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Joseph Ratzinger et l’Église©crits permettra de mettre en perspective la continuité et les déplacements de sa pensée. Dans le cinquième chapitre, traitant des nouveaux mouvements,

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JosephRatzingeretl’Église

Collection«Théologieàl’Université»

La théologie s’exerce en bien des lieux et de multiplesfaçons. L’accomplir à l’Université, c’est l’inscrire dans uneexigenceaussianciennequelesuniversitéselles-mêmesoù,sansconcessionnipréjugé,secroisentets’interpellentlessavoirs.Àuneépoqued’éclatementdescroyancesetdesrationalités,cetteexigenceintellectuelledemeured’actualité.

«Théologieàl’Université»publiedesrecherchesmenéesauTheologicum -FacultédeThéologieetdeSciences religieusesdel’InstitutcatholiquedeParis.

Directeurs:Thierry-MarieCourauetHenri-JérômeGagey

Comitééditorial:EmmanuelDurand,IsaiaGazzola,JoëlMolinarioetSophieRamond.

©2014,GroupeArtègeDescleedeBrouwer

10,rueMercœur–75011Paris9,espaceMediterranée–66000Perpignan

www.artege.fr

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insuffisante de l’Église dans son mystère, dans sa natureprofonde. Or, les deux pôles, à savoir la forme fondamentalepermanente – les paroisses et les diocèses, qui sont source decontinuité – et les nouveauxmouvements – poussées toujoursnouvelles du Saint-Esprit qui rendent vivante et nouvelle lastructurede l’Église–sontdesexpressionsde lanaturemêmede l’Église et ne doivent pas se comprendre de manièredialectique : l’Église est un mystère de communion. Cettenotion analogique est centrale dans les écrits de J. Ratzinger.Elle ne désigne pas seulement la communion fraternelle descroyants entre eux mais la structure ecclésiale : l’Église estcommunioecclesiarum.Ainsi,encentrantsonecclésiologiesurlemystèredel’eucharistie,J.Ratzingerinsistesurtroisniveauxde réalisation de l’Église : l’assemblée eucharistique, l’Égliseparticulièreet l’Égliseuniverselle.Nousseronsalorsamenéeàaborder lapolémique suscitéepar la lettreCommunionis notiode 1992, qu’il signa commepréfet de laCongrégation pour ladoctrinedelafoi.Nousnousinterrogeronssurlesconséquencesecclésialesdecertainesaffirmationsdecetécrit.

Danscechapitre,nousapprécieronslelienprofondavecsonétude doctorale sur Augustin, de par la place centrale qu’ildonne, à la suite des Pères, à la fraternité et à la communionsaisies dans leur fondement eucharistique et considéréesessentiellespourpenserlamissiondel’Église.

Notre troisième chapitre présente certaines des optionsépistémologiques de J. Ratzinger sur lesquelles il eut à sejustifier très tôt,étantdonnélarecensiondontsonlivreLa foichrétiennehieretaujourd’hui,publiéen1968,futl’objetdelapart du futur cardinal Kasper. Ce chapitre sera l’occasion depréciser sa méthode théologique, en particulier le statut del’histoire,desPères,delaphilosophieetdelamétaphysique,dela Tradition. Autant de questions qui sont particulièrement

importantes pour saisir la manière de concevoir lerenouvellement de l’unique sujet Église, sa mission et sarelation au monde. Ces interrogations sont essentielles poursituer les débats au cœur du quatrième chapitre – relatif àl’épiscopatetàlaprimauté–etducinquièmechapitre.

L’analyse des travaux de J. Ratzinger sur la nature del’Églisemet en évidence la structure sacramentelle de l’Églisequiladistinguedetoutautretyped’institutionetinviteàsaisirles ministères ordonnés à la lumière de l’eucharistie. Mais lethéologien met également en lumière le rôle non moinsfondamentaldelaParolepourcomprendrelemystèredel’Égliseetlasuccessionapostolique.Notrequatrièmechapitres’attacheàétudierdemanièrediachroniquelesécritsdeJ.Ratzingersurlasuccessionapostolique,laprimautédusuccesseurdePierreetlacollégialitéépiscopale.J.Ratzingeramontré,dèssonpremierécrit en 1959, que la primauté du successeur de Pierre et lacollégialitéépiscopalesontdeuxpôlesfondamentauxtoutaussiessentielspour l’Égliseetdoiventavoir lemêmepoidsdanssastructure comprise comme communio ecclesiarum. Cependant,lorsduConcile,J.Ratzingerdifférenciaitdeuxpossibilitéspourfonder la collégialité épiscopale etmontrait qu’elles étaient enfaitlerefletd’uneconceptiondifférentedelaresponsabilitéduministère épiscopal au sein de l’Église universelle et de lanécessité d’un lien des évêques à une Église locale. NousmontreronscommentJ.Ratzinger,àpartird’étudesbibliquesethistoriques, s’est attaché à ancrer le primat papal comme lacollégialité épiscopale dans une compréhension de l’Églisecomme communio ecclesiarum. Nous analyserons lespropositions de réformes institutionnelles qu’il fit pour unecoexistence renouvelée et équilibrée du primat papal et de lacollégialitéauservicedelavieetdelamissiondel’Église.Lechoixquenousavonsfaitd’uneexpositiondiachroniquedeses

écrits permettra de mettre en perspective la continuité et lesdéplacementsdesapensée.

Dans le cinquième chapitre, traitant des nouveauxmouvements, resurgissent certaines questions clés del’ecclésiologie de J. Ratzinger, traitées dans les chapitresprécédents mais renouées dans le cadre de cette nouvelleproblématique du lieu théologique des nouveaux mouvementsdans l’Église. Ainsi, à partir d’une démarche originale, J.Ratzinger revisite les questions de la nature de l’Église, sonunité, son apostolicité et sa catholicité, mais également lesquestionsduministèrepétrinienetduministèreépiscopal,dansleur mission au service de la communion et au service de lamission universelle de l’Église. Il établit alors que lesmouvements sont profondément enracinés dans la réalité del’Église, ils en sont un pôle essentiel qui concourt à sonrenouvellement. En outre, il affirme qu’ils sont liés d’unemanière particulière au ministère pétrinien et à sa missionapostolique universelle. La problématique des nouveauxmouvements est aussi l’occasion pour J. Ratzinger de prendrepositionparrapportàlaplacedesinstitutionsexpressiondelacollégialitéetdelasynodalité,desesituerparrapportaumodede participation des laïcs à la mission de l’Église et d’attirerl’attentionsurl’importancedelaresponsabilitépersonnelledespasteurs.Nousseronsalorsamenéeàréfléchirsursesprisesdepositionsetànousdemanders’ilestpleinementaccueillantaudéploiementdesprincipesecclésiologiquesqu’ilalui-mêmemisenlumière.

La question de ces nouvelles réalités ecclésiales vafinalement nous permettre d’analyser la manière dont J.Ratzingernouedesprincipes théologiqueset épistémologiquesdéterminants de la pensée ecclésiologique qu’il a développéeentre 1953 et son élection comme successeur de Pierre, et de

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historique, richede renouveauxetde ruptures, sur lequelnousreviendrons,l’ouvragedeH.deLubacfutsansdoutecommeunéchoàuneattentespirituelleetintellectuelledujeuneétudiantenthéologie.LetypedethéologiequeJ.RatzingermetenœuvreestunrefletdesélémentsessentielssaisisdanscettelecturedeCatholicismequihonore l’aspect social,historiqueet intérieurdu catholicisme. On peut également noter que l’écriture de J.Ratzingera,elleaussi,sapropreoriginalitéquipeutcependantprêter à confusion, comme le montre la lecture de certainesrecensions49.W.Kasper,parexemple,danslarecensiondulivrede J. Ratzinger La foi chrétienne hier et aujourd’hui, estparticulièrementcritiqueetincisifàl’égardd’unstylequ’iljugeméditatif, intuitif plus qu’argumenté. Il remarque égalementqu’il n’est pas toujours très facile de distinguer « une thèsecertaine d’une simple hypothèse, une doctrine théologique etecclésiale communément reçue de la théologie personnelle del’auteur50».Nousreviendronsdansnotretroisièmechapitresurcetterecension.

Corpusmysticum51, autre ouvrage écrit par le jésuite onzeansaprèsCatholicisme, aoffertégalementau jeune théologienallemand des clefs de compréhension pour sa rechercheecclésiologique. Il s’appuya en particulier sur les résultats dujésuitefrançais,quidémontredansuneanalyseapprofondiequelamanièredont s’exprimaient l’Antiquité chrétienne et lehautMoyenÂge était exactement l’inverse de la nôtre : parcorpusverum (corps véritable) on entendait l’Église, et par corpusmysticum, corpsmystique, l’eucharistie. Ilmontre aussi le lienintrinsèqueentrel’unetl’autreterme.Letravailsurlessourcespatristiques s’est beaucoup attaché à étudier le rapport «eucharistie-Église » chez les Pères ; cela sera aussi une desorientationsdes recherchesbibliques, ce rapport étantaucœur

delavieetdelaréflexionecclésiale.Lecontexte intellectuel,dans lequelJ.Ratzingerévolue, le

conduit donc assez naturellement à approfondir – non sansappréhension, comme nous allons le montrer – une questionrelativeàl’ecclésiologied’Augustin.

2–3.LepremiertravaildeJosephRatzinger:unenouvelleétudesurAugustin

Dans la préface de la première édition – de 1954 – de sadissertationsurAugustin,J.Ratzingerexposeclairementquellea été sonappréhension, aumomentde s’engager à travailler lesujet du concours52. En effet, la figure d’Augustin est bienconnueetadéjàfaitl’objetdenombreuxtravaux:

Untravailsurlapenséedel’ÉglisechezsaintAugustinestundéfi.Jele sais aujourd’hui encore plus qu’en l’été 1951, date à laquelle cetravail a été présenté à la faculté de théologie de l’université deMunichaprèsquecesujetderecherchepourl’année1950-1951,aétéprésentéàconcours.Plus encore aujourd’hui qu’à l’époque, je suis conscient dudévouementdepetitsetgrandsespritsdanstouslespaysautourdelafigure importante de saint Augustin et l’espoir du débutant depouvoir dire encore quelque chose de nouveau s’en trouveconsidérablementdiminué53.

Cependant ilcroitaubien-fondédecettenouvelleétudeets’en explique, dans cette même introduction, en mettant enperspective l’articulation entre la recherche historique et larecherche systématique, et établit comment elles se fécondentl’une l’autre. J. Ratzinger développe le cercle herméneutiquepermettantdecomprendrelaraisonpourlaquellechaqueépoquepeutànouveauinterrogerunobjet–enl’occurrenceicil’œuvre

d’Augustin – qui a déjà été amplement exploré par lesgénérationsprécédentes:

En général, les progrès dans la recherche historique et dans larecherchesystématiquesontdépendantsl’undel’autre.Mêmesic’estla tâche de l’historien d’examiner la réalité historique seule,indépendamment des présupposés systématiques, peu importe sapositionpar rapportàsonavispropre, ilnepeutobtenir la réponsequ’à l’endroit où il a questionné en premier. Mais il ne peutquestionner qu’en partant de la compréhension préalablesystématique. La réponse trouvée peut ensuite élargir l’horizonsystématique et la systématique peut offrir une nouvelle base pourpénétrerplusprofondément l’objet de la recherchehistorique.C’estainsi que la systématique devient de part et d’autre la frontière(limite)del’efforthistoriquecommecelui-cidesoncôtéestappeléàélargirdepartetd’autrelesfrontièresdelasystématique54.

Ainsi la théologie systématique offre-t-elle la possibilitéd’interrogerunemêmepériodehistoriqueàdesdegrésdiversdequestionnement et avec des présupposés multiples, laissant àl’objethistoriquelapossibilitédedévoilerdenouvellesfacettespermettant de nouvelles recherches systématiques. C’est danscetteperspectivequesecomprendlapertinenced’unenouvelleétudehistoriquesurAugustin.En1950, lecontexteoffraitdeschampsviergesd’investigations.

3.LaproblématiquedutravailsurAugustin:lanaturedel’Église

Afin de saisir l’importance, pour l’ecclésiologie, du sujetquelesétudiantsengagésdansceconcoursuniversitairedoiventtraiter : Volk und Haus Gottes in Augustins Lehre von derKirche, J. Ratzinger dans la préface à la seconde édition de

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Église et caritas, risque de cacher la nécessité incessante deconversion et de renouvellement, d’accentuer l’infaillibilité del’Église et de la conduire à s’adorer elle-même. Nousreviendrons sur cettenécessitéde réformedans l’Église, et surlescaractéristiquesd’unevraieréforme.

Les deux éléments fondamentaux, qui permettent uneapproche dumystère de l’Église dans la vision augustinienne,sontdonclarelecturechristologiquedel’AncienTestamentetlasaisie du rôle de la vie sacramentelle dont le centre estl’eucharistie.J.Ratzingeraainsiapprisd’Augustin,auxprisesavec le donatisme, à saisir l’Église à travers une approchechristologiqueetsacramentelle:

LepeupledeDieuestlacommunauté,quireprésentel’unitédeceuxqui avec le Christ offrent un sacrifice ; Maison de Dieu s’entendcomme«êtreun»avec l’EspritduChristquinepeut certainementpasseréalisersans«êtreun»aveclecorpsduChrist85.

Àcetteétapesontdéjàprésentes lesassertionsessentiellessurlanaturedel’ÉglisequeJ.Ratzingerretientd’Augustin.Lepeuple de Dieu est la communauté qui représente l’unité(transtemporelleetliturgique)deceuxquioffrentavecleChristle sacrificeetqui sontundans l’Esprit (caritas).Lacatholicaestlacommunionsynchroniqueetdiachroniquedesfidèlesdansl’EspritSaint,quiestl’âmedupeupledeDieu,lequel,danssasubstancelaplusintime,estlecorpsduChrist.

Ainsi en ordonnant les différents concepts utilisés parAugustinpour approcher lemystèrede l’Église, J.Ratzinger asaisiqueltyped’unitéexisteentrel’Églisevisibleetl’Églisedessaints.LasainteÉglisesupporteensonseindespécheursparcequemêmeceuxqui,enelle,sontperçuscommesaints,incarnentla phase sacramentelle et pré-eschatologique de ce que sera la

saintetésansombredansleroyaumedeDieu.Ilconvientenfindereleverquelesconceptscléspourdéfinir

l’Église catholique sont ceux de « peuple de Dieu » et de «corpsduChrist»,liésparleprincipesacramentel.Ilsserontlesdeuxconceptsessentielsdel’ecclésiologiedeJ.Ratzinger.

4–3.Lanotiond’Églisedanslaluttecontrelepaganisme

LachutedeRomeen411 et sonpillagepar lesWisigothscréa une situation qui conduisit Augustin à une élaborationecclésiologiquenouvelle.Leclimatdesuspicionàl’encontredela religion catholique, qui n’a pas été capable d’éviter cettedébâcle, favorise le retour au culte traditionnel ; c’est dans cecontexteque l’évêqued’Hippone rédige leDecivitateDei. Lebonheuretlabéatitudesontaucœurdelaproblématiquedecetouvrage.CesdeuxthèmesamènentAugustinàuneréflexionsurleculte.

Cequipermetderéunirsouslemêmenomdecivitasdeuxcommunautés essentiellement différentes, c’est la réalitéprésente dans le sens littéral de ce mot. C’est-à-dire que, lescitéssecaractérisentparlefaitqueleculteestlecentredeleurexistence. Il s’agit le plus souvent de cultes aux faux dieux àl’exceptiondelaJérusalemterrestre,vouéeauculteduseulvraiDieu mais en vue de la béatitude terrestre86. Ainsi, note J.Ratzinger,aucultepaïen,Augustinopposelecultechrétiendontle centre est le sacrifice de Jésus, qui s’actualise de façonpermanente, dans la célébration de l’eucharistie. La vraiereligion se vit dans l’Église catholique, qui célèbre le culteauthentiquecapabled’uniràDieu.

Les chrétiens sont ceux qui honorent Dieu en offrant

l’uniquevraisacrifice,maisiln’estpasenvisageabled’offrirlevrai sacrifice enn’étantpasdans l’unitéducorpsduChrist etaniméparlacharité.Cequ’ilyaauplusintimedecesacrificec’est lacaritasdes saintsquin’estpasune réalitémystiqueetintérieure,invisibleaumonde,maisl’EspritSaintlui-même,quide l’intérieurmeut l’ensemble du corps et construit l’unité del’Église.Lacaritasestl’amourréellementprésentdanslecœurchrétien.Cequisignifiequetoutacted’amourauthentiquementchrétien, toute œuvre de miséricorde, est sacrifice en un sensréel et authentique, célébration de l’unique sacrificiumchristianorum87. Il n’y a pas d’un côté un sacrifice imparfait,moraloupersonnel,etd’unautrecôtéunsacrificecultuel,maislepremierestlaréalité,laresdusecondquiseulementdanscesens devient une réalité authentique. J. Ratzinger soulignequ’Augustin nous présente là sa théorie du sacrifice de lamesse:

Ilrecueilledansunepureunitéintérieurelasériedepenséesjusqu’iciplus oumoins liées à sacrificium, corpus (eucharistico-ecclesial) etcaritas. L’entrelacement du culte ecclésial visible et du culte del’amourducœurasonexpression lapluséloquentedans lesursumcorcontinuellementcitéquid’unepartindiquel’auteldecesacrificedans le cœur des chrétiens et d’autre part rend en même temps ettoujours conscient le lien d’amour du cœur avec la visible unitéd’amourdelacommunautéeucharistique88.

Ainsi lesacrificede lacivitas,qui s’offreà l’uniqueDieu,consisteàêtreundansleChrist.C’estparlacaritasquel’unionparfaiteaveclesacrificeduChristseréaliseetquelecorpsduChristseconstruit.Cequiunitlacivitasàl’offrandeduChristestlacaritas;l’autelsurlequelcetteoffrandes’actualiseestlecœurdeschrétiens.Ainsi,parl’offrandeeucharistique,leChristtotals’édifie,etl’onsaisitleliens’opérantentrel’Églisedela

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Söhngen,grandementimpressionnéparlelivredeM.-D.Koster,était la confirmation de la thèse du dominicain. Or, l’étuderéalisée par J. Ratzinger infirme cette dernière. J. Ratzingerrésumelapenséed’Augustinenaffirmant:l’Égliseestlepeuplede Dieu seulement dans et par le corps du Christ. Lacommunauté nouvelle appelée par Christ s’appelle dans leNouveau Testament essentiellement Ecclesia, c’est-à-direrassemblement, terme qui englobe un aspect eschatologique etunaspectcultuel.

Le travail de J. Ratzinger met donc en lumière deux «réalisations»essentiellesdel’Ecclesia,l’assembléecultuelleetlacatholica,l’Égliseuniversellequiestune.LepeupledeDieuestconstituéd’assembléescultuellesquioffrent,avecleChrist,lesacrifice.Encentrantl’Églisesurlemystèredelacélébrationeucharistique, les Pères donnent à l’expression « corps duChrist » une triple dimension : liturgique, sacramentelle etecclésiale119. Ces dimensions intimement liées honorent ladimension visible et hiérarchique de l’Église, évincée, dansl’entre-deux-guerres. L’expression « corps duChrist » n’a pasuniquement le caractère d’intériorité, qu’on lui avait attribué àcetteépoque,maisaussiuncaractèrepublic.

L’unicitédelacatholicaetsonunitésontaucœurdudébatd’Augustin avec les donatistes120. J. Ratzinger puise chezAugustin et les Pères121 son attention sur la catholicité del’Église,auservicedelaréconciliationdel’humanitédivisée.Ilsaisitlemystèredel’histoiredusalutcommelemystèredudondelacharitéoffertparl’Espritpourrameneràl’unitél’humanitédivisée. Il revient sur ce thème dans son texte Einheit derNationenquiétudiel’unitédesnationsdanslavisiondesPèresdel’Église.

Trois autres thèmes clés de cette étude d’Augustin se

retrouvent avec un contenu théologique précisé dansl’ecclésiologie de J. Ratzinger : l’Église est caritas – J.Ratzingersoulignenéanmoinsl’ambiguïtédecetteexpression–l’Église est communion – ce terme analogique fera l’objetd’amples développements – l’Église empirique est comme unsacrementdelacivitasDeieschatologique.Nousavonsvudansla critique de l’encycliqueMystici Corporis par J. Ratzingercommentcelui-ciadémontrélanécessitéd’unegrandeprécisiondes termes utilisés en théologie ce qui ne peut se faire sansintégrerl’histoiredelapenséethéologique(cf.3-1).

J. Ratzinger observe qu’Augustin, enmourant, laissait unevieentièrementdonnéeauservicedel’Église,servicequ’ilavaitassumémalgrélui,souventvécuàtraverspeinesetsoupirsetquil’avait profondément marqué. Le chemin parcouru depuis lespremiers dialogues, écrits alors qu’il était à peine converti,jusqu’à sesœuvres dematurité rédigées en tant qu’évêque, estremarquable. Il était devenu, selon J. Ratzinger, un hommeecclésialauplusintimedelui-mêmeetdesapiétépersonnelle.En1961,J.Ratzingerproposeuneétudesur«L’ÉglisedanslapiétédesaintAugustin»surlaquelleilconvientdes’arrêter122.Eneffet,J.Ratzingermetenlumièrequelquesaspectsquisontpourluiessentielsdelaviechrétienneecclésiale.

5.Laviechrétiennedanslesécritsd’Augustin

J. Ratzinger situe très simplement son propos en faisantremarquerqu’ils’estcontentéderentrer«dansquelquesrouteslatérales123»dugrandterritoirequimetenlumièrel’ecclésialitéde la piété ecclésiale d’Augustin, en cueillant quelques fleurssur le chemin.Ces quelques fleurs choisies sont significativesde l’attention que J. Ratzinger porte à la qualité de la vie

chrétienne.Lethéologiensouligneparticulièrementl’importanceduserviceetdelamissiondanslaviechrétienne.

J. Ratzinger relève l’originalité du commentaireaugustinien124 relatif à la péricope évangélique125 du récit desdeux sœurs de Béthanie – Marthe et Marie – qui accueillentJésus, par rapport aux commentaires de la Tradition et enparticulierceluidesaintThomasd’Aquin.L’exégèsed’Augustinvoit«enMarthe,l’imagedelavieprésente,enMarie,celledelavie future. La figure de Marthe, c’est notre vie, la figure deMarieestcellequenousespérons126».CelasignifiequeMartheetMarie ne sont pas, pourAugustin, deux options pour cettevie,maisqu’ellescaractérisentlafin,lebutetlechemin,lavia.Augustin nie explicitement l’idée platonicienne d’une activitéentièrement vouée à la contemplation et reconnaît la place duservice chrétien comme chemin inévitable pour parvenir auterme:

Lafatiguepasseetlereposreste,maisnousn’arrivonsaureposquepar la fatigue.Lenavirevaet rejoint lapatrie,maisonne rejoint lapatrie que par l’embarcation. Nous naviguons sur la mer, il suffitpour cela de regarder les vagues et les tempêtes de notre époque.Mais je suis certain que nous ne coulerons pas parce que noussommesportésparleboisdelaCroix127.

LedestindeschrétiensestdoncceluideMarthequisertleSeigneur. J. Ratzinger montre combien Augustin insiste surl’attitude qui doit caractériser également l’exercice du servicesacerdotal.Ainsi,àl’occasiondeconsécrationsépiscopales,ouaux jours anniversaires de sa propre consécration, Augustinprêchait sur la difficulté de la charge pastorale, ce qui ledistinguait de bien d’autres prédicateurs profitant de tellescirconstances pour construire un panégyrique sur la charge,

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véritéetnondanslaformedupassé156.

Àtravers les figuresemblématiquesdeR.Guardinietd’O.Casel, J. Ratzinger présente les différentes manières donts’opèrelerenouveauliturgiqueetmetenévidencel’importancedu statut donné au passé. Le théologien bavarois se situeclairement commediscipledeR.Guardini.Cedernier, tout enattachantdel’importanceàl’apportdesPères,entendintégrerlaTradition dont la nature propre réclame que soit donnée uneplace au développement dans la vie de l’Église.R.Guardini aprissesdistancespar rapportàune formede renouveauquiseréduisaitàn’êtrequ’unereconstructionarchéologiquedupassé.Nous reviendrons sur le statut de l’histoire dans la penséethéologiquedeJ.Ratzingerdansnotretroisièmechapitre.

Nous pouvons ainsi repérer plusieursmotifs pour lesquelsR. Guardini, philosophe et théologien, fut un maître pour J.Ratzinger. Ils partagent tout d’abord la même et assiduefréquentation d’Augustin et du courant augustinien, maiségalementlemêmeintérêtpourl’essenceduchristianisme,l’êtrechrétien, avec une tendance à privilégier une approchesynthétique plus qu’analytique. Nous saisissons égalementcombien J. Ratzinger suit la pensée de R. Guardini, lorsqu’ilaffirme laprimautéde lavérité sur lapraxis, autrement dit duLogos sur l’ethos, de la vérité sur la pratique historique. Lesdeuxthéologiensserejoignentenoutresurlaplaceàdonneràla métaphysique. Nous reviendrons par la suite sur tous ceséléments qui déterminent les questions essentielles et lesoptions épistémologiques de l’ecclésiologie de J. Ratzinger.MaissiR.GuardiniestperçuparJ.Ratzingercommeunmaître,celanel’empêcherapasdeprendreparfoisdeladistance157.Parailleurs le contexte dans lequel J. Ratzinger travaille, évolue

rapidement puisque, si R. Guardini disait qu’« un processusd’une grande portée a débuté : l’Église s’éveille dans lesconsciences»,J.Ratzingerrenversecettethèseetdéploreque«leprocessusdegrandeportée[soit]quel’Églises’éteintdanslesâmesetsedésagrègedanslescommunautés».

Auseindecegrandélanspirituelcommencéà la finde laPremièreGuerremondialeetquis’estprolongéjusqu’auconcileVatican II, élan marqué par les mouvements liturgique,œcuménique et biblique, nous devons relever le mouvementmarialquiavaitdébuté avec les apparitionsmarialesdumilieuduXIXesiècle.L’objectiffondamentaldetouscesmouvementsest de contribuer au renouveau de l’Église, cependant s’ilsexercèrent une influence dans toute l’Église, ils apparurentparfoisavecdesorientationsdivergentes.J.Ratzingerrelèveenparticulier des tensions entre le mouvement marial et lemouvementliturgique158:

Lemouvement liturgique accentuait le caractère théocentrique de laprière chrétienne, qui s’adresse « par le Christ au Père » ; lemouvementmarial,avecsaformuleperMariamadJesum,paraissaitcaractérisé par une autre idée de la médiation, par une volonté dedemeurer auprès de Jésus et deMarie, qui rejetait plutôt en arrière-planlerapporttrinitaireclassique.Lemouvementliturgiquecherchaitunepiétéquis’orientaitstrictementd’aprèslaBible,ou,toutauplus,d’après l’ancienneÉglise ; la piétémariale, qui se laissait influencerpar les apparitions de laMère deDieu en ce temps, était bien plusfortement marquée par la tradition du Moyen Âge et des tempsmodernes[…]Ici,incontestablement,seprésentaientdesdangersquimenaçaient le noyau sain et le faisait même apparaître, pour lesdéfenseurspassionnésdel’autreorientation,commecontestable159.

Cependant de nombreux travaux, tels que ceux de H.Rahner, K. Delahaye, R. Laurentin, O. Semmelroth,

approfondirentlesdeuxdirectionsetcontribuèrentàcequ’ellesse rencontrent tout en gardant leur spécificité. Le Concileintégra l’élément marial dans la constitution sur l’Église et J.Ratzinger souligne combien une mariologie bien comprisepermetunapprofondissementdumystèredel’Église.

Parmilesdifférentsélémentsquiontcontribuéaurenouveaudel’ecclésiologie,etmarquélaréflexiondeJ.Ratzinger,ilyaégalement la redécouverte du laïcat sur lequel il apparaîtnécessairedes’arrêter.Lerenouveauliturgiquenousa,eneffet,faitentrevoirlanouvelleplacepriseparleslaïcsdanslaviedel’Église.Ildevientimpossibled’identifierl’Égliseàsonappareilinstitutionnel et ministériel puisque celle-ci est redécouvertecommeuncorps,unpeupleuniquedeDieu,templedel’EspritSaint en tous ses membres. Aussi s’agit-il de préciser lamodalitédelaparticipationactivedesfidèles,lamanièredontilleur revient de construire l’Église, leur responsabilité dansl’Égliseetdanslemonde.Leslaïcsexpriment,selonlesmotsdeJ.Ratzinger,lavitalitédel’Église.

6–2.Laplacedulaïcatetlemouvementmissionnaire

Lanouvelleimplicationdeslaïcsdanslavieetlamissiondel’Église suscite de nombreux travaux théologiques160 dont lesdeuxobjetsprincipauxsontdedéfinirlestatutetlafonctiondeslaïcsdansl’Églisedemanièrepositiveetdepréciserlamodalitépropre selon laquelle ils sont actifs dans la construction del’ÉgliseetdansladiffusiondesbiensduroyaumedeDieudanslemonde.

Dans les années 1920-1950, le sacerdoce commun desfidèles161 est remis en lumière, les catholiques se découvrent

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toujours été possible de donner une place dans l’Église auxgrandesréalitésnouvellesquigermentenelle»,il«nefautpas,néanmoins, oublier toute cette série de mouvements quiéchouèrent ou conduisirent à des séparations définitives : lesMontanistes, les Cathares, les Vaudois, les Hussites, lemouvement de la Réforme du XVIe siècle189 ». Ainsi, enreconnaissant la part de responsabilité de chacune des partieslorsd’unschisme,J.Ratzingermetenévidencel’attentionqueles pasteurs doivent porter aux nouvelles réalités ecclésiales –les nouveaux mouvements – afin de relever le défi de laconstruction de la communion respectueuse des diversesidentités. Il est nécessaire, souligne-t-il, que l’Église etparticulièrement ses ministres ordonnés se demandent ce quel’Esprit Saint dit à l’Église catholique romaine par l’autoritéd’un tel phénomène lié au mouvement pentecôtiste de grandeenvergure. Les nouveaux mouvements sont, pour un certainnombre d’entre eux, issus de la même dynamique que cesmouvements pentecôtistes très missionnaires ; ils sont parfoisengagésactivementdansledialogueœcuméniqueetsoucieuxdepropositionsconcrètesdansleurvie.IlétaitdoncimportantpourJ.Ratzingerque,mêmesiparlasuitedesabusetdesexcèss’ysont mélangés, ces mouvements suscités par l’Esprit Sainttrouvent leur place dans l’Église catholique et que cette placesoit précisée théologiquement face aux réserves de certainspasteursàleurégard.

7–5.Lesoptionsépistémologiques

LeretourauxsourcesbibliquesetpatristiquesestessentieldansletravaildeJ.Ratzinger,maisexigedediscernercequiestvivantdanslaTraditiondecequiestentièrement liéà telleou

telle époque, autrement dit, ce qui est indispensable pour leprogrès, le développement, l’approfondissement dumystère del’Église, et ce qui relève de l’historicisme et peut devenir unobstacle pour répondre aux défis du temps présent. Lesdifférentes orientations au sein du mouvement liturgique ontdonné un aperçu des conséquences des choix opérés.Dans cecontexte, J. Ratzinger fut amené à expliciter son optionexégétique pour les Pères ainsi que le statut qu’il accorde àl’histoiredanssadémarchethéologique.

