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CHAPITRE 3 : L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL C’est à ce moment que les parties vont échanger leurs prestations. Le contrat de travail est un contrat à exécution successive. SECTION 1 : LA MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL Si un salarié pouvait exercer autrefois son emploi de la même façon tout au long de sa carrière, les modifications technologique moderne rendent de plus en plus hypothétique ce genre de situation. La question de la modification du contrat de travail pendant son exécution est aujourd’hui fondamentale. En droit commun si les parties sont d’accord elles peuvent changer le contrat de travail. Dans quelles mesures l’employeur peut-il imposer à son salarié une modification ? Cette question va recevoir une double réponse : I. La qualification de modification du contrat de travail Le droit applicable à cette question est d’origine jurisprudentiel. La jurisprudence distinguait autrefois : la modification substantielle soumise à l’accord des parties, de la modification non substantielle. Aujourd’hui on distingue entre la modification du contrat de travail et le changement des conditions de travail. Cette distinction a été adoptée par la Cour de cassation depuis plusieurs arrêts du 10 juillet 1996 de la Chambre sociale. Il s’agit de distinguer ce qui doit être soumis à l’accord des parties et d’autre

Jean Palissier

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CHAPITRE 3 : L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

C’est à ce moment que les parties vont échanger leurs prestations. Le contrat de travail est un contrat à exécution successive.

SECTION 1 : LA MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL

Si un salarié pouvait exercer autrefois son emploi de la même façon tout au long de sa carrière, les modifications technologique moderne rendent de plus en plus hypothétique ce genre de situation. La question de la modification du contrat de travail pendant son exécution est aujourd’hui fondamentale. En droit commun si les parties sont d’accord elles peuvent changer le contrat de travail. Dans quelles mesures l’employeur peut-il imposer à son salarié une modification ? Cette question va recevoir une double réponse :

I. La qualification de modification du contrat de travail

Le droit applicable à cette question est d’origine jurisprudentiel. La jurisprudence distinguait autrefois : la modification substantielle soumise à l’accord des parties, de la modification non substantielle. Aujourd’hui on distingue entre la modification du contrat de travail et le changement des conditions de travail.

Cette distinction a été adoptée par la Cour de cassation depuis plusieurs arrêts du 10 juillet 1996 de la Chambre sociale. Il s’agit de distinguer ce qui doit être soumis à l’accord des parties et d’autre part ce qui peut être imposé par l’employeur. Au titre de la modification du contrat de travail, seront visés par la Cour de cassation, les éléments de ce qui participe du socle du contrat de travail. Au titre de la modification des conditions de travail, seront visés les éléments périphériques du contrat de travail.Cette distinction est similaire à celle que l’on peut trouver dans l’erreur de l’article 1110 du Code civil.

A. Le domaine de la modification

Au cours de ces arrêts la Cour de cassation a esquissé les contours du socle contractuel, les éléments dont la modification devra être soumise à l’accord du salarié : la rémunération, nature du contrat, la prestation …

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Le premier élément fondamental : la rémunération ne peut être modifiée qu’en cas d’accord du salarié. Car c’est la cause de l’engagement du salarié. La Cour de cassation précise que le salaire de base est nécessairement contractuel. Mais on peut avoir des clauses de rémunération variable.

Deuxième élément : les fonctions du salarié, la prestation de travail ne peut être modifiée sans accord du salarié.

Troisième élément : le secteur géographique d’exécution du travail, l’employeur ne peut modifier unilatéralement le secteur géographique, dans lequel le salarié est appelé à travailler.

Quatrième élément : la durée du travail.

Durée : temps de travail effectué Horaire : amplitude entre embauche et débauche

La durée du travail est toujours contractuelle, elle doit être soumise à l’accord du salarié pour modification.

L’horaire de travail participe en principe des conditions de travail, elles peuvent être modifiées par l’employeur unilatéralement sauf passer d’heure de jour en heure de nuit.

B. Le régime de la modification du contrat de travail

En pratique, l’accord des parties prendra les traits de l’acceptation du salarié, s’il refuse.

1) Acceptation du salarié

La modification du contrat est proposée par l’employeur, le salarié doit l’accepté. Depuis l’arrêt Raquin du 8 octobre 1997 l’acceptation du salarié ne peut être déduite de son silence et de la continuation de l’exécution du contrat de travail : le silence ne vaut pas acceptation.

