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Jean Guitton, dans ses pensées La pensée de l’académicien Jean Guitton habite le ciel de Champagnat. Elle virevolte depuis le Deveix, ce petit village des bords de Tardes, où l’éminent philosophe chrétien possédait une chaumière flanquée d’une chapelle et d’un cloître. C’est là qu’il repose depuis le 26 mars 1999, aux côtés de Marie- Louise, sa femme, partie un quart de siècle auparavant. Le penseur se glisse, sur la colline d’en face, dans les grandes pièces du château de Fournoux, la demeure de ses vacances d’enfant. Lorsqu’il s’est éteint, Jean Guitton, l’éternel, allait fêter, à deux ans près, son premier siècle. La pensée, nom de sa demeure, hommage bien sûr à son voisin l’auvergnat Blaise Pascal, a accueilli, au fil du temps, pape et président de la République française, ses amis Paul VI et François Mitterrand. Jean Guitton, dans sa quête de vérité, dans ses pensées de l’âme et du cœur, noircissait des pages et des pages, peignait des toiles, petites ou grandes, dans ce cher pays de Champagnat qu’il aimait tant. Matin de fin d’été, près de Champagnat. 2

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  • Jean Guitton, dans ses pensées

    La pensée de l’académicien Jean Guitton habite le ciel de Champagnat. Elle virevolte depuis le Deveix, ce petit village des bords de Tardes, où l’éminent philosophe chrétien possédait une chaumière flanquée d’une chapelle et d’un cloître. C’est là qu’il repose depuis le 26 mars 1999, aux côtés de Marie-Louise, sa femme, partie un quart de siècle auparavant. Le penseur se glisse, sur la colline d’en face, dans les grandes pièces du château de Fournoux, la demeure de ses vacances d’enfant. Lorsqu’il s’est éteint, Jean Guitton, l’éternel, allait fêter, à deux ans près, son premier siècle. La pensée, nom de sa demeure, hommage bien sûr à son voisin l’auvergnat Blaise Pascal, a accueilli, au fil du temps, pape et président de la République française, ses amis Paul VI et François Mitterrand. Jean Guitton, dans sa quête de vérité, dans ses pensées de l’âme et du cœur, noircissait des pages et des pages, peignait des toiles, petites ou grandes, dans ce cher pays de Champagnat qu’il aimait tant.

    Matin de fin d’été,  près de Champagnat.

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  • Arfeuille-Châtain, la romantique

    Des étangs, des taillis, des cultures et encore davantage de prairies. Arfeuille-Châtain voit la vie en double depuis que Arfeuille et Châtain, deux paroisses distinctes avant la Révolution, ont fusionné à une date oubliée de tous. Du coup, la commune compte deux églises et deux cimetières. Elle se targue d’un unique château bâti au XIIe siècle, cadre, 700 ans après, des amours romantiques d’un prince russe de grande lignée et de Stéphanie de La Roche-Aymon. Le père de la belle, descendant de l’une des grandes familles de la Marche, acheta, pour elle et son mari, ce domaine proche des terres familiales de Mainsat. Le couple Galitzin vécut ainsi l’hiver à Versailles et l’été à Châtain. Par la suite, plus prosaïquement, le château, acquis par un comité d’entreprise, devint une maison de repos. Depuis 2008, il accueille une trentaine d’handicapés adultes. L’église de Châtain, l’ancienne chapelle seigneuriale datant du XVIIe siècle, a été agrandie et valorisée par les époux Galitzin dont elle abrite la tombe. Des vitraux finement travaillés éclairent plusieurs statues, tout particulièrement une pietà en bois, douloureusement expressive.

    L’étang  du Genêt, commune d’Arfeuille-Châtain.

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    Le diable dans sa rigole

    Le diable rigolait au pied de son rocher. Son regard était fasciné par le cours tumultueux du Taurion qui écrivait sa légende. C’était au temps où les moines-paysans du lieu souffraient du manque d’eau pour leurs cultures. Ils rêvaient d’un canal qui aurait dévié le ruisseau de la Mazure. Alors, l’un d’eux eut l’idée insensée de faire appel à Satan qui accepta mais demanda en échange les âmes de tous les moines. Ceux-ci acquiescèrent mais en mettant une condition : que le chantier soit réalisé en une seule nuit et terminé avant que le coq annonce le nouveau jour. Pendant les travaux, le moine ingénieux se retira en compagnie du coq du monastère qu’il avait enfermé dans un placard. Le ciel s’éclaircissait et les travaux de percement du canal se terminaient lorsque les autres moines, terrorisés, alertèrent leur condisciple. Celui-ci alluma un flambeau qu’il présenta au coq qui, tiré de son sommeil, se mit à chanter. Le diable, fou de colère, donna un terrible coup de pied qui engendra le rocher du diable. C’est ainsi que l’esprit du mal a épargné le Taurion, toujours aussi espiègle. Le diable, bon joueur, aujourd’hui en rigole encore.

    La rigole du Diable,  près de Royère-de-Vassivière.