Ledébatautourde la liturgieamisenperspective laplacequeR.GuardinidonnaitàlamétaphysiqueetsonaffirmationduprimatduLogossur l’ethos190,del’êtresurlapraxis.CesontdespointssurlesquelsJ.Ratzingerasuivisonmaître,positionqu’ilauraàcœurdejustifier.CeprimatduLogosn’enfaitpasunplatonicien,mais,commeillediradansundesesdébatsavecW. Kasper191, il a construit sa pensée en dialoguant avecAugustin,etaétémarquéparR.Guardini,H.deLubac,et lesphilosophes Scheler, Heidegger et Jasper et le personnalismedanssonensemble192.Cequiéloigne lesPèreset J.Ratzingerd’un certain platonisme, c’est qu’ils ne tendent pas vers uneconceptualité qui dépasse le sensible,mais vers leLogos – lavérité, qui est une personne, Jésus-Christ – relié à des faitshistoriquestrèsprécis.Lathéologiecatholiqueserattacheàunepersonnequiest lacléherméneutiquedetoute larévélation,etnon pas à des concepts. Cela est essentiel lorsqu’il s’agit deparlerde l’Église ;ellenepeutpasêtrecompriseàpartird’unconcept univoque, mais ses multiples facettes doivent êtresaisiesparunlangageanalogiqueetdemultiplesimages.Seulleconcept de sacramentalité peut être utilisé, mais il ne dit pastout.

Enfin, ondoit relever la placeque J.Ratzinger donne à la

théologie fondamentale au sein de la théologie dogmatique.Nous le saisissons en particulier dans son écrit Un seulSeigneur, une seule foi, dans lequel il montre le fondementsacramentel de l’existence humaine afin de saisir la place desmédiations sacramentelles particulièrement importantes dans lechristianisme.

Comme ecclésiologue, J. Ratzinger s’inscrit dans cerenouveau théologique et spirituel. Ses deux premiers travaux,sur Augustin puis Bonaventure193 que nous avons très peuévoqués mais qui l’ont également profondément marqué, bienqu’ils relèvent de « commande », abordent des questionsessentielles pour lui, comme lemontrent les sujets des étudesauxquellesiltravaillaparlasuite.

Cebilannouspermetde justifier laquestion fondamentaleque nous abordons dans le chapitre suivant : qu’est-ce quel’Église ? Nous avons constaté que les résultats du premiertravail de J. Ratzinger sur Augustin, relatifs à la nature del’Église, sont restés les lignes de force de tous ses travauxfuturs194. Les concepts clés : Église-corps du Christ, le lienÉglise-eucharistie, l’Église-peuple de Dieu ,puis à partir de1985l’Église-communion,sontaucœurdesesinterventionssurl’Églisedès1956avec«Del’origineetl’essencedel’Église»,jusqu’autexteleplusrécentenl’an2000surl’ecclésiologiedeLumengentium.

Cettecontinuités’expliqueparlefaitquecestermes:corpsdu Christ, peuple de Dieu, temple de l’Esprit Saint, qu’il apuiséschezlesPères,eux-mêmesexégètesdesaintPaul,etqu’ilutilisaitdéjàavant leConcile,sontselonlui les termesclésdeLumengentium:

Parmilesnombreusesimagesquiconcernentl’Églisequidoiventêtre

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encorepuisque,pourAugustin,ladéfinitiondel’Églisen’estpasissuedeladoctrine de la grâce et donc de quelque chose de totalement intérieur,invisible et personnel mais de la réalité sacramentelle, de la communautéconcrètedel’Églisedansl’actuationdelaCèneduSeigneur.MaiscesontlàdesaspectsqueJ.Ratzingeradéjàsoulignésdansd’autresétudes.135.«DieKircheinderFrömmigkeitdeshlg.Augustinus»,p.37.136.EinführungindasChristentum;Lafoichrétienne.137.«Glaube,GeschichteundPhilosophie»,p.543.Parmilescontributionsrécentes,quimettentenvaleurlaplaceessentielled’Augustindansletravailthéologique de J. Ratzinger, nous pouvons citer : C. CIPRIANI, «Sant’AgostinonellariflessioneteologicadiJ.Ratzinger»inPATH6,2007,p.9-26;G.SANCHEZROJAS,«PresenciadesanAgustinenlaeclesiologiadeJosephRatzinger»inEstAg41,2006,p.413-432;T.WEILER,VolkGottes-LeibChristi.DieEkklesiologie JosephRatzingers und ihr Einfluss auf dasZweiteVatikanischeKonzil,Mainz,Matthias-Grünewald-Verl.,1997.138. J. RATZINGER, « Bilan et perspectives », inGesammelte Schriften,BandXI,TheologiederLiturgie,Freiburg-Basel-Wien,Herder,2008,p.658-663.Letexteestpubliéenfrançaisaveclatraductionallemandeensynopse.[Àl’origine,cebilanavaitétédonnéenfrançais.VoirAutourdelaquestionliturgique avec le cardinal Ratzinger, Actes des journées liturgiques deFontgombault,22-24juillet2001,AssociationPetrusaStella,Fontgombault2001, p. 173-183] ; ici p. 658-659 : « Le mouvement liturgique est né enAllemagne avec une diversité d’origines […] je voulais souligner qu’ilmesembleque lesgrandsmonastèresbénédictins– surtoutBeuron– furent levrailieudenaissancedel’authentiquemouvementliturgique–Beuron,unelledeSolesmes,parceque lesdeuxfrèresWolters’étaient formésà laviebénédictineàSolesmesetavaient fondécerenouveaubénédictind’abordàBeuron,ensuiteàMariaLaach,lledeBeuronetdanslesautresabbayes.Ilest intéressant de lire dans les Mémoires de Guardini que lui-même adécouvert la liturgie en participant aux heures canoniales à Beuron, enparticipant à la vie liturgique vécue dans l’esprit de Solesmes, donc dansl’esprit des Pères, et comment ce fut pour lui la découverte d’un mondenouveau,delaliturgiecommetelle.»139.R.GUARDINI,VomGeist derLiturgie, Freiburg (Br), 1922 ; trad. fr.L’espritdelaliturgie.Paris,Plon,1929.140.L’espritdelaliturgie,p.9.141.«Bilanetperspectives»,p.659-660.142.«RomanoGuardini»,p.255.143. « Baptême, Foi et appartenance à l’Église », p. 73 : « Malgré la

redécouverte du corps,malgré la glorification de lamatière, nous sommesencoreprofondémentmarquéspar ledualismecartésien : nousnevoulonspas assumer lamatière dans nos rapports avecDieu.Nous la tenons pourincapable de devenir une expression de notre rapport avec Dieu, ou lemoyenpar lequelIlnous touche.Aprèscommeavant,noussommestentésde limiter la religion à l’esprit et aux sentiments, et, par le fait même quenousne consacronsàDieuque lamoitiédu réel, nousprovoquonscebasmatérialismequi,desoncôté,est incapablededécouvrirdans lamatière lamoindrepossibilitéd’ennoblissement.»144.Chemins vers Jésus, p. 158-159 : « Déjà la théologie duMoyen Âgeavait détaché la réflexion théologique sur les sacrements de la célébrationliturgique,dansunelargemesureet,séparéedelacélébration,l’avaittraitéeselon les catégories de l’institution, des signes, des effets, de ceux qui lesconfèrentou les reçoivent ; […]Lesignen’étaitcependantpasconsidéréàpartir de la forme liturgique vivante, mais analysé selon les catégoriesphilosophiquesdelamatièreetdelaforme.Ainsi,laliturgieetlathéologiese sont éloignées toujours plus l’une de l’autre ; la théologie dogmatiquen’interprétait pas la liturgie, mais ses contenus théologiques abstraits, ensorte que la liturgie apparaissait presque comme un recueil de cérémoniesentourant l’essentiel – la matière et la forme – et pouvait donc êtreremplacée. Inversement, la liturgie comme discipline théologique (autantqu’ilpouvaitenêtrequestion)devenaitunedoctrinedesnormesliturgiquesen vigueur et s’approchait ainsi d’une sorte de positivisme juridique. Lemouvement liturgiquedesannéesvingta tentédedépassercette séparationdangereuseens’efforçantdecomprendrelanaturedusacrementàpartirdela forme liturgiqueetenprésentant la liturgienonplus simplementcommerecueil plus ou moins fortuit de cérémonies, mais comme expressionadéquatedusacrementdans lacélébrationliturgique.LaConstitutionsur laliturgie de Vatican II a mis en lumière cette synthèse de façonimpressionnante, quoique très brièvement, et elle a ainsi conféré à lathéologiecommeàlacatéchèselatâchedecomprendrelaliturgiedel’Égliseetsessacrementsd’unefaçonnouvelleetplusprofondedecelien.»145.Cf.UnseulSeigneur,p.71-106 : le fonctionnalisme, la fragmentationdu monde basé sur l’éphémère et l’influence du spiritualisme. Ces troispoints sontanalysésdans l’articled’A.DIRIART,«L’orientation liturgiqueet sacramentaire de JosephRatzinger », inAnthropotes 10/XXV/2, p. 319-351.146. Ibid., p. 77-86 : J. Ratzinger distingue deux groupes de formessacramentellesprimordiales:lepremierfondésurlerapportentrelebioset

l’espritet lesecond«partdecequiestproprementhumainchez l’homme,decequiestàl’originedesonhistoireindividuelleetcollective»,p.85.147.Ibid.,p.72.148.Ibid.,p.71.149. R. GUARDINI, Vom Geist der Liturgie, Freiburg (Br), 1918 ; DasObjektiveimGebetsleben,p.117-125citéparS.JAKI,p.64.150.L.VILLEMIN,«D’uneÉglisecentraliséeàuneÉglisecommunion»,inLesgrandesrévolutionsdelathéologiemoderne,F.Bousquet(dir.),Paris,Bayard,2003,p.168.151.J.RATZINGER,«Bilanetperspectives»,p.660-661.152.UnseulSeigneur,p.71:«L’idéethéologiquepeut-êtrelaplusfécondedenotresiècle,lathéologiedesmystèresd’OdoCasel,appartientaudomainede la théologie sacramentaire, et l’onpeutbiendire, sans exagération,que,depuis lafinde l’èrepatristique, la théologiedessacrementsn’apasconnuunefloraisoncomparableàcelledontelleabénéficiéaucoursdecesiècle,enliaisonaveclesidéesdeCasel.»153.«Bilanetperspectives»,p.662.154.«RomanoGuardini»,p.269-270.155.Lafoichrétienne,enparticulierp.21-38.156.«RomanoGuardini»,p.272.157.ParexempleaveclathèsedeR.Guardiniquisaisitlaformeessentielledel’eucharistiecommeunrepas.158.Cf.MariepremièreÉglise,p.15-20.159.Ibid.,p.16-17.160.Parmilesnombreuxtravauxsurcettequestionnouspouvonsciter:Y.CONGAR, Jalons pour une théologie du laïcat, Paris, Cerf, 1953, coll. «UnamSanctam»23;Y.CONGAR,Sacerdoceetlaïcatdevantleurstâchesd’évangélisationetdecivilisation,Paris,Cerf,1962,coll.«CogitatioFidei»4;G.PHILIPS,Lerôledulaïcatdansl’Église,Tournai,1954;G.PHILIPS,«L’étatactueldelapenséethéologiqueausujetdel’apostolatdeslaïcs»,inEThL 35, 1959, p. 877-903 ; J. HAMER, L’Église est une communion, p.135-170.161.Cf.PIEXI,LettreencycliqueMiserentissimusRedemptor,8mai1928,[AAS20(1928),p.165-178];PIEXII,AllocutionMagnificateDominum,2Nov.1954,[AAS46(1954),p.669];PIEXII,LettreencycliqueMediatorDei20, novembre 1947, [AAS 39 (1947), p. 552ss.] ; PIE XII, Allocution 22septembre1956,[AAS48(1956),p.714].162.LepontificatdePieXIIs’étendde1939à1958.Discoursdu20février1946,[AAS38(1946),p.149].

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ontologiqueentrel’unetlemultiple.Lemystèredel’incarnationpeut alorsmieuxêtre saisi : «SiDieu s’est faithomme, s’il aattiré à lui un homme dans l’unité avecDieu, il a, ce faisant,touché l’humanité de tous les hommes, et tout le grandorganisme est entré en mouvement vers Dieu217. » Ainsi enJésus-Christ, l’insertion de l’humanité dans l’unique hommeJésusseréaliseet:

L’être de Jésus-Christ a introduit dans l’humanité le dynamisme dupassagedel’êtredéchirédesindividusisolésàl’unitédeJésus-Christ,à l’unité de Dieu. Et l’Église n’est rien d’autre que ce dynamisme,cettemiseenmouvementdel’humanitéversl’unitédeDieu218.

C’est ence sens radicalque leChrist est appelé le secondAdam,etqueleschrétienssontunhommenouveauaveclui.J.Ratzinger observe que cette pensée réaliste de l’unité del’humanité impose, au niveau ecclésial, une certainecompréhensiondupéchéetdela«restaurationdusalut».PourlesPères,lepéchéconsisteenundéchirementdel’humanité219.Enréponseàcepéché,lesalutconsistealorsàrassemblerdansuneuniténouvellel’humanitédéchirée;leChristestlenouvelAdamquiramèneàl’unitéoriginelle220.L’Égliseestalorssaisiecomme passage de cette humanité déchirée à cette humaniténouvelle où se réunissent ceux qui, étrangers l’un à l’autre,étaientrepliéssurleurindividualité,nepensantqu’àeux.Parlebaptême,l’individunaîtdanslenouvelAdam,ilest«arrachéàsonisolementetincorporéaucorpsduChrist221».

LaCroixétantlelieudelanaissancedunouvelAdam,noteJ.Ratzinger, elle est aussi le lieu de la renaissance de chacundesbaptisés plongésdans lamort et la résurrectionduChrist.Toute personne associée à la mort du Christ sur la croix est

introduite dans son don, dans son ouverture universelle etentraînée à un dépassement de son « je » afin d’êtrecomplètementlivréejusqu’àl’unitéfinaledansleDieutrinitaireetavectousleshommes;«L’Églisenetiredoncsonexistenceque de la Croix, et la Croix est toujours le point où naîtl’Église222.»

La conception biblique de « personnalité corporative »rappellelagrandeunitédanslaquelleleschrétienssontinsérés,elle réclame, de la part de chaque personne individuelle et del’Église,decontinueràœuvrerà l’édificationdecettedernièrepar une dynamique de croissance et de renouvellement qui nepeut se réaliser que par le Christ réunissant tous les hommesdansl’Esprit.

J. Ratzinger observe que cette notion de personnalitécollective,caractéristiquedelapenséesémitique,estdifficileàsaisir par les générations actuelles dans le monde occidental,puisque le moi est devenu une bastille sous l’influence deDescartes. Aujourd’hui, reconnaît le théologien, la notion desujetestdevenueplusflexiblepuisquel’ons’aperçoitque«moi» a besoin d’être éduqué par un « tu ». Ainsi, l’intuitionsémitique pourrait redevenir plus accessible, elle qui estindispensablepourappréhenderl’idéedecorpsduChrist.

Ladeuxièmeracineplusconcrètequipermetdecomprendrel’ÉglisecommelecorpsduChristestcelledelanourriture:ennousdonnantsoncorps,ilconstruitl’Église.

1–1–2–2.L’assimilationàce«pain»:laformationd’unseulcorps

J.Ratzingerinsistesurleréalismedecequis’opèredanslacommunioneucharistique:

L’action extérieure de la manducation symbolise la compénétrationintime de deux sujets. […] De même que le corps assimile lanourriture,matière étrangèrenécessaire à lavie, demêmemonmoiest«assimilé»àceluideJésus223.

LeChristdonnesasubstancepropre,lui«quiaconservésaforme corporelle d’une autre manière224 » puisqu’Il estressuscité.ÀlasuitedesaintPaul225,J.Ratzingerrappellequedans l’eucharistie, le Seigneur devient réellement pain,nourriture:«Tousmangentunpainqui,deparsonessence,estnumériquement un : leChrist, qui ne se laisse pas assimiler ànotresubstance,maisaucontrairenousassimileàsonCorps,etfaitainsidenoustousununiqueChrist226.»

J.Ratzinger attire l’attention sur le fait que l’ecclésiologieeucharistique de saint Paul n’est pas simplement une donnéeexégétique concernant le passé, mais qu’elle reste pleinementactuelle aujourd’hui : manger l’eucharistie signifie s’identifierau corps et au sang du Christ, et entrer dans une intimitéprofonde avec le Christ et avec les autres commensaux. Unedoubledirectiondécouledelacommunioneucharistique:d’unepart,dansl’eucharistie,leChristsedonneàtoussansréserveetaccueille tous les hommes, d’autre part, dans la communioneucharistique l’existencede l’hommese fondesur leChristet,parlà,lesexistenceshumainesentrentencommunionavecluietforment un seul corps227. Ainsi, de ce qui se vit dans lesassemblées eucharistiques résultent de véritables exigencesspirituellesetmoralespourlacommunautéecclésiale.

Cesétudessontl’occasionpourJ.Ratzingerderappelerquel’incorporation au Christ nouvel Adam par le baptême etl’eucharistie suppose l’acceptation de sortir de son «moi » etd’êtreintégréauChristetàl’Église.Danslecontexteactuel,la

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Seigneur. Les nombreuses célébrations sont le signe de la «pluri-formité267 » de ce corps unique et ne doivent pas êtreautonomes et indépendantes les unes des autres. Lescommunautéssontaucontraireencommunion,puisquelecorpsduSeigneur,quiesttoutentierdanschaquecommunauté,n’estpourtantqu’unseuldansl’Églisetoutentière.

J.Ratzinger remarqueque ces élémentsmettent en lumièrequel’ecclésiologieeucharistiquecatholiqueesttrèsredevableàl’ecclésiologie orthodoxe tout en s’en distinguant. Lesthéologiens orthodoxes considèrent d’ailleurs, note-t-il, quel’ecclésiologieromaineestcentralisatrice:

Chaque église locale, disent-ils, nous fait rencontrer, à traversl’Eucharistie, lemystèreentierde l’Église,car leChristyestprésenttoutentier.Iln’yarienàajouteràcela.Danscesconditions–telleestla conclusion –, l’idée d’un office pétrinien est une contradiction.C’est chercher une forme visible d’unité en opposition avec l’unitésacramentellereprésentéedanslaréalitéeucharistique.Ilestvraiquel’ecclésiologie eucharistique de l’orthodoxie moderne n’est pasexclusivement locale, au point d’être limitée à la communautéterritoriale,puisquesaclefdevoûteestl’évêqueetnonleterritoireentantquetel.Sil’onprendgardeàcela,ilestpatentque,mêmepourlatradition orthodoxe, l’acte liturgique local ne suffit pas, à lui seul,pourconstituerl’Église;unprincipecomplémentaires’impose268.

L’unité extérieure avec les autres communautés, estime J.Ratzinger, n’est pas un élément constitutif de l’Église dansl’Église orthodoxe. Cette unité est belle269, puisqu’ellereprésenteextérieurement la totalitéduChrist,mais,poureux,ellenefaitpaspartiedel’essencemêmedel’Église270.Pourlesthéologiens orthodoxes, la communauté locale manifeste laplénitudede l’ÉglisedeDieu ; le concept d’Égliseuniverselleestdoncévincé,etparlàmême,laprimautépétrinienne.

J.Ratzingerattireégalementl’attentionsurl’importanceduprincipe territorial dans la construction de la communautéeucharistique.

1–2–3.L’importanceduprincipeterritorialdanslaviedescommunautés

Puisquel’Égliseseréalisedanslacélébrationeucharistiquequi rassembledansun lieuconcret lespersonnesquivivent là,elleestlepointdedépartduprocessusdelaréunion:

[…]L’Églisen’estpasunclubd’amisniunesociétédeloisirs,oùseretrouvent des personnes ayant les mêmes goûts et des affinitéscommunes.L’appeldeDieuvautpourtousceuxquisetrouventàcetendroit. L’Église est publique par nature. Elle a refusé dès le débutd’êtreréduiteauniveaud’associationcultuelleprivéeoudequelqueautre groupement de droit privé. Si elle avait fait cela, elle auraitbénéficiédel’entièreprotectiondudroitromain,quifaisaitunelargeplace aux organisations de droit privé. Mais elle voulait être aussipubliquequel’Étatlui-même,carellereprésentaitlenouveaupeuple,donttoutlemondeestappeléàfairepartie.C’estpourquoitousceuxqui vivent dans un endroit déterminé participent à la mêmeeucharistie : riches et pauvres, cultes et incultes, Grecs, Juifs,Barbares, hommes et femmes – lorsque le Seigneur appelle, cesdifférencesnecomptentplus(Ga3,28)271.

J.Ratzingerrevientsouventsurledépassementdel’espritdeclan, des divisions de races et de classes sociales, qui devraitêtreaucœurdelavieecclésialeetquiasasourcedansl’uniquesacrifice du Christ qui a donné sa vie pour tous, pour réunirdans l’unité tous les enfantsdeDieudispersés.L’Église en cesensestunsigneprophétiqueetdoitêtrevisibleetpublique–cependant pas à lamanière de l’État.Ainsi seulement, note le

théologien,émergelatâchederéconciliationdel’Églisequiestenfaitlatâchedel’amour.L’Églisedoitêtre,eneffet,uneforcede réconciliation entre les hommes, elle doit présenter àDieul’humanitédanstoutesarichesse.Ellenepeutremplirsonrôle.

[…]qu’en rapprochantceuxqui,pourdes raisonsdesensibilité,nes’entendent pas et ne souhaitent pas faire un pas l’un vers l’autre.Cetteréconciliationnepeutréussirquegrâceàl’amourdeCeluiquiestmortpourtousleshommes,etc’estàcausedeLuiqu’elledoitsefaire.LalettreauxÉphésiensvoitlasignificationlaplusprofondedelamortduChristdanslefaitqu’elleaitabattule«murséparateurdel’esprithostile»(2,14).LeChristestdevenu«notrepaix»(2,13sq.)grâceausangqu’ilaversé272.

J. Ratzinger rappelle l’exigence radicale présente en cesformules:onnepeutbénéficierdusangversépourlamultitudesi l’onsecantonneau«petitnombre».Ainsi, la liturgieauncaractère public273, elle est la liturgie de toute l’Église,personnenepeutchoisirsoneucharistie.Voilàpourquoi,decefait, tout chrétien du monde se trouve chez lui à toute tableeucharistique.L’Églisenepeutjamaisseréduireàn’êtrequ’uneÉglise nationale. « L’Église doit être catholique ou elle n’estrien.Lacommunioninclutl’extensioncatholiquedufaitmêmede laportéedumystèrechristique.»274Or, au lieud’une telleconception,J.Ratzingerremarquequel’eucharistienecessedese«morceler»,«lamessedevientsouventpropriétéprivée275»,alors que seule la communion des hommes entre eux et descommunautés entre elles devient signe de la communionverticaleinvisible.

1–3.Conclusion

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J.Ratzinger déplore la récupération réductrice de ce termepar la théologie de la libération314 qui ne prend pas enconsidérationlavéritablenaturedupeupledeDieu.LecorpsduChrist confère au peuple de Dieu son identité chrétienne ettrinitaire.EnnégligeantlelienfondamentalquiunitleChristàl’Église,onfaitdupeupledeDieuunpeuplecommelesautres.

Le terme«peupledeDieu»utilisépourparlerde l’Églisemontrel’importancedel’enracinementhistoriquedecelle-ci,etveut mettre en lumière l’enracinement historico-salvifique del’Église dans la continuité avec le peuple d’Israël. Néanmoinsl’enracinementhistoriquenedoitpasconduireàunoublidesonaccomplissement eschatologique. L’oubli de cette tensioneschatologiqueetdelafinalitéchristologiquedecepeuplesontdeuxdes raisons de la socialisation et de la politisation de ceconcept,quiperdainsisonaspectmystérique:

Dans les publications post-conciliaires, l’accueil du chapitre sur lePeupledeDieuetsonclassementdevantlechapitresurlahiérarchieont été interprétés comme renoncement d’une conceptionchristologique et comme relativisation de la forme hiérarchiqued’Église.Le terme“peupledeDieu”sortide soncontexteouvrait lavoie à une vision plus ou moins sociologique de l’Église, danslaquellelemystèren’avaitplusaucunesignification315.

« Peuple de Dieu » doit être compris dans la lumière dutermeEkklêsia, rassemblementquiest«pourainsidire lesensactif de la racine d’où est issu lemot “peuple”316 ». L’Églisen’estpasLaos,peuple,maisEkklêsiaunrassemblementdontlasource est le Seigneur. Ainsi, de même qu’Israël « devient lepeupledeDieuquandilse tourneversDieu, iln’est lepeupledeDieu que dans sa relation avecDieu, […] et cette relationconsisteen Israëlen la soumissionà laTorah317 ».L’initiative

vient de Dieu qui a élu ce peuple par amour. De même leschrétiens appartiennent au nouveau peuple deDieu par le faitqu’ils appartiennent au Christ et ont répondu à son initiatived’amour.Lenouveaupeuple désigne la communauté duChristqui vit à l’imitation duChrist et avec lui, en ayant sesmêmessentiments318. Ce nouveau peuple est formé par la force del’EspritSaintetc’estencommuniantaucorpsduChristqu’ilsedéveloppe. C’est Dieu qui est source et terme, et touteperspective qui s’éloignerait de celle-ci serait purementhumaine. J.Ratzinger note certains égarements degroupesquimanientfacilementleslogan«noussommeslepeupledeDieu»–autrementdit«c’estnousquidéterminons319»–etprennentleurdistanceparrapportàtoutministèreordonné320.

Le théologien rappelle que leConcile a exposé le chapitresur le peuple de Dieu avant ceux qui se rapportent à lahiérarchieetauxlaïcs,carlapremièreetlessecondsfontpartiedecepeupledeDieudelamêmemanière,etilexisteentreeuxl’égalitéfondamentaledetouslesbaptisés321.Dansl’Église,leslaïcsneconstituentpasungroupeauquelestdonné lenomdepeupledeDieu.Lechrétienestmembrede l’Égliseetentreenelle,nonpar lebiaisd’appartenances sociologiques,maisbienplutôt par intégration au corps même du Seigneur, par lebaptêmeetl’eucharistie322.Sansleministèreordonnéquiestliéà la structure sacramentelle de l’Église, celle-ci apparaît alorscommeun réseaudegroupes, qui doivent trouver leurmanièredevivreensemblepardescheminsconsensuels323.J.Ratzingerestime qu’elle devient notre Église qui s’élabore au fil desdiscussions, des compromis et des décisions324. Nous verronsdans le cinquième chapitre, en analysant la pensée de J.Ratzinger,combienilestattachéauprincipedelaresponsabilitépersonnelle desministres, et est très nuancé quant au rôle des

conseils.Ons’interrogeraalorssurlamanièredontilcomprendlaresponsabilitépersonnelledeslaïcs.

2–3.Bilan

Lanotiond’Église-peupledeDieuenmettantenexerguelelienavecl’histoired’Israëletl’histoiredel’humanité,souligneladimensionhistorico-salvifiquedel’Église.Enétantcepeuplequi réunit tous les peuples de la terre, elle est un signeeschatologique du rassemblement, de ce vers quoi tendl’humanité réconciliée. C’est essentiel pour comprendre samissionestimeJ.Ratzinger.

Le caractère historique de l’Église rappelle qu’elle est enchemin,comparableaupeupledeDieucheminantentrel’Égypteet le temps de la promesse. Ainsi, souligne le théologien,l’Églisenedoitpassecomprendrecommeétant tranquillementarrivée à son but mais elle doit sans cesse être prête à sedétacher de ses enracinements historiques de telle ou telleépoquepourannonceruneparoledeDieuéternelle.LaParoleetl’eucharistiedoiventêtrelecœurdetouteslesréformes325etdurenouveau dans la vie de l’Église. En outre, dans l’idéed’Ekklêsia est présente la notion de rassemblement, qui sous-entend une dimension dynamique, active et de conversion,puisqu’ils’agitderépondreàDieuquiconvoque326.

AinsiJ.Ratzingerconsidèrequec’estcommerassemblementque l’Église est le plus véritablement elle-même.Les chrétiensse réunissent pour faire l’anamnèse de la mort et de larésurrectionduSeigneur.C’estdanscerassemblementordonnéàcetteanamnèse«quesetrouvelemodèle,quelaconstitutiondel’Égliseestappeléeàreproduire,etnondansunequelconquenotion de peuple327 ». Cette remarque est une réponse à une

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universelle est le résultat de la reconnaissance réciproque desÉglisesparticulières.»Cetteecclésiologieunilatérale,d’aprèsladénomination du texte, appauvrit le concept de communio etapparaîtcommeunemauvaisecompréhensiondel’ecclésiologieeucharistique:

La redécouverte d’une ecclésiologie eucharistique, d’une valeurindéniable, s’est cependant parfois exprimée en accentuantunilatéralement le principe de l’Église locale. On affirme que là oùl’on célèbre l’Eucharistie, deviendrait présente la totalité dumystèredel’Église,à telpointqu’ilfaudraitconsidérercommenon-essentieltoutautreprinciped’unitéetd’universalité375.

C’estafind’éviteruntelécueil,qu’aumomentd’aborderlepointdélicatdurapportentrel’ÉgliseuniverselleetlesÉglisesparticulières, la lettre affirme comme premier élément decompréhension de cette question que les Églises particulièressontcomme«partiesdel’uniqueÉgliseduChrist376»etqu’enchaque Église particulière est vraiment présente et agissantel’ÉgliseduChrist,une,sainte,catholiqueetapostolique…Lalettre explique alors que « l’Église universelle ne peut êtreconçuenicommelasommedesÉglisesparticulières,nicommeunefédérationd’Églisesparticulières377»;etreprenantletextedes vœux de Jean-Paul II à la curie romaine378, le documentaffirme la mutuelle intériorité379 de l’Église universelle et del’Église particulière dans plusieurs paragraphes380. Cependant,il affirme également l’énoncé si controversé de la prioritéontologiqueetchronologiquedel’Égliseuniversellesurl’Égliseparticulière381. Cette formulation fut à l’origine de nombreuxdébats382 et fut suivie d’échanges épistolaires publics383

jusqu’en2001entrelescardinauxJ.RatzingeretW.Kasper384.

Ce dernier voit dans ce texte une tentative de retour aucentralisme romain et l’ecclésiologie platonicienne de J.Ratzinger385.

3–4–1–2.Ledébatautourdel’assertiondeCommunionisnotio9

La controverse entre W. Kasper et J. Ratzinger autour dutexteCommunionisnotio9montrelespointsd’accordentrelesdeux cardinauxmais également que J. Ratzinger est attaché àl’affirmation de la priorité ontologique de l’Église universellesur l’Égliseparticulière. Il reconnaîteneffet ladifficultéde lareconstitution historique des origines de l’Église et finalementseconcentrerasurlaprioritéontologiqueattachantunemoindreimportance à la priorité historique. Il est important d’en saisirlesraisonsafindemieuxcomprendresapenséethéologique.

W. Kasper propose, comme beaucoup de théologiens, ladoctrine de l’intériorité mutuelle de l’Église universelle et del’Église particulière qui seule, estime-t-il, correspond àl’enseignementconciliaire.CetenseignementestprésentdansletexteCommunionisnotioetJ.Ratzingerdanssoncommentairedecetexteàl’occasiondusymposiumdesŒuvrespontificalesmissionnairesaffirmeque,pour luiquiaécrit cedocument, lachose la plus importante et nécessaire, est la réaffirmation decetteintérioritéréciproquedel’universalitéetdelaparticularitéà l’intérieur de la vie et de la structure de l’Église386.Cependant, tout en indiquant l’importance de cet énoncé, J.Ratzingerargumenteégalementavecdéterminationenfaveurdelaprioritéontologiquedel’Égliseuniverselle.

Tout d’abord, J. Ratzinger estime que les critiques, et enparticulier celle de W. Kasper, à l’encontre de ce texte

proviennent d’une mécompréhension de son intention. Lecardinal réagit vivement aux insinuations suggérant que cettedoctrine légitimede façon théologiqueunnouveaucentralismedans l’Église387. Ce reproche signifie, en effet, rien demoinsque l’infidélité de J. Ratzinger à la requête originelle de sonecclésiologie,oncomprenddonclavivacitédesaréponse.