La procédure : l’employeur doit proposer au salarié la modification de son contrat de travail, le salarié doit obtenir le temps nécessaire pour apprécier l’offre de l’employeur. Au terme de ce temps nécessaire le salarié accepte. Lettre avec accusé de réception au salarié, environ 5 jours, acceptation par écrit et remise en main propre par le salarié.

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L’acceptation du salarié emporte novation du contrat de travail, c’est-à-dire qu’on modifie le contrat de travail.

2) Le refus du salarié

La jurisprudence déduit du refus que l’employeur ne peut sans l’accord du salarié modifier le contrat de travail. Il lui incombe soit de maintenir les conditions contractuellement convenues, soit de tirer les conséquences du refus opposé par l’intéressé.

L’employeur doit renoncer à la modification et permettre l’exécution du contrat dans les termes originaux. Soit bien souvent le refus du salarié va amener la rupture du contrat de travail. Le refus du salarié ne constitue pas en lui-même une cause de licenciement. Dès lors l’employeur qui souhaite rompre le contrat de travail à la suite du refus du salarié doit trouver un motif différent, c’est-à-dire doit motiver le licenciement par une raison qui n’est pas le refus du salarié.

Licenciement pour motif personnel : il parait difficile de trouver un motif. Licenciement pour motif économique : l’employeur pourra arguer de

raisons économiques.

Bien souvent, le licenciement du salarié sera prononcé pour motif économique et plus particulièrement pour cause de mutation technologique.

II. La modification des conditions de travail

La décision de changer les conditions de travail du salarié relève du pouvoir de direction de l’employeur. Ce changement se fera unilatéralement sans que l’acceptation du salarié ne soit nécessaire. Néanmoins il est tout à fait concevable et régulier en pratique que le salarié refuse les changements de ses conditions de travail. L’employeur peut dès lors adopter deux attitudes :

Soit il accède aux demandes du salarié et renonce Soit il fonde le licenciement du salarié sur son refus (faute)

SECTION 2 : LE TRANSFERT DU CONTRAT DE TRAVAIL

Dans diverses hypothèses la stabilité de l’emploi du salarié est menacée par des évènements qui pourraient affecter le contrat de travail. La principale

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d’entre elle, est ce que l’on appelle le changement dans la situation juridique de l’employeur. Soit l’employeur cesse son activité qui est reprise par une nouvelle entreprise, soit, l’entreprise est rachetée absorbée, fusionnée à une autre entreprise.

L1224-1 du Code du travail dispose que « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsiste entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».

Cela signifie que le Code du travail va forcer le transfert des contrats de travail de l’ancien employeur vers le nouvel, quel que soit la situation juridique de l’employeur.

En droit civil on considérerait que le nouvel employeur est tiers au contrat de travail, et donc qu’on ne peut lui opposer. Le Code du travail énonce ici une règle dérogatoire qui permet le maintien du contrat. Ce principe du maintien du contrat de travail en cas de modification de la situation juridique de l’employeur a été consacré très tôt dans la législation française (1928).

I. Le domaine de L1224-1

Qu’est-ce que la modification dans la situation juridique de l’employeur ?

A. L’objet du transfert

L’objet du transfert c’est l’entreprise au sens d’une institution. La Cour de cassation précise qu’il faut qu’il y ait une cession organisée de moyen, de personnel et de matériel pour que L1224-1 s’applique. Elle précise que L1224-1 s’applique lorsque le transfert affecte une entité économique, à « tout transfert d’une entité économique conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise ».Elle précise encore, « que le transfert d’une entité économique suppose la cession d’élément d’actif corporel ou incorporel significatif ».

L’objet du transfert doit être une entité économique autonome.

Cette question s’est posée de nombreuse fois en jurisprudence, qui donne parfois des réponses insatisfaisantes : Est-ce que l’entité économique

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autonome peut ne constituer qu’une partie de l’entreprise ? Si je cède ma surface commerciale, alors cette cession emportera transfert des contrats de travail des salariés qui travaillent dans le magasin.

La deuxième situation, est-ce que la perte d’un marché peut constituer une entité économique autonome, l’Assemblée plénière en 15 novembre 1985 a considéré que la modification dans la situation juridique de l’employeur ne peut résulter de la perte d’un simple marché.

Si la perte de marché représente 30% de l’activité, de manière à ce que des salariés étaient spécialement affectés au gardiennage de ce client. Y a-t-il transfert d’une activité économique autonome ? Si cette perte de marché est trop importante alors il y aura transfert.

L’objet du transfert doit être activité économique autonome : cession d’une activité à laquelle sont rattachés des actifs corporels ou incorporels.

