laspect. Llixirambigu opre de mme, car nayant aucune qualitparticulire, il embrasse la qualit et la nature de la

    chose laquelle il se mle, et en multiplie les vertus etles qualits dune faon merveilleuse.

    42Dans la sublimation philosophique du mercure, oupremire prparation, un travail dHercule incombe(aussitt) celui qui travaille. En effet, sans Alcide,

    Jason et tent en vain son expdition en Colchide. Alun des princes de montrer la toison dore du clbreblier, comme sil pouvait lenlever ; lautre desoulever un tel fardeau !

    Car le seuil est gard par des btes cornes furieuses,qui cartent, non sans dommages, ceux quisapprochent tmrairement. Seuls les insignes deDiane, et les colombes de Vnus adouciront leurfrocit, si les destins ty appellent.

    43Le Pote semble avoir voulu dcrire la qualit naturellede la terre philosophique et la manire de la cultiver,

    lorsquil chante un sol gras que de forts taureauxretournent aussitt, ds les premiers mois de lanne et la glbe dsagrge qui se dissout grce auzphyr .

    44Celui qui dsignera la Lune des philosophes ou lemercure des Philosophes comme tant le mercurevulgaire, ou bien trompe sciemment (autrui), ou bien setrompe lui-mme. En effet, Geber nous enseigne que lemercure des Philosophes est bien en vrit un vif-argent, non cependant le vulgaire, mais celui qui en estextrait par le savoir philosophique.

    45Lexprience confirme lopinion des plus gravesphilosophes, selon laquelle leur mercure nest pas, danstoute sa nature et dans toute sa substance, le vif-argentvulgaire, mais quil en est lessence la plus centrale et laplus pure qui puisse en tirer son origine, et tre cre partir de lui.

    46On nomme le mercure des Philosophes de diffrentsnoms ; tantt on lappelle terre, tantt on lappelle eau,pour divers motifs, et surtout parce quil est composnaturellement de lune et de lautre. Cette terre estsubtile, blanche, sulfureuse : les lments y sont fixes etlor philosophique y est ltat de semence. Tandis queleau est une eau-de-vie, cest--dire ardente,permanente, extrmement limpide, quon appelle aussieau de lor et de largent. Le mercure dont il estquestion ici, parce quil contient encore son soufre, quise multiplie par le moyen de lart, peut aussi sappelersoufre de vif-argent. Enfin cette substance si prcieuseest la Vnus des anciens, lhermaphrodite doue desdeux sexes.

    47Le vif-argent est en partie naturel, et en partieartificiel : sa part intrinsque et occulte a sa racine dansla nature, et ne se peut tirer que par une purification

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    pralable, et une sublimation faite avec science. La partintrinsque est trangre la nature et accidentelle.Spare donc le pur de limpur, la substance desaccidents, et rends manifeste ce qui tait cach par lesvoies de la nature, ou bien dsiste-toi entirement. Cartel est le premier fondement de lart et de toutlouvrage.

    48Cette liqueur sche et trs prcieuse constitue lhumideradical des mtaux ; cest pourquoi quelques ancienslont appele verre. Car le verre se tire de lhumideradical, qui adhre opinitrement aux cendres deschoses et qui ne cde qu la violence dun feuextrme ; cependant notre mercure naturel et central semanifeste grce au feu trs bnin, quoique assez longde la nature.

    49Les uns par la calcination, les autres par la sublimation,

    quelques-uns par le moyen de vases vitrifiants,dautres dentre le vitriol et le sel, comme dentre sesvaisseaux naturels, ont voulu obtenir la terrephilosophique et latente. Dautres ont enseign quilfallait sublimer la chaux et le verre (dans le mme but).

    Mais nous, nous avons appris de la bouche duProphte que Dieu, au commencement, cra le ciel et laterre, que la terre tait strile et dserte, que lestnbres taient sur la face de labme et que lesprit deDieu tait port au-dessus des eaux ; et que Dieu ditque la lumire soit, et que la lumire fut ; et que Dieuvit la lumire, qui tait bonne et quil spara la lumiredes tnbres, etc. La bndiction qui fut donne Joseph, rapporte par le mme Prophte J, ce sera assezpour le sage : sa terre tirera sa bndiction de Dieu, elledevra lhommage de sa fcondit aux fruits du ciel, larose, et aux eaux de labme ; cest aux fruits du Soleilet de la Lune, aux sommets des montagnes antiques,aux fruits des collines ternelles quelle rendra tribut.Prie donc Dieu de tout ton cur, mon fils, afin quil tedonne une portion de cette terre bnie.

    50Le vif-argent est tellement infect par le dfaut et levice de son origine, quil en garde deux tracesremarquables. La premire, il la contracte parlimpuret de la terre qui sest mle sa gnration, etqui continue y adhrer par la conglation. Lautre,pareille une hydropisie, est une maladie deau entrechair et cuir, qui provient dune eau grasse et impuremlange la limpide, et que la nature na pas pupuiser et sparer par contraction ; cependant, parcequelle est trangre, elle svapore la moindrechaleur. Cette lpre qui infeste le corps du mercure negt ni dans sa racine, ni dans sa substance, mais elle estaccidentelle : cest pour cela quelle sen sparefacilement. Limperfection terrestre sen va grce unbain et un lavage humide. Limperfection aqueuse

    sen va grce un bain sec, avec le secours du feubnin de la gnration. Ainsi par une triple ablution etpurgation, le dragon dpouill de ses cailles ancienneset de sa peau rugueuse se renouvelle.

    51La sublimation philosophique du mercure saccomplitpar deux moyens, en faisant sortir ce qui est superflu,et en faisant entrer ce qui manquait ; les chosessuperflues sont les accidents externes qui voilentltincelant Jupiter de la sombre sphre de Saturne. tedonc cette corce livide de Saturne, jusqu ce que

    lastre pourpre de Jupiter brille tes yeux. Ajoutes-y lesoufre de la nature, dont le mercure possde dj ungrain, et comme un ferment, dont il contient autantquil lui en faut ; mais fais aussi en sorte quil y en aitautant quil en faut pour les autres. Multiplie donc cesoufre invisible des philosophes, jusqu ce que le laitde la Vierge en soit exprim : alors souvre toi lapremire porte.

    52Un dragon digne des Hesprides garde la porte dujardin des Philosophes, lentre duquel une fontainedune eau trs limpide, jaillissant de sept fissures,spanche tout autour. Il faut faire boire le dragon danscette fontaine jusquau nombre magique de trois foissept, et il faut le faire boire jusqu ce que, devenu ivre,il se dpouille sa peau cailleuse. Puissent tre propicesles divinits de Vnus lumineuse et de Diane cornue.

    53Trois espces de trs belles fleurs doivent trecherches et trouves au fond de ce jardin desphilosophes : des violettes rouge vif, un lys blanc etlamarante pourpre et immortelle. Non loin de lafontaine du seuil, les violettes printanires seprsenteront dabord toi, et tant arroses par descanaux dun large fleuve dor, prendront la couleurtrs nette dun saphir peine obscur : le Soleil tendonnera des prsages. Tu ne cueilleras point ces fleurssi prcieuses jusqu ce que tu aies compos la Pierre,car, cueillies frachement, elles ont plus de suc et deteinture ; ce moment-l, arrache-les avec soin, dunemain adroite et ingnieuse ; en effet, si les destins nyfont point obstacle, elles suivront facilement, et unefleur tant arrache, il en natra aussitt une autre saplace. Pour le lys et lamarante, il faudra plus de soin etun plus long travail.

    54Les philosophes ont aussi leur Mer, o sengendrent depetits poissons gras, qui brillent en cailles dargent. Silon sait les prendre et les envelopper dans un filetdli, on sera tenu pour un pcheur trs expert.