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    Ces hivers qui glacent

    Tout comme femme, neige varie. Elle s’invite parfois sur les hauteurs de Millevaches dès l’automne. Ainsi, ce 20 octobre 1974, elle pose un épais manteau d’une vingtaine de centimètres. Quelques années auparavant, de 1960 à 1972, elle s’applique à apporter, avec une régularité désarmante, ses 30 à 40 centimètres chaque hiver. Dans les villages du plateau, chacun garde en mémoire les 2� centimètres du � mai 198�. Ce fait indique que les hivers deviennent dès lors plus tardifs. Alexis Chorllon, président du Présidial de Guéret pendant toute la seconde moitié du XVIIe siècle, comme d’autres observateurs, a laissé des témoignages, attestant de la rudesse d’hivers. Ainsi, on apprend qu’en 1678-1679, la neige dissimule le sol creusois pendant deux mois, atteignant jusqu’à un mètre d’épaisseur. à la veille de la Révolution, l’hiver 1788-1789 s’avère également terrible, engendrant misère et décès, désespérant le peuple et favorisant un peu plus les événements de juillet. L’hiver gèle les rivières, les chênes parfois aussi. Il glace les hommes et les animaux.

    Paysage givré près de Soulières, commune de Gentioux-Pigerolles.

  • Guéret-la-forêt

    La forêt de Chabrières prolonge naturellement Guéret et lui confère un charme singulier. Sur quelque 2 000 hectares, elle mêle les hêtres, les chênes et les résineux, les chaos de roches, des pierres du Loup à celles de l’Érmite… Chabrières invite à une promenade qui cherche à éduquer le regard. La forêt est devenue un espace de loisirs en se prolongeant dans un labyrinthe géant où, sur 2 hectares, entre deux haies, chacun peut se perdre et se retrouver. Elle engendre, chaque année, des Forêts folies, une manifestation populaire d’envergure, bien dans l’air du temps. Le parc animalier des Monts de Guéret, avec ses loups de tout poil, est devenu le site touristique le plus couru du département. Au sommet du puy de Gaudy, les sarcophages et les vestiges de la mystérieuse muraille vitrifiée élevée par les Gaulois affleurent le sol, rappelant l’emprise de l’histoire et des époques où le loup terrorisait les villageois de Creuse et d’ailleurs.

    Hêtraie en forêt de Chabrières, sur les hauteurs de Guéret.

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    Dentelles hivernales

    Le givre, encore plus que la gelée blanche qui s’invite dans les fonds des vallées dès que l’été décline et que les nuits s’allongent, transforme les paysages, fascine le poète et le photographe. Il est là, éphémère, à la merci du premier rayon de soleil. Il porte en lui la promesse d’une belle journée. Il offre, le temps de quelques heures à peine, sa blancheur. Dans la commune de Basville, les étangs Neuf et du Moulin, les multiples sources et les ruisseaux favorisent sa formation. La fontaine miraculeuse de Saint-Alvard, sise à côté d’une petite église du XIIIe siècle, n’est pour rien dans sa magie mais soigne les maladies des yeux. Aux abords des maisons du bourg, entre château et église, la mémoire évoque l’ancienne paroisse de Saint-Alvard réunie à Basville en 1836 et redécouvre sa chapelle, le four gallo-romain de la Villatte et invite à se glisser dans les monts boisés. Le poète-musicien, Antoine Trémolières, depuis sa maison de village, distille ses compositions, comme des offrandes au bonheur.

    Petit matin de février  à la Mazière-aux-Picauds, commune de Basville.

  • Peyrudette et les trois châteaux

    Le château de Peyrudette, érigé entre Champagnat et Bellegarde-en-Marche, semble se dissimuler dans des habits d’arbres et de prairies. Il ajoute à sa stature imposante un charme d’autant plus indéniable qu’il a été rénové selon les règles de l’art par ses heureux propriétaires. Des tours massives et des souvenirs de fortification, des bâtiments ajoutés au XVIIe siècle, une chapelle… Peyrudette, bâti en bordure du ruisseau éponyme, anime d’une silhouette altière une vallée toujours verdoyante. Ses pierres portent en elles le souvenir des Saint-Julien, illustre famille de la Combraille qui se distingua sur les champs de bataille. à l’époque de Louis XI, un dicton caractérisait ainsi les grandes familles limousines : « Pompadour pompe, Ventadour vante, Saint-Georges et Saint-Julien ne leur cèdent en rien ». C’est tout dire.Champagnat, c’est aussi le château de Fournoux, celui de La Chaize, naguère propriété des comtes de la Marche, mais ruiné depuis longtemps. Le château de La Ribière, quant à lui, est parvenu à préserver une tour du XVe siècle, désormais flanquée de constructions plus récentes.

    Le château de Peyrudette, près de Champagnat.

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    L’appartenance villageoise

    Chaque village s’affirme sur son territoire dont il est la capitale. Ce royaume végétal, animal et humain, est délimité par les arbres des taillis, les landes et les parcelles relevant de maisons ayant éprouvé le besoin de se rassembler pour être plus fortes. Il en a toujours été ainsi. Mais, de nos jours, l’agriculture devenue extensive, n’a plus de limites. Les tracteurs n’ont que faire des kilomètres de bitume. Le périmètre villageois était connu et respecté par les poules, les chiens, les chats, les enfants. Des croix délimitaient l’espace et apportaient leur protection au bord des chemins. En allant d’un village à l’autre, on changeait de patois, presque de pays. Le sentiment d’appartenance relevait du patriotisme local. Du reste, n’ajoutait-on pas au prénom le nom du village pour désigner Marie de Montmaud, Louise du Chancet ou René du Monteillaud ? La pratique respectait ces femmes et ces hommes, sans les anoblir pour autant. Les arbres, qui ne sont pas nés de la dernière pluie, s’en souviennent encore.

    Hêtraie près de Laudeux-Couturier, commune de Basville.