B. Les conditions du transfert

Maintien de l’activité économique et autonomie de l’activité

L’entreprise connait un arrêt d’activité entre le départ du premier employeur et l’arrivée du repreneur. Est-ce que l’interruption de plusieurs mois interrompt l’activité de l’entreprise auquel cas il n’y aura pas de transfert des contrats ? La jurisprudence est plutôt favorable au maintien des contrats de travail, puisqu’elle permet leur transfert même lorsque l’interruption aura duré plusieurs mois. Qu’en est-il du maintien de l’identité ? Question différente, dans la mesure où il s’agit de savoir si l’activité va garder une autonomie dans la nouvelle structure ou si cette activité sera dissoute dans cette nouvelle structure.

Le plus souvent, lorsqu’une activité est externalisée il n’y a pas d’application de l’article L1224-1 du Contrat de travail.

Deux conditions : il faut que l’activité économique soit maintenue, il faut que l’activité économique demeure autonome, c’est la question de la dissolution.

II. Les modalités de L1224-1

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Cet article s’applique de plein droit (sans conditions supplémentaires) le juge va être devant le fait accompli. Ici cela signifie, sans l’accord des parties, on ne demandera son avis, ni à l’employeur originel, ni au nouvel employeur, ni même au salarié. C’est donc une hypothèse de modification du contrat de travail sans l’accord du salarié. En conséquence, ni l’employeur, ni le salarié ne peuvent écarter l’application de l’article L1224-1.

Le contrat de travail étant maintenu avec le nouvel employeur, le salarié garde tous les avantages éventuels antérieurement acquis (ancienneté, congés payés …).

Si le salarié s’oppose au transfert de son contrat de travail, il doit démissionner. Si le nouvel employeur s’oppose il doit licencier en se fondant sur un motif valable.

La clause de non concurrence incluse dans le contrat de travail s’appliquera dans le contrat du nouvel employeur. L’employeur bénéficie de toutes les prérogatives de l’ancien employeur. L’employeur est tenu de tous le passif de la relation de travail. Si des arriérés de salaires sont exigibles, c’est au nouvel employeur de les verser.

SECTION 3 : LA SUSPENSION DU CONTRAT

Le droit du travail se distingue par une utilisation particulièrement importante de ce mécanisme. La raison de cette particularité tient dans un souci de préservation de l’emploi, car la suspension du contrat de travail permet de pallier sa rupture. On va viser la stabilité de l’emploi. Depuis la loi du 14 juin 2013 un nouveau cas de suspension a été adopté, c’est la suspension des clauses du contrat de travail consécutive à la passation d’un accord de maintien de l’emploi. En droit du travail tous les évènements dont on sait qu’ils ont une durée temporaire vont engendrer le maintien du contrat de travail.

I. La suspension de droit commun

A. L’effet

La notion de suspension du contrat est une notion fuyante, parce qu’il n’y a aucune définition légale de la suspension. On définit la suspension au regard de la jurisprudence. On peut déduire de cette analyse qu’il y a suspension du

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contrat de travail chaque fois que le travailleur est fondé à refuser sa prestation de travail ou l’employeur à s’abstenir de fournir du travail. Dès lors l’effet principal de la suspension est de suspendre l’exécution des obligations principales du contrat de travail. La Cour de cassation admet que je puisse développer pendant mon arrêt maladie une activité du moment qu’elle n’est pas concurrente à celle de mon employeur. C’est en réalité l’obligation de loyauté envers l’employeur 1134 alinéa 3 du Code civil, cela signifie que la suspension du contrat de travail n’emporte pas suspension de toutes les obligations du contrat. Les pouvoirs de l’employeur se maintiennent pendant la suspension, ainsi que les libertés du salarié. La plus part des obligations accessoires se maintiennent. La notion de suspension du contrat n’existe pas en elle-même. Il se maintient toujours des obligations accessoires.

On considère que la suspension est toujours temporaire, puisque l’ensemble des causes de la suspension ne sont pas censées durer dans le temps, puisque l’employeur ou le salarié vont avoir la possibilité d’y mettre fin.

B. Les principales causes de suspension

1) Le congé maternité

La protection de la maternité est fondamentale. La première mesure est la suspension du contrat de travail qui dispense la femme enceinte et la jeune maman de son obligation de travailler, mais également la protège contre le licenciement. La maternité est une cause prohibée de discrimination. Au-delà de cela, un régime particulier est prévu pour la salariée enceinte ou jeune maman. En cas de naissance unique le congé maternité débute à partir de la 6ème semaine précédant la date présumée de l’accouchement. Cette période de suspension a une durée légale de 16 semaines. Très souvent les conventions collectives prévoient des dates plus longues.