    55La Pierre des philosophes se trouve dans desmontagnes trs anciennes et coule de ruisseauxternels. Ces montagnes sont dargent, et ces ruisseauxsont dor. Cest de l que proviennent et lor et largentet tous les trsors des rois.

    56Quiconque voudra trouver la Pierre des philosophesdevra entreprendre un long voyage. Il lui est en effet

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    ncessaire daller visiter les deux Indes, afin denrapporter des pierres trs prcieuses, et un or trs pur.

    57Les philosophes tirent leur pierre de sept autres pierres,dont les principales sont dune nature et dune vertuopposes : lune donne le soufre invisible, lautre le

    mercure spirituel ; celle-ci communique la chaleur et lascheresse, lautre la froideur et lhumidit. Ainsi, parleurs moyens, les forces des lments sont redoubleset multiplies dans la Pierre. La premire se trouvedans lOrient, la seconde dans lOccident. Lune etlautre ont la facult de teindre et de multiplier, et si laPierre philosophale nen puise sa premire teinture, ellene teindra, ni ne multipliera.

    58PRATIQUE.

    Prenez la Vierge aile aprs quelle aura t trs bienlave, purifie et engrosse de la semence spirituelle

    dun premier mle, restant nanmoins encore vierge etimpollue, bien quelle soit enceinte. Tu la dcouvriras ses joues teintes dune couleur vermeille ; allie-la, etaccouple-la un second mle (sans que pour autantelle doive tre souponne dadultre) de la semencecorporelle duquel elle concevra nouveau. Ensuite elleenfantera une ligne vnrable, qui sera de lun et delautre sexe, et o prendra son origine une raceimmortelle de Rois trs puissants.

    59Ayant parfaitement purg lAigle et le Lion, renferme-les dans leur enclos transparent, et accouple-les, ayant

    troitement ferm le vestibule, et en prenantsoigneusement garde que leur haleine ne sen exhaleou quun air tranger ne sy insinue. Dans leur saillie,laigle dchirera et dvorera le lion et sera saisie ensuitedun long sommeil, puis devenue hydropique parlenflure de son estomac, elle se changera grce unemerveilleuse mtamorphose en un corbeau trs noir,qui, dployant petit petit ses ailes, commencera voler et dans son vol fera tomber leau des nuages,jusqu ce que, mouill plusieurs fois, il quitte de lui-mme ses plumes, et retombant en bas se change en uncygne trs blanc. Que ceux qui ignorent les causes deschoses, admirent cela dans leur tonnement, enconsidrant que le monde nest rien dautre quunemtamorphose continuelle ; quils admirent commentles semences des choses, lorsquelles sont parfaitementdigres, se changent en blancheur parfaite. Et que lephilosophe imite la Nature dans son uvre.

    60LES MILIEUX ET LES EXTRMES.

    Pour donner la forme et la perfection ses ouvrages, laNature y procde de telle sorte quelle conduit la chosedepuis le commencement de la gnration jusquaudernier terme de la perfection par divers milieux,

    comme par divers degrs. Elle parvient donc sa fin et son but petit petit et par degrs plutt que parinterruptions et par bonds, en limitant et en renfermantson ouvrage entre deux extrmes distincts, et spars

    par plusieurs milieux. Or, la pratique philosophique,qui doit imiter la nature dans la marche de sonouvrage, et dans la recherche de la Pierre, ne doit pointscarter de la voie et de lexemple de la Nature : cartout ce qui se fait hors de ses routes, constitue uneerreur ou lapproche de lerreur.

    61Les deux extrmes de la pierre sont le vif-argentnaturel et llixir parfait. Et les milieux par lesquelsseffectue tout le progrs de louvrage, sont de troissortes ; car, ou bien ils regardent la matire, ou bien lesoprations, ou bien les signes dmonstratifs. Sur cesextrmes et ces milieux roule tout laccomplissement deluvre.

    62Quant aux milieux matriels, ou qui concernent lamatire de la pierre, il y en a divers degrs ; car les unsse tirent successivement des autres. Les premiers sont

    le mercure, sublim philosophiquement, et les mtauxparfaits. Bien que ceux-ci soient les derniers danslopration de la nature, ils tiennent lieu de milieuxdans lopration philosophique. De ces premiers sonttirs les seconds, savoir les quatre lments, qui sonttour tour circulaires et fixes ; de ces seconds, en sontencore issus les troisimes, savoir les deux sortes desoufre, dont la multiplication est le terme du premierrgime de louvrage. Les quatrimes et derniersmilieux sont les ferments et les onguents, avec leurpoids et leur proportion justes, qui sont produitssuccessivement dans louvrage de llixir par lemlange des premiers. Enfin, du rgime parfait de

    toutes ces choses, se cre llixir parfait, qui est ladernire tape et le terme de tout luvre, o la Pierredes Philosophes se repose comme en son centre, et dontla multiplication nest rien quun bref renouvellementdes oprations susdites.

    63Les milieux qui regardent lopration ou le rgime (etqui sont galement nomms les cls de luvre) sontpremirement la dissolution ou liqufaction ;deuximement, lablution ; troisimement, larduction ; quatrimement, la fixation. Par laliqufaction, les corps sont rendus leur premire

    matire, qui est fluide ; les choses cuites redeviennentcrues, et alors (vient) laccouplement du mle et de lafemelle, do sengendre le corbeau ; et enfin la Pierre,par cette mme liqufaction, retourne en ses quatrelments, ce qui se produit par le mouvementrtrograde des luminaires. Lablution enseigne blanchir le corbeau, et changer Saturne en Jupiter, cequi se fait par la conversion du corps en esprit. Lafonction de la rduction est de rendre lme la Pierremorte et inanime, et de la nourrir dun lait de rose,tout spirituel, jusqu ce quelle ait pris vigueur. Dansces deux dernires oprations, le Dragon se faitviolence lui-mme, et se dvorant la queue, il seconsume et spuise totalement, et enfin se change en laPierre. En dernier lieu, lopration de la fixation fixe lesdeux soufres dans leur corps : ceux-ci tant fixs, elle

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    cuit graduellement, au moyen de lesprit qui est lemdiateur des teintures, cette fermentation ; elle mritce qui est cru, et adoucit ce qui est amer. Enfin, llixirfluide, en pntrant et en lchant, engendre,perfectionne, et apporte le suprme degr de sublimitet dexcellence.

    64Les milieux qui concernent les signes dmonstratifs,sont les couleurs qui apparaissent successivement et enordre dans la matire, et qui en indiquent les affectionset les passions, dont trois sont tenues pour lesprincipales et critiques (quelques-uns en admettent unequatrime). La premire, cest la noire, qui est appelela tte de corbeau, cause de lextrme noirceur quiarrive avec elle dans la matire ; son crpuscule et sablancheur dfaillante indiquent le commencement delaction du feu de la nature, ou le commencement de ladissolution ; mais sa nuit la plus noire indique laperfection de la liqufaction et de la confusion des

    lments. Alors le grain commence pourrir et secorrompre, afin dtre plus propre la gnration. A lacouleur noire succde la blanche, o gt la perfectiondu premier degr, celle du soufre blanc. Alors, cest lce quon appelle la pierre bnie : cest la terre blanche etfeuillete dans laquelle les Philosophes sment leur or.La troisime couleur est la couleur citrine, qui seproduit quand le blanc passe au rouge, et qui estcomme un intermdiaire entre ces deux couleurs, tantmle de lune et de lautre, et pareille laurore auxcheveux dors, cette avant courrire du Soleil. Laquatrime couleur, rouge ou sanguine, se tire de lablanche par le feu seul. Or, la blancheur, parce quelle

    est facilement altre par toute autre couleur,commence aussi seffacer et passer ds que laurorecommence y natre. Et la rougeur sombre accomplitlouvrage du soufre solaire, qui sappelle la semencemasculine, le feu de la pierre, la couronne royale, le filsdu Soleil, et dans lequel se termine le premier travail deloprateur.