Ainsi, il insiste sur le fait que le document, en aucunemanière,n’associe l’Égliseuniverselleaupapeetà lacurie,nine retourne à un centralisme romain qui ne serait pas dans laligne du Concile. Il relève le glissement opéré parW. Kasperdans son intervention, qui émet tout d’abord l’hypothèse decetteinterprétationassociantl’Égliseuniverselleaupapeetàlacurie,puistransformel’hypothèseenaffirmation.Ceglissementdansl’interprétationprovient,selonJ.Ratzinger,deladifficultéà se figurer quelque chosede concret sous l’expressionÉgliseuniverselle, Église une, sainte et catholique, ce qui conduit àréduire l’Église à une réalité sociologique visible. En outre cedéplacementmontrequelathématiquedelarelationentreÉgliseuniverselleetÉgliseparticulièredégénèredeplusenplusendesquestions de répartition de compétences et de pouvoir entrel’uneetl’autre.Finalement,observeJ.Ratzinger,l’Églisen’estplus saisie dans sa profondeur ontologique et sacramentelle,danssonmystère.

Son argumentation pour enraciner sa position s’appuie surplusieursargumentsscripturairesetpatristiques.Ilmontreainsi,en réponse à W. Kasper qu’il ne s’agit pas d’une querelled’opinions théologiques – entre platoniciens et aristotéliciens-thomistes – mais de doctrine ecclésiale qui a de nombreusesconséquencesdanslaviedel’Église.L’argumentpatristique:laprédestinationintérieuredela

créationversl’Église

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constitutif intrinsèque de la célébration eucharistique puisquetoutescescommunautésconstituentlecorpsduChrist,l’uniquepeupledeDieu.

«L’Égliseesteucharistie»setraduitpourJ.Ratzingerpar«l’Égliseestcommunio».Cettecommunionestunecommunionavec le corps tout entier, qui est communio ecclesiarum. J.Ratzingerestparticulièrementattentifàlaredécouvertedecettestructure ecclésiale patristique ; il explique, dès ses premiersécritseuégardàl’Égliseprimitive,l’importancedel’unitéetdelapluralitéde lacommunioecclesiarum. Cette compréhensiondel’Églisecommecommunioecclesiarum,outre le faitqu’elledonne toute sa place à l’Église locale, a le mérite de mettreparticulièrementen lumière lacommunautéecclésialedanssonensemble, lacommunautéfraternelledecroyants,etdeneplusseconcentrerexclusivementsurlesministèresordonnés.

Nousavonscependantrelevéque,toutenmettantenlumièrelesÉgliseslocales,J.Ratzingerattirel’attentionsurlefaitquel’unitéesttoujourspremière.Àpartirde1991,nousavonsnotéundébutdedéplacementdesapenséequisoulignel’importanceexagéréeaccordéeà l’Égliseparticulière, importancequi,selonlui, semble ignorer laprioritéontologiqueet chronologiquedel’Égliseuniverselle. Ilprendalorsnettementposition faceàcequ’il considère être un développement inapproprié del’autonomie et du particularisme des Églises locales. C’estl’Église universelle, son unité et l’affirmation de sa prioritéontologique qui deviennent centrales dans ses interventions. J.Ratzinger insiste néanmoins sur le fondement sacramentel del’unité de la communio ecclesiarum : ce n’est pas un pouvoircentralquiestlasourcedel’unitémaisl’eucharistieetlaParole.L’Égliseestuneparcequ’ellecommuniedanslaParoleetdansle Corps du Seigneur, et le ministère de la successionapostoliquealamissiondemaintenirlapuretédelaParoleetla

rectitude de la communion : sacrements et Parole fondentl’unité,leministèrel’atteste.

De la célébration eucharistique, note J. Ratzinger, résultel’exigence de charité mais également celle de l’ordreinstitutionnel. Il n’y a pas d’opposition entre amour et droit.L’institution ecclésiale, les sacrements, la successionapostoliquenesontpasdesimplesstructuresquin’auraientrienà voir avec la réalité de la foi. Ces formes de corporéitéappartiennent à l’Église elle-même. La succession apostoliquefait entrer dans la dimension synchronique et diachronique dumystère de l’Église, elle est l’élément sacramentel de laTradition, un élément constitutionnel de l’existence et de lacontinuation de l’Église. Le ministère sacerdotal et épiscopalvient de l’Église et introduit en elle, rappelant que lacommunauténesauraitsedonneràelle-mêmel’eucharistiemaisqu’elle la reçoit par la médiation de l’Église. Ainsi chaqueÉglise, rassemblée autour de son évêque, s’ouvre à lacommunion de toutes les autres Églises, et l’évêque n’estlégitime pasteur que s’il est en communion avec l’ordreépiscopal tout entier.Dans le lien entre l’Égliseparticulière etl’Égliseuniverselle la figurede l’évêqueestessentielle ; ilest,souligne J. Ratzinger, responsable de l’unité de l’Église danssondiocèseetdumaintiendulienavecl’ensembledel’Église.Nous développerons cela, ainsi que la place du ministèrepétrinien,dansnosquatrièmeetcinquièmechapitres.

Nous avons également soulignéque, si J.Ratzinger insistesur le faitque l’ÉgliseuniverselleestuneréalitépréalableauxÉglises particulières qui naissent dans et par l’Égliseuniverselle, il souligne également que le rapport de mutuelleintériorité entre l’Église universelle et les Églises particulièresest essentiel à saisir. Cependant, la lettreCommunionis notion’évoquepas lesconséquencespour laviedesÉglises locales.

Or, laprésencedu toutdans lapartiemet eneffet lapartie entensionversl’universalité,tensionquisemanifesteentreautresdansunsoufflemissionnaireetdans sa sollicitudedesÉglisesparticulièreslesunesenverslesautres.Bienquecesélémentsnesoient pas explicités dans la lettre Communionis notio, ilconvient de relever que J. Ratzinger explicite clairement dansces écrits les exigences de la dimension fraternelle etmissionnairedescommunautés.LecontextedepolémiquedelaLettreexpliquecertainementcesilence.

L’importance que J. Ratzinger accorde aux dimensionsfraternelle et missionnaire de l’Église apparaît de manièretransversaledanssesécrits relatifsà lanaturede l’Église.Ellemet en évidence l’insistance du théologien à montrer quel’Église n’est pas une simple institution, dans laquelle chacunpeutcherchercequiluiconvient.L’Églisen’estpaslelieudessauvés, rappelle J.Ratzinger,mais la communautédeceuxquisontengagésdans l’histoirede l’humanitéavecunemissionetune responsabilité particulières. L’Église est dans l’histoire,annonce lesensde l’histoire, savocationestde rassembler leshommes dans une humanité nouvelle. Sa mission est unemissionderéconciliation.

4–3.Lamissiondel’Église:lafraternitéuniverselle

J.Ratzingers’appuiesurlavisionpatristiquedel’œuvredelarédemptionaccomplieparleChristpourexpliciterlamissionderéconciliationdel’Église419.Ilinsistesurlefaitquel’Église,comme communauté de communion fondée sur le sacrificeeucharistique,a ledevoirdemanifesterau restedumondesonbut ultime. Pour l’Église comme pour l’individu, l’élection

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252.«L’ecclésiologieduconcileVaticanII»(1985),p.12.253.Appelésàlacommunion,p.71:«[…]lesynodede1985aunefoisdeplusrappeléquelacommunioestl’idéemaîtressepourcomprendrel’Église,et[…]ilademandéd’approfondirl’ecclésiologieeucharistique.»254. « Le ministère ecclésiastique », p. 25-26 : « […] les croyants sontétroitement unis entre eux par l’unique Parole du Seigneur, par l’uniquepain, leCorpsduSeigneur, qui sedonne à euxdans l’assemblée cultuelle,plus profondément qu’aucun rassemblement local, extérieur, ne pourrait lepermettre. […] ce peuple deDieu se caractérise par le fait qu’il vit par leCorps du Christ et par la Parole du Christ […] nous découvrons ainsicomme facteurs déterminants de l’unité de l’Église, ce que le langagethéologiqueappelleraplustardcommunioetfides[…]nousavonsreconnuce qui distingue proprement la conception catholique de l’évangélique àsavoirl’obœdientia,c’est-à-direlerattachementdecetensembleauministèreecclésiallégitime.»255.«L’ecclésiologieduconcileVaticanII»,p.20.256.Cf.Communio(1984)p.55-62;Appelésàlacommunion,p.34-36.257. Communio, p. 56 : « Luc résume l’essence de ce point de vue.Rappelonsencoreunefoissoncontenu:d’aprèsladescriptiondesActes,lespremiers chrétiens se montraient assidus “à l’enseignement des apôtres,fidèlesàlacommunionfraternelle,àlafractiondupainetauxprières”.Nousvoilà donc devant quatre termes qui décrivent la nature de l’Église en unepériphrase»;Appelésàlacommunion,p.34-36.258.Cf.Ibid.,p.58-63.259.Cf.Ibid.,p.58-62.260.Cf.«L’ecclésiologieduconcileVaticanII»,p.19-20.261.LG26.262. J. Ratzinger souligne que ces trois éléments n’ont pas la même «fonction » dans la constitution de l’Église locale puisqu’ils ne sont pas demêmenature:cf.«Leministèreécclésiastique»,p.39-40.263.«L’ecclésiologieduconcileVaticanII»,p.20.Cetélément“recevoir”estégalementprésentchezlesorthodoxesetprotestants.Cettecitationnedoitpassecomprendredemanièreexclusivepourl’Églisecatholique.264.«L’ecclésiologieduconcileVaticanII»,p.21.265. Ibid., p. 22 ; Droit de la Communauté, p. 328 : « Cela signifie quel’unité avec toutes les autres “communautés” n’est pas quelque chose quiviendrait ultérieurement à l’Eucharistie, ou même n’y viendrait pas, maisqu’elle est au contraire un élément constitutif intrinsèque de la célébrationeucharistique. L’unité avec les autres est le fondement intrinsèque de

l’Eucharistie, et sans elle celle-ci ne pourrait se réaliser. Célébrerl’Eucharistie, cela signifie donc entrer dans l’unité de l’Égliseuniverselle –dans l’unité du Seigneur et de son Corps. C’est pourquoi l’eucharistiecomporte non seulement l’anamnèse de l’Histoire Sainte en son ensemble,mais aussi celle de la communautéuniverselle des saints, de ceuxqui sontmortsetdetouslescroyantsquiviventaujourd’huisurlaterre.»266.Cf.«Droitdelacommunauté»,p.324-329.267.Vielgestalt.268.Appelésàlacommunion,p.69.269.Cequalificatif ne semblepas tout à fait adéquatmais il est cependantutiliséparJ.Ratzinger:KÖP,p.18.«SolcheEinheitistschön,weilsiedieFülleChristi nach außen hin darstellt, aber sie gehört nicht eigentlich zumWesenderKirche,weilmanjaderGanzheitChristinichtshinzufügenkann»;«L’ecclésiologieduconcileVaticanII»,p.19;«Droitdelacommunauté»,p.327-328.270. Cf. N. AFANASSIEFF, « La doctrine de la primauté de Pierre à lalumièrede l’ecclésiologie» in Istina4,1957/4,p.401-402. J.ZIZIOULAS,L’êtreecclésial,Genève,LaboretFides, coll.«perspectiveorthodoxe»3,1981, (chapitre 3 et 6), P. EVDOKIMOV, L’orthodoxie, Paris, Delachaux,1959,p.128-129.271.Appelésàlacommunion,p.67;maisaussiAppelésàlacommunion,p.167-169;Dieunousestproche,p.116-117;p.130;«Sacrifice,sacrementetsacerdoce », p. 283 ; « Primauté et épiscopat », p. 44 ; « Eucharistie etmission»,p.93-96.272.Appelésàlacommunion,p.68.273.Cf.«Sacrifice,sacrementetsacerdoce»,p.283.274.Appelésàlacommunion,p.72.275.«Sacrifice,sacrementetsacerdoce»,p.286.276.Cf.«LadestinéedeJésusetdel’Église»,p.48.277.«Del’origineetdel’essencedel’Église»,p.17.278.«Fraternité»,p.1162.279.Cf.«EinleitungzurLG»,p.11-13.280.Cf.«L’ecclésiologieduconcileVaticanII»,p.28-29.281.«L’ecclésiologieduconcileVaticanII»,p.28-29.282.«Lesimplicationspastorales»,p.128.283.Ibid.,p.128.284.Cf.«L’ecclésiologieduconcileVaticanII»,p.31.285.Cf.«Kirche»,p.174-175;«Leministèreecclésiastique»,p.24-26;«Natureet limitesde l’Église»,p.129-132 ;«ZeichenunterdenVölkern»,

1964, p. 458-460 ; Démocratisation dans l’Église, p. 29-32 ; «L’ecclésiologieduconcileVaticanII»,p.26-32;Appelésà lacommunion,p.24-28.286. J. Ratzinger se réfère à l’article de G. LINTON, « Ekklesia », inReallexikon für Antike und Christentum, IV, 905-921, cit. 907. Il souligneégalement la profonde différence entre ce type d’assemblée et lesrassemblementsdanslacitégrecque.Cf.«Kirche»,p.175;l’assembléequigouvernait était composée uniquement de ceux qui possédaient le droit devote, en étaient donc exclus les femmes et les enfants, qui n’étaient pasacteursdelaviepolitique.L’objectifdecetteassembléeétaitdeprendredesdécisionspolitiques.À ladifférencedesGrecs,dans l’assembléedupeupled’Israël,ilnes’agissaitpasdedécidercequidevaitêtrefait,maisd’écouteret d’accueillir ce que Dieu décide. L’histoire sainte présente également, aumoment du retour de l’exil, un exemple d’une assemblée qui se constitueautourduculte,commecelaest relatédans le livred’Esdras (Es10). Ilyaune sorte de nouvelle fondation du peuple dispersé, qui se réunit pourécouterlalecturedelaParoledésormaisécrite,etquiestconstituéedetous,hommes,femmes,enfants.287.«Leministèreecclésiastique»,p.25;«Kirche»,p.175,Appelésàlacommunion,p.26.288.Cf.G.LINTON,p.905-909,«Natureetlimitesdel’Église»,p.130.289.Cf.«Kirche»,p.175,Kultversammlung.290.Cf.Idem.,Ortsgemeinde,291.Idem.,Gesamtkirche,ce termeest traduitdedifférentesmanièresdansleséditionsfrançaises:«Églisetotale»estlatraductiondonnéedansl’article«Leministèreecclésiastique»,p.24et«l’Égliseengénéral»dansl’article«Natureetlimitesdel’Église»,p.130.Ils’agitdel’Égliseuniversellecommecommuniond’Égliseslocales.292. Le ministère ecclésiastique, p. 25 : « Ici apparaît déjà l’intelligenceparticulièrede l’unitéde l’Églisequimaintenait lacohésionde lachrétientéprimitive. Bien qu’extérieurement répandue sur toute la terre habitée, elleavait pourtant conscience d’être l’assemblée de Dieu. Cela provient de ceque les croyants sont étroitement liés entre eux par l’unique Parole duSeigneur,parl’uniquepain,leCorpsduSeigneur[…]»293.«Leministèreecclésiastique»,p.25294.Cf.«Kirche»,p.175.295.Lepeupled’Israël,endépitdeladispersionsurlasurfacedelaterre,estdemeuré uni grâce auTemple, lieu où chaque année la Pessah (Pâque) estfêtéeetoùs’actualisecetteunité.

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del’Églisemaisqu’elleest responsablefaceà toute lacommunautéetpourelletoutentière»;«Pluralisme:problèmeposéàl’Église»,p.311.413.Célébrationdelafoi,p.81.414.Y.CONGAR, « De la communion des Églises à une ecclésiologie del’Égliseuniverselle»inL’épiscopatetl’Égliseuniverselle,Paris,Cerf,1964,p.236:«Lesentimentd’unitéuniversellesetraduit,dansuneecclésiologiede l’Église vue comme communion d’Églises, dans les formes d’unesolidaritéetunanimitédesévêques;ilsetraduitici,dansuneecclésiolologiedel’ÉgliseconçuecommeunpeupleuniquedistribuélocalementenÉglisesparticulières, mais qui, toutes, sont soumises à une autorité suprêmed’extensionuniverselle.Unetelleecclésiologieestfortementpapale.»415.B.-D.LASOUJEOLE,DE,Introductionaumystèrede l’Église, Paris,Parole et Silence,Bibliothèque de laRevue thomiste, 2006, p. 589 ; cf.H.LEGRAND,H., « La réalisation de l’Église en un lieu » in Initiation à lapratiquethéologique,t.3,dogmatiqueII,Paris,1983,p.143-345.B.-D.DELA SOUJEOLE note que cet article est particulièrement intéressant pourmontrer tout ce qui, dans l’ordre de la signification et de la diaconie, estnécessaireauplanlocal,etparlààl’universelpourtouchereffectivementleshommes.416. J. RATZINGER, Gesammelte Schriften, Band XI, Theologie derLiturgie, Herder, Freiburg-Basel-Wien 2008. La traduction italienne de cetomeXI est sortie en juin 2010. Ici p. 5-6. J.Ratzinger, dans son bilan deLumengentiumen2000,citaitégalementlaRèglebénédictine43,3pourdirequeDieuestaucentredudiscourssurl’Église.417.«L’Églisecommesacrementdusalut»,p.52-53 :«L’Églisen’estpasune organisation tout extérieure de la foi, mais, en son essence même,communauté liturgique ; lemoment où elle se présente au plus haut degrécommeÉgliseestceluioùellecélèbrelaliturgie.»418.Cf.«Sacrifice,sacrement,sacerdoce»,p.282.419.«L’idéedel’Églisedanslapenséepatristique»,p.38;cf.L’Unitédesnations.420.Cf.FrèresdansleChrist,p.99.421.Appelésàlacommunion,p.68.422.FrèresdansleChrist,p.86 :«Reconnaîtreque l’ἐκκλησία(Église)etἀδελφότης(fraternité)sontéquivalentes,quel’Églisequis’accomplitdanslacélébration cultuelle est essentiellement une communauté fraternelle, c’estexigerque l’Eucharistie soitcélébrée,mêmeconcrètement,commeuncultefraternel, dans un dialogue responsorial, et qu’on ne laisse pas un pontifeisoléenfaced’unetroupedelaïques,plongéschacundanssonmissel,voire

dansses“exercicesdepiétépendant lamesse”.L’Eucharistiedoit redevenirvisiblementlesacrementfraternel,pourquepuissesedéployertoutesaforced’édificationcommunautaire.»423.«Les implicationspastorales», p. 117.Dans son articleFraternité, J.Ratzingerparleégalement trèsexplicitementde l’importancede la fraternitéentrelesÉgliseslocales,lesdiversescommunautés.424.Cf.FrèresdansleChrist,p.93.425.Cf.Lafoichrétienne,p.172-175.426. Aussi J. Ratzinger déplore-t-il certaines attitudes : « Eucharistie etmission»,p.95-96:«L’eucharistie,on lacélèbreavec leChristunique,etdonc avec toute l’Église, ou bien on ne la célèbre point. Celui qui dansl’eucharistie,necherchequesonpropregroupe,qui,encelui-cietparcelui-ci,n’entrepasdanstoutel’Égliseetnedépassepassonpropreunivers,faitexactementcequiest reprochéauxCorinthiens. Il tournepourainsidire ledosauxautresetdétruitparlàl’eucharistiepourlui-mêmeetlagênepourlesautres.Ilneprendalorsquesonproprerepasetméprisel’ÉglisedeDieu(1Co11,21s).»427.Lethèmedela«réformedel’Église»estapparudanslabibliographiedes années 1930 et 1940, influencé en particulier par les relations entrecatholiquesetprotestantsprovoquéespar laPremièreGuerremondiale.Onpourra,àcesujet,sereporteràlanotedeS.PIÉNINOT,Ecclesiologia.Lasacramentalitàdellacomunitàcristiana,Brescia,Queriniana, 2008, p. 98-100.Le livre quimarquadans ce domaine fut sans aucundoute celui d’Y.CONGAR,Vraies et fausses réformesdans l’Église, Paris,Cerf, 1950.Lesdifficultésprovoquéesparcelivresontévoquéesparlethéologienlui-mêmedanssonJournald’unthéologien(1946-1956),Paris,2004.428. « L’Église et le monde », p. 425-427 ; p. 425 : « Il semble que l’onentendepar“monde”touteslesréalitésscientifiquesettechniquesdutempsprésent, et tous les hommes qui les portent ou en ont imprégné leurmentalité. » Le monde était réduit à l’esprit des temps modernes, en faceduquell’Égliseseressentaitcommeunsujetséparé.429. La définition du terme « monde » est délicate : il s’agit ici de toutl’univers créé et de l’humanité. «L’Église et lemonde », p. 424-425. «Laconstitution[GS] comprend par “monde” un vis-à-vis de l’Église. Le textedoitserviràlesamenertouslesdeuxdansunrapportpositifdecoopérationdont le but est la construction du “monde”. L’Église coopère avec le“monde”pourconstruirele“monde”.[…]Onneprécisepassilemondequicoopèreetlemondeenconstructionestlemême;onneprécisepascequel’onentenddanschaquecasparlemonde.[…]Lerapportentrel’Égliseetle

mondeestdoncvu[dansletexteconciliaire]commeuncolloque,un“parlerensemble”etcommelarechercheencommundelasolutiondesproblèmes,l’Égliseapportantdansledialoguesesproprespossibilités.»430.Entretien sur la foi, p. 48 : «C’est justement lorsque l’Eucharistie estcomprise dans toute l’intériorité de l’union de chacun avec le Seigneur,qu’elledevientégalementunsacrementsocialauplushautdegré.Lesgrandssaintssociauxétaientenréalitéégalementdegrandssaintseucharistiques.»Cf.également«EinleitungzurLG»,p.10.Cettedimensiondel’êtrechrétienchezJ.Ratzingerestexplicitéedansdeuxarticlesanalysantsathéologie:R.TREMBLAY, « L’“exode”, une idéemaîtresse de la pensée théologique ducardinal Joseph Ratzinger », in St Mor 28, 1990, p. 535-550 ; R.TREMBLAY, « L’“exode” et ses liens aux pôles protologique eteschatologique.Lepointdevuedel’Einführung.»,inPATH6,2007,p.95-114.431.Cf.«L’Églisecommesacrementdusalut»,p.47.432.Ibid.,p.47-48:«Lorsque,enmars1963,apparutpourlapremièrefois,dans un projet de la commission conciliaire compétente, l’emploi du mot“sacramentum”pour caractériser l’Église, celaprovoqua l’étonnement chezunepartiedesPèresconciliaires.Danslasériedes“schémas”celui-ciétaitletroisième : le texte de la commission préparatoire, dû essentiellement autravail du pèreTromp […] ne connaissait pas cette expression.Un contre-projetduthéologienbelgePhilips,le22novembre1962,necontientpasnonpluscemot.Mais,vers la finde1962,Philipsavaitdéjà refait son texteetl’avaitmisencirculationenfeuillespolycopiées; lacommissiondu6mars1963acceptacetextecommebasedesesréflexionsultérieures[…]l’ÉgliseestdansleChristcommelesacrement,c’est-à-direlesigneetl’instrumentdel’unitéprofondedetoutlegenrehumainetdesonunionàDieu.Philipsadûemprunter cette formulation à un projet composé par des théologiensallemands,approuvéparlesévêquesallemandsréunisàMunichdu28au30décembre 1962 et également diffusé sous forme de feuilles polycopiéesparmi lespèresduConcile.Entre le textedePhilips,quis’est imposé,et letexteallemand,ilyasurcepointunedifférenceminimemaissignificative:les théologiens allemands disent simplement et sans autre explication quel’Égliseestlesacrementdel’unificationdeshommesentreeuxetavecDieu.Leprojetbelgeaucontraireintroduitcetteformulationavecprécaution.»433.SynodeextraordinairedesÉvêques,Rapport final :«L’Église, sous laparoledeDieu,célébrantlesmystèresduChristpourlesalutdumonde»,7décembre1985,inDC1919,5janvier1986,p.37b.434.CDF,CN,n.4.

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sarecherchedelavérité.Une année plus tard, lorsque la discussion entre les deux

théologiens reprend dans une tentative de dépasser lesmalentendus,W.Kaspersoulignetoujoursun«idéalisme»etun«sécularisme»latentsaucœurdelapenséedeJ.Ratzinger(liésau fondement platonicien), tout en admettant que ce ne soitcertainementpasl’intentiondujeuneprofesseurdethéologie470.De soncôté, J.Ratzingermaintient sa distancevis-à-vis d’uneorientation de la théologie dont le point de départ et le termesont une forme de praxis ayant des accointances avec le néo-marxisme.

J.Ratzinger,invitéparlarevueHochlandàmettreuntermeà cette controverse, utilise un ton conciliateur dans sesexplications.Le noyau de la controverse demeure l’orientationnécessaire et critique vers l’action de toute la théologie471. J.RatzingerconcèdeàW.Kasperquecettephraseaquelquechosede juste,maisobservequ’elleest tiréed’unsystèmedepenséeautre, sociologique et opératoire, étranger à l’essence del’Église.

1–3.Bilan

Le premier élément frappant de ce débat public est le tonpassionnédelacontroverseetlavivacitédespropos.Ilestassezétonnant qu’entre deux théologiens allemands ce débat soitépistolaireetpublic,commecelaseraencorelecasquaranteansplustardentrelesdeuxcardinaux.

Lecaractèrefondamentaldesquestionsabordéesdanscettedispute apparaît immédiatement. W. Kasper décrit sa positioncommecelled’unethéologieorientéeversl’histoire,quipartdelapraxishistoriqueconcrèteetramèneàelle,etilexprimeson

inquiétude vis-à-vis d’une théologie qui, comme celle de J.Ratzinger, se libère d’un ancrage historico-concret et critique.Cefonddedésaccordréémergeaquaranteansplustardlorsdudébat–quenousavonsabordédanslechapitreprécédent–ausujet du rapport entre Église particulière et Église universelle.W. Kasper mit l’accent sur l’historicité de l’Église, sur ladimension concrète des Églises locales, y compris l’Égliseprimitive de Jérusalem. J. Ratzinger affirma que sa démarchethéologique est profondément marquée par Augustin etBonaventurequi l’ont conduit à unevisionde l’Église commeÉglise universelle précédant de façon ontologique toutes lesréalisations concrètes historiques des Églises particulières.Ainsi, il s’attache à une forme de vérité qui appelle uneréalisation,uneconcrétisationhistorique,maisn’endépendpas.

J. Ratzinger, jusqu’au terme des échanges, prend sesdistancesavec ladémarche théologiquedont lepointdedépartestlapraxishistorique:

Biensûrlafoiest«critique»faceaumonde,elleestprisecommeuntout,orientéeversl’actioncommeuneanticipationdujugement,unecriseanticipéedecemonde(cf.Jean).Danslamesureoùlathéologieestordonnéeàlafoi,elleprendpart,commeuntout,àsoncaractèrecritiqueetpratique,d’unefaçonclaire.Maispeut-ontirerdecelauncritère de toute interprétation théologique ? On doit critiquerfermementcette idée,si l’onaccepte leprogrammedeKasperd’unethéologie,qui«partd’uneanalyseconcrètede lapraxis humaine etsocialeetparlàmêmechercheunaccèsàlagrâce».Est-cequetenterdecomprendrequelquechosedumystèreduDieuTrinitairedoitêtreorienté de façon concrète et critique vers l’action ? Ou encore laquestionduSeigneurJésus-Christ?Ouencherchantlerapportentrecréationetdéveloppement?Demêmelaquestiondel’Église:ellenepeut jamaisêtredéterminéetotalementetavant toutparcecanondel’orientationcritiquevers l’action.Oùtrouve-t-ondans les lettresdePaul que l’enjeu pour le chrétien, c’est de transformer l’Église ? Jepense comme je l’ai toujours pensé, que ce que nous pouvons

changerdel’Église(etc’estbeaucoup),estenmêmetempscequ’ellea de moins important, c’est-à-dire ce que nous y apportons nous-mêmes472.

La controverse a donc donné l’occasion à J. Ratzinger depréciser sa compréhension de la tâche de la théologie : aiderl’homme à grandir dans sa vie théologale, mais aussi dans sacompréhension du mystère de l’Église et de la nature desréformes ecclésiales. Cela lui permit aussi de répondre auxreprochesdeplatonismeetd’idéalismequiluisontadressésensoulignant que certains courants soupçonnent de platonismetouteconfessiond’unevéritéstableetattribuent lephénomènehistorique qu’est le platonisme à tout ce qui contredit leurpenséepragmatique.Àcelalethéologienrépondqu’êtrequalifiéde platonicien lui convient si cela signifie qu’il adhère à unevérité non disponible historiquement. Mais il expliquecependantlamanièredontilsedistinguedePlaton:

Si le platonismedonneune idée de la vérité, la foi chrétienne, elle,donne la vérité comme une voie ; c’est seulement en devenant unevoiequ’elleestdevenuelavéritédel’homme.Lavéritéquin’estqueconnaissance,quin’estquesimpleidée,restesansdynamisme;maisen devenant une voie pour l’homme, une voie qui le sollicite, qu’ilpeutetdoitprendre,elledevientlavéritédel’homme.

Fontdoncpartieintégrantedelafoi:laconfessiondelafoi,laparoleetl’unitécrééeparelle,laparticipationaucultedelacommunautéetfinalement l’appartenanceà l’Église, le faitd’êtreavec lesautres.Lafoichrétiennen’estpasune idée,maisunevie ;ellen’estpasespritquiserepliesur lui-même,mais incarnation,espritdans lecorpsdel’histoireetdelasociété.Ellen’estpasmystiquedel’identificationdel’esprit avecDieu,mais obéissance et service : dépassement de soi,libérationde soiprécisémentpar lamiseau servicedu transcendantqui n’est l’œuvre ni demesmains ni demon intelligence ; devenirlibreensemettantauserviceduTout473.

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nous ne pouvons connaître que ce que nous avons fait nous-mêmes.Cette expression,déplore J.Ratzinger, « sonne leglasde la vieille métaphysique et annonce l’esprit scientifiquemoderne503».

Pourlapenséedel’AntiquitéetduMoyenÂge,expliqueJ.Ratzinger, l’être lui-même est vrai, c’est-à-dire connaissable,parcequeDieului-même–l’Intelligenceabsolue–l’afaitainsi.Puisquetoutêtreest«pensée»,toutêtreest«sens»,«logos».Touthommeestcapablederéfléchirsurlesensdel’être,parceque son propre logos, sa propre intelligence est « logos del’unique Logos, pensée de la Pensée, de l’Esprit créateur,Principe de tout être504 ». Historiquement, Descartes montreencorequelavéritablescienceréfléchitsurl’êtrelui-mêmeetilrefuse d’ailleurs expressément à l’histoire un caractèrescientifique. Un siècle plus tard, avec le philosophe Vicodiscipled’Aristote,lascienceréelleestlasciencedescausesetl’onnepeutconnaîtrequecequel’onafaitsoi-même505.

Une fois que le monde s’est révélé comme monde àl’intérieur duquel l’homme a la possibilité de connaître aveccertitude avant tout ce que lui-même a créé, sa propre œuvre,l’investigation et la réflexion des hommes commencent à setournerdefaçonpréférentielleverslechampdel’histoirequiestletémoignageobjectifetparfaitementanalysabledel’œuvredel’hommelui-même.

Ainsi,souligneJ.Ratzinger,cequi,aupointdedépartdelaréflexion, était considéré comme dépourvu d’intérêt et nonscientifique c’est-à-dire l’histoire, apparaît aujourd’hui commel’uniqueetvraie scienceàcôtédesmathématiques.Cequi, aupointdedépart semblaitêtreunechosedignede l’intérêtd’unesprit libre, c’est-à-dire la réflexion sur l’être, apparaîtmaintenant comme une fatigue oiseuse et sans issue qui n’a

aucune valeur scientifique. Seules les mathématiques etl’histoire prennent la première place parmi les différentesdisciplines506 ; l’histoire absorbe tout, même la philosophie ;Hegelestl’archétypeduphilosophepourlequell’êtremêmeestconçucommeunprocessushistorique.

