23
23 septembre 2017 12 ème Biennale LASAIRE « Anticipation et gestion du changement dans les entreprises en période de crise et de mutation technologique » Rencontre de Paris 12 et 13 octobre 2017 Thème du Forum n°3 : « Quelles anticipations promouvoir face aux changements technologiques et à la numérisation pour que les transformations nécessaires du travail et du process de production se conjuguent avec nouvelles qualifications, création et transformation d’emploi pour les travailleurs, compétitivité renforcée face à la concurrence mondiale, transition énergétique et écologique ? » Présentation du thème André GAURON et Joël MAURICE Les changements technologiques sont pluriels (nous y reviendrons), mais c’est bien la numérisation (ou digitalisation) qui domine la question du travail et de l’emploi. Des évolutions technologiques comme celles qui affectent la biologie ou l’énergie ont des impacts qui peuvent être importants, mais qui restent circonscrits à certaines activités. La numérisation affecte potentiellement tous les emplois et transforme, dans des proportions certes variables, tous les processus de travail. Elle s’inscrit dans un mouvement de très longue durée de robotisation mais elle en élargit considérablement le champ. C’est ce caractère général qui rend ces changements aussi sensibles et explique les inquiétudes qu’ils suscitent. Pour les organisations syndicales, en avoir une juste perception constitue un défi majeur. 1. Introduction Avant d’examiner l’impact de la numérisation sur le travail, il faut s’arrêter sur la question que certains formulent brutalement sous la forme de « la fin du travail », qu’ils confondent en général avec « la fin de l’emploi ». Il est normal que les salariés s’inquiètent pour l’avenir de leur travail, qui risque de se traduire par la perte de leur emploi s’ils ne parviennent pas à s’adapter à sa numérisation. Il est tout aussi important que les organisations syndicales et les responsables politiques favorisent ces adaptations pour garantir un niveau élevé d’emploi. C’est ce qu’ont compris les métallurgistes allemands et qui a justifié l’engagement d’IGMetal 1

JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

23 septembre 201712ème Biennale LASAIRE

« Anticipation et gestion du changement dans les entreprisesen période de crise et de mutation technologique »

Rencontre de Paris 12 et 13 octobre 2017

Thème du Forum n°3 : « Quelles anticipations promouvoir face aux changements technologiques et à la numérisation pour que les transformations nécessaires du travail et du process de production se conjuguent avec nouvelles qualifications, création et transformation d’emploi pour les travailleurs, compétitivité renforcée face à la concurrence mondiale, transition énergétique et écologique ? »

Présentation du thème

André GAURON et Joël MAURICE

Les changements technologiques sont pluriels (nous y reviendrons), mais c’est bien la numérisation (ou digitalisation) qui domine la question du travail et de l’emploi. Des évolutions technologiques comme celles qui affectent la biologie ou l’énergie ont des impacts qui peuvent être importants, mais qui restent circonscrits à certaines activités. La numérisation affecte potentiellement tous les emplois et transforme, dans des proportions certes variables, tous les processus de travail. Elle s’inscrit dans un mouvement de très longue durée de robotisation mais elle en élargit considérablement le champ. C’est ce caractère général qui rend ces changements aussi sensibles et explique les inquiétudes qu’ils suscitent. Pour les organisations syndicales, en avoir une juste perception constitue un défi majeur.

1. Introduction

Avant d’examiner l’impact de la numérisation sur le travail, il faut s’arrêter sur la question que certains formulent brutalement sous la forme de « la fin du travail », qu’ils confondent en général avec « la fin de l’emploi ». Il est normal que les salariés s’inquiètent pour l’avenir de leur travail, qui risque de se traduire par la perte de leur emploi s’ils ne parviennent pas à s’adapter à sa numérisation. Il est tout aussi important que les organisations syndicales et les responsables politiques favorisent ces adaptations pour garantir un niveau élevé d’emploi. C’est ce qu’ont compris les métallurgistes allemands et qui a justifié l’engagement d’IGMetal dans le projet « Industrie 4.0 » alors que le DGB, la centrale syndicale allemande, était plutôt hésitante ; l’objectif est clair : la numérisation ne doit pas affecter le leadership industriel allemand ; sur ce point, il y a consensus entre syndicats, patronat, Länder et gouvernement fédéral ; c’est la force de l’Allemagne.

La compétitivité de l’industrie n’est pas la seule variable qui déterminera le niveau global de l’emploi. La plus ou moins grande inégalité dans la distribution des revenus, qui détermine le niveau de la consommation des ménages, est un facteur tout aussi important. Nous mentionnons ce point pour souligner l’importance de la question salariale, qui est souvent omise quand on parle de l’impact de la numérisation sur l’emploi. La réduction des inégalités de revenus ne peut pas reposer uniquement sur les politiques publiques de redistribution par la fiscalité et la protection sociale. La formation des revenus primaires reste essentielle. La responsabilité des organisations syndicales est aussi de veiller à ce que la numérisation ne soit pas une nouvelle occasion de creuser les inégalités salariales. Or, on le sait, le niveau des salaires reste corrélé à celui des compétences.

Il faut donc s’attendre à ce que le niveau d’emploi soit différent d’un pays à l’autre, en fonction de la plus ou moins grande diffusion du numérique dans l’économie, de son impact sur la compétitivité des entreprises et de l’évolution des qualifications. Réussir aujourd’hui la transition numérique apparaît ainsi comme la condition d’un haut niveau d’emploi demain.2. L’impact du numérique sur le travail et l’emploi

1

Page 2: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

Rappel de quelques estimations sur les « emplois automatisables » (pour plus de détail, voir encadré 1).

Aux Etats-Unis et dans l’ensemble des pays de l’OCDE, un vaste débat a été déclenché par l’étude intitulée « L’avenir de l’emploi : comment est-il menacé par la numérisation ? » publiée en septembre 2013 par Frey et Osborne (Université d’Oxford)1. Il tente d’évaluer les postes de travail qui seront affectés ; mais il faut garder en mémoire qu’il ne nous dit rien sur le niveau futur de l’emploi.