    65Outre ces signes essentiels et dcisifs, qui adhrentradicalement la matire, et en indiquent leschangements les plus importants, il y a encore uneinfinit dautres couleurs apparentes et trompeuses, quise font voir dans les vapeurs, comme larc-en-ciel dansles nues, et se dissipent aussitt, seffaant pour laisserplace dautres, qui sont plutt dans lair que dans laterre. Loprateur ne doit pas se mettre beaucoup enpeine de celles-l, dautant quelles ne sont paspermanentes, et ne sont pas issues de la dispositionintrinsque de la matire, mais du feu, qui peint etcolore son gr lhumide subtil, par hasard mme ;bien que ce soit leffet de sa chaleur.

    66Nanmoins, quelques-unes de ces couleurs trangres,quand elles surviennent hors du moment propice,prsagent louvrage quelque chose de sinistre. Ainsi,sa noirceur ritre : il ne faut jamais souffrir quaprsque les petits des corbeaux aient quitt leurs nids, ils y

    retournent. Ou encore, une rougeur qui vient trop vite,car cette couleur-l ne doit apparatre quune fois, etseulement la fin, car alors elle fait concevoir une sreesprance de moisson. Si elle rougit la matire plutt,elle est un signe de grande scheresse, ce qui ne va passans un pril que seul le Ciel, en rpandant une pluiesoudaine, peut dtourner.

    67LES DIGESTIONS DE LA PIERRE.

    Par digestions successives, comme par degrs, la Pierrephilosophale acquiert de nouvelles forces, et enfin sonentire perfection. Louvrage saccomplit par quatredigestions, qui rpondent et conviennent aux quatreoprations et rgimes susdits, dont le feu est lauteur, etle matre : cest lui qui y fait et y introduit toutes lesdiffrences grce auxquelles nous les avonsdistingues.

    68

    La premire digestion opre la dissolution du corps, aucours de laquelle a lieu le premier accouplement dumle et de la femelle, le mlange de leurs deuxsemences, la putrfaction et la rsolution des lmentsen une eau homogne, lclipse du Soleil et de la Luneen la tte du Dragon. Enfin, par elle, le monde retourne lancien chaos et labme tnbreux. Cette premiredigestion sopre comme celle qui a lieu dans lestomacpar un temps de chaleur cuisante et dbilitante, qui estplus propre la corruption qu la gnration.

    69Pendant la seconde digestion, lesprit de Dieu vole au-

    dessus des eaux : la lumire commence paratre et leseaux commencent se sparer des eaux. Le Soleil et laLune se renouvellent, les lments sont tirs du chaos,afin que mlangs avec proportion par la vertu delesprit qui les gouverne, ils puissent refaire un mondenouveau ; un nouveau ciel et une nouvelle terre seforment. Ensuite tous les corps deviennent spirituels ;les petits des corbeaux ayant chang de plumescommencent devenir colombes ; laigle et le lionsembrassent dun nud ternel. Cette rgnration dumonde se fait par le moyen dun esprit de feu quidescend en forme deau et efface le pch originel : carleau des philosophes est le feu mme, quand elle estmue et leve par la chaleur du bain. Mais prenezgarde que la sparation des eaux ne se fasse selon leurpoids et leur mesure, de peur que celles qui restentsous le ciel ne noient la terre, ou que celles qui sontemportes au-dessus le ciel ne la laissent aride. Quune eau trop avare nimprgne pas ici le sablestrile ! (Virgile.)

    70La troisime digestion donne la terre qui vient dtrerenouvele un lait de rose, et lui communique toutesles vertus spirituelles de la quintessence ; elle lie au

    corps lme vivifiante par lentremise de lesprit. Alorsla terre possde en elle un riche trsor, et devientdabord semblable la Lune blouissante, puis auSoleil rougeoyant : elle est dite dabord terre de Lune,

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    puis terre de Soleil, car elle nat, dans un cas commedans lautre, du mariage de lun et de lautre. Ni luneni lautre terre ne craignent plus les rigueurs du feu, cartoutes deux sont exemptes de toute tache, parcequelles ont t purifies plusieurs fois de leur tare parce feu (mme), et en ont souffert un grave martyre,jusqu ce que tous les lments aient t digrs

    ensemble.71

    La quatrime digestion est la consommation de tous lesmystres du monde : par elle, la terre tant change enun trs excellent ferment, fait lever elle-mme tous lesautres corps changs en un corps parfait, parce quellea pass en la nature cleste de la quintessence, de sorteque sa vertu inspire par lesprit de lunivers est lapanace et la mdecine gnrale de toutes les maladiesde toutes les cratures. Le fourneau secret desphilosophes te dcouvrira ce miracle de la nature et delart par des digestions renouveles du premier rgime

    de louvrage. Sois juste dans tes uvres, afin que Dieute soit propice, sans quoi le labourage de ta terre seravain, car cette moisson ne rpondra pas aux vux dupaysan avare .

    72Tout le processus de luvre philosophique nest riendautre que solution et conglation. La solution est ducorps, la conglation, de lesprit, mais lopration delun et de lautre est une. Or le fixe et le volatil semlent et sunissent parfaitement dans lesprit, ce quine pourrait se faire, si dabord le corps fixe navait tdissous et rendu volatil. Par la rduction, le corps

    volatil se fixe en un corps permanent, et la naturevolatile passe en une nature fixe, tout comme la fixetait devenue volatile. Mais tout autant que les natureserrent confuses, mme dans lesprit, cet esprit qui leurest ml nest pas pur et garde une nature moyenneentre le corps et lesprit, le fixe et le volatil.

    73La gnration de la Pierre se fait lexemple de lacration du monde. En effet, il faut quelle ait dabordson chaos et sa matire premire, dans laquelle leslments confus flottent jusqu ce que lesprit de feules spare ; que des lments spars les plus lgers

    soient ports en haut, et les plus lourds en bas ; que lalumire une fois ne, les tnbres reculent ; enfin queles eaux se rassemblent, et quapparaisse la terre sche.Alors deux grands luminaires mergentsuccessivement, et dans la terre philosophique sontproduites les vertus minrales, vgtales et animales.

    74Dieu cra Adam du limon de la terre, dans lequeltaient entes les vertus de tous les lments,principalement celles de la terre et de leau quiconstituent surtout la masse sensible et corporelle.Dans cette masse, Dieu souffla un souffle de vie, et lavivifia du Soleil de lesprit saint ; au mle il donna Evepour femme, et les bnissant, il leur donna le prcepteet la facult de se multiplier. La gnration de la Pierre

    philosophale nest pas dissemblable de la crationdAdam : car il se forme dabord un limon composdun corps terrestre et pesant, dissous par leau, et quipour cela a mrit le nom clbre de terre adamique ;toutes les qualits et les vertus des lments sytrouvent. Puis une me cleste lui est infuse parlesprit de la quintessence et linflux du Soleil, et enfin,

    grce la bndiction et la rose du ciel, la vertu dese multiplier linfini, par le moyen de laccouplementdes deux sexes, lui est communique.

    75Le grand secret de louvrage tient la faon doprer,qui consiste tout entire dans le parfait rgime deslments. Car il faut que la matire de la pierre passedune nature en une autre : les lments en sont tirssuccessivement et rgnent tour tour. Or chaquelment est sans cesse agit par les cercles de lhumideet du sec, jusqu ce que toutes choses, tant digrespar cette circulation, se reposent et prennent leur place.