Un glissement s’était cependant déjà produit avecDescartes507 qui n’acceptait comme vraiment certain que « lacertitude formelle de la raison, débarrassée de toutes lesincertitudes du donné de fait. […] Puis il envisage cettecertitude rationnelle essentiellement à partir de la certitudemathématique, exaltant les mathématiques comme le type detoute pensée rationnelle508 ». L’esprit humain n’a donc plus àréfléchir sur l’être, il n’en a d’ailleurs pas la possibilité,maisson devoir est de réfléchir sur le factum, sur la création. Lerègne du « fait » commence, l’homme considère sa proprecréationcommelaseulecertitude.

Ce programme cherchant la vérité dans l’histoire en seréférant finalement uniquement au passé, au déjà fait qui estl’uniquelieudelavérité,s’estrévéléinsuffisantpourrépondreau désir de l’homme.Marx déploie d’unemanière nouvelle ceprogramme résumédans la formule célèbre : « Jusqu’àprésentlesphilosophesontinterprétélemondededifférentesmanières,il s’agit maintenant de le transformer. » Ainsi, souligne J.Ratzinger:

Suivantlelangagedelatraditionphilosophique,onpourraitdirequel’axiome : verum quia factum – est connaissable et vrai, ce quel’homme a fait et qu’il peut dès lors contempler – est remplacé parl’axiome nouveau : verum quia faciendum, la vérité dont il s’agitdorénavant, c’est celle de « l’opérationnel » (Machbarkeit).Autrement dit, la vérité à rechercher ne se trouvepas dans l’être nimêmedanslesévénementsantérieurs,maisdanslatransformationdumonde,dansl’organisationdumonde;c’estlavéritéquiserapporte

àl’aveniretàl’action.“Verumquiafaciendum”,celarevientàdire:au règne du “fait” se substitue, depuis lemilieu duXIXe siècle, deplusenplus le règnedu faciendum,decequiest “opérationnel”, etainsilerègnedelatechniquesupplanteceluidel’histoire509.

J.Ratzingeranalysedoncledoublemouvementdelapenséequi s’estopéré.Aprèsqu’ona renoncéà toute spéculation surl’êtrepoursetournerversl’histoire510,leproblèmedelavéritéhistoriquefinitparseposer.Eneffet,lavéritéhistoriquegardesoncôtéambigupourdesraisonsquenousévoquerons,àsavoirlasubjectivitédesareconstructionetdesoninterprétation.Uneprisededistances’opéradoncparrapportàcetypedevérité,etl’onestimafinalementqueseulpouvaitêtreconnuparl’homme,ce qui est à chaque instant renouvelable expérimentalement.Tout ce qui relève de témoignages indirects reste le passé etéchappeàl’homme.

Lefactumadonnénaissanceaufaciendum,àcequiest«faisable»,renouvelable,vérifiable,enquoilefactumtrouvesajustification.Onenarriveauprimatde«l’opérationnel»,de«ce-qui-est-à-faire»sur«ce-qui-a-été-fait».Quel intérêt eneffet l’hommepeut-il trouver àcequiestpassé?Cen’estpasense faisant legardiendumuséedesonpasséqu’ilpourradominersonprésent511.

Lavéritéquiestalorsreconnueetrecherchéen’estpascelled’un fait déjà réalisé, d’une œuvre déjà accomplie, mais cellequidoitencoreêtrecréée,poséeparl’hommelui-mêmeàtraversson agir et les énormes possibilités de la technique. Ainsil’homme s’est intéressé à l’absolu durant l’Antiquité et leMoyen Âge, puis à l’histoire pendant une brève période à lasuitedelaquelleils’esttournéversl’opérationnelquil’orienteversl’avenir,verscequ’ilpeutcréerlui-même.Maisalors,dans

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mesure de toute réalisation humaine. La compréhension del’histoire, telle qu’elle se trouve chez les représentants de lathéologie politique549, est donc clairement réfutée par J.Ratzinger,puisquel’histoireestfinalementcomprisecommeunévénement qui se produit toujours à nouveau, doncexclusivementdanslefutur,cequienlèvetoutsonsensaupasséetneluidonneaucunevaleurthéologique.

Pour J.Ratzinger, l’histoire est le lieude laRévélationdeDieu lui-même, elle est histoire du salut, et il faut chercherl’unité de la vérité dans la différence de ses transmissionshistoriques. C’est en ce sens que J. Ratzinger reste toujoursattachéàlaphilosophiegrecqueetchercheàarticulerlapenséehistoriquedusalutetdelapenséespéculativepourenfaireunesynthèse.

En remplaçant l’équation scolastique « verum est ens », «l’êtreestlavérité»par«verumquiafactum»puispar«verumquiafaciendum»lerapportàlavéritéestmodifié.C’estundesfruits de la pensée moderne qui évince le point de départmétaphysiquedelaréflexionthéologique.Laquestiondel’êtreaétéremplacéeparlaquestiondudevenir.J.Ratzingerdéplorel’évictiondelamétaphysiqueauseindelaréflexionthéologiqueet montre la place incontournable de celle-ci qui fonde enparticulier son herméneutique de la continuité et dudéveloppement.Finalement,derrièrecechangementderapportàlavérité,setrouveleproblèmedelarelationentrelarecherchehistoriqueetlatraditiondogmatique.

3–4.Bilanetperspectives

Les pages précédentes ont montré l’importance que J.Ratzinger entend donner à l’histoire et à la Tradition tout en

honorantlaplacedelamétaphysique,chacunedesapprochesnedevant pas être exclusive. Ressaisissons sa pensée en troispoints : le statut de l’histoire, la nécessité de la réflexionontologiqueetl’herméneutiquedudéveloppement.

3–4–1.L’écueildespositionsextrêmesvis-à-visdupassé

J. Ratzinger précise la place à donner à l’histoire enremarquant qu’une méthode qui, par exemple, consisteraitsimplementàopérer,undiscernementdes institutionsactuellesdel’Égliseparunereconstructiondupasséetunecomparaisonavec le présent en vue de l’avenir, est insuffisante550. Si cetaspect de la démarche théologique lui paraît nécessaire, lathéologie réclame également une lecture du passé à partir duprésent.Cequel’Égliseestaujourd’hui–refletdelaprésenceetde l’assistance du Christ et de son Esprit à l’Église – doitpermettre de revisiter les premiers temps et, bien plus, toutel’histoirede l’Église,avecdenouvellesclefspourypuiserdesrichessesquipourrontdonneràpenseretàvivreaujourd’hui.

Cettearticulationestabsolumentnécessaire,carc’estenfaitlaquestiondel’interprétationdel’Écriture,delaplaceetdelanature de la Tradition – qui est en jeu derrière laconceptualisation de ces deux moments. Mais c’est aussi lanotiond’aggiornamentoquiestenjeuetquel’onatendanceàopposerauressourcement,noteJ.Ratzinger551 :autrementdit,une opposition apparaît entre la responsabilité à l’égard duprésentetleretourauxsources.

Si J. Ratzinger note l’importance que la théologie doitaccorder aux premiers siècles de l’Église, il attire néanmoinsl’attentionsurlanécessitédedéfinirleurjusterôledanslegeste

théologique.Eneffet,cetteimportancepeutdevenirdangereuselorsqu’elle fait l’objet d’une concentration trop exclusive. LaRéforme,note-t-il,enestunexemple,puisque,danssavolontéde retourner aux sources, elle a présupposé que lesdéveloppements de l’Église médiévale étaient dans leurensemble un obscurcissement de l’origine et Adolf vonHarnack552 reprochait à l’Église catholique d’être unedéformation de la pureté primitive. Alfred Loisy réagit à cetteexaltation du passé en remarquant que « reprocher à l’Églisecatholiquetoutledéveloppementdesaconstitution,c’estdoncluireprocherd’avoirvécu553».Cependant,observeJ.Ratzinger,AlfredLoisyn’apaséchappéaupiègequiconsisteàexalterledéveloppement au point de sous-estimer ce qui, dans laRévélation,aétéreçuunefoispourtoutesetnechangepas.

J. Ratzinger donne l’exemple concret du sacerdoce pourmontrer que le seul recours à laméthode historique, entenduecomme reconstitution du passé et comparaison avec le présentenvuedel’avenir,nepermetpasderésoudrelesquestionsquidivisent les chrétiens554.Ainsi « une telle collaboration [entrehistoire et théologie] exige que la question de l’évaluationdoctrinaledesdonnéeshistoriques soit faite à la lumièrede laTradition,commelieuetcritèredelaconsciencedevéritédelafoiecclésiale555».

J.Ratzingermontrequedeuxpôlesdoiventêtretenus:uneplacedonnéeàl’histoireetuneplacedonnéeaudéveloppementqui est la substancemêmede laTradition. Il convientd’attirerl’attention sur le fait que, si le mouvement progressif quiinterprète le présent à la lumière du passé est aisémentcompréhensible, il n’en est pas de même pour le mouvementrégressif. En contexte œcuménique, ce mouvement peut êtreperçu comme une justification facile des formes actuelles de

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Ratzinger le justifie en attirant l’attention sur le péché et lesdéfaillancesdessujetsecclésiauxpersonnelsetcommunautairesqui rendentnécessaires laconversionet le renouvellement.Sesécrits mettent également en lumière comment la mission del’Église, imbriquée dans unmonde en perpétuellemutation etavec lequel elle doit dialoguer, exige un continuelrenouvellementdel’Église.Autrementdit,ils’agitpourl’Églisedereconnaîtrelanécessitéd’unenouvellemanièred’êtreÉgliseselonlesdéfisd’uneépoqueetd’unesociété.Eneffetl’uniquesujetÉglise, inscritdans l’histoire,peutavoirunvisageetuneexpressionqui changeafinde répondreà lamissionqui est lasienne.

Dans cette section, nous reviendrons tout d’abord sur cesfacteursqui rendentnécessaire le renouvellementdans l’Églisepuis nous présenterons comment J. Ratzinger définit la natureduvrairenouvellementchrétienecclésialetcequ’estpourluiledialogueaveclemonde.Danslapériodepost-conciliaire,ila,eneffet,souventprispositionsurcesujet,engardantsesdistancespar rapport à certaines formes de réception du Concile, et enparticulier de la constitutionGaudium et spes590. Enfin, nousexposerons ses propositions au service de ce qu’il considèrecommelevéritablerenouvellement.

IlconvientdenoterqueJ.Ratzingers’inscritdanslalignéedetroisgrandsthéologiens–KarlRahner,YvesCongaretHansUrs von Balthasar qui, avant le Concile, avaient écrit sur leparadoxedelasaintetéetdupéchédansl’Égliseetlanécessitédesonrenouvellement.Cetteproblématiqueestsignificativedurenouvellementquis’estopérédanslathéologiecatholique591.

5–1.L’originedelanécessitéderenouvellement:lepéchéetlamissionde

l’Église

La nécessité de conversion, de purification des personnes,mais également des structures communautaires mises en placepar cesmêmespersonnes afin que l’Église soit ce qu’elle doitêtre, faitpartiede laviede l’Église. Il convientde rappelerceque J. Ratzinger dit, et que nous avons développé dans notredeuxièmechapitre,lorsqu’ilparledel’Église–corpsduChrist:leChristet l’Égliseformentunseulcorpsparleurcommunionconjugale, il ne s’agit pas d’une unité d’identification maisd’une unité d’union dynamique. Il y a avant tout, souligne J.Ratzinger, le don duChrist à l’Église.Ce premier termede larelation, le côté « Christ », est indestructible et définitif592.Mais l’autre terme de la relation Christ-Église, c’est-à-dire laréponse de l’Église à travers ses membres, est soumis auxtentationsetmarquéparlemystèredel’infidélité593.

Les Pères de l’Église ont utilisé l’image de la castameretrix594 pour exprimer le fait que l’Église qui vient de laBabylone est continuellement émondée afin d’être transforméeenépouse595. La libération de l’Église, sa transformation de «prostituée»à«épouse»,de«pierred’achoppement»à«pierred’angle » sont liées aumystère pascal, c’est-à-dire au passaged’une forme d’existence liée à ce monde à une existencenouvelle liée à l’appelde l’Esprit.Danscette« crise»dueaupassage de l’ancien au nouveau596, l’Église sera toujours à lafoisrocetpierred’achoppement,ilexisteratoujoursunetensionauseinmêmedesonexistence,tournéeàlafoisversleSeigneurà l’écoute de l’appel de l’Esprit, et vers lemonde avec lequelelle dialogue. Aux yeux de J. Ratzinger, la période post-conciliaireestsignificativedeladifficultéàdéfinirlerapportdel’Église avec le monde et par conséquent du chrétien avec le

monde597.Ainsi,sidansl’Église,toussansaucuneexception,doivent

« s’avouer pécheurs, implorer le pardon, se placer de la sortedans la voie de leur vraie réforme598 » ; cette confession doitêtrevécue,selonJ.Ratzinger,danslaperspectiveproposéeparAugustin:laconfessiopeccatitoujoursêtreaccompagnéed’uneconfessio laudis599, exprimant que malgré nos péchés « Dieupurifieetrenouvellecontinuellementl’Égliseetqu’ilconfiedegrandeschosesàdesvasesd’argile600».Car laconfessiondespéchésdoitêtreuneconfessiondefoipositiveetnonnégative,c’est-à-dire une confession de foi qui continue à affirmer quemalgré le péché, l’Église a été et demeure instrument dusalut601.LeSeigneur,relèveJ.Ratzinger,renouvellesanscessesonÉglise, afin qu’elle demeure « instrument des bienfaits deDieu dans le monde602 ». Les Pères de l’Église ont exprimésuccinctement ce paradoxe de la faute et de la grâce parl’expression « Nigra sum sed formosa603 » (Ct 1,5). Unetension est bien inscrite au cœurmêmedumystèrede l’Églisefaitedepécheurs,maisàtraverslaquelleleSeigneursedonneetquiestdépositaired’unemissionspécifiqueenversl’humanité:que le Dieu vivant soit annoncé « pour que l’homme puisseapprendreàvivreavecDieu,soussonregardetencommunionaveclui604».L’Égliseremplitdoncsamissiondeserviceenverslemonde si elle laisseDieu transparaître et si elle l’apporte àl’humanité;àcettefinelleasanscessebesoindeserenouveleren ses membres et ses structures. Il convient maintenant depréciser quel est ce renouvellement que l’on peut qualifier dechrétien.

5–2.Lanaturedurenouvellementchrétien

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trouversonauthentiquevisage652»;seulunamourréalisteestporteurd’authentiquesréformes.Or,làoùonneconnaîtl’Église« que par les séances de travail et par des papiers, on ne laconnaîtpas.Là,elledevientpierred’achoppement.Eneffet,soitelle devient l’objet de nos propres actions, soit elle devientquelquechosed’étrangerquinousaétéimposédel’extérieur653».

Dans les écrits de J. Ratzinger, nous pouvons repérer desdéplacements, des accents différents sur la forme que doitprendrelerenouvellementchrétien.Ilatoujoursétéattentifauxdeuxvoletsdecerenouvellement:lerenouvellementpersonnelet le renouvellement institutionnel. Cependant, nousremarquons, dans ses interventions conciliaires, une attentionparticulièreaurenouvellementdesinstitutions654,enparticulierde celles relatives à la structure hiérarchique pendant lesseconde et troisième sessions, que nous allons étudier dans lechapitresuivant,alorsqu’àpartirde1973,ilparledufanatismederéformespurementstructurellesquinesontqu’unenouvelleforme du cléricalisme et de l’égoïsme clérical655. Il prend sesdistances par rapport au christianisme paperassier et à lamultiplication des conseils – nous en reparlerons dans notredernier chapitre – et, enfin, il insiste davantage sur lerenouvellementpersonnel.

En1971,J.Ratzingerregrettaitqu’aumomentoùl’onauraitpu engranger des fruits du renouveau grâce au travail desdécennies précédentes, on soit confronté à un phénomèned’effritement.Ilsemblaitquelesefforts intensifsmisenœuvreaprèsleConcilepourréformerl’Égliseaientfaitoubliertoutcequecelui-ciavaitpermisderedécouvrirdelanatureprofondedel’Église ; celle-ci n’était plus qu’une silhouette malléable,définieentermesd’efficacitéaugrédesobjectifsquelesunsou

lesautrespouvaientluifixer.J.Ratzingerremarquaitparailleursque ces efforts d’aggiornamento avaient finalement conduit àunesurestimationde l’élément institutionneldans l’Égliseetàluiaccorderuneimportancesansprécédentdansl’histoire:

Fonctions et institutions n’ont certes jamais été aussi sévèrementcritiquées, mais jamais elles n’ont absorbé aussi exclusivementl’attention, au point de devenir aux yeux d’une majorité la seuleréalité de l’Église. Le débat sur l’Église s’épuise en discussions surl’organisationàluidonner656.

J.Ratzingerfustigesouventlestentativesdedémocratisationdel’Égliseetrépondquel’Églisen’estpasunedémocratie:elleestsacramentelleetparcequesastructureestsacramentelle,elleest hiérarchique.Mais comprendre l’Église d’un point de vuesacramentel engage à la comprendre comme un signe dont lafonctionestderenvoyeràunau-delàdesoiet,encela,touslesfidèlesontuneresponsabilité,lasaintetéétantunsigneéminent.Le théologien allemand insiste de plus en plus sur lerenouvellement des chrétiens, la force de renouvellement quereprésententceuxquiontlafoi.

J. Ratzinger remarque que la racine de la suspicion, de ladéceptionetdeladéfiancevis-à-visdel’Égliseestsouventunemécompréhension de la nature de l’Église. En 1985, ilinterpellait lesévêqueset les invitait à« rendreaccessibleauxhommes, l’ecclésiologie intégrale et complète du Concile,puiséedansl’ÉcritureetlesPères657».C’estuneexigencequ’ila lui-même honorée, comme l’a montré le chapitre précédent,considérant la constitution Lumen gentium comme cetteréflexion de l’Église sur soi-même qui « ne doit pas devenirpour elle unemanière de se regarder dans lemiroir,mais elledoitl’aideràêtrevéritablementlibrepourleSeigneur;[…]La

constitution sur l’Église ne veut donc rien être d’autre que lepointd’appuidesonrenouveauàvenir,toujoursnécessaire658».

Et,puisquel’Égliseest lecorpsduChrist,c’estparle lienpermanent toujours plus intime avec le Christ, fondementtoujours nouveau de l’Église, que la croissance ecclésiales’opère. Le processus de croissance et de développement dansun renouvellement incessant fait partie de la nature même del’Église, il est undes concepts fondamentauxdu catholicisme,souligneJ.Ratzinger659.Dansledéroulementdel’histoire,ilatoujourséténécessaired’émonder«cequinecessedeproliférerpour accéder au noyau central dans sa simplicité mais […] ilfautdistinguer,lorsqu’onémonde,entrelesexcroissances,etcequirésulted’unecroissancenormale,nepasprendrel’embryoncommemesuremaisselaisserconduireparlaloidelavie660».J.Ratzingervoit,par exemple,dans le thèmede la collégialitéépiscopaleunemiseenœuvredeceprincipederenouvellementbiencompris:

Le mouvement de l’Église qui remet en valeur le principe de lacollégialité,peutenmêmetempsêtreinterprétécommeunsautversl’avant et comme un retour à l’origine et à l’initial. Les deuxaspects ne sont finalement pas contradictoires,mais significatifs dugenreetdumoded’existencede l’Égliseà travers les siècles.D’unepart,ellesefondetotalementsurunfaitdupassé:surlavie,lamortet la résurrection de Jésus-Christ, qu’elle annonce, sur la base dutémoignagedesapôtres,commelesalutdel’hommeetleprincipedelavieéternelle.Larévélationdivine,dontellevit,s’estproduitedansun lieu et un temps uniques, et elle reste ainsi attachée à ce qui estpasséetunique661.

Danscetteanalysede1965,lethéologienpréciselefaitquece retour aux origines ne cherche pas la reconstruction et larestaurationdeformesanciennesdéterminées,maisveuts’ouvrir

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quesableetpierre,elledonneaussiunelumièreissued’unautre,lesoleil.Ilenestdemêmepour l’Église : sion la sondeeton l’explore,ondécouvrel’hommedanssagrandeuretsapoussièreavecsonhistoireetsesdéserts.Sil’Égliseestcela,cequicompte,c’estque,bienqu’ellesoitcela,elleestaussilumière issue d’un autre, lumière du Seigneur. « Ce qui n’est pas elle, estvraimentelle,saréalitéprofonde;elleapournaturedenepascomptersurelle-même,[…]ellen’existequepoursedépouillerd’elle-même;elleaunelumièrequin’estpaselle;etseulecettelumièreluidispensel’existence»(«Jecroisenl’Église»,p.83).602.«Laculpabilitédel’Église»,p.266;«Jecroisenl’Église»,p.106:«Ilyal’histoiredel’Égliseetsesscandales;ilyauneautrehistoiredel’Église,celledelaforcedelafoiquilibère,celledontlessièclesnousontmontrélesfruits, celle d’Augustin, de François d’Assise, deVincent de Paul, de JeanXXIII.EtcetteÉgliseaapportédansl’histoireunetraînéedelumièrequ’onnesauraiteffacer.Toutecettebeautéquesonmessageainspiréeetdonttantd’œuvresincomparablesattestentencoreaujourd’hui,témoignedelavérité.[…]L’expression que la foi a su se donner dans l’histoire, témoigne de lavéritéqu’elleporteenelle.»603.ExpressiondéveloppéeparJ.Ratzingerdans«FreimutundGehorsam»p.457-461.604.«L’Égliseauseuildutroisièmemillénaire»,p.269.605.Cf.«ErneuerungderKirche»,p.1188-1189.606.J.RatzingerdéveloppeégalementcettequestiondurenouvellementdanslechapitresurlacollégialitédesévêquesdanssonlivreLenouveaupeupledeDieu, p. 127 : «C’est pourquoi un renouvellement ne peut jamais êtrepourellequ’uneréorientationd’aprèscetteorigineseulenormative,ellenepeutêtrel’objetd’unedispositionarbitraire:iln’estpasloisibleàl’Églisedeserendre“conformeautemps”àvolonté;ellenedoitpasmesurerleChristet lechristianismeau tempsetà lamode,maiselledoit inversementplacerlestempssouslamesureduChrist.»607.«Lesimplicationspastorales»,p.127-128.608.L’imageestdeJ.Ratzinger,cf.«Weltoffene»,p.292.609.Cf.«Lechrétienetlemonded’aujourd’hui»;«ErneuerungderKirche»,p.1190-1192.610.Cf.«Weltoffene»,p.293.611.Appelésàlacommunion,p.17:Dansleprocessusderenouvellement«lacompatibilitéaveclamémoirefoncièredel’Égliseestlecritèrepermettantde faire le partage entre, d’une part, ce qu’il faut considérer commehistoriquement substantiellement fidèle, et, d’autre part, ce qui ne découle

pasdelaParolebibliquemaisdelapenséepersonnelle.Lesdeuxcritères–le critèrenégatif de l’idéologie et le critèrepositif de lamémoire ecclésialefoncière–sontcomplémentairesetnousaidentàresterleplusprèspossiblede la Parole biblique, sans négliger ce que nous pouvons gagner d’unevéritableconnaissancedescontroversescontemporaines».612.«Jecroisenl’Église»,p.84.613.R.HarnackparlaitalorsduSyllabusdePieIXetdupontificatdePieX.614.«Lesimplicationspastorales»,p.128.615. Entretien sur la foi, p. 41 : « Avant tout, je voudrais rappelersimplement ce que j’ai vraiment dit : Il n’est pas question d’un retour aupassé ; une restauration ainsi entendue non seulement est impossible,maisencore elle n’est pas même souhaitable. L’Église marche versl’accomplissement de l’histoire, elle regarde en avant vers le Seigneur quivient. Si, cependant, on comprend le terme “restauration” d’après soncontenu sémantique, c’est-à-dire comme une reprise des valeurs perdues àl’intérieurd’unenouvelle totalité,alors jediraisquec’est justementcela, ledevoirquis’imposeaujourd’hui.»616.J.Ratzingerrenvoieàl’époquedePieIXparexemple.617.«ErneuerungderKirche»,p.1198.618.Ibid.,p.1200.619.«Catholicismeaprèsleconcile»,p.1573.620.Cf.«ErneuerungderKirche»,p.1200-1202.621.Appelésàlacommunion,p.122-123.622. Ibid., p. 123 : « Certes, l’Église aura toujours besoin de nouvellesstructures humaines pour pouvoir parler et œuvrer à chaque époque del’histoire.Ces institutionsecclésiastiques–et lesaspects juridiquesqu’ellescomportent –, loin de représenter quelque chose de mauvais, sont aucontraireparfaitementnécessairesetindispensables,jusqu’àuncertainpoint.Mais, en vieillissant, elles risquent de passer pour primordiales et dedétournerlesregardsdel’essentiel.»623.Appelésàlacommunion,p.123.624.Ibid.,p.125.625.Ibid.,p.124.626.Idem.627.Ibid.,p.125-126.628.Ibid.,p.127.629.Cf.Entretiensurlafoi,p.58.630.Ibid.,p.59.631.Appelésàlacommunion,p.128.

632.«Lesimplicationspastorales»,p.128.633.Ibid.,p.129.634.Cf.J.RATZINGER,«De l’espérance» inCommunio IX /4,1984,p.32-46.635. Cette problématique était en arrière-fond des discussions du Concile.MonConcile,p.73:«L’Églisedevait-elles’enteniràcetteattitudementaleantimoderniste,poursuivresur la lignede lacondamnation,de ladéfensivejusqu’au rejet presque angoissé de la nouveauté, ou bien devait-elle, aprèsavoir tracé les limites nécessaires, ouvrir une nouvelle page et aller à larencontre,d’unemanièrepositive,desesorigines,deses frères,dumonded’aujourd’hui?»636. « Le chrétien et le monde d’aujourd’hui », p. 167-180 et plusprécisémentp.168:«LafoichrétienneétaitbaséesurunDieuquisetourneverslemonde,quidanssonincarnationestsortidesagloire,quiestdevenuhommeetdoncaussi“monde”.»637.«WeltoffeneKirche»,p.296-297.638.Ibid.,p.285.639.Cette expression est présente à deux reprises en français dans le texteoriginal«WeltoffeneKirche»:p.285;p.286.640. « Weltoffene Kirche », p. 285-286 : « Si la mission représente unimpérialisme ecclésial, s’efforçant plus ou moins dans une attitudenarcissique d’augmenter le nombre de ses membres, d’accroître soninfluenceentantqu’organisationetsapuissanceentantqu’institution,alorsellen’adetoutefaçonaucundroit.Danslamesureoùc’estlàsonbutellenepeutsûrementpasseréclamerduChrist.Mais,sisamissionestdeporterlaParoledel’amourdivin,cequireprésentesarichessevraieetpropre,porterl’expérience de la Parole de Dieu et en elle, l’amour salvateur, alors cettemissionestdecaractèreabsolu.»641.«WeltoffeneKirche»,p.300.642.Cf.«Lechrétienetlemonded’aujourd’hui».643.H.-J.POTTMEYER,«L’Églisecommemystèreetcommecommunion», inConc (F)208,1986,p. 123-125 ;L.BOEVE, « “la vraie réception deVatican II n’a pas commencé” Joseph Ratzinger, Révélation et autorité deVatican II» inL’autoritéet lesautorités.L’herméneutique théologiquedeVaticanII,Paris,Cerf,coll.«UnamSanctamnouvellesérie»3,2010,p.33-40.644.Cf.«Égliseetlemonde»;«Bilandel’époquepost-conciliaire».645.Cf.«Lechrétienetlemonded’aujourd’hui»,p.183.646.Cf.Ibid.,p.198-199.

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touslesdeuxdesministèresd’originedivineauseindel’Église.Iln’estdoncpaspossiblepour le théologiencatholiquede lesopposer, mais il convient plutôt qu’il s’engage à mettre sapensée au service du développement de la relation vitale quiexisteentre lesdeux. J.Ratzinger fait référenceàKarlRahnerqui invoque le concept de communion pour essayer de pensercorrectement cette articulation. Ce concept est, pour lesthéologiens, un point de départ central puisque l’Église estcommuniodanssanaturelaplusintimec’est-à-direavecetdanslecorpsduSeigneur.IlconvientdesesouvenirqueKarlRahnerparlaitencestermesen1959.Enoutre,J.RatzingersouligneunaspectimportantetcomplémentairedéveloppéparKarlRahner,àsavoirquel’ÉglisedelaParoleincarnéeestaussil’ÉglisedelaParoleetnonseulementdessacrements.CetteÉglises’appuiesur deux piliers irréductibles : la Parole et le sacrement. CelafaitdireàJ.Ratzinger:«Nousretrouvonsdenouveau,danslarelationentrelesdeux,l’irréductiblepolaritédel’unitéetdeladualité, qui est le signe de la vie, et qui précède lesconstructions logiques, toutnepouvant jamaisêtreemprisonnéparelles688.»

Nous saisissons donc, à travers cet écrit, l’équilibre que J.Ratzinger tente d’établir entre l’épiscopat et la primauté, alorsmême que le texte Pastor aeternus est, dans l’esprit debeaucoup, lecouronnementdupapisme.L’énoncédeVaticanI,concernant la juridiction immédiate et ordinaire du pape surl’Église entière, avait premièrement comme objectif desauvegarder l’autonomie de l’Église locale face au pouvoirtemporeldesprinces.

J.Ratzingerrelèvel’importanceduconceptdesuccessioaucœurduproblèmeépiscopat-primat,puisqu’«ilestditd’uncôtéque les évêques sont les successeurs des apôtres, alors que de

l’autre l’attribut apostolicus est réservé de façon spéciale aupape689.Laquestionseposedanscesconditionsdesavoirs’ilexiste deux sortes de successions, et donc deux façons departiciperàl’apostolicité690».

1–2.Lanaturedelasuccessionapostolique

Dans un premier temps, à la suite de J. Ratzinger, nousallonspréciserlanotiondesuccessionquisesaisitàlalumièredu combat pour la Parole, et il sera alors possible de saisir lemotapostolicusetdecomprendrelarelationentrelasuccessionpapaleetlasuccessionépiscopale.

1–2–1.Lanotiondesuccessio

Comme l’a montré le théologien allemand protestant vonCampenhausen, sur lequel J. Ratzinger s’appuie, c’est àl’occasion du débat contre la gnose au IIe siècle que l’Églises’estvueobligéedepréciserlecontenuduconceptdesuccessio.Il s’agissait alors de s’opposer à la transmission pseudo-apostolique gnostique et de faire triompher l’authentiquetradition apostolique. La gnose opposait à l’Église saphilosophie religieuse « tordue691 » en la faisant passer pourune traditionapostolique tenue secrète jusqu’alors.L’argumentde l’Église consistait à expliquer qu’elle regroupe en son seindes communautés où les apôtres ont prêché ou qui ont étédestinataires de leurs épîtres. Ainsi, au sein de cescommunautés,ilestpossiblederemonterpourainsidirejusqu’àla bouche de l’apôtre lui-même : « Si désormais il existequelquepartuneconnaissanced’unetraditionoralevenantdesapôtres,ellenepeutsetrouverqu’auseindecescommunautés

etcelles-cisontlesvéritablesaunesauxquellesonmesurecequiseul est en droit de s’appeler “apostolique”692. » J. Ratzingerconstatealors:

Àl’idéegnostisquedel’existencedetraditionsecrèteetorale,l’Églisen’opposepas toutd’abord l’Écrituremais leprincipedesuccession.La successionapostoliqueest essentiellement laprésencevivantedelaParoledans lapersonnedes témoins.Lacontinuité ininterrompuedestémoinsrésultedelanaturedelaParolecommeauctoritasetvivavox693.

Ainsi la Tradition n’est jamais une simple transmissionanonyme d’une doctrine, mais elle est personnelle ; c’est uneparole vivante qui possède sa réalité concrète dans la foi.ElleestdoncparolevivantequiseréalisedanslafoidespersonnesobéissantàlaparoledeDieu.Enoutre:

La « succession » n’est pas une appropriation de pouvoirsadministratifs,qui sontalorsà ladispositionde leurdétenteur,maisplutôtunemiseauservicedelaparole,unofficedetémoindubienquiaétéconfié.L’officeestsupérieuràsondétenteur,sibienquecedernier disparaît derrière ce qu’il a reçu ; il est seulement – pourreprendrel’imagemagnifiqued’IsaïeetdeJeanleBaptiste–unevoixquidonneàlaParolelepouvoirderésonnerdanslemonde.