Selon Frey et Osborne, 47% des emplois des Etats-Unis risqueraient d’être automatisés au cours des dix à vingt prochaines années ; et l’application de leur méthode fournit des estimations similaires pour l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France. Devant ces perspectives très alarmantes, d’autres travaux ont été engagés. Sous l’égide de l’OCDE2, la méthode d’évaluation a été affinée en distinguant, au sein de chacun des postes de travail considérés, les tâches qui sont automatisables (celles qui peuvent faire l’objet d’une codification informatique) et celles qui ne le sont pas (capacité à faire face à des situations inconnues, à résoudre des problèmes ; interactions sociales ; persuasion ; flexibilité ; précision3 ; intuition, créativité4) ; selon l’OCDE, la proportion des emplois ayant un risque élevé (supérieur à 70%) d’être automatisés serait de 9% aux Etats-Unis, et similaires dans les autres pays (dans une fourchette de 6% à 12%) ; cependant, une proportion beaucoup plus importante des postes de travail devraient évoluer pour modifier la composition des tâches, de façon à enrichir les tâches non-automatisables en les articulant avec des tâches automatisées5. Ainsi par exemple en France, le Conseil d’Orientation pour l’Emploi (COE) estime6 que « moins de 10% des emplois existants sont exposés à des vulnérabilités susceptibles de menacer leur existence, du fait de l’automatisation et de la numérisation ; mais la moitié des emplois existants sont susceptibles de changer de contenu, de significativement à très significativement ».

Le COE poursuit : « les avancées technologiques devraient continuer à promouvoir les emplois qualifiés et hautement qualifiés ; ceux qui pourraient être vulnérables sont souvent des emplois non ou peu qualifiés ». La plupart des évaluations partagent cette analyse, et plaident pour une démarche active ambitieuse d’identification et de formation des compétences nécessaires, tant par le dialogue social portant sur la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), dans les entreprises7, les branches et les filières8, que par les politiques d’éducation initiale et de formation tout au long de la vie – ce qui devrait conduire « à la mise en place d’un processus d’apprentissage permanent 9   » -.

1 Frey C.B. et M. Osborne (2013) “The future of employment: how susceptible are jobs to computerisation  », Ed. University of Oxford.2 Arntz M., T. Gregory et U. Zierahn (2016) “The risk of automation for jobs in the OECD countries”, paper commissioned by the OECD’s Directorate for Employment. 3 Conseil d’Orientation pour l’emploi (2017) « Automation, digitalisation and employment », Summary. 4 Autor D. (2015) « Why Are There Still So Many Jobs? The History and Future of Workplace Automation”, Journal of Economic Perspectives, vol 29, Number 3.5 A l’instar de la conception assistée par ordinateur. 6 Jam. cit . 7 C’est une des recommandations qui se dégagent de l’étude de cas « Acquisition par  Nokia d’Alcatel Lucent » effectuée par Lasaire dans le cadre de la 12ème Biennale.8 En France, cette démarche a été mise en oeuvre dans la filière numérique : voir Cereq et France Stratégie (2017) “ Vision prospective partagée des emplois et des compétences : la filière numérique”. Elle est en cours dans d’autres filières (automobile, valorisation industrielle des déchets).9 Decaillon J. et A. Gauron (2016) « Compétences et formation à l’heure de l’industrie 4.0 », dans « Travail industriel à l’ère du numérique », Les Notes de la Fabrique, La Fabrique de l’industrie.

2

Page 3: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

Robotisation et industrie

Nous voulons insister sur ce point : de même que le machinisme a considérablement accru10 en un siècle la production agricole en même temps que réduit la part des agriculteurs au sein de l’emploi total, de même, depuis l’origine de l’ère industrielle, la production manufacturière s’est formidablement diversifiée et multipliée, cependant que, dans la plupart des pays industrialisés, la part de ses salariés a baissé dans l’emploi total, sous l’effet d’abord du travail à la chaîne, puis de l’automatisation et, de nos jours, des avancées de la robotique. Il apparaît à cet égard que l’équipement en robots est l’un des facteurs des performances industrielles comparées. Les pays qui ont le plus robotisé sont aussi ceux qui ont le mieux préserver la part de l’industrie dans leur économie et donc l’emploi industriel. : en 2013, l’Allemagne possédait 176 000 robots industriels, l’Italie 60 000, la France 32 000, le Royaume-Uni 17 00011.  Si le nombre de robots par salarié de l’industrie avait été le même qu’en Allemagne, ce nombre aurait dû être de 64 000 en Italie ainsi qu’en France, et de 51 000 au Royaume-Uni.; il s’y ajoute que les robots sont conçus et fabriqués en Allemagne pour une part importante, ou en Italie. Or la robotique connaît une évolution rapide ; si le développement des robots collaboratifs (cobots) permet une montée en qualification des travailleurs, la diversification des robots et leur mise en réseau menace plus directement les emplois répétitifs peu qualifiés encore présents dans le secteur industriel.

Numérisation du tertiaire

La contraction de l’emploi agricole et celle de l’emploi manufacturier avaient historiquement été compensées12 - et bien au-delà- par le développement de l’emploi tertiaire -marchand et non marchand-. Or la numérisation s’est mise à modifier en profondeur les modes de production et le contenu des emplois tertiaires, à travers l’ordinateur et les télécommunications (notamment Internet et, depuis 2007, le smart-phone). Cette évolution a pénétré des secteurs entiers (banques, assurances, commerce, tourisme, etc .), sans oublier les administrations (impôts, Sécurité sociale, etc) et transformé nombre de métiers (secrétariat, comptabilité, etc). Cette numérisation produit deux effets : l’un, intensif, change les méthodes et augmente l’efficacité du travail  ; l’autre, extensif, permet la création de nombreuses activités ou prestations qui étaient naguère hors de portée, voire inimaginables13. Osmose industrie -services : « la société hyper-industrielle14 »