    76Dans louvrage de la Pierre, les autres lmentscirculent sous la figure de leau, parce que la terre estrsolue en eau, dans laquelle se trouvent tous les autreslments : leau est sublime en vapeur, la vapeurretombe en eau. Ainsi leau est agite par un cercleinfatigable, jusqu ce que, devenue fixe, elle cesse sonagitation, et prenne sa place infrieure. Quand elle estdevenue fixe, tous les autres lments le deviennentavec elle. Ainsi ils se mlent tous en elle, ils sont attirspar elle, ils vivent avec elle, et meurent en elle. La terreest donc leur tombeau commun et leur terme dernier.

    77Lordre de la nature demande que toute gnrationcommence par lhumide et se fasse dans lhumide.Donc, dans louvrage de la Pierre philosophale, laNature doit tre rduite en un ordre tout semblable. Desorte quil faut que la matire de la pierre, qui estterrestre, compacte et sche, soit dissoute avant toutechose, et quelle scoule en llment de leau, qui estle plus proche delle ; et alors Saturne sera engendrpar le Soleil.

    78

    A leau agite par sept tours ou rvolutions, succdelair, qui doit lui aussi circuler par autant de cercles etde rductions, jusqu ce quil se fixe et se dpose, etque Saturne tant chass, Jupiter se saisisse desinsignes et du gouvernement du Royaume. Par sonavnement, lenfant philosophique est form et nourridans la matrice, et il vient ensuite au jour avec une faceblanche et une teinte sereine, semblable la splendeurde la Lune.

    79Enfin, le feu de la Nature, qui aide les lments dansleurs fonctions, de cach quil est devient manifeste, ytant excit et provoqu par un feu ( lui-mme)interne. Alors le Safran teint le Lys, la rougeur se mle la blancheur sur les joues de lenfant devenu plus

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    robuste, et lon prpare une couronne au Roi futur.Telle est la consommation du premier rgime delouvrage, et lachvement de la circulation deslments, dont un signe apparat quand toutes chosesdeviennent sches, et que le corps vide desprit gtabattu, priv de pouls et de mouvement. Ainsi la Terretient enfin dans le repos tous les autres lments.

    80Le feu ent sur la Pierre est le matre qui prside laNature : il est le fils du Soleil, et son lieutenant, quimeut et digre la matire. Et cest lui qui, en elle,achve et perfectionne tout, sil russit obtenir lalibert : car y tant cach sous une corce dure, il napoint de forces. Procure-lui donc la libert, afin quilpuisse te servir. Mais prends garde de trop le presser,car ne pouvant supporter la tyrannie, il schapperaitsans te laisser aucun espoir de retour. Attire-le donctout doucement en le flattant, et aprs lavoir attir,conserve-le avec beaucoup de prudence.

    81Le premier moteur de la Nature est le feu externe,modrateur du feu interne et de tout louvrage. Que lePhilosophe en connaisse donc bien le rgime, quil enobserve les degrs et les points, car de lui dpend lesalut ou la ruine de luvre. Ainsi lart vient au secoursde la nature, et le philosophe est ladministrateur delun et de lautre.

    82Par ces deux instruments de lart et de la nature, laPierre slve doucement avec beaucoup dadresse, de

    la Terre vers le Ciel, et du Ciel redescend vers la Terre,parce que la Terre est sa nourrice, et que, porte danssa matrice, elle reoit la fois la force des chosessuprieures et des choses infrieures.

    83LES ROUES ET LES CERCLES.

    La circulation des lments se fait par deux sortes deroues, la majeure (ou tendue) et la mineure (outroite). La roue tendue fixe dans la Terre tous leslments, et son cercle ne sachve pas sans quelle soitvenue bout de louvrage entier du soufre. Larvolution de la roue mineure se termine parlextraction et la prparation de chaque lment. Or,dans cette roue, il y a trois cercles, qui, par un certainmouvement ingal et confus, agitent la matireincessamment et diversement, et font tourner chaquelment plusieurs fois, et au moins sept. Ces cercles sesuccdent nanmoins en ordre et tour tour : et ils sonttellement bien accords entre eux, que si lun dfaille,cest en vain que les deux autres travaillent. Ce sont lles instruments de la Nature par lesquels les lmentssont prpars. Que le Philosophe considre donc leprogrs de la Nature tel que je lai dcrit cette fin plusau long dans mon trait de Physique.

    84Chaque cercle a son mouvement propre. Lesmouvements de ces cercles se produisent lendroit de

    lhumide et lendroit du sec, et ils sont tellementenchans les uns aux autres, quils ne produisent tousensemble quune opration, et ne font quun seulconcert avec la Nature. Deux dentre eux sont opposs,tant par leurs termes qu raison de leurs causes, et deleurs effets : car lun, en desschant, meut la matirevers le haut par la chaleur, lautre, en humectant, la

    meut vers le bas par le froid. Le troisime cercle, quireprsente le repos et le sommeil, cause la cessation desdeux autres, en digrant (la matire) par unetemprature parfaite.

    85De ces trois cercles, le premier est lvacuation, dont lerle est de bannir lhumide superflu de la matire, etden sparer le pur, le net et le subtil des lies grasses etterrestres. Or, dans le mouvement de ce cercle, peuventnatre de grands inconvnients et de graves dangers,parce quil concerne des choses toutes spirituelles, etquil rend exubrante la Nature.

    86En faisant mouvoir ce cercle, il y a deux chosesauxquelles il faut prendre garde. La premire, quil nesoit pas m trop prement, et lautre, quil ne le soit pasplus longtemps quil nest ncessaire. Le mouvementprcipit cause dans la matire une confusion telle quela portion paisse, impure et indigeste, et le corps quinest pas encore bien dissous, senvolent avec lesprit,et svaporent avec ce qui est dissous, pur et subtil. Parce mouvement prcipit, les natures terrestre et clestesont confondues, et lesprit de la quintessence,corrompu par le mlange de la terre, perd sa pointe et

    devient dbile. Tandis que par un mouvement troplong, la terre, trop vide de son esprit, devienttellement languissante et sche, quelle ne peut plustre facilement rpare et rendue sa temprature.Lune et lautre fautes brlent les teintures, et les fontmme svanouir.

    87Le second cercle, cest la restauration, dont le rle estde rendre par la boisson des forces au corps pantelantet dbile. Le premier cercle a t un organe de sueur etde travail ; celui-ci est un organe de rafrachissement etde consolation. Il agit en ptrissant et en ramollissant la

    terre, la faon des potiers, afin quelle se mle mieux.

    88Il faut que le mouvement de ce cercle soit plus lgerque le mouvement du premier, principalement dans lecommencement de sa rsolution et de son tour, de peurque les petits des corbeaux ne soient submergs dansleur nid par le regorgement des eaux, et que le mondenaissant ne soit englouti par le dluge. Ce cercle estcelui qui pse leau et qui en examine la mesure, car ille distribue par la raison et la proportion gomtriques.A la vrit, il ny a presque point de plus grand secretdans toute la pratique de louvrage, que le mouvementjuste et quilibr de ce cercle ; car cest lui qui informelenfant philosophique, et lui insuffle lme et la vie.

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    89Les lois du mouvement de ce cercle sont quil tournelentement et par degrs, et quil rpande (lhumide)avec retenue, de peur que sil tait trop prcipit, il nesloigne de sa juste mesure, et que le feu, tant naturelquent, qui est larchitecte de tout louvrage, une foisrecouvert par les eaux ne perde sa vigueur, ou mme

    ne steigne. Il faut aussi que la nourriture solide et laliquide soient prises tour tour, afin que la digestion sefasse mieux, et que la proportion du sec et de lhumidesoit plus parfaite, car leur liaison indissoluble est la finet le corps de louvrage. Prends garde donc de mettreautant dhumide lorsque tu arroses, quil ne sen estconsum dans la chaleur de lvacuation, afin que larestauration, qui est corroborative, restitue autant deforces perdues que lvacuation dbilitante en auraenleves.