L’office,lasuccessionapostoliqueontleurfondementdanslaParole.Celavautpouraujourd’huicommepourautrefois694.

L’Église opposa à la gnose la diadochê vivante qui est laparoleliéeàuntémoin,etletémoinliéàlaparole,c’est-à-direl’union de la traditio et de la successio. On sent bien alorscomme le fait remarquer J.Ratzingerque successio et traditiosonttrèsproches.

La succession ne s’identifie pas à une réception des

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du théologien : dépasser les oppositions et retrouver lesrelations vitales qui existent entre les ministères. Enfin, nousnotonssonattentionàcequel’onpourraitappelerlaspiritualitésacerdotaleauservicedel’unité.

Pour J. Ratzinger, seule la présence incontournable de laParoleconfiéeà l’Égliseentièrepourêtreannoncée,permetdebien situer les structures ainsi que les différentsministères etd’encomprendrelesdifférentesmodalitésd’exercice.

1–4–1.Lesministèresetl’unitédel’Église:laproblématiqueœcuménique

La réflexionde J.Ratzinger sur la nature de la successionapostolique et sur la relation entre succession papale etsuccession épiscopale est centrée sur le lien des premiersapôtres avec la Parole et le conduit à résoudre le dilemmeapparentdel’expression«catholique-romain»:

Le terme « catholique » démarque d’un christianisme fondé sur laseule Écriture, reconnaissant l’adhésion à l’autorité de la parolevivante, c’est-à-dire au ministère de la succession apostolique. Leterme « romain » attribue au ministère une orientation décisivecentréesurlepouvoirdesclefsdonnéausuccesseurdePierredanslaville imprégnée du sang de deux apôtres. L’union des deux termesdans l’expression«catholiqueromain»exprimela richedialectiqueentreprimatetépiscopat, l’unn’existantpassans l’autre.UneÉglisequi voudrait n’être que « catholique », sans référence à Rome,perdraitdece fait sacatholicité.UneÉglisequi,per impossibile, nevoudrait être que romaine sans être catholique, se nierait égalementelle-même et dégénérerait en secte. «Romain » garantit la véritablecatholicité;etlacatholicitéréelleattesteledroitdeRome720.

L’expression« catholique romain» exprimequelque chose

d’essentiel de la nature de l’Église et la richesse de sonmystère:sonunitéliéeàsacatholicité;l’Égliseestcommunionet, en même temps, il existe en son sein des polaritésirréductibles : épiscopat et primauté, Parole et sacrements.Toutefois, l’expression«catholiqueromain»évoqueladoubledivision scindant la chrétienté. La première repose sur laséparation entre la catholicité et la chrétienté de la simpleÉcriture et la seconde provient de la séparation entre leschrétiensorientésversl’officeromaindusuccesseurdePierreetceux qui s’en sont séparés. Dans les deux cas, remarque J.Ratzinger,c’estl’officequisépareleschemins.

1–4–2.L’annoncedelaParole:clédecompréhensiondelastructuredel’Église

DanslescommentairesdeMysticiCorporisparJ.Ratzinger,nousavionspunousrendrecompte(cf.notrepremierchapitre)de l’importancedonnéepar le théologienaudéveloppementdudogme.Ainsi, il estimequeVatican I est une étape, et nonunterme dans la réflexion sur la primauté et il attire d’ailleursl’attentionsur le faitque l’histoiredesdogmesne seconstruitpasenuneprogression.

D’une manière générale, l’histoire des dogmes (comme partie dudevenirhistoriquede l’Égliseen tantque telle),bienqueportantenelle le développement du progrès, ne se construit pas en uneprogression, comme une montée constante vers le parfait, maisfranchitdifférentsstadespours’approprierunefoiirréversible.Dansces différents stades, la simplicité qui s’exprime dans les époquesantérieures conserve sa propre dignité face à l’esprit dedifférenciationquemontrentlesépoquesultérieures.Touscesstadessontsoumisàl’origine,déterminéeparleSeigneur,commel’unique

mesure. Il s’ensuit qu’on ne peut pas attribuer de supériorité auxidéesdéveloppéesauMoyenÂgeparrapportàcellesdestempsplusanciens et que la tâche demeure continuelle de définir l’idée deprimauté et sa réalité,mêmeaprèsqu’elle a été formuléeauconcileVaticanI,ilfauts’enréféreràl’origine721.

Dans les écrits préconciliaires, J. Ratzinger, soulignecomment les énoncés de Vatican I offrent la possibilité d’uneinterprétation laissant toute sa place à l’épiscopat et à lacollégialitéépiscopale722.IlconsidèrequeleconcileVaticanIafaitunpasimportantparrapportauconciledeTrentepuisqu’ilétablitquelajuridictionépiscopaleestdedroitdivin:

Mais il s’en faut de beaucoup que ce pouvoir du souverain pontifefasse obstacle au pouvoir de juridiction épiscopale ordinaire etimmédiatparlequel lesévêques,établisparl’EspritSaint(Ac20,28)successeurs des apôtres paissent et gouvernent en vrais pasteurschacunle troupeauqui luiaétéconfié.Aucontraire,cepouvoirestaffirmé,affermietdéfenduparlepasteursuprêmeetuniversel723.

Le théologien F. Frost fait cependant remarquer que cettephrase,aprèsavoirprésentélesévêquescommesuccesseursdesapôtres, passe directement à la juridiction limitée que chacunexerce dans son Église particulière. Elle n’évoque pas saparticipation au gouvernement de l’Église universelle par soninsertion au sein du collège épiscopal en son entier et dont lepapefaitpartie.Ce texte,note le théologien,seprêtedonc«àune interprétation minimisante dans la ligne de la monarchiepapale de la théologie classique […] c’est pourquoi, en neparlant de la juridiction épiscopale qu’en référence à sadéterminationéventuelleparrapportàuneÉgliseparticulière,letexte conciliaire favorise l’interprétation que cette juridictiondérive directement du pape724 ». Cette remarque souligne le

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observateurs,en1963,était lasuivante : lefondementbibliquede la doctrine de la collégialité des évêques telle qu’elle a étédéveloppéeparleConcileest-ilvraimentsolide?LegroupedesDouze,d’unpointdevueexégétique,peut-il être légitimementdésigné comme un collège avec Pierre à sa tête ? Ou bien, lacollégialité n’est-elle pas une construction postérieure747 ? Laréticencevis-à-visdelacollégialitéestexpriméetoutautantpardes observateurs de l’Église luthérienne748 que par desthéologiensorthodoxes.

Ladeuxièmequestionnonmoinscritique,quiaretenutoutel’attention – surtout celle de G. Maron749 – est celle de laplénitude du sacrement de l’ordre conférée lors de laconsécrationépiscopale.Contrecettedoctrineconciliairede lasacramentalité de la consécration épiscopale, G. Maron faitréférence avant tout à la tradition protestante dans laquelle ildécouvreunrenouvellementlégitimedelastructuredel’Égliseancienne.G.Maronvoitdansl’officenéotestamentaireunofficesimple et se demande si l’on n’attribue pas au développementecclésiastiquedecetofficeentroisdegrésuneimportancequ’ilestdifficiledejustifierdanscetteformeàpartirdutémoignagedu Nouveau Testament et de la tradition ecclésiale dans sonensemble750.

J. Ratzinger présente alors une troisième objection qui setrouve chez G. Maron, mais également chez Skydsgaard,Nissiotis,Schlink751:

Lamiseenévidencedelacollégialitéépiscopaleneconduit-ellepasàun renforcement de la cléricalisation de l’Église, à une aggravationcontemporainede lanotiond’Église fondée sur lapurehiérarchie ?Le fait de renforcer la barrière entre évêque et curé ne renforce-t-ilpasdeplusbellelabarrièreentreévêqueetlaïcs752?

Ces objections, fait remarquer J. Ratzinger, obligent àcreuserplusavant:lescurésnesont-ilspaslesvraissuccesseursdes anciens évêques chrétiens qui étaient les bergers, lespasteurs de leur communauté, et non des chefs très éloignésd’entières régions ecclésiastiques ? En ancrant la structureépiscopale d’aujourd’hui au concept de collégialité, n’y a-t-ilpasunrisquedeprovoquerungravechangementstructurelvis-à-vis de l’Église ancienne dont les évêques se trouvaientjustement dans une autre situation753 ? De fait, G. Maronl’affirmeetrelèveuneépiscopalisationdetoutelavieecclésialeet liturgique avec des conséquences qu’il n’est pas encorepossibledeprévoirselonlui.

Nous avons commencé par présenter l’importance dutroisième chapitre de Lumen gentium et les points sensiblesqu’il est possible d’y repérer à la lumière, entre autres, de laNotapraevia;nouspouvons,àprésent,analyserlesécritsdeJ.Ratzinger afin de saisir le cœur de sa pensée au moment duConcile.

2–2.Lefondementdogmatiqueducaractèrecollégialdel’officeépiscopal

J. Ratzinger affirme dans ses écrits que la doctrine ducaractère collégial de l’épiscopat repose sur deux donnéeshistoriques : la collégialitédesapôtres et le caractèrecollégialdu ministère ordonné dans l’Église ancienne. Son optionméthodologiqueestdoncextrêmementclaire :enaucuncasunschéma philosophique ou une catégorie sociologique oupolitiquenepermetderendrecomptedelaréalitéstructurelledel’Église:

Encequiconcernelaconstitutiondetoutel’Église,ilapparaîtqu’onnedoitpasladéduiredequelquemodèlepolitique,etquelesessaistropchoyésde fonder laprimautépapaleàpartird’unephilosophies’appuyantsurAristoteetPlatonetd’aprèslaquellelamonarchieestla meilleure forme de gouvernement, sont aussi défectueux quel’essai de décrire l’Église avec la catégorie inappropriée demonarchie.Lesrelationsentrel’ordresacramentaireetlastructuredel’Église,entreleministèredePierreetleministèreépiscopal,entrelacollégialitédesévêquesetlafraternitédeschrétiens,entrelapluralitédesÉglises et l’unitéde l’Église, quenous avons reconnues commedes données originelles, dépassent trop toutes les catégories de laphilosophie politique pour que [sic] se fixer ainsi sur un modèlepuisserendrejusticeàlaréalité754.

Laconstitutionde l’Église transcende toutes les catégoriessociologiquesetnepeutêtrecomprisequ’àpartirdelavolontéde son fondateur et du regard normatif de l’âge apostolique.Cependant, comme nous l’avons déjà dit lorsque nous noussommes arrêtée sur le processus de renouvellement dansl’Église,celle-ci, toutenétant invitéeà se reporteraupassé,àl’événement de sa fondationdans lamort et la résurrectionduSeigneur,estorientéeversl’avenir,versleretourduSeigneur.J.Ratzinger755 insiste vivement sur le fait que l’orientationspirituelle foncière des chrétiens n’est pas tournée vers larestauration,maisqu’ellesetientsouslesignedel’espérance.Ilfautchercher,nonàreveniràunétatidéaldupassé,àrestaurerdes formes historiques déterminées, mais à s’ouvrir à l’avenirdans lequel l’originel doit se déployer de manière nouvelle.Toutes les nouvelles structures sont à regarder dans cetteperspective.

Revenons aux deux données historiques que J. Ratzingerdéveloppepour fonder le caractèrecollégialde l’épiscopat : lecaractère collégial de l’office apostolique et le caractèrecollégialduministèreordonnédansl’ancienneÉglise.

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effectiveaveclatêteetlesautresmembres:

Cette communion n’est plus un élément extérieur, ajouté à laconsécration,mais elle en est le développement naturel qui seul luidonne son sens plein. Il faut aussi ajouter que cette communionréciproque, qui achève la consécration épiscopale et qui contribuepoursapartàfonderledroitdefairepartie,àégalité,ducollège,n’apasquel’évêquedeRomepourpointdeconvergence,maisaussilesautres, donc la têteet l’ensemble de l’épiscopat.On ne peut jamaisêtre en communion avec le pape seul, car être relié à lui signifienécessairement être « catholique », ce qui implique la communionavectouslesévêquesdel’Églisecatholique793.

Commenousl’avonssouligné,lafonctionépiscopaleaunedouble référence au corpus verum et au corpus mysticus, lecorpus verum étant au service de la construction du corpusmysticusquiestun.Ainsilaconsécrationépiscopalequiintègreun évêque au collège épiscopal le conduit à servir l’unité del’ÉgliseenintroduisantsonÉglisedanslacommunionaveclesautres Églises et avec l’Église de Rome. Autrement dit «sacrementetjuridiction,collégialitédeschefsmandatésetunitéde l’Église universelle se compénètrent indissolublement.L’épiscopatestdestructurecollégiale,etill’estnécessairement,parce que sa fonction représente le ministère de l’unitéecclésiale, laquelle n’est pas une uniformisation organisatriceeffectuéepar l’autoritésupérieure,mais,sur leplanhorizontal,sentimentcommunenvertudumêmelien794».

J. Ratzinger insiste sur le fait que seule la communion detous dans le corps du Seigneur réalise l’unité, la seulecommunionaveclepape-têtenepeutêtresourced’unité.L’unitéexige aussi la communion locale-épiscopale et donc unestructurecollégiale,pourexprimerlesrapportsentrelesÉgliseslocales.L’Église ancienne avait créédes institutions telles que

les synodes locauxou lespatriarcatscommemoyensdemettreenœuvrel’unitédanslavieordinairedel’Église.Aujourd’hui,ce sont les conférences épiscopales qui représentent un desmodes nouveaux d’expression de cette collégialité, nous yreviendrons. Cependant, au moment du Concile, la minoritécraignait que l’affirmation de la dérivation sacramentelle dupouvoir n’en affaiblisse la dépendance radicale par rapport aupape.

2–3–3.LesoppositionsetlesprécisionsdelaNotapraeviaausujetdupouvoirdeconsécrationetdupouvoirpastoral

Nous avons souligné précédemment que le projet de laCommissio Praeparatoria avait établi un lien exclusif entrel’appartenance au collège épiscopal et la juridiction, et avaitainsisituél’idéedecollégialitésurunplanjuridiqueetdétachédu principe sacramentel. Au contraire, le texte final, dans ladernièrephrasedupremierparagraphedel’article22,déclarelaconsécrationet« lacommunionhiérarchiqueavecla têteet lesmembresducollège»commeconstitutifsde lacollégialité.Lacollégialité est ainsi également ancrée dans le principesacramentel,l’idéedejuridictioestreliéeàcelledecommunio.Le droit est à nouveau en lien direct avec le principesacramentel,etcessedèslorsd’apparaîtrecommeunegrandeurdisponibledansunbutpurementcentralisateur.Or,J.Ratzingersouligneque lapriseencomptedu lienoududétachementdel’idée juridique par rapport à l’idée sacramentelle décide enmême temps d’une construction du droit de l’Égliseexclusivement centralisatriceou au contraire collégiale à partirdel’intérieur795.

On pourrait objecter à cette manière de rapprocher lesacrement et le droit, qu’il existe en fait bien un évêquecoadjuteur,cequimontreclairementqu’unesimpleconsécrationpeutexistersanspouvoirjuridique.Et,inversement,ilestétablique l’évêque résident reçoit les pouvoirs, non pas par laconsécration,maisparuneattributionjuridiquevenantdupape(cf. DS 3804), ce que la commission a tenté d’expliquer endistinguantles«fonctions/munera»des«pouvoirs/potestas»:

La consécration confère une participation intrinsèque aux fonctionsde l’évêque, cequi est tout à faitordonnéà la réalisation juridique,maispour cequi est de l’entrée envigueur juridique, celanécessiteuneintégrationdansletout,àsavoirune«déterminationjuridique»(iuridicadeterminatio), par laquelle la « fonction»peut s’épanouiren « pouvoir ». Les exposés doctrinaux concernant l’attributionjuridique conférée aux évêques par le pape, doivent s’entendre auniveau de l’intégration juridique par laquelle la « fonction » seconcrétisedansle«pouvoir»exécutable.Letextedelanota révèleégalement qu’une telle attribution juridique qui se concrétise,nécessite un rapport essentiel de nature entre le droit et laconsécration, tout en reconnaissant que cette même attributionjuridique peut se transformer au fil de l’histoire ; elle doit juste seproduire « selon les directives approuvées par l’autorité suprême»796.

J.Ratzinger salue le progrès réalisé notamment grâce à unplusgrand réalismedans lapenséehistorique.Lesdistinctionsétablies servent à rendre compréhensible la variabilité desrapports entre le pouvoir de la consécration et le pouvoirjuridique, à contrer une position d’exclusivité irrecevablepratiquée par le droit actuel, et à obtenir la structured’encadrement du changement historique (toujours possible),nonpasparuneséparationdéfinitiveentrelaconsécrationetledroit,mais par une association fondamentale profonde tout en

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Petri,RomanusPontifex,etEpiscopi,successoresApostolorum,interseconiunguntur831.

Commenous l’avonsdéjà signalé, lechapitre III aétévotépar morceaux, voire par phrases, tant certains points ont étédébattus.Cefutlecasdecettephrasequifutl’objetd’unvoteàelleseule832.

Au lieu de parler « des autres », alii, apôtres, les pèresconciliaires ont préféré « du reste833 », ceteri, pour mieuxmarquerlecaractèrecommundel’apostolatetl’appartenancedePierre au groupe des Douze. Pierre n’est pas en dehors ducollègemaisdedans.Dans lamesureoùceténoncéparlede lasuccession,cequiestvraidePierre l’estaussidupape.Ainsi,demêmequePierreestapôtreaveclereste, lepapeestévêqueavec les autres évêques et il est pape en qualité d’évêque deRome.Ilestdoncdanslecollègeépiscopal,commechefinvestidesdroitsduprimat.

J. Ratzinger relève un deuxième point d’attention : lamodification apportée au premier texteeademratione, « de lamêmefaçon»,quidevintdanslaversionfinalepari ratione,«defaçonsemblable».Lethéologienremarquequeladifférencen’est pas grande et qu’elle seraitmême passée inaperçue si laNotapraevianel’avaitpaséclairée:

Ils’agissaitdemontrerplusnettementqueleparallélismen’impliquepas la transmissiondupouvoirextraordinairepropreauxApôtresnil’égalitéentre lepapeet lesévêques,maisseulement lacontinuationde laproportionnalitéPierre-Apôtresdans ladualitéecclésialepape-évêques.[…]Le«pouvoirextraordinairedesApôtres»,c’est-à-direl’ordinationabsoluedechacunàl’Égliseuniverselle(sansrestrictionàunévêquedéterminé),estliéaucaractèreuniquedel’apostolatquin’estpastransmisentantquetel.Lesévêquessontdesévêques,nondes Apôtres, car le successeur est autre que celui dont part la

succession. […] Le pape non plus n’est pas un apôtre mais unévêque;iln’estpasPierremaispape;iln’estpasplacédansl’ordreoriginel,maisdansceluidelasuccession834.

Le Concile a souligné que le pape succédant à l’apôtrePierre reçoit la charge de Pierre à laquelle est associée unemissionparticulièreauservicedel’Égliseuniverselle.L’évêque,lui, ne succèdepas àunapôtredéterminémais avec le collègeépiscopalilsuccèdeaucollègeapostolique.Cen’estqu’enétantintégréàcetensemblequ’ilparticipeàlafonctionsacrée.Enfin,il convient de relever que l’évêque individuel ne reçoit aucunpouvoir sur l’Égliseuniverselle, cependant,par son intégrationau corps épiscopal, sa fonction est par nature ordonnée à toutl’ensemble de l’Église, elle est orientée dans le sens del’universalitéetnel’exclutnullement835.

2–4–4.Bilan

La primauté, souligne avec force J. Ratzinger, par sonessence,n’estpasunesorted’administrationglobaledel’Église,mais la capacité et le droit de déterminer définitivement àl’intérieur du réseaudes communautés, le lieuoù laParole deDieu est annoncée de façon juste et où se vit la vraiecommunion.Dans sa formeoriginelle, le service du primat estentièrement spirituel et inclut la pluralité dans l’Église. J.Ratzinger considère qu’il faut revenir à cette origine pourenrichir la réflexion présente. Certes, une série d’événementsvers la fin de l’Antiquité ont amené le siège de Rome à denouvelles tâches en Occident, mais elles ont été source deconfusionsurlerôlepropredelaprimautéromaine.

Au cours des siècles s’est opérée progressivement unesuperposition entre l’office de Pierre comme orientation et

critère de l’unité pour l’Église universelle, et son officepatriarcal de caractère administratif pour l’Église latine. Danslespremierssièclesdel’Église,laprimautédeRomen’étaitpasdifférentedecelled’Alexandrieetd’Antioche.Elleconservaitlaprimauté uniquement dans la mesure où elle était garante del’unitédelafoietdel’unitédel’Égliseuniverselle.Ellenesesubstituait pas aux Églises régionales dans le domaineadministratifetdisciplinaire.Si l’onsuit lespropositionsdeJ.RatzingerdanslapériodeduConcile,ilsembleraitopportunderevenirà ladistinctiondesdeuxoffices,cequin’enlèveraitenrienàl’officeromainsaspécificitédegarantdel’unitédelafoi,de la communion et d’interprète authentique de la Révélation.Cela permettrait simplement de rendre à la primauté la puretéauthentiqueduministèreapostolique.

Cesélémentsmettenten lumière, selonJ.Ratzinger, le faitquel’organisationecclésialepuisseêtredifférentedecequ’elleest actuellement dans les fonctions de gouvernement, et quecertaines évolutions présenteraient d’évidents avantages dansl’ordreœcuménique.

Par ailleurs, J. Ratzinger insiste sur le fait que, pour unejusteinterprétationdel’exercicedelaprimautédanssarelationàl’épiscopat,ilestnécessairedeprendreausérieuxlepointdevuemoraldel’exerciceduministèreprimatialsanspourautantconsidérer le pape comme l’interprète de la « moyennestatistique de la foi vivante836 ». La compréhension del’articulation épiscopat-primat trouve son fondement dans lanécessité,l’exigencederechercherl’unitédanslapluralitéetlapluralité dans l’unité837, ainsi le primat romain a besoin del’épiscopatetl’épiscopatduprimat.

L’histoire montre que cet équilibre est difficile àatteindre838,àenjugerlesdeuxpositionscontrairesquisesont

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chrétien, qui ne sont plus coupésde la sollicitudepastorale etmissionnairedel’évêque.Danscecontexte,àlasuitedeMarie-JosephLeGuillouauquelilfaitréférence862,J.Ratzingerattirel’attention sur l’importance de se détacher d’une visionpurement cultuelle de l’Église et d’en avoir une vision pluspastoraleetmissionnaire,perspectiveégalementvalablepourleministère épiscopal qui ne peut être suffisamment compris s’iln’est regardéquede cepoint devue cultuel. Il observeque laconstitution Lumen gentium met d’ailleurs en lumière cettedimension missionnaire du ministère épiscopal en soulignantquelesapôtresétaientenvoyéspourqu’ils«propagentl’Égliseetqu’ilslapaissentenexerçantleurministèresouslaconduitedu Seigneur, tous les jours jusqu’à la consommation dessiècles863».Lethéologiensoulignequelatâchedesapôtres,etdesévêquesàleursuite,est«liéeàlapersonnedeJésusChrist.Il faut qu’elle soit toujours soumise à sa direction et elle seprésente sous l’aspect primordial de service qui se rapporte àl’économie du salut864 ». Elle implique le dévouement auxhommes et du fait même le service de Dieu par imitation deJésus-Christ.

Enfin, J. Ratzinger retient comme élément important del’enseignement du Concile l’affirmation de la sacramentalitéépiscopaleparlaquellelasourcedelaplénitudedusacrementdel’ordreetdestriamuneran’estpluslepape.

2–6–4.Leministèrepétrinien:unministèredecommunion

J. Ratzinger fait remarquer que la remise à l’honneur desÉglises locales donne un éclairage sur le ministère pétriniendanssatâcheessentielledeministèredecommunion.Ainsi«il

ne s’agit pas d’un gouvernement monarchique, mais de lacoordinationd’unepluralitéquiappartientàlanaturemêmedel’Église865 ».Leministère pétrinien et samission doivent êtredéfinis à partir de ce qu’est l’Église, et non l’inverse. LaredécouvertedesÉgliseslocalesetdel’Églisecommecommunioecclesiarumestdoncessentiellepoursaisirdefaçonrenouveléeleministèrepétrinien.

DanscetteperspectivequioffreuneattentionnouvelleauxÉgliseslocales,àleurdiversitéetàlamissiondel’évêque866,J.Ratzinger a mis en lumière l’amalgame réalisé entre lesdifférentsservicespétriniens,et l’intérêtqu’ilyauraitàmieuxlesdistinguer lesunsdesautrespour favoriser le respectde ladiversitédansl’unité867.Laredécouvertedeladiversitépourraitalors être un atout pour le dialogue œcuménique. Il estimportant, note J. Ratzinger, d’éviter la confusion entre uneÉglise Une et une Église unitaire ; la confusion provient del’amalgame opéré entre ce qui vient du Christ – la fonctionpétrinienne – et ce qui est administratif et relève de la chargepatriarcale.

«L’unitédel’Églisecommuniodoit inclurelapluralitédesÉglisesausenschrétienprimitif;ilnepeutetnedoitjamaisyavoir une centralisation absolue dans l’Églisemais la pluralitédoit maintenir dans l’unité son poids propre et son droitpropre868. »C’est sansdoute là, relève le théologienbavarois,que se trouve cachée la clef du problèmeœcuménique dans lamesureoù iln’aété laissé,par lepassé,quepeudeplaceà lapluralitéàl’intérieurdel’unité.Ilfautquelapluralitéretrouvesa place. C’est là le foyer de l’idée de collégialité, qui necherche pas à compléter la monarchie par le parlement, selonl’expression de J. Ratzinger, mais à mettre en valeur lasignificationpropredesÉglisesdansl’Église.Enaffirmantque

lecollègeépiscopal,luiaussi,estdétenteurdupouvoirsuprême,le Concile a contribué à mettre en valeur la responsabilité del’ensemble du collège – dont le pape fait partie – vis-à-vis del’ÉgliseuniverselleetàrééquilibrerVaticanI.

2–6–5.Lesapprofondissementsdogmatiques:unatoutpourl’œcuménisme

J. Ratzinger observe que, si l’évêque de Rome, en ce quiconcernesaresponsabilitéecclésialeuniverselle,selimitaitàsamissionpétrinienne,rienn’auraitbesoindechangerdanslavieecclésiale concrète de la chrétienté orthodoxe. Son autonomieadministrativeseraitconservéedanslepatriarcatetiln’yauraitplus besoin d’attendre d’autre reconnaissance du primatuniverseldeRomedelapartdesÉglisesorthodoxesquecequiétait la tradition au premier millénaire. Ainsi, à l’issue de latroisième session, J. Ratzinger considérait la redécouverte desÉgliseslocalesetdelacollégialitécommeungrandgainpourledialogueœcuménique:

On a fait un premier pas pour, qu’au lieu de conversionsindividuelles,onrendepossiblel’accueil,dansl’Églisecatholique,deformationscorporativesquipuissentconserverleursparticularités,ettout en restant elles-mêmes, apporter leur charisme à l’Égliseuniverselle.End’autrestermes,àtraverslarestaurationdelapluralitédesÉglisesépiscopalesà l’intérieurde l’unitéde l’uniqueÉglise,ondonneunnouveaupointdedépartautravailœcuménique.

Enmême tempscelapermetdecomprendre ladignitéecclésialedesÉglisesséparéesdeRome869.

Cependant, certains observateurs protestants ont exprimé

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pourrait alors être un pas vers quelque chose « comme desrégions ayant des traditions spirituelles propres au sein del’unitéetdelamultiplicitédel’Égliseuniverselle,etcommedesorganisations patriarcales (même si leur structure n’est pas lamême)906».

J.Ratzingervoitalorsdanslamiseenœuvredeconférencesépiscopales«sousuneformemoderneetadaptéeànotretemps» une réalité qui se rapproche de ce qu’étaient les lieuxpatriarcaux et offre ainsi les conditions nécessaires à l’unionavecd’autreslieuxayantconservél’autonomiepatriarcale.Cecisupposerait,commenous l’avonsdéjàdit,unedissociationdesdifférents services papaux actuellement confondus. Pourillustrer cette proposition, J. Ratzinger cite le théologienallemandethistoriendesreligions,FriedrichHeiler:

Lepartageentroisdelatiarepapalesymbolisedesélémentsvariés:leservicedel’évêquedeRomequiestenmêmetempsmétropolitedela province ecclésiale romaine, le service du patriarche de l’Égliseoccidentalelatineetleservicedeprimatdetouslesévêques.Danslemélangedecestroisservices,dansl’extensiondescompétencesdelapremièresphèredeservicesurladeuxièmeetdesdeuxpremièressurla troisième, reposent une bonne partie des réprobations quis’opposentàlaréunificationdeschrétiens.Parcontre,encomprenantle primat du pape purement en tant que tel, dans sa fonctionunificatrice providentielle et œcuménique, et séparé des fonctionschangeantes du métropolite romain et du patriarche occidental, lesenshistoriqueetledroitdivindelapapautédeviennentintelligiblesmêmepour sescontestataires.Quidésire l’unitéde l’Église,nepeutéviteruncentrumunitatisdans l’Égliseet ilnedoitpascraindredereconnaître ce centre-là où – malgré toutes les variations etdégénérescences humaines – il a existé dans l’histoire de l’Églisechrétienne,danscettecommunautésanctifiéeparle témoignageet lemartyredesdeuxgrandsapôtres907.

Lamiseenœuvredelacollégialitéaunenjeuplusvastequecelui d’un équilibre de pouvoir au sein de l’Église latine,souligne J. Ratzinger, il concerne la possibilité de laconstructiondel’unitédel’Égliseetdelacommunionaveclesdifférentes Églises. C’est une problématique œcuménique quiest présente plus profondément, et également à la base, unecompréhension de la fonction pontificale dans son sensvéritable, telleque toute la chrétientépeut la comprendre, afinquecelle-cisoitréellementauservicedel’unité.

3–1–4.Bilan

L’histoire de l’Église met donc en valeur deux réalitésfondatrices de l’Église : « le service de la successionpétrinienne,dont l’exercicepratiquen’aacquisuneformeplusprécisequeprogressivement»et« l’élémentdebaseépiscopo-collégialquidesoncôtéconnaîtunegrandediversitédeformesd’expression908 ». Le conseil des évêques et les conférencesépiscopales s’inscriventet se réfèrentàcetélément synodaldel’Égliseancienne.

Les conférences épiscopales, que J. Ratzinger soutient, nesont pas une institution totalement nouvelle909 dans l’Église,mais le Concile a pris acte d’une réalité préexistante, quijusqu’ici n’avait pas de caractère officiel, pour en faire uneréalité ayant sa place dans l’Église et de caractère obligatoireaussibienquantàl’institutionqu’àlaparticipation.LeConcileaffirme que « les conférences épiscopales peuvent apporteraujourd’hui une contribution multiple et féconde à ce quel’esprit collégial se traduiseenapplicationsconcrètes910 ».Enoutre,ontrouveuncertainéchodespropositionsdeJ.RatzingerdansLumengentium 23 qui parle avec beaucoup d’estime des

patriarcats et qui montre la variété des Églises locales et leurconvergencedansl’unitéetlacatholicitédel’Égliseindivise.

Il est important de relever la sévérité de J. Ratzinger, aumomentduConcile,àl’encontredesévêquesquicraignentunepertedeleurdroitpropre,alorsquepar lasuite il insisterasurl’importance de la responsabilité personnelle de l’évêque,laquelle ne doit en aucun cas se dissoudre à l’occasion de saparticipationàuneinstitutioncollégiale.

Les conférences épiscopales ont été instauréesmondialement après le Concile, mais dotées d’uneresponsabilité limitée. Le synode des évêques fut égalementinstauré par Paul VI mais sous une forme et avec unecompétence qui n’était pas celle attendue. Nous allons doncrevenirsurcesinstitutions.