 Un phénomène majeur est apparu, avec la montée en puissance très rapide des « algorithmes », « applications » et « plateformes »15, qui permettent de multiplier les contacts « à coût marginal nul » avec un très large public. Ainsi ont par exemple été créés Amazon en 1994, Google en 1998, Facebook en 2004, Uber en 2009. Ces nouveaux venus se sont interposés entre les producteurs et les consommateurs, dont ils enregistrent les caractéristiques, y compris les goûts et les comportements de dépense. Exploitant ces informations, ils sont en un temps record devenus les plus fortes capitalisations boursières mondiales. Ces plateformes, dont les investissements très coûteux, font barrière à l’entrée d’éventuels concurrents16, forment des monopoles ou oligopoles à l’échelle 10 Avec d’autres facteurs : le progrès des connaissances et des techniques agricoles, le remembrement, l’usage intensif -aujourd’hui remis en cause- d’engrais, pesticides et autres produits chimiques, élevage industriel, etc. 11 Voir « Le Ru N. (2016, juillet) « L’effet de l’automatisation sur l’emploi : ce qu’on sait et ce qu’on ignore », Note d’analyse, France Stratégie. Voir aussi Gauron A. et J. Decaillon (2016) « Compétences et formations à l’heure de l’industrie 4.0 », dans « Travail industriel à l’ère numérique : se former aux compétences de demain », Ed. La Fabrique de l’industrie.12 Voir notamment Autor D, jam.cit. 13 Beaucoup de ces nouveaux services utilisent eux-mêmes l’outil numérique, d’autres pratiquement pas (services à la personne). 14 Titre de l’ouvrage de Pierre VETZ (2017) « La société Hyper-industrielle », Ed. Seuil, La République des Idées. 15 Voir Cahier Lasaire n° 57 (2016) « Numérique, travail, emploi : chances à saisir, risques à maîtriser ».16 Sauf les concurrents suscités par les autorités chinoises.

3

Page 4: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

mondiale, qui esquivent les régulations nationales. L’irruption des plateformes et des algorithmes remet en question plusieurs piliers de l’organisation sociale17, notamment : la confrontation entre offre et demande, qui est à la base du marché concurrentiel ; sous-traitance en ligne ; l’organisation des relations entre employeurs et salariés ; les mécanismes de solidarité qui passent par le prélèvement de l’impôt et le financement de la protection sociale.

S’ils veulent échapper à l’emprise des plateformes dominantes, les fournisseurs doivent modifier en profondeur leur « modèle d’affaires ». Il leur faut développer avec les consommateurs une relation directe, aisée et attrayante ; et pour satisfaire chaque demande individualisée, il leur faut flexibiliser leur production, notamment par la robotisation, agrémenter leurs produits par des services qui en facilitent l’usage, mettre en œuvre des logistiques performantes. Le défi à relever consiste à produire des biens et services individualisés au prix des productions de masse. Ce type d’organisation efface la segmentation entre industrie et service et crée la nécessité d’établir entre les deux une véritable osmose, baptisée par Pierre Veltz « la société hyper-industrielle18 ».

Au final, il est probable que tous les métiers le seront d’une façon ou d’une autre. D’ores et déjà, des métiers qu’ont pouvaient croire hier à l’abri, comme par exemple les aides à la personne, le sont déjà à travers le développement de systèmes de contrôle à distance qui insèrent les salariés ou les travailleurs ubérisés dans des protocoles de juste à temps. L’enjeu pour les organisations syndicales est de faire en sorte que la numérisation ne se traduise pas par un dualisme accru entre travail qualifié et non qualifié, mais, au contraire, qu’elle soit un facteur de revalorisation du travail le moins qualifié. Ceci nécessite une réflexion collective au niveau des branches ou de secteurs d’activité qui lie la numérisation aux évolutions de l’organisation du travail. Pour ne pas avoir à subir des évolutions non souhaitables, il est ici essentiel de pouvoir anticiper les changements à venir et donc que les salariés et leurs organisations soient associés au changement, qu’ils en soient une partie prenante active.

La numérisation du travail est une tendance lourde à laquelle on ne peut échapper. Pour autant, elle n’est pas naturelle et ne va pas s’opérer de soi comme par enchantement. Elle implique des investissements et des réorganisations. Les déficiences que connait l’industrie française en matière de robotisation (voir ci-dessus) soulignent qu’elle peut ne pas se faire ou se faire tardivement. Des entreprises qui ne l’auront pas anticipé pourront disparaitre avant même de s’y être engagé. On le sait trop bien : les ruptures technologiques, et la numérisation en est une, sont toujours source d’une grande inquiétude. Il peut y avoir un certain confort ou un manque de clairvoyance à les refuser jusqu’au jour où la concurrence a creusé un écart tel que le changement n’est plus possible. La responsabilité première n’est pas ici celle des salariés mais du patronat et des directions d’entreprise. Le problème se pose dans toutes les entreprises, mais avec encore plus d’acuité dans les plus petites dont le dirigeant n’a pas forcément autour de lui les compétences techniques que l’on trouve dans les grandes entreprises pour gérer le passage au numérique.

3. Quelle place pour les organisations de salariés ?

Allemagne : « Industrie 4.0 », une transition cogéréeLes Allemands ont été parmi les premiers à percevoir l’importance stratégique de cet enjeu. Désireux de préserver leur leadership industriel ainsi que leur modèle de relations sociales, ils ont lancé dès 2011 une démarche, qui a débouché en 2013 sur la mise en place de la plateforme « Industrie 4.0 », et a été étendue en 2015 aux « services intelligents ». Participent à cette plateforme les entreprises, le syndicat IGMetal, le ministère fédéral de l’économie et de l’énergie et les Länder. Les maîtres-mots en sont19 : Internet des objet (régulation autonome, interopérabilité, fabrication en temps réel, modularité) ; Internet des services (virtualisation, cloud computing, mise en réseau). Les syndicats se sont interrogés sur la position à adopter, défensive de lutte contre les suppressions d’emploi et la

17 Voir notamment Degrysse Ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. 18 Jam. cit. Voir aussi : Veltz P. et Th. Weil (2015) « L’industrie, notre avenir », Ed. Eyrolles.19 Kohler D. et J-D Weisz (2016) « Industrie : les défis de la transformation numérique du modèle industriel allemand », Ed. La documentation Française.

4

Page 5: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

flexibilisation, ou constructive d’implication dans les évolutions à venir ; IGMétal a opté pour « une approche pragmatique et locale visant, de manière concrète, à identifier les zones d’impact de la révolution numérique dans l’usine »20.

France : une « Industrie du Futur » sans les syndicats ?

Face à l’affaiblissement de son appareil industriel, contre lequel le « Rapport Gallois21 » a sonné l’alarme en 2012, la France a engagé le programme « Nouvelle France industrielle ». Dans ce cadre, elle a mis en place 14 Comités stratégiques de filière22, réunissant les diverses parties prenantes ; et en mars 2015, elle a lancé le projet « Industrie du Futur », dont l’objectif est « d’amener chaque entreprise à franchir le pas sur la voie de la modernisation de son outil industriel et de la transformation de son modèle économique par le numérique ». Ce projet s’appuie sur cinq piliers : développement de l’offre technologique23 ; accompagnement des entreprises24; renforcement de la coopération européenne25 et internationale ; promotion26 pour accroître la visibilité internationale ; formation des salariés. Ce pilier tout particulièrement, dans un pays interpellé par son mauvais classement27 dans les tests de compétences de l’OCDE28, est présenté comme la « première condition du succès de l’Industrie du Futur ». De nombreuses réflexions sur la numérisation sont engagées29

dans les instances telles que France -Stratégie, le CESE30, le CNN31, les organisations représentatives des employeurs ou des salariés32, ainsi que parmi les think tanks. Le dialogue social sur le sujet est en revanche au point mort.