Article L1225-4 du Code du travail : il fait interdiction à l’employeur de rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constatée et pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a le droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les 4 semaines suivant l’expiration de ces périodes.

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2) La maladie et l’accident

Aujourd’hui le régime des maladies professionnelles et des accidents du travail (ATMP) est proche de celui des maladies non professionnelles et des accidents de droit commun. Notamment pendant la période de suspension du contrat de travail. Ce sont les articles L1226-1 et suivants du Code du travail, qui régissent le droit des congés pour motif de maladie et d’accident. Pendant cette période, le salarié n’est pas libéré de l’ensemble de ses obligations, notamment il doit informer rapidement l’employeur de son absence en lui faisant parvenir un certificat médical. Le salarié s’interdit d’exercer une activité professionnelle concurrente à celle de son employeur. La jurisprudence en déduit que le salarié pourra participer à une activité de loisir, bénévole. L’employeur n’est pas lui non plus libéré de l’ensemble de ses obligations, aux termes L1226-1 du Code du travail, il est tenu de verser au salarié une indemnité complémentaire à l’allocation journalière compensant la perte de salaire.

L’arrivée d’un accident ou d’une maladie permet de suspendre le contrat de travail jusqu’à ce que le salarié soit en mesure de reprendre le travail.

La suspension se termine dans 2 hypothèses :

Soit le salarié reprend le travail. Cette reprise doit être précédée d’une visite médicale de reprise.

Soit la reprise est impossible et le salarié est déclaré inapte, l’inaptitude permet à l’employeur de licencier le salarié, qui ouvrira alors le droit au salarié à des conditions financières plus favorables qu’un licenciement disciplinaire.

II. La suspension due à l’occasion d’un accord de maintien de l’emploi (ANE)

Ces accords font suite à l’accord professionnel du 11 juin 2013, ils ont été insérés dans le Code du travail par l’article 17 de la loi du 14 juin 2013. Codifié aux articles L5125-1 et suivants.

Ces accords ont pour objet de permettre aux entreprises, rencontrant « de graves difficultés économiques conjoncturelles d’aménager temporairement la durée du travail et la rémunération de leur salarié ». En contrepartie, l’employeur s’engage à ne pas licencier pour motif économique pendant toute la durée de l’accord. L’article L5125-4 du Code du travail dispose que les

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accords de maintien de l’emploi sont conclus par un accord « majoritaire ». Il peut être conclu avec les organisations syndicales, mais aussi avec certains représentants élus ou encore même avec des salariés mandatés spécialement.

Cet accord qui est un contrat va avoir pour effet de modifier le contrat de travail du salarié en défaveur de celui-ci. Alors que l’on considérait qu’un accord collectif ne pouvait défavoriser le salarié.

Les effets de ces accords de maintien de l’emploi :

Ils peuvent aménager pour les salariés la durée du travail, ses modalités d’organisation ainsi que la rémunération. Cela signifie qu’avec un accord collectif on peut modifier la durée du travail, ce qui n’est pas sans effet sur la rémunération du salarié. On va permettre à cet accord de baisser la rémunération des salariés. Cette baisse de rémunération connait toutefois un planché, qui sont des dispositions d’ordre public relative au SMIC. En contrepartie, l’employeur s’engage à ne procéder à aucune rupture de contrat pour motif économique.

Le but est de diminuer les charges de l’entreprise pendant un certain temps, en contrepartie de la renonciation par l’employeur au recours au licenciement économique. Le moyen juridique qui est le fondement de la diminution des avantages du salarié est la suspension des clauses du contrat de travail.

C’est ce que l’on appelle la flexi-sécurité, parce que les charges relatives à la main d’œuvre sont réduites, en contrepartie de la sécurité de l’emploi car l’employeur s’engage à ne pas licencier pour motif économique

Si le salarié accepte :

L’article L5125-2 du Code du travail précise que pour les salariés qui acceptent l’accord, les stipulations de cet accord sont applicables au contrat de travail. Les clauses du contrat de travail contraires à l’accord sont suspendues pendant sa durée d’application.

Si le salarié refuse :

Le code du travail précise que le refus du salarié ouvre la possibilité à son employeur de le licencier pour motif économique.

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