    90Le troisime cercle, qui est la digestion, agit par unmouvement tacite et insensible. Cest pourquoi lesphilosophes disent quil saccomplit dans un fourneausecret. Elle cuit la nourriture quelle a reue et lachange en parties homognes du corps ; cest pourquoion lappelle putrfaction parce que, comme lanourriture dans lestomac, elle est corrompue avant depasser dans le sang et les parties similaires. De mmecette opration broie laliment par une chaleur cuisanteet stomacale, et la putrfie en quelque sorte afin quellese fixe mieux et passe de la nature du mercure celledu soufre. On lappelle aussi inhumation, parce quelesprit est par elle inhum et enseveli comme un mort

    dans la terre. Parce quelle agit fort lentement, elle abesoin dautant plus de temps. Les deux premierscercles travaillent surtout dissoudre, et celui-ci congeler, bien que tous oprent lun et lautre.

    91Les lois de ce cercle veulent quil soit m par unechaleur de fumier trs lente et nanmoins subtile, afinque les lments volatils ne senfuient pas et quelesprit ne soit pas troubl, au moment de saconjonction trs troite avec le corps. Tout se passealors dans un loisir parfaitement tranquille. Cestpourquoi il faut surtout prendre garde que la terre ne

    soit trouble par aucun vent ni aucune pluie. Enfin ilfaut que ce troisime cercle succde sur le champ etdans son ordre toujours au second, comme le second aupremier. Ainsi par des travaux interrompus et par desdtours, ces trois cercles errants accomplissent uneseule et entire circulation, qui rpte plusieurs foisconvertit toute chose en terre et met la paix entre lesennemis.

    92La nature use du feu, de mme que lart son exemple,comme dun instrument et dun marteau pour forgerleurs ouvrages. Donc, dans les oprations de lune et de

    lautre, le feu est matre et magistrat. Cest pourquoi laconnaissance des feux est par-dessus tout ncessaire un philosophe, sans quoi, comme un autre Ixion, il

    tournera en un vain travail la roue de la nature laquelle il est attach.

    93Le nom de feu est homonyme parmi les philosophes,car il se prend quelquefois par mtonymie pourchaleur, et ainsi il y a autant de feux que de chaleurs.

    Dans la gnration des mtaux et des vgtaux, lanature reconnat un triple feu, savoir le cleste, leterrestre et le greff. Le premier coule du Soleil commede sa source dans le sein de la terre : il meut lesfumes ou vapeurs du mercure et du soufre, desquellessont crs les mtaux, et se mle elles ; il excite le feugreff dans les semences des vgtaux, o il dort, et luiajoute de petits feux pareils des perons, pourdvelopper la vgtation. Le second feu est cach dansles entrailles de la terre : par son impulsion et sonaction, les vapeurs souterraines sont pousses en hautpar des pores et de petits tuyaux, et chasses du centrevers la surface du sol, aussi bien pour la composition

    des mtaux, l o la terre est comme enfle, que pour laproduction des vgtaux, en putrfiant, en amollissant,et en prparant pour la gnration leurs semences.Quant au troisime, qui est engendr du premier, cest--dire du feu solaire, dans la fume vaporeuse desmtaux, stant ml dans leur menstrue, il forme uneconcrtion avec cette matire humide et y demeurecomme retenu prisonnier par force, ou plutt il y estattach comme la forme du mixte. Il demeure l, entdans les semences des vgtaux, jusqu ce qutantsollicit et mu par les rayons paternels, il agite etinforme la matire intrieure, et devienne ainsi lesculpteur et lconome du mixte tout entier. Mais dans

    la gnration des animaux, le feu cleste coopre aussiinsensiblement avec lanimal, car il est le premier agentdans la nature. La chaleur de la femelle rpond lachaleur terrestre, lorsquelle putrfie, fomente etprpare la semence ; mais le feu ent dans la semenceest le fils du Soleil, qui dispose la matire, et layantdispose, linforme.

    94LE TRIPLE FEU.

    Les Philosophes ont observ un triple feu dans lamatire de leur uvre : le feu naturel, le non naturel,

    et le contre nature. Ils appellent feu naturel cet espritde feu tout cleste qui est ent et gard dans laprofondeur de la matire, et qui lui est trs troitementattach. cause de la force du mtal, il devient hbtet inerte, jusqu ce quexcit par lartificephilosophique et une chaleur externe, il obtienne salibert et recouvre en mme temps la facult de semouvoir. Car alors, en pntrant, en dilatant et encongelant, il informe enfin la matire humide. Or, dansquelque mixte que ce soit o ce feu naturel soit ml, ily est le principe de la chaleur et du mouvement. Ilsappellent feu non naturel celui qui, attir dailleurs etsurvenant du dehors, a t introduit dans la matire

    par un artifice admirable, de sorte quil augmente etmultiplie les forces du feu naturel. Mais ils appellentfeu contre nature celui qui putrfie les corps composs,et qui corrompt le temprament de la Nature. Celui-ci

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    est imparfait, parce que trop faible et insuffisant pourla gnration, il ne peut pas franchir les bornes de lacorruption. Tel est le feu, ou la chaleur, du menstrue.Nanmoins, cest de manire impropre quon lui donnele nom de feu contre nature, puisquil est plutt enquelque sorte conforme la nature, aprs la formespcifique : il corrompt en effet la matire, mais de telle

    sorte quelle soit dispose la gnration.95

    Cependant, il est croyable que le feu corrupteur, quonappelle contre nature, ne soit autre que le feu naturel,mais seulement au premier degr de sa chaleur, carlordre de la nature requiert que la corruption prcdela gnration. Le feu naturel donc, conformment auxlois de la nature, fait lune et lautre, en excitant deuxsortes de mouvements tour tour dans la matire. Lepremier est un mouvement lent de corruption, suscitpar une chaleur dbile, pour amollir et prparer lecorps. Lautre mouvement est celui de la gnration,

    plus vigoureux et plus fort, excit par une chaleur plusviolente, afin danimer et dinformer pleinement lecorps dj dispos par le premier. Deux sortes demouvements se font donc, deux degrs diffrents dechaleur, du mme feu. Et il ne faut pas penser pourautant quil y ait deux sortes de feu, mais avecbeaucoup plus de raison, il faut donner le nom de feucontre nature celui qui dtruit par la violence.

    96Le feu non naturel se convertit par des degrssuccessifs de digestion en le feu naturel, quil augmenteet multiplie. Tout le secret consiste en la multiplication

    du feu naturel, qui ne peut seul, par ses propres forces,ni agir ni communiquer une teinture parfaite aux corpsimparfaits ; car il se suffit seulement lui-mme, et napas de quoi donner du sien. Mais, multipli par le feunon naturel qui abonde merveilleusement en vertu demultiplier, il agite avec beaucoup plus de force etstend bien au-del des bornes de la nature, teignantet perfectionnant les corps trangers et imparfaits, parle moyen de la teinture quil a suce, et de ce feuprcieux qui lui a t ajout.

    97Les philosophes appellent aussi leur eau un feu, parce

    quelle est souverainement chaude et pleine dun espritde feu. Aussi la nomment-ils encore eau de feu : car ellebrle et consume les corps des mtaux parfaits plusque le feu ordinaire. Cette eau les dissout parfaitement,alors mme quils rsistent notre feu, sans pouvoiraucunement tre dissous par lui. Pour cette raison, elleest aussi appele eau ardente. Or ce feu de teinture estcach dans la racine et dans le centre de leau, o il semanifeste par deux sortes deffet, savoir par ladissolution du corps et par la multiplication.