Créée en juillet 2015, l’Alliance Industrie du Futur (AIF) « met en mouvement les compétences et les énergies d’organisations professionnelles, d’acteurs scientifiques et académiques, d’entreprises et de collectivités territoriales, notamment les régions » pour déployer le plan Industrie du futur33. Toutefois, à la différence de la plateforme « Industrie 4.0 » allemande, les organisations syndicales n’en sont pas membres, alors qu’elles ont un rôle majeur à jouer pour mobiliser les salariés autour d’évolutions technologiques et organisationnelles qui intéressent directement l’avenir de leur emploi. L’approche française reste ainsi bancale. Au lieu de forger du consensus sur les conditions du passage à la numérisation, elle pousse à des décisions unilatérales potentiellement source de conflits dans les entreprises. 4. Au-delà de l’entreprise

20 Voir Gauron A et J. Decaillon, jam. cit. 21 Gallois L (5 novembre 2012) « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française », Rapport au Premier ministre. 22 Aéronautique ; alimentaire ; automobile ; biens de consommation ; bois ; chimie et matériaux ; éco-industries (eau ; déchets ; énergies renouvelables ; efficacité énergétique) ; ferroviaire ; industries extractives et premières transformations ; industries et technologies de la santé ; mode et luxe ; naval ; nucléaire ; numérique. 23 Fabrication additive comme imprimante 3D ; objets connectés ; réalité augmentée. 24 Accompagnement personnalisé avec l’appui de l’Alliance pour l’Industrie du Futur ; avantage fiscal ; prêts de développement. 25 Notamment avec la plateforme « Industrie 4.0 » allemande et dans le cadre du plan d’investissement européen. 26 Lancement de projets « vitrines de l’Industrie du Futur ». 27 Test PISA pour les élèves des collèges et test PIAAC pour les adultes. Voir Economie et statistique n° 490-2016, « Compétence des adultes à l’écrit et en calcul » et notamment Vallet L-A « Introduction, l’enquête information et vis quotidienne 2011 parmi les dispositifs nationaux et internationaux de mesure des compétences des adultes ».28 La place très médiocre dans le « classement Shanghai » académique des universités mondiales provoque le même type d’inquiétude. 29 Voir bibliographie ci-jointe. 30 Conseil économique, social et environnemental. 31 Conseil national du numérique. 32 Voir notamment Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques de revendications, représentation et stratégie des partenaires sociaux devant les mutations de la filière numérique en France », Rapport présenté par le Centre Henri Aigueperse-UNSA avec le concours financier de l’IRES. 33 Voir le site de l’Alliance pour l’Industrie du Futur et son premier rapport d’activité (2016).

5

Page 6: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

Numérisation et territoires34 L’hyper-industrie appelle une réponse appropriée à la situation nationale de chaque pays, mais elle comporte aussi de forts enjeux territoriaux. Il revient aux régions et aux agglomérations un rôle important dans de nombreux domaines35 : la formation professionnelle et universitaire, essentielle pour produire et actualiser les compétences ; le soutien à la recherche et notamment aux « pôles de compétitivité » ; la mise à disposition des équipements36 et services collectifs, qui conditionnent non seulement l’attractivité, la diversification de la production, mais aussi la cohésion sociale ainsi que la solidarité avec les « quartiers » et les aires « périphériques 37». Le numérique requiert, à la base, le déploiement de réseaux de transmissions et de télécommunication performants et « à jour ». Mais, c’est à souligner, la transformation des modèles d’affaires et l’osmose entre industrie et services suppose aussi une évolution rapide de la logistique, notamment avec la constitution de « hubs38 » ; il faut donc repenser les réseaux de transport, entre zones de production, d’échange et de consommation, ainsi que les réseaux de distribution internes aux agglomérations et aux bassins de vie.

Numérisation et société

Les avancées des technologies numériques se poursuivent et s’accélèrent, notamment avec le « big data », les objets connectés, les robots apprenants, l’intelligence artificielle, demain l’ordinateur quantique. Il existe des motifs d’optimisme, car ces innovations peuvent apporter d’inestimables améliorations aux connaissances et aux moyens d’action des êtres humains, à l’instar des instruments remarquables que constituent déjà par exemple les logiciels libres, Wikipédia, ou les robots chirurgicaux ; ainsi la formation et l’actualisation continue des compétences peuvent-elles être facilitées par le recours aux support informatique tels les MOOC39. Mais les risques de dérives sont tout aussi nombreux. Rien n’est joué par avance. La « destruction créatrice » mise en exergue par Schumpeter40 n’est ni une prédestination, ni une divagation aléatoire incontrôlable ; elle constitue elle-même un sujet dont doivent s’emparer la pensée humaine et la délibération sociale. Et en effet, au-delà de ces conséquences « microéconomiques » sur chaque entreprise et ses salariés, la transition numérique soulève des questions de soutenabilité macroéconomique, notamment en termes d’emploi, d’équilibre des échanges extérieurs, de ressources fiscales et de financement de la protection sociale. Elle pose aussi d’autres questions concernant l’organisation même de la société, comme notamment l’articulation entre les emplois de l’hyper-industrie et les emplois centrés sur les relations interpersonnelles41 (services aux personnes de tous âges, commerces de proximité, création et animation culturelle, liens de solidarité, etc), en construisant une société « inclusive », assurant à tous un « travail décent42 ».