3–2.ContinuitéetdéplacementsdelapenséedeJosephRatzinger

Nous avons pu apprécier les propositions de J. Ratzingerpourlamiseenœuvredel’élémentcollégialdanslastructuredegouvernementdel’Église–etcelaauservicedelacommunionet d’une unité sans centralisme, gardienne de la diversité. IlconvientmaintenantdesuivrelapenséedeJ.Ratzingerdanssonanalyse des nouvelles institutions mises en place après leConcile afin d’apprécier s’il y a continuité ou déplacementd’accent dans ses propos.Nous allons pour cela analyser plusparticulièrementsesprisesdepositionparrapportausynodedesévêques911 et à ce qu’il appelait le cogubernium pendant leConcile.

3–2–1.Lesynodedesévêques:évolutionde

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Danssonrapport,l’assembléeextraordinairedusynodedesévêquesde1985souligneque:

La théologie de la collégialité est beaucoup plus étendue que sonsimple aspect juridique. L’esprit collégial est plus vaste que lacollégialité effective entendue dans le sens exclusivement juridique.L’esprit collégial est l’âme de la collaboration entre les évêques auplanrégional,nationalouinternational949.

En 1966, J. Ratzinger s’était clairement exprimé surl’importance des conférences épiscopales950 comme exercicepartieldelacollégialité,commemiseenœuvreeffectivedecettecollégialité partielle. Cependant on peut s’interroger surl’importancequ’illeurdonnaparlasuite.

3–2–4.Lesconférencesépiscopales

En 1985, J. Ratzinger revient sur le rôle des conférencesépiscopales dans un entretien avec VittorioMessori, au coursduquel il situe et limite la responsabilité des conférencesépiscopales et celle de l’évêque dans le gouvernement del’Église.En effet, il estimeque leConcile voulait renforcer lerôleetlaresponsabilitédel’évêqueetsouligner,aprèsVaticanI,que le Collège épiscopal aussi jouit de la même infaillibilitédanslemagistère,pourvutoujoursquelesévêques«conserventle lien de communion entre eux et avec le successeur dePierre951»etlethéologienremarque:

Lanetteremiseenvaleurdurôledel’évêques’estenréalitéatténuée,aurisquemêmedesetrouverétoufféeparl’intégrationdesévêquesàdes conférences épiscopales de plus en plus organisées, dotées destructures bureaucratiques souvent lourdes. Nous ne devons pasoublier que les conférences épiscopales n’ont pas de base

théologique, elles ne font pas partie de la structure irréfragable del’Église telle que l’a voulue le Christ : elles n’ont qu’une fonctionpratiqueetconcrète952.

J. Ratzinger s’appuie sur le Code de droit canonique quifixe l’autorité des conférences. Celles-ci, note-t-il, ne peuventdoncagiraunomdetouslesévêquesquedanstroiscas:d’unepartlorsqu’ils’agitd’«affairesdanslesquellesledroituniversell’a prescrit, ou lorsqu’une décision particulière du Siègeapostoliquel’adéterminédesapropreinitiativeouàlademandedelaconférenceelle-même953».D’autrepartcommelestipulelemêmecanon455au§4:

Dans les casoùni le droit universel ni unedécisionparticulièreduSiègeapostoliqueneconcèdeàlaconférencedesévêqueslepouvoirdont il s’agit au § 1, la compétence de chaque évêque diocésaindemeureentière,etnilaconférencenisonprésidentnepeuventagiraunomdetouslesévêques,àmoinsquetousetchacundesévêquesn’aientdonnéleurconsentement954.

Ainsi,alorsqu’ilinsistaittantpendantlapériodeconciliairesur l’enracinement sacramentel de la dimension collégiale duministèreépiscopalet l’importancede l’existencedestructuresau service d’un exercice de la collégialité partielle, il aparticulièrement attiré l’attention pendant la période post-conciliaire sur la responsabilité personnelle des ministèresordonnés;chaqueévêqueestl’uniquepasteurdesondiocèseencommunion avec les autres pasteurs et le pape. Pendant leConcile,lecardinalFrings,dontJ.Ratzingerétaitlethéologien,avaitdéjàévoquéledangerqu’unetelleinstanceporteatteinteàlaresponsabilitépersonnelledel’évêqueetàsonautorité955.

Ilnoussemblequ’unvéritableéquilibreexistebiendansle

codeentrelacapitalitéetlasynodalité.Lesévêquesgardentleurlibertéde jugement,deparoleetdedécision. Iln’estque troiscas956 très précis où la décision de la conférence des évêquesobligel’évêquediocésain,commenousvenonsdelevoir.

J. Ratzinger affirme donc que l’échelon national n’est pasune dimension ecclésiale, l’Église n’est pas une fédérationd’Églises nationales. Certes, l’échelon national en lui-mêmen’est pas une dimension ecclésiale, mais ne louait-il pasl’importance des synodes dans l’Église ancienne commeexpression de la communion ? Ne peut-on considérer qu’uneconférence épiscopale, qui n’est pas nécessairement nationale,estuneformed’exercicedelacollégialitécommecellequis’estexercéetoutaulongdel’histoiredel’Églisedanslessynodesetdanslesconcilesnationaux,etdontl’importanceaétérappeléependant le Concile ? Les conférences épiscopales sont doncl’expression de l’affectus collegialis. En 1986, Y. Congarestimaitquecequel’onconnaissaitcommel’assembléenormalede la conférence épiscopale aurait été appelé concile957 auMoyenÂge,toutenétantconscientdecertainesdifférences.Eneffet, aujourd’hui, les conférences épiscopales semblent plusoccupées par des questions pastorales et ne formulent pas,comme les conciles anciens, des affirmations doctrinales958,bienqu’ayantrenduunservicedoctrinalimportant,parexempleenmatièredecatéchèse;onpeutcependantadmettrequ’ellesnesesituentpasauniveaudesanciensconciles.

Enoutre,ilconvientdenoterquel’enchaînementdesidéesde J. Ratzinger est un peu surprenant ; l’exercice de lacollégialité partielle à un échelon national ou régional, parexemple à travers des conférences épiscopales, n’implique enaucun cas que l’Église soit comprise comme une fédérationd’Églises.

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ausensstrictn’aétéposé.Enoutre, l’approchemodernede lacollégialitéquisaisitleministèreépiscopalàpartirdel’unitédetous les évêques dans le collège universelmais sans lien avecune Église locale – la titulature étant un lien relativementartificiel–peutconduireàpercevoirl’épiscopatcommelecorpsdesadministrateursdelahautefonctionpublique987.Àl’époquedesPères,leministèreépiscopalétaittoujourscomprisenlienàuneÉgliselocale.L’évêqueétaitauserviced’unecommunautéetil avait également une responsabilité particulière au service del’unitéd’extensioncatholiqueenraisonduliendecommunionquileliaitauxautresévêquesetdulienquiunissaitlesÉglisesparticulières entre elles. La collégialité se comprenait à lalumière de la communion des Églises particulières, chacunedevantégalementêtreorientéeverscelledeRome.

La position de J. Ratzinger au sujet de la forme decollégialitéqu’ilprivilégierestequelquepeuambiguë.Eneffet,son attachement à la conception patristique de la collégialitéexplique sa prise de distances par rapport à l’idée decoguberniumqu’ilavaitproposéependantleConcile.Ilsembledonc que J. Ratzinger soit resté fidèle à ses orientationsfondamentales initiales de jeune théologien. Le premier devoirdel’évêqueestd’êtreauprèsdesonÉgliselocaleetdeservirlacommunio avec les autres évêques et avec le successeur dePierre. Ildemeureplus importantde favoriser laconsciencedecommunio dans l’Église et le sens de la collégialité entre lesévêques,plutôtquedeseperdredansdesdisputesàproposdelarépartitiondupouvoirentrelepapeetlesévêques.

Le théologien a nettement mis en lumière le lien entre lacollégialité épiscopale et l’ecclésiologie de communion, et aaffirmé que l’unité de l’Église se comprend à travers unepluralité de communions locales, excluant que l’on puisse

établir l’unité sur la seule base de la relation avec la « tête ».Cependant, tout en donnant une place privilégiée à laconception patristique de la collégialité, nous notons lesréserves qu’il a émises par rapport aux conférencesépiscopales988–luiquilesprésentaitcommelemeilleurmoyend’une pluralité concrète dans l’unité989 – et observons laresponsabilité limitée qui leur est donnée. J. Ratzinger nesemble donc pas tirer toutes les conséquences du type decollégialitéqu’ilprivilégie.

Néanmoins il faut admettre que si l’on se situe, comme J.Ratzinger,danslaperspectived’uneecclésiologieeucharistiquequi considère premièrement l’Église comme une communiond’Églises, la communion n’est pas d’abord une réalité à créer,mais elle est le fruit d’uneparticipation effectivede toutes lesÉglisesdans laconfessiond’unemêmefoi,dans lacélébrationcommuneducultedivin,danslaconcordefraternelle.Ainsi,enparlantd’institution«pour»ou«envuede»lacommunion,ilne peut s’agir d’institution pour produire la communion maispour la manifester et fortifier les liens d’unité, commeexpressionde la nature de l’Église.Dans ce contexte, certainsthéologiens exposent clairement leurs doutes sur l’opportunitéet lanécessitédenouvelles institutions990. Ils remarquentque,danslemondeactuelquiatendanceàmultiplierorganisations,commissions et administrations, de telle sorte que les évêqueseux-mêmes sont demoins enmoins présents dans leur proprediocèse, il convient d’envisager de nouvelles institutions avecprudence. En effet, les évêques ne doivent pas, par leursabsences, perdre le contact personnel et pastoral avec leursprêtresetleursfidèles.CesontdesargumentsqueJ.Ratzingerévoque, lui aussi, souvent dans ses écrits afin de limiter lamultiplicationdesconseils;nousenparleronsdanslechapitre

suivant.J. Ratzinger est très net : c’est en gouvernant son propre

diocèse, sa propre Église particulière comme une vraie Églisecatholique, qu’un évêque participe premièrement etessentiellementaugouvernementdel’Égliseuniverselle,etnonpar lebiaisde laparticipationàunorganecentral.Cependant,l’objectiondeHermann-JosefPottmeyer,concernant les limitesqu’un évêque peut rencontrer dans le gouvernement de sonpropre diocèse, étant soumis à des lois provenant précisémentd’un « gouvernement central », autrement dit de la curie, doitêtrepriseenconsidération ;cettepratique législativen’existaitpas à l’époque patristique. Aujourd’hui, il semble difficile defaire abstractionde cet état de fait et c’est sansdouteunedesraisons qui incitent certains patriarches à accepter leurnominationcommecardinal,nominationquiausensstrictementthéologique n’a pas vraiment de sens. Il est nécessaire deprendreenconsidérationcertainesmédiationsdegouvernementpourœuvreràlacommunionouverteàladiversité.

La communion entre les Églises est également unecommuniondansleculteetlaprièreliturgique,maisonpeutsedemander,par exemple, si la créationd’unorganismecollégialdélibératif serait un progrès et permettrait encore de laisser àchacun sa part de responsabilité et d’adaptation créatricenécessaire en matière de liturgie, puisque la foi de l’Églises’exprime dans des rites qui témoignent de l’unité de la foi àtravers une diversité culturelle et des sensibilités différentes.Comme le note J. Lécuyer, la communion (et donc lacollégialité) ne se manifesterait-elle pas d’autant mieux si lesévêques cherchaient à procurer le bien de leurs Églisesrespectives, dans le respect de leurs traditions propres etl’attention à leurs besoins actuels mais également dans « lesoucid’harmonieusecollaborationavectouslesautresévêques

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818.J.Ratzingerdéveloppecettequestionen1991dansuneconférencepourlesévêquesbrésiliens:«PrimautédePierreetl’unitédel’Église»,p.39-64.819.Cf. «Primauté etÉpiscopat » (1964) ; «Les implications pastorales »(1965) ; développé de nouveau en 1991 dansAppelés à la communion, p.78-81.820.CitéparH.-J.POTTMEYER,«PrimatundbischöflicheKollegialitätinderEucharistischenCommunio-EkklesiologieJosephRatzingers»,p.107.821.«Lesimplicationspastorales»,p.113.822.«Primat,Episkopatundsuccessioapostolica»,p.230.823.«EkklesiologischeBemerkungenzumSchema“deepiscopalis”»inDo-c1964,n.135,p.3.824.CONCILEDENICÉE, c6 ; 1ERCONCILEDECONSTANTINOPLE,Denz151 :«2-Que les évêquesd’undiocèsen’interviennentpasdans lesÉglises qui leur sont étrangères ni nemettent de désordre dans lesÉglises,mais que, conformément aux canons, l’évêque d’Alexandrie administreseulement lesaffairesde l’Égypte, lesévêquesde l’Orient, seulementcellesdudiocèseoriental,enmaintenantlesprérogativesreconnuesparlescanonsde Nicée à l’Église d’Antioche ; que les évêques du diocèse d’Asieadministrentseulementlesaffairesdel’Asie,ceuxduPont,seulementcellesduPont,etceuxdelaThrace,seulementcellesdelaThrace.S’ilsnesontpasappelés,lesévêquesnesortirontpasdeleurdiocèsepourimposerlesmainsou pour d’autres fonctions ecclésiastiques. Si on observe ce canon, il estclairquelesynodedel’éparchieestcompétentdanssonéparchie,selonlesdéterminations de Nicée. Quant aux Églises de Dieu qui sont parmi lespeuples barbares, il convient qu’elles soient administrées selon la coutumemise envigueur par lesPères. 3-L’évêquedeConstantinople doit avoir laprimauté d’honneur après l’évêquedeRome, car cette ville est la nouvelleRome.»825.Cf.«EkklesiologischeBemerkungenzumSchema“deepiscopalis”»inDo-c 1964, n. 135, p. 4. Par exemple au concile deNicée dans le canon6intitulé«DePrimatibusEpiscoporum» ilétaitétabliqu’il fautpréserver lavieille coutume de l’Égypte, de la Libye et de Pentapolis selon laquellel’évêqued’Alexandrierégnaitsurlestroispays–coutumesemblableàcellede la ville de Rome. Lamême chose devait s’appliquer àAntioche et auxautresprovinces,afindesauvegarder lesprivilègesde l’Église. J.Ratzingersouligne que plusieurs choses sont à remarquer dans ce texte. À l’évêqued’Alexandrie est attribué le pouvoir suprême (« potestas ») sur l’Églised’Égypte,deLibyeetdePentapolis ;afindedéfinirceciplusclairement, il

estditquecepouvoirdoitressembleràceluidel’évêquedeRome.Ainsiilestreprésentécommeétantparallèleàla«potestas»de l’évêquedeRomedanslemondelatin.826. « Primauté et Épiscopat », p. 68 : « L’image d’un état centralisé, quel’Église catholique offrit jusqu’auConcile, ne découle pas tout simplementde la charge de Pierre,mais bien de l’amalgame que l’on fit avec la tâchepatriarcalequifutdévolueàl’évêquedeRomepourtoutelachrétientélatinequinefitquecroîtretoutaulongdel’histoire.Ledroitecclésialunitaire,laliturgieunitaire,l’attributionunitairefaiteparRome,dessiègesépiscopaux–toutcelasontdeschosesquinefontpasnécessairementpartiedelaprimautéentantquetelle;ellesrésultentdelaconcentrationdesdeuxfonctions.»827.«Primautéetépiscopat»,p.60-61:«Lecardinalatestune institutionromaine;ildésigneàl’originelesdiacresetlesprêtresdeRome,aussibienque les évêques de la province romaine de l’Église. Le patriarcat est uneinstitution de l’Église universelle : il caractérise les évêques des Églisesprincipales, appelés originairement « primats », donc la forme qui réglaitl’unitéecclésialedesgrandsdistrictsde l’Égliseet leurs relationsentreeux.Maintenant, visiblement, le cardinalat apparaît comme une fonction pourl’ensembledel’Église(justementparcequel’ensembledel’Églisesetrouveidentifiéàl’égliselocaledeRome);lepatriarcatdevientuntitrehonorifique,conféréparRome.Etenfindecompte,depuisleXIIIesiècle,uncardinalestplacéau-dessusd’unpatriarche,desortequec’esthonorerunpatriarchequede faire de lui un cardinal ; la dignité reliée à l’Église de Rome devientsupérieureàlafonctionancienne,serapportantàl’Égliseuniverselle,cequimontreclairementlerenversementd’optique(30).Finalementapparaîtl’idéequelescardinauxseraientlesvéritablessuccesseursdesApôtres,carceux-ciauraientétécardinauxavantdedevenirévêques.Onpeut,danscetteopinionde la fin du Moyen Âge, déceler l’antithèse occidentale d’une théoriebyzantinequi,elle,voyaitdanslespatriarcheslessuccesseursdesApôtres.»828.«EkklesiologischeBemerkungenzumSchema“deepiscopalis”»inDo-c1964,n.135,p.5.829.Idem.830.«Papst,Patriarch,Bischof»,p.158.831.ASConc.Vat.II¸VolIII/I,p.215.832.ASConc.Vat.II¸VolIII/I,p.400,10esuffrageduchapitreIII.833.IlestregrettablequelaversionfrançaiseduConciledansleséditionsduCenturiontraduiseceteripar«lesautres»,netenantainsinullementcomptedelaprécisionapportéeparleConcile.

834.«Lacollégialitéépiscopale»,p.774.835.Cf.«Lacollégialitéépiscopale»,p.774.836.«PrimautéetÉpiscopat»(1964),p.70[traductionmodifiée].837.Cf.«PrimautéetÉpiscopat»,p.71.838.Cf.«Surlathéologieduconcile»,p.96-100.839.LG22.840.«Lacollégialitéépiscopale»,p.778.841.LG22.842.Notapraevia3.843.Notapraevia4.844. Cf. « La collégialité épiscopale », p. 786 ; « Kommentar zur “Notapraeviaexplicativa”»,p.354-356.845.Cf.«Lacollégialitéépiscopale»,p.786.846. Cf. « Kommentar zur “Nota praevia explicativa” », p. 356-357 ; onpourra se référer à l’annexe 3 qui commente l’essai de clarification de laNotapraeviaausujetde l’irréversibilitéde la relationpape-collègeetde lanécessité de la prise en compte de l’ordremoral afin de ne pas durcir lesénoncésennes’attachantqu’àl’ordrejuridique.847.On peut d’ailleurs relever que depuis le concileVatican II aucun actestrictement collégial n’a été posé, mais l’on peut cependant dire que lacollégialitéàtraversdiversesformesdestructuresaétémiseenœuvre.848.«Lacollégialitéépiscopale»,p.786.849.«Kommentarzur“Notapraeviaexplicativa”»,p.356-357.850.LeCodededroitcanoniqueacependanttranchéetparlededeuxsujets:cf.CIC,c.331etc.336.851.«KommentarzurNotapraeviaexplicativa»,p.354-356.852.ConclusiondudeuxièmeparagraphedeLG22.853. Der gegenwärtige Stand der Arbeiten des Zweiten VatikanischenKonzils. Vortrag gehalten am 1. Oktober 1964, hg. V. der KatholischenRundfunk-undFernseharbeitinDeutschland,Bonn,1964.CetextesetrouveégalementdansMonconcile,p.144-145.854.MonConcile,p.154[traductionmodifiée].855.MonConcile,p.155.856.Idem.857.Idem.858.Ibid.,p.156.859.CD11etLG23:cetexterendobligatoireslesconférencesépiscopalesdontildemandequ’ellescontribuentàcequelesentimentcollégialseréaliseconcrètement. Cf. L. VILLEMIN, « Les provinces ecclésiastiques et la

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1)Celle-ciesttoujoursérigéeparl’autorité.2)L’appartenanceyest«originaire » : on appartient naturellement à une communautéhiérarchique. En effet par le baptême, toujours reçu dans tellecommunauté,onentredanscettecommunautéhiérarchiqueet,parlefait même, on est incorporé à l’Église. 3) La structure de lacommunauté est liée à l’exercice de la charge pastorale, notionspécifiqueauCode,quinel’emploiequ’àleurpropos998.

Ces critères, en permettant de distinguer ces communautéssanslesmettreaumêmeplan,soulignentbienlefaitquecelles-cineformentpasunealternativeetnedoiventpasêtreopposées.Tout fidèle999 appartient à une communauté hiérarchique quioffre l’intégralité des éléments de la vie chrétienne, et cetteappartenanceestobjective;maisilpeutaussiêtremembred’unecommunautéassociativequimetplusenvaleurteloutelaspectde laviechrétienne–oudesamission–etquiasouventunespiritualité assez marquée. Dans la seconde appartenance, lelibre choix a une place prépondérante. La triple liberté àl’originedes communautés associatives est sansdoute unedessources des incompréhensions et des conflits, puisque lesmembres des mouvements ont une conception différente del’engagementdansl’Église,delavieecclésialeetdelamission.

C’estdoncdanscecontexte,marquépardestensionsentreles nouveaux mouvements et les communautés localeshiérarchiques et leurs pasteurs que, en 1998, J. Ratzingerpropose une réflexion théologique dans le symposium qui aprécédé le rassemblement de Pentecôte des nouveauxmouvements sur la place Saint-Pierre : « Les mouvementsd’Égliseetleurlieuthéologique1000».Cetteréflexions’inscritau cœur d’un nouveau champ de réflexion, sur les nouveauxmouvements et les charismes, qui se déploie à travers desproblématiques variées. Certaines étudesmontrent que ceux-ci

sontnéssouslapousséedesgrandeslignesecclésiologiquesetspirituellesdu concileVatican II ; la tension entre charismeetinstitutionestsouventabordée,maiségalementlesrelationsdesmouvements avec les paroisses et les diocèses, ainsi que leurmission. Des études soulignent aussi la chance et les signesd’espérance que représentent ces nouveaux mouvements pourl’Église, la nouveauté et l’originalité des nouveaux charismes,mais elles attirent aussi l’attention sur la nécessité d’undiscernement1001. De nombreuses études canoniques oubibliques sont également publiées sur cette question desnouveauxmouvementsetdescharismesdansl’Église.

J. Ratzinger, bien que conscient des difficultés pastorales,rappelle qu’il a découvert les nouveaux mouvements avecenthousiasmeaudébutdesannéessoixante-dix,alorsque,selonson analyse, l’Église s’épuisait en recherche de nouvellesstructurespourmettreenœuvrel’aggiornamentoconciliaire.Àl’encontredecetteformederenouvellement,lethéologienvoyaitdans les mouvements un autre chemin pour renouveler la vieecclésialeetlamissiondel’Église,quimettaitenœuvrecequ’ilconsidère comme les principes directeurs d’un vrai renouveau,quenousavonsexposésàlafindutroisièmechapitre:l’accueildelafoidel’Églisedanssatotalité,lasimplicitédansl’annoncedu spécifiquement chrétien, la dimension missionnaire del’Église et de l’être chrétien1002. Comme Jean-Paul II, J.Ratzinger voyait en eux un don de Dieu pour la nouvelleévangélisationetpourl’activitémissionnaire.

Son étude, qui marque la réflexion théologique, cherchedonc à réfléchir à lamanière dont « pouvaient s’instaurer desrapports corrects entre le renouveau apporté par la nouvellesituation,etlesstructurespermanentesdelaviedel’Église1003» et, à cette fin, le théologien veut montrer comment le lieu

théologiquedecesmouvementspeutêtredéfiniavecexactitudedanslacontinuitédesloisdel’Église.Ainsi,partantduprincipeque cesmouvements sont d’Église, son « cahier des charges »contientdeuxobjectifsessentielsliésl’unàl’autre:lepremierconsisteàpréciser le lieu théologiquedesmouvementsafindeles enraciner dans la nature de l’Église et à montrer que lesdimensions institutionnelle-hiérarchique et charismatique sontco-essentielles au mystère de l’Église ; le second consiste àopérer un discernement sur le choix de la démarcheintellectuelle permettant de définir ce lieu théologique. Cedeuxième point est capital, car derrière cette question, quipourrait sembler purementméthodologique (« comment le lieuthéologique peut être défini ? »), c’est en fait le choix sur lamanière d’interroger et de comprendre du mystère de l’Églisequiestenjeu.

L’intention est claire : situer théologiquement lesmouvementsetleurdonneruneconceptualitépropresusceptibledelespenserdemanièresatisfaisante,afinqu’ilsaientlaplacequileurrevientdanslaviedel’Église.Or,commelerépètesanscesseJean-PaulII,ilssont:

[…]co-essentielsàlaconstitutiondivinedel’ÉglisefondéeparJésus,parce qu’elles [les dimensions institutionnelle-hiérarchique etcharismatique]concourentensembleàrendreprésentslemystèreduChristet sonœuvresalvifiquedans lemonde.Ensembleaussi,ellesvisentàrénover,selonleurmodeparticulier,lapropreconsciencedel’Église,quipeutsedire,enuncertainsens,elle-même«mouvement»entantqu’avènementdansletempsetdansl’espacedelamissionduFilsparl’actionduPèredanslapuissancedel’EspritSaint1004.

LeprogrammedeJ.Ratzingerestuniquepuisqu’ilproposeune analyse qui tentera de définir le « lieu théologique » desnouveaux mouvements ; ce terme « lieu théologique » étant

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charismeetministèreordonné,qui,souligneJ.Ratzinger,n’estnibibliqueni traditionnelle,aétéparticulièrementcultivéeparle protestantisme libéral allemand du XIXe siècle. Il fautreconnaître que le qualificatif « hiérarchique » pour parler duministère ordonné, même s’il a une légitimité, obscurcit laréalitéduministèrecommelesignaleHervéLegrand:

Les ministères ordonnés, relevant de l’ordre charismatique, nesontpasàcomprendred’abordentermeshiérarchiques,mêmesiceconcept a une légitimité. […] pastoralement, il vaut mieux éviter,avecHansUrsvonBalthasar1034,letermedehiérarchiedontlesenséchappeaumondeactueletdontlesconnotationssocialesperturbentlacompréhensionduministèrechrétien.Ilconvientdoncdeparlerleplussouventpossibledupapeetdesévêques,enlieuetplacedela«hiérarchie».Toutefois,leconceptdehiérarchie,entantqu’ilsignifie,delapartdupapeetdesévêques,unepossibilitédedécisionlégitimeet engageant les fidèles, sans qu’ils soient réduits au rôle dereprésentants de ces derniers, traduit bien la position qu’occupel’épiscopat dans l’Église. À ce titre, le terme a sa place dans levocabulairethéologique1035.

Nous remarquons d’ailleurs que, dans ses études, J.Ratzinger emploie très rarement l’expression « structurehiérarchique » de l’Église, mais essentiellement « structureapostoliqueetsacramentelle».

Cette opposition entre charisme et institution eut desrépercussions dans le monde catholique. Hans Küng, parexemple, en développant les thèses de Käsemann1036, vit lescharismespartout1037 et fut soucieux de limiter la compétencedes pasteurs de l’Église. Il affirma : «Le charisme est l’appelqueDieuadresseàl’individuafinqu’ilremplisseunministèredéterminédans la communauté, et un telappelhabiliteà sontouràuntelministère1038.»Danscetteperspectivelecharisme

estundonpersonnelenlienavecunministèredéterminé,«c’estcettenotionquipermetàHansKüngde fonder sa thèsed’unestructurecharismatiquedel’Église.Iln’expliquepasclairementcequ’ilentendparlà,mais,puisquechaquecharismeindividuel“habilite”àun“ministèredéterminé”,onpeutcomprendrequechaque chrétien reçoit directement de Dieu un ministère sansinterférencedelapartdelahiérarchie1039».CeproblèmedeladissolutiondecertainesmédiationsecclésialesestprésentchezHansKüngégalementàd’autressujets.J.Ratzingerledénoncedansdesarticles1040relatifsàsonlivreL’êtrechrétien1041.

Laprisededistanceparrapportàl’élémenthiérarchique,aunomd’uneemprisedirectede l’Espritetdudésird’uneÉglisepurement charismatique, est donc récurrente en théologie ; J.Ratzingeryvoitunmanqued’attentionàcequedit réellementl’Écriture. De tels développements théologiques post-conciliaires sont susceptibles d’alimenter les tensions, voired’engendrer une complète autonomie des mouvementscharismatiquesvis-à-visdesministèreshiérarchiquesquinesontpasàlasourcedeleurintuition.

En 1991, lorsque J. Ratzinger s’adresse aux évêquesbrésiliens, ilattireégalementl’attentionsurlarésurgencedeladialectique hiérarchie/prophétie qui s’est développée après laSecondeGuerremondialeetdontilentendmontrerqu’ellen’estpasbiblique:

Après la Seconde Guerre mondiale, l’humanité se divisa toujoursplusnettementendeuxcamps:d’unepartl’universdespaysriches,largementmarqué une fois de plus par lemodèle libéral, et d’autrepartleblocmarxiste,quiseprésentacommeleporte-paroledespayspauvresd’AmériqueduSud,d’Afriqueetd’Asie,enleuroffrantunmodèle pour leur avenir. Cette bipartition se répercuta dans lescourants théologiques. […]Onressortait levieuxschémaquidivisel’Ancien Testament en prêtres et prophètes, culte, institution d’un

côté, et prophétie, charisme, liberté créatrice de l’autre. Dans cetteconception,lesprêtres,leculte,l’institutionetledroitapparaissaientcommequelquechosedenégatif,qu’ilfallaitdépasser.Jésus, lui,sesituait dans la ligne des prophètes qu’il conduisait à son terme, paroppositionà la classe sacerdotalequi l’avaitmisàmort commeelleavaitfaitmourirlesprophètes1042.

J. Ratzinger remarque que la lecture biblique opposantprêtres et prophètes fut utilisée dans une interprétationmarxisantequisaisitlemessageeschatologiquedeJésuscommel’avènementduRoyaumedeDieu,lequelseraitunesociétésansclasse.L’oppositionbibliqueprêtre/prophètefutalorsreproduitedansuneecclésiologiequiopposal’institutionetlepeuple;eneffet, il était nécessaire de « combattre l’institution et sonpouvoir d’oppression pour promouvoir une société nouvelle,libre, qui sera le “Royaume”1043 ». C’est là un cas extrêmed’opposition entre les prophètes et la hiérarchie, mais lethéologien relève que l’on « oppose aujourd’hui volontiers laligne du culte et du sacerdoce à la ligne prophétique dansl’histoiredusalut»1044.Ilconvientd’attirerl’attention,noteJ.Ratzinger,surlefaitquelesprophètesn’ontjamaiscontestélepouvoirdelaTorahmais,aucontraire,ontremisenvaleursonsens véritable face aux abus. Ce type d’opposition entrehiérarchie et prophétie se retrouvait dans le cadre de certainesthéologiesdelalibération1045.

Cettetroisièmeopposition,quiseprésentedanslediscoursecclésial, se réfère également à la parole de saint Paul auxÉphésiens : « Car la construction que vous êtes a pourfondementlesapôtresetlesprophètesetpourpierred’angle,leChristJésuslui-même1046.»Ainsi,relèveJ.Ratzinger,l’Égliseserait construite sur les apôtres et les prophètes et, à partir decette approche, deux lignes de tradition se déploient :

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une définition précise de « charisme » mais, en recueillant letémoignagedespremièrescommunautés,ilslesdécriventcommedesmanifestationsparticulièresdel’Espritdansl’Église,undonde l’Esprit.ChezsaintPaul, sontappeléscharismesaussibienles ministères ordinaires de la communauté que lesmanifestations extraordinaires (don de guérison, parler enlangues…).

Les charismes, extraordinaires ou ordinaires, révèlent leurnature à travers undouble lien constitutif avec l’uniqueEspritdonnéparleChristetavecl’uniquecorpsduChrist.Ilssontdesdonsdirectementordonnésàl’édificationdel’Église.