    98La nature se sert de deux sortes de feu dans louvragede la gnration, dun interne et dun autre externe. Lepremier, ou feu naturel, qui gt dans les semences deschoses et dans les mixtes, est cach dans leur centre,

    do il meut et vivifie le corps, en tant que principe dumouvement et de la vie. Mais lautre, ou feu tranger,soit quil vienne du ciel, soit quil parte de la terre,rveille le premier, qui est comme enseveli dans lesommeil, et le pousse agir ; car les petits feux vitauxqui sont empreints dans les semences, ont besoin dunmoteur externe afin de pouvoir eux-mmes se mouvoir

    et agir.99

    Il en va de mme dans louvrage philosophique ; car lamatire de la pierre possde son feu intrieur etnaturel, qui est en partie augment et accru dun feuexterne et tranger, grce la science philosophique.Ces deux feux sunissent et sallient fort bienintrieurement, dautant quils sont conformes ethomognes : linterne a besoin de lexterne, que lephilosophe lui ajoute selon les prceptes de lart et de lanature ; celui-ci provoque celui-l au mouvement. Cesfeux sont comme deux roues, dont celle qui est cache

    se meut plus vite ou plus lentement, selon la maniredont elle est pousse et incite par celle qui estmanifeste. Et ainsi lart vient au secours de la nature.

    100Le feu interne tient le milieu entre le feu externe, sonmoteur et sa matire. De l vient que, de mme quil estm par celui-l, il meut pareillement celle-ci, et que silen est pouss avec vhmence ou avec modration, ilopre de la mme manire dans sa matire. Enfin,linformation de tout louvrage dpend de la mesuredu feu externe.

    101Celui qui ignorera les degrs et les points dans lergime du feu externe, quil nentreprenne paslouvrage philosophique. Car jamais il ne tirera lalumire des tnbres, sil ne sait conduire si bien leschaleurs, quelles ne passent dabord par les moyennes,ainsi quil en va dans les lments, dont les extrmes nese convertissent quen passant par les moyens.

    102Parce que tout louvrage consiste dans la sparation etdans la parfaite prparation des quatre lments de lapierre, il est ncessaire quil sy trouve autant de degrs

    de feu, quil y a dlments, car chacun sobtient grce un degr de feu qui lui est propre.

    103Ces quatre degrs de feu sappellent le feu du bain, lefeu des cendres, le feu de charbon, et le feu de flamme,lequel sappelle aussi le feu de rverbration(opteticus). Or chaque degr possde ses points, aumoins deux, et quelquefois trois ; car il faut rgir le feupetit petit, et par points, soit quon laugmente, soitquon le diminue, afin qu limitation de la nature, lamatire parvienne peu peu et par degrs soninformation et son accomplissement ; car il ny a riende si contraire la nature que ce qui est violent. Que lephilosophe se propose donc pour objet de saconsidration, lapproche ou lloignement lent du

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    Soleil, qui nous verse la chaleur peu peu selon lebesoin des saisons, et qui tempre ainsi toutes choses,conformment aux lois de lUnivers.

    104Le premier point de la chaleur du bain sappellechaleur de la fivre, ou chaleur du fumier. Le second

    point, simplement chaleur du bain. Le premier pointdu second degr du feu, cest la chaleur simple descendres, le second point, cest la chaleur du sable. Maisles points du feu de charbon et du feu de la flammenont point de nom particulier ; ils se distinguent grce lentendement, selon quils sont plus ou moinsviolents ou modrs.

    105On ne trouve quelquefois que trois degrs de feu chezles Philosophes, savoir le feu du bain, le feu descendres et le feu ardent, qui comprend le feu decharbon et le feu de la flamme. Le feu de fumier est

    aussi quelque fois distingu de degr davec le feu dubain. Ainsi les auteurs, par une faon diffrente deparler, enveloppent souvent dans les tnbres lalumire du feu des Philosophes, car la connaissance dufeu passe parmi eux pour lun des principaux secrets.

    106Dans luvre au blanc, comme on ne tire que troislments, on na besoin que des trois premiers degrsde feu, car le dernier, cest--dire le feu de la flamme,est rserv au quatrime lment qui achve luvreau rouge. Par le premier degr, se fait lclipse du Soleilet de la Lune. Au second, la lumire de la Lune

    commence lui tre rendue. Par le troisime, la Luneretrouve la plnitude de sa clart, et au quatrime, leSoleil est lev au sommet suprme de la gloire. Quelon donne donc, et que lon administre le feu chacune de ces parties selon la raison et la rglegomtrique, de sorte que lagent rponde ladisposition du patient, et que leurs forces soientgalement en balance rciproque.

    107Les Philosophes ont toujours eu grand soin de cacher laconnaissance de leur feu, de sorte quils nen parlentpresque jamais ouvertement, mais nous lindiquent

    plutt par la description de ses qualits et de sesproprits que par son nom, lappelant tantt arien,vaporeux et humide, tantt sec et clair, et tenant de laNature des Astres, dautant mieux quil se peutaugmenter ou diminuer facilement par degr selon lavolont de loprateur. Celui qui voudra avoir uneconnaissance plus parfaite du feu la trouvera dans lesouvrages de (Raymond) Lulle, qui dcouvre aux espritssincres les secrets de la pratique, avec beaucoupdingnuit.

    108LA PROPORTION.

    Quant au conflit de laigle et du lion, il en est parldiversement chez les auteurs. Comme le lion est le plusrobuste de tous les animaux, il faut plusieurs aigles

    pour en venir bout. Quelques-uns disent quil en fauttrois pour le moins, ou mme davantage, et mmejusqu dix. Moins il y en a, plus la victoire est disputeet tardive, mais mesure quil y en a beaucoup, la luttedure moins, et le lion est plus tt dchiquet. Mais quelon prenne le nombre de sept aigles, qui est le pluschanceux, selon Lulle, ou celui de neuf, en suivant

    Senior.109

    LES VAISSEAUX.Il y a deux sortes de vaisseaux, dans lesquels lesPhilosophes font cuire leur ouvrage : lun est levaisseau de la nature, lautre celui de lart. Le vaisseaunaturel, que lon appelle aussi vaisseau philosophique,est la terre mme de la pierre, qui est comme la femelleet la matrice o est reue la semence du mle, o elle seputrfie, et o elle reoit la prparation pour lagnration. Quant aux vaisseaux artificiels, il en est detrois sortes, puisque le secret se cuit dans autant de

    vaisseaux.

    110Le premier vaisseau artificiel est fait dune pierretransparente, ou dun verre ptrifi. QuelquesPhilosophes en ont cach la forme et la figure sous unedescription nigmatique, en disant quil est compostantt de trois et tantt de deux pices, cest--dire delalambic et de la cucurbite, et pour quil soit composde trois, ils y ajoutent un couvercle.

    111Plusieurs auteurs ont invent divers noms pour

    exprimer une multiplicit de vaisseaux qui seraientncessaires louvrage philosophique, les appelant dediffrentes manires selon la diversit des oprations,afin de nous en dissimuler le secret. Car ils ont appelles uns vaisseaux dissoudre, les autres vaisseaux putrfier, distiller, sublimer, calciner, et autresdnominations semblables.

    112Mais en parler franchement et sans supercherie, unseul vaisseau artificiel suffit pour tirer et obtenir lesdeux sortes de soufre, et un pour llixir : car ladiversit des digestions ne rclame pas une diversit devaisseaux. Il faut mme prendre bien garde que lon nechange ou que lon nouvre les vaisseaux jusqu la findu premier ouvrage.