Numérisation et Union européenne

La mondialisation favorise la numérisation, et réciproquement. Mais sauf quelques exceptions, telle que la normalisation dans le domaine des télécommunications, il n’existe pas de véritable régulation à l’échelle mondiale. Compte tenu des enjeux susmentionnés, la nécessité de politiques communautaires du numérique s’impose avec une évidence particulière à l’échelle de l’Union européenne. Chaque Etat 34 Voir Cahier Lasaire n° 56 (2016) « Dynamiques territoriales et systèmes productifs : enjeux et acteurs ».35 Voir Gibou (J-L) Note Lasaire sur Numérique et Territoires. 36 Y compris les réseaux indispensables à la couverture numérique. 37 Guilly ch. (2015) « La France périphérique », Ed. Champs, actuel. 38 Notamment hubs aéroportuaires (Heathrow, Charles de Gaulle, etc), portuaires (Rotterdam, Hambourg, etc), de transports routiers (Saint Martin de Crau, etc). 39« Massive Open Online Courses », ou cours en ligne ouverts et massifs. On voit déjà apparaître les «  Small Private Online Classes (SPOC) » : avancée ou dérive ? 40 Schumpeter J. (1942) « Le processus de destruction créatrice », dans « Capitalisme, socialisme et démocratie », Ed. Bibliothèque historique Payot (chapitre 7, pages 113 à 120). 41 Voir plus haut § « osmose ». 42 Voir Lasaire (2015, juin) « Quels objectifs pour l’emploi et plus largement pour le travail ? », Note n° 64, de Jacques Freyssinet et Joël Maurice.

6

Page 7: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

membre est en effet bien trop petit pour peser face aux entreprises multinationales ou aux grandes puissances (Etats-Unis, Chine, Russie). Or, nous avons des valeurs et capacités communes à protéger et à défendre contre les éventuelles dérives numériques actuelles et futures : les libertés personnelles et notamment les données privées ; notre sécurité et notamment la cybersécurité contre toutes sortes d’attaques ; nos moyens de calcul ; nos réseaux stratégiques de télécommunication. Le déploiement de l’hyper-industrie gagnerait lui-même à être organisé de façon coopérative, de façon à saisir cette révolution technologique en cours pour surmonter les déséquilibres macroéconomiques actuels et replacer « l’égalisation dans le progrès » au cœur du projet européen43.

Consciente de ces défis, la Commission européenne a inscrit l’économie numérique dans ses dix priorités (voir encadré 2) ; elle suit une stratégie d’accès au numérique au sein du tissu économique et de protection des consommateurs. Cependant l’Union est encore loin de se doter comme la Chine de champions du numérique capables de rivaliser avec les grands monopoles multinationaux et de produire elle-même des équipements numériques stratégiques44. La Confédération européenne des Syndicats (CES-ETC) fait de la numérisation un axe important de ses réflexions et de ses positions45.

Anticiper aussi les changements dans d’autres domaines technologiques

La présente note introductive est centrée sur le numérique, mais de grands changements technologiques sont en cours et en perspective dans d’autres grands domaines susceptibles d’avoir de forts impacts économiques, sociaux, environnement et sociétaux. Exemples : l’énergie renouvelable le stockage de l’énergie, l’hydrogène ; la biologie et notamment la génomique ; les nanotechnologies ; l’économie circulaire ; la production de biens premiers nécessaires pour faire face aux perspectives démographiques mondiales46 (eau, production agricole, matières premières).

5. Conclusion

Ce forum n°3 va donc être l’occasion de rassembler des analyses et des propositions sur les dispositions à prendre pour ne pas subir la phase particulièrement rapide de la destruction créatrice actuelle, mais pour en faire une chance de progrès économique, social, environnemental, au service de la solidarité entre les êtres humains.

*****

Encadré 1« L’Effet de l’automatisation sur l’emploi : ce que l’on sait et ce que l’on ignore »

43 Voir Lasaire (2017, avril) « Replacer l’égalisation dans le progrès au cœur du projet européen », Note n° 62 (Résumés), coordonnée par Joël Maurice (voir Notes détaillées n° 61, 60, 59, 58 et 57).44 Comparer par exemple, dans le domaine des télécommunications, l’offensive chinoise à travers Huawei et la faible mobilisation de l’Union face à l’affaiblissement de sa propre filière : fusion le dos au mur entre Nokia et Alcatel Lucent ; difficultés d’Ericsson. 45 Voir notamment : CES-ETUC (2016, juin) « Résolution CES sur la numérisation : vers un travail numérique équitable » ; CES-ETUC ((2017, juin) « Position Paper : for a modern Européen Works Council Directive in the Digital Era. 46 ONU (2017, juin) « Perspectives de la population mondiale ».

7

Page 8: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

Nicolas Le RuFrance Stratégie, Note d’analyse n° 49, juillet 2016

Un sur deux ou un sur dix ?Extraits

Le débat sur la menace qui pèserait sur l’emploi du fait de l’automatisation a été fortement influencé par la publication en 2013 d’une étude réalisée par Carl Benedikt Frey et Michael A. Osborne, deux chercheurs de l’université d’Oxford, et intitulée Future of employment: how susceptible are jobs to computerisation?. D’après leurs travaux, 47 % des emplois aux États-Unis et 35 % au Royaume-Uni présenteraient un risque élevé d’être automatisés au cours des dix ou vingt prochaines années. De nombreuses études, transposant les résultats de ces recherches à d’autres pays, aboutissent à un ordre de grandeur similaire : 42 % des emplois seraient ainsi menacés en France47, 49 % au japon48 et 54 % dans l’union européenne49.Pour aboutir à ces chiffres, les deux chercheurs britanniques ont identifié — avec l’aide de leurs collègues spécialistes en « apprentissage automatique » — 70 professions pour lesquelles ils estiment savoir avec certitude si elles peuvent, ou non, être automatisées. Par ailleurs, disposant d’une liste des caractéristiques associées à l’ensemble des professions, ils établissent une correspondance entre le caractère automatisable ou non de ces 70 professions et neuf de ces caractéristiques, ayant trait au besoin du métier en créativité, en intelligence interpersonnelle et en dextérité manuelle. Pour finir, ils appliquent cette correspondance à plus de 630 autres professions et en concluent que 320 professions ont un risque élevé (supérieur à 70 %) d’être automatisées au cours des deux prochaines décennies. Ce sont ces 320 professions qui regroupent 47 % des emplois aux États-Unis, 42 % en France, etc. Une équipe de recherche allemande ayant travaillé pour l’OCDE (Melanie Arntz et al.)50 pointe deux limites à cette analyse, limites qui, selon elle, conduisent à surestimer le nombre d’emplois automatisables : (1) les professions identifiées comme menacées par l’automatisation comportent souvent de nombreuses tâches difficilement automatisables ; (2) toutes les personnes qui exercent une même profession ne réalisent pas exactement les mêmes tâches51. C’est pourquoi ces chercheurs proposent de ne pas mesurer le risque d’automatisation par profession mais, à un niveau plus fin, celui des tâches. Leur méthode leur permet alors de mesurer le risque d’automatisation de chaque emploi selon les tâches qui le composent. Par cette méthode, ces chercheurs estiment que « seuls » 9 % desemplois aux États-Unis ont un risque élevé (supérieur à 70 %) d’être automatisés. Cette proportion serait de 10 % au Royaume-Uni, 9 % en France et 7 % au japon. Comment expliquer ces proportions d’emplois menacés quatre à cinq fois plus faibles que celles obtenues par les deux chercheurs britanniques ? Essentiellement parce que les premiers travaux considéraient comme automatisables des métiers qui pourtant nécessitent fréquemment de travailler en équipe ou en relation directe avec les clients, tâches qui — à ce jour — ne peuvent être aisément confiées à des robots. C’est le cas des métiers de vendeur ou de comptable par exemple, qui, à eux seuls, concentrent près de 5 % des emplois aux États-Unis52.