Cette double relation permet de saisir la diversité desministèresecclésiauxetsoulignequelebutdesministèresetdescharismesestlemême,puisquecharismesetministèressontdesdonsde l’uniquepneuma qui est le vrai constructeurdu sômaqui est l’Église duChrist. Lesministères et les charismes ontpourfinalitél’édificationdelacommunionecclésialequi,enuncertainsens,est l’œuvreproprede l’EspritSaint.Charismesetministèressontdonc,l’uncommel’autre,pneumatiques.Toutesles responsabilités et les services dans l’Église ont le mêmefondement : le Christ ressuscité qui donne son Esprit pour lebien de la communauté ; plus que la dimension extraordinairedudonc’estsadimensionecclésialequiestessentielle.

Les charismes et les ministères sont soumis au critèresuprêmequiordonnetoutelacommunautéchrétienne:l’amour.Leurdiversitéestauservicedel’unitédanslacharité.L’amourestleprincipeautourduquels’organisenttouslescharismes,etgrâce auquel s’édifie efficacement la communauté qui doittoujours garder comme point d’ancrage leCredo apostolique.Celametenlumièrequelevraicharismenepeutjamaisêtreenoppositionavecl’enseignementapostoliquequiestlecritèredediscernement de l’authenticité d’un charisme. Dans cette

perspective, dans l’Église les charismes sont soumis audiscernementdespasteurs1081.

À partir de sa lecture de saint Paul et des commentairesaugustiniens, J. Ratzinger met en perspective la nature et lafinalitédescharismes,cependant l’étudebibliquepeutsemblerun peu décevante car elle ne montre pas la spécificité ni lamanière propre dont les charismes, par rapport au ministèreordonné et aux sacrements, construisent l’Église.En revanche,cetteréflexionestdéveloppéedansleconcileVaticanIIdontlaleçon sur le rôle des charismes représente certainement unnovum important dans l’histoire de l’Église. Cette recherchen’est pas d’aujourd’hui mais a acquis une force particulièredepuisledernierconcile.

Ainsi, J. Ratzinger a-t-il montré qu’il est essentiel decomprendre que le sacerdoceministériel et tous les charismessontordonnésàlaconstructionducorpsduChrist1082.Cesontles sacrements qui engendrent la structure institutionnelle, quidoit rester la plus légère possible et ouverte aux appelsimprévisiblesdel’Espritdontelleestelle-mêmeissue1083.

Le couple institution/charisme n’apporte donc que desréponsespartielles à laproblématiqueet J.Ratzinger interrogealors la confrontation entre les visions christologique etpneumatologiquedel’Église.

2–2.Ladialectiquechristologie/pneumatologie

Dans le deuxième chapitre de ce travail lors de notreréflexion sur l’Église-corps duChrist ainsi que dans l’analysebibliquedutermecharismequenousvenonsdeprésenter,nousavonsmontrécombienl’œuvreduChristetdel’Espritestune.

LeChristressuscitécontinueàveniretàêtreprésentparcequ’ilse communique par l’Esprit. «La nouvelle présence duChristdans l’Esprit est la condition pour qu’il y ait sacrement etprésencesacramentelleduSeigneur1084.»

Le fait que le ministère sacerdotal soit lié à la chaîneininterrompuedelasuccessionapostoliqueestlesignequ’ilnevientpasdeshommesmaisde l’Esprit ; ilestunsacrementdel’Esprit,ilestundonduSeigneur.

Dans le sacrement, […] le Seigneur s’est réservé pour lui-même lapermanenteetcontinuelle institutionduministèresacerdotal.Le liensi particulier entre le « une fois » et « toujours » qui s’applique auChrist, est ici très visible.Le« toujours » du sacrement, lamanièred’agirspirituellementdel’Église,présenteàl’origineetdanstouslestemps, présuppose l’union à l’ephapax (une fois pour toutes),l’événementoriginelunique1085.

L’opposition, rencontrée actuellement entre la visionchristologique et pneumatologiquede l’Église, affirmantque«le sacrement est dans la ligne de l’incarnation du Christ àlaquelledevraitserangercequiestdel’ordrepneumatologiqueetcharismatique1086»n’apasde fondement théologique. Ilnes’agitpasdeséparermaissimplementdedifférencierleChristetl’Esprittoutensaisissantleurunitéprofonde.

J. Ratzinger insiste sur la nécessité, pour toutepneumatologie, du lien avec l’origine, avec le mystère del’incarnation,aveclemystèredeDieuparmileshommes.Iln’estpas possible de faire une « pneumatologie suspendue dans lesairs1087 ». L’événement unique du Christ continue à secommuniquerdansl’Esprit,quiestl’EspritduChristressuscité,quipermetderendreleChristprésent.L’incarnationnes’arrêtepas au Jésus historique, pourtant important parce que, par la

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lesmouvementsquitranscendaientleslimitesgéographiquesetstructurelles des Églises particulières, ont marché, non parhasardmaismaindanslamain,aveclapapauté1119».

Par ailleurs, J. Ratzinger relève que l’attrait pour la vieévangélique radicale rencontrée au début dumonachisme resteessentiel, mais à cette vie évangélique est associé un serviceévangélique. La pauvreté et la liberté, que donne la vieévangélique, sont des « conditions fondamentales pour servirl’Évangile au-delà des frontières de sa patrie et de sacommunauté1120».

Cesélémentssontimportantspuisquel’onretrouvedanslesmouvements contemporains des points communs avec lemonachismemissionnaire.

LeXesièclefutmarquéparlaréformemonastiquedeClunysoutenueparlapapauté.

3–3–2.Laréformemonastiqueclunisienne

LaréformedeClunys’appuyasurlapapautépourobtenir:

[…]l’émancipationdelaviereligieuseparrapportàlaféodalitéetaupouvoirdesévêques,eux-mêmesseigneursféodaux.C’estgrâceàlaconfédération de monastères isolés en une seule congrégation quecetteréformefutlegrandmouvementdepiétéetderénovationdanslequel prit forme l’idée de l’Europe.Dudynamisme réformateur deCluny germa ensuite, au XIe siècle, la Réforme grégorienne, quisauva la papauté de l’enlisement dans les conflits de la noblesseromaine et de ses compromissions mondaines, et, d’une manièregénérale,menalecombatpour la libertéde l’Égliseet lasauvegardedesaproprenaturespirituelle1121.

LamultiplicationdescommunautésmonastiquesenEurope

insufflaàlaviedel’Égliseunnouveausouffle.Cependant, note J. Ratzinger, devant la multiplication des

ordres, le concile de Latran IV demanda qu’aucun nouvelinstitut régulier ne fût érigé sans l’approbation explicite dupape1122. C’est la raison pour laquelle les ordres mendiantsnaissantssevirentcontraintsdeprendrelesrèglesexistantes,àsavoir celles de saint Benoît, de saint Augustin et de saintBasile1123. Les évêques gardèrent néanmoins la possibilité dereconnaître la fondation de communautés dont les membresn’étaient pas canoniquement des réguliers. À la suite dumouvementmonastiquemissionnaireapostoliquesurgitalors,auXIIIesiècle,avecsaintFrançoisetsaintDominique,unnouveaumouvementévangéliqueencorevivantaujourd’hui.

3–3–3.LesmouvementsévangéliquesduXIIIesiècle

Alors que le monachisme avait façonné le développementdescampagnes,laviereligieusemixte,àlafoiscontemplativeetapostolique, a accompagné lemouvement d’urbanisation de lapopulationetl’essordelabourgeoisie.

3–3–3–1.LetémoignagedesaintFrançois

Saint François d’Assise ne voulait pas être un fondateurd’ordre, il voulait rassembler un novus populus suivant lesermon sur lamontagne en y trouvant directement son uniquerègle:

Il s’est toujours passionnément refusé à faire entrer son nouveaupeupledanslastructuredes«ordres»,prévueparledroitdel’Église,

ce qui en aurait fait une nouvelle variante dumonachisme tel qu’ilexistait déjà,mais avec une spiritualité, des tâches, une piété et desbiens particuliers. Les sources témoignent très clairement de lapassionaveclaquelleilrejetaitcetteidée,ellesmontrentqu’illuiétaitbien impossibled’admettreque samissionvienne s’intégrerdans lastructure juridique des « ordres ». Son apport devait bien plutôtconstitueruneantithèseparrapportaumonachismeenplace1124.

Eneffet,àcetteépoquedanslaviemonastique,lapauvretéindividuelleavaitconduitàunerichessecollectivetoujoursplusgrande;lesabbayes,commeCluny,abbayeréforméedesXe,XIe

et XIIe siècles, comptaient parmi les plus riches propriétairesfonciers.«Sefairemoinenesignifiaitplussortirdumondeetdesessystèmeshégémoniquespourserangerducôtédessans-patrie, des pauvres et des laissés-pour-compte ; cela signifiaitêtre admis dans la haute classe des puissants1125. » Ladimension de peregrinatio de l’Évangile et l’infatigable zèlemissionnairedel’apôtreavaientdisparuauprofitdelastabilitasloci, peumissionnaire.« Ilsn’étaientplus la correctionque lafoi apportait par rapport à la société, mais l’expression d’unefusioncomplèteentrefoietsociétédanslaquelleinévitablementleseldelafoienvenaitàperdrequelquechosedesaforce1126.»

Ainsi, souligne J. Ratzinger, François veut susciter unpeuplenouveau,quineconnaîtpasd’autrerèglequel’Évangile,« qui ne se réfugie pas derrière les commentaires et lesréflexionsthéologiques,maisselivredirectementauxexigencesdu sermon sur la montagne », qui n’a plus l’assurance d’unepropriétéfoncière.Françoisveutpurifierl’Égliseetlasociétéàpartirdel’Évangile.Ilosaêtrerévolutionnaireenopposant:

L’Églisedespauvrescontre l›Églisede lanoblesseetde lapropriété

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l’occasion, pour J. Ratzinger, de mettre en relief la tensionexistantentrelesenstotaletlesensfragmentaire.Dansuntextede1971,«ÉgliseduChrist, lieudema foi1147 », J.Ratzingerrappelle les limitesd’unregardscientifiquequisaisitundétailavec une exactitude si exagérée que l’on ne perçoit plus laglobalité.«Legainenexactitudesepaied’uneperteauplandelavérité1148.»Ledétailexistedansuntout;cetoutestlaréalitéquel’onnepeutdéceleraumicroscopemaisquiestvraie,plusvraiequelamiseenreliefd’undétail.

Revisiter l’histoirede l’Églisepoursaisirunsujet– ici lesnouveaux mouvements – qui précisément n’est pas simple àaborder compte tenu de l’absence de distance historique, c’estprendrepositionparrapportàlapossibilitéd’atteindrelavéritéàtraversunmomentfragmentairedel’histoire.C’estseulementen inscrivant lesmouvements dans cette histoire guidée par laprovidence, que J. Ratzinger perçoit une possibilité de saisirleur«senstotal»,autrementditleurlieudansl’Église.

À travers la permanence des mouvements apostoliquesd’extensionuniverselledans l’histoirede l’Église, J.Ratzingermontrequ’ils fontpartiede l’identitéde l’Égliseetqu’ilssontune expression de son apostolicité et de sa dimensionmissionnaire indissociable de sa prétention à la catholicité.Ainsi, profondément enracinés dans la réalité de l’Église, lesmouvements ne peuvent se réduire à n’être que la simpleexpressiond’expériencesspirituellesspécifiques.Ilsconstituentunecomposantede laviede l’Égliseet rappellentque l’Espritsuscite le renouvellement de l’expression de l’identité del’Église dans sa catholicité et son apostolicité, pour répondreauxdéfisdechaqueépoque.

Enfin, l’histoire de l’Église est également le lieu où lethéologien trouve son argumentation pour fonder le rapport

entreleministèrepétrinienetlesmouvements.Eneffet,lathèsedeJ.Ratzinger–àsavoirqueleministèrepétrinienestlepilierecclésialdesmouvements–estfondéesur l’analysedurapportentrelasuccessionapostoliqueetlesmouvementsapostoliques,entrelesministèresuniverselsetlesministèreslocaux.

3–4–2.Leministèrepétrinien:«pilierecclésial»desnouveauxmouvements

L’évêque de Rome, rappelle J. Ratzinger, n’est passeulementl’évêqued’uneÉgliseparticulière,maissonministèredesuccesseurdePierredépasse leniveaude l’Église localedeRome : il est « évêque pour l’Église entière et dans l’Égliseentière1149»etportelesoucidel’Égliseuniverselle.Autrementdit,lepapeincarneunaspectessentielduministèreapostolique,celuidelanécessitédeservicesetdemissionssupra-localesetalaresponsabilitéspécifiquedemaintenirvivantledynamismedelamissionàl’intérieuretàl’extérieurdel’Église.

Cen’estdoncpasparhasard,souligneJ.Ratzingerdanssonparcours historique, si dès le milieu du IIe siècle, avec ladisparition des anciens ministères universels, « les papesmanifestentdeplusenplusclairementlavolontédeprotégerdefaçon toute particulière cette composante de la missionapostolique1150 ». L’histoire de l’Église montre que lesmouvements,quitranscendentleslimitesdel’Égliselocale,etlapapautémarchentmaindans lamainet si« lapapautén’apascréé les mouvements » elle « a été leur soutien essentiel àl’intérieurdelastructuredel’Église,leurpilierecclésial1151»,et elle a ainsi contribué à garantir l’activité missionnaire auservicedel’édificationdel’uniqueÉglise.

LeministèredePierrelui-mêmeneseraitpascompriscorrectementetserait travesti enunemonstrueuse figureanormale, sionassignait àsondétenteurledevoirseulderéaliserladimensionuniverselledelasuccessionapostolique.[…]Lepapeabesoindecesservicesetceux-ciontbesoindelui,lesdeuxsortesdemissionscontribuantensembleàlasymphoniedelavieecclésiale.Defaçonévidentepourtous,l’èreapostolique normative met en lumière cette composante commeindispensablepourlaviedel’Église1152.

Ainsil’èreapostoliqueettoutel’histoiredel’Églisefondentlanécessitéde laprésencede servicesévangéliquesdans touteleur diversité – éducation, soins et assistance aux nécessiteux,œuvres de charité – et desmissions qui ne sont pas de naturepurement locale mais qui sont au service de l’ensemble del’Église et de la propagation de l’Évangile. J. Ratzinger metdonc nettement en lumière le lien privilégié entre lesmouvementsetleministèrepétrinien.

Le préfet attire par ailleurs l’attention sur leur importancedansuncontextemarquéparuneaversionfaceàlapapautéetladisparitiondusensdel’Égliseuniverselle,lesquelss’expliquentpar lefaitquelanotiond’Égliseuniverselleaété tropsouventexclusivementrattachéeauministèrepétrinienetaétédétachéedesesautresréalitésvivantes.Lesmouvementssontdesréalitésecclésiales qui contribuent à la redécouverte de la dimensionuniverselle de l’Église ; en outre, en coopérant de manièreprivilégiéeavecleministèrepétrinien,ilsenmontrentlanatureprofondecommeministèreapostoliqueuniverselmissionnaire.

Cependant, si l’histoire indique le lien indéniable duministèrepétrinienetdesnouveauxmouvementsetattesteque,malgrétouteslesdifficultés,lesnouvellesirruptionsdel’Espritonttoujourstrouvélaplacequileurétaitduegrâceauministèrepétrinien,àcetteétapedelaréflexion,onpeuts’étonnerqueJ.Ratzinger ne fasse plus référence auministère épiscopal étant

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l’Église aujourd’hui, signes d’espérance et éléments vivifiantspourl’Églisedansl’époquepost-conciliaire1181.L’insistancesurle caractère du « don » se situe face à certains types d’effortstendant à rénover l’Église à partir d’une amplification descommissions, des plans pastoraux, en somme unebureaucratisation, qui tente en quelque sorte de « prendre enmain la “chose” de Dieu1182 ». Trop souvent, regrette-t-il, lesmouvementssontconçusparceuxauxquelsestconfiélepeupledeDieu,évêques,curés,commeunesimple«forcedetravail»,alors que leur responsabilité première comme serviteurs del’Esprit est de favoriser l’insertion des mouvements dansl’Église diocésaine, pour que s’actue le mystère de l’Égliseparticulière.

C’est maintenant sur l’insertion des mouvements dans lesÉglises locales que nous allons nous arrêter en étantparticulièrement attentive au ministère épiscopal. En effet,l’évêque,commereprésentantdesonÉglise,alaresponsabilitéspécifiquedepromouvoirlacommuniondel’Égliseparticulièreet des Églises particulières, la catholicité, l’apostolicité, etd’œuvrer ainsi à l’insertion des nouveaux mouvements. Enoutre, dans ce contexte d’échanges avec les évêques, J.Ratzinger a souvent abordé la question des moyens dontl’évêquedisposedanssondiocèsepourgouverner,enparticuliercertainsconseils.Nousanalyseronssesproposafindemettreenlumière certaines de ses options quant au gouvernement dansl’Église, en faisant référence aux conclusions du quatrièmechapitre.

4.LesnouveauxmouvementsetlesÉgliseslocalesdanslamissiondel’Église

Le fait que l’Église particulière soit à l’image de l’Égliseuniverselle dans sa diversité et son unité, a de nombreusesconséquences pour le gouvernement et la structure desÉglisesparticulières.Ainsilepluralismeauseindel’Église,expressionde sa catholicité, elle-même fondement de sa dimensionmissionnaire, doit être présent dans les Églises particulières.Dans ses écrits, J.Ratzinger insiste sur lanécessitédedonnerune place à la diversité et de forger une conscience ecclésialedesfidèlesd’oùsurgirontdesfruitsdecharité,dedialogue,decommunionetdeservice.

L’Église se construit à partir de la diversité, et si chaqueÉglise particulière est catholique, la diversité des charismes etdesétatsdevieestnécessaire1183ensonsein.Lesmouvementsecclésiauxqui sontune réalitéde l’Égliseuniverselle, puisquelescharismessontparnature«catholiques»etvontau-delàdesfrontières locales de leur milieu de naissance ecclésiale, sontdonc appelés à être présents dans lesÉglises particulières. Eneffet,lacatholicitédel’Égliseparticulièreestunespacepourladiversitédescharismes, laquellen’estpasunobstacleà l’unitédel’Église.J.Ratzingeraffirmed’ailleursque«l’unitéprécèdetoujoursladiversité:lessacrementssontlesmêmes,lafoiestlamême–l’Écriture;latraditionestunique;laprimautén’estpasautrechosequel’instrumentdecetteunitéfondamentale,levraihéritage apostolique1184 ». Ainsi, l’Église comprise commetotalité organique n’a pas à avoir peur des charismes etmouvements ni de la diversité locale mais doit les accueillircommeunenrichissement etunemanifestationde l’identitédel’Église.

Encela,lesensquel’onapporteaupluralismedansl’Égliseest bien différent de celui d’un État. Ce serait une erreur,souligneJ.Ratzingerdevouloircomparer l’ÉgliseàunÉtatet

vouloirainsiappliquerdirectementleconceptdepluralismeoudedémocratieà laviede l’Église1185. J.Ratzinger rappelle defaçonrécurrentequelastructurefondamentaledel’Églisen’estpasdémocratiquemaissacramentelleetdonchiérarchique,parceque la hiérarchie basée sur la succession apostolique est lacondition indispensable pour atteindre la réalité dusacrement1186. L’autorité n’est pas fondée sur un vote à lamajoritémais sur l’autoritéduChrist.Ceciexplique la réservede J. Ratzinger vis-à-vis des conseils de l’évêque, nous lereverronsaprèsavoir,dansunpremiertemps,analysésesécritssurlamissiondel’évêque.

4–1.Lesmouvements:undonauservicedelacommunion

Dans sa conférence, au Congrès mondial en 1998, J.Ratzinger cite l’article d’Arturo Cattaneo « I movimentiecclesiali.Aspettiecclesiologici»commeétantdegrandeutilitépourcomprendrel’essencedesnouveauxmouvements.Danscetarticle, le théologien de la Santa Croce énumère commeexigencespourlesnouveauxmouvements:l’unitéavecl’évêquediocésain, l’enracinementducharismedans laréalitésocialeetpastorale locale, l’estime pour les autres réalités ecclésiales,l’esprit de service et de collaboration, la transparence dansl’information sur ses propres caractéristiques, ses objectifs etses activités1187. Parmi celles-ci, certaines sont plusexplicitement reprises par J. Ratzinger dans diversesinterventions,àsavoirlacommunionaveclespasteurslocauxetnonsimplementaveclepape.

Ceci est particulièrement important puisque certainestensions dans la vie ecclésiale proviennent de la place des

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prière. En outre, il observe la dissolution de la responsabilitépersonnelledel’évêquefaceàlavoixdesconseils,alorsquelatraditiondel’Égliseatoujourscomprislesconseilscommedesaidespour celui qui assumeune responsabilité.Autrementdit,les conseils ont pour mission d’aider l’évêque à apprécier aumieux les raisons « pour et contre » et à clarifier le fond desquestions.Ainsi,selonJ.Ratzinger,cequimenacelesévêquesc’estdedevenirdes«bureaucratesmitrés1215».

J.Ratzingerremarquequelapremièretension,liéeauchoixdu temps à consacrer plus spécifiquement auSeigneur dans laprièreetceluiàdonnerauserviceapostolique,estpresqueaussivieillequel’épiscopatlui-même,commelereflètentlessermonsetlesméditationsd’Augustin:

Lesméditationsd’Augustinsontlerefletdesluttesd’unhomme,quiavait opté pour une vie de contemplation, mais qui ensuite étaitplongépar sa charge épiscopale dans lesmesquineries quotidiennesde l’humain trop humain. Il avait assumé cette charge comme savocationetilavaitrenoncéàsespropresprojetsàcauseduSeigneurqui désirait le rencontrer, non dans les cieux de la contemplation,maisdans lesespoirset lesbesoinsdeshommesdans l’Église.MaisAugustinsavaitque,malgrésesrêves,sonservicepour leshommesdeviendrait vide, s’il ne pouvait plus rester et demeurer chez leSeigneur et dans la prière, plonger les racines de son être dans leseauxdelafoi.Ainsiilluifalluttouslesjourslutterpourtrouversonchemin, monter et descendre comme les anges le faisaient surl’échelledeJacob–unedesimagesaumoyendesquellesilexpliqueledoublerythmecaractéristiquedesavied’évêque.

Chez saint Grégoire le Grand on retrouve la même situation. Avechumour,celui-ciacaractérisésavieendisantqu’ilavaitaiméRachel,maisqu’onluiavaitsubstituéLéaàcelle-ci.Pourlui, ilauraitvouluêtre moine et maintenant, après avoir dû assumer déjà auparavantplusieursmissionsdiplomatiques,ildevaitporterlefardeaulourddelapapautédansuneRomemenacéeàl’époquedelagrandemigrationdes peuples. Il traduisait le mot évêque par speculator, celui qui

surveille d’enhaut, et il estimait que ce terme indiquebien la tâched’évangélisation1216.

Ainsi, estime J. Ratzinger, aujourd’hui encore, pour celuiquiveutêtreauservicedeshommesetpasteur,lerecueillementestabsolumentnécessaireetpourtant ladispersionestdevenuele lot de chaque jour. Cet enracinement dans la prière estd’autantplusdifficile, souligne le théologien,que laprièreestperçuecommeunedérobadedevantleservicedeshommes.

Par ailleurs, le service épiscopal prend un visage nouveaupuisquelesévêquessont,àl’époqueactuelle,accaparéspardestâchesadministratives.Lacomplicationcroissantedessystèmessociaux, juridiques, moraux, les oblige à consacrer denombreuses heures à des comités divers, dans lesquels ils sedispersentetdontilsdeviennentprisonniers,perdantpeuàpeulecontactavecleurtroupeau1217.

Cedilemme,estimeJ.Ratzinger,aprisunenouvelleformeavecladissolutiondelaresponsabilitépersonnelledel’évêquedanslesdécisionscollectivescequiestsansprécédent,pourlebonconnaisseurdel’histoirequ’estJ.Ratzinger.Maisilregrettecependantladisparitionprogressived’unconseilquiàsesyeuxest essentiel pour le diocèse, son« cœurpriant » : le chapitrecathédral ;conseil trèsanciendans la traditionetencoreprévuparleCodededroitcanoniquede1983.

4–3–2.Ladisparitionduchapitrecathédral

Historiquement, ce chapitre trouve son origine dans legroupe des clercs chargés d’assurer le culte solennel dans leséglises. Les clercs qui étaient réunis autour de l’évêque, ouchapitrecathédral,onteu,àpartirduXIIIesiècle,desfonctions

gouvernementales et sont devenus des conseillers de l’évêquequ’ils élisaient. Le code de 1917 en parle comme du sénat del’évêque. Dans le code de 1983, la création du conseilpresbytéraletducollègedesconsulteursamodifiélesfonctionsdu chapitre cathédral auquel il revient essentiellementd’accomplir lesfonctions liturgiques.L’évêquepeutnéanmoinstoujours s’adresser à lui, et le droit diocésain particulier estchargé de décrire les fonctions qui lui incombentspécifiquement. Son premier office est le service liturgique deDieu dans l’Église, mais J. Ratzinger remarque que celui-cidisparaîtcomplètement:

N’assistons-nous pas à un renversement des valeurs, quand parrapport au travail administratif indispensable, on estime pouvoir sepasserduservicedelaprière?Un«conseil»,quiveutvraimentêtreun conseil pour l’édification de l’Église, doit s’enraciner dans unecommunautédeprière,sinonils’affaiblitpourdevenirunorganedestratégiedugroupe.Uneéglise(sic)qui,pourl’essentiel,sefondesurdetelsconseils,peutencoreérigerdesstructurespuissantes,maisellene vit plus. Elle considère en effet ce qui lui est propre commequelque chose dont on peut se dispenser et elle tient Dieu pour cequi, en fin de compte, n’a pas d’importance dans les choseshumaines,voirecommedel’irréel1218.

J.Ratzingerenconclutqu’iln’estpasétonnantqu’ilexisteunecertainedécadencedansl’Églisesicecentrepriantdisparaîtducœurdel’Égliselocale.Nouscomprenonsl’importancequeJ. Ratzinger donne à la prière, et sa place essentielle dansl’édificationdel’Église.

Cependant, on peut se demander si, en concluant que ladécadencede l’Église localevientde ladisparitiondececœurpriantqu’estlechapitrecathédral,J.Ratzingernerevientpasàla dichotomie qu’il a lui-même dénoncée. Autrement dit, ce

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développementd’unethéologiedulaïcat,luttantenfaveurd’unenouvelleformeduministèreecclésial,cequi,selonlui,estbeletbienunecontradictionensoi.Car,disait-il,soit«lelaïcestlaïc,soitilnel’estpas.Unethéologiedulaïcat,quiestmenécommeune lutte pour une représentation proportionnelle dans legouvernement de l’Église, est une caricature d’elle-même et ledemeure,mêmesioncachecemalentenduderrièrel’expressiond’un“régime”synodaldel’Église1258».

Ainsi,J.Ratzingerestimeque ledéveloppementdece typede théologie contribue à ce que l’Église ne s’occupe plus qued’elle-même et en même temps se consume elle-même, alorsqu’une«Églisequisecomprendetvitd’unefaçonjusteneseregardepas,maisellesequitteetagitpourlesautres1259».

Or, J. Ratzinger voit dans les mouvements de laïcs, dessujets ecclésiaux tels que l’Église en a un besoin urgent,puisqu’ils se détournent de ce type d’agissements et œuvrentavecaudaceàtraversdesinitiativesplusoumoinsreconnuesetfavorisées par le ministère ecclésiastique. La mission del’Église, observe J. Ratzinger, consiste à aider l’homme àdécouvrirsavéritableidentité,àfairedécouvrirauxhommesleurfraternitéontologiqueetàvivreelle-mêmedecettedécouverte.C’estlaconnaissancedelafraternitéuniverselledansleChristqui doit presser le chrétien à vivre concrètement de cettedécouverte1260. Sa réflexion de 1960 sur la fraternité reste aucœurdesapenséecommelemanifestecetteconférenceadresséeàuneassociationdelaïcsen1970.

Il faut certes remettre dans son contexte le propos de J.Ratzinger, néanmoins nous constatons qu’il demeureraextrêmement réservé quant à la participation des laïcs, commel’a manifesté sa résistance au canon 129 § 2. Aujourd’hui leCodeparledesministèreslaïcsdanslapartierelativeauxoffices

(c. 145-196) et reconnaît explicitement la capacité des fidèleslaïcs ou clercs à exercer une charge (munus) ou une fonctionecclésiale(officium)etcelaàunedoublecondition: l’idonéitéet l’admission par l’autorité pastorale1261. La participation aupouvoird’ordren’estplusrequisedanslanotiond’officium (c.228§1).

5–2.Lacrédibilitéetleslimitesdesnouveauxmouvementspourlamissiondel’Église

J.Ratzingerestimequelesmouvementssontdesfiguresdel’Égliseparticulièrementaptesàrépondreaudéfidelamissionaujourd’huipourdeuxraisons.D’unepart,ilvoitchezeuxune«prisededécisionenfaveurdelafoitoutentièredel’Église1262» ; ilsannoncent lecontenude la foisansambiguïté,avecunevéritable joie de croire et un grand élanmissionnaire.D’autrepart,cettepriseausérieuxdelagrâcebaptismaleetdecequisecélèbreàchaqueeucharistieestrenduevisibleparleurmodedevie et le témoignage qu’ils donnent dans leur viecommunautaire.J.Ratzingerrelèvequelesmouvementssontdeslieux où la foi et la vie baptismale ont été saisies dans leurdimension sociale, autrement dit, ils sont des lieux où larencontre des fidèles avec leChrist ne s’est pas limitée à unerelation individuelle, mais s’est accompagnée d’un lien socialavecunecommunautéchrétienne.Lesmouvements,remarquelecardinal,possèdentlaspécificitéd’êtredes«lieux»aidantleschrétiens à se sentir chez eux dans l’Église qui pourrait, pourcertains, n’apparaître que comme une grande organisationinternationale.Ainsi,ilscontribuentàreconnaîtredansl’Égliselamaisonoùl’ontrouvel’atmosphèredelafamilledeDieuet,en même temps où l’on demeure dans la grande famille des

saintsdetouslestemps.Parailleurs,danslamesureoùl’entréedansunmouvement

ouunecommunautéestunactelibre,subjectifetnonpasliéàuncritèreobjectifcommec’estlecaspourl’appartenanceàuneparoisse,lemouvementestlelieudelapriseenconsidérationdevaleurs individuelles dans un cadre social. Ils sont donc uneforme ecclésiale particulièrement à même de relever un défiauquel l’Église doit faire face : annoncer Dieu au monde àtravers le témoignaged’une formedevieetd’engagementplusouverte à la spécificité et à la recherche personnelle tout enhonorant la dimension sociale de la vie chrétienne. Ainsi,comme le remarqueLaurentVillemin,« lavie associativedansl’Église permet d’accueillir la quête affinitaire dont lesociologue Jean-Marie Donégani1263 nous rappelle qu’elle estaujourd’hui fondamentale dans la quête des croyants1264 ».Lavieassociativeadoncuneplaceuniquedanslaresponsabilitédel’accueildusujet1265.Cependantaucune forme institutionnellecommunautairenepeutprétendreêtreplusapteàpermettrequesoitvéculedonvitalde lafoiavecsonexigencemissionnaire.Les nouveauxmouvements doivent être conscients de la limitede leur témoignage, en raison de la triple liberté qui est à lasourcedetoutecommunautéassociative.