    113Il faut que la forme du vaisseau de verre soit rondedans la cucurbite, ou bien ovale. Il faut que son col soithaut au moins dune paume, ou davantage ; quil soitassez large au commencement, mais quil, aille en sertrcissant vers louverture, la manire dune fiole. Ilfaut quil ne comporte point dasprit ou dingalit,mais quil soit partout dune paisseur gale, afin de

    pouvoir rsister un feu long et aigu. La cucurbitesappelle borgne parce quon la bouche et quon la luteexactement sur son pourtour avec le sceau hermtique,

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    de peur que rien dtranger ny entre, ou que lesprit nesen chappe.

    114Il faut que le second vaisseau artificiel soit de bois, faitdun tronc de chne coup en deux hmisphresconcaves, o il faut fomenter luf des Philosophes

    jusqu ce quil produise son poussin. Voyez ce sujetla Fontaine du Trvisan.

    115Les praticiens ont appel leur fourneau le troisimevaisseau, parce quil contient les autres vaisseaux, oest toute la matire de leur uvre. Les philosophes ontaussi tch de nous en dissimuler le mystre et lesecret.

    116LATHANOR.

    Ce fourneau, qui est le gardien et le dpositaire de tous

    les mystres de louvrage, a t appel athanor ouimmortel, cause du feu perptuel quil conserve. Carcest en lui quon entretient un feu continuel, quoiqueparfois ingal, pour le rgime de louvrage. Il faut eneffet que ce feu soit tantt plus grand et tantt pluspetit, selon la quantit de la matire et la capacit dufourneau.

    117La matire du fourneau se fait de brique cuite, oudune terre grasse comme largile, parfaitement broye,et prpare avec du fumier de cheval o on mlera ducrin, afin quelle nclate ni ne se fende sous leffet

    dune longue chaleur. Les murailles latrales de cefourneau doivent tre de lpaisseur de trois ou quatredoigts, afin quils puissent retenir la chaleur, et aussimieux lui rsister.

    118La forme du fourneau doit tre ronde, et sa hauteurintrieure de deux pieds environ. On doit placer aumilieu une lame de fer ou dairain, galement ronde, delpaisseur du dos dun couteau, qui occupe presque lalargeur intrieure du fourneau. Nanmoins elle doittre un peu plus troite, et nen doit point toucher lesmurailles, mais tre appuye sur trois ou quatrebroches de fer jointes aux murailles. Il faut aussi quellesoit toute troue lentour, afin que la chaleur passe travers, et entre les flancs du fourneau et les bords decette grille. Et il faut pratiquer dans les flancs, tant au-dessous quau-dessus de la grille, de petites portes, afinde pouvoir allumer le feu par celle den bas, etconnatre la temprature de la chaleur par celle dudessus. A lopposite de celle-ci, il faut faire une petitefentre de forme rhombode, garnie dun verre, afinquen y approchant lil, on puisse apercevoir lescouleurs que la lumire place en face fera apercevoir.Que lon mette sur le milieu de cette grille un trpied

    portant le vaisseau. Enfin il faut entirement couvrir etboucher le fourneau, en btissant tenons autour deses flancs, une vote faite de la mme matire de

    brique cuite : il faut aussi clore fort bien la petite portedu dessus, de peur que la chaleur ne sexhale.

    119Tu as l tout ce qui est ncessaire au premier ouvrage,dont la fin est la gnration des deux soufres. Voicicomment tu parviendras leur composition et leur

    perfection.(Rgle.) Prends un Dragon roux, gnreux etbelliqueux, ayant toute sa force native. Prends ensuitesept ou neuf aigles gnreuses et vierges, dont lavivacit du regard ne smousse point aux rayons duSoleil. Place ces oiseaux avec le Dragon dans uneprison claire et bien ferme, sous laquelle il fautallumer le bain, afin quils soient excits au combat parcette tide vapeur. Et bientt ils se livreront une longueet rude bataille, jusqu ce que, vers le quarantimejour, les aigles commencent dchirer la bte, laquelleen mourant souillera toute la prison dune bave noireet venimeuse, dont les aigles, tant contamines, seront

    contraintes de mourir. De la putrfaction de cescadavres, il sengendrera un corbeau, qui petit petitdressera la tte, et, la chaleur du bain une foisaugmente, commencera tendre ses ailes et voler :il rdera longtemps pour tcher de trouver quelquefate, grce aux vents et aux nuages qui sy soulveront,mais prends bien garde quil nen trouve pas. Enfin,blanchi par une pluie lente et longue et par la rose duciel, il se changera en cygne tincelant (de blancheur).Que la naissance du Corbeau soit pour toi la preuve dela mort du Dragon. En blanchissant le corbeau, tires-enles lments, et distille-les selon la forme dans lordreprescrit, jusqu ce quils soient fixes dans leur terre, etdeviennent une sorte de poussire trs blanche, trssubtile, et trs dlie. Ceci fait, tu possderas ce que tudsires, en ce qui regarde luvre au blanc.

    120Si, passant outre, tu veux obtenir luvre au rouge,ajoutes-y llment du feu, qui manque luvre aublanc, sans remuer aucunement le vaisseau, et, le feutant peu peu renforc par ses points, presse lamatire jusqu ce que ce qui tait cach deviennemanifeste. Un indice en est quand la couleur citrinecommence apparatre. Ragis le feu du quatrime

    degr par ses points, jusqu ce quavec laide deVulcain, il naisse du Lys des ross empourpres, etenfin lamarante teinte dune sombre rougeur de sang.Mais ne cesse point de rveiller le feu par le feu,jusqu tant que tu voies la matire sachever en descendres trs rouges et impalpables. Que cette pierrerouge exalte ton esprit continuer encore plus loin,sous les auspices de la Sainte Trinit.

    121LELIXIR.

    Ceux qui ignorent les secrets de la Nature et de lArt,croyant quils ont men leur ouvrage jusquau bout et

    ont accompli tous les prceptes du secret, lorsquils onttrouv le soufre, se trompent fort. En vain tenteront-ilsla projection. Car la pratique de la Pierre ne peut treacheve que par deux oprations, dont la premire est

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    la cration du soufre ; mais la seconde, cest laconfection de llixir.

    122Le soufre des Philosophes est une terre trs subtile, trschaude et trs sche, dans la racine et le centre delaquelle le feu naturel se cache et se multiplie

    merveilleusement. Cest pour cette raison quon aappel ce soufre ou cette terre le feu de la pierre. Car ila en lui la vertu douvrir et de pntrer les corps desmtaux, et de les convertir en son temprament, et deproduire son semblable : de l vient quil est pris pourle Pre, et la semence masculine.

    123Afin que nous ne laissions rien en arrire sans enparler, quon sache que, de ce premier soufre, il senengendre un second, et quil se multiplie ainsi jusqula fin. Que le sage garde donc bien cette mine ternellede feu cleste. Car de la mme matire dont sengendre

    le soufre, il se multiplie aussi avec la mme, en ajoutantune petite portion du soufre susdit dans la matire quelon veut multiplier, condition toutefois que cela sefasse avec pondration et mesure. Quon aille lire lereste dans Lulle, et quil suffise ici de lavoir indiqu.

    124Llixir se compose de trois sortes de matire, savoirune eau mtallique, ou un mercure sublim, ainsi quila t dit, un ferment blanc ou rouge selon lintention deloprateur, et de la matire du deuxime soufre, le toutpris avec pondration et mesure.

    125Dans llixir parfait se rencontrent cinq qualitsparticulires et ncessaires, qui sont dtre fusible,permanent, pntrant, teignant et (se) multipliant. Ilemprunte la qualit de teindre et de fixer au ferment,celle de pntrer au soufre, celle dtre fusible au vif-argent, qui est un milieu par lequel les teintures, savoir celles du ferment et celles du soufre, se joignentet sunissent. Quant la vertu de multiplier, elle lui estverse et communique par lEsprit de la quintessence.