47 Roland Berger Strategy Consultants (2014), « Les classes moyennes face à la transformation digitale. Comment anticiper ? Comment accompagner ? ».48 La publication du Nomura Research Institute conclut à 49 % d’emplois présentant un haut risque d’automatisation au japon.49 Jeremy Bowles (2014), « Chart of the Week: 54% of Eu jobs at risk of computerisation », Blog Post, Bruegel, juillet. Les auteurs estiment cette proportion à près de 50 % pour la France.50 Arntz M., Gregory T. et Zierahn u. (2016), « The Risk of Automation for jobs in OECD Countries: A Comparative Analysis », OECD Social, Employment and Migration,Working Papers, n° 189.51 Il est à noter que les études qui ont transposé les résultats des chercheurs britanniques à la structure des emplois d’autres pays font implicitement l’hypothèse que les métiers sont exercés partout de la même manière qu’aux États-Unis.52 Ces deux professions représentent 5,8 millions d’emplois aux États-Unis en 2010, soit 4,6 % de l’emploi américain. Source : Bureau of labor statistics.

8

Page 9: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

…….

En 2013, près de 40 % des salariés occupent un emploi qui nécessite de répondre immédiatement à une demande extérieure et, pour ce faire, ne doivent pas toujours appliquer strictement des consignes. Au regard des critères précités, ces emplois apparaissent a priori peu automatisables. À l’opposé, 15 % des salariés (soit 3,4 millions de personnes) occupent des emplois potentiellement automatisables. Leur emploi consiste à appliquer strictement des consignes et leur rythme de travail n’est pas imposé par la satisfaction immédiate de la demande des clients. Cette analyse des déclarations des salariés sur leurs conditions de travail, bien que sommaire, conforte ainsi l’ordre de grandeur obtenu par l’OCDE.

……..

9

Page 10: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

Encadré 2La Commission Européenne et le numérique :

bref état des lieux.Jean-Pierre MOUSSY

Deux Commissaires Européens sont en charge du numérique :- Andrus ANSIP : Vice-Président de la Commission Européenne- Mariya  GABRIEL: ex-Eurodéputée bulgare53.

Caractère prioritaire : l’économie numérique apparait clairement comme l’une des 10 priorités affichées sur le site de la Commission européenne.

Communications de la Commission. Les deux plus récentes sont :- 2 juin 2016 : « Un agenda européen pour l'économie collaborative » ;- 6 mai 2015 : « stratégie pour un marché unique numérique en Europe ».

Stratégie proposée par la Commission pour développer l’économie numérique :- Améliorer l’accès aux biens et services numériques dans toute l’Europe pour les consommateurs et les

entreprises ;- Créer un environnement propice au développement des réseaux et services numériques innovants ;- Maximiser le potentiel de croissance de l’économie numériquePlus concrètement, il s’agit de combler une couverture Internet insuffisante en haut-débit, afin de faciliter’ le développement des services en ligne.

Actions mises en œuvre par la Commission. Elles concernent : les marchés transfrontières ; la protection des consommateurs ; la concurrence dans le secteur du commerce électronique ; la réforme de la règlementation actuelle en matière de télécommunications ; les contenus illicites sur Internet ; la révision de la directive « vie privée et communications électroniques » ; la cybersécurité ; la propriété et la libre circulation des données ; l’extension de l’interopérabilité européenne pour les services publics.

Par ailleurs la Commission a mis en place un outil, « l’indice relatif à l’économie et à la société numérique », qui permet aux pays de se comparer dans divers domaines dont l’accès des foyers européens au haut débit, les compétences numériques disponibles ou insuffisantes …

Dispositions pertinentes du Traité sur le Fonctionnement de l’Unions Européenne (TFUE) : politique industrielle (article 173) ; politique de la concurrence (articles 101 à 109) ; politique commerciale (articles 206 et 207) ; réseaux transeuropéens (articles 170 à 172) ; recherche, développement technologique et espace (articles 179 à 190) ; rapprochement des législations (article 114) ; libre circulation des marchandises (articles 28-30 ; 34 – 35) ; libre circulation des personnes, des services et des capitaux (articles 45 à 66) ; éducation, formation professionnelle, jeunesse et sports (articles 165 et 166) ; culture (article 167).

Implications en termes de croissance économiqueLa Commission Européenne mise beaucoup sur l’économie numérique pour contribuer à relancer la croissance économique : J.C JUNCKER (dans ses orientations pour la prochaine Commission en juillet 2014) indique « qu’avec un marché unique numérique connecté nous pouvons générer jusqu’à 250 milliards d’euros de croissance supplémentaire en Europe au cours du mandat de la prochaine commission ». La Commission, dans une

53 Elle succède au Commissaire allemand Günter OETTINGER qui a quitté ce poste en janvier 2017 pour prendre celui du budget : sa nomination a été validée par le Parlement Européen le 4 juillet 2017 par 517 voix pour – 67 contre – 89 abstentions.

10

Page 11: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

Communication récente indique que : « si les entraves au sein du marché européen disparaissaient le PIB de l’UE pourrait augmenter de 415 milliards d’euros »

Notons que le passé (Rapport CECCHINI sur « le coût de la non-Europe » de 1988) invite à la prudence sur ce type de chiffrages.