Ladimensiondu librechoixetdu libreengagementpropreau modèle associatif présente le risque que le mouvementressemble davantage à un club d’amis qui se sont choisis enfonctiond’affinités,qu’àunecommunautéaniméepar l’Esprit.Au contraire, la paroisse, qui est une communauté érigée enfonction d’un critère objectif le plus souvent territorial1266,présenteunatoutimportantpourdécouvrirunaspectdumystèredel’Église:onnesechoisitpas,onsereçoitcommeundon:

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lanaturedelalibertéchrétienne.1046.Ep2,20.1047.WesenundAuftrag,p.105.1048.Ibid.,p.106.1049.Appelésàlacommunion,p.11-38.1050.Cf.«ProphetischegegenbischöflicheTradition»,p.105-107.1051.«L’EspritSaintcommecommunio».1052. « Bemerkungen zur Frage der Charismen in der Kirche », inGesammelteSchriften,Band8/1,Kirche-ZeichenunterdenVölkern,Herder,Freiburg–Basel–Wien2010,p.345-362.1053.«Lesmouvementsd’Église».1054.CetteexpressiondeJ.Ratzinger«dassakramentaleAmt»noussembleimpropre. Le ministère ordonné conviendrait mieux, puisque le sacerdoceroyaldesfidèlesestluiaussiliéauxsacrements.1055.«Lesmouvementsd’Église»,p.82.1056.E.CORECCO,Théologieetdroitcanon,p.154 :«Lebaptêmen’estpas seulement un événement sotériologique dont les effets pourraient êtresans conséquence au niveau social, le baptême est un acte juridiqueconstitutifquidéterminel’appartenanced’unepersonneàl’Église.»1057.Cf.SC10.1058.«Lesmouvementsd’Église»,p.82:«Maisc’estseulementdansnotresiècle qu’il est passé dans l’usage, sans doute pour des raisons deconvenanceœcuménique, de désigner le sacrement de l’Ordre simplementcommeun“ministère”[…]Maiscette“fonction”estun“sacrement”,cequidépassetotalementlacompréhensionsociologiquehabituelledel’institution.Le fait que l’unique élément structurant permanent de l’Église soit lesacrement,signifieenmêmetempsqu’ildoitcontinuellementêtrerenouveléparDieu.»1059.«Lesmouvementsd’Église»,p.82:«L’appeldel’Église[qui]vientseulementensecondaprèsunpremierappeldeDieuàceshommes,estdoncperçu seulement au plan charismatique et spirituel. Il ne peut donc serenouveler continuellement et être accueilli et vécu qu’à partir de lanouveauté d’une vocation, en réponse à l’appel de l’Esprit dans sasouveraineliberté.Puisqu’ilenestainsi,l’Églisenepeutsimplementinstituerelle-mêmedes“fonctionnaires”,maisdoitattendrel’appeldeDieu.»1060.«Lesmouvementsd’Église»,p.82.1061.Ibid.,p.83.1062.Idem.1063.«DiegeistlichenGnadengaben»,inG.Barauna(Hrsg),DeecclesiaII

(Freiburgi.Br.-Frankfurt1966)494-519.1064.«CharismeninderKirche»,p.346note1.1065.Cf.H. SCHÜRMANN, « Les charismes spirituels » inG.Barauna-al(dir.),L’Église deVatican II,Études autour de laConstitution conciliairesurl’Église,t.II,trad.R.Virrion,Paris,Cerf,coll.«UnamSanctam»51b,1966,p.541-573.1066.L.GEROSA,CarismaedirittonellaChiesa,p.34-35.1067.C’est-à-direleparlerextatique.1068.«CharismeninderKirche»,p.346J.RatzingerrenvoieaulivredeR.Knoxsurlephénomènechrétiendesexaltésqu’ilaprésentéavecuntravailde recherche qui parcourt toute l’histoire. R. Knox, ChristlichesSchwärmertum,Köln,1957.1069.Lafoichrétienne,p.14.J.Ratzingerexpliquequelafoiestuneprisedepositionparrapportauréel.1070.Cf.«CharismeninderKirche»,p.348.1071.Ibid.p.351.1072.Ibid.,p.351-352.1073.Ibid.,p.352.1074.Ibid.,p.353.1075.Ibid.,p.354.1076.Ibid.,p.355-356.1077.«L’EspritSaintcommecommunio»,(1974),p.40:«Augustintrouvelamêmeexégèsepneumatologiquedudonde l’eauvivedans1Co12,13 :“Tous nous avons été abreuvés d’un seul Esprit.” La signification de cettepromessedel’Espritdansl’imagedel’eau,commeelleaétéformuléeenJn4 et en Jn 7, fournit à Augustin le lien entre la christologie et lapneumatologie:leChristestlasourcedel’eauvive–leSeigneurcrucifiéestlasourcequifécondelemonde.Lasourcedel’Esprit,c’estleChristcrucifié.ParleChrist,toutchrétiendevientaussisourced’Esprit.»1078.«L’EspritSaintcommecommunio»,p.48.1079.Ibid.,p.47.1080. M. OUELLET (Cardinal canadien, actuellement préfet de laCongrégationdes évêques, spécialiste des questions concernant lemariage,lafamilleetl’œcuménisme),L’apportdesmouvementsecclésiaux,Bruyères-le-Châtel,NouvelleCité,2011,p.31-33:«Thomasd’Aquinaeuleméritedemettredel’ordredansl’héritagecomplexeetconfusdelapatristiquesurlescharismes.Ilaintroduitladistinctiondécisiveentrelagrâce(sanctifiante)ausens de l’union personnelle avecDieu et le charisme au sens strict qui estdonné pour conduire quelqu’un d’autre à Dieu. Selon lui, la grâce

sanctifianten’apascommetelledefonctionsocialealorsquelescharismesontpourbutlebiencommundel’Église(1Co12,7)etnonlasanctificationdusujet.Malgrélesméritesdecettedistinction,lathéologiescolastique,pluspréoccupée de la définition des essences que du concret de l’existence, aséparédefaçonexcessivelagrâcesanctifianteetlagrâcecharismatique(cetteséparationacontribuépourunepartà l’époquemoderneàcreuser lefosséentre l’Esprit et l’institution ou encore entre libres charismes et fonctionsinstituées, Y. Congar, Je crois en l’Esprit Saint, p. 61) […] On retrouveaujourd’hui cette unité entre la grâce sanctifiante qui unit à Dieu et lescharismesquiserventàl’édificationducorpsduChrist.LeconcileVaticanIIa largement reconnu et intégré les charismes, au sens paulinien, plus largequelatraditionscolastiquemédiévalenel’entendait(LG12,AA3).Ceux-ciconcernentnonseulement lesdonsextraordinairescommelesprophétiesetlesguérisons,maisaussilesdonsordinairesetlesministèreshiérarchiques.»1081. J.Ratzinger aborde également ce sujet, lors d’une conférence faite àBogotaen1974,cf. J.RATZINGER« institucion,carismas,Sacramentos»,in Conferencia Episcopal De Columbia (ed.), Cuestiones actuales deTeologia, II,Bogota, 1974, p. 55-118, ici p. 73-74. J.Ratzinger revient parailleurs sur l’interprétation paulinienne de l’expérience charismatique danssonarticle«Communio:unprogramme»de1992,danslequelilciteH.U.vonBalthasar dont il partage l’opinion : «Tout l’effort de Paul tendait àarracher la communauté ecclésiale à l’expérience “charismatique”, et,grâce à la fonction apostolique, à la mettre en rapport, au-delà d’elle-même,àlacatholicité.Leministèreestsansaucundouteunserviceetnonun pouvoir, mais il a la puissance de renverser les bastions que lescharismatiques dressent contre la “communio” ecclésiale, afin de les“mettreauserviceduChrist”(2Co10,5).Celuiquinevoitdanslafonctionecclésiale que l’aspect charismatique (démocratique) passe ainsi à côté dumoment qui élève, de façon implacable, douloureuse, toute tâcheexceptionnelle au-delà d’elle-même, pour la conduire jusqu’à la catholicitédontlelienneconsistepasdansl’expérience(gnosis),maisdansl’amouretlerenoncement(agapê).»1082. Cf. G. GHIRLANDA, « Église universelle, particulière et locale auconcileVaticanIIetdanslenouveauCodededroitcanonique»inVaticanII.Bilanetperspectives.Vingt-cinqansaprès,T.2,Paris,Cerf,1988,p.263-297,icip.268-269«Lastructurefondamentaledel’Égliseestcharismatico-institutionnnelle. […] Il n’y a pas d’opposition entre la dimensioncharismatiqueetladimensioninstitutionnelledel’Église.Bienaucontraire,ils’agit d’un rapport de nécessaire corrélation, car un charisme crée

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1237.CelaaégalementétéreprisparleCodededroitcanoniquede1983aucanon209.Celui-ci,aprèsavoiraffirmél’égalitéfondamentaledetoutfidèledanslaconstructionducorpsduChristauc.208,présentelepremierdevoirdetoutfidèle:garderdanssamanièred’agirlacommunionavecl’Église.1238. P. VALDRINI, « La synodalité dans l’Église : l’expérience françaisedepuisleconcileVaticanII»inStudiacanonica26,1992,p.6 ;onpourraégalement se reporter à d’autres travaux de l’auteur : « La synodalité » inVIIe Congrès International de droit canonique, Paris Unesco, 21-28 sept.1990, in L’année canonique (volume hors série II), 1992, p. 847-860 ; «L’organisation de l’Église catholique. Sacrement, statuts des personnes etparticipation», leçonacadémiqueà l’occasionduDoctoratHonorisCausaremis par l’Université de Bucarest, in Transversalités, n. 76, octobre-décembre2000,p.91-109.1239.Cf.LG23.1240.Nousrespectonsletextepublié,bienqu’ilsemblequ’ilfaudraitécrire:«leursonttransmises».1241.«Laconstitutiondel’Égliseetlaconversion»,p.201-202.1242.J.RATZINGER,«Préface»,inEpiscopaleMunus,p.XVIII.1243. C’est un point affirmé par le Concile qui déclare que les charismesdemeurentsoumisaujugementdespasteurs,auxquelsilestfaitobligationdenepaséteindrel’Esprit.Lumengentium12.Cetexteestl’aboutissementd’undébatauConcileentrelespartisansd’uneconceptiondescharismescommephénomènesextraordinaires,miraculeux,défendueparlecardinalRufini,etlespartisansd’uneconceptionpluslarge,défendueparlecardinalSuenens,pour lesquels les charismes font partie de la vie de l’Église à tous lesniveaux.C’estcettedernièreconceptionquifuttraduitedansLumengentium12(cf.ASVaticaniII,II,p.175-178).1244. S. RYLKO, « L’événement du 30 mai 1998 et ses conséquencesecclésiologiques et pastorales » répertorie certainesmaladies des nouveauxmouvements,p.38:«L’absolutisationdumouvementd’appartenanceetlesensdesupérioritéàl’égarddesautresréalitésassociatives,accompagnésparlatentationdefaireprévaloirsonpropregroupe,peut-êtreaudétrimentdesautres;l’enthousiasmereligieuxdesnéophytesengendreparfoisexubérenceetexagérationsunilatérales aussibiendans lapratiquequ’auniveaude ladoctrineet,enl’absencedeformationthéologiqueadéquate,peutcomporterdes risques ; la fermeture à l’intérieur de sonpropre groupe peut porter àvivreendehorsducontextedelavieparoissialeetdiocésaine;lerisquedeconsidérerlacommunautécommeunesortederefugedanslequelsenicher

pourfuirlesproblèmesdelaviefamilialeetsociale.»1245.«Lesmouvementsd’Église»,p.91.1246.L’Unitédesnations,p.47:«Chaquecommunautéquiprendpartàlacommunion est “une fraternité” associée à l’unique confraternité de touteslesSaintesTablesdecemonde,communautédetablesquisontparailleursfondamentalementouvertes.»1247.L’Unitédesnations,p.46.1248.Démocratisationdansl’Église,p.19-20.1249.Dans lenouveauCodededroitcanoniquede1983, lecanon204§1donneuncontenuthéologiqueàlanotiond’Églisecommerassemblementdefidèlesayantunespécificitédueàl’originedivinedel’Église.Danscecanontouslestermessontàlavoixpassive,etmanifestentainsilecaractèreproprede l’institution ecclésiastique qui préexiste à la volonté de fondation despersonnes. L’élément constituant de l’Église n’est pas la volonté despersonnesmaiscelleduChristqui rassemblesonpeuple.Lescanons96et849 lemontrent aussi. Cf. P. VALDRINI, « Communauté et institution endroitcanonique»inStudiacanonica41,2007,p.47-63.1250. « Pluralisme : problème posé à l’Église », p. 307-308 : Ce terme autemps des Pères de l’Église voulait exprimer la conscience de la synthèseentreunitéetmultiplicitéquis’actuaitàl’intérieurd’uneseulecommunautéecclésialeetcelaàplusieursniveaux:«LaparoleSymphoniasignifiel’unitédeschrétiensentreeux,laformed’unitédel’Église,quiparconséquentn’estpas simplement homophonie, mais reflète la forme structurelle del’expression de la vérité, sur laquelle repose l’unité. Par là, on veut direqu’aucunfacteurempiriquenesuffitàétablirlefondementdel’Église,maisque cette symphonie, qui est l’Église, ne peut être composée que par uneréaliténonempirique:l’EspritSaint.»1251.Cf.«Lesmouvements,l’Égliseetlemonde»,p.238.1252. Nous retrouvons ces éléments dans l’article de A. CATTANEO, « Imovimentiecclesiali.Aspettiecclesiologici.»p.402-406.1253.Cf.LG10-11.1254.Cf.LG4;LG12.1255.Cf.LG40.1256.Outrelechapitre4deLumengentium leConcileaconsacréledécretApostolicamActuositatemàcethème.1257. Cette idée a été exprimée de cette manière surtout après le synodeextraordinairedesévêquescélébréen1985.1258.«Lesfondementsanthropologiquesdelafraternité»,p.225.1259.Ibid., p. 226 ; J.RATZINGER-H.MAIER,Demokratie in derKirche

(1970).1260.Cf.Ibid.,p.227-230.1261.Cf.A.BORRAS,«La régulation canoniquedesministères confiés àdes laïcs » in Nouveaux apprentissages pour l’Église. Mélanges enl’honneurd’HervéLegrand,o.p.,Paris,Cerf,2006,p.377-399.1262.Entretiensurlafoi,p.47.1263. J.-M. DONÉGANI, « Quelques réflexions sociologiques pour unepastoraledesjeunes»inÉgliseetvocations14,p.20:«Ilnefautpasmoinscroireaujourd’huiqu’hierunevalidationducroirepersonnelcaronnepeutcroire tout seul, mais cette validation va être recherchée moins dansl’autorité, la tradition ou l’institution que dans l’expérience et son partageavec des autruis significatifs. Une validation mutuelle et affinitaire qui vaconduire à rechercher auprès d’autres, que l’on estime semblables ouproches, la confirmation de ce que l’on croit. La quête du répondant dontparleMichel de Certeau est toujours au fondement de toute validation ducroire. Il faut un autre témoin qui va recevoir pour vrai ce que l’on tientpourvrai,maiscetémoinvaêtrechoisicommeestchoisilesens,parrapportàsoi,dansuneproximitéàsoi.»1264.L.VILLEMIN,«Lesmouvementsetlesassociationsdefidèlesdanslamissiondel’Église»,inDocumentsÉpiscopat,8/2011,p.20.1265.LorsdelarencontredePentecôte,MgrScolaallaitdanslemêmesens,expliquant que l’appartenance à l’Église a toujours besoin de ponts et demédiateurs, c’est-à-dire du témoignage concret de personnes et decommunautés chrétiennes : « La réalité des mouvements dans l’Égliseuniverselle et dans l’Église locale », p. 111-112 : « Le fait chrétien […]rencontre la liberté des hommes dans toute sa diversité multicolored’histoires,de tempéramentsetde sensibilitésen l’appelantàunedécision.Ehbien,danscettedécisionlalibertén’estpasabandonnéeàelle-même.Eneffet, l’Esprit soutient le parcours des hommes qui adhèrent à Jésus-Christnotamment à travers ces dons particuliers que l’on appelle les charismes.Ceux-ciaident la liberté,envertudeleurforcedepersuasion,àadhéreraucontenude la traditio qui est l’événementmêmeduChrist. »MgrCoda lesouligne également : « Les nouvelles communautés ecclésiales et lesnouveauxmouvements,dondel’Esprit»,p.73-74:«Lesdonsministérielset sacramentels communiquent au peuple de Dieu le caractère objectif dumystère duChrist, les dons charismatiques et prophétiques sont destinés àdévelopperdemanièretoujoursnouvellelafaçondontlemystèreduChristestaccueillidanslasubjectivitédechaquecroyantetdanscelledel’Église.»1266.Cf.CICc.372.

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monde doit être un oui critique, qui contribuera à faireprogresser le monde parce qu’il s’en sait responsable ; cetteresponsabilitéprovientdelacaritaschristianasans laquelle lamissionn’aaucunsens.

Ainsi trois termes clés sont centraux lorsque J. Ratzingerétudie la nature de l’Église : l’Église estmystère, l’Église estcommunionetfraternité,l’Égliseestmission.Sestravauxsurcesujet croisent plusieurs champs de réflexions théologiques,signequesavolontéestdenepasintroduiredecésureprofondeentrelesdifférentsdomainesmaisplutôtdetisserdesliensentreles multiples approches du mystère chrétien, pour unifier etéclairer la foiet l’agirchrétien.Sonecclésiologie intègredoncdes éléments liturgiques, éthiques – la fraternité chrétienne –sacramentaires, eschatologiques, anthropologiques – ladimensioncommunautairedel’êtrechrétienetdusalutchrétien–missiologiques etœcuméniques.Onpeut cependant regretterque ces différents arguments ne fassent pas l’objet dedéveloppements plus longs et plus critiquesmais qu’ils soientplutôt juxtaposés pour exposer une synthèse et confirmer unethèsequ’il s’agit d’asseoir et nondediscuterdansune longueétudesystématique.C’estcertainementlàunelimiteimposéeparlaformedel’œuvredeJ.Ratzingeretlafinalitéqu’ilsefixe.

L’attentionportéeparJ.Ratzingeràlanatureetàlamissionde l’Église l’a amené à s’exprimer sur l’apostolicité et lacatholicitédecettedernière.

2–4.Laréférenceconstitutiveetfondatricedel’Égliseàl’apostolicitédesonorigineetdesaforme

J. Ratzinger montre que la succession apostolique est la

charpente indispensablepourpenser lamission.Sesétudessurla succession apostolique mettent en lumière le lien entre letémoin,laParole,lamissionetl’édificationducorpsduChristet soulignent que l’apostolicité est garantie et transmise par laconstitutionsacramentelleetministérielledel’Église.Maisparailleurs, ses interventions au sujet desmouvements sont, ellesaussi,l’occasiond’approfondirl’apostolicitédel’Églisevisibleàtraverslesvoiesnouvellesquel’Espritsuggèredansl’histoire.Ainsi, le lien entre apostolicité et sacerdoce commun est-ilclairement exprimé. J. Ratzinger note l’importance desmouvements qui sont l’occasion d’une prise de conscience etd’une redécouverte de l’apostolicité commune de l’Église. Ilinsiste d’ailleurs sur le fait que le ministère pétrinien et leministèreépiscopalsontauservicedel’apostolicitécommuneetdoivent veiller à promouvoir la responsabilité et favoriser laliberté de chacun au service de la mission nécessaire à la «réalisation»delacatholicité.

Si J. Ratzinger attache de l’importance à l’apostolicité del’Églisec’estque,desonpointdevue,lafiguredel’apôtreestcentrale pour réfuter toute ecclésiologie qui se voudraitexclusivement locale. L’apôtre en effet renvoie à la dimensionuniverselledelamissionecclésiale,àlacatholicitédel’Église.Ainsi, sa réflexion sur l’apostolicité est l’occasion de lierl’apostolicité, la catholicité et la dimension missionnaire del’Église et de rappeler la priorité qu’il donne à l’Égliseuniverselle.

Sondiscoursde1998auxnouveauxmouvementsfuteneffetl’occasiondereveniràcetteinsertionquiponctuesesécrits:«L’Église universelle précède les Églises locales qui seconstituent comme sa réalisation1291. » Pourquoi une telleinsistancedeJ.Ratzingersurcetteaffirmationquifaitdébat?Il

semblevouloir rappelerque lorsque l’onpenseà l’Égliseet samissionondoitpenseràl’Égliseune,corpsduChrist,peupledeDieuetnonpasréduirelamissionàl’auned’unpetitterritoirecherchantàsauvegardersonparticularisme.Sonsouciestl’unitéde l’Église. Or, la référence à l’universel est, par excellence,l’antithèsede la fragmentation, le rejetduparticularismeetdusubjectivisme.J.Ratzingerrejettelerelativismequisupprimelaréférence à l’universel. Cependant, ses écrits au moment duConcile donnaient une réelle importance à l’Église locale. Ondécèledoncuneréelletensionprésenteeneux.

3.LestensionsprésentesdanslesécritsdeJosephRatzinger

J. Ratzinger, fidèle à son désir d’être au service de lacommunion ou symphonia ecclésiale, a cherché àmontrer quel’unitédel’ÉgliseetlapluralitédesÉgliseslocales,lapapautéetlacollégialité,leprimatdusuccesseurdePierreetlecollègedes évêques sont de la même manière fondamentaux etessentiels. Il s’agit de pôles qui se rapportent l’un à l’autre,fondéssurl’unitéetlapluralitédelacélébrationeucharistique,etquidoiventavoirlemêmepoidsdanslastructuredel’Église.Cependant, nous observons une certaine « tension » et unedifficultéàdonnerréellementcepoidséquitableauxdifférentspôles. Certains accents laissent penser que cet équilibre estdifficileàtrouver.

Nous relevons donc trois lieux de tension particulièrementsignificatifs:lerapportentreÉgliselocaleetÉgliseuniverselle,laresponsabilitéduministèrepétrinienetduministèreépiscopalpar rapport à la mission de l’Église universelle, et enfin lesmodalitésdeparticipationdeslaïcsàlamissiondel’Église.

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l’hommeàlaconfianceetàlafoietderéintroduirel’actedefoià l’intérieur de la démarche de la raison. Mais le risquen’apparaît-il pasque cettedémarche soit comprisepar certainscommeundiscréditdelaréflexionphilosophiqueauservicedutravailthéologique?Quoiqu’ilensoit,celaresteundesenjeuxpourl’actethéologiquedansnotremodernitétardive.

Autermedecetravail,ilnoussemblepossibledesaisiruneprofondeproximitéentrel’œuvrethéologiquedeJ.Ratzingeretcelle deHenri de Lubac. Cela n’a rien d’étonnant, puisque lethéologien bavarois, parfois critique en regardant le panoramathéologiqueduXXe siècle, voit dans le théologien jésuite unede ces grandes personnalités qui sont, pour lui, de lumineuxexemplesdelamanièredontlathéologiepeutremplirsonofficespécifique. Cette mission de la théologie, nous l’auronscompris, est pour J. Ratzinger essentiellement d’offrir unecompréhensiondumystère chrétienplusprofonde et adaptée àchaqueépoqueafind’être l’alimentnécessaired’uneviedefoiquiveuttoujours«connaîtredeplusprèsceluiqu’elleaime1305». À cette fin, si J. Ratzinger ne cache pas combien, dès sapremière étude dédiée à l’ecclésiologie d’Augustin, il futparticulièrementredevableauxclarificationsapportéesparHenride Lubac dans ses écrits Corpus mysticum et Catholicisme,nous notons qu’il ne s’est pas simplement approprié sesprofondesintuitionsecclésiologiques,maisqu’ilaaussiréaliséuneœuvredontlaformeestprochedecelledujésuite.

Henri deLubac a, en effet, souvent insisté sur le caractèreoccasionnelde sesécritset s’est toujoursdéfendud’écriredestraités de théologie1306. En outre, le jésuite affirme1307 que lerenouveau théologique suppose une meilleure compréhensiondes rapports qui unissent la théologie et l’apologétique danstoutesagrandeur1308,etencelanouspensonsqueJ.Ratzinger

esttrèsprochedeHenrideLubac.Cederniersouligneeneffetqu’une « théologie s’anémie et se fausse qui ne conserve pasconstammentdespréoccupationsapologétiques»etque,d’autrepart, « il n’est pas d’apologétique qui, pour être pleinementefficace, ne doit s’achever en théologie1309 ». Le jésuite notequesaintAugustinetNewmanétaientdebrillantsapologistesetqueladoctrinechrétienneperdraitenforcedepenséecommeenvaleurspirituelle,sielleneseprésentaitd’abordsousuneformeapologétique, tout comme l’esprit chrétien faiblirait s’il n’étaitplus un esprit d’apostolat. La foi étant d’abord « BonneNouvelle », « quand on n’a pas le souci de montrer la véritécommeunesourcedevie,commelaseulesourceoùl’humanitépuisse boire la vie, on la diminue, et, la diminuant, on lafausse1310».Ainsiest-cebiencettedémarchequeJ.Ratzingerentendhonorer : exposer le contenude la foi, sans chercher àadapterledogme«aucapricedelamodeintellectuelle»,selonl’expressiondeHenrideLubac,maisenétantcependantattentifàécouterlesaspirationsdesgénérationsquisesuccèdentpouryrépondre.

Afin de répondre à ce défi, l’itinéraire d’Augustin commethéologienetpasteurest sourced’inspirationconstantepourJ.Ratzinger. La relecture qu’il fait de la vie d’Augustin, dont ilretient deux grandes conversions, est l’occasion pour lethéologienbavaroisdeméditersurl’Égliseetsurlaconversionpersonnelle. Ainsi, note-t-il, alors qu’à l’issue de sa premièreconversionAugustin s’était choisi « son » destin – vivre dansune sorte de communauté monacale entièrement adonnée à laParoleetàlacontemplation–ilcompritl’impératifduservice,ladynamiquepropreduchristianismeecclésial.Autrementdit,ilcomprit que l’Église ne pouvait être cette épouse duCantiquequineveutpasouvriràl’épouxenpleinenuitdepeurdesesalir

lespieds,cetteÉglisequiveutsatranquillitéetneveutpasêtredérangée par la saleté du monde. Mais le Christ, insiste J.Ratzinger,estceluiquinenouslaissepasunetelletranquillité,maisquifrappeàlaporteetcrie:Aperimihietpraedicame!ParamourduChristetparamourdeshommesenquiilavuleChrist,Augustin–c’estlàsasainteté,observeJ.Ratzinger–aquittélatourd’ivoiredelahautespiritualitéafindepouvoirêtreunhommeparmileshommes,serviteurdesserviteursdeDieu.

1285. Nous voyons ainsi combien il est proche d’Augustin qui a noué saréflexionàtraverslescombatscontrelesdonatistesetlespaïensetquicertespropose quelques traités systématiques mais dont la forme des écrits estl’homilétique.1286.«Bilandel’époquepostconciliaire»,p.422.1287.«Pluralisme:problèmeposéàl’Église»,p.316.1288.Ibid.,p.317.1289.«Constitutiondel’Égliseetconversion»,p.179.1290.Appelésàlacommunion,p.123.1291.«Lesmouvementsd’Église»,p.85.1292.«Lesmouvementsd’Église»,p.92:«L’aversionfaceàlaprimautéetla disparition du sens de l’Église universelle sont certainement liées au faitqu’onareliélanotiondel’Égliseuniverselletropexclusivementàlapapautéetquecelle-ci, isoléeetdétachéeducontextevivantdes réalitésde l’Égliseuniverselle, paraît comme un monolithe scandaleux qui dérange l’imaged’uneÉgliseréduiteauxservicespurementlocaux.»1293. On peut d’ailleurs se demander comment penser le ministère desévêquesnondiocésainssic’estuniquementengouvernantleurdiocèsequelesévêquesparticipentàlamissionuniverselledel’Église?1294.LG22.1295.Fondéeen1622.1296.CIC,c.605;cf.égalementVCn.62.1297. J. GROOTAERS, « Les synodes des évêques de 1969 et de 1974.Fonctionnements défectueux et résultats significatifs » in Dynamisme etprospective de l’ecclésiologie de Vatican II. Colloque international deBologne : 8-12 avril 1980, Paris, Beauchesne, 1980, p. 316-317. Lethéologien note que le synode de 1969 a contribué à redresser cette

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2–3.Larelationdel’Égliseaveclemonde:unmondeàévangéliseretàconduireàsoncréateur

2–4.Laréférenceconstitutiveetfondatricedel’Égliseàl’apostolicitédesonorigineetdesaforme

3.LestensionsprésentesdanslesécritsdeJosephRatzinger3–1.ÉgliseparticulièreetÉgliseuniverselle3–2.Ministèrepétrinienetministèreépiscopal3–3.Lesmodalitésderesponsabilitédeslaïcsàla

missiondel’Église:lesassociationsetlasynodalité

4.Lesrichessesetleslimitesduprojetratzingérien4–1.LaprécisiondudiscoursdeJosephRatzingeret

seslimites4–2.Lesinterlocuteursduprojetratzingérien

Bibliographie1.Textesofficiels2.Instrumentsdetravail3.ÉcritsdeJosephRatzinger4.ÉtudessurlapenséedeJosephRatzinger5.Étudesrelativesauxnouveauxmouvementsetauxcharismes

6.Autresouvragesetarticlesconsultés

Indexdesnomspropres

Danslamêmecollection

Danslamêmecollection

1.GenevièveMédevielle(dir.),Lesfinsdernières,2008.2. Luc Dubrulle,Mgr Rodhain et le Secours catholique.

Unefiguresocialedelacharité,2008.3.BèdeUkwuije,Trinitéetinculturation,2008.4.OlivierArtus(dir.),Eschatologieetmorale,2009.5.FrançoisCassingena-Trévédy,LesPèresdel’Égliseetla

liturgie,2009.6. François Bousquet et Henri de La Hougue (dir.), Le

dialogueinterreligieux,2009.7.François-MarieHumannetJacques-NoëlPérès(dir.),Les

Apocrypheschrétiensdespremierssiècles,2009.8. Claude Tassin, L’apôtre saint Paul. Un autoportrait,

2009.9. DenisVillepelet,Les défis de la transmission dans un

mondecomplexe,2009.10. Maurice Vidal (dir.), Jean-Jacques Olier. Homme de

talent,serviteurdel’Évangile(1608-1657),2010.11. Jacques-NoëlPérès (dir.), L’avenir de la terre, undéfi

pourlesÉglises,2010.12. Philippe Bordeyne, Éthique du mariage. La vocation

socialedel’amour,2010.13.François-XavierNguyenTienDung,LafoiauDieudes

chrétiens,gaged’unauthentiquehumanisme,2010.14.FrançoisMoog,Laparticipationdes laïcsà lacharge

pastorale.Uneévaluationthéologiqueducanon517§2,2010.15. Joël Molinario, Joseph Colomb et l’affaire du

catéchismeprogressif.Untournantpourlacatéchèse,2010.16. Catherine Fino, L’hospitalité, figure sociale de la

charité.DeuxfondationshospitalièresàQuébec,2010.17. René Tabard, La vie avec les morts. Expériences

humainesetfoichrétienne,2010.18.HenrideLaHougue,L’estimedelafoidesautres,2011.19. Dominique Barnérias, La paroisse en mouvement.

L’apport des synodes diocésains français de 1983 à 2004,2011.

20. Germain Jin-Sang Kwak, La foi comme viecommuniquée. Le rapport entre la fides qua et la fides quaechezHenrideLubac,2011.

21. Jacques-Noël Pérès (dir.), Familles en mutation,approchesœcuméniques,2011.

22.FrançoisMoogetJoëlMolinario(dir.),Lacatéchèseetlecontenudelafoi,2011.

23. Jean-Baptiste Lecuit (dir.),Le défi de l’intériorité. LeCarmelréforméenFrance,1611-2011,2012.

24.Jacques-NoëlPérès(dir.),Pratiquesautourdelamort,enjeuxœcuméniques,2012.

25. Thierry-Marie Courau (dir), assisté par Anne-SophieVivier-Muresan,Dialogueetconversion,mission impossible?,2012.

26. Yves-Marie Blanchard, L’Église mystère et institutionselonlequatrièmeévangile,2013.

27. Gwennola Rimbaut (dir.),Partager la parole de Dieuaveclespauvres,2013.

28.FrançoisMoogetJoëlMolinario(dir.),LacatéchèseauservicedelaNouvelleévangélisation,2013.

29.Jacques-NoëlPérès(dir.),LaréceptiondeVaticanII.Encinquanteans,quelseffetspourlesÉglises?,2014.

30.CatherineFino,Sortirdumoralisme,2014.31. Christophe Delaigue,Quel pape pour quelle Église ?

Papautéetcollégialitéendialogueavecl’orthodoxie,2014.

Achevéd’imprimerparXXXXXX,enXXX2014

N°d’imprimeur:Dépôtlégal:décembre2014

ImpriméenFrance