    126Les deux mtaux parfaits donnent aussi une teinture

    parfaite, parce quils sont teints du pur soufre de lanature. Quon ne cherche donc point dautres fermentsdes mtaux ailleurs quen ces deux corps. Teins doncton lixir blanc et rouge avec la Lune et le Soleil, car lemercure en reoit le premier la teinture, et layantreue, la communique.

    127En composant llixir, prends garde de ne pasconfondre les ferments, et de ne pas les mler lun pourlautre, car chaque lixir veut tre avec son fermentspcial et particulier, et avec ses propres lments. Carnaturellement les deux luminaires ont leur soufrediffrent, et leurs teintures distinctes.

    128Le second ouvrage se cuit dans un vaisseau pareil ouidentique, dans le mme fourneau, et avec les mmesdegrs de feu que le premier, mais il sachve en bienmoins de temps que le premier.

    129

    Il y a trois humeurs dans la pierre, quil faut extrairesuccessivement : savoir laqueuse, larienne et laradicale. Tout le soin et tout le travail de loprateurconcernent lhumeur, et dans louvrage de la pierre, ilne circule pas dautre lment. Car il faut avant toutechose que la terre soit rsolue en humeur, et quelle seliqufie. Quant lhumeur radicale, qui passe pour unfeu, elle est la plus gluante et la plus opinitre detoutes, parce quelle est comme ligote, au centre de laNature et de la substance, dont elle ne se spare pasfacilement. Tire donc ces trois humeurs par leurs roues,peu peu et successivement, par dissolution etconglation. Par la ritration de la dissolution et laconglation, alternative et successive, saccomplit eneffet la roue tendue (cf. ci-dessus, ch. 83) et sachvetout luvre.

    130La perfection de llixir consiste en lunion troite et lemariage indissoluble du sec et de lhumide, de sortequils ne se sparent jamais : si bien quil faut que le secscoule en une matire humide par la moindrechaleur, et devenue inaltrable toutes les violences dufeu. Cest une marque de sa perfection si, en en jetanttant soit peu sur une lame de fer ou dairain chauffeau rouge, il y coule sans fumer.

    131Prends trois livres de terre rouge, ou ferment rouge,deau et dair, autant de lun que de lautre le double,mle bien et broie toutes ces choses, les rduisant en unamalgame qui devienne comme du beurre, ou commeune pte mtallique, de sorte que la terre soit tellementramollie quelle ne se sente pas sous les doigts. Ajoutes-y une livre et demie de feu, et fais digrer ces chosesdans leur vaisseau bien bouch par un feu de premierdegr, autant quil est ncessaire. Il faut ensuite tirer leslments avec ordre, chacun par leurs degrs de feu,

    lesquels par un mouvement lent seront enfin digrs etfixs dans leur terre, en sorte que rien de volatil nepourra sen chapper. Enfin la matire deviendracomme une roche claire, rouge et diaphane, dont tuprendras plaisir une partie que, jete dans un creusetsur un feu lent, tu abreuveras goutte goutte de sonhuile rouge, jusqu ce quelle fonde entirement etscoule, sans fumer. Ne crains pas quelle senfuie, carla terre, ramollie par ce doux breuvage, la retiendradans ses entrailles. Et alors garde et retiens bien cheztoi cet lixir parfait, rjouis-toi en Dieu, et sois discret.

    132

    Dans le mme ordre et par la mme mthode, on faitllixir blanc, pourvu quon se serve seulement dans sacomposition des lments blancs. Car son corps tantcuit et achev, deviendra pareillement comme une

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    roche blanche, resplendissante et pareille au cristal, qui,tant abreuve et imprgne de son huile blanche,deviendra fusible. Jette de lun et de lautre lixir unelivre sur dix de vif-argent lav, et tu en admirerasleffet.

    133

    Comme dans llixir, les forces du feu naturel sontmultiplies et redoubles merveilleusement, cause delesprit de la quintessence qui y est insuffl, et que lesaccidents vicieux et adhrant aux corps, qui enternissaient la puret, enveloppant ainsi dans lestnbres la vraie lumire de la Nature, en sont bannispar de longues et diverses sublimations et digestions.Cest pour cela que le feu naturel y tant commedgag de ses liens, et aid du secours des forcesclestes, agit trs puissamment, renferm quil est dansle cinquime lment. Quon ne trouve donc pastrange sil possde la vertu, non seulement deperfectionner les choses imparfaites, mais encore sil a

    la facult de se multiplier et de se perfectionner lui-mme. Or la source de la multiplication est dans lePrince des luminaires, qui par la multiplicit infinie deses rayons, engendre toutes choses en ce monde, et lesayant engendres les multiplie, en versant dans leurssemences une vertu multipliante.

    134La mthode et la voie de multiplier llixir est triple.Pour la premire, prends une livre de llixir rouge, quetu mleras dans neuf de son eau rouge, et mets le tout dissoudre dans un vaisseau appropri. Cette matiretant parfaitement dissoute et mle, coagule-la en la

    cuisant par un feu lent, jusqu ce quelle devienneferme et semblable un rubis ou une lame(mtallique) rouge, quil faut alors abreuver dhuilerouge de la manire susdite, jusqu ce quelle scoule.Ainsi tu obtiendras une mdecine dix fois plus forteque la premire, et qui pourtant se fait facilement, et enpeu de temps.

    135Pour la seconde faon, prends une portion de ton lixir volont, mlange-la avec son eau en observant lepoids et la proportion et place-la dans un vaisseau derduction bien bouch, et dissous-la dans le bain par

    inhumation. Une fois quelle est dissoute, distille-la en

    sparant les lments lun aprs lautre par leur proprefeu, en faisant quils se fixent la fin comme dans lepremier et le second ouvrage, jusqu ce quelle septrifie. Abreuve-la dhuile alors, et projette. Cette voieest la plus longue mais la plus riche, car la vertu dellixir crot au centuple, vu que plus il devient subtilpar oprations ritres, plus il reoit de forces et de

    vertus clestes et infrieures, et opre pluspuissamment.

    136Pour la troisime manire, prends une once de llixirdont les vertus ont t ainsi multiplies, et jette-la surcent de mercure lav. En peu de temps, le mercurechauff sur la braise se changera en un pur lixir dont,si tu jettes de mme une once sur cent autres du mmemercure, un Soleil trs pur en natra aussitt. Lamultiplication de llixir blanc doit se faire de la mmemanire. Cherche dautre part les vertus de cettemdecine pour gurir toutes les maladies et conserver

    la sant, ainsi que ses autres usages, dans Arnaud deVilleneuve, Raymond Lulle et autres Philosophes.

    137Le Zodiaque des Philosophes tenseignera chercherles poques de la Pierre. Car la premire opration, etle rgime pour obtenir le blanc, doit se commencerdans la maison de la Lune, et la seconde se terminerdans la seconde maison de Mercure. Mais la premireopration pour parvenir au rouge se commence dans laseconde maison de Vnus, et la dernire se termine ausecond tribunal royal de Jupiter, de qui notre Roi trspuissant recevra une couronne tresse de trs prcieux

    rubis. Cest ainsi que lanne, repassant sur ses proprestraces, recommence ses rvolutions.

    138Un Dragon trois ttes garde cette Toison dor. Lapremire tte est issue des eaux, la seconde de la terre,la troisime de lair. Nanmoins il faut que ces troisttes nen forment quune trs puissante, qui dvoreratous les autres Dragons, et alors le chemin te sera fraypour accder la Toison dor. Adieu, lecteur studieux !En lisant ce qui prcde, invoque lEsprit de la lumireternelle, parle peu, raisonne beaucoup, et jugedroitement.

    FIN

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