En conclusion : - La Commission Européenne fait preuve d’un certain activisme en matière d’économie numérique, en « le

marché intérieur et la libéralisation des frontières », à partir d’une approche axée sous l’angle des consommateurs.

- Or la nécessité se fait sentir d’analyser et de suivre la transition numérique globalement, dans toutes ses implications : macroéconomiques, industrielles, nouveaux services, sociales (emplois, métiers, compétences)… A suivre donc.

*****

11

Page 12: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

Bibliographie

Arntz M., T. Gregory et U. Zierahn (2016) “The risk of automation for jobs in the OECD countries”, paper commissioned by the OECD’s Directorate for Employment.

Autor D. (2015) « Why Are There Still So Many Jobs? The History and Future of Workplace Automation”, Journal of Economic Perspectives, vol 29, Number 3.

Bidet-Mayer Th. (2016) “L’industrie du futur : une compétition mondiale”, Ed. La Fabrique de l’industrie.

Bidet-Mayer Th. Et L. Toubal (2016) “Travail industriel à l’ère numérique : se former aux compétences de demain”, Ed. La Fabrique de l’industrie.

Brynjolfsson et McAffee (2012) « How the Digital Revolution is Accelerating Innovation, Driving Productivity, and Irreversibly Transforming Employment and the Economy », ED. Digital Frontier Press, Massachusetts.

Brynjolfsson et McAffee (2 014) « The Second Machine Age : Work, Progress and Prosperity in a Time of Brilliant Technology” », ED. W.W. Norton & Company ; “Deuxième Age de la machine” (2015) Ed. Odile Jacob, Paris.

CAE/Conseil d’analyse numérique (octobre 2015) Note n° 26 « Economie numérique », par Colin Nicolas, Landier Augustin, Mohnen Pierre et Anne Perrot.

Cardon D. (2015) « A quoi rêvent les algorithmes », Ed. Seuil, La République des Idées.

Cereq et France Stratégie (2017) “ Vision prospective partagée des emplois et des compétences : la filière numérique”.

CES/ETUC – Business Europe – CEEP –UEAPME (16 mars 2016) communiqué « Dialogue social et digitalisation ».

CES/ETUC (2016, février) « Les restructurations, l’anticipation du changement et la participation des travailleurs à l’aune du monde numérique ».

CES-ETUC (2016, juin) « Résolution CES sur la numérisation : vers un travail numérique équitable ».

CES-ETUC (2017, juin) « Position Paper : for a modern Européen Works Council Directive in the Digital Era.

CESE / Conseil économique, social et environnemental (2015-27) Rapport « Les nouveaux rapports industrie / services à l’ère du numérique », rapporteuse Kotlicki Marie-José.

Cette G. (2017) “ Progrès technique, emploi et chômage : même pas peur ! », Télos.

CFDT (2014, décembre), Cadres, La revue N° 462 : « la maîtrise des impacts technologiques numériques ».

CFDT (2015, décembre), Cadres : « La révolution numérique : un changement de paradigme

12

Page 13: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

(La transition numérique est devant nous ; les exigences du virage numérique ; quand le collaboratif irrigue les politiques publiques ; expérimenter des modes de travail collaboratifs ; vers la numérisation du poste de travail.

CFDT (2015, septembre), Cadres, La revue N° 465-466 : « Pratiques collaboratives 

CFDT (2016, avril) « Nos Ambitions, Analyses et propositions : « Transition numérique » ; vers un syndicalisme collaboratif.

CFE-CGC (2015, mai) Fédération Métallurgie : « Fiche numérique (ex TIC) ».

CFE-CGC (2016, septembre), Orange : « Numérique : un accord indigne de la première entreprise « digitale » de France ».

CFTC (2016, février), Sagez Bernard : « Numérique et Code du travail ».

CGT (2015, mars) Analyses et documents économiques n° 120, Sophie Binet : « Le numérique, l’entreprise et le travail ».

CGT (2015, septembre), UGICT Conférence de presse « Numérique et travail. La révolution numérique : un enjeu syndical majeur pour les ingénieurs, cadres et techniciens ».

CGT (2015, octobre) Rencontres Options : « Révolution numérique : vers un nouveau modèle économique et social ? ».

CGT-FO (2013, mars) Colloque : « le numérique dans le monde du travail ».

CGT-FO (2015) Réflexions de Force Ouvrière : « L’impact du numérique sur le Travail ».

CGT-FO (2015, septembre) Pavageau Pascal : « L’impact du numérique sur le travail « CNN/ Conseil National du Numérique (juin 2015) Rapport : « Ambition numérique ; pour une politique française et européenne de la transition numérique ».

CNN / Conseil National du Numérique (janvier 2016) Rapport « Travail, emploi, numérique : les nouvelles trajectoires ».

Colin N. et L. Vitaud (2016) “ Faut-il avoir peur du numérique ? » Ed. Armand Colin.

Commission européenne (2015, 6 mai) Communication : « stratégie pour un marché unique numérique en Europe ».

Commission européenne (2016, 2 juin) Communication : « Un agenda européen pour l'économie collaborative ».

Conseil d’Orientation pour l’Emploi (2017) “Automation, digitalisation and Employment / Volume 1 : impacts on job numbers, structure and location/ Summary54 ”.

Degryse ch (2016) «  Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI.

54 Nous ne sommes pas parvenus à télécharger la version en français de ce Rapport

13

Page 14: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques de revendications, représentation et stratégie des partenaires sociaux devant les mutations de la filière numérique en France  », Rapport présenté par le Centre Henri Aigueperse-UNSA avec le concours financier de l’IRES.

Dengler K (2016) “ La transition numérique : quels effets sur le monde du travail  en Allemagne ? ” Ed. Friedrich Ebert Stiftung.

France Stratégie (2016, juillet) « L’effet de l’automatisation sur l’emploi : ce qu’on sait et ce qu’on ignore », Note d’analyse de Le Ru N.

Frey C.B. et M. Osborne (2013) “The future of employment: how susceptible are jobs to computerisation », University of Oxford.

Gallois L. (2012, 5 novembre) « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française », Rapport au Premier ministre.

Gauron A. (2016) « L’industrie 4.0 : quelle vision pour la France ? », dans « L’industrie du futur : une compétition mondiale », Ed. La Fabrique de l’industrie.

Gauron A. et J. Decaillon (2016) « Compétences et formations à l’heure de l’Industrie 4.0 », dans « Travail industriel à l’ère numérique : se former aux compétences de demain », Ed. La Fabrique de l’industrie.

Giraud P-N. (2015) “ L’Homme inutile”, Ed. Odile Jacob.

Gordon R. (2016) “ The Rise and Fall of American Growth:The U.S. Standard of Living since the Civil War”, Ed. Princeton University Press,

Groupe Alpha (juin 2016) « Façonner le nouveau monde du travail. Les impacts de la digitalisation et de la robotisation », Conférence à Bruxelles.

Guilly Ch. (2015) « La France périphérique », Ed. Champs, actuel.

Institut Montaigne (avril 2015) Rapport : « Big data et objets connectés : faire de la France un champion numérique ».

IRES (2016, avril) voir Demas et alii : « Production et transmission des savoirs à l’ère du numérique ».

IRES (2016, juillet) « Economie numérique et dialogue social ».

Kohler D. et J-D Weisz (2016) « Industrie : les défis de la transformation numérique du modèle industriel allemand », Ed. La documentation Française.

Kurzweil R. (2005) « The Syngularity Is Near », Ed. Viking.

Lasaire (2012, novembre) « Réindustrialiser notre pays : quelle méthode ? », Cahier n° 47, coordonné par Hugues Bertrand.

Lasaire (2013, novembre) « Formation continue : mettre les vraies questions sur la table ? », Cahier n° 49 coordonné par Hugues Bertrand.

Lasaire (2014, novembre) « La réforme territoriale : enjeux et défis pour les acteurs sociaux », Cahier n° 56, coordonné par Robert Mounier-Véhier et Jean-Luc Gibou.

14

Page 15: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

Lasaire (2014, décembre) « Péri-urbain », Cahier n° 52, coordonné par Joël Lecoq.

Lasaire (2015, juin) « Quels objectifs pour l’emploi et plus largement pour le travail ? », Note n° 64, de Jacques Freyssinet et Joël Maurice.

Lasaire (2015, septembre) « Femmes et autres modes de développement », Cahier n° 54, coordonné par Maryse Huet et Anne-Marie grozelier.

Lasaire (2016, octobre) « Dynamiques territoriales et systèmes productifs : enjeux et acteurs », Cahier n° 56, coordonné par Jean-Luc Gibou et Robert Mounier-Véhier.

Lasaire (2016, novembre) « Numérique, travail et emploi : chances à saisir, risques à maîtriser », Cahier n°57, coordonné par J. Maurice et A. Stimamiglio.

Lasaire (2017, avril) « Replacer l’égalisation dans le progrès au cœur du projet européen », Note n° 62 (Résumés), coordonnée par Joël Maurice (voir Notes détaillées n° 61, 60, 59, 58 et 57).

Lasaire (2017, juin) « Revenu universel : fausse route ou alternative ? », Note n° 63, coordonnée par André Milan.

Lasaire (2017, juin) « L’impact de l’économie collaborative sur l’emploi des femmes », Note n° 64, de Maryse Huet.

Lasaire (2017, juillet) « Ubérisation, transport sans conducteur : quelle défense, quelle protection pour les travailleurs ? », Note n° 65, coordonnée par Joël Lecoq.

Lasaire (2017, juillet) « L’impact de la transition écologique sur l’emploi des femmes et l’égalité professionnelle », Note n° 66, coordonnée par Maryse Huet. 

Lasaire (2017, juillet) « La croissance n’est plus le problème … et encore moins la solution ! » », Note de Christian Dellacherie.

Le Ru N. (2016, juillet) « L’effet de l’automatisation sur l’emploi : ce qu’on sait et ce qu’on ignore », Note d’analyse, France Stratégie.

Milanovic B (2016) « Global Inequality : a New Approach for the Age of Globalization”; Ed. Cambridge, Havard University Presse.

Ministère de l’Economie (2015, 18 mai), dossier de presse : « L’industrie du futur : réussir la nouvelle France industrielle ».

Mission allemande en France (25 mai 2016) « Promouvoir ensemble la numérisation ».

Mokyr J., Ch Vickers et N.L. Ziebarth (2015) « The History of Technological Anxiety and the Future of Economic Growth », Journal of Economic Perspective, vol 29.

ONU (2017, juin) « Perspectives de la population mondiale ».

Parlement Européen (2016, janvier) deux fiches : « omniprésence du marché unique numérique » ; « une stratégie numérique pour l’Europe ».

15

Page 16: JMaurice Forum 3 Vdef... · Web viewDegryse ch (2016) « Les impacts sociaux de la digitalisation de l’économie », ETUI. Demas B, N.Farvaque et Dj. Messaoudi (2016) « Thématiques

Rifkin J. (1996) “La fin du travail”, Ed. La Découverte.

Rifkin J. (2011) « La troisième révolution industrielle, Ed Les liens qui libèrent.

Rifkin J (2014) « La nouvelle société au coût marginal zéro », Ed Les liens qui libèrent.

Schumpeter J. (1942) « Le processus de destruction créatrice », dans « Capitalisme, socialisme et démocratie », Ed. Bibliothèque historique Payot (chapitre 7, pages 113 à 120).

Syndex (21 juillet 2015) pour la Fédération CGT des Sociétés d’Etude : « Numérique et emploi : quelle est l’incidence du développement du numérique sur l’avenir des centres de contact ? ».

Terrasse P. (février 2016) Rapport au premier ministre sur l’économie collaborative.

UNSA (2016, mai) Le Zoom :« Economie numérique : Quelle qualité de vie au travail dans un monde digital ? » ; « Le numérique peut-il se passer du dialogue social ? ».

Vallet L-A (2016) « Introduction : l’enquête information et vie quotidienne 2011 parmi les dispositifs nationaux et internationaux de mesure des compétences des adultes », dans Economie et Statistique n° 490-2016, « Compétence des adultes à l’écrit et en calcul ».

Veltz P. (1996) « Mondialisation, villes et territoires : l’économie d’archipel » Ed. PUF, Economie en liberté.

Veltz P. (2002-2008) « Le Nouveau Monde industriel », Ed. Gallimard.

Veltz P. (2008) « La grande transition : la France dans un monde qui vient » , Ed. Seuil.

Veltz P. (2017) « La société hyper -industrielle : le nouveau capitalisme productif », Ed. Seuil, La République des Idées.

Veltz P. et Th. Weil (2015) « L’industrie, notre avenir », Ed. Eyrolles

Walwei U. (2016) “ Digitalization and structural labour market: the case of Germany”, ILO